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Innovations
numériques,
multimédias, transmédias
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Direction :
Charlotte Ullmann – 76 48 37 [email protected]
Communication & coordination
Léna Hoffmann – 81 55 10
[email protected]
1
Les articles du dossier proviennent du site d’InternetActu
Sommaire
Répondre à l’injonction d’innover .. 3
Faire levier de l’intelligence collective 6
Cross-média : Un auteur transmédia… ou pas ?
Participation, transmédia et propagation
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Un regard transmedia sur l’industrie de la musique
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Liens Web
Répondre à l’injonction d’innover
www.internetactu.net/2011/02/09/repondre-a-linjonction-dinnover/
Faire levier de l’intelligence collective
www.internetactu.net/2011/07/20/faire-levier-de-lintelligence-collective/
Cross-média : Un auteur transmédia… ou pas ?
http://karleen.fr/lundis-cross-media-un-auteur-transmedia-ou-pas%C2%A0/
Participation, transmédia et propagation
www.transmedialab.org/usages/participation-transmedia-et-propagation/
Un regard transmedia sur l’industrie de la musique
http://www.transmedialab.org/etudes-de-cas/etudes-de-cas-un-regard-transmedia-surl%E2%80%99industrie-de-la-musique/
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Répondre à l’injonction
d’innover
Par Hubert Guillaud le 09/02/11
www.internetactu.net/2011/02/09/repondre
-a-linjonction-dinnover/
Pas facile de comprendre ce qu’est l’innovation
dans un monde mouvant et complexe. C’était
pourtant l’un des défis de la session introductive
de l’édition 2011 de la conférence Lift qui se tenait
la semaine dernière à Genève.
“Jusqu’à présent, les révolutions avaient toujours
une structure, une organisation, des figures
intellectuelles à leurs têtes… L’Egypte ou la Tunisie
nous montrent un autre type de révolution, les
“WikiRévolutions””, explique le célèbre Don
Tapscott, professeur de management à l’université
de Toronto, président du think tank Moxie
Insight et surtout auteur (avec Anthony D.
Williams) du bestseller mondial Wikinomics et de
sa suite, Macrowikinomics qui vient de paraître.
Grâce aux médias sociaux, le coût de transaction
de la collaboration a changé et ces médias ont
bouleversé la façon dont les gens collaborent. En
Tunisie, les gens par exemple prenaient des
photos des snippers pour les dénoncer à l’armée
qui les soutenait…
Image : Don Tapscott sur le scène de Lift11 à
Genève, photographié par Raphaëlle Ankaova,
avec son aimable autorisation.
Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut passer
par l’histoire. Il y a 700 ans, nos économies étaient
agraires, résume à toute vitesse le gourou des
stratégies d’affaires. Jusqu’à l’invention de
l’imprimerie, les connaissances se concentraient
chez très peu de gens. Avec l’imprimerie et
l’élargissement de la connaissance qui en a
résulté, les institutions ont alors profondément
changé. L’Eglise n’avait ainsi plus besoin de
s’occuper de médecine par exemple, qui peu à peu
a été confiée aux universités. Les institutions
existantes se sont adaptées à cette nouvelle
donne et de nouvelles institutions se sont mises en
place qui ont permis l’essor de l’âge industriel.
Actuellement la nouvelle révolution de la
communication
produit
une
nouvelle
transformation des connaissances et donc des
institutions, estime Don Tapscott. L’internet nous
permet d’arriver à “l’âge de la connaissance
distribuée”, à l’ère de la connaissance en réseau.
Mais comment vont évoluer les institutions en
regard de cette transformation ?
La nouvelle génération, celle des gens qui sont nés
avec le numérique, est dans une situation difficile.
Elle est confrontée à de nombreux problèmes : le
chômage massif, le changement climatique, la fin
des énergies fossiles, etc. “Nous sommes au début
d’une radicalisation de la jeunesse”, prophétise
Tapscott, car elle a désormais des outils très
performants pour réagir, pour organiser une
riposte aux difficultés qu’elle connait.
La crise économique nous rappelle que nous
devons changer notre manière de concevoir le
monde et l’économie qui le fonde, souligne le
spécialiste en stratégie d’entreprise. Qui aurait
pensé il y a 3 ans, que le grand sujet de l’économie
mondiale deviendrait “comment sauver le
capitalisme” comme le montre la floraison de
publications qui ne sont pas l’oeuvre uniquement
de radicaux, bien au contraire…
Nous devons reconstruire le monde et ses
institutions autour de nouvelles séries de
principes, propose Tapscott : à savoir la
collaboration,
l’ouverture,
le
partage,
l’interdépendance et l’intégrité. Que peut-on créer
par la collaboration massive ? Que peut-on créer
avec l’ouverture, l’hypertransparence ? Que se
Comment faire société dans 1 monde en réseau ?
Cette transformation semble positive. Mais elle
est confrontée à un défi historique : en Tunisie, il
n’y a plus de partis, d’organisation, de structure
pour reprendre les rênes. Et c’est bien le
problème, estime Tapscott. Comment dans ce
contexte arriver à une nouvelle ère
démocratique, économique et de justice sociale ?
Si on regarde le fonctionnement des institutions
(au-delà de la Tunisie), beaucoup sont
aujourd’hui bloquées, s’écroulent, et ce, alors
que nous ne vivons pas nécessairement une
période radicale. L’ère industrielle et les
institutions traditionnelles semblent arrivées au
bout de leur fonctionnement : université,
journaux, système financier, système de santé…
Ces institutions vont-elles parvenir à se
reconstruire dans un modèle en réseau ?
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passe-t-il quand les entreprises sont mises à nues
par les usagers ? Comment développer une
“stratégie de la transparence” tout en faisant
attention de ne pas confondre la transparence (les
institutions qui dévoilent toujours plus
d’information sur elles-mêmes) et la vie privée,
l’intimité (qui elle protège les individus) ?
Comment trouver des solutions pour que les
modèles d’affaires s’expriment par le partage –
plutôt que par des poursuites à l’encontre des
utilisateurs comme l’a trop fait l’industrie du
disque ?
Si nous reconstruisons toute notre société autour
de ces principes que va-t-il se passer ? Est-ce que
cela suffira à “tout changer” ? On peut changer la
manière dont on est élu, mais est-ce que cela
changera la manière dont on va gouverner ?
Obama a bien montré qu’on pouvait faire l’un sans
l’autre. Pas sûr que cette façon de fonctionner
tienne encore longtemps, estime Tapscott…
Certes, General Motors a fait faillite : mais de
nouveaux types d’industrie automobile émergents
commeLocal Motors, qui propose de produire des
voitures locales pour des marchés locaux, avec
une conception innovante.
Le système financier a également fait faillite,
montrant combien nous avons besoin de
nouveaux modèles de services financiers…
Le Chicago Sun Times, comme beaucoup d’autres
journaux, a fait faillite, mais le Huffington Post est
né. Il est 20 fois plus gros que le New York Times,
mais ses journalistes ne sont pas payés ! Ce qui
nécessite de réfléchir encore au modèle d’affaire
de la presse… Ces transformations en cours ne
sont pas sans poser problèmes. Et Don Tapscott ne
cherche pas à minimiser les difficultés.
Cependant, on est dans une période très
intéressante, s’enthousiasme-t-il. Toutes les
institutions internationales montrent leurs limites
(la banque mondiale, l’ONU, le G20 comme le
G8…). A Copenhague, comme à Cancoon, les
organisations n’arrivent pas à s’entendre… En
attendant, des millions de personnes se mobilisent
et agissent concrètement, comme le montre
certaines initiatives modèles telles Eye on
Earth ou Ushahidi. Nous sommes dans une époque
de profond changement, où les gens peuvent
communiquer et adresser les grands problèmes du
monde. Le pouvoir passe des institutions
habituelles, vers des outils plus modernes et des
organisations en réseau.
Et Don Tapscott de conclure son exposé en
montrant une vidéo avec force violon montrant un
fourmillement d’oiseaux en vol (le swarming), la
“murmuration nocturne” des oiseaux, qui volant
en groupe, décrivant de larges cercles, se
réchauffant avant l’arrivée de la nuit, agissant en
groupe, sans dirigeants, globalement. Il n’y a pas
d’accidents dans ces phénomènes de swarming
estiment les spécialistes. C’est une collaboration
de groupe fondée sur l’ouverture et le partage. Il y
a une interdépendance entre les intérêts des
individus et ceux de la masse. “Pourrions nous
créer, une intelligence, une conscience qui va audelà de l’individu ? L’ère de l’intelligence réseautée
sera-t-elle celle des promesses tenues ? Pourraiton créer de tels types de conscience au sein d’une
société pour résoudre les défis auxquels nous
allons être confronté, pour reconstruire le monde
cassé dont nous héritons ?”
Don Tapscott semble le croire. C’est certainement
rayer de la carte un peu vite les nouvelles
organisations qui naissent de nos outils, comme si
elles étaient autoconstituées, comme si elles ne
faisaient pas naître de nouvelles hiérarchies, de
nouvelles structures et de nouvelles formes
d’organisation… Pas sûr que l’intelligence
collective immanente des animaux ressemble
beaucoup à celle des hommes.
Innovons, innovons, innovons !
Pour l’entrepreneur Jean-Claude Biver, président
de Hublot, un fabricant de montres suisses de
luxe, il n’y a pas de vie, de futur sans
innovation. “Nous sommes soumis à l’injonction
d’innover depuis le jour de notre naissance !”,
clame Jean-Claude Biver.
Mais l’éducation nous formate et nous fait perdre
l’essentiel
de
notre
créativité,
regrette
l’entrepreneur. Et plus nous cadrons les enfants,
plus
les
enfants
vont
perdre
leur
créativité.“L’innovation est plus puissante que le
savoir, car le savoir, c’est facile à obtenir. Il est
désormais très accessible avec les nouvelles
technologies. Mais la créativité est au-dessus du
savoir. Si tout le monde pouvait être créatif, il
faudrait certainement inventer quelque chose de
plus pour distinguer les gens.” L’innovation est ce
qui nous distingue les uns les autres. Rien de
moins !
“Dans l’environnement compétitif d’aujourd’hui,
où la vitesse est devenue si importante, il est
capital de penser autrement. Dans mon entreprise,
quoiqu’on fasse, nous devons toujours respecter
trois règles : essayer d’être le premier, être unique
et différent et ce quelque soit le projet. Si c’est le
cas, le budget est ouvert, on peut aller de l’avant.
Car quand on est le premier, on ne peut pas avoir
tort, on ne peut que gagner”, assure le manager
d’entreprises.
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être créatif”, juge un peu rapidement
l’entrepreneur.
Le savoir c’est la base de la créativité, semble se
rattraper Biver. Mais si la créativité consiste à faire
une sélection sur la couleur de cheveux, pas sûrs
que le savoir soit une base. Le risque ici, est bien
plutôt de nier la connaissance. Ce n’est pas les
qualités du joueur de foot (son expertise, ses
connaissances du jeu, de la stratégie) qui sont
mises en avant, mais son aspect différenciant. Il
n’y a qu’un pas entre la créativité inspirée par la
connaissance et la conscience, et une créativité
qui fonctionne pour elle-même… “Libérons les
gens. Ils vont voler”, conclut Jean-Claude Biver.
Malgré son sourire engageant et ses principes
originaux, la démonstration est loin d’être faite.
Parfois, plutôt que de voler, ils s’écrasent.
Faire comprendre est plus important qu’innover !
“On a tous ressenti le choc qui parcourt la société
en ce moment. C’est la 22e année d’existence du
World Wide Web cette année et, depuis sa
naissance, il n’a cessé de causer une révolution qui
a bouleversé la société créant un fossé entre les
générations et modifiant les organisations,
changeant le concept même de la civilisation”. Ben
Hammersley, éditeur à Wired UK et journaliste a
souhaité apporter un contre-point à l’injonction à
innover présentée par les précédents orateurs.
“Quand on voit la tête de Hosni Moubarak dans la
presse ou à la télé, on voit bien qu’il à la tête de
quelqu’un qui se demande : “mais que vient-il de
se passer ?”” Il fait la même tête que bien des
entrepreneurs de médias découvrant la puissance
du web à l’heure où ils tentent encore de vendre
du papier… Quels effets psychologiques a cette
innovation sur les dirigeants du monde, les gens
de plus de 50 ans, qui sont déstabilisés par ce
présent ? Ce qui se passe ne pose aucun problème
aux jeunes générations : ils vivent avec, ils font
l’innovation d’aujourd’hui. C’est tout. Mais il est
intéressant de remarquer que les gens qui parlent
le plus d’innovation, c’est la génération
tampon.“Notre
génération”,
estime
Ben
Hammersley en s’adressant à la salle.
“Un pays est défini par la distance entre eux et
nous. Nous sommes nous, car nous sommes ici.
Différentes langues, cultures, religions, formes de
gouvernement… formaient autant de distances
entre les gens. La distance c’est ce qui définissait
ce que nous étions. C’est plus tard, par commodité
qu’on a placée des lignes sur des cartes. Dans la
société, on se situe aussi par les gens au-dessus et
en dessous de nous. Le système très hiérarchique
semble inhérent à toute forme de civilisation. Au
début du XXe siècle, Freud a codifié la société sur la
base des relations hiérarchisées en nous donnant
une explication et une boite à outils pour
comprendre les systèmes. C’est resté le cadre
intellectuel dominant du XXe siècle, de la postmodernité. Nous sommes jugés par des chiffres qui
Image : Jean-Claude Biver sur la scène de Lift11 à
Genève, photographié par Ivo Napflin.
Biver fabrique des montres qui se doivent d’être
exceptionnelles, car les téléphones les ont
remplacés. Il y a 400 ans, quand a été inventé l’art
de l’horlogerie suisse, l’innovation était de
fabriquer un instrument qui vous donnait l’heure.
Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. “Nous
devons nous débarrasser de la nécessité d’une
montre. Nous devons changer l’utilisation de la
montre pour en faire un outil de communication,
un rêve, une innovation, un produit relationnel et
irrationnel ”, explique le concepteur de montres
de luxe.
Pour innover, il faut permettre aux gens de faire
des erreurs. La société Hublot offre un bonus aux
employés quand ils font des erreurs. “Quand on
demande aux gens de se tromper souvent, alors ils
deviennent très actifs. Souvent, on a peur
d’innover, car l’innovation mène à l’incertitude. Or,
l’innovation c’est le contraire. C’est comme une
vision. Et la réalité, c’est ce à quoi il faut arriver.
Pour cela, il faut encourager les gens à prendre des
risques, il faut pardonner les erreurs.” Pour Biver,
c’est un moyen d’encourager la créativité de
chacun. “Nous avons besoin de la créativité, dans
notre sang, dans notre coeur, dans notre corps.
Nous ne travaillons plus, nous jouons. Comme les
enfants quand ils jouent, ne pensant pas qu’ils sont
en train de travailler.”
Mais voilà, dans les exemples qu’il choisit, JeanClaude Biver dérape petit à petit, en rigolant… En
évoquant par exemple le fait que le joueur de foot
japonais le plus connu au monde est un joueur qui
s’est longtemps teint les cheveux en rouge pour
être différent, unique (il parle de Hidetoshi
Nakata,Wikipédia). Ou en évoquant le fait que
notre créativité rend le travail si passionnant qu’on
ne se rend plus compte que cela en est. Et de
vanter les qualités de travail des Coréens “qui
valent 3 Suisses”, rigole-t-il. Ou de s’en prendre à
la politesse japonaise et aux pesanteurs des
contraintes sociales qui engoncent la société
nippone, qui pousse tous les gens à s’habiller de la
même façon. Au Japon, “il y a trop de règles pour
5
représentent ces fictions hiérarchiques. Tout ce
juge sur des chiffres (notre économie, nos
amitiés…).”
et ceux qui la vivent sans la penser. Nous devons
ouvrir le chemin pour que les plus jeunes puissent
passer avec cette révolution. Notre premier
problème n’est pas l’innovation, mais de la
traduire pour que tous la comprennent.
Demandons-nous
comment
pouvons-nous
expliquer à notre mère, à notre patron, ce que
nous faisons… Expliquons-leur. Traduisons-leur.
C’est cela qui est important. C’est en tout cas bien
plus nécessaire que d’encourager les gens à
Autant dire que nous avons une mauvaise boite à
outils cognitive, estime Hammersley. Le système
hiérarchique de la génération des 50-60 ans était
simple. Depuis 1989, la chute du mur et le
développement d’internet, tout a changé. Les
réseaux ont commencé à se former. En 1999-2000,
les règles économiques ont censée avoir été
réécrites. Depuis le 11 septembre, notre monde a
même changé d’ennemi : un ennemi sans tête,
protéiforme… en réseau. Les temps modernes
sont déstabilisants, car tout a changé.
On est désormais dans la situation où toutes ces
hiérarchies et leurs fondements sont en train de
disparaître, comme le disait Don Tapscott. La
“distance” qui nous a amenés à créer des pays et
des hiérarchies sociales n’a plus aucun sens. On
peut envoyer un e-mail partout dans le monde. On
a créé des diasporas d’intérêt en ligne. “La mort de
la distance a créé de nouvelles formes de pays,
fondés non plus sur la distance, mais sur la culture,
les croyances, les principes, les relations… Nous
avons plus de liens avec des gens qui ont les
mêmes intérêts que nous dans le monde qu’on
n’en a avec nos voisins voire avec notre famille. Les
nouvelles formes culturelles sont fondées sur des
intérêts communs… Tant mieux, car il n’est pas si
facile de tirer sur hastag.”
“Il y a le monde des plus vieux, celui des hiérarchies
(le temps des pyramides) et le monde des plus
jeunes, qui vivent dans un monde de réseau, sans
hiérarchie. Et nous sommes au milieu. Nous avons
un travail difficile, car les gens qui ne sont pas nés
à l’époque des hiérarchies ne les comprennent pas
et les gens plus âgés, qui n’ont connu qu’elles, ont
du mal à comprendre comment fonctionne un
réseau (qu’ils essayent de faire cadrer avec des
images mentales de hiérarchies le plus souvent).
Les gens qui dirigent le monde actuellement, qui
sont à Davos, qui conseillent Moubarak, “ne
peuvent comprendre qu’ils ne peuvent pas
comprendre ce qu’ils ne peuvent comprendre”. Ils
n’ont pas le cadre intellectuel sur lequel construire
cette nouvelle forme de pensée”– mais on ne peut
pas se débarrasser de cette génération, qui forme
la majorité de nos concitoyens… et qui tient les
rênes – semble presque regretter Ben
Hammersley.
Alors que peut-on faire ? Quelle est notre mission
? s’interroge Hammersley. “Nous n’avons cessé de
parler d’innovation, de technologie, de rupture…
Mais ces mots ne nous ont pas aidés à convaincre,
à faire comprendre de quoi nous parlions. Notre
premier problème n’est pas d’encourager
l’innovation : les gens vont innover de toute façon.
Notre premier problème est de traduire
l’innovation entre ceux qui ne la comprennent pas
Faire levier de
l’intelligence
innover.”
Faire
levier
de
l’intelligence collective
Par Hubert Guillaud le 20/07/11
www.internetactu.net/2011/07/20/fairelevier-de-lintelligence-collective/
“L’ouverture est extrêmement importante, mais ce
n’est pas auprès d’une assemblée comme celle de
Lift qu’il y a des gens à convaincre. Pour autant, on
sait qu’on ne peut pas tout ouvrir : les gens
n’auraient pas envie qu’on publie toutes les
déclarations d’impôts ou tout ce qu’ils font sur
l’internet. La société repose donc sur un équilibre
entre la fermeture et l’ouverture”, introduit Geoff
Mulgan sur la scène de Lift. Geoff Mulgan
(Wikipédia) a longtemps été le responsable, et
l’âme, de la Young Foundation, une organisation
britannique de promotion de l’innovation sociale,
et est devenu récemment le responsable du Nesta,
l’agence de l’innovation britannique. Au Nesta,
Geoff Mulgan travaille désormais au financement
de projets ouverts et collaboratifs. Les deux
entités ont une grande partie de travaux
communs. Depuis sa création en 2006, la Young
Foundation a soutenu, lancé et encouragé de
nombreux projets ouverts comme l’Open
University, les écoles ouvertes et de nombreux
projets essayant d’ouvrir le monde de la santé au
public. Pour Geoff Mulgan ces projets doivent bien
sûr suivre leurs stratégies, mais ils doivent surtout
prendre en compte les hiérarchies existantes,
permettre de développer de nouveaux modèles à
l’extérieur des modèles fermés qui structurent
notre société.
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voisinage ou du travail. Tyze est un système qui
permet d’approfondir les relations sociales plutôt
que les étendre, comme le proposent la plupart
des réseaux sociaux, en s’intéressant à comment
approfondir les réseaux de soutien de personnes
dépendantes comme les handicapés ou les
personnes âgées. Maslaha est un site participatif
créé à la demande d’adolescents britanniques
musulmans qui souhaitent avoir un espace pour
demander des conseils sur les dilemmes auxquels
ils sont confrontés dans leur vie quotidienne pour
vivre leur religion. C’est un espace social qui leur
permet d’échanger et de recevoir des réponses
simples à leurs problèmes comme, que fait-on si
on est diabétique pendant le ramadan… “Encore
une idée simple qui tente de relever des
aspirations humaines et d’humaniser la
technologie”.
Image : Geoff Mulgan sur la scène de
Lift, photographié par Pierre Metivier.
Et Geoff Mulgan propose de nombreux exemples
qui vont dans ce sens. Who Owns My
Neighbourhood permet de savoir à qui
appartiennent les terrains anglais, dans le but de
permettre de faciliter les discussions collectives
autour de ce qu’il est possible de faire de certains
terrains ou immeubles et faciliter les projets
locaux. Sutton Bookshare est un site développé
avec le soutien de la municipalité pour encourager
les habitants à échanger les livres de leurs propres
bibliothèques, pour élargir l’offre de la
bibliothèque publique locale. A Birmingham se
mettent en place des tableaux de bord civiques qui
a pour but de montrer les demandes que font les
habitants à leurs administrations et d’évaluer leur
traitement.
Image : la page d’accueil de Maslaha.
Action for Hapiness est un autre réseau lancé en
avril 2011 qui a pour objet de donner à des gens
des outils et des conseils pour avoir des vies plus
heureuses. Sur le même principe que Maslaha, il
regroupe à la fois des conseils d’experts, un
décryptage des connaissances scientifiques sur ces
sujets et des discussions entre les usagers pour
qu’ils échangent leurs méthodes pour être
heureux. “Là encore, c’est un système hybride
entre des choses très ouvertes et très fermées,
entre des choses très hiérarchiques et d’autres
très horizontales”, commente Geoff Mulgan.
Les Social Innovation Camp sont également des
formes d’action pour soutenir des projets
d’innovation sociale qui a permis de faire éclore
des programmes comme Enabled by Design, qui
est un site qui fait travailler des designers à des
projets autour du handicap, My Police pour lancer
une conversation entre policiers et citoyens. L’un
des derniers projets primés par les Social
Innovation Camp – Food Radar – est un projet qui
vise à utiliser des aliments non utilisés à la fin de la
journée dans les restaurants afin d’éviter le
gaspillage.
I DO Ideas est un site pour faciliter le soutien aux
projets des adolescents. “Plutôt que de leur
demander de remplir un formulaire pour obtenir
une subvention, on leur demande de publier une
vidéo qui explique leur projet.”
Il y a un an, la Young Foundation a lancé les Studio
School des écoles pour des adolescents qui
Image : Le tableau de suivi des demandes des
citoyens de Birmingham, permettant à
l’administration de cartographier les requêtes, de
les qualifier, de traçer les réponses…
A Londres, le répertoire de données de la ville a
permis par exemple de lister et visualiser les
endroits les plus dangereux à vélo de la
ville. MyDex est un nouveau projet qui permet aux
citoyens de redevenir maître de leurs données
face au besoin des entreprises et des
administrations, leur permettant de faire attention
à leurs données et de limiter les abus de ceux qui
les agrègent pour nous. Slivers of Time est une
plateforme permettant de faire de l’échange de
produits ou de services locaux, dans le cadre du
7
détestent l’école. Pour fonctionner, elles ont
supprimé les bureaux pour fonctionner en mode
projets avec des partenaires et des entreprises
extérieures. Une dizaine ont été ouvertes, avec
pour but d’intégrer l’apprentissage dans l’action,
dans le “faire”. “Il faut bien voir, là encore, que la
technologie n’est pas le point de départ. Dans les
années 90, on implantait la technologie dans les
classes, sans grand succès. Ici, tout repose sur
l’esprit de l’éducation. Cerner le problème pour
bâtir des relations autour”, estime Geoff Mulgan.
Geoff Mulgan pourrait continuer longtemps a
lister des projets stimulants… Pour lui, ce qu’il faut
en retenir, c’est la valeur de la synthèse entre
hiérarchies et réseaux ouverts, permettant de
faire des liens entre deux mondes. Il y a là
assurément un espace de discussion qu’essayent
d’habiter les laboratoires du service public du
Nesta ou les travaux de la Young Foundation…
Cependant, tout ne marche pas, reconnaît avec
lucidité le gourou de l’innovation sociale
britannique.La police néo-zélandaise a essayé de
faire une législation sur son fonctionnement sur
un wiki sans grand succès. Aux Etats-Unis, Peer to
Patent, un système de commentaires sur les
brevets fonctionne bien, mais Challenge.gov, qui
avait pour but de capter des propositions
citoyennes pour le gouvernement, lui, fonctionne
assez mal.
“Comment peut-on mieux apprendre à mesure
que l’innovation accélère ? Qu’est-ce qui marche
vraiment dans le domaine du crowdsourcing, de
l’innovation, des systèmes participatifs ?”
Au Nesta, le Social Innovation Exchange, un réseau
social autour de l’innovation sociale, essaye de
regarder ce qui marche et ne marche pas. The
Global Innovation Academy essaye de faire le
même travail au niveau mondial. Il est important
de rendre l’innovation simple, compréhensible,
facile à appréhender pour les gens. Elle ne doit pas
seulement être “quelque chose pour les experts”,
explique encore Geoff Mulgan. “Ce que l’on
constate, c’est que les innovations dans le
domaine social ne sont pas des percées
fondamentales ou des choses très originales. Elles
reposent souvent sur des méthodes faciles à
décrire comme l’inversion (via des jeux de rôles où
les paysans deviennent des banquiers, les patients
deviennent des médecins…), l’intégration (mise en
place
de
conseillers
personnels…),
la
différenciation (via la personnalisation ou la
segmentation des services)… et bien sûr la
créativité”. “Des outils de conception sociale
démocratique”, comme il les appelle dans sa
présentation (.pdf). “Mais ce ne sont que des
méthodes pour développer des idées originales. Il
n’y a pas de mystère autour du processus
d’innovation : il n’est pas si difficile à mettre en
place.”
“Ce que nous avons appris du fonctionnement du
cerveau c’est qu’il sait aussi arrêter les flux
d’information. Il faut obtenir le bon équilibre entre
le flux et l’ouverture. Le silence permet aussi de
réfléchir. Il nous faut des technos qui nous aident
à retrouver le silence et aussi des technos qui nous
aident à accélérer le flux de données. Nous avons
besoin d’être à la fois rapides et lents, ouverts et
fermés, tout le temps connectés et déconnectés.
Beaucoup de choses ne vont pas fonctionner dans
l’intelligence collective. Ces initiatives doivent
accepter l’échec, expérimenter. L’intelligence
collective comme toutes les intelligences a besoin
de grammaires, de structures… Et c’est à nous de
comprendre celles qui fonctionnent le mieux.”
Cross-média : Un auteur
transmédia… ou pas ?
Karleen Goupierre - juillet 18, 2011
http://karleen.fr/lundis-cross-media-un-auteurtransmedia-ou-pas%C2%A0/
Tout comme certaines idées se prêtent
particulièrement à devenir transmédia, il me
semble que certaines personnes possèdent les
atouts nécessaires pour réaliser un cross-média.
Cette affirmation peut sembler un peu abrupte,
mais elle découle d’une observation minutieuse.
Le fait qu’une seule personne puisse écrire un
cross-média semble un peu utopiste, c’est une
énorme charge de travail, et même un imaginaire
bien rempli ne semble pas pouvoir pallier aux
connaissances spécifiques que demande l’écriture
d’un film ou celle d’un jeu. Par conséquent,
aujourd’hui, lorsqu’on veut réaliser un cross-média
on cherche à mettre en place une équipe de
pilotage constituée d’un auteur de jeu, d’un
auteur de série, d’un auteur de film, etc.
.
Malheureusement, on a pu remarquer ces
dernières années que la plupart des projets crossmédia réalisés ainsi, en collaboration, n’avaient
pas
pu
aboutir.
8
En effet, la collaboration pose de nombreux
problèmes, outre les problèmes de licences, de
répartition des couts et des bénéfices, il est
difficile de faire travailler ensemble des auteurs de
différents milieux, de différents domaines. Un
spécialiste du jeu vidéo rencontre souvent des
difficultés à travailler avec un spécialiste du film,
ils n’ont pas les mêmes méthodes et généralement
pas
le
même
vocabulaire,
etc.
Lors des conférences du Forum Blanc 2010,
certains discutants ont évoqué ce problème et les
témoignages se sont succédé. Pour répondre à ces
problèmes, il a été proposé deux solutions :
La première : créer des écoles qui pourraient
former les étudiants à être polyvalents. En effet,
ce serait incontestablement une solution,
néanmoins il existe actuellement des formations
qui permettent aux étudiants d’apprendre de
manière indissociée à réaliser des jeux, des films,
ou même des installations interactives. C’est le cas
du
diplôme Licence-Master
ATI (Arts
et
Technologie de l’Image) à Paris 8. Néamoins, on
pourra remarquer que ces étudiants possédant la
double compétence, une fois leur master validé, se
dirigent (pour la plupart) soit vers le jeu, soit vers
le film et c’est leurs premières expériences
professionnelles qui les spécialisent. Ainsi même si
nous avions au départ des étudiants polyvalents,
capables de travailler pour le jeu comme pour le
film, le milieu professionnel et ses carcans ne leur
permet pas de rester polyvalents très longtemps…
Participation, transmédia
et propagation
par Jean-Yves Le Moine, publié le 21.08.2009
www.transmedialab.org/usages/participationtransmedia-et-propagation/
On dit souvent que le succès sur le web vient du
viral. Mais on ne maîtrise pas la diffusion du viral.
Le transmédia doit au contraire se baser sur une
diffusion maîtrisée des contenus.
Si le viral est un contenu fini, non modifiable,
diffusé par mail ou par lien uniquement, le
transmédia propose des contenus modifiables et
diffusables grâce à des outils qui facilitent sa
propagation.
Dans un programme transmédia, les contenus se
propagent grâce à des outils technologiques et des
techniques scénaristiques qui facilitent la
participation et la collaboration prodiguant ainsi
une expérience immersive au spectateur. Par
expérience immersive, nous entendons une
expérience intense qui dure plus que l’effet d’un
buzz et donne envie au spectateur non seulement
de partager mais de participer à l’élaboration des
contenus. Le transmedia crée un métaverse, un
univers mélangeant virtuel et réel, dans lequel
baigne les spectateurs, un univers participatif.
Cette intelligence collective ainsi créée est
soumise à des règles. La participation des
spectateurs se traduit par différents rôles et
niveaux d’engagement.
Nous avons décelé 4 catégories principales de
participation des spectateurs :
La deuxième solution proposée est la plus
utopiste, mais la plus efficace à mon gout. C’est
d’avoir un « super-créateur »… Une personne à
l’imagination fertile capable d’écrire pour le jeu
comme pour le film. Une personne capable
d’écrire du transmédia. Dans ce cas, le
transmédia devient un objet à part entière et non
pas une sorte de sac dans lequel on a voulu lié
malgré tout un film, un jeu et site internet chacun
écrit par un auteur spécialiste du milieu. La
plupart des cross-média ayant réellement une
dynamique, une interactivité transmédia ont été
conçus
par
ce
« super-créateur ».
Bien entendu, dans certains cas, ce « supercréateur » peut être un petit groupe de deux ou
trois compères au sein duquel aucun n’est
vraiment un spécialiste du film, du jeu ou autre.
Mais, même s’il est probable qu’une fois dans le
siècle il naisse des petits auteurs transmédia, il est
plus raisonnable de penser à en former. C’est à
dire non pas former des créateurs polyvalents,
mais former de véritables auteurs réalisateurs
transmédia. D’ailleurs, on voit éclore un peu
partout des écoles qui forment au transmédia. À
commencer par Gobelin, l’école de l’image dont le
but est de devenir l’école de référence dans la
communication transmédia.
les actifs créateurs sont les plus actifs, c’est une
minorité, ils participent activement à l’élaboration
et à la modification, et à la propagation des
programmes. Ce sont des fans hard core du
métaverse
les créateurs de contexte sont ceux qui parlent des
programmes, les commentent, les annotent, les
diffusent à leurs proches, ils forment le cœur de la
communauté des fans
les intéressés passifs suivent de loin le
programme, ils le regardent souvent, mais plutôt
en VOD qu’en « direct » lors des évènements que
sont les diffusions TV
9
les désintéressés ne suivent pas comme leur nom
l’indique le programme, pourtant une partie le
connaît et suit discrètement sa renommée
Dans la phase de commercialisation et de
marketing d’un programme transmédia, il est
inutile de vouloir augmenter le nombre des actifs
créateurs. Il est par contre primordial de leur
donner de bons outils et des contenus appropriés
pour qu’ils créent et relaient le programme au plus
grand nombre.
Ce sont les autres cercles qu’il faut chercher à
agrandir, les intéressés passifs doivent être
amenés à devenir des créateurs de contexte, et les
désintéressés à se tenir au courant du programme
doivent devenir intéressés même passifs.
Ainsi la propagation dans son intensité et sa durée
permettra au plus grand nombre de voir ou
d’entendre parler à un moment ou un autre du
programme.
Même si souvent invoquée comme principale
crainte par les producteurs, la musique ne
représente que 2,9% des téléchargements
illégaux, comme le démontre l’étude publiée par
Ars Technica. Pendant que la plupart des grands
producteurs concentrent leurs efforts pour
combattre la piraterie au travers d’entités comme
la BPI au Royaume Uni, la loi Hadopi en France ou
la RIAA aux Etats-Unis, de nouveaux acteurs
développent des nouveaux modèles économiques
autour de la musique et changent ainsi le terrain
de jeu.
Par exemple, Spotify est un fournisseur d’accès
gratuit à la musique qui comptait l’année
dernière 10.000.000
d’utilisateurs pour
son
service financé par la publicité. Depuis le 1er mai,
la politique de Spotify a évoluée sous la pression
des maisons de disque.
Les nouveaux utilisateurs de Spotify continueront
de profiter du service gratuit, tel qu’il est
actuellement proposé, pendant encore 6 mois.
Ensuite, tous les utilisateurs du service gratuit
pourront écouter un titre 5 fois maximum, après
cette limite l’utilisateur devra acheter le titre.
De plus, le nombre d’heures d’écoute sera limité
à 10 heures par mois, une réduction de 50% du
temps d’écoute par rapport à l’année
dernière. Spotify a été amené à changer sa
politique de gratuité sous la pression des
producteurs de musique qui dénonçaient un
modèle économique à perte pour eux. Par
exemple Lemonde.fr critiquait les modèles basés
sur le streaming en analysant la distribution
d’argent qui en découle et en soulignant que les
artistes et les labels indépendants peuvent être
désavantagés.
Un regard transmedia sur
l’industrie de la musique
par Ana Vasile et Olivier Godest , publié le
12.05.2011
http://www.transmedialab.org/etudes-decas/etudes-de-cas-un-regard-transmedia-surl%E2%80%99industrie-de-la-musique/
Face aux évolutions d’usages et aux nouvelles
habitudes de consommation media, l’industrie de
la musique rencontre des problèmes similaires à
ceux recensés dans l’audiovisuel : des audiences
instables, une concurrence croissante des contenus
et le piratage. Pourtant, de nouveaux modèles
économiques et des projets multiplateformes
émergent: Jay Z, Gorillaz ou encore Nine Inch Nails
par exemple, renforcent leurs relations avec le
public à travers le storytelling.
De l’autre côté de la barrière, un million d’abonnés
paient déjà chaque mois 9,99 euros pour le service
premium, sans publicité et disponible sur les
mobiles. De la même manière Last.fm, iTunes ou
encore Amazon surfent depuis des années sur la
vague de la musique digitale. Apple occupe à
travers son application iTunes une position de
leader des plateformes de diffusion de musique.
Ces exemples montrent que face à l’explosion du
digital, le monde de la musique est confronté à
une nécessité de faire évoluer ses plates-formes
de distribution et donc ses modèles économiques.
L’évolution du contexte global, demande aussi un
changement dans la manière de « vendre » la
musique. Les opérations marketing autour des
Les nouveaux modèles de distribution
Les auteurs et les maisons de disque se
confrontent aujourd’hui principalement à un
problème : la baisse des ventes des supports
physiques (CD, DVD) directement liée à l’explosion
du numérique.
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artistes évoluent donc en parallèle, s’appuyant
sur des éléments de storytelling amenant une
valeur ajoutée à l’offre culturelle.
avec l’artiste » concluait Pratten. Il nous conseille
de construire un univers narratif pour l’intégralité
de la carrière d’un artiste et une arche narrative
pour chaque album et chaque chanson.
Cela peut paraître évident, mais les fans seront
susceptibles de vouloir prolonger une expérience
qui les a fait vibrer. L’univers musical dans lequel
ils sont immergés consolide le sentiment
d’appartenance à une communauté qui partage
les mêmes valeurs qu’eux. Une idée exploitée par
le web-documentaire « Ma tribu, c’est ma vie » qui
donne
la
parole
à
huit
internautes
expliquant pourquoi la musique et Internet
transforment leurs relations interpersonnelles et
contribuent à forger leur identité.
« A reason to buy » : Une raison pour acheter
Gerd Leonhard, consultant en communication et
media, comparait la musique avec l’eau en
bouteille. L’eau est disponible quasi-gratuitement
au robinet, mais le marché de l’eau embouteillée
vend chaque année plus de 89 milliards de litres
d’eau dans le monde. Leonhard souligne
l’omniprésence de la musique. Les internautes
peuvent l’obtenir gratuitement et de plus en plus
de maisons de disques cherchent à attirer
l’attention limitée du consommateur.
Le monopole économique détenu pendant des
années par les producteurs et distributeurs
classiques est rompu, notamment en raison de
nouveaux business models basés sur l’accès
numérique. Voici la question que Leonhard se
pose : pourquoi payer pour une bouteille d’eau
quand celle-ci est disponible gratuitement au
robinet ? La solution suggérée par l’auteur est
l’engagement,
la conversation, l’attractivité et
la communauté. Ne vendons pas simplement de la
musique, mais une expérience…
Robert Pratten, fondateur de « Transmedia
Storyteller » et consultant transmedia, abordait le
même sujet lors de sa présentation sur
l’application des concepts transmedia au monde
de la musique. Le storytelling pourrait-il donner
un motif d’achat supplémentaire aux internautes,
aux générations qui, peut-être, n’ont jamais
acheté un CD ?
La création d’un univers narratif global construit
notamment autour de la personnalité d’un artiste,
ou d’un groupe, peut dès lors être un moyen de
renforcer l’engagement d’un public déjà plus ou
moins acquis à sa cause. Les passionnés seront
récompensés en gagnant des éléments d’affinités
plus forts avec les artistes qu’ils apprécient, en
leur fournissant les outils adéquats, ils pourront
même devenir de fidèles ambassadeurs. Les
passifs apprécieront une mise en scène globale et
cohérente qui fournira des éléments de repères
importants, sur lesquels pourront également
s’appuyer les néophytes pour rentrer dans
l’univers. C’est ce qu’ont déjà commencé à faire
certains artistes comme le groupe Gorillaz, le
rappeur Jay-Z ou encore le groupe de rock Nine
Inch Nails…
Les pionniers de la musique transmedia
Les univers inspirés par leur musique, leurs vies ou
leurs personnages, sont des éléments de valeur
ajoutée pour les produits qu’ils mettent en vente :
un nouvel album, des places de concert ou encore
un livre…
Pratten compare l’industrie de la musique à celle
du parfum : « On ne vend pas de l’eau parfumé,
mais des rêves.» Selon lui, l’industrie de la
musique doit s’inventer une valeur ajoutée pour
retrouver une valeur économique.
Une solution envisageable serait donc de « mettre
l’artiste dans une position de catalyseur social,
d’être en
connexion
directe
avec
les
communautés et de leur donner un motif pour
dépenser leur argent ». Instinctivement, nous ne
pouvons pas nous empêcher de penser à Lady
Gaga qui a su créer un véritable univers autour de
son personnage… « Le succès demande plus
qu’une grande communauté, mais aussi de
la crédibilité et de l’authenticité, une relation
11
Les héros de Gorillaz
Decoded by Jay-Z
En 2010, l’artiste Jay-Z publiait son mémoire, un
conglomérat d’histoires personnelles, de musiques
et de références à sa culture. Pour promouvoir ce
lancement, l’agence New-Yorkaise Droga5 mettait
en place une campagne multiplateforme et une
chasse au trésor sur Internet et dans le monde
réel.
Gorillaz est un groupe de musique anglais, virtuel,
dont les deux créateurs principaux sont Damon
Albarn (le chanteur de Blur et de The Good, the
Bad and the Queen) et Jamie Hewlett (le
dessinateur de Tank Girl). Les membres de Gorillaz
sont représentés comme des personnages de
bande dessinée.
Ils construisent ainsi pour chaque clip vidéo une
histoire autour de leurs personnages rapidement
identifiables, chacun représente un membre du
groupe.
« Journey to Plastic Beach » est un dessin animé
de 15 minutes qui présente le voyage de Murdoc
(le grand tout à droite) vers l’ile de Plastique, là où
le personnage aurait conçu le dernier album de
Gorillaz : « Plastic Beach ». L’histoire continue en
racontant ses efforts pour retrouver tous les alter
egos des membres du groupe et ses péripéties
abracadabrantes
pour
retrouver
l’esprit
des Gorillaz.
Pour faire la promo de leur tournée mondiale, une
chasse au trésor a été organisée sur Internet,
l’objectif : retrouver sur la toile, les 12
personnages de l’univers Gorillaz. Ceux qui
finissaient la quête gagnaient un mix exclusif et
participaient automatiquement à un tirage au sort
pour gagner une planche de surf désignée par
Jamie, l’un des membres du groupe.
Sur Internet, il existe deux sites officiels : le .fr qui
est le site promo marketing classique et
le .com qui est un site sur lequel on peut voyager
dans l’univers Gorillaz (notamment sur Plastic
Beach actuellement) sous la forme d’un jeu de
rôle interactif.
Sur ce site dédié à l’univers Gorillaz on peut
également jouer à une douzaine de mini jeux ,
regarder des vidéos, écouter une « radio pirate »,
avoir accès à l’ensemble des albums du groupe.
Accessoirement, la page fan Facebook regroupe
actuellement environ 3,5 millions de fans.
Spiegel & Grau, l’éditeur de Jay-Z, a fait un
partenariat avec le moteur de recherche Bing. La
page dédié, crée par le moteur de recherche,
devenait le point de départ de l’ARG (Alternate
Reality Game). Les internautes étaient alors invités
à retrouver les 320 pages du mémoire de JayZ, cachées à Las Vegas, à New York, à Hollywood
ou même en Royaume-Uni.
Chaque cachette était référencée dans son
livre comme un endroit clef de la vie de l’artiste.
Aidés par des cartes Bing et des indices fournis
par Jay Z sur son Twitter et sur sa page
Facebook, les internautes se sont embarqués dans
cette chasse au trésor.
Ceux qui ont réussi à déchiffrer tous les indices ont
été sélectionnés pour un tirage au sort. Le prix
pour le gagnant était un accès à vie à tous les
concerts de Jay Z.
Pour augmenter l’intérêt des joueurs, les
organisateurs ont joué sur l’ego des internautes :
le premier à trouver la cachette d’une page
pouvait « annoncer » sa découverte sur le site de
la campagne et y associer son nom. De cette façon
les autres joueurs pouvaient voir le nom de ceux
qui avaient découvert chaque page.
Les pages étaient cachées sur des panneaux
publicitaires, dans l’emballage d’un hamburger,
sur le fond d’une piscine, dans des magasins de
musique ou de bijoux, dans son bar préféré, sur le
sac de frappe de sa salle de gymnastique ou
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encore sur le dos des T-shirts des serveurs dans un
café.
En quatre semaines, les joueurs ont réussi à
trouver toutes les pages ; en récompense, ils ont
reçu des livres dédicacés par Jay-Z ou par tirage au
sort un autre grand prix : un voyage à Las Vegas
pour le concert du Nouvel An de Jay-Z etColdplay.
La campagne de promotion a été financée
par Bing et non par l’éditeur. Le Directeur
Marketing de Bing, refusait de divulguer le budget
de la campagne mais affirmait pour le New York
Times que « des coûts importants sont associés à
ce projet »
d’informations sur leur expérience transmedia,
voici l’étude de cas par l’agence 42 Entertainment.
L’application iPhone de NIN
Pour rester en contact avec son public et pour
récompenser leur fidélité, NIN a fait en 2008 un
partenariat avec Tap Tap Revenge, un jeu
pour iPhone qui teste le rythme des joueurs à la
façon des « Guitar Hero » like.
Le groupe avait crée sa propre version du jeu, pour
le prix de 4.99$ chacun pouvaient tester son
rythme sur 13 chansons de NIN. De plus, ceux qui
arrivaient à dépasser un certain score pouvaient
gagner des places aux concerts de NIN et le grand
prix « une guitare Les Paul signée par Trent
Reznor »
La course aux tickets
Cependant, les résultats ont été positifs ! Bing a eu
en novembre 2010, sur la période de la
campagne, la plus importante part de marché du
trafic américain de son existence : 11.8%
Nine Inch Nails : une relation longue durée
L’ARG “Year Zero”
En 2007, le groupe de musique Nine Inch Nails
(NIN) met en place un ARG à l’occasion de la sortie
de son nouvel album «Year Zero », avec l’aide de
l’agence 42 Entertainment.
Dans cette chasse au trésor en réalité alternée,
les indices étaient fournis à travers des indices
textuels sur des T-shirts NIN et des singles du
nouveau album laissés sur des clefs USB. Le tout
caché dans des toilettes sur les lieux de leurs
concerts, sur des sites Internet ou via des numéros
de téléphone. Tous ces éléments aidaient les
joueurs à avancer dans l’histoire sombre de Year
Zero : un monde rongé par une guerre infinie et
une catastrophe environnementale.
Le but de ce projet était de faire vivre aux fans
une expérience en lien avec l’univers de l’album.
Toujours en 2008, Nine Inch Nails a trouvé une
autre façon de fédérer sa communauté.
Pour ceux qui habitaient à Los Angeles, Trend
Reznor avait caché des places de concert dans des
parcs, sous des pierres, dans des fossés… Chaque
cachette était annoncée sur le feed Google Earth
du groupe. Vous pouvez lire ici le post d’un
blogueur qui raconte sa course aux tickets.
Conclusion
Ces exemples montrent que le storytelling peut
aider les artistes à proposer des expériences
parallèles
ancrées
dans
leurs
univers
musicaux. Nine Inch Nails et Jay-Z ont réussi
à engager leurs communautés de manière sincère
avec une communication ininterrompue, comme
le conseillait Pratten.
Ces deux opérations sont similaires dans la
mécanique de jeu mais avec des approches
différentes. Pendant que Jay-Zconstruisait un
univers narratif multiplateforme autour de sa vie
et de son personnage (notamment au travers de
son autobiographie et de son ARG) le groupe
rock NIN construisait son univers narratif autour
de
sa
musique, forte
d’une
ambiance
particulière. Gorillaz aborde
une
autre
Le leader du groupe, Trent Reznor, qualifiait cette
expérience comme « une nouvelle forme de
divertissement ». Selon lui, l’effet combiné
du divertissement, du bouche à oreille et de
l’engagement du public fait de cet ARG un parfait
outil pour promouvoir son album. Pour plus
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technique en développant des personnages
virtuels et en faisant évoluer leur univers à chaque
nouvel album.
Si l’industrie de la musique peut apprendre de
l’audiovisuel à construire des univers narratifs
autour de ses produits pour mieux engager ses
fans, l’audiovisuel pourrait également apprendre
de l’industrie musicale à construire des
événements
autour
de
ses
contenus
« classiques ».
Nous n’avons pris ici que trois exemples mais la
liste des artistes ayant développé un univers de
storytelling transmedia est bien plus longue, on
peut penser à Michael Jackson ou encore aux Daft
Punk.
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