Insuffisance cardiaque congestive : place de l`ultrafiltration

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Insuffisance cardiaque congestive : place de l`ultrafiltration
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ANCAAN-1032; No. of Pages 5
ARTICLE IN PRESS
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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2016) xxx–xxx
Article original
Insuffisance cardiaque congestive : place de l’ultrafiltration
Congestive heart failure: Treatment with ultrafiltration
C. Taron-Brocard ∗ , V. Looten , B. Fahlgren , E. Charpentier , L. Guillevin , A. Barna
Comité d’évaluation et de diffusion des innovations technologiques (CEDIT), AP–HP, 3, avenue Victoria, 75004 Paris, France
Reçu le 21 juillet 2015 ; accepté le 29 avril 2016
Résumé
Introduction. – La prévalence de l’insuffisance cardiaque congestive est estimée dans les pays à haut revenu à environ 2 %. L’objectif de l’étude
était d’évaluer l’intérêt de l’ultrafiltration chez les patients ayant une insuffisance cardiaque congestive aiguë ou chronique.
Méthodes. – La méthodologie retenue a été décrite par le réseau européen EUnetHTA. Une revue systématique de la littérature a été réalisée en
consultant les bases de données bibliographiques. Des experts indépendants et des industriels ont également été sollicités.
Résultats. – Treize essais cliniques et cinq méta-analyses ont été identifiés. Dans la plus récente, 608 patients ont été inclus (304 avec ultrafiltration
contre 304 avec diurétiques intraveineux). L’ultrafiltration semble plus efficace que les diurétiques de l’anse intraveineux pour réduire le poids et
le volume plasmatique (différence entre les deux respectivement 1,44 kg IC95 % [0,29 ; 2,59], valeur de p = 0,01 et 1,28 L [0,43 ; 2,12], valeur
de p = 0,003). Aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence sur la mortalité globale ou la tolérance. Les données
médico-économiques restent parcellaires et contradictoires.
Conclusion. – La technique semble efficace et pourrait notamment être proposée aux patients ayant une insuffisance cardiaque congestive aiguë
inéligibles ou résistants au traitement médical conventionnel, incluant des diurétiques intraveineux. Mais de nombreuses incertitudes persistent,
notamment en matière de sécurité de la technique, de bénéfice direct pour les patients et de pertinence médico-économique. La généralisation
éventuelle du recours à cette technique devrait être menée avec prudence et conditionnée à la réalisation d’une évaluation systématisée à plus large
échelle.
© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS.
Mots clés : Ultrafiltration ; Aquaphérèse ; Hémofiltration ; Épuration extra-rénale ; Insuffisance cardiaque congestive
Abstract
Introduction. – The prevalence rate of congestive heart failure is approximately 2% in high-income countries. The aim of this study was to assess
the overall benefit of ultrafiltration therapy in patients with acute or persistent congestive heart failure.
Methods. – We conducted a health technology assessment following the EUnetHTA guidelines, with systematic literature review from bibliographic medical databases, independent experts and manufacturer interviews.
Results. – Thirteen clinical trials and five meta-analyses were examined. In the most recent one, 608 patients were included, of which 304 received
ultrafiltration therapy and 304 received intravenous loop diuretics. Ultrafiltration therapy seems to be more beneficial regarding the fluid removal
and the body weight reduction, (mean difference respectively 1.44 kg, IC95% [0.29; 2.59], P-value = 0.01 and 1.28 L [0.43; 2.12], P-value = 0.003).
No difference has been showed in overall mortality, renal function, hospital readmission or safety. Medico-economic studies are incomplete and
contradictory.
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Taron-Brocard).
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.028
0003-3928/© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS.
Pour citer cet article : Taron-Brocard C, et al. Insuffisance cardiaque congestive : place de l’ultrafiltration. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.028
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Conclusion. – Ultrafiltration therapy seems to be effective, most likely for patients ineligible or resistant to intravenous diuretics. But most
topics remain uncertain, mainly impact on overall mortality, safety and cost-effectiveness. Given these knowledge-gaps, the generalization of
ultrafiltration therapy should be examined cautiously, and conditional upon a large-scale systematic evaluation.
© 2016 Published by Elsevier Masson SAS.
Keywords: Ultrafiltration; Aquapheresis; Hemofiltration; Renal replacement therapy; Congestive heart failure
1. Introduction
La prévalence de l’insuffisance cardiaque congestive est estimée dans les pays à haut revenu à environ 2 % [1–3], et à environ
10 % chez les personnes âgées de plus de 80 ans [2,3].
L’un des objectifs thérapeutiques est de réduire la surcharge
hydro-sodée. Le traitement médicamenteux conventionnel
repose en premier lieu sur des diurétiques de l’anse administrés
le plus souvent par voie intraveineuse, associés le plus souvent à
des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des bêta-bloquants.
Son efficacité peut toutefois être insuffisante, notamment lorsque
les diurétiques deviennent inefficaces. En alternative ou en
complément aux traitements médicamenteux, l’ultrafiltration
plasmatique a été proposée. Il s’agit d’une méthode qui vise
également à réduire la surcharge hydro-sodée, mais de façon
non pharmacologique.
L’objectif de l’étude était d’évaluer l’intérêt de
l’ultrafiltration, comparée au traitement médical conventionnel, chez les patients ayant une insuffisance cardiaque
congestive aiguë ou chronique.
2. Patients et méthodes
Une revue systématique de la littérature a été réalisée. La
méthodologie retenue de l’évaluation a été décrite par le réseau
européen EUnetHTA, dans le cadre de l’évaluation des technologies de santé [4]. L’ensemble des données disponibles a permis
d’évaluer la technique selon quatre axes : technique, médical,
économique et organisationnel. Les bases de données Pubmed,
Embase et Cochrane ont été consultées en utilisant l’équation
de recherche : « (ultrafiltration OR aquapheresis) AND heart
failure ». Les avis émis par les autres agences d’évaluation des
technologies de santé et diffusés par l’International Network
of Agencies for Health Technology Assessment ont également
été consultés. Des experts, indépendants de l’analyse, ainsi que
l’entreprise GAMBRO® commercialisant le système Aquadex
FlexflowTM ont également été interrogés. Outre l’article présenté ici, un rapport d’évaluation a été publié par le Comité
d’évaluation et de diffusion des innovations technologiques de
l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris.
3. Résultats
3.1. Aspects techniques
L’épuration extra-rénale désigne l’ensemble des techniques
de suppléance de la fonction rénale mobilisant une circulation
extracorporelle. Deux mécanismes peuvent être utilisés : la
diffusion, en réponse à un gradient de concentration et
l’ultrafiltration, en réponse à un gradient de pression. Pour
réguler le volume d’eau plasmatique et réduire la surcharge
hydro-sodée, les gradients de pression, de concentration et l’effet
osmotique peuvent être exploités à des degrés variables, et le
mécanisme d’ultrafiltration devient prépondérant.
Plusieurs machines dédiées à l’ultrafiltration sont disponibles. L’une d’elles, le système Aquadex FlexflowTM ,
GAMBRO® , utilise la technique d’aquaphérèse et repose sur
un mode d’ultrafiltration « simplifié ». L’aquaphérèse est
considérée comme moins contraignante que l’ultrafiltration
conventionnelle. En effet, elle mobilise un volume sanguin
extracorporel moindre (35 mL contre 100–300 mL) [5] et un
débit sanguin également inférieur (10 à 40 mL/min contre 100 à
300 mL/min) [5]. En outre, l’acte peut être réalisé en n’utilisant
que des abords veineux périphériques, au lieu de cathéters de
plus gros calibre, artériels ou veineux centraux nécessaires en
cas d’ultrafiltration conventionnelle. Il est par ailleurs possible
de proposer cet acte dans le cadre d’une prise en charge ambulatoire, par exemple en hôpital de jour [6]. Selon le constructeur,
la surveillance de la procédure pourrait être confiée à une équipe
paramédicale. Enfin, l’encombrement de la machine est moindre
que celui des machines alternatives.
3.2. Aspects médicaux
Chez les patients ayant une insuffisance cardiaque congestive, l’ultrafiltration peut être proposée, en alternative ou
en complément au traitement médicamenteux conventionnel.
L’ultrafiltration utilise un mécanisme d’action différent de
celui des diurétiques et repose sur une extraction physique
des volumes liquidiens. L’ultrafiltration permettrait d’obtenir
une plus grande déplétion hydro-sodée que les diurétiques de
l’anse, sans induire d’autres perturbations hydro-électrolytiques,
notamment sur la kaliémie [7]. De plus, l’ultrafiltration pourrait
induire une moindre activation du système adrénergique et du
système rénine-angiotensine-aldostérone [8,9].
Parmi les articles disponibles, 5 méta-analyses et 13 essais
cliniques ont été retenus.
3.2.1. Ultrafiltration dans la prise en charge de
l’insuffisance cardiaque congestive aiguë
Huit essais cliniques [10–17] et cinq méta-analyses [18–22]
relatifs à l’ultrafiltration chez des patients ayant une insuffisance cardiaque congestive aiguë ont été identifiés (Fig. 1).
La méta-analyse la plus récente [22] a retenu les huit essais
Pour citer cet article : Taron-Brocard C, et al. Insuffisance cardiaque congestive : place de l’ultrafiltration. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.028
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976 arcles idenfiés
958 arcles non retenus
Insuffisance cardiaque congesve
aigüe :
-
8 essais cliniques
5 méta-analyses
Insuffisance cardiaque congesve
chronique :
-
5 essais cliniques
0 méta-analyses
Fig. 1. Diagramme des sources bibliographiques retenues.
cliniques identifiés lors de notre revue systématique. Au total,
608 patients de classe médiane d’âge 54–75 ans ont été inclus.
Une large majorité d’entre eux (93 %) présentaient une insuffisance cardiaque de stade III de la classification New York
Heart Association (NYHA) et une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 35 %. La moitié des patients inclus (n = 304)
ont été traités par ultrafiltration et l’autre (n = 304) par diurétiques intraveineux. Les auteurs ont conclu à la supériorité de
l’ultrafiltration par rapport au groupe témoin pour réduire la
volémie (différence : 1,28 L, IC95 % : [0,43–2,12], valeur de
p = 0,003) et le poids (différence : 1,44 kg, IC95 % : [0,29–2,59],
valeur de p = 0,01). Aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence sur la modification de la fonction
rénale, ni sur la mortalité globale ni encore sur le taux de réadmission à l’hôpital ou la tolérance.
Au total, les cinq méta-analyses ont retenu la supériorité de l’ultrafiltration comparée au traitement médicamenteux
conventionnel sur la réduction du poids et du volume déplété
(Tableau 1). Mais aucune n’a démontré de différence sur les
autres critères de jugement, notamment la survie des patients.
La sécurité de la technique reste largement méconnue, du fait
de l’indisponibilité de la majeure partie des données relatives
à ce sujet. Toutefois, aucune différence évidente n’a été décrite
jusqu’à la réalisation de la présente évaluation.
Enfin, aucune des études disponibles n’a comparé spécifiquement l’efficacité de l’aquaphérèse à celle des techniques
alternatives d’ultrafiltration.
Dans la sous-population spécifique des patients ayant
une insuffisance cardiaque congestive aiguë compliquée
d’insuffisance rénale aiguë, dans le cadre d’un syndrome cardiorénal, le devenir des patients sous ultrafiltration pourrait par
ailleurs être défavorable comparé au traitement médicamenteux
conventionnel, notamment en matière d’évolution de la créatininémie et du poids après 96 heures de traitement [15].
3.2.2. Ultrafiltration dans la prise en charge de
l’insuffisance cardiaque congestive chronique
Cinq essais cliniques [8,23–26] (Fig. 1) ont été retenus. Ils
ont inclus un faible nombre de patients (entre 16 et 42) ayant
une insuffisance cardiaque modérée, de stade NYHA II-III.
Selon les auteurs, l’ultrafiltration permettrait de diminuer le
retentissement cardiaque, notamment les pressions de remplissage droite et gauche [8,23,24,26], et d’améliorer la fonction
respiratoire, notamment la consommation maximale en oxygène
[23–25], d’environ 15,8 à 17,6 mL/min/kg [23]. Ces modifications ont persisté pendant au moins trois mois [8,23]. Les
durées d’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone
et adrénergique ont été raccourcies chez les patients traités par
ultrafiltration (48 heures, contre 4 jours chez les patients traités
par diurétiques) [8].
Les auteurs ont avancé l’hypothèse d’un transfert de liquide
interstitiel pulmonaire, secondaire à la déplétion du volume sanguin induite par l’ultrafiltration [23,26].
3.3. Aspects médico-économiques
En Grande Bretagne, la prise en charge d’un patient traité
par aquaphérèse reviendrait à 1904 D (£ 1379), contre 1064 D
(£ 771) pour le traitement médicamenteux conventionnel [27].
Aux États-Unis, même en tenant compte d’une possible
réduction de la fréquence des hospitalisations, la probabilité que
l’ultrafiltration se traduise par des réductions des dépenses de
santé a été considérée comme très faible [28], quelle que soit la
perspective retenue (société, assurance-maladie ou hôpital).
Au Québec, une étude médico-économique a conclu, a
contrario, que l’ultrafiltration permettrait d’économiser 555 D
(775 dollars canadiens) par patient traité par rapport au traitement médicamenteux conventionnel, notamment en réduisant la
durée d’hospitalisation [29].
Pour citer cet article : Taron-Brocard C, et al. Insuffisance cardiaque congestive : place de l’ultrafiltration. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016),
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Tableau 1
Principaux résultats des méta-analyses retenues.
Perte de poids (kg)
Volume éliminé (L)
Mortalité
Fonction rénale
Réhospitalisation
Tolérance
Wen et al., 2013 [18]
Zhi et Liang, 2013 [19]
Kwong et Yu, 2013 [20]
De Vecchis et al., 2014 [21]
Chen et al., 2015 [22]
p
p
p
p
p
Comparaison
+
+
=
=
=
=
1,44 [0,29 ; 2,59]a
1,28 [0,43 ; 2,12]a
0,90 [0,61 ; 1,33]b
1,29 [0,90 ; 1,85]b
0,71 [0,43 ; 1,18]c
NDd
+
+
ND
=
ND
+
Comparaison
1,91]a
1,25 [0,59 ;
1,06 [0,57 ; 1,56]a
NDe
1,33 [0,63 ; 2,82]b
NDe
NDd
+
+
=
=
=
ND
Comparaison
2,48]a
1,33 [0,19 ;
1,46 [0,28 ; 2,64]a
0,98 [0,60 ; 1,59]c
0,06 [−0,10 ; 0,21]a
0,90 [0,70 ; 1,17]c
NDd
+
+
=
=
=
ND
Comparaison
2,44]a
1,23 [0,03 ;
1,28 [0,43 ; 2,12]a
1,08 [0,63 ; 1,86]b
0,01 [−0,30 ; 0,32]a
0,89 [0,39 ; 2,00]b
NDe
+
+
ND
=
ND
ND
Comparaison
2,36]a
1,77 [1,18 ;
1,2 [0,73 ; 1,67]a
NDe
1,33 [0,81 ; 2,16]b
NDe
NDe
+ : différence statistiquement significative, en faveur de l’ultrafiltration ; = : pas de différence démontrée ; − : différence statistiquement significative, en défaveur de
l’ultrafiltration ; ND : données non disponibles.
a Différence moyenne.
b Odds-ratio.
c Risque relatif.
d Pas de comparaison d’ensemble disponible, seulement des comparaisons par sous-groupes.
e Analyse non réalisée.
En France, il n’existe pas de codification spécifique de l’acte
d’aquaphérèse par l’assurance-maladie. L’acte le plus proche est
la séance d’ultrafiltration plasmatique (codée FEJF009), remboursé à 45 D , soit quinze fois moins que le prix du kit à usage
unique utilisable au maximum 72 heures, avec un prix catalogue
annoncé à 700 D . La tarification actuelle de l’acte et sa valorisation hospitalière ne couvrent donc pas les surcoûts engendrés
pour la structure de soins.
3.4. Aspects organisationnels
L’ultrafiltration et notamment l’aquaphérèse sont
d’utilisation simple [29,30], mais nécessitent une formation spécifique, notamment pour le personnel infirmier. L’acte
peut alors être réalisé en ambulatoire, du fait des faibles débits
sanguins nécessaires. L’entretien de la compétence acquise par
les équipes de soins nécessite toutefois une pratique suffisante.
4. Discussion
Bien que la supériorité de l’ultrafiltration n’ait pas été démontrée dans la réduction de la mortalité ou de la fréquence des
ré-hospitalisations, sa plus grande efficacité pour réduire la volémie semble établie par rapport au traitement médicamenteux
conventionnel. La portée des études disponibles est toutefois
limitée par l’hétérogénéité des patients inclus, la variabilité des
prises en charge et les courtes durées de suivi des patients. Il
n’est en outre pas possible à ce stade d’identifier précisément
les patients répondeurs.
Cette technique pourrait être proposée chez les patients
ayant une insuffisance cardiaque congestive, notamment en
cas d’inéligibilité ou de réponse insuffisante aux diurétiques
intraveineux. Toutefois, il n’existe pas à ce jour de définition
consensuelle de la résistance aux diurétiques.
Une attention particulière devrait être portée à la normalisation des procédures. À ce titre, et malgré les données déjà
disponibles, une étude à plus large échelle reste nécessaire pour
préciser la place de l’ultrafiltration dans la stratégie de prise en
charge des patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive.
Les données médico-économiques sont contradictoires et
par ailleurs très dépendantes du pays dans lequel l’analyse
est conduite. De plus, le financement de la formation des
personnels n’a pas été pris en compte dans l’estimation des
coûts de la technique. Selon les données disponibles, le coût
de l’acte dépasserait celui de son remboursement probable
par l’assurance-maladie. Dans le cas où cette technique serait
adoptée, la question de la revalorisation possible des groupes
homogènes de séjour correspondants ou de l’opportunité de facturer des séances d’ultrafiltration en sus de l’hospitalisation sera
posée.
Sur le plan organisationnel, une coopération entre plusieurs
spécialistes paraît nécessaire pour poser l’indication, réaliser l’acte et assurer le suivi au décours. À terme, en cas de
déploiement important de la technique, deux filières distinctes
pourraient être organisées selon la gravité des patients. Les
patients sévères pourraient être pris en charge dans les services
de soins intensifs. À l’inverse, en l’absence d’insuffisance cardiaque aiguë, les malades pourraient être accueillis dans des
structures plus souples, comme l’hôpital de jour.
L’aquaphérèse est une des techniques d’ultrafiltration disponible, mais rien n’étaye sa meilleure efficacité par rapport aux
autres. Sa plus grande facilité d’emploi constitue certainement
son meilleur avantage concurrentiel.
La technique pourrait, dans un premier temps, être mise à
disposition dans un nombre limité de centres spécialisés réalisant
un nombre suffisant d’actes et à même de proposer une prise en
charge globale incluant le suivi au décours.
5. Conclusion
L’ultrafiltration semble présenter un intérêt dans la prise en
charge des patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive. La technique pourrait notamment être proposée aux patients
souffrant d’insuffisance cardiaque congestive aiguë inéligibles
ou résistants à un traitement médical conventionnel, incluant des
diurétiques de l’anse intraveineux. En ce sens, l’ultrafiltration
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répondrait à un besoin de santé incomplètement couvert et
constituerait une alternative thérapeutique d’intérêt.
Pour autant, de nombreuses questions restent posées, notamment en matière de sécurité de la technique, d’efficacité sur
des critères cliniquement pertinents tels que la mortalité et la
qualité de vie, de rapport coût-efficacité ou encore des critères
d’éligibilité précis. La généralisation du recours à cette technique devrait donc être menée avec prudence et conditionnée à
une évaluation systématisée à plus large échelle.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Remerciements
Le présent travail a été réalisé et financé dans le cadre de
l’activité du Comité d’évaluation et de diffusion des innovations
technologiques de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris.
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Pour citer cet article : Taron-Brocard C, et al. Insuffisance cardiaque congestive : place de l’ultrafiltration. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.028

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