Révolutions numériques - transmedia »
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Dossier Participant Innovations numériques, multimédias, transmédias Contacts Direction : Charlotte Ullmann – 76 48 37 [email protected] Communication & coordination Léna Hoffmann – 81 55 10 [email protected] 1 Les articles du dossier proviennent du site d’InternetActu Sommaire Répondre à l’injonction d’innover .. 3 Faire levier de l’intelligence collective 6 Cross-média : Un auteur transmédia… ou pas ? Participation, transmédia et propagation 8 9 Un regard transmedia sur l’industrie de la musique 10 Liens Web Répondre à l’injonction d’innover www.internetactu.net/2011/02/09/repondre-a-linjonction-dinnover/ Faire levier de l’intelligence collective www.internetactu.net/2011/07/20/faire-levier-de-lintelligence-collective/ Cross-média : Un auteur transmédia… ou pas ? http://karleen.fr/lundis-cross-media-un-auteur-transmedia-ou-pas%C2%A0/ Participation, transmédia et propagation www.transmedialab.org/usages/participation-transmedia-et-propagation/ Un regard transmedia sur l’industrie de la musique http://www.transmedialab.org/etudes-de-cas/etudes-de-cas-un-regard-transmedia-surl%E2%80%99industrie-de-la-musique/ 2 Répondre à l’injonction d’innover Par Hubert Guillaud le 09/02/11 www.internetactu.net/2011/02/09/repondre -a-linjonction-dinnover/ Pas facile de comprendre ce qu’est l’innovation dans un monde mouvant et complexe. C’était pourtant l’un des défis de la session introductive de l’édition 2011 de la conférence Lift qui se tenait la semaine dernière à Genève. “Jusqu’à présent, les révolutions avaient toujours une structure, une organisation, des figures intellectuelles à leurs têtes… L’Egypte ou la Tunisie nous montrent un autre type de révolution, les “WikiRévolutions””, explique le célèbre Don Tapscott, professeur de management à l’université de Toronto, président du think tank Moxie Insight et surtout auteur (avec Anthony D. Williams) du bestseller mondial Wikinomics et de sa suite, Macrowikinomics qui vient de paraître. Grâce aux médias sociaux, le coût de transaction de la collaboration a changé et ces médias ont bouleversé la façon dont les gens collaborent. En Tunisie, les gens par exemple prenaient des photos des snippers pour les dénoncer à l’armée qui les soutenait… Image : Don Tapscott sur le scène de Lift11 à Genève, photographié par Raphaëlle Ankaova, avec son aimable autorisation. Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut passer par l’histoire. Il y a 700 ans, nos économies étaient agraires, résume à toute vitesse le gourou des stratégies d’affaires. Jusqu’à l’invention de l’imprimerie, les connaissances se concentraient chez très peu de gens. Avec l’imprimerie et l’élargissement de la connaissance qui en a résulté, les institutions ont alors profondément changé. L’Eglise n’avait ainsi plus besoin de s’occuper de médecine par exemple, qui peu à peu a été confiée aux universités. Les institutions existantes se sont adaptées à cette nouvelle donne et de nouvelles institutions se sont mises en place qui ont permis l’essor de l’âge industriel. Actuellement la nouvelle révolution de la communication produit une nouvelle transformation des connaissances et donc des institutions, estime Don Tapscott. L’internet nous permet d’arriver à “l’âge de la connaissance distribuée”, à l’ère de la connaissance en réseau. Mais comment vont évoluer les institutions en regard de cette transformation ? La nouvelle génération, celle des gens qui sont nés avec le numérique, est dans une situation difficile. Elle est confrontée à de nombreux problèmes : le chômage massif, le changement climatique, la fin des énergies fossiles, etc. “Nous sommes au début d’une radicalisation de la jeunesse”, prophétise Tapscott, car elle a désormais des outils très performants pour réagir, pour organiser une riposte aux difficultés qu’elle connait. La crise économique nous rappelle que nous devons changer notre manière de concevoir le monde et l’économie qui le fonde, souligne le spécialiste en stratégie d’entreprise. Qui aurait pensé il y a 3 ans, que le grand sujet de l’économie mondiale deviendrait “comment sauver le capitalisme” comme le montre la floraison de publications qui ne sont pas l’oeuvre uniquement de radicaux, bien au contraire… Nous devons reconstruire le monde et ses institutions autour de nouvelles séries de principes, propose Tapscott : à savoir la collaboration, l’ouverture, le partage, l’interdépendance et l’intégrité. Que peut-on créer par la collaboration massive ? Que peut-on créer avec l’ouverture, l’hypertransparence ? Que se Comment faire société dans 1 monde en réseau ? Cette transformation semble positive. Mais elle est confrontée à un défi historique : en Tunisie, il n’y a plus de partis, d’organisation, de structure pour reprendre les rênes. Et c’est bien le problème, estime Tapscott. Comment dans ce contexte arriver à une nouvelle ère démocratique, économique et de justice sociale ? Si on regarde le fonctionnement des institutions (au-delà de la Tunisie), beaucoup sont aujourd’hui bloquées, s’écroulent, et ce, alors que nous ne vivons pas nécessairement une période radicale. L’ère industrielle et les institutions traditionnelles semblent arrivées au bout de leur fonctionnement : université, journaux, système financier, système de santé… Ces institutions vont-elles parvenir à se reconstruire dans un modèle en réseau ? 3 passe-t-il quand les entreprises sont mises à nues par les usagers ? Comment développer une “stratégie de la transparence” tout en faisant attention de ne pas confondre la transparence (les institutions qui dévoilent toujours plus d’information sur elles-mêmes) et la vie privée, l’intimité (qui elle protège les individus) ? Comment trouver des solutions pour que les modèles d’affaires s’expriment par le partage – plutôt que par des poursuites à l’encontre des utilisateurs comme l’a trop fait l’industrie du disque ? Si nous reconstruisons toute notre société autour de ces principes que va-t-il se passer ? Est-ce que cela suffira à “tout changer” ? On peut changer la manière dont on est élu, mais est-ce que cela changera la manière dont on va gouverner ? Obama a bien montré qu’on pouvait faire l’un sans l’autre. Pas sûr que cette façon de fonctionner tienne encore longtemps, estime Tapscott… Certes, General Motors a fait faillite : mais de nouveaux types d’industrie automobile émergents commeLocal Motors, qui propose de produire des voitures locales pour des marchés locaux, avec une conception innovante. Le système financier a également fait faillite, montrant combien nous avons besoin de nouveaux modèles de services financiers… Le Chicago Sun Times, comme beaucoup d’autres journaux, a fait faillite, mais le Huffington Post est né. Il est 20 fois plus gros que le New York Times, mais ses journalistes ne sont pas payés ! Ce qui nécessite de réfléchir encore au modèle d’affaire de la presse… Ces transformations en cours ne sont pas sans poser problèmes. Et Don Tapscott ne cherche pas à minimiser les difficultés. Cependant, on est dans une période très intéressante, s’enthousiasme-t-il. Toutes les institutions internationales montrent leurs limites (la banque mondiale, l’ONU, le G20 comme le G8…). A Copenhague, comme à Cancoon, les organisations n’arrivent pas à s’entendre… En attendant, des millions de personnes se mobilisent et agissent concrètement, comme le montre certaines initiatives modèles telles Eye on Earth ou Ushahidi. Nous sommes dans une époque de profond changement, où les gens peuvent communiquer et adresser les grands problèmes du monde. Le pouvoir passe des institutions habituelles, vers des outils plus modernes et des organisations en réseau. Et Don Tapscott de conclure son exposé en montrant une vidéo avec force violon montrant un fourmillement d’oiseaux en vol (le swarming), la “murmuration nocturne” des oiseaux, qui volant en groupe, décrivant de larges cercles, se réchauffant avant l’arrivée de la nuit, agissant en groupe, sans dirigeants, globalement. Il n’y a pas d’accidents dans ces phénomènes de swarming estiment les spécialistes. C’est une collaboration de groupe fondée sur l’ouverture et le partage. Il y a une interdépendance entre les intérêts des individus et ceux de la masse. “Pourrions nous créer, une intelligence, une conscience qui va audelà de l’individu ? L’ère de l’intelligence réseautée sera-t-elle celle des promesses tenues ? Pourraiton créer de tels types de conscience au sein d’une société pour résoudre les défis auxquels nous allons être confronté, pour reconstruire le monde cassé dont nous héritons ?” Don Tapscott semble le croire. C’est certainement rayer de la carte un peu vite les nouvelles organisations qui naissent de nos outils, comme si elles étaient autoconstituées, comme si elles ne faisaient pas naître de nouvelles hiérarchies, de nouvelles structures et de nouvelles formes d’organisation… Pas sûr que l’intelligence collective immanente des animaux ressemble beaucoup à celle des hommes. Innovons, innovons, innovons ! Pour l’entrepreneur Jean-Claude Biver, président de Hublot, un fabricant de montres suisses de luxe, il n’y a pas de vie, de futur sans innovation. “Nous sommes soumis à l’injonction d’innover depuis le jour de notre naissance !”, clame Jean-Claude Biver. Mais l’éducation nous formate et nous fait perdre l’essentiel de notre créativité, regrette l’entrepreneur. Et plus nous cadrons les enfants, plus les enfants vont perdre leur créativité.“L’innovation est plus puissante que le savoir, car le savoir, c’est facile à obtenir. Il est désormais très accessible avec les nouvelles technologies. Mais la créativité est au-dessus du savoir. Si tout le monde pouvait être créatif, il faudrait certainement inventer quelque chose de plus pour distinguer les gens.” L’innovation est ce qui nous distingue les uns les autres. Rien de moins ! “Dans l’environnement compétitif d’aujourd’hui, où la vitesse est devenue si importante, il est capital de penser autrement. Dans mon entreprise, quoiqu’on fasse, nous devons toujours respecter trois règles : essayer d’être le premier, être unique et différent et ce quelque soit le projet. Si c’est le cas, le budget est ouvert, on peut aller de l’avant. Car quand on est le premier, on ne peut pas avoir tort, on ne peut que gagner”, assure le manager d’entreprises. 4 être créatif”, juge un peu rapidement l’entrepreneur. Le savoir c’est la base de la créativité, semble se rattraper Biver. Mais si la créativité consiste à faire une sélection sur la couleur de cheveux, pas sûrs que le savoir soit une base. Le risque ici, est bien plutôt de nier la connaissance. Ce n’est pas les qualités du joueur de foot (son expertise, ses connaissances du jeu, de la stratégie) qui sont mises en avant, mais son aspect différenciant. Il n’y a qu’un pas entre la créativité inspirée par la connaissance et la conscience, et une créativité qui fonctionne pour elle-même… “Libérons les gens. Ils vont voler”, conclut Jean-Claude Biver. Malgré son sourire engageant et ses principes originaux, la démonstration est loin d’être faite. Parfois, plutôt que de voler, ils s’écrasent. Faire comprendre est plus important qu’innover ! “On a tous ressenti le choc qui parcourt la société en ce moment. C’est la 22e année d’existence du World Wide Web cette année et, depuis sa naissance, il n’a cessé de causer une révolution qui a bouleversé la société créant un fossé entre les générations et modifiant les organisations, changeant le concept même de la civilisation”. Ben Hammersley, éditeur à Wired UK et journaliste a souhaité apporter un contre-point à l’injonction à innover présentée par les précédents orateurs. “Quand on voit la tête de Hosni Moubarak dans la presse ou à la télé, on voit bien qu’il à la tête de quelqu’un qui se demande : “mais que vient-il de se passer ?”” Il fait la même tête que bien des entrepreneurs de médias découvrant la puissance du web à l’heure où ils tentent encore de vendre du papier… Quels effets psychologiques a cette innovation sur les dirigeants du monde, les gens de plus de 50 ans, qui sont déstabilisés par ce présent ? Ce qui se passe ne pose aucun problème aux jeunes générations : ils vivent avec, ils font l’innovation d’aujourd’hui. C’est tout. Mais il est intéressant de remarquer que les gens qui parlent le plus d’innovation, c’est la génération tampon.“Notre génération”, estime Ben Hammersley en s’adressant à la salle. “Un pays est défini par la distance entre eux et nous. Nous sommes nous, car nous sommes ici. Différentes langues, cultures, religions, formes de gouvernement… formaient autant de distances entre les gens. La distance c’est ce qui définissait ce que nous étions. C’est plus tard, par commodité qu’on a placée des lignes sur des cartes. Dans la société, on se situe aussi par les gens au-dessus et en dessous de nous. Le système très hiérarchique semble inhérent à toute forme de civilisation. Au début du XXe siècle, Freud a codifié la société sur la base des relations hiérarchisées en nous donnant une explication et une boite à outils pour comprendre les systèmes. C’est resté le cadre intellectuel dominant du XXe siècle, de la postmodernité. Nous sommes jugés par des chiffres qui Image : Jean-Claude Biver sur la scène de Lift11 à Genève, photographié par Ivo Napflin. Biver fabrique des montres qui se doivent d’être exceptionnelles, car les téléphones les ont remplacés. Il y a 400 ans, quand a été inventé l’art de l’horlogerie suisse, l’innovation était de fabriquer un instrument qui vous donnait l’heure. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. “Nous devons nous débarrasser de la nécessité d’une montre. Nous devons changer l’utilisation de la montre pour en faire un outil de communication, un rêve, une innovation, un produit relationnel et irrationnel ”, explique le concepteur de montres de luxe. Pour innover, il faut permettre aux gens de faire des erreurs. La société Hublot offre un bonus aux employés quand ils font des erreurs. “Quand on demande aux gens de se tromper souvent, alors ils deviennent très actifs. Souvent, on a peur d’innover, car l’innovation mène à l’incertitude. Or, l’innovation c’est le contraire. C’est comme une vision. Et la réalité, c’est ce à quoi il faut arriver. Pour cela, il faut encourager les gens à prendre des risques, il faut pardonner les erreurs.” Pour Biver, c’est un moyen d’encourager la créativité de chacun. “Nous avons besoin de la créativité, dans notre sang, dans notre coeur, dans notre corps. Nous ne travaillons plus, nous jouons. Comme les enfants quand ils jouent, ne pensant pas qu’ils sont en train de travailler.” Mais voilà, dans les exemples qu’il choisit, JeanClaude Biver dérape petit à petit, en rigolant… En évoquant par exemple le fait que le joueur de foot japonais le plus connu au monde est un joueur qui s’est longtemps teint les cheveux en rouge pour être différent, unique (il parle de Hidetoshi Nakata,Wikipédia). Ou en évoquant le fait que notre créativité rend le travail si passionnant qu’on ne se rend plus compte que cela en est. Et de vanter les qualités de travail des Coréens “qui valent 3 Suisses”, rigole-t-il. Ou de s’en prendre à la politesse japonaise et aux pesanteurs des contraintes sociales qui engoncent la société nippone, qui pousse tous les gens à s’habiller de la même façon. Au Japon, “il y a trop de règles pour 5 représentent ces fictions hiérarchiques. Tout ce juge sur des chiffres (notre économie, nos amitiés…).” et ceux qui la vivent sans la penser. Nous devons ouvrir le chemin pour que les plus jeunes puissent passer avec cette révolution. Notre premier problème n’est pas l’innovation, mais de la traduire pour que tous la comprennent. Demandons-nous comment pouvons-nous expliquer à notre mère, à notre patron, ce que nous faisons… Expliquons-leur. Traduisons-leur. C’est cela qui est important. C’est en tout cas bien plus nécessaire que d’encourager les gens à Autant dire que nous avons une mauvaise boite à outils cognitive, estime Hammersley. Le système hiérarchique de la génération des 50-60 ans était simple. Depuis 1989, la chute du mur et le développement d’internet, tout a changé. Les réseaux ont commencé à se former. En 1999-2000, les règles économiques ont censée avoir été réécrites. Depuis le 11 septembre, notre monde a même changé d’ennemi : un ennemi sans tête, protéiforme… en réseau. Les temps modernes sont déstabilisants, car tout a changé. On est désormais dans la situation où toutes ces hiérarchies et leurs fondements sont en train de disparaître, comme le disait Don Tapscott. La “distance” qui nous a amenés à créer des pays et des hiérarchies sociales n’a plus aucun sens. On peut envoyer un e-mail partout dans le monde. On a créé des diasporas d’intérêt en ligne. “La mort de la distance a créé de nouvelles formes de pays, fondés non plus sur la distance, mais sur la culture, les croyances, les principes, les relations… Nous avons plus de liens avec des gens qui ont les mêmes intérêts que nous dans le monde qu’on n’en a avec nos voisins voire avec notre famille. Les nouvelles formes culturelles sont fondées sur des intérêts communs… Tant mieux, car il n’est pas si facile de tirer sur hastag.” “Il y a le monde des plus vieux, celui des hiérarchies (le temps des pyramides) et le monde des plus jeunes, qui vivent dans un monde de réseau, sans hiérarchie. Et nous sommes au milieu. Nous avons un travail difficile, car les gens qui ne sont pas nés à l’époque des hiérarchies ne les comprennent pas et les gens plus âgés, qui n’ont connu qu’elles, ont du mal à comprendre comment fonctionne un réseau (qu’ils essayent de faire cadrer avec des images mentales de hiérarchies le plus souvent). Les gens qui dirigent le monde actuellement, qui sont à Davos, qui conseillent Moubarak, “ne peuvent comprendre qu’ils ne peuvent pas comprendre ce qu’ils ne peuvent comprendre”. Ils n’ont pas le cadre intellectuel sur lequel construire cette nouvelle forme de pensée”– mais on ne peut pas se débarrasser de cette génération, qui forme la majorité de nos concitoyens… et qui tient les rênes – semble presque regretter Ben Hammersley. Alors que peut-on faire ? Quelle est notre mission ? s’interroge Hammersley. “Nous n’avons cessé de parler d’innovation, de technologie, de rupture… Mais ces mots ne nous ont pas aidés à convaincre, à faire comprendre de quoi nous parlions. Notre premier problème n’est pas d’encourager l’innovation : les gens vont innover de toute façon. Notre premier problème est de traduire l’innovation entre ceux qui ne la comprennent pas Faire levier de l’intelligence innover.” Faire levier de l’intelligence collective Par Hubert Guillaud le 20/07/11 www.internetactu.net/2011/07/20/fairelevier-de-lintelligence-collective/ “L’ouverture est extrêmement importante, mais ce n’est pas auprès d’une assemblée comme celle de Lift qu’il y a des gens à convaincre. Pour autant, on sait qu’on ne peut pas tout ouvrir : les gens n’auraient pas envie qu’on publie toutes les déclarations d’impôts ou tout ce qu’ils font sur l’internet. La société repose donc sur un équilibre entre la fermeture et l’ouverture”, introduit Geoff Mulgan sur la scène de Lift. Geoff Mulgan (Wikipédia) a longtemps été le responsable, et l’âme, de la Young Foundation, une organisation britannique de promotion de l’innovation sociale, et est devenu récemment le responsable du Nesta, l’agence de l’innovation britannique. Au Nesta, Geoff Mulgan travaille désormais au financement de projets ouverts et collaboratifs. Les deux entités ont une grande partie de travaux communs. Depuis sa création en 2006, la Young Foundation a soutenu, lancé et encouragé de nombreux projets ouverts comme l’Open University, les écoles ouvertes et de nombreux projets essayant d’ouvrir le monde de la santé au public. Pour Geoff Mulgan ces projets doivent bien sûr suivre leurs stratégies, mais ils doivent surtout prendre en compte les hiérarchies existantes, permettre de développer de nouveaux modèles à l’extérieur des modèles fermés qui structurent notre société. 6 voisinage ou du travail. Tyze est un système qui permet d’approfondir les relations sociales plutôt que les étendre, comme le proposent la plupart des réseaux sociaux, en s’intéressant à comment approfondir les réseaux de soutien de personnes dépendantes comme les handicapés ou les personnes âgées. Maslaha est un site participatif créé à la demande d’adolescents britanniques musulmans qui souhaitent avoir un espace pour demander des conseils sur les dilemmes auxquels ils sont confrontés dans leur vie quotidienne pour vivre leur religion. C’est un espace social qui leur permet d’échanger et de recevoir des réponses simples à leurs problèmes comme, que fait-on si on est diabétique pendant le ramadan… “Encore une idée simple qui tente de relever des aspirations humaines et d’humaniser la technologie”. Image : Geoff Mulgan sur la scène de Lift, photographié par Pierre Metivier. Et Geoff Mulgan propose de nombreux exemples qui vont dans ce sens. Who Owns My Neighbourhood permet de savoir à qui appartiennent les terrains anglais, dans le but de permettre de faciliter les discussions collectives autour de ce qu’il est possible de faire de certains terrains ou immeubles et faciliter les projets locaux. Sutton Bookshare est un site développé avec le soutien de la municipalité pour encourager les habitants à échanger les livres de leurs propres bibliothèques, pour élargir l’offre de la bibliothèque publique locale. A Birmingham se mettent en place des tableaux de bord civiques qui a pour but de montrer les demandes que font les habitants à leurs administrations et d’évaluer leur traitement. Image : la page d’accueil de Maslaha. Action for Hapiness est un autre réseau lancé en avril 2011 qui a pour objet de donner à des gens des outils et des conseils pour avoir des vies plus heureuses. Sur le même principe que Maslaha, il regroupe à la fois des conseils d’experts, un décryptage des connaissances scientifiques sur ces sujets et des discussions entre les usagers pour qu’ils échangent leurs méthodes pour être heureux. “Là encore, c’est un système hybride entre des choses très ouvertes et très fermées, entre des choses très hiérarchiques et d’autres très horizontales”, commente Geoff Mulgan. Les Social Innovation Camp sont également des formes d’action pour soutenir des projets d’innovation sociale qui a permis de faire éclore des programmes comme Enabled by Design, qui est un site qui fait travailler des designers à des projets autour du handicap, My Police pour lancer une conversation entre policiers et citoyens. L’un des derniers projets primés par les Social Innovation Camp – Food Radar – est un projet qui vise à utiliser des aliments non utilisés à la fin de la journée dans les restaurants afin d’éviter le gaspillage. I DO Ideas est un site pour faciliter le soutien aux projets des adolescents. “Plutôt que de leur demander de remplir un formulaire pour obtenir une subvention, on leur demande de publier une vidéo qui explique leur projet.” Il y a un an, la Young Foundation a lancé les Studio School des écoles pour des adolescents qui Image : Le tableau de suivi des demandes des citoyens de Birmingham, permettant à l’administration de cartographier les requêtes, de les qualifier, de traçer les réponses… A Londres, le répertoire de données de la ville a permis par exemple de lister et visualiser les endroits les plus dangereux à vélo de la ville. MyDex est un nouveau projet qui permet aux citoyens de redevenir maître de leurs données face au besoin des entreprises et des administrations, leur permettant de faire attention à leurs données et de limiter les abus de ceux qui les agrègent pour nous. Slivers of Time est une plateforme permettant de faire de l’échange de produits ou de services locaux, dans le cadre du 7 détestent l’école. Pour fonctionner, elles ont supprimé les bureaux pour fonctionner en mode projets avec des partenaires et des entreprises extérieures. Une dizaine ont été ouvertes, avec pour but d’intégrer l’apprentissage dans l’action, dans le “faire”. “Il faut bien voir, là encore, que la technologie n’est pas le point de départ. Dans les années 90, on implantait la technologie dans les classes, sans grand succès. Ici, tout repose sur l’esprit de l’éducation. Cerner le problème pour bâtir des relations autour”, estime Geoff Mulgan. Geoff Mulgan pourrait continuer longtemps a lister des projets stimulants… Pour lui, ce qu’il faut en retenir, c’est la valeur de la synthèse entre hiérarchies et réseaux ouverts, permettant de faire des liens entre deux mondes. Il y a là assurément un espace de discussion qu’essayent d’habiter les laboratoires du service public du Nesta ou les travaux de la Young Foundation… Cependant, tout ne marche pas, reconnaît avec lucidité le gourou de l’innovation sociale britannique.La police néo-zélandaise a essayé de faire une législation sur son fonctionnement sur un wiki sans grand succès. Aux Etats-Unis, Peer to Patent, un système de commentaires sur les brevets fonctionne bien, mais Challenge.gov, qui avait pour but de capter des propositions citoyennes pour le gouvernement, lui, fonctionne assez mal. “Comment peut-on mieux apprendre à mesure que l’innovation accélère ? Qu’est-ce qui marche vraiment dans le domaine du crowdsourcing, de l’innovation, des systèmes participatifs ?” Au Nesta, le Social Innovation Exchange, un réseau social autour de l’innovation sociale, essaye de regarder ce qui marche et ne marche pas. The Global Innovation Academy essaye de faire le même travail au niveau mondial. Il est important de rendre l’innovation simple, compréhensible, facile à appréhender pour les gens. Elle ne doit pas seulement être “quelque chose pour les experts”, explique encore Geoff Mulgan. “Ce que l’on constate, c’est que les innovations dans le domaine social ne sont pas des percées fondamentales ou des choses très originales. Elles reposent souvent sur des méthodes faciles à décrire comme l’inversion (via des jeux de rôles où les paysans deviennent des banquiers, les patients deviennent des médecins…), l’intégration (mise en place de conseillers personnels…), la différenciation (via la personnalisation ou la segmentation des services)… et bien sûr la créativité”. “Des outils de conception sociale démocratique”, comme il les appelle dans sa présentation (.pdf). “Mais ce ne sont que des méthodes pour développer des idées originales. Il n’y a pas de mystère autour du processus d’innovation : il n’est pas si difficile à mettre en place.” “Ce que nous avons appris du fonctionnement du cerveau c’est qu’il sait aussi arrêter les flux d’information. Il faut obtenir le bon équilibre entre le flux et l’ouverture. Le silence permet aussi de réfléchir. Il nous faut des technos qui nous aident à retrouver le silence et aussi des technos qui nous aident à accélérer le flux de données. Nous avons besoin d’être à la fois rapides et lents, ouverts et fermés, tout le temps connectés et déconnectés. Beaucoup de choses ne vont pas fonctionner dans l’intelligence collective. Ces initiatives doivent accepter l’échec, expérimenter. L’intelligence collective comme toutes les intelligences a besoin de grammaires, de structures… Et c’est à nous de comprendre celles qui fonctionnent le mieux.” Cross-média : Un auteur transmédia… ou pas ? Karleen Goupierre - juillet 18, 2011 http://karleen.fr/lundis-cross-media-un-auteurtransmedia-ou-pas%C2%A0/ Tout comme certaines idées se prêtent particulièrement à devenir transmédia, il me semble que certaines personnes possèdent les atouts nécessaires pour réaliser un cross-média. Cette affirmation peut sembler un peu abrupte, mais elle découle d’une observation minutieuse. Le fait qu’une seule personne puisse écrire un cross-média semble un peu utopiste, c’est une énorme charge de travail, et même un imaginaire bien rempli ne semble pas pouvoir pallier aux connaissances spécifiques que demande l’écriture d’un film ou celle d’un jeu. Par conséquent, aujourd’hui, lorsqu’on veut réaliser un cross-média on cherche à mettre en place une équipe de pilotage constituée d’un auteur de jeu, d’un auteur de série, d’un auteur de film, etc. . Malheureusement, on a pu remarquer ces dernières années que la plupart des projets crossmédia réalisés ainsi, en collaboration, n’avaient pas pu aboutir. 8 En effet, la collaboration pose de nombreux problèmes, outre les problèmes de licences, de répartition des couts et des bénéfices, il est difficile de faire travailler ensemble des auteurs de différents milieux, de différents domaines. Un spécialiste du jeu vidéo rencontre souvent des difficultés à travailler avec un spécialiste du film, ils n’ont pas les mêmes méthodes et généralement pas le même vocabulaire, etc. Lors des conférences du Forum Blanc 2010, certains discutants ont évoqué ce problème et les témoignages se sont succédé. Pour répondre à ces problèmes, il a été proposé deux solutions : La première : créer des écoles qui pourraient former les étudiants à être polyvalents. En effet, ce serait incontestablement une solution, néanmoins il existe actuellement des formations qui permettent aux étudiants d’apprendre de manière indissociée à réaliser des jeux, des films, ou même des installations interactives. C’est le cas du diplôme Licence-Master ATI (Arts et Technologie de l’Image) à Paris 8. Néamoins, on pourra remarquer que ces étudiants possédant la double compétence, une fois leur master validé, se dirigent (pour la plupart) soit vers le jeu, soit vers le film et c’est leurs premières expériences professionnelles qui les spécialisent. Ainsi même si nous avions au départ des étudiants polyvalents, capables de travailler pour le jeu comme pour le film, le milieu professionnel et ses carcans ne leur permet pas de rester polyvalents très longtemps… Participation, transmédia et propagation par Jean-Yves Le Moine, publié le 21.08.2009 www.transmedialab.org/usages/participationtransmedia-et-propagation/ On dit souvent que le succès sur le web vient du viral. Mais on ne maîtrise pas la diffusion du viral. Le transmédia doit au contraire se baser sur une diffusion maîtrisée des contenus. Si le viral est un contenu fini, non modifiable, diffusé par mail ou par lien uniquement, le transmédia propose des contenus modifiables et diffusables grâce à des outils qui facilitent sa propagation. Dans un programme transmédia, les contenus se propagent grâce à des outils technologiques et des techniques scénaristiques qui facilitent la participation et la collaboration prodiguant ainsi une expérience immersive au spectateur. Par expérience immersive, nous entendons une expérience intense qui dure plus que l’effet d’un buzz et donne envie au spectateur non seulement de partager mais de participer à l’élaboration des contenus. Le transmedia crée un métaverse, un univers mélangeant virtuel et réel, dans lequel baigne les spectateurs, un univers participatif. Cette intelligence collective ainsi créée est soumise à des règles. La participation des spectateurs se traduit par différents rôles et niveaux d’engagement. Nous avons décelé 4 catégories principales de participation des spectateurs : La deuxième solution proposée est la plus utopiste, mais la plus efficace à mon gout. C’est d’avoir un « super-créateur »… Une personne à l’imagination fertile capable d’écrire pour le jeu comme pour le film. Une personne capable d’écrire du transmédia. Dans ce cas, le transmédia devient un objet à part entière et non pas une sorte de sac dans lequel on a voulu lié malgré tout un film, un jeu et site internet chacun écrit par un auteur spécialiste du milieu. La plupart des cross-média ayant réellement une dynamique, une interactivité transmédia ont été conçus par ce « super-créateur ». Bien entendu, dans certains cas, ce « supercréateur » peut être un petit groupe de deux ou trois compères au sein duquel aucun n’est vraiment un spécialiste du film, du jeu ou autre. Mais, même s’il est probable qu’une fois dans le siècle il naisse des petits auteurs transmédia, il est plus raisonnable de penser à en former. C’est à dire non pas former des créateurs polyvalents, mais former de véritables auteurs réalisateurs transmédia. D’ailleurs, on voit éclore un peu partout des écoles qui forment au transmédia. À commencer par Gobelin, l’école de l’image dont le but est de devenir l’école de référence dans la communication transmédia. les actifs créateurs sont les plus actifs, c’est une minorité, ils participent activement à l’élaboration et à la modification, et à la propagation des programmes. Ce sont des fans hard core du métaverse les créateurs de contexte sont ceux qui parlent des programmes, les commentent, les annotent, les diffusent à leurs proches, ils forment le cœur de la communauté des fans les intéressés passifs suivent de loin le programme, ils le regardent souvent, mais plutôt en VOD qu’en « direct » lors des évènements que sont les diffusions TV 9 les désintéressés ne suivent pas comme leur nom l’indique le programme, pourtant une partie le connaît et suit discrètement sa renommée Dans la phase de commercialisation et de marketing d’un programme transmédia, il est inutile de vouloir augmenter le nombre des actifs créateurs. Il est par contre primordial de leur donner de bons outils et des contenus appropriés pour qu’ils créent et relaient le programme au plus grand nombre. Ce sont les autres cercles qu’il faut chercher à agrandir, les intéressés passifs doivent être amenés à devenir des créateurs de contexte, et les désintéressés à se tenir au courant du programme doivent devenir intéressés même passifs. Ainsi la propagation dans son intensité et sa durée permettra au plus grand nombre de voir ou d’entendre parler à un moment ou un autre du programme. Même si souvent invoquée comme principale crainte par les producteurs, la musique ne représente que 2,9% des téléchargements illégaux, comme le démontre l’étude publiée par Ars Technica. Pendant que la plupart des grands producteurs concentrent leurs efforts pour combattre la piraterie au travers d’entités comme la BPI au Royaume Uni, la loi Hadopi en France ou la RIAA aux Etats-Unis, de nouveaux acteurs développent des nouveaux modèles économiques autour de la musique et changent ainsi le terrain de jeu. Par exemple, Spotify est un fournisseur d’accès gratuit à la musique qui comptait l’année dernière 10.000.000 d’utilisateurs pour son service financé par la publicité. Depuis le 1er mai, la politique de Spotify a évoluée sous la pression des maisons de disque. Les nouveaux utilisateurs de Spotify continueront de profiter du service gratuit, tel qu’il est actuellement proposé, pendant encore 6 mois. Ensuite, tous les utilisateurs du service gratuit pourront écouter un titre 5 fois maximum, après cette limite l’utilisateur devra acheter le titre. De plus, le nombre d’heures d’écoute sera limité à 10 heures par mois, une réduction de 50% du temps d’écoute par rapport à l’année dernière. Spotify a été amené à changer sa politique de gratuité sous la pression des producteurs de musique qui dénonçaient un modèle économique à perte pour eux. Par exemple Lemonde.fr critiquait les modèles basés sur le streaming en analysant la distribution d’argent qui en découle et en soulignant que les artistes et les labels indépendants peuvent être désavantagés. Un regard transmedia sur l’industrie de la musique par Ana Vasile et Olivier Godest , publié le 12.05.2011 http://www.transmedialab.org/etudes-decas/etudes-de-cas-un-regard-transmedia-surl%E2%80%99industrie-de-la-musique/ Face aux évolutions d’usages et aux nouvelles habitudes de consommation media, l’industrie de la musique rencontre des problèmes similaires à ceux recensés dans l’audiovisuel : des audiences instables, une concurrence croissante des contenus et le piratage. Pourtant, de nouveaux modèles économiques et des projets multiplateformes émergent: Jay Z, Gorillaz ou encore Nine Inch Nails par exemple, renforcent leurs relations avec le public à travers le storytelling. De l’autre côté de la barrière, un million d’abonnés paient déjà chaque mois 9,99 euros pour le service premium, sans publicité et disponible sur les mobiles. De la même manière Last.fm, iTunes ou encore Amazon surfent depuis des années sur la vague de la musique digitale. Apple occupe à travers son application iTunes une position de leader des plateformes de diffusion de musique. Ces exemples montrent que face à l’explosion du digital, le monde de la musique est confronté à une nécessité de faire évoluer ses plates-formes de distribution et donc ses modèles économiques. L’évolution du contexte global, demande aussi un changement dans la manière de « vendre » la musique. Les opérations marketing autour des Les nouveaux modèles de distribution Les auteurs et les maisons de disque se confrontent aujourd’hui principalement à un problème : la baisse des ventes des supports physiques (CD, DVD) directement liée à l’explosion du numérique. 10 artistes évoluent donc en parallèle, s’appuyant sur des éléments de storytelling amenant une valeur ajoutée à l’offre culturelle. avec l’artiste » concluait Pratten. Il nous conseille de construire un univers narratif pour l’intégralité de la carrière d’un artiste et une arche narrative pour chaque album et chaque chanson. Cela peut paraître évident, mais les fans seront susceptibles de vouloir prolonger une expérience qui les a fait vibrer. L’univers musical dans lequel ils sont immergés consolide le sentiment d’appartenance à une communauté qui partage les mêmes valeurs qu’eux. Une idée exploitée par le web-documentaire « Ma tribu, c’est ma vie » qui donne la parole à huit internautes expliquant pourquoi la musique et Internet transforment leurs relations interpersonnelles et contribuent à forger leur identité. « A reason to buy » : Une raison pour acheter Gerd Leonhard, consultant en communication et media, comparait la musique avec l’eau en bouteille. L’eau est disponible quasi-gratuitement au robinet, mais le marché de l’eau embouteillée vend chaque année plus de 89 milliards de litres d’eau dans le monde. Leonhard souligne l’omniprésence de la musique. Les internautes peuvent l’obtenir gratuitement et de plus en plus de maisons de disques cherchent à attirer l’attention limitée du consommateur. Le monopole économique détenu pendant des années par les producteurs et distributeurs classiques est rompu, notamment en raison de nouveaux business models basés sur l’accès numérique. Voici la question que Leonhard se pose : pourquoi payer pour une bouteille d’eau quand celle-ci est disponible gratuitement au robinet ? La solution suggérée par l’auteur est l’engagement, la conversation, l’attractivité et la communauté. Ne vendons pas simplement de la musique, mais une expérience… Robert Pratten, fondateur de « Transmedia Storyteller » et consultant transmedia, abordait le même sujet lors de sa présentation sur l’application des concepts transmedia au monde de la musique. Le storytelling pourrait-il donner un motif d’achat supplémentaire aux internautes, aux générations qui, peut-être, n’ont jamais acheté un CD ? La création d’un univers narratif global construit notamment autour de la personnalité d’un artiste, ou d’un groupe, peut dès lors être un moyen de renforcer l’engagement d’un public déjà plus ou moins acquis à sa cause. Les passionnés seront récompensés en gagnant des éléments d’affinités plus forts avec les artistes qu’ils apprécient, en leur fournissant les outils adéquats, ils pourront même devenir de fidèles ambassadeurs. Les passifs apprécieront une mise en scène globale et cohérente qui fournira des éléments de repères importants, sur lesquels pourront également s’appuyer les néophytes pour rentrer dans l’univers. C’est ce qu’ont déjà commencé à faire certains artistes comme le groupe Gorillaz, le rappeur Jay-Z ou encore le groupe de rock Nine Inch Nails… Les pionniers de la musique transmedia Les univers inspirés par leur musique, leurs vies ou leurs personnages, sont des éléments de valeur ajoutée pour les produits qu’ils mettent en vente : un nouvel album, des places de concert ou encore un livre… Pratten compare l’industrie de la musique à celle du parfum : « On ne vend pas de l’eau parfumé, mais des rêves.» Selon lui, l’industrie de la musique doit s’inventer une valeur ajoutée pour retrouver une valeur économique. Une solution envisageable serait donc de « mettre l’artiste dans une position de catalyseur social, d’être en connexion directe avec les communautés et de leur donner un motif pour dépenser leur argent ». Instinctivement, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Lady Gaga qui a su créer un véritable univers autour de son personnage… « Le succès demande plus qu’une grande communauté, mais aussi de la crédibilité et de l’authenticité, une relation 11 Les héros de Gorillaz Decoded by Jay-Z En 2010, l’artiste Jay-Z publiait son mémoire, un conglomérat d’histoires personnelles, de musiques et de références à sa culture. Pour promouvoir ce lancement, l’agence New-Yorkaise Droga5 mettait en place une campagne multiplateforme et une chasse au trésor sur Internet et dans le monde réel. Gorillaz est un groupe de musique anglais, virtuel, dont les deux créateurs principaux sont Damon Albarn (le chanteur de Blur et de The Good, the Bad and the Queen) et Jamie Hewlett (le dessinateur de Tank Girl). Les membres de Gorillaz sont représentés comme des personnages de bande dessinée. Ils construisent ainsi pour chaque clip vidéo une histoire autour de leurs personnages rapidement identifiables, chacun représente un membre du groupe. « Journey to Plastic Beach » est un dessin animé de 15 minutes qui présente le voyage de Murdoc (le grand tout à droite) vers l’ile de Plastique, là où le personnage aurait conçu le dernier album de Gorillaz : « Plastic Beach ». L’histoire continue en racontant ses efforts pour retrouver tous les alter egos des membres du groupe et ses péripéties abracadabrantes pour retrouver l’esprit des Gorillaz. Pour faire la promo de leur tournée mondiale, une chasse au trésor a été organisée sur Internet, l’objectif : retrouver sur la toile, les 12 personnages de l’univers Gorillaz. Ceux qui finissaient la quête gagnaient un mix exclusif et participaient automatiquement à un tirage au sort pour gagner une planche de surf désignée par Jamie, l’un des membres du groupe. Sur Internet, il existe deux sites officiels : le .fr qui est le site promo marketing classique et le .com qui est un site sur lequel on peut voyager dans l’univers Gorillaz (notamment sur Plastic Beach actuellement) sous la forme d’un jeu de rôle interactif. Sur ce site dédié à l’univers Gorillaz on peut également jouer à une douzaine de mini jeux , regarder des vidéos, écouter une « radio pirate », avoir accès à l’ensemble des albums du groupe. Accessoirement, la page fan Facebook regroupe actuellement environ 3,5 millions de fans. Spiegel & Grau, l’éditeur de Jay-Z, a fait un partenariat avec le moteur de recherche Bing. La page dédié, crée par le moteur de recherche, devenait le point de départ de l’ARG (Alternate Reality Game). Les internautes étaient alors invités à retrouver les 320 pages du mémoire de JayZ, cachées à Las Vegas, à New York, à Hollywood ou même en Royaume-Uni. Chaque cachette était référencée dans son livre comme un endroit clef de la vie de l’artiste. Aidés par des cartes Bing et des indices fournis par Jay Z sur son Twitter et sur sa page Facebook, les internautes se sont embarqués dans cette chasse au trésor. Ceux qui ont réussi à déchiffrer tous les indices ont été sélectionnés pour un tirage au sort. Le prix pour le gagnant était un accès à vie à tous les concerts de Jay Z. Pour augmenter l’intérêt des joueurs, les organisateurs ont joué sur l’ego des internautes : le premier à trouver la cachette d’une page pouvait « annoncer » sa découverte sur le site de la campagne et y associer son nom. De cette façon les autres joueurs pouvaient voir le nom de ceux qui avaient découvert chaque page. Les pages étaient cachées sur des panneaux publicitaires, dans l’emballage d’un hamburger, sur le fond d’une piscine, dans des magasins de musique ou de bijoux, dans son bar préféré, sur le sac de frappe de sa salle de gymnastique ou 12 encore sur le dos des T-shirts des serveurs dans un café. En quatre semaines, les joueurs ont réussi à trouver toutes les pages ; en récompense, ils ont reçu des livres dédicacés par Jay-Z ou par tirage au sort un autre grand prix : un voyage à Las Vegas pour le concert du Nouvel An de Jay-Z etColdplay. La campagne de promotion a été financée par Bing et non par l’éditeur. Le Directeur Marketing de Bing, refusait de divulguer le budget de la campagne mais affirmait pour le New York Times que « des coûts importants sont associés à ce projet » d’informations sur leur expérience transmedia, voici l’étude de cas par l’agence 42 Entertainment. L’application iPhone de NIN Pour rester en contact avec son public et pour récompenser leur fidélité, NIN a fait en 2008 un partenariat avec Tap Tap Revenge, un jeu pour iPhone qui teste le rythme des joueurs à la façon des « Guitar Hero » like. Le groupe avait crée sa propre version du jeu, pour le prix de 4.99$ chacun pouvaient tester son rythme sur 13 chansons de NIN. De plus, ceux qui arrivaient à dépasser un certain score pouvaient gagner des places aux concerts de NIN et le grand prix « une guitare Les Paul signée par Trent Reznor » La course aux tickets Cependant, les résultats ont été positifs ! Bing a eu en novembre 2010, sur la période de la campagne, la plus importante part de marché du trafic américain de son existence : 11.8% Nine Inch Nails : une relation longue durée L’ARG “Year Zero” En 2007, le groupe de musique Nine Inch Nails (NIN) met en place un ARG à l’occasion de la sortie de son nouvel album «Year Zero », avec l’aide de l’agence 42 Entertainment. Dans cette chasse au trésor en réalité alternée, les indices étaient fournis à travers des indices textuels sur des T-shirts NIN et des singles du nouveau album laissés sur des clefs USB. Le tout caché dans des toilettes sur les lieux de leurs concerts, sur des sites Internet ou via des numéros de téléphone. Tous ces éléments aidaient les joueurs à avancer dans l’histoire sombre de Year Zero : un monde rongé par une guerre infinie et une catastrophe environnementale. Le but de ce projet était de faire vivre aux fans une expérience en lien avec l’univers de l’album. Toujours en 2008, Nine Inch Nails a trouvé une autre façon de fédérer sa communauté. Pour ceux qui habitaient à Los Angeles, Trend Reznor avait caché des places de concert dans des parcs, sous des pierres, dans des fossés… Chaque cachette était annoncée sur le feed Google Earth du groupe. Vous pouvez lire ici le post d’un blogueur qui raconte sa course aux tickets. Conclusion Ces exemples montrent que le storytelling peut aider les artistes à proposer des expériences parallèles ancrées dans leurs univers musicaux. Nine Inch Nails et Jay-Z ont réussi à engager leurs communautés de manière sincère avec une communication ininterrompue, comme le conseillait Pratten. Ces deux opérations sont similaires dans la mécanique de jeu mais avec des approches différentes. Pendant que Jay-Zconstruisait un univers narratif multiplateforme autour de sa vie et de son personnage (notamment au travers de son autobiographie et de son ARG) le groupe rock NIN construisait son univers narratif autour de sa musique, forte d’une ambiance particulière. Gorillaz aborde une autre Le leader du groupe, Trent Reznor, qualifiait cette expérience comme « une nouvelle forme de divertissement ». Selon lui, l’effet combiné du divertissement, du bouche à oreille et de l’engagement du public fait de cet ARG un parfait outil pour promouvoir son album. Pour plus 13 technique en développant des personnages virtuels et en faisant évoluer leur univers à chaque nouvel album. Si l’industrie de la musique peut apprendre de l’audiovisuel à construire des univers narratifs autour de ses produits pour mieux engager ses fans, l’audiovisuel pourrait également apprendre de l’industrie musicale à construire des événements autour de ses contenus « classiques ». Nous n’avons pris ici que trois exemples mais la liste des artistes ayant développé un univers de storytelling transmedia est bien plus longue, on peut penser à Michael Jackson ou encore aux Daft Punk. 14