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Vieillir dans la rue Mieux comprendre l’itinérance et la très grande précarité des personnes de 55 ans et plus. Rapport de recherche Septembre 2013 Vieillir dans la rue Mieux comprendre l’itinérance et la très grande précarité des personnes de 55 ans et plus. Rapport de recherche membres de l’équipe de recherche : Josiane Akrich, Matthias Berthet, Tania Jiménez, Sébastien Payeur, avec l’appui de Noémi Lagacé Lefebvre sous la supervision scientifique de : Lucie Gélineau, Ph.D rédaction : Lucie Gélineau révision : Sébastien Payeur mise en page : Tania Jiménez remerciements : Toutes les personnes accompagnées du PAS de la rue ainsi que Bernard Bastien, Micheline Bélisle, Nathalie Brisseau, Joëlle Gauvin-Racine, Khadim Gueye, et Anne-Marie Michaud. financement : Gouvernement du Québec, « Soutien aux initiatives visant le Respect aux ainés » Table des matières Balises théoriques 2 Balises conceptuelles 3 Balises méthodologiques 3 Comment lire et comprendre les résultats de cette recherche? 4 De quelle parole s’agit-il ? Portrait des participant-e-s à la recherche 5 Vivre en situation de grande précarité : saisie sur image à la lumière des capabilités 6 Mieux comprendre les interrelations entre les facteurs alimentant la précarité ou l’empowerment 16 Les agrégats corrosifs : quand le jeu entre certains facteurs vient restreindre le champ des possibles 16 Les agrégats fertiles : quand l’amalgame de facteurs donne des ailes pour briser le cycle de l’itinérance et de la grande pauvreté. 21 Des pistes d’interventions structurelles et pratiques 25 Annexes27 Bibliographie 49 1 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 « Tu veux savoir comment les itinérants vivent. C’est là que vous avez un problème. Vous ne le savez pas. » Antoine 1 Le PAS de la rue, un organisme de Montréal qui cherche à assurer le respect des droits des personnes âgées de 55 ans et plus en situation d’itinérance ou de grande précarité, a souhaité créer un espace de paroles afin de mieux comprendre les réalités des personnes qu’il dessert. Il souhaitait particulièrement saisir les enjeux liés à la place dans la société de ces aîné-e-s, leurs aspirations à y jouer un rôle ainsi que les défis rencontrés pour y arriver. Une recherche qualitative, avec l’appui du programme « Soutien aux initiatives visant le Respect aux aînés » du Gouvernement du Québec, a ainsi vu le jour afin d’accroître la connaissance sur ce phénomène de l’itinérance des personnes âgées tout en contribuant au développement de stratégies et de services. 1 Tous les noms sont fictifs. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 2 1 Balises théoriques « Je suis un sans-abri, je ne suis pas un sans dessin. » Antoine Les écrits d’Amartya Sen (2000: 124) et de Martha Nussbaum (2012) en matière de « capabilités »1 ont balisé les travaux de recherche. Cette approche, utilisée dans des études et outils internationaux de comparaison de la qualité de vie2, prête une attention particulière aux injustices et aux inégalités sociales, à la discrimination ainsi qu’à la marginalisation. Elle nous apparaissait un cadre inspirant pour venir jeter un éclairage original sur la problématique des personnes âgées en situation d’itinérance et de grande précarité. Sen (2000) maintient que l’égalité des chances est toute relative : le pouvoir qu’a un individu d’exprimer ses potentialités et de participer de façon inclusive à une communauté ou à la société, dépend, au-delà des ressources individuelles ou des histoires de vie, du contexte socioculturel, économique et politique en place. Et c’est cet arrimage entre les possibilités personnelles et structurelles qui fait souvent défaut. L’expression « capabilité » réfère donc aux possibilités individuelles et collectives (souvent interdépendantes) dont dispose une personne pour choisir et agir dans une situation politique, sociale et économique particulière et ainsi pouvoir exprimer ses potentialités tout en participant pleinement à la collectivité. Ces possibilités sont des espaces de liberté et de choix qu’une personne peut décider d’exercer ou non.(Nussbaum, 2012). Nussbaum, en répondant à la question « Qu’est-ce qu’une vie humainement digne exige », propose dix capabilités3 qui représentent des domaines de libertés si centraux que leur absence rend la vie indigne (Nussbaum, 2012: 54). Ces 10 capabilités centrales sont : la vie; la santé du corps; l’intégrité du corps; les sens, l’imagination et la pensée; les émotions; la raison pratique; l’affiliation; les autres espèces; le jeu; ainsi que le contrôle sur son environnement politique et matériel. Comme nous l’illustrerons, toutes ces sphères sont directement touchées par les situations d’itinérance. Les facteurs freinant l’expression des capabilités ont tendance à se renforcer entre eux, réduisant encore plus le champ des possibles et accentuant l’exclusion. On parle alors de désavantage corrosif. D’autres facteurs sont au contraire « fertiles », c’est-à-dire qu’ils favorisent, par leurs interactions, l’inclusion sociale dans le respect des potentialités personnelles, venant servir et consolider l’expression des capabilités (Wolf et De-Shalit in Nussbaum, 2012). Enfin, les conditions propices aux capabilités, pour être effectives, doivent également s’exprimer dans la durée, en ce sens qu’elles « doivent être protégées des caprices du marché ou du pouvoir politique » (Nussbaum, 2012 : 68). L’exploration de ces facteurs fait l’objet d’une section spécifique de ce rapport. Enfin, les capabilités s’avèrent être des balises intéressantes pour penser l’action. Pour Nussbaum toujours, le travail du gouvernement doit faire en sorte que les individus soient capables de poursuivre une vie digne et minimalement épanouie en améliorant leur qualité de vie et en garantissant à tous les citoyen-ne-s au moins un seuil de ces dix capabilités centrales. Des mesures politiques fondées sur les capabilités, viennent ainsi protéger et soutenir l‘autonomie, du fait d’offrir des espaces de choix, plutôt que d’infantiliser les gens et les traiter comme des récipiendaires passifs de bénéfices (Nussbaum, 2012 : 52). Nous présenterons dans la dernière partie de ce rapport les recommandations découlant du travail d’analyse. 1 Voir également l’Association pour le développement humain et l’approche par les capabilités (HDCA). 2Par exemple : l’échelle du développement humain du Programme des Nations-Unies pour le développement; la mesure des performances économiques et du progrès social issue de la commission Stiglitz en France. 3 Sen n’a pas proposé dans ses travaux, du moins à notre connaissance, de telle liste. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 3 2 Balises conceptuelles Dans cette recherche, nous considérions comme « personne en situation d’itinérance,» toute personne se retrouvant : • en situation d’itinérance visible, c’est à dire hébergée dans des foyers et des abris d’urgence (dont les centres d’hébergement pour violence conjugale) ou vivant l’expérience de dormir dans des endroits inadéquats, comme la rue, les parcs et les fossés, les cages d’escaliers, les autos ou les édifices désaffectés; • en situation d’itinérance cachée, c’est à dire demeurant temporairement chez des ami-e-s ou des membres de sa famille, ou toute autre personne pouvant ne pas être dans la rue. Est aussi considérée en itinérance cachée toute personne qui persiste, pour ne pas se retrouver dans la rue, à demeurer dans des lieux où elle fait l’objet d’actes violents et dégradants; celle qui, une fois le logement payé, n’a plus d’argent pour gérer le quotidien, entre autres la nourriture; celle qui risque d’être expulsée de son logement sans avoir les moyens de se reloger; celle qui vit dans des édifices hors normes, physiquement dangereux, ou dans des logements surpeuplés (Bouchard, 1988; Burt, 1996; Ramji, 2002; Novac et autres 2002 in RAIIQ et Gélineau (2008)) et enfin, celle qui use des institutions faute de logement (RAIIQ & Gélineau, 2008). Les épisodes d’itinérance cachée, visible et de stabilité résidentielle alternent fréquemment dans les histoires des personnes. Par personne en situation de précarité financière, nous référons à toute personne dont le revenu annuel se retrouve sous le seuil de la mesure de faible revenu — MFR4 , établi pour 2010 à 19 457$ avant impôt pour un individu vivant seul (Institut de la statistique du Québec, 2012). Par personne en situation de grande précarité financière, nous entendons toute personne dont le revenu personnel se retrouve sous le seuil de la mesure du panier de consommation — MPC5, établi pour 2010 à 15 209$, pour un individu vivant seul à Montréal (Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, s.d.). 3 Balises méthodologiques Les résultats présentés sont tirés d’une recherche qualitative; c’est à dire que notre attention a porté sur le sens des mots et de l’expérience vécue et non sur les nombres et les statistiques. Pour y arriver nous avons cherché à entendre la voix de personnes âgées de 55 ans et plus fréquentant le PAS de la rue afin d’avoir accès à la complexité de leur histoire et mieux la comprendre en s’appuyant sur une démarche rigoureuse. De plus amples détails sur la méthodologie, dont les outils de collecte, sont présentés en annexe. La stratégie de collecte de données a comporté trois vagues. La première a consisté en deux entretiens individuels en profondeur auprès de 9 participant-e-s âgé-e-s de 55 ans et plus, s’appuyant sur une cartographie participative des lieux fréquentés ainsi que la prise de photographies de lieux, d’objets ou de faits et gestes significatifs, pour un total de 18 entretiens. Une 2e vague, dans une perspective d’échantillonnage théorique, 4« Le seuil de référence de la Mesure du faible revenu (MFR) correspond à la moitié de la médiane du revenu de ménage (après impôt ou avant impôt) des particuliers de tous âges. » (Institut de la statistique du Québec, S.d.) 5La mesure du panier de consommation est une mesure de référence qui permet de suivre les situations de pauvreté sous l’angle de la couverture des besoins de base. La référence ainsi établie est le revenu disponible à la consommation nécessaire pour se procurer un panier de biens et services déterminé (Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, 2009: 31). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 4 a permis d’affiner notre compréhension de l’impact du passage des 65 ans et de l’accès à la pension de la sécurité de la vieillesse du gouvernement canadien. En tout, 5 personnes furent invitées à y participer, dont 3 nouvelles recrues. Dans une 3e vague, un sondage, permettant de consolider certaines découvertes et d’identifier leur singularité ou non en regard des utilisateurs du PAS de la rue, a été mené auprès de 81 personnes de 55 ans et plus fréquentant diverses ressources en itinérance, dont 43 au PAS de la rue. Toutes ces données ont été analysées selon un mode conjuguant à la fois l’induction et la référence à l’approche des capabilités (mode inductif délibératoire), dans le cadre de sessions d’analyse collective et individuelle. Les données ont été traitées à l’aide des logiciels NVivo et Dedoose. L’analyse quantitative a été assistée quant à elle par Survey Monkey. Nous avons cherché, dans le cadre de ce rapport à transmettre la diversité des voix en laissant une large place aux paroles. Celles-ci ont été toutefois dépersonnalisées par souci d’anonymat6. À cette fin, des pseudonymes ont été attribués. Ces stratégies de collecte et d’analyse ont été pensées dans le respect des critères de scientificité propres au qualitatif soit les critères de fiabilité, de transférabilité, de crédibilité et de confirmation. Elles ont été balisées par la question suivante : « Comment se vit l’itinérance ainsi que la grande précarité des 55 ans et plus fréquentant le PAS de la rue ? ». Comment lire et comprendre les résultats de cette recherche?7 Si la méthodologie est rigoureuse, les résultats d’une recherche qualitative permettent de cerner l’essence même du phénomène à l’étude. Si un élément revient systématiquement dans l’histoire non seulement d’une personne, mais de plusieurs, qu’il est donc en d’autres termes récurrent, on peut statuer que cet élément constitue une caractéristique, un trait constitutif du phénomène. Si après un certain nombre d’entretiens, peu de nouvelles données sont produites, on parle alors de saturation. On peut mettre un terme à la collecte de données. On peut alors prétendre avoir cerné l’essence d’un phénomène pour une population donnée, dans un espace-temps circonscrit. En général, 5 à 25 personnes peuvent suffire tout selon la complexité du phénomène (Polkinghorne in Creswell, 2007: 121). Dans une recherche qualitative, on fait donc peu allusion à la quantification si ce n’est quelques fois pour souligner l’importance de certaines récurrences dans le discours. Le but n’est donc pas de voir combien de femmes et d’hommes âgé-e-s ont vécu telle expérience. Il est plutôt de comprendre, à partir de la diversité des expériences individuelles, ce que signifie vivre en situation d’itinérance ou de grande précarité lorsqu’on est âgé. Un peu à l’image des toiles pointillistes, où c’est l’ensemble des touches de couleur qui permettent d’avoir une idée juste du paysage, peu importe la fréquence d’utilisation d’une couleur donnée. Ainsi un élément cité une seule fois peut aider à mettre en lumière une caractéristique importante du phénomène à l’étude. Un peu comme une touche de peinture blanche dans une toile de couleurs vives. Lorsque des données sociodémographiques sont fournies, il faut être vigilant à ne pas transposer ces données à l’ensemble de la population des personnes âgées en situation d’itinérance. Ces données permettent de dresser le portrait des personnes rencontrées, d’appuyer notre compréhension du phénomène, mais ne peuvent être transposées de façon symétrique à l’ensemble de la population. La démarche d’échantillonnage requise pour une recherche qualitative qui vise, nous le rappelons, la compréhension d’un phénomène, est différente de celle requise pour une recherche quantitative. Toutefois, si la démarche qualitative fut rigoureuse et la saturation atteinte, on peut dire que cet élément d’information est une caractéristique du phénomène. On se doit donc d’en tenir compte. Le sondage réalisé visait à venir soutenir les pistes qualitatives, à explorer les spécificités propres ou non aux usager-e-s du PAS de la rue et donner ainsi plus de robustesse aux propos en croisant les méthodes. Les résultats de ce sondage ont été utilisés dans une perspective qualitative (voir annexe pour plus de précisions). 6 Par exemple, changement du sexe des enfants, de l’origine ou de toute autre donnée sociodémographique qui permettrait d’identifier nommément et aisément un e participant e. 7 Adapté de RAIIQ and Gélineau (2008) Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 5 4 De quelle parole s’agit-il ? Portrait des participant-e-s à la recherche Lors de la réalisation des entretiens : Des 12 participant-e-s aux entretiens individuels : • 9 étaient des hommes, 3 des femmes; • 5 étaient en logement, 7 sans logement; • 3 avaient moins de 65 ans, 2 ont effectué le passage de 64 à 65 ans pendant la collecte (janvier 2012 à juin 2013), 6 avaient 65 ans et plus et un-e n’a pas révélé son âge. En ce qui a trait aux 81 participant-e-s au sondage : • 54 % fréquentaient le PAS de la rue, 46 % une autre ressource montréalaise en itinérance; • 82 % était des hommes, 18 % des femmes; • 88 % d’entre eux ont été en situation d’itinérance à un moment de leur histoire mais tous-tes vivaient une grande précarité financière; • 96 % vivaient seuls; • 55,6 % d’entre eux avaient moins d’une 12e année de scolarité, 24,7 % une 12e année (sec. V) et 19,8 % des études collégiales ou universitaires; • 65 % avaient moins de 65 ans, 35 % 65 ans et plus; En ce qui a trait aux 71 participant-e-s au sondage ayant vécu des situations d’itinérance dans leur parcours de vie : • 49 % provenaient du PAS de la rue, 51 % d’autres ressources en itinérance; • 86 % étaient des hommes, 14 % des femmes; • 96 % d’entre eux vivaient seuls (100 % des femmes); • 55 % avaient moins d’une 12e année de scolarité, 24 % une 12e année (sec. V) et 21 % des études collégiales ou universitaires; • 70 % avait moins de 65 ans, 30 % 65 ans et plus; 6 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 5 Vivre en situation de grande précarité : saisie sur image à la lumière des capabilités Capabilités centrales Moments de vie et leur définition La vie « Être capable de mener sa vie jusqu’au terme d’une vie humaine de longueur normale. Ne pas mourir prématurément ou avant que sa vie ne soit tellement réduite qu’elle ne vaille plus la peine d’être vécue » (Nussbaum, 2011 : 55) J’ai le minimum entre 800 et 1000$ [par mois]. C’est sûr que je ne suis pas riche. Mais je vais quand même être capable de survivre et de mesurer mes dépenses. Mais quand c’est en bas de ça, bien là, on vient qu’on panique. Ce n’est pas suffisant, alors aussi bien mettre un terme à tout… J’en étais rendue là quand je suis entrée à la Mission Old Brewery [ndlr, OBM]. Ça faisait un ou deux mois que j’étais dans la rue et je trouvais ça difficile parce que c’était la première fois. Bien pour moi, j’étais prête à quitter ce monde. Si j’ai quelques larmes, c’est parce que je pense que j’aurais pu faire une bêtise, une vraie. Dieu n’a pas voulu. / Sylvie Quand tu as été dans la rue, que tu as couché dehors pour de vrai et que tu es resté un certain laps de temps et bien bon Dieu c’est une grâce d’être là ! Ils se disent qu’il y en a un sur la gang par année qui s’en sort quand tu es rendu comme à l’OBM ou ces endroits-là. (…) Moi, je remercie la vie de m’avoir gardée en vie. Je suis contente d’être là. Parce qu’autant j’ai voulu mourir, autant j’ai voulu crever et que je disais : «Maudite Christophe de vie ! Qu’est-ce que je fais ici sur cette maudite terre ! ». (…) J’avais un mal de vivre écœurant… Aujourd’hui autant j’ai voulu crever, autant je veux vivre, autant je veux être là, autant je veux essayer de participer en tout cas. / Anne-Marie La foi c’est important surtout dans les moments spécifiques où cela va un peu moins bien. C’est important d’essayer de maintenir sa foi. Je pense que si je n’avais pas eu autant de force morale, parce que j’ai quand même pas mal de force morale… Il y a des gens qui n’ont peut-être pas eu 10 % de ce que moi j’ai subi et puis ils ont craqué; parce que ça, la force morale c’est comme une force physique. La force morale tu l’as ou tu ne l’as pas. La force physique également. J’ai connu des gens mêmes très forts et puis qui se sont suicidés. C’est arrivé jusqu’au suicide un moment donné. Cela veut dire que la force physique était là mais pas la force morale. / Simon Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 La santé du corps « Être capable d’être en bonne santé; être convenablement nourri; avoir un abri décent » (Nussbaum, 2011 : 55) 7 Mais je ne suis pas chez nous. Je ne peux pas m’installer et m’endormir. Il fallait que je me watche pour ne pas dormir. Comprends-tu? Car quand tu es dans la rue, quand tu es dans ce domaine-là, tout y goûte. Ta santé. Ton hygiène. Ton soin de la peau. Tes cheveux… Si tu as toujours une tuque sur la tête, un moment donné, ça va te piquer sur la tête. La preuve, je me gratte ici. Ça fait 2,3 mois. Pourtant, c’est rien qu’au début de l’hiver que j’ai fait ça. Et je l’ai encore. C’est ça l’itinérance. L’itinérance, tu n’as pas d’argent. Tu n’as pas de dignité. (…) Je vais te dire, j’ai ma douche tous les matins et j’en n’aurai plus tout à l’heure, car je retourne dans la rue. Tu vas voir, il va certainement y avoir un changement en quelque part. Tu vas t’en apercevoir dans tout : dans mon hygiène, dans mon humeur. Dans tout, parce que je vais être retombé là. Le jour, je vais être plus fatigué. Par rapport que la nuit, je ne dormirai pas peut-être tout le temps : les bruits de ronflements, tu sais, dormir là-dedans… Et quand ça pue des pieds, essaye… Là tu te lèves, tu t’habilles, tu sors à minuit, tu repasses la nuit debout. Tu n’as pas dormi. Tu peux faire ça une couple de jours. Mais un moment donné… / Antoine Le délai (pour une demande HLM) est si long, pareil que le mur de Chine. Écoutez! C’est la que je dis que les gouvernements n’opèrent pas. Il y a des centaines de buildings qui sont à louer, à louer, c’est vide. Pourquoi ils ne font pas? Je ne sais pas. (…) J’ai donné mon nom dans plusieurs associations pour en avoir un, même aux HLM de Montréal. Tous, il y a des listes d’attentes longues comme les deux bras (...) : “ d’ici un an ou deux vous allez être appelé monsieur”. Tu n’étais pas pour me le dire avant ? Cela prend du temps ...Allez chercher des papiers... (Et les appartements réguliers), ils sont trop chers pour tout le monde pas juste pour moi. Moi j’aime bien les 1 1/2, les 2 1/2 et j’aime bien ça. Mais c’est 650 $, 800$ et puis à venir jusqu’à date je n’ai pas trouvé (...) C’est dur à trouver (…). J’ai même essayé il y a trois ou quatre mois sur le plateau MontRoyal mais cela n’a pas… Pour quelle raison je ne sais pas. La femme elle a dit : « rappelez dans 2 ou 3 jours, on n’est pas certain si on va le louer ». Merci. (…) / Vidal Vieillir dans la pauvreté, ça fait mal. Autant côté dignité que côté physique. Je trouve que c’est important de savoir qu’on est toujours à l’affût : « est-ce qu’il va me manquer ci, ou ça ? Est-ce que je vais en avoir assez pour payer telle chose? » Ça mine votre physique en même temps. Ce n’est pas juste le mental et l’inquiétude; ça se rejoint. Parce qu’on avance et qu’on est à revenu modeste, est-ce qu’on prendra des allures de personne qui a été très marquée ou diminuée par la vie? Un peu comme un vieux monument qui est à toutes intempéries. C’est ça… Oui… quand on le regarde, au premier coup d’œil il est magnifique. Ça c’est indéniable. Mais, c’est ça. Si t’avances… Tu n’as pas vraiment l’argent nécessaire, tu deviens comme un monument qui avec le temps s’effrite / Sylvie 8 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 L’intégrité du corps « Être capable de se déplacer librement de lieu en lieu; d’être protégé contre une attaque violente, agression sexuelle et violence domestique comprise. Avoir des possibilités de satisfaction sexuelle (Nussbaum, 2011 : 55) Tu sais, il y a des gens avec qui j’ai passé des soirées... ce n’est peut-être pas gentil à dire, mais que si j’avais le choix, je n’aurais pas été avec cette personne-là. Mais c’est des amis d’infortune, tu sais. C’est un peu comme : tu es dans un bateau, tu coules à pic et puis tu es dans un canot de sauvetage avec quelqu’un que tu es lié intensément et puis [pfft] tu vas sauver la vie de l’autre et puis il va sauver la tienne s’il arrive quelque chose. Mais quand tu reviens sur terre, tu ne te revoies plus jamais parce que tu n’as rien d’autre en commun. / Alexandre Moi, je n’étais pas révoltée, j’étais enragée ! Il n’y avait pas un mot qui ne sortait pas de ma bouche sans que je dise un ostie de calice. J’étais enragée quand je suis sortie de la rue. Il ne fallait pas que tu me touches par ce que… J’avais toujours le mot ostie dans la bouche tu sais… J’avais été violée par trois personnes, en même temps, ça fait que j’avais peur comme de raison. / Anne-Marie La première semaine (quand je me suis retrouvée dans la rue), j’avais peur. Parce que je me disais : « d’un coup que je m’endors un peu plus profond, pis je n’ai pas le temps de voir venir ce qui peut se produire, qu’est-ce qui va m’arriver? » Mais après une semaine, je me suis dit : « Non! Advienne que pourra. Je mets ça dans les mains de celui qui décide tout. Si c’est comme ça que je dois passer, c’est comme ça que je passerai. Sinon il va s’arranger pour que je continue d’avancer. » / Sylvie Les sens, l’imagination et la pensée « Être capable d’utiliser ses sens, d’imaginer, de penser, de raisonner, et de faire tout cela d’une manière « vraiment humaine ». Une manière informée et cultivée par une éducation adéquate; être capable c’est utiliser l’imagination et de penser en lien avec l’expérience et la production d’œuvres et d’évènements de son propre choix, religieux, littéraires, musicaux, etc. être capable d’utiliser son esprit en étant protégé par les garanties de la liberté d’expression (discours politiques, artistiques et liberté de culte). Être capable d’avoir des expériences qui procurent du plaisir et d’éviter les peines inutiles ». (Nussbaum, 2011 : 55-56) J’aime bien la bibliothèque [nationale]. Cela va être mon endroit de prédilection. (À la bibliothèque, je passe mon temps) à l’ordinateur, à me promener, à lire, à n’importe quoi… C’est un endroit qui est paisible normalement (…). C’est d’ailleurs un désavantage, arrivé à un certain âge, parce que l’on est limité dans nos possibilités mais l’avantage est qu’on a beaucoup de liberté. Et puis dans vos loisirs, c’est quoi que vous faites ? Normalement je devrais faire de la musique, si je pouvais récupérer mon instrument. / Samuel On ne peut pas faire l’amour l’estomac vide, on ne peut pas aller visiter un musée l’estomac vide, on peut pas rencontrer des gens avec l’estomac vide. Donc (le plus important) c’est le logement, la nourriture et après ça c’est les échanges et la culture. (…) Tu sais, je suis dans ma petite misère... Je suis correct, je suis très bien. Mais sous l’œil des autres, cela fait comme un verre grossissant de ma situation. Je ne peux pas aller au cinéma. Je ne peux pas aller au restaurant. Je ne peux pas aller au Festival des neiges. Ce soir j’aurais voulu aller voir le chanteur, là, noir, qui est à Montréal. Tiken Jah Fakoly... Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 9 Je l’ai vu à matin, qui sautait, j’ai dit ah, il est à la Fête des lumières, oh, bah, j’ai dit, ce soir... Je voulais y aller, un soir, bien habillé. Aller passer une petite soirée-là. Et puis en même temps, j’ai dit je vais aller le voir. Mais non, il est au Métropolis. Il n’est pas sur une scène extérieure et puis j’ai regardé les billets et c’était 50 $. C’est sûr (que c’est trop cher). Quand je travaillais, c’est des choses que je faisais, tu sais, aller au cinéma, plusieurs fois par mois, aller aux spectacles, aller au restaurant, inviter du monde, mais là… en tout cas je ne vois pas comment je peux retrouver des activités avec des amis ou quelqu’un même de plus proche. Tu sais je me contente de mes petites poubelles et puis de mon logement, et puis je regarde la télévision. / Alexandre Comme dans le métro avant, tu n’avais pas besoin de payer. Il y en a un, je ne sais même plus c’est qui, j’ai été voir la Ville de Montréal, il s’est nommé président des musiciens de rue et ils font passer des auditions. Fait que là , ça devient bureaucratique. Il faut que tu ailles chercher ton permis. Comme hier, je regardais un article, trois personnes avec un violon, et l’autre avec une basse, ils jouaient de la musique. C’est fantastique! Ils ont déjà des subventions, je suis sûr et certain pour aller au conservatoire mais là c’est leur sideline. C’est qu’ils prennent la place d’un pauvre d’après moi. Mais là il y en a tout plein qui prennent la place des pauvres à Montréal, partout… Je n’ai rien contre ce qu’ils font. Si François Dompierre et Pierre Lapointe décident d’aller jouer dans le métro de Montréal, je m’en tape, mais qu’ils nous empêchent de jouer wouoh! La je n’embarque pas. Moi je n’irai pas sur le stage de la Place des arts prendre sa place. C’est officiel ça. Pour moi c’est sans pardon pour cette décision-là. / Vidal Les émotions « Être capable de s’attacher à des choses et des gens autour de nous; d’aimer ceux qui nous aiment et qui s’occupent de nous, de regretter leur absence; de manière générale, être capable d’aimer, de regretter, d’expérimenter la nostalgie, la gratitude, la colère légitime. Ne pas voir son développement contraint par la peur et l’angoisse. (…) soutenir des formes d’associations humaines ». (Nussbaum, 2011 : 56) Ma sœur était à Montréal, cela faisait un an ou deux ans que j’étais à Montréal, moi je vivais dans une petite chambre de rien. La toilette était dans le passage, la douche était dans le passage. Elle m’a téléphonée et m’a dit : « Ma sœur! J’arrive, je suis chez notre cousin ». Elle me dit : « je viendrai te voir demain ». Je lui dis : « j’ai un rendez-vous chez le médecin je vais aller te rencontrer chez eux ». Je ne le voulais pas que ma sœur voit ça ! Et je ne voulais pas que mon père sache ça. Que j’avais été dans la rue. Cette fois-ci (depuis l’obtention de la sécurité du revenu), je suis contente d’ouvrir ma porte et je suis fière ! (…) J’ai un peu plus d’argent et puis je peux suivre les autres. Dans mon bloc si on va manger au restaurant, je peux suivre. Je ne prendrai pas la même chose que les autres mais cela ne me dérange pas. (…) Avant ça, je n’aurais pas pu aller avec eux-autres. Je sors beaucoup avec les femmes c’est tout des nouveaux lieux. / Anne-Marie Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 10 On apprend à vivre dans la rue directement, à savoir comment se comporter. À vivre avec les gens qui ont été dans la rue, il n’y a plus grand-chose qui me fait peur. Cela ne m’a jamais fait peur auparavant mais ça me fait encore moins peur. Je connais le milieu maintenant, ça ne me dérange pas tellement. Il n’y a pas d’endroit où je me suis interdit d’aller à cause de cela. Les gens… C’est une vie qui est difficile, c’est dur, c’est très dur les gens qui sont là-dedans. J’ai appris à dealer avec les gens de la Maison du père qui n’était pas des cas faciles. Un coup que l’on a passé au travers de ça, il n’y a plus grand-chose qui nous énerve. / Samuel Le futur ça me fait peur. Si j’y pense comme il faut, cela me fait peur. J’ai peur d’être encore plus pauvre. J’ai peur d’avoir de la difficulté à me nourrir parce que je vais être pauvre. La difficulté à fonctionner par ce que je vais avoir besoin d’aide et je ne suis pas sûr de trouver l’aide qu’il faut. En plus, ils veulent mettre les pensions à 67 ans. Ça insécurise beaucoup. / Antoinette La raison pratique Être capable de se former une conception du bien et de participer à une réflexion critique sur l’organisation de sa propre vie : possibilité d’organiser sa propre vie donc de choisir et d’organiser les fonctionnements qui correspondent aux autres capabilités (Nussbaum, 2011 : 56; 63) La pauvreté, mets-là où tu voudras, c’est pas d’argent, ou à peu près. Quand je suis là, ça me tente-tu de manger ça? D’après toi… pas sûr… Ça me tentes-tu d’être à côté de lui qui pue? Qui a mauvaise haleine? Ça me tente-tu d’être pogné dans cette marde-là? Pas sûr. J’aimerais bien mieux être ici. Avec de la vraie bouffe. Avec de quoi que je pourrais me faire à mon goût, non pas cet ostie de marde-là. Quelqu’un qui est dans un logement, il est dans ses affaires. Il peut prendre sa douche le matin. Il peut faire son lavage. N’importe quoi. Il peut faire sa toilette. Ici tu ne peux pas le faire. Tu ne peux pas faire ton lavage quand tu es là, impossible. Tu ne peux pas faire ta toilette quand tu es là. À moins que tu t’en ailles dans les toilettes où 56 cochons sont passés par là. Ça sent les pieds. Ça sent la marde. Ça sent tout, sauf ce que tu veux sentir. (…) Et quand tu rentres dans la douche, il y en a 50, qui sont là, et qui te voient le cul. Pas sûr, que cela me tente. Là, tu vas me dire qu’à OBM, ils ont tous des douches séparées. Bien oui, mais tu es en bobettes dans le passage, parmi une gang d’ostie de trous de cul qui sentent le câlisse. (…) Tu ne peux pas être bien dans une mission. Tu vas être là, par rapport à ce que tu n’as pas le choix. Tu n’as pas le choix. Fait que tu te ramasses là. Parce que tu ne veux pas coucher dehors. Et quand c’est l’été, comment ça se fait que les gars couchent dehors? Par rapport à qu’il fait chaud, tu es bien. Tu te couches plus tard, tu n’es pas obligé de rentrer. À la Maison du père, il faut que tu sois là pour une heure [13 heures, dans la file]. Tu rentres à deux heures [14 heures]. Je serais déjà rentré à la Maison du père, à l’heure qu’il est là. Toute la journée, je suis comme en prison, là. C’est plate! Tu ne peux pas fumer. Tu ne peux pas (sommeiller). Tu ne peux pas cruiser. Tu ne peux pas rien faire. (…) Tu es pogné dans la vie, à rien faire. Essaye, quand tu es itinérant, une chose. Estie : ça, c’est la meilleure. Quand tu es itinérant, et que tu vis dans 11 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 les missions, essaye de te pogner une blonde. C’est impossible. Impossible. / Antoine C’est beaucoup d’incertitudes quand on vit chez quelqu’un d’autre. J’ai eu de mauvaises expériences. Cinq endroits que j’ai essayés, cinq, c’est mon cinquième, en dedans d’un an et demi. J’ai habité quatre mois avec d’la parenté. Deux mois pratiquement trois, chez un couple dont un avait le cancer et il est mort pas longtemps après que je sois parti. À Dorval, il y avait une autre personne que je connaissais (…); J’essaie le partage d’appartement avec l’autre qui est parti au mois de mars… Je ne parle pas des autres endroits où j’ai dormi chez les autres membres de ma famille et les centres de convalescence. Je ne parle pas de cela. C’est des logements que je partageais et puis je payais ma part. Cinq places. À date cela va bien, où je suis c’est correct. J’ai ma propre chambre. J’ai ma télévision, c’est correct; je ne sais pas combien de temps cela va durer c’est pour ça que c’est encore incertain. Et puis si cela ne marche pas eh bien au mois d’avril, je foutrai le camp dans une ville et pis c’est correct. Je vais me débrouiller autrement. Les dettes, on va les mettre de côté et puis je les paierai quand je pourrai les payer. Je ne m’empêcherai pas de respirer et puis de dormir comme du monde à cause de mes dettes qui ne sont quand même pas énormes mais qui sont là quand même. / Samuel Par contre ils peuvent se défendre en disant « hé ben monte au transit ». Mais dans la ligne, le gars il ne paye pas de loyer, tandis qu’au transit, il va en payer. Il y en a beaucoup qui refusent à cause de cela. (…) Tu vas avoir les mêmes repas qu’un résident, au lieu d’avoir un couvre-feu mettons à 9:00 (21 :00) ben je pense qu’ils l’ont à 11:00 (23 :00). (…) (Mais si) tu pars pour la fin de semaine, il faut que tu avertisses que tu ne seras pas là. Tu as toujours des comptes à rendre. Tandis que dans la ligne, tu n’en n’as pas de comptes à rendre. Puis en plus eux autres, dans le transit, tu es... administré. Obligatoire. Ça fait que ton chèque, tes chèques, whatever, cela va directement dans leur banque à eux-autres. Ferme ton compte de banque. Ça fait que c’est tout des affaires qui donnent encore des enjeux sur celui qui veut se prendre en main. Ceux qui dépensent tout leur argent cela ne les aide pas ça ? Ça, sur ce côté-là ça peut être bon pour ce monde-là. Il y en a pas beaucoup. Il n’y en a pas beaucoup... il peut y avoir un alcoolique, ou un drogué. D’après moi, c’est bien plus parti pour ce monde-là. Pour ce monde-là, ils n’ont pas besoin de Transit eux autres parce qu’ils ne la chercheront jamais l’ouvrage. Ce qu’il y a, eux autres ce qu’ils ont besoin, c’est de la résidence. / Sylvain Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 L’affiliation A) Être capable de vivre avec et pour les autres, de reconnaître et d’être attentif à d’autres êtres humains, de prendre part à différents types d’interactions sociales; être capable d’imaginer la situation d’autrui. (Nussbaum, 2011 : 56) 12 Des fois cela me rend bien malheureuse d’être seule, de ne pas avoir une vie à deux chez moi. [silence] Et puis je rajouterais, que quand on est sur l’aide sociale, c’est difficile d’être à deux parce qu’ils coupent des sommes. En plus, je vis dans (un logement social) et eux autres, ils ne veulent pas que j’aie personne avec moi; sinon je vais perdre ma subvention. Donc je me sens doublement piégée. / Antoinette Le centre Denise-Massé, ça représente du confort. Ça représente la sécurité. C’est les amis... bah des connaissances, plus une amie qui vient. C’est précieux, c’est comme le PAS de la rue, c’est comme un deuxième chez moi. Et puis je vois ça dans le futur aussi parce que je n’ai pas de famille par ici, pour moi cela représente comme d’aller dans la famille. Cela fait partie de mes trucs d’aller là, de me confier ou d’écouter quelqu’un. / Antoinette C’est pas facile aujourd’hui le monde de faire des rencontres, tout ça. Ils te chient dans la face aujourd’hui et puis tu ne sais pas ce que tu peux recevoir. Cela fait penser au petit Jésus quand il a fait son passage sur la terre : il a aidé. Il a passé au cash. Ils l’ont flagellé. Ils ont tout fait. / Adrien B) avoir les bases sociales du respect de soi et de la non-humiliation; être capable d’être traité avec dignité et dont la valeur est égale à celle des autres, des dispositions pour interdire les discriminations (Nussbaum, 2011 : 56-57) [Parlant d’une fête d’Halloween, dans un parc] J’étais comme tout le monde, j’étais là. J’aurais pu me déguiser si j’avais prévu, mais, pas vraiment... Tu sais, j’ai parlé avec du monde. Cela a été une rencontre sociale comme... je... tu sais. Je suis rentré chez moi, j’étais plein, j’étais content, j’étais satisfait et puis je n’avais pas eu besoin… Tout le monde était dans aucune position sociale, tout le monde était des monstres ou des Tintin ou des... tout le monde était un personnage et puis il n’y avait pas de niveau social. / Alexandre Je n’ai pas d’excuses à mon âge. Puis, je le prends oui et pis non. « Tu n’as pas d’affaire à être mal pris vieux criss »(…) »Tu profites et puis tu abuses de la situation! Tu es un Bougon! » Eh! Faudrait pas gratter dans le fond du chaudron parce que comme je dis : “ils font leurs affaires, je fais la mienne” et j’essaye de tirer le meilleur parti de cela et puis c’est tout. (…) Moi j’ai assez de craindre pour aller à la Maison du Père et puis me le faire reprocher après. Ça c’est… La gifle ! « Qu’est-ce que tu fais à la Maison du père ? Tu n’es pas capable? (…) » / Vidal Tu peux te ramasser dans n’importe quelle galère quand tu es itinérant. Puis, quand tu es itinérant, tu as perdu ta dignité. Puis vu que tu as perdu ta dignité, tu te ramasses où mon homme? Dans toutes sortes de lits de marde; toutes sortes de marde qui en entraîne une autre. Tu vas te ramasser toxicomane. (…) Mettons que tu redonnes la dignité au gars, à repartir droit, bien tabernacles tu l’enlèves de toute l’ostie d’itinérance qu’il peut passer dans sa vie. / Antoine 13 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 Les autres espèces « Être capable de développer une attention pour et de vivre en relation avec les animaux, les plantes et le monde naturel » (Nussbaum, 2011 : 57) Est-ce qu’il y aurait une image pour ce dont tu aimerais parler? Quelque chose qui te tient à cœur et que tu aimerais exprimer? La lune. Je suis lunatique, c’est vrai. J’aimais bien mieux quand j’étais jeune et encore aujourd’hui, j’aime bien mieux me promener le soir et puis regarder la lune. Cela ne me tente pas de regarder le monde qui marche à côté de moi mais cela me tente de regarder dans les airs. La lune et les étoiles cela me suffit et puis je suis bien là-dedans. Je rêve d’avoir mon… Aller me promener sur l’océan juste voir les étoiles, parce que l’on ne voit pas cela à Montréal. J’ai vu une fois, une fois. Peut-être en Afrique, il y a des nuits de même, mais à Montréal, n’essaie pas de voir ça. La lune ça va mais les étoiles on ne les voit pas. (…) Avec un de mes amis, on faisait un peu d’astronomie avec la société d’astronomie amateur. Avec un bon télescope, on voyait de temps en temps les anneaux de Saturne. On pouvait voir Jupiter. / Samuel Au Parc Lafontaine. J’ai fréquenté les pigeons et les écureuils pas mal l’an passé, cette année j’y vais moins ça n’adonne pas. Je vais aller porter des choses parfois, ça peut être une simple tranche de pain, diverses affaires. Un bout de temps, j’aimais ça faire ca par ce que ça occupe et puis… Et puis c’est des êtres vivants.… Il y a des compensations à aller chercher là-dedans parce que comme tu viens de le dire ce sont des êtres vivants et si tu fais quelque chose pour eux, ils vont essayer à leur manière de te le rendre. Comme une espèce de merci exprimé. C’est formidable parce qu’on voit qu’ils sont contents d’avoir ta visite. / Simon J’ai fait le tour des jeunes qui sont dans la rue avec les chiens, j’ai fait le tour de plusieurs. J’en suis venu à l’évidence que tu ne pouvais pas avoir un refuge avec un chien. Fait que là, j’ai dit à ces jeunes-là : « cela serait une bonne idée que quelqu’un fasse un refuge pour les gens qui sont sans domicile fixe mais qui ont un chien. Qu’il y ait une accommodation pour les chiens. » Tout le monde disait « oui mais… ». Il faut le faire, tu sais. Ça causerait probablement des problèmes d’hygiène supérieurs à ce que s’il y avait juste des gens. Mais malgré tout, je me suis accroché à mon chien. Tu sais, il fallait me voir avec mon bon manteau de cachemire et puis avec ma petite valise sur roulettes d’aéroport et puis avec mon chien de race, sur le coin de la rue, tu sais : « je suis un itinérant » (Rires). Mais tout le monde me disait « débarrasse-toi de ton chien. Donne ton chien. Va le porter à la SPCA. Tu vas voir tes choses vont se régler beaucoup plus facilement ». J’ai fait garder le chien, et puis là j’ai été hospitalisé plusieurs jour au Royal Vic et puis mon téléphone, ma batterie était en panne. Et puis le temps que j’étais là, le gardien a vendu le chien. Parce que cela faisait plusieurs jours que je n’étais pas allé le chercher et puis 14 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 il ne pouvait pas me rejoindre. (…) L’attachement à mon (nouveau) chien, qui était mon fidèle ami, quand cela allait bien et quand ça allait mal, c’est le seul lien affectif intense que j’ai eu pendant les derniers trois ans. / Alexandre Le jeu Être capable de rire, de jouer, de jouir de loisirs (Nussbaum, 2011 : 57) Denise Massé, c’est une chose qui est gratuite premièrement. On n’a pas besoin de sous pour se rendre là. Même si c’est la fin du mois et qu’on n’a plus de sous, ils vont nous accepter, comme le PAS de la rue d’ailleurs. On est très bien reçus. Puis, [plusieurs repas par mois], on se rencontre plusieurs personnes. Ça fait du bien. Ça fait du bien. On n’est pas jugées. On peut participer à des activités, on peut jouer aux cartes Moi c’est beaucoup pour jaser. Jaser et écouter. / Antoinette Je me suis loué… Mais je m’ennuyais. J’avais l’appartement. Il y avait un Provigo. Je pouvais faire mon épicerie là. Mais j’étais tout seul ! Je m’ennuyais de jouer aux cartes à la Maison du Père. / Victor Les petites sœurs. Ça fait longtemps, cela fait 15 ans que je m’occupe d’eux autres [bénévolement]. Je suis attaché avec eux-autres. Ce n’est pas pour profiter de manger, ce n’est pas ça, c’est pour me consacrer à donner des coups de main, a aider. (…) c’est de me tenir occupé. (…) moi c’est mon plaisir de les rencontrer, de me tenir avec d’autres... Je vais là c’est pour me tenir occupé, pas être isolé, renfermé et puis… Moi je suis habitué de vivre, comme on dit… …avec le monde. c’est ça, partager, rencontrer le monde. / Adrien Le jeu Le contrôle de son environnement matériel et politique. : A) Politique : être capable de participer efficacement au choix politique qui gouverne sa vie; avoir le droit de participation politique, la protection du libre discours et de la libre association. À cause des horaires, je ne peux pas m’en aller travailler. Parce que moi, s’il faut que je sois là [une ressource] à 10:00 pour manger, je ne peux pas être à deux places. Si je m’en vais travailler, et je n’ai rien à me mettre dans le ventre, je ne pourrai pas travailler. Tu sais, ça ne toughera pas mon affaire. Tu as tout le temps une run. Tout le temps. On appelle ça le système de la rue. C’est comme le système carcéral. Une fois que tu es pogné dedans… [Me trouver une job] ça, c’est faisable. Mais c’est de me rendre à bout, pour pouvoir le faire. Bien beau trouver de la job, mais il faut que je la fasse. Mais s’il faut que je la fasse, bien je ne peux pas aller manger là. Il faut que j’aille une place pour coucher. Une place pour me laver. Si je n’ai pas de place pour me laver, ça ne va pas bien. Je vais arriver encore tout crotté, au travail. / Antoine 15 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 B) Matériel : Être capable de posséder et jouir de la propriété sur une base égalitaire avec les autres; avoir le droit de chercher un emploi sur une base égalitaire avec les autres; être protégé contre les perquisitions et les arrestations arbitraires. Dans son travail être capable de travailler comme un être humain, d’exercer ses raisons pratiques et d’entrer dans une relation sensée de reconnaissance mutuelle avec les autres travailleurs (Nussbaum, 2011 : 57) Les gens des fois, quand on est sur le marché du travail, l’itinérance c’est un milieu, le travail c’est un autre milieu. Cela me mettrait plus à l’aise pour avoir un gîte, parce que quand tu travailles c’est important d’avoir un chez toi. C’est très important car la tu ne peux plus te soumettre à un horaire des gens qui sont dans l’itinérance et puis qui sont obligés de rentrer à une heure des fois très tôt. Très tôt dans la journée il faut que tu rentres parce que sinon tu n’auras pas de lit pour la soirée. Tu es obligé de te conformer à un horaire qui est établi régulièrement. D’un site à l’autre, les dortoirs où on va sommeiller, les horaires peuvent être différents d’un endroit a l’autre. [Ça] fait qu’il faut se conformer. C’est ça. / Vincent À la rue? Je ne suis pas à la rue. Moi dans mon cas, (…) Il y a des refuges, des chambres d’hôtel, des petites chambres cheap, un sac-à-dos, un sac de couchage, une boîte de carton. (…) Mais cette époque est finie tout est… Il y a des agents de sécurité partout. Ça a changé, le monde, Montréal, y en a plein qui disent que c’est game over, c’est tout du moderne… / Vidal Et puis des fois ça pouvait arriver que je fasse un petit somme à Bonaventure. Mais ce qui arrive, c’est que si la police passe, si je me réveille et bien là il dit « Monsieur vous pouvez pas vous coucher étendu comme cela avec vos bottes en cuir et puis tout ça. Il faut que vous mettiez vos bottes et puis que… On tolère si vous êtes assis » Mais là, si tu es bien fatigué et bien des fois assis c’est moins confortable. Oui c’est ça. Moi je suis chanceux, je n’ai plus de contraventions, je n’ai plus de mandat contre moi, fait que là, cela ne me dérange plus. Il ne me demande pas mon nom. Et quand bien même il me demanderait mon nom cela ne me dérange pas non plus parce que j’ai tout réglé mes affaires. Cela va bien. J’avais des billets d’infraction au code de la route, de stationnement. Oui j’en avais depuis 2009. (…) À la Place Dupuis, tu peux aller la comme tôt le matin si tu veux déjeuner, si tu as des sous dans les poches sinon tu peux aller prendre un café. Faut quand même prendre quelque chose parce que sinon ils vont nous faire voir que tu es mieux de sortir à l’extérieur. Mais si tu as un dollar ou deux dans tes poches… C’est ça, ils ne t’ennuient pas. Depuis trois ou quatre ans, ils ont été obligés à un moment donné de (faire du ménage) là-dedans. Ce n’était plus vraiment les gens de la Place qui venaient. C’était les gens de… de la rue. Pourtant ils sont tolérants non? Oui mais là il a fallu qu’ils mettent le holà. / Simon Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 16 6 Mieux comprendre les interrelations entre les facteurs alimentant la précarité ou l’empowerment 6.1 Les agrégats corrosifs : quand le jeu entre certains facteurs vient restreindre le champ des possibles Selon les données recueillies, ce n’est pas tant la présence d’un facteur que la conjugaison de plusieurs qui restreint les choix des individus8. Leur conjugaison les rend vulnérables à l’itinérance, en limitant les possibilités de bénéficier de programmes et mesures en place, de saisir des occasions favorables ou de vivre selon la norme. Le jeu entre ces facteurs accentue les problématiques de violence, de santé mentale et physique, ainsi que de dépendance au jeu, à l’alcool, aux médicaments, aux drogues. De même, les mesures et barèmes de certains programmes gouvernementaux ou services accentuent la vulnérabilité de personnes âgées en situation de grande précarité plutôt que de représenter la porte de sortie escomptée. le trou noir des 55-64 ans, l’inaccessibilité de l’emploi, l’insuffisance de revenus et vivre seule La conjugaison du fait, pour une personne, d’être âgée de 55 9 à 64 ans, de ne pouvoir accéder à l’emploi et de vivre seule fait en sorte qu’elle est moins à même de faire des choix d’inclusion et plus à risque d’itinérance, que celle-ci soit épisodique, cyclique voire, pour les hommes, stratégique. Un emploi inaccessible « À 40 ans, ils jetaient déjà mes applications dans les vidanges. À 55 ans, ils ne font rien que te regarder (sans te les demander]. » Sylvain À travers leurs récits, se dessine un monde du travail axé sur la performance, où sont valorisées les compétences et les forces de la jeunesse, où le travail demandé est exigeant physiquement, où l’apparence physique joue un rôle souvent important, et où la conjoncture économique favorise la disparition des métiers et du travail manuel, et mousse les savoirs certifiés et diplômés. Or, les 55-64 ans rencontré-e-s cumulent, pour la plupart, les mêmes entraves à l’emploi. Tous-tes nomment leurs incapacités, liées à leur condition physique, conjuguées à leur âge et pour certain-e-s à leur manque de qualification et de mobilité, à se retrouver du travail. Leur curriculum vitae est émaillé pour plusieurs de mille petits métiers ou contrats; sans compter les trous liés aux périodes d’aide sociale, aux problèmes de santé physique et mentale et pour certains aux séjours en pénitencier. Bien que plusieurs programmes et politiques mettent le travail comme LA solution pour améliorer les conditions de vie, les programmes de réinsertion, à durée limitée et précaire accentuent avec l’âge ces profils de travail hachurés. À la longue ces conditions de travail précaires, qui comportent souvent peu d’avantages sociaux, fragilisent. À la longue, cette succession de milieux de travail épuise et mène, à la fin cinquantaine début soixantaine, à une impasse. 56 % des participant-e-s au sondage avec expérience de l’itinérance étaient des travailleurs /travailleurs manuel-le-s ou artisans. 8 Ces facteurs sont souvent « magnétisés » par un facteur plus central. 9 L’échantillon était composés d’hommes et de femmes âgé-e-s de 55 ans et plus. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 17 Avoir de très faibles revenus « À un moment donné c’est comme surhumain, là, toujours à subvenir à des besoins de base... C’est comme te faire un feu de camp, tu frottes deux roches ensemble et puis finalement tu fais un feu, mais quand tu as de l’argent pour acheter des allumettes il n’est pas question de frotter des roches. J’ai frotté des roches pendant trois ans et demi, là, tu sais. » Alexandre Dans les périodes de transition, vu l’absence de protection sociale (non accès au chômage, non-reconnaissance des accidents de travail, absence d’assurance invalidité, travail autonome), plusieurs hommes et femmes ont épuisé leurs économies en raison des règles de l’accès aux revenus de dernier recours en vigueur, drainant capacités physiques et mentales. Une grande source d’injustice, à la lumière des témoignages entendus, est l’absence de recours, pour un ensemble de citoyen-e-s, à une assurance invalidité de longue durée ou transitoire. Déqualifier du milieu de travail, sans économie ou sans assurance et seul-e-s, les revenus d’aide sociale représentent pour les 55–64 ans la source de revenu ultime. Les programmes d’aide sociale et de revenu de solidarité sociale sont jugés par l’ensemble des répondants, démonstrations à l’appui, largement insuffisants pour répondre aux besoins de base. De plus, plusieurs sont aux prises avec des dettes petites et grandes qui viennent grignoter le peu de revenu10. Être seul-e fait en sorte qu’on ne peut compter sur l’aide de la famille, d’un ou d’une conjointe pour pallier les difficultés ou partager les frais liés à la couverture des besoins essentiels. Les conditions minimales pour exercer librement des choix ne sont donc pas en place. Des participant-e-s au sondage avec expérience de l’itinérance, 55 % se qualifiaient de travailleurs -euses manuel-le-s ou d’artisans (40 % chez les femmes); 20 % ont été travailleurs autonomes (0 % chez les femmes); 52 % n’ont jamais occupé d’emplois permanents (70 % chez les femmes); 78 % avaient l’équivalent d’un secondaire V ou moins de scolarité (70 % chez les femmes); 80 % n’avaient pas accès à une assurance salaire (60 % chez les femmes). En tout, 96 % d’entre eux, au moment du sondage, étaient seuls (100 % chez les femmes). De plus, 62 % (50 % chez les femmes) disent avoir quitté un logement faute de moyens financiers adéquats. 23 % pour des raisons de logement inadéquat (insalubrité, feu, délabrement). Parmi les critères qui font en sorte d’avoir l’impression de « manger plus de misère », 60,32 % (80 % chez les femmes) nomment le fait d’avoir très peu d’argent Une itinérance stratégique « Je sais qu’il y en a qui vont dire :”il est à sa pension, il doit bien être capable de se placer”. Mais c’est du cas par cas. Moi, aller rester dans une chambre, payer 500 $ par mois et puis aller ramasser des cannes, comme j’en vois dans les vidanges, des gens âgés, je trouve cela scandaleux et puis épouvantable! Pour joindre les deux bouts, il y en a qui sont sous la médication, ce n’est pas donné non plus le 10 Notons qu’une personne bénéficiant de l’aide sociale reçoit, en 2013, 604 $ par mois, soit 7 248 $ par année; qu’une personne bénéficiant du supplément versé pour contrainte sévère à l’emploi (programme de solidarité sociale) reçoit, en 2013, 918 $ par mois, soit 11 016$ par année (Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale, 2012) démontrant une situation de revenu nettement en-dessous de la Mesure du panier de consommation établie pour Montréal à 15 209$ (Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, s.d.). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 18 gouvernement il ne donne pas... (…) Il y a certaines affaires comme la passe de métro, quelques gugus mais le restant tu le payes (…). Je pourrai payer un appartement mais moi rester dans mon appartement et puis 18 jours de temps être obligé de faire les associations [aller dans les ressources] et toute la patente, je ne le vois pas. Malgré que j’ai déjà fait ça. J’étais sur l’aide sociale. (…) Vivre la solitude en chambre, j’avais un petit peu de misère avec ça je l’ai fait pendant 15 ans, 20 ans, après mon divorce. Le rouleau de papier de toilette dans le cou, les punaises, les coquerelles, et puis il y a l’aspect aussi que donner 450 piastres pour une chambre, qui ne fait pas la moitié de cela ici. Il n’y a pas de poêle, la partie frigidaire c’est gros comme ça et puis il prend mon 450 $. C’est une gifle pour moi. (…) Il fallait que je lave l’appartement. C’était sale ! Mais tu es obligé aujourd’hui de prendre ce qui passe. Cela ne me coûtait pas cher cela me coûtait 440 $ par mois mais je payais l’électricité. C’est au moins 140 ou 160 par deux mois. (…) À la Maison du Père, ils lavent les draps à tous les jours, il y a une grosse télévision, une salle de pool, plein de tables de pool. Je connais du monde, les intervenants sont intéressants. » Vidal « Quand on est en appartement, indépendamment que l’on soit en chambre ou en appartement, dans un petit appartement restreint, ce n’est pas toujours la vie souhaitée. (…) Je me sens comme trop prisonnier si on veut. Dans un petit appartement. (…) Oui je veux dire que l’on se sent plus, moins, lousse (…) Je vais chercher plus de, comme une certaine liberté si on veut, quand je suis en public. On rencontre pas mal de gens, cela nous donne la chance de parler, de dialoguer avec divers gens (…). Cela a une compensation là-dessus. Vous savez des fois, d’être trop seul des fois, c’est correct de l’intimité un moment donné pour un temps partiel. Mais il y a des fois que d’être trop trop seul, ce n’est pas trop la meilleure chose. J’aurai les moyens de payer un loyer mais comme je dis, je n’ai pas les moyens de me payer le loyer que j’aimerai avoir. Ce n’est pas vraiment le loyer confortable à 700 ou 800 $ par mois. » Vincent Vu ces contraintes économiques et sociales, plusieurs hommes présentent le fait de dormir dans les refuges comme un choix stratégique. Mais ce choix stratégique restreint encore plus leurs possibilités de se rattacher aux possibilités structurelles en place. Ce choix accentue, par exemple, le difficile retour au travail que ce soit du côté des arrimages des horaires, de la difficulté d’être rejoint par l’employeur potentiel, du transport, des vêtements, de la fatigue. Ce sont ce que Naussbaum (2011) appelle des choix stragiques. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 19 avoir des problèmes de santé, se sentir fatigué, conjugués à un accès difficile au système de santé, à la présence de soins ambulatoires, à l’isolement et à un très faible revenu « Il y a des types qui étaient là-bas qui sortaient d’une opération comme moi d’ailleurs et ils peuvent pas aller nulle part. Qu’est-ce qu’ils font (en refuge) ? Tu es traité comme n’importe qui, opéré, malade, pas malade dehors, tu reviendras faire la ligne après. » Samuel « Avoir le corps qui lâche » est un autre facteur aggravant. Le difficile accès aux services de santé (absence de médecins de famille ou de suivis spécialisés), conjugué aux réalités des soins ambulatoires, à l’absence de proches aidants, à l’absence de couverture sociale pour les soins de longue durée et le difficile accès aux fournitures médicales, font en sorte d’accroître la vulnérabilité à l’itinérance. Chez les femmes participantes, l’hospitalisation, les problèmes de santé physique et mentale sont d’ailleurs présentés comme le principal motif d’abandon du logement, accentués par ou causés par la violence. Malade, en convalescence mais sans domicile, les personnes ne trouvent pas, dans les refuges, les conditions propices à leur rétablissement. La promiscuité, les règles en place et les horaires, font en sorte que les conditions de santé se fragilisent. Dignité et droit à la santé sont ici atteints. Des participant-e-s au sondage avec expérience de l’itinérance, 36% disent avoir dû quitter leur logement pour des raisons de santé (80 % chez les femmes). Parmi les critères qui font en sorte d’avoir l’impression de « manger plus de misère » : 57 % (70 % chez les femmes) identifient « tomber malade », 51% la fatigue et le sentiment de solitude (60 % chez les femmes pour ce dernier). Pour les femmes, la violence, le manque de mobilité, les lieux non protégés et l’impression de sombrer dans la folie « C’est pour ça quand j’ai déménagé plusieurs fois, j’ai vécu des choses… Mais c’est ça que je me dis : si je quittais là [ressource de transition] pour prendre un appartement régulier, je retomberais en situation de danger. » Sylvie La violence dans l’enfance, conjugale, au travail, dans la rue est très présente dans les témoignages entendus. Elle fragilise et interagit avec les conditions de santé physique et mentale. Des logements vétustes ou facilement accessibles de même que les déplacements seules dans les rues accentuent le sentiment d’insécurité. Des femmes ayant participé au sondage avec expérience de l’itinérance, 60 % disent avoir dû quitter leur logement pour des raisons liées à la violence (10 % chez les hommes) et 40 % pour des motifs liés à la peur (14 % chez les hommes). Parmi les critères qui font en sorte d’avoir l’impression de « manger plus de misère » : 50 % (21 % chez les hommes) identifient « subir de la violence »; 80 % (26 % chez les hommes) sombrer dans la folie et 60 %, devoir marcher à pied (24 % chez les hommes). Noter que pour ce dernier, ceci tient également compte des contraintes de santé physique. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 20 Sentiment d’isolement, problèmes de santé mentale et physique, l’interaction des problématiques et la perte du véhicule « En 2000, je me suis fait pogner pour une balloune, avec mon auto et puis moi je travaillais à St-Eustache et puis je demeurais à mon logement à Saint-Colomban. Cela me prenait absolument mon auto. Ils te suspendent ton permis pour un an. Bah là j’ai continué à retourner travailler moi là avec un permis suspendu. Une deuxième balloune, jour pour jour, à un mois de différence. Là j’y ai gouté. Là j’y ai gouté en tabarnac. Là elle m’a coûté 2000 et quelques cents dollars, l’amende. Ça fait 3000, 3 200, quelque chose de même. L’amende. Le permis : suspendu. Y en n’aura pus. Plus question d’un an, là : c’était fini le permis. Le char : à la fourrière pendant 30 jours, à 10 $ par jour. Là, j’ai perdu ma job. (…) Et mon père est décédé. (...) Ça fait que là je ne pouvais plus monter dans le nord. Tout ça ensemble. C’est trop. » Sylvain La valse hésitation entre subir la violence (surtout pour les femmes), vivre des pertes significatives (divorce et deuil pour les hommes), combattre la maladie, éprouver des problèmes de santé mentale, entretenir des dépendances (médicaments, drogues, alcool, jeu et achats compulsifs), accompagnée de désorganisation et de fuites renforcent la prégnance de l’ensemble de ces facteurs et celle des situations d’itinérance. La perte du permis de conduire (bien qu’associé également à des ennuis de santé) isole et restreint les possibilités d’emplois et de contact avec le réseau personnel notamment hors de Montréal. Des participant-e-s au sondage avec expérience de l’itinérance, 35 % disent avoir dû quitter leur logement suite à une perte d’un être cher (décès ou divorce); 45 % pour des raisons de dépendance (toxicomanie, alcool, jeu); 25 % suite à la perte de leur permis de conduite ou de leur voiture. Parmi les critères qui font en sorte d’avoir l’impression de « manger plus de misère »: 39 % identifient « consommation de drogues et alcool ». Accentuation du sentiment d’impuissance Dans les témoignages, ce qui ferme également l’horizon des possibles envisageables est l’interaction entre le cumul d’expériences difficiles et d’échecs, les sentiments d’impuissance, de dépassement, et de grande fatigue, le poids du regard des autres (surtout pour les femmes), ainsi que la perte de sa capacité de rêver ou d’espérer. Des participant-e-s au sondage avec expérience de l’itinérance, parmi les critères qui font en sorte d’avoir l’impression de « manger plus de misère », 51 % identifient « le sentiment de se sentir impuissant, dépassé » (90 % chez les femmes) et le poids du regard des autres et des préjugés (70 % pour les femmes, 27 % pour les hommes). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 21 6.2 Les agrégats fertiles : quand l’amalgame de facteurs donne des ailes pour briser le cycle de l’itinérance et de la grande pauvreté. Hausse des revenus, logement sécuritaire et liens sociaux « Ce qui est primordial pour moi c’est le soutien financier, c’est serré. Puis je sais que dans quelques mois je serai à la retraite, ça va être différent. Là je me demande, est-ce que ce sera comme on m’a dit que ce serait? On m’a dit que ça pouvait être entre 900 et 1200 dollars par mois! » Sylvie L’accès dans la durée à un logement décent, idéalement à prix modique, sécuritaire (pour les femmes). conjugué à l’augmentation substantielle des revenus (qui prend forme par l’arrivée de la sécurité du revenu) est pour la grande majorité des personnes interrogées l’amalgame gagnant. La hausse des revenus à 65 ans, même si elle ne permet pas la sortie de la pauvreté, redonne une marge de manoeuvre qui permet notamment de répondre aux invitations sociales ou de renouer avec des ami-e-s, des membres de la famille, une passion, un métier. Le logement décent permet de recevoir sans honte. À partir d’un certain âge, la très grande majorité est simplement en attente de ce passage des 65 ans. Des personnes avec expérience de l’itinérance qui ont participé au sondage, 57 % identifient comme facteurs qui donnent des ailes : plus d’argent (62 % chez les 64 ans et moins); 55 % : un logement à prix modique (58 % chez les 64 ans et moins); 43 % : pouvoir inviter ou sortir avec des gens. À travers les réflexions de ceux qui maintiennent une vie d’itinérance malgré l’arrivée des 65 ans et l’accès à la sécurité du revenu, d’autres facteurs fertiles apparaissent : Accès à des soins de santé et des lieux de rétablissement « Souvent dans les hôpitaux, comme ils m’ont fait l’année passée, je viens d’avoir une anesthésie générale, même pas 24 heures après : « va t’en ». Tu ne peux pas le savoir si tu vas avoir des conséquences de ça. Tu ne peux pas le savoir. Et puis si ma sœur ne m’hébergeait pas, je sortais de l’hôpital et je me ramassais dans la rue. Dehors, après une anesthésie générale, en moins de 24 heures. Cela fait tu du bon sens ça? S’il y a des choses à changer c’est tout cela. » Samuel Aux prises seul-e avec la maladie physique ou mentale (transitoire), avoir accès dans la durée à des programmes sociaux (tel un médecin, une assurance invalidité de longue durée), à des lieux de calme et de rétablissement, ainsi qu’au transport pour en bénificier, devient incontournable. Pour les hommes, accès à la vie collective, la prise en charge de l’économie domestique et présence de règles de vie « J’ai rentré au PAS de la rue, pour arrêter de consommer. J’avais des chum là, mais ça ne consommait pas. » Antoine Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 22 « On se sent quand on est dans un milieu, mettons dans des refuges, on se sent entouré. Mettons ici il y a pas beaucoup de monde mais quand tu es au travers de 200 personnes, on se sent entouré la dedans et puis pour certains, ils ne seraient pas capables de vivre ça. Ce n’est pas tous les gens qui peuvent vivre ça. Moi je ne me sens pas trop mal à l’aise là-dedans parce que j’ai souvent vécu la vie commune à travers des milieux de travailleurs; de 75, 100, 300 travailleurs, étant jeune. On dirait que moi cela a été comme une formation pour moi, j’ai été habitué comme ça (avec la vie) public dans des milieux comme ça, dans des campements. On travaillait ! Il y avait le travail qui était là. La passion de travailler c’est quand même un beau désennuie en même temps. On allait là, on travaillait pour des compagnies, on avait des payes et puis c’est ça je me suis bien habitué à ça. J’ai été comme formé à ça. Ça devient comme une drogue. » Vincent « Comme la je suis à la Maison du Père en ce moment par ce qu’il y a l’aspect que ça me discipline. Ce n’est pas facile de cesser d’être alcoolique. Moi j’ai été 40 - 45 ans alcoolique... Moi je suis en refuge, je me répète encore, je vois cela comme une thérapie parce que si j’étais en chambre, je suis sûr et certain avec un problème d’alcool… Vous ferez ce que vous voudrez moi c’est comme cela que je vis et c’est comme cela que je pense. (…) Je ne suis pas heureux ni malheureux, je suis juste assis sur la clôture. »Vidal Pour certains hommes, pouvoir faire le choix de la vie collective : le mouvement des dortoirs, des cafétérias, des ressources est jugé préférable à l’isolement ressenti à vivre seul. Ceci se conjugue, pour certain, au fait que les ressources prennent également en charge la vie quotidienne (préparation des repas, ménage, gestion des avoirs). De même, pour ceux présentant un problème d’alcoolisme, de toxicomanie ou de jeu, les ressources sont vues comme garde-fous : seul, on est à risque de glisser plus creux dans les problèmes de dépendance, même si le revenu permettrait de demeurer en logement. Plusieurs aspirent par ailleurs à la vie de couple comme moyen de s’en sortir. Des personnes avec expérience de l’itinérance qui ont participé au sondage, 57 % identifient comme facteurs qui donnent des ailes :avoir un ou une amoureuse (44 % pour les femmes). Donner sens à sa vie, se projeter en tissant des liens et en s’appuyant sur ses passions « Je me dis « je survis ». J’ai appris la survie. Au début j’étais gêné. Mais après ça je me dis « je sauve de la nourriture qui va être jetée ». J’ai une action communautaire, globale. Puis j’évite que des produits aillent au dépotoir. Qu’ils soient jetés. Malgré l’orgueil, au début, je me suis aperçu que cela me fait évoluer. J’ai un problème, j’en ai deux. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 23 Au début j’avais deux problèmes. J’avais faim et puis j’avais l’orgueil. Qu’est-ce que tu penses que j’ai mis à la poubelle ? J’ai mis l’orgueil dans le container et puis j’ai pris le fromage à 32 $ le kilo ! (Rires). » Alexandre Nourrir sa capacité de se projeter, de rêver, d’aspirer à quelque chose de mieux et redonner sens à l’expérience via notamment une vie spirituelle, des loisirs, des passions artistiques, les ami-e-s ou pour plusieurs hommes, le lien amoureux. Les ressources communautaires sont notamment perçues comme un lieu permettant de tisser les liens, avoir des loisirs, vivre des passions. Des personnes avec expérience de l’itinérance qui ont participé au sondage, 57 % identifient comme facteurs qui donnent des ailes : des ressources communautaires, 45 % des rêves (89 % chez les femmes) et 40 % la spiritualité (89 % chez les femmes). Le sentiment de sécurité lié à la certitude de l’accès, à long terme « J’ai eu la chance d’avoir un psychologue qui a travaillé chez nous. Je l’ai eu pendant cinq ans de temps et il m’a pris deux ans à son bureau, parce que moi j’étais enragée. (…) Aussitôt que cela me pogne j’appelle Josiane (intervenante du PAS) et je m’en viens. Je niaise pas; je n’ai pas de temps à perdre moi. Je ne veux plus être mal avec moi-même autant que possible. Autant que possible je voudrais essayer d’être bien dans ma peau. Je voudrais essayer de vivre une vie normalement. Si cela existe. J’aimerais ça le vivre. J’aimerais ça être capable. » Sylvie « T’es pas itinérant un jour : quand tu tombes dans la rue t’es itinérant toujours [D’où l’importance de services accessibles 7 jours / 7, 365 jours par année). » Sylvain. « [Le revenu de la sécurité de la vieillesse], c’est une continuité jusqu’aux derniers jours (…); [c’est] d’être moins préoccupé du lendemain. C’est ça l’affaire. Je vois beaucoup de jeunes qui sont sur l’aide sociale. Ils ont beaucoup de difficultés… Nous aussi on fait attention… (...) [Avec le revenu de la sécurité de la vieillesse] c’est sur que cela a changé des choses. Je me suis senti un peu plus sécurisé avec ces montantslà. » Vincent Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 24 Le fait de préserver les espaces de liberté et de choix dans le temps, lié au sentiment de sécurité en l’avenir qu’ils procurent, joue un rôle important sur le capacité qu’ont les gens d’user des capabilités (Nussbaum, 2012). Préserver les capabilités ou les créer n’équivaut pas à pallier à un manque par une aide ponctuelle ou d’urgence mais bien de mettre les conditions en place pour les assurer à long terme, hors des caprices politiques et économiques. Dans les témoignages partagés cette recherche de sécurité amène des choix tragiques : par exemple perdurer à demeurer sur l’aide sociale, malgré la petitesse des revenus car ceci assure tout de même une entrée régulière de sous et l’accès gratuit aux médicaments. Cette sécurité vient pallier au difficile accès, dans la continuité, au marché de l’emploi compte tenu de l’âge qui fragilise, du mauvais état de santé, du manque de qualification, de la compétitivité qui résulte souvent en des pertes d’empois accompagnées avec les manques à gagner qui sans suit, de bris dans les suivis thérapeutiques et les traitements médicaux et pharmaceutiques. Ce choix de l’aide sociale relève d’un choix tragique. L’accès à des services gratuits ou à très petits coûts (à la piscine publique, à un café, à un service, à la bibliothèque nationale) et la perspective de pouvoir y référer à très long terme et ce, sans (ou avec très peu) de conditions , est identifié comme important. Pour la sécurité qu’il procure mais également pour les liens sociaux qui s’y (re)tissent. L’accès au logement social et aux services de santé (idéalement aves mêmes intervenant-e-s) contribuent également à accroître ce sentiment de sécurité et est identifié par plusieurs comme un facteur contributif à l’amélioration de leur situation. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 25 7 Des pistes d’interventions structurelles et pratiques « L’itinérance, ça existe partout. Ce n’est pas seulement dans les fonds de ruelle et ce n’est pas caché. Ça existe en pleine ouverture, en plein jour, et puis c’est évident que tout le monde voit ça. Il est où le problème ? Comment tu corriges le problème ? » Samuel En s’appuyant sur les résultats de recherche, à la lumière de l’approche des capabilités, des pistes de travail structurel ou pratique se dégagent. Ces propositions visent à assurer des seuils de capabilité à long terme et ainsi limiter le recours aux choix tragiques (Nussbaum, 2012) Favoriser la mise en place des facteurs brisant le cycle de l’itinérance (les agrégats fertiles), tel que défini dans la présente recherche : revenus, logement, santé, vie collective, liens sociaux et sens à la vie, durabilité des services. Assurer un revenu qui permet de répondre aux besoins essentiels. En relation au travail et à la contribution sociale • Penser à une politique d’équité des âges sur le marché du travail, à l’instar des efforts ayant menés aux grandes avancées connues depuis plusieurs décennies pour l’équité homme-femme, et à une campagne de sensibilisation sur l’âgisme en emploi. • Assurer le développement de ressources en employabilité et pré-employabilité adaptées à la réalité des personnes de 55 ans et plus; et explorer des solutions novatrices en matière de programme de supplément au revenu permettant d’augmenter leur revenu dans le cadre d’une insertion sociale ou professionnelle adaptée à cette population. • Pour les 4511-64 ans, accepter les gains de salaire au revenu d’aide sociale jusqu’à concurrence de la MPC, tel que proposé par le Comité consultatif de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale(Comité consultatif de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale, 2010) En relation avec les revenus (aide sociale, solidarité sociale et sécurité de la vieillesse) • Développer des alternatives en emploi pour les personnes de 55 ans et plus dans l’économie sociale et le mouvement coopératif, en diversifiant plus largement les possibilités d’inclusion socioprofessionnelles offertes à la population, et favoriser le maillage avec les ressources communautaires en itinérance et aide à la personne; • Se pencher sur le soutien des personnes seules à faible revenu via notamment des mesures fiscales et de soutien au logement. • Reconnaître que les personnes seules bénéficiant de la sécurité de la vieillesse, même avec le supplément de revenu garanti, demeure sous la mesure de faible revenu — MFR, et devraient donc bénéficier de ces mesures.12 • Assurer l’accès à des revenus de solidarité sociale répondant à la Mesure du panier de consommation. 11 C ompte tenu de l’avis “Vieillir seul, les répercussions sur la pauvreté et l’exclusion sociale” (Comité consultatif de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale, 2010), et pour agir en prévention du phénomène, nous suggérons de cibler les 45 ans et plis. D’ailleurs on dénote dans le milieu une augmentation du nombre de personne vieillissantes dans la rue à partir de 45-50 ans. 12 Le montant maximal alloué est de 1286,51 $ / mois pour un total de 15 438,12 $ /année. Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 26 • Maintenir l’accès à la sécurité de la vieillesse à 65 ans pour les personnes en situation de grande précarité financière. • Maintenir la reconnaissance de l’âge comme entrave à l’emploi Oeuvrer tel que le préconise l’INM (Institut du Nouveau Monde, 2011) à améliorer les conditions de travail et la sécurité d’emploi dans une perspective d’équité des avantages sociaux. • Réfléchir sur les moyens de soutenir les périodes de transition en cas de problèmes de santé physique ou mentale pour les personnes ne bénéficiant pas d’une assurance salaire, sans porter atteinte de manière drastique aux économies personnelles. Favoriser le développement du logement social ou de logements abordables et sécuritaires, et en favoriser l’accès aux personnes de 55 ans et plus, sans problématiques lourdes13, si ce n’est qu’elles sont à très faible revenu • Développer le logement social avec des services de soutien communautaire sur les lieux, des espaces de socialisation tout en préservant le sentiment de sécurité. En présence de maladie physique et mentale, assurer les arrimages et la continuité en matière de services de santé et de services sociaux, en partenariat avec les ressources communautaires, tout en tenant compte des situations de précarité en logement, de l’isolement et de la vulnérabilité. • Contrer le phénomène de la “porte tournante lié au manque de suivi ou de temps investi auprès de la personne à l’égard de sa médication, de sa santé, et de sa situation globale. • Assurer l’accès à de l’hébergement et à un suivi post-hospitalisation, dans un contexte de soins ambulatoires, adaptés à la réalité des personnes âgées sans domicile fixe. Penser les interventions de façon concertée, multisectorielle et interprofessionnelle, en favorisant la collaboration de tous les acteurs tout en reconnaissant l’expertise communautaire. • Avoir accès à une ressource pivot dans le réseau de la santé et des services sociaux pour améliorer les suivis et l’arrimage entre les différents acteurs des réseaux public et communautaire impliqués dans le soutien de la personne. • Dans l’intervention, porter attention au lien de confiance, afin de le maintenir et d’éviter d’alimenter les ruptures. Développer et diffuser un cadre de pratique spécifique aux réalités des personnes vieillissantes, en situation de grande précarité ou d’itinérance. Porter attention à la globalité de la personne; humaniser et assurer un accès aux services dans le long terme, dans la durée. 13 Des politiques en place font en sorte que des personnes présentant certaines problématiques ont un droit d’accès privilégié. Annexes Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 28 Précisions méthodologiques 1 Les résultats présentés sont issus d’une démarche de recherche qualitative. Le but d’une telle démarche est d’interroger une réalité, de sonder sa complexité, de l’analyser rigoureusement à partir des expériences des personnes qui ont vécu cette réalité et de leurs propres mots qu’elles utilisent pour en parler. La valeur d’une recherche qualitative repose principalement sur quatre principes : la fiabilité, la crédibilité, la confirmation et la transférabilité (Guba & Lincoln, 1982). La fiabilité La fiabilité réfère au souci des chercheur-e-s d’adapter tant les approches que les questions de recherche à la réalité du terrain et à transformer au besoin leurs outils en cours de route pour maximiser les chances de recueillir des informations riches et pertinentes. Ces modifications doivent être documentées afin de justifier leur pertinence. Cette flexibilité ainsi qu’une connaissance fine du milieu sont importantes pour favoriser l’émergence et l’expression d’une parole authentique et sont au cœur même d’une démarche qualitative. En ce qui concerne la présente recherche, nous avons pris tous les moyens pour assurer cette adéquation dans le temps entre, d’une part, les questions, les stratégies et les outils, et d’autre part, la réalité du terrain. • L’équipe du PAS de la rue est à l’origine des travaux de recherche et a vu, avec l’aide de la chercheure, à l’élaboration du devis de recherche et à la définition du projet pour qu’il tienne compte des enjeux terrain et favorise une parole authentique. • Cinq intervenants du PAS de la rue et une bénévole, ont fait partie intégrante, à un moment ou l’autre du déroulement du projet, de l’équipe de recherche. Ils ont participé au développement des outils, à la collecte des données, à l’analyse ainsi qu’à la diffusion des résultats. • Ces efforts ont permis d’ajuster la forme et le contenu des outils de collecte aux réalités du milieu, pour favoriser la mise en confiance des personnes âgées en situation de grande précarité financière, dont une majorité en situation d’itinérance. Les schémas d’entretien ont été pensés et bonifiés en cours de collecte2 de façon à explorer les nouvelles problématiques et dimensions insoupçonnées émergeant du discours des personnes. De nouvelles stratégies de collecte ont également été développées en cours de route pour explorer plus à fond les pistes émergeantes. Une seconde vague de collecte de données auprès d’un nouvel échantillon (théorique) a notamment été ajoutée pour explorer l’impact de l’accès, à 65 ans, à la sécurité du revenu du gouvernement canadien. La crédibilité La crédibilité repose sur les réponses données à trois questions : 1) Les chercheur-e-s ont-ils ciblé les bonnes personnes pour répondre aux questions de recherche? 2) Ces personnes se sont-elles senties en confiance pour exprimer librement ce qu’elles vivent et connaissent à propos de leur réalité? 3) Ces personnes se reconnaissent-elles dans les résultats de recherche ? Le travail entrepris par l’équipe même du PAS de la rue a favorisé la rencontre avec des personnes âgées en situation d’itinérance ou de grande précarité de par les liens de confiance instaurés et du fait que le projet était présenté comme une recherche au service de cette population, menée par le PAS de la rue. Une stratégie d’échantillonnage théorique a été élaborée visant à rejoindre à la fois des hommes et des femmes, en situation d’itinérance ou de stabilité résidentielle, âgé-e-s de 55 ans et plus et vivant une grande précarité financière. La très grande majorité avait un vécu d’itinérance cachée, situationnelle ou chronique. La stratégie de recrutement a été pensée en trois temps. 1 Adapté de RAIIQ et Gélineau (2008) 2 Tel que préconisé par la démarche qualitative (Miles & Huberman, 2003). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 29 Dans un premier temps, l’équipe a pris contact avec des usagers réguliers du PAS de la rue ayant des profils diversifiés afin d’avoir une compréhension en profondeur de leur réalité. Six hommes et 3 femmes ont été rencontré-e-s dans le cadre de deux entretiens individuels chacun. La logique était que deux entretiens consécutifs permettraient de mettre en confiance les personnes et leur donner la possibilité de revenir sur l’information partagée, de la confirmer ou l’invalider à son gré. À partir des témoignages entendus, un ensemble de problématiques liées à l’itinérance des personnes âgées a été identifié. Une seconde vague de recrutement a été alors amorcée, toujours auprès d’usager-ère-s du PAS de la rue, pour entendre dans un 3e entretien deux participants qui avaient au cours de la collecte effectué un passage de 64 ans à 65 ans. Dans un souci d’échantillonnage théorique, trois nouvelles personnes en situation d’itinérance âgées de plus de 65 ans mais demeurant en situation d’itinérance ont également participé à cette seconde vague d’entretiens. Puis une troisième vague est venue mettre un terme au recrutement cette fois-ci en ciblant 81 personnes âgées de 55 ans et plus dont 43 auprès d’usager-e-s réguliers du PAS de la rue3 et 38 usager-ère-s inconnu-e-s du PAS de la rue, fréquentant quatre ressources en itinérance du Centre-ville de Montréal. Cette troisième vague avait pour but de consolider certaines pistes d’analyse et explorer les différences ou ressemblances avec des personnes hors du PAS de la rue mais partageant les mêmes caractéristiques sociodémographiques. Les résultats de ce sondage ont été utilisés dans une perspective qualitative. L’équipe du PAS s’est appuyé sur son propre réseau et ses propres intervenants, dont son intervenante de proximité, pour réaliser cette troisième vague de collecte. • Portée par le PAS de la rue, cette démarche a mis à profit les liens de confiance existant entre leurs intervenant-e-s et les personnes fréquentant le PAS de la rue. Ces dernières étaient mieux à même de témoigner de leur expérience dans un lieu connu et rassurant. Une attention particulière a été portée aussi au contexte des entretiens pour bâtir ce climat de confiance : avec l’encadrement et le soutien de la chercheure, réalisation des entretiens individuels par des intervenant-e-s du PAS de la rue ayant toute la sensibilité, le langage et les habiletés nécessaires pour libérer la parole; présence d’une petite collation pour préserver l’énergie; et offre d’un soutien psychologique confidentiel au besoin. La confirmation La confirmation vise à assurer que les données recueillies et les résultats de recherche sont bien ancrés dans l’expérience de vie des personnes et qu’ils ne découlent pas de choix opportunistes ou de biais des chercheurEs. En d’autres mots, elle vise à produire des données aussi « objectives » que possibles. Diverses stratégies ont été prises pour assurer la confirmation des données et résultats. Lors de la collecte : • Diverses stratégies de collecte de données ont été utilisées pour croiser l’information et favoriser la confirmation et l’émergence d’éléments d’analyse. Conformément à la stratégie d’échantillonnage développée, une stratégie de collecte de données en trois vagues a été mise en place. La première vague a consisté en une série de seize entretiens individuels d’une durée moyenne d’une heure et trente minutes auprès de personnes fréquentant sur une base régulière le PAS de la rue. La logique était de croiser les expériences d’hommes et de femmes, avec et sans logement au moment de la réalisation de l’entretien, et tenir compte de la diversité de leurs situations. Les entretiens ont été pensés pour sortir du mode de l’intervention thérapeutique et favoriser l’accès à la richesse de l’expérience. Un premier entretien a été réalisé en s’appuyant sur des outils dits des PLA (Participatory Learning in Action) soit la réalisation d’une carte des ressources utilisées et d’un calendrier quotidien, mensuel et annuel de leurs activités. Le second entretien s’est appuyé sur des photos prises par les participant-e-s d’éléments significatifs de leur environnement à l’aide d’une fiche de référence. La seconde vague s’est constituée de cinq entrevues individuelles. Elle avait pour objectif d’affiner la compréhension du phénomènes du passage à 65 ans mis en lumière lors de la première vague en interrogeant des femmes et des hommes âgées de 65 ans et plus dont 3 étant toujours 3 52 personnes en moyenne ont fréquenté le Pas de la rue entre 9 et 19 fois par mois en 2012-2013. 43 personnes de ces 52 personnes ont pu être rejointe dans les dates visées par le sondage. D’un point de vue quantitatif, pour un niveau de confiance de 90%, avec un taux de précision de 5%, la taille de l’échantillon aurait dû être de 44 (KREJCIE & MORGAN, 1970). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 30 en situation d’itinérance tout en bénéficiant de la sécurité du revenu. L’objectif de la troisième vague était de consolider les résultats qualitatifs afin de faciliter le transfert des résultats auprès d’un public élargi et parfois peu familier avec les enquêtes qualitatives. Ceci fut fait à l’aide d’un sondage auprès de 81 personnes âgées. Lors du traitement et de l’analyse du matériel recueilli : • Toutes les entrevues individuelles ont été enregistrées, puis transcrites intégralement, mot à mot c’est-àdire en « verbatim ». Toutes les paroles des personnes ont ainsi été considérées. • Ces verbatims furent soumis à une analyse thématique, c’est-à-dire l’identification des thèmes représentatifs du contenu analysé4. Chaque verbatim a été lu et codé par au moins deux personnes (intervenant-e et chercheure) afin de maximiser les recoupements. Et se laisser surprendre par les regards et compréhensions croisés. Ceci a constitué une variante d’une confirmation inter-juges. • Cette analyse thématique fut réalisée à l’aide des logiciels Dedoose et NVIVO facilitant l’analyse systématique de l’ensemble des données. • L’analyse de type inductif délibératoire s’est appuyée sur le cadre théorique des capabilités de Sen (2000) et Nussbaum (2011). Des temps d’analyse collective, permettant le croisement des interprétations ont été mis en place, permettant notamment d’interroger les données à la lumière des questions des milieux de pratique, pour maximiser ainsi l’exploitation de la richesse des données qualitatives et varier les regards posés sur les données. • Le sondage a été analysé à l’aide des outils de Survey Monkey. Les résultats sont surtout venus confirmer et enrichir l’analyse des facteurs corrosifs et fertiles. En cours de processus : Enfin, les données préliminaires ont été partagées avec des intervenant-e-s et acteurs clés du milieu afin de venir affiner l’exposé des résultats et élargir les regards portés sur les données (septembre 2012 – conférence de presse - et juin 2013 – rencontre de type table-ronde avec des représentant-e-s de nombreuses ressources dont l’Accueil Bonneau, la Maison du Père, l’Auberge Madeleine, le pavillon Patricia-McKenzie de la mission Old Brewery, le CLSC des Faubourgs. La transférabilité La transférabilité réfère à l’importance de recueillir et de fournir toute l’information nécessaire aux lecteurs et aux lectrices des résultats (sous forme de rapports et d’articles), afin de faciliter leur compréhension du contexte sociohistorique dans lequel s’inscrit le phénomène étudié au moment de la recherche. Ceci leur permet de juger de l’à-propos des résultats pour leur organisation ou leur pratique et leur permet aussi de voir si un quelconque élément contextuel a pu teinter les résultats obtenus. La transférabilité réfère donc au souci de favoriser l’utilisation des résultats de recherche. Des stratégies ont donc été identifiées pour recueillir l’information nécessaire. Pour aider à dresser un portrait des personnes interrogées, des données sociodémographiques et contextuelles ont été recueillies auprès des personnes elles-mêmes. Les données préliminaires ont été présentées, débattues et contextualisées dans le cadre de deux activités publiques en 2012 et 2013. Un site web interne a été créé pour consigner les informations pertinentes au déroulement du projet et s’y référer au besoin. Les entretiens individuels et sondages ont été réalisés de janvier 2012 à juin 2013. Considérations éthiques Les considérations éthiques ont influencé le développement de la stratégie de collecte et la teneur des outils. Notamment, nous avons eu un souci particulier de bien informer les personnes de la teneur de la recherche afin de leur permettre de choisir de façon libre et éclairée de participer ou non à la démarche, notamment 4 L’analyse thématique consiste à procéder systématiquement au repérage des idées récurrentes ou caractéristiques (thèmes), à leurs re¬groupements (catégories) et à leur examen (Paillé & Mucchielli, 2003: 124). Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 31 du fait que celles-ci étaient des utilisatrices et utilisateurs réguliers du PAS de la rue. Pour ce faire, un soin particulier a été apporté à la rédaction d’une lettre de consentement accessible. Dans le choix des personnes et des moments d’entretien, ont été tenus en compte les états de santé mentale et physique. Un soutien psychologique était disponible pour les personnes qui en ressentaient le besoin pendant l’entretien et suite à celui-ci. Des cartes repas ou cinéma ainsi que des billets d’autobus étaient remis pour compenser tout désagrément et souligner l’importance de l’expertise partagée. Une attention particulière a été apportée pour préserver, dans la mesure du possible, leur anonymat. OUTILS D’ENTREVUE ET DE SONDAGE Guide du 1er entretien 1. Accueil et salutations 2. La lettre de consentement a. La lire b. Signer les deux copies c. En remettre une au/à la participante 3. La CARTE (Entretien 1ere partie) Consignes à l’intervieweur : la personne est devant une grande feuille de papier avec quelques point de repères (rue Ste-Catherine, Mont Royal, Fleuve, le PAS). À l’aide d’un crayon, la personne et vous illustrer les divers endroits où elle va quand elle n’est pas au PAS de la rue. Quand vous n’êtes pas au PAS de la rue, où êtes vous ? Par exemple, si on reprend tous les endroits où vous êtes allé aujourd’hui : En quoi est-ce différent selon : • Les jours de la semaine ? • Le temps du mois ? • Le temps de l’année ? Pensez-vous à autre chose ? À explorer systématiquement • Les lieux où dormir, manger, se laver, se vêtir, se couper les cheveux • Les ressources utilisées / non utilisées pourquoi ? • Travail, occupation et loisirs • Amis/familles/partenaires/sexualité • Sous (en gagner; les déposer) • Achats • Selon la Température • Sécurité • Lieux : interdiction / permission (Quadrilatère) • Animaux • Maladie / soins • Consommation • Déplacements • Distances (Hors du quartier ?) • Vieil âge : impact sur le choix des lieux ? 4. Le CALENDRIER – Horaire d’une journée (entretien 2e partie) Consignes à l’intervieweur : devant une grande feuille de papier, on dessine le début d’une ligne, représentant début de sa journée. On complète la ligne en indiquant les heures et les durées pour 24 heures. N.B. On peut avoir plusieurs lignes de temps… Changer de feuille de papier au besoin Quand vous n’êtes pas au PAS de la rue, que faites-vous? Si on reprend par exemple votre horaire d’Aujourd’hui, ça ressemble à quoi? En quoi est-ce différent selon : • Les jours de la semaine ? • Le temps du mois ? • Le temps de l’année ? Pensez-vous à autre chose ? À explorer systématiquement • Temps pour dormir, manger, se laver, se vêtir, se couper les cheveux • Horaire d’utilisation des ressources • Temps d’attente aux ressources • Temps pour prendre soin de son chez soi • Temps de travail, occupation et loisirs • Sous • Temps en présence d’amis/familles/partenaires/sexualité • Temps avec les animaux • Temps de Consommation • Temps pour se soigner / + propice pour tomber malade • Temps : interdiction / permission (Quadrilatère) • Moments de vulnérabilité • Temps de déplacement • Âge : impact sur l’horaire ? 5. La fin de l’entretien En regardant votre carte et votre horaire, qu’est-ce qui vous étonne le plus ? Pourquoi ? (si négatif, explorer ses forces) Est-ce complet pour aujourd’hui ? Les remercier pour la richesse de leur témoignage 6. Pour la prochaine fois • Remettre l’appareil photo • Remettre le carton de thème et les lire avec elle • Préciser de ne pas prendre en photos des personnes sans leur consentement • Convenir d’un moment de remise de l’appareil pour le développement des photos • Convenir / confirmer la date de la prochaine rencontre Bref questionnaire sociodémographique à remplir • Faire signer le reçu • Remettre le(s) billet(s) d’autobus • Remettre le bon • Remercier à nouveau 7. Après le départ • Remplir le journal de bord • Compléter la fiche du participant et déposer les pièces au dossier Guide du 2e entretien 8. Accueil et salutations 9. Préciser le but de cet entretien : À PARTIR DE PHOTOS ET DE LEUR EXPÉRIENCE, MIEUX COMPRENDRE CE QUE SIGNIFIE VIEILLIR (DANS LA RUE / DANS LA PAUVRETÉ) 10. Retour sur le dernier entretien, idéalement avec les outils complétés lors de celui-ci (carte et calendrier), de nouvelles idées ont-elles surgi ? 11. Début de l’entretien Si la personne a pris des photos • Consignes à l’intervieweur : • la personne est devant l’ensemble des photos qu’elle a prise. La personne choisit une photo, selon son bon vouloir. Les photos sont ainsi explorées les unes après les autres. • L’idée est de saisir la photo comme une amorce à la discussion et l’échange et répondre à la grande question de recherche : comment se vivent l’itinérance ainsi que la grande pauvreté des 55 ans et +. • L’intervieweur cherche à capturer et isoler les contradictions essentielles dans la vie des gens (Freire) (D’où les paires dans les thèmes – ex. : l’absence; la présence; ce qui est / ce qui est souhaité). • Il est bon de faire des ponts aussi avec ce qui fut dit au 1er entretien. • Vous référer aux thèmes sur le carton remis pour la prise de photos • Mettre de coté les photos choisies. Avec un post-it identifier la question ou le thème au besoin. Apposer le post-it à l’endo. Consignes à l’interviewer, si la personne n’a pas pris de photos : • La personne est devant des photos tirés de journaux, de revues ou encore du PAVA (Photo langage) • La personne choisit celle qui lui parle le plus pour répondre à la grande question suivante : Vieillir dans la rue (ou dans la grande pauvreté tout selon l’échantillon) pour moi, c’est… • L’intervieweur cherche à capturer et isoler les contradictions essentielles dans la vie des gens (Freire) (D’où les paires dans les thèmes – ex. : l’absence; la présence; ce qui est / ce qui est souhaité). Il est bon de faire des ponts aussi avec ce qui fut dit au 1er entretien. • L’idée est de saisir la photo comme une amorce à la discussion et l’échange et répondre à la grande question de recherche : Comment se vivent l’itinérance ainsi que la grande pauvreté des 55 ans et +. • Vous référer aux thèmes du carton remis pour la prise de photos • Mettre de coté les photos choisies. Avec un post-it identifier la question ou le thème au besoin. Apposer le post-it à l’endo. Mettre fin à l’entrevue • Pour la prochaine fois • Convenir / confirmer la date de la prochaine rencontre • Faire signer le reçu • Remettre le(s) billet(s) d’autobus • Remettre le bon • Remercier Après le départ • Remplir le journal de bord • Compléter la fiche du participant et déposer les pièces au dossier • Déposer les photos choisies (ou une photocopie de celles-ci pour le photo-langage) (avec le thème inscrit à l’endo) dans le dossier / mettre le no de code du participant sur la photo Le confort / l’inconfort La sécurité / le danger Mes rêves Quand vous n’êtes pas au PAS de la rue où êtes vous ? Que faîtes-vous ? Prendre une photo qui représente: es gestes du quotidien et les beL soins de base / mes peurs a famille et les amis L l’isolement Ce que j’ai de plus précieux Mon passé / mon futur Mes trucs et astuces Une aide qui nuit e pour quoi j’aurais besoin C de soutien Ce dont j’aimerais parler Code : Date : Objet : Lettre de consentement en vue d’un entretien individuel Monsieur / Madame, Vous êtes invité(e) à collaborer à une recherche qui vise à mieux comprendre votre expérience de la grande pauvreté et, pour certain(e), de la rue. La recherche est réalisée par le PAS de la rue en collaboration avec une chercheure autonome. Dans le cadre de cette recherche, vous vous engagez à participer à 3 ou 4 rencontres individuelles. Vous serez aussi invité(e) à prendre des photos à l’aide d’un appareil jetable que nous vous remettrons. Les rencontres auxquelles vous allez participer, sont d’une durée d’environ deux (2) heures. Vous demeurez libre de ne pas répondre à une question ou de partir en tout temps, si vous en ressentez le besoin. Suite à ces rencontres, votre identité sera protégée de la façon suivante : Le contenu de la rencontre sera enregistré. Les enregistrements seront conservés dans un fichier sécurisé puis effacés d’ici août 2013 ; aucune personne autre que l’équipe de recherche n'aura accès aux enregistrements et aux confidences personnelles partagées, sauf dans les cas prévus par la loi. Dans ce cas, un intervenant du PAS de la rue fera un suivi avec vous ; Le contenu des enregistrements sera transféré sur papier. Afin d'assurer votre anonymat, ce qui sera publié apparaîtra sous une nouvelle identité et les informations personnelles permettant de vous identifier (ex. âge, lieux emploi(s), noms des enfants) seront modifiées. Bien que le PAS de la rue conserve une copie de vos photos, celles-ci demeurent votre propriété. Une demande vous sera faite au besoin pour publication ou exposition. Initiales ____ Votre participation à cette étude vous permettra de contribuer, par votre savoir et votre expertise, à l'amélioration des conditions de vie des personnes à la rue ou vivant en situation de grande pauvreté, des services qui leurs sont offerts et à la reconnaissance de leurs besoins et de leurs droits. Vous contribuerez à faire changer les mentalités et les regards posés sur les personnes qui vivent des situations de grande pauvreté. Un bon de cinéma ou de restaurant, en reconnaissance de votre participation et de votre expertise, vous sera remis à la fin de chaque entretien. Deux billets d’autobus par entretien vous seront aussi remis au besoin. Il est possible que, suite à votre participation, vous éprouviez diverses émotions à partager ainsi avec nous vos expériences et votre histoire. Si vous avez besoin d’écoute ou de soutien, n’hésitez pas à communiquer avec Josianne Akrich au PAS de la rue, au 514-526-1699. De même, si vous avez de nouvelles questions ou si vous désirez connaître les résultats de cette recherche, communiquez avec Sébastien Payeur au 514-526-1699. « J’ai lu cette lettre. On a répondu de façon satisfaisante à mes questions. J’accepte de participer à cette recherche aux conditions énoncées ci-dessus. Ma participation à ces rencontres est libre et volontaire et je peux me retirer en tout temps de cette recherche. » ______________________________________ Vos initiales ______________________________________ Signatures des membres de l’équipe de recherche Josiane Akrich, Matthias Berthet, Lucie Gélineau ; Khadim Gueye, Tania Jimenez, Sébastien Payeur Les questions, préoccupations ou plaintes concernant l’activité de recherche ou les chercheures doivent être adressées à Bernard Bastien, directeur du PAS de la rue au 514-526-1699. Pas de la Rue Informations générales *1. Identifiant PAS_ SAC_ MAI_ ACC_ *2. Date du sondage *3. Intervieweur Page 1 Pas de la Rue Information Questionnaire *4. J'ai j entre 55 et 64 ans k l m n j 65 ans k l m n j 66 ans ou plus k l m n 5. Je suis j un homme k l m n j une femme k l m n 6. Je vis seul c oui d e f g c non d e f g Commentaires 5 6 7. Ma dernière année d'école que j'ai terminé : j Le primaire (6e année et moins) k l m n j une école de rang k l m n j Le secondaire (11e année et moins) k l m n j Le pensionnat k l m n j Le secondaire V k l m n j Le collège classique k l m n j Le CEGEP k l m n j L'Université k l m n j Une formation professionnelle k l m n j Aucune étude k l m n Autre (veuillez préciser) 5 6 Page 2 Pas de la Rue Exploration du rapport au travail 8. J'ai occupé un emploi comme c travailleur autonome d e f g c travailleur manuel (Job de bras) d e f g c artisan ou artiste d e f g c travailleur non qualifié d e f g c Contractuels/occasionnels d e f g c Travailleur en déplacement d e f g c Employé permanent d e f g c Je n'ai jamais eu d'emploi d e f g Autre (veuillez préciser) 5 6 Page 3 Pas de la Rue 9. J'ai perdu mon emploi : c J'ai été mis à pied/licensié d e f g c L'entreprise a déménagé et c'était trop loin d e f g c Mon contrat était fini d e f g c Fin de mon programme d e f g c J'ai été congédié d e f g c Je suis parti d e f g c Pour des raisons de santé d e f g c Trop âgé d e f g c Suite à un accident d e f g c Burn out d e f g c Prison et casier judiciaire d e f g c aidant naturel d e f g Autre (veuillez préciser) 5 6 10. Quand j'ai perdu mon emploi, j'avais accès Oui Non à une assurance salaire j k l m n j k l m n au chômage j k l m n j k l m n à une indemnité de départ j k l m n j k l m n à de l'aide pour me j k l m n j k l m n j k l m n j k l m n replacer à rien Autre (veuillez préciser) 5 6 Page 4 Pas de la Rue Expériences de la rue 11. J'ai déjà dormi à la rue ou en refuge j Oui k l m n j Non k l m n 12. J’ai dû dormir chez de la parenté, des amis, des connaissances, des chums, parce que je n’avais pas de place où dormir j Oui k l m n j Non k l m n 13. Depuis les 3 derniers mois, il m’est arrivé de dormir à la rue ou en refuge j Oui k l m n j Non k l m n Page 5 Pas de la Rue 14. Si oui aux q. 4, 5 ou 6... Les fois où j'ai quitté / perdu mon logement c'était parce que (Plusieurs réponses possibles) c C'était invivable avec le monde à la maison d e f g c Je me suis séparé/divorcé d e f g c Mon/Ma partenaire est mort d e f g c J'ai été mis à la porte d e f g c je me sentais trop seul d e f g c J’ai été victime de violence d e f g c On me poursuivait d e f g c Je devais prendre soin de gens autour de moi d e f g c J’ai perdu mon emploi d e f g c Je n’avais pas assez d’argent d e f g c Je pouvais mieux gérer mon budget d e f g c J’étais trop endetté d e f g c Le loyer a augmenté d e f g c Mon logement était en trop mauvais état d e f g c Il y avait de la vermine dedans d e f g c Mon logement a passé au feu d e f g c J’avais peur d e f g c Je ne me sentais pas en sécurité d e f g c C'était trop d'entretien et d'organisation d e f g c J’ai dû être hospitalisé d e f g c Je suis tombé malade (physiquement) d e f g c Je suis tombée malade (mentalement) d e f g c J’avais des problèmes à cause d’un handicap d e f g c J’ai fait une rechute (santé mentale) d e f g c Je n’arrivais plus à gérer ma consommation (Drogue et médicaments) d e f g c Je n’arrivais plus à gérer ma consommation d’alcool d e f g c Je jouais trop d e f g c Je suis entré en prison d e f g c Je voulais être libre d e f g Page 6 Pas de la Rue c Je voulais voir du pays d e f g c Plus facile d'être en mission : je connaissais les façons de faire, les ressources, et la routine d e f g c J’ai perdu ma voiture d e f g c J’ai perdu mon permis d e f g Autre (veuillez préciser) 5 6 Page 7 Pas de la Rue Les capabilités 15. En regardant votre histoire, lesquels de ces critères, lorsque présents, font en sorte que vous avez l’impression de manger encore plus de misère ? Lesquels, lorsque vécu ensemble, rendent les choses encore plus difficiles ? Oui ou non Ensemble A Ensemble B Ensemble C Ensemble D Devoir marcher à pied 6 6 6 6 6 Tomber malade /avoir le 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 Être fatigué 6 6 6 6 6 Se sentir impuissant, 6 6 6 6 6 Avoir très peu d'argent 6 6 6 6 6 Avoir des problèmes 6 6 6 6 6 Tomber sur le BS 6 6 6 6 6 Être pris avec une dette 6 6 6 6 6 Consommer (drogues ; 6 6 6 6 6 Jouer 6 6 6 6 6 Sentir les préjugés et le 6 6 6 6 6 Vivre de la honte 6 6 6 6 6 Se sentir tout seul 6 6 6 6 6 Se séparer (ruptures ou 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 Subir de la violence 6 6 6 6 6 Un voisinage difficile 6 6 6 6 6 corps qui nous lâche Tomber dans la folie/avoir des idées noires Ne pas avoir accès à une ressource (médecin, travailleur social, ressource communautaire, lit d'hôpital) Vivre en mission, avec ses règles dépassé d'emplois alcool ; médicaments) regard des autres deuil) Vieillir passer le cap des 55 ans (perturbateur) Page 8 Pas de la Rue Vivre échec sur échec 6 6 6 6 6 Avoir eu une vie 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 mouvementée Avoir des regrets Autre (veuillez préciser) 5 6 Page 9 Pas de la Rue 16. En regardant votre vie, quels facteurs vous ont donné ou vous donneraient des ailes ? Oui ou non De l’argent qui entre Ensemble A Ensemble B Ensemble C Ensemble D 6 6 6 6 6 Plus d’argent 6 6 6 6 6 La pension de retraite 6 6 6 6 6 Un logement 6 6 6 6 6 Un logement à prix 6 6 6 6 6 Du transport 6 6 6 6 6 Un médecin de famille 6 6 6 6 6 Pouvoir inviter ou sortir 6 6 6 6 6 Vivre avec quelqu'un 6 6 6 6 6 Avoir un 6 6 6 6 6 Penser à mon passé 6 6 6 6 6 M’évader ; fuir ; changer 6 6 6 6 6 Un emploi 6 6 6 6 6 Des ressources 6 6 6 6 6 Un groupe comme les AA 6 6 6 6 6 La religion ou la spiritualité 6 6 6 6 6 Des programmes sociaux 6 6 6 6 6 Des rêves et des projets 6 6 6 6 6 Des loisirs 6 6 6 6 6 Me sentir libre 6 6 6 6 6 Un milieu que je connais 6 6 6 6 6 régulièrement modique avec des personnes amoureux/amoureuse communautaires comme le PAS Commentaires 5 6 Page 10 Vieillir dans la rue // Rapport de recherche // Septembre 2013 49 Bibliographie Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion. (2009). Prendre la mesure de la pauvreté. Québec: Gouvernement du Québec. Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion. (s.d.). Seuils de faible revenu d’après la Mesure du panier de consommation (MPC, base 2008), selon la taille de l’unité familiale1 et la taille de l’agglomération, Québec, 2010 Retrieved 10 septembre, 2013, from http://www.cepe.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_MPC_ seuils-faible-revenu_2010.pdf Comité consultatif de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale. (2010). Vieillir seul. Les répercussions sur la pauvreté et l’exclusion sociale. Québec: Gouvernement du Québec. Creswell, J. (2007). Qualitative inquiry & reserach desing. Choosing among five approaches. Thousand Oaks: Sage. Guba, E. G., & Lincoln, Y. (1982). Epistemological and methodological bases of naturalistic inquiry. Educational Communications and Technology Journal, 30(4). Institut de la statistique du Québec. (2012). 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Programme d’aide sociale et Programme de solidarité sociale en vigueur le 1er janvier 2013. Québec: Gouvernement du Québec Retrieved from http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/sr_dep_montant_prestations.pdf. Nussbaum, M. (2012). Capabilités. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? Paris: Flammarion. Paillé, P., & Mucchielli, A. (2003). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris: Armand Colin. RAIIQ, & Gélineau, L. (2008). La spirale de l’itinérance au féminin : pour une meilleure compréhension des conditions de vie des femmes en situation d’itinérance de la région de Québec (pp. 101). Québec: Regroupement de l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec. Sen, A. (2000). Repenser l’inégalité (P. Chemla, Trans.). Paris: Seuil.