la dame de shanghaï

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la dame de shanghaï
LA DAME
DE SHANGHAÏ
ORSON WELLES
JEUDIS 17 ET/OU 24 MARS 2016
Une galerie des glaces qui vole en éclats, multipliant à l’infini les reflets de personnages qui
n’en finissaient plus de se perdre... Autant de miroirs brisés symbolisant tout à la fois la fin
d’un amour, l’explosion d’un mythe, la chute d’une star, et la vengeance d’un artiste contre
le système hollywoodien. Une séquence d’anthologie qui témoigne à elle seule du génie
d’Orson Welles, et de sa capacité, comme le dit Scorsese, «à bouleverser la grammaire
cinématographique». Une scène culte entrée à jamais dans l’imaginaire collectif...
De nombreuses histoires circulent sur la genèse de La Dame de Shanghaï, attribuant
l’initiative du projet aux uns ou aux autres. À Welles qui, ayant besoin d’argent, aurait voulu
impérativement tourner, ou à Harry Cohn, le patron de la Columbia, ou à William Castle,
scénariste et producteur, qui aurait découvert le roman, sans oublier Rita Hayworth qui aurait
insisté pour que Welles dirige le film. Ce qui est sûr, c’est que le réalisateur de Citizen Kane
s’inspire librement d’un petit roman policier pour écrire le scénario, que le film est produit
par Harry Cohn qui a sous contrat Rita Hayworth alors au sommet de sa popularité, ce que
confirme le succès planétaire de Gilda qui sort au printemps 1946. Elle a 28 ans et Welles
31. Ils se sont mariés trois ans auparavant. Elle est LA star glamour et sexy. Il est LE cinéaste
génial qu’admirent ses pairs et une partie de la critique, et l’enfant terrible dont se méfient
Hollywood et les financiers. Il a réalisé trois films, en a cosigné un quatrième et en a laissé un
autre inachevé. Alors que débute le tournage de La Dame de Shanghaï, leur mariage vit
ses dernières heures. Chacun affirmera d’ailleurs que ce film est le cadeau d’adieu qu’il
a offert à l’autre. Elle lui sacrifiera sa légendaire chevelure rousse et se fera blonde platine
aux cheveux courts (ses fans crient au sacrilège !). Il lui donnera l’un de ses plus beaux
rôles, l’un des plus profonds, des plus complexes. Certains attribuèrent l’échec public du film
à cette nouvelle image de blonde fatale, froide, distante, vénéneuse, que les spectateurs
n’étaient pas prêts à accepter. Sans doute n’est-ce pas aussi simple...
Même si le film est formellement moins flamboyant - la séquence finale exceptée - que les
précédents, Welles est toujours plus attiré par l’exploration formelle expérimentale, flirtant avec
l’onirisme, la métaphore et l’abstraction, que par la résolution de l’intrigue et la clarté du récit.
Il semble se fondre dans les codes du film noir – femme fatale, crime, trahison et manipulation
– mais il ne cesse de les détourner. Déroutés, les responsables du studio décidèrent de
raccourcir le film d’une heure et de décaler sa sortie (il est d’abord sorti en France, en
1947). Film maudit, La Dame de Shanghaï s’imposa vite cependant comme incontournable,
notamment grâce aux critiques français, sensibles à ce langage cinématographique si
singulier, à cette atmosphère délétère où les fantômes de la deuxième guerre mondiale
croisent les requins d’Hollywood, à cette exploration audacieuse des ambigüités de l’âme
humaine qui est en même temps un chant d’amour et un requiem. La Dame de Shanghaï
est pareil à ces diamants noirs que leur dureté protège de tout et qui exercent un irrésistible
pouvoir de séduction et de fascination, sans jamais livrer tous leurs secrets.
La Dame de Shanghaï d’Orson Welles (1947) avec Rita HAYWORTH, Orson WELLES, Everett SLOANE, Glenn ANDERS - Durée : 1H32
Prochain rendez-vous : The Thing le jeudi 31 mars 2016 en présence de Jean-Pierre Lavoignat à l’UGC Ciné Cité PARIS 19
UGC Culte – les films qui ont fait la légende du cinéma, sur grand écran
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