VIH et travail du sexe - Aids
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VIH et travail du sexe - Aids
MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT Swiss Aids News 1 | MARS 2014 VIH et travail du sexe ÉDITORIAL IMPRESSUM Edité par Aide Suisse contre le Sida (ASS) Office fédéral de la santé publique (OFSP) Rédaction Dr phil. Harry Witzthum (hw) lic. phil. Stéphane Praz (sp) Brigitta Javurek (bj), journaliste RP Dr iur. LL. M. Caroline Suter (cs) Nicole Maeder (nm) FIZ, Centre zurichois d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes Version française Line Rollier, Bussigny-près-Lausanne Traductor, Bâle (droit) Conception graphique et mise en pages Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle SAN no 1, mars 2014 Tirage: 5500, parution trimestrielle © Aide Suisse contre le Sida, Zurich Les SAN bénéficient du soutien de l’Office fédéral de la santé publique de Boehringer Ingelheim (Schweiz) SA de Bristol-Myers Squibb SA de Janssen-Cilag SA Les partenaires industriels des Swiss Aids News n’exercent aucune influence sur son contenu. Pour vos communications Rédaction Swiss Aids News Aide Suisse contre le Sida CP 1118, 8031 Zurich Tél. 044 447 11 11 Fax 044 447 11 12 [email protected], www.aids.ch MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT Swiss Aids News Chère lectrice, Cher lecteur, Cette nouvelle édition de Swiss Aids News est consacrée au travail du sexe, un sujet aux multiples facettes qui soulève actuellement bien des débats. Nous avons choisi d’en mettre en lumière les aspects économiques, sociaux et juridiques. Nous donnons ainsi la parole à des professionnels de la politique, de l’administration et d’organisations qui prennent position sans détour. Les conséquences des lois et ordonnances sur la prostitution édictées dans un passé récent révèlent des contradictions. Les travailleuses du sexe sont-elles désormais mieux protégées et moins discriminées ou sont-elles exposées à davantage de pression et de répression? Et qu’en est-il de leur santé? Le fait est que, compte tenu de leur précarité économique, les travailleuses du sexe sont nombreuses à se laisser entraîner dans des pratiques sexuelles non protégées dans la mesure où le client paie plus pour ça. Pour l’Aide Suisse contre le Sida, il est clair que le travail du sexe et les infections sexuellement transmissibles qui lui sont associées, dont le VIH, ne peuvent être considérés isolément. La situation des travailleuses du sexe ne pourra s’améliorer durablement que si elles peuvent exercer leur activité sans entraves ni préjugés. Nous vous présentons par ailleurs dans cette édition de Swiss Aids News les résultats de l’enquête menée récemment auprès des lecteurs, intitulée: «Etes-vous satisfait de votre traitement antirétroviral?». Enfin, nous faisons le tour des principales questions juridiques en relation avec les prestations complémentaires. Je vous souhaite la plus agréable des lectures. Daniel Seiler 1 | M Ar S 2014 Sommaire VIH et travail du sexe Couverture © KEYSTONE/ANDRAS D. HAJDU 2 Swiss Aids News 1 | mars 2014 Programme national VIH/IST 3 Sexe tarifé: les défis et les enjeux de demain Société 4 Travail du sexe et VIH: de grosses différences d’une région à l’autre 5 Travail du sexe dans la clandestinité 6 Sans filet et sans capote 8 Pour ou contre… 10 Les dessous du groupe à risque des travailleuses du sexe 12 Traitement antirétroviral: résultats de l’enquête de satisfaction Droit 14 Qui a droit à des prestations complémentaires? 16 Dois-je assumer moi-même les frais de traitement de mes joues creuses? P R O G R A M M E N AT I O N A L V I H / I S T P N V I Sexe tarifé: les défis et les enjeux de demain Depuis toujours le travail du sexe fait l’objet de débats poli tiques enflammés et passionnés. Du combat contre une morale décadente à la lutte passée contre la syphilis jusqu’aux préoc cupations légitimes sur la traite humaine, les débats au sujet du sexe tarifé reflètent les émois d’une société qui peine à s’affirmer face à une activité que l’on veut pourtant profes sionnelle et libérale. L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions A l’instar de la Suède, la France a voté en décembre 2013 une loi pénalisant les clients de professionnel-le-s du sexe. Aujourd’hui, l’Allemagne étudie l’établissement d’une loi semblable sur son territoire. Le Conseil fédéral a récemment mandaté, de son côté, un groupe d’experts chargés d’évaluer la pertinence d’une loi similaire en Suisse risquant de changer radicalement le cadre légal dans lequel le sexe tarifé est ancré. Dans certains cantons, l’exercice de cette profession se fonde sur une base légale qui oblige les travailleurs et travailleuses du sexe à s’enregistrer auprès des autorités locales et à obtenir l’autorisation de pratiquer cette activité à titre d’indépendant-e. Si l’exemple suédois a, semble-t-il, permis de réduire la prostitution de rue de moitié ces dix dernières années, elle encourage, en revanche, l’invisibilité et la clandestinité des transactions sexuelles qui se déroulent dans des lieux souvent fermés à la prévention VIH et IST. «La prohibition du sexe tarifé ou de sa clientèle ne permet pas de lutter efficacement contre la traite humaine.» Quels défis et enjeux pour la Suisse demain? Face au durcissement des positions politiques fédérales et cantonales, et du cadre légal du travail du sexe, la Suisse manque au niveau national d’une organisation faîtière forte capable de défendre d’une voix les intérêts et les droits des travailleurs et des travailleuses du sexe, ainsi que ceux des travailleuses du sexe transgenres. Les organisations de prévention du VIH et des autres IST ne suffissent pas à elles seules pour porter les nombreuses revendications sociales, juridiques et sanitaires des professionnelles du sexe. La création d’une organisation faîtière permettrait une meilleure répartition des rôles et des tâches entre les diverses associations actives au sein de cette population. Elle offrirait aux gouvernements fédéraux et cantonaux un interlocuteur capable de veiller à ce que les droits des travailleurs et travailleuses du sexe ne soient pas bafoués par l’application de nouvelles législations. La prohibition du sexe tarifé ou de sa clientèle ne permet pas de lutter efficacement contre la traite humaine. Elle ne fait, par contre, que renforcer la vulnérabilité et la précarité des travailleurs et des travailleuses du sexe, et rend leur accès aux soins et à la prévention VIH/IST largement plus difficile. La Suisse a besoin d’une voix unie et forte qui porte ce message. Et si une association suisse du travail du sexe voyait le jour? Steven Derendinger, MA Chef de projets MSM/trans*/Sexwork/BerDa Office fédéral de la santé publique Bien que l’intention des lois cantonales en Suisse vise la sécurité et l’autodétermination des professionnel-le-s du sexe, la prohibition et les démarches administratives d’enregistrement à haut seuil rendent cette population – souvent en situation de migration – d’autant plus précaire. Face à la menace policière ou découragé-e-s par les difficultés administratives, les professionnel-le-s du sexe se résignent souvent à la clandestinité. Si malgré tout, ils/elles parviennent à remplir les documents nécessaires, ils/elles entrent dans l’illégalité en pratiquant leur activité durant le temps qui sépare leur demande et l’obtention des autorisations. En somme, l’exercice du sexe tarifé est légal en Suisse pour autant que l’on puisse faire face aux barrières linguistiques, aux démarches administratives à haut seuil, et que l’on puisse oisivement vivre sur le sol helvétique à titre de touriste le temps de recevoir son sésame. Swiss Aids News 1 | mars 2014 3 SOCIÉTÉ Travail du sexe et VIH: de grosses différences d’une région à l’autre Les travailleuses du sexe sont exposées à un risque de VIH accru partout dans le monde étant donné qu’elles ont, en règle générale, un plus grand nombre de partenaires sexuels de même qu’un plus grand nombre de contacts sexuels simultanés. Prévalence du VIH autour du globe La Banque mondiale a réalisé en 2013 une estimation de la prévalence du VIH sur la base de 102 études portant sur 50 pays, qui représentent en tout quelque 100 000 travailleuses du sexe. e D’après ces études, la prévalence moyenne du VIH parmi les travailleuses du sexe à l’échelle mondiale s’élève à 11,8%, mais elle varie beaucoup d’une région à l’autre. Risque d’infection à VIH 13,5 fois plus élevé pour les travailleuses du sexe Notes e Kerrigan, D. et al. The Global HIV Epidemics among Sex Workers. International Bank for Reconstruction and Development/ L’étude de la Banque mondiale a également évalué le risque de VIH pour les travailleuses du sexe par rapport à l’ensemble des femmes en âge de procréer dans les pays à revenu faible et moyen. Il apparaît que le risque de contracter le VIH est 13,5 fois plus élevé pour une travailleuse du sexe que pour une femme qui n’exerce pas cette activité. Là aussi, les différences sont grandes d’un pays à l’autre. Le risque relatif le plus élevé a été mesuré pour la région Asie (29,2), suivie de la région Afrique subsaharienne (12,4) et Amérique latine/Caraïbes (12,0). L’étude relève que, même dans les pays dotés de programmes de prévention progressistes comme la Thaïlande et l’Inde, les travailleuses du sexe sont plus touchées par le VIH que les femmes n’exerçant pas cette activité et qu’il faut encore par conséquent améliorer l’accès aux programmes de prévention dans ces régions en forçant la suppression des barrières. Des données quasi inexistantes pour la Suisse Les experts estiment à 20 000 le nombre de femmes sur le marché du sexe en Suisse. Le pourcentage de femmes d’origine migrante peut atteindre 80%, un tiers d’entre elles provenant de la région Europe orientale et pays baltes et un autre tiers d’Afrique subsaharienne. S’agissant de la prévalence du VIH, on suppose qu’il y a d’énormes différences entre les travailleuses du sexe d’origine migrante ou non et entre celles qui consomment ou non des drogues. r On ������������������������������������ ne dispose, hélas, d’aucune estimation de la prévalence du VIH parmi les travailleuses du sexe en Suisse. t De telles études seraient souhaitables car les programmes de prévention pourraient être mieux adaptés aux besoins des travailleuses du sexe si l’on disposait de données relatives aux facteurs de risque. hw The World Bank. 2013. www.worldbank.org/ content/dam/Worldbank/document/GlobalHIVEpidemicsAmongSexWorkers.pdf r Prüss-Ustün, A. et al. HIV due to female sex work: regional and global estimates. PLOS ONE May 23, 2013, DOI: 10.1371/ Prévalence du VIH parmi les travailleuses du sexe à l’échelle mondiale Europe occidentale et centrale 1,6% Moyen-Orient /Afrique du Nord 1,7% journal.pone.0063476; www.plosone.org/ article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal. Asie 5,2% Amérique latine / Caraïbes t Bugnon, G. et al. Marché du sexe en Suisse. Etat des connaissances, best practices et recommandations. Genève: Université de Genève, 2007–2008. www.sexwork.ch/files/ MarchSexeCH_Rap1_Littrature_FR.pdf 4 Swiss Aids News 1 | mars 2014 Europe orientale Afrique subsaharienne 6,1% 10,9% 37% Source: Banque mondiale 2013 pone.0063476 SOCIÉTÉ Travail du sexe dans la clandestinité Le commerce du sexe fait l’objet d’une nouvelle réglementation dans de nombreux cantons et communes dont certains ont déjà adopté des lois et ordonnances sur la prostitution. Résultat: la situation des travailleuses du sexe s’est précarisée. Au lieu de la protection promise, les lois apportent aux travailleuses du sexe pression et répression. Exemple zurichois Quatre permanences zurichoises e ont présenté en décembre 2013 un état des lieux fondé sur leur expérience de centres de conseil pour les travailleuses du sexe en ville de Zurich. Elles parviennent à la conclusion que l’ordonnance sur la prostitution, en vigueur depuis le 1er janvier 2013, a refoulé le commerce du sexe visible et met en danger les personnes qui exercent cette activité. A Zurich, la majorité d’entre elles sont des femmes et des migrantes. Le travail du sexe est souvent la seule option qu’elles ont pour gagner de l’argent en Suisse. Prostitution de rue … La prostitution de rue n’est plus autorisée qu’en trois endroits à Zurich. Les travailleuses du sexe croisées ailleurs risquent d’être amendées ou interdites de périmètre, même si elles ne font que passer. C’est le cas notamment à la Langstrasse, où la prostitution de rue était certes déjà interdite avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, mais tolérée. Les hommes aussi sont susceptibles d’être amendés en dehors des zones autorisées si la police suspecte que ce sont des clients parce qu’ils sont vus en compagnie de travailleuses du sexe. Sur la nouvelle place dédiée à la prostitution, la protection des travailleuses du sexe est bel et bien garantie, mais les boxes ne sont pas du goût de tout le monde. Beaucoup de femmes préfèrent travailler dans leur chambre plutôt que dans une voiture. Comme le racolage dans la rue n’est plus permis, les contacts ont lieu par internet ou par téléphone, et il est dès lors plus difficile de savoir à qui on a affaire. La pression oblige les travailleuses du sexe à se décider rapidement, sans pouvoir négocier les pratiques et les prix, ce qui n’est pas vraiment synonyme de bonnes conditions pour la sécurité ou la prévention du VIH. … et salons de massage Même les petits salons de massage doivent avoir une autorisation et remplir certaines conditions depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il faut un plan d’affaires et une structure hiérarchique (une cheffe). Ces procédés ne conviennent pas si l’on veut diminuer l’exploitation des travailleuses du sexe et la violence à leur égard. Car si les salons de massage ne remplissent pas les conditions, les femmes sont repoussées dans l’illégalité. Criminaliser les clients? En Suède, l’achat de services sexuels est interdit depuis 1999. r Certains politiques, hommes et femmes, ont des visées similaires pour la Suisse. t Cette démarche dissimule le vœu d’une société sans travail du sexe, celui-ci étant interprété comme une expression de l’inégalité entre les sexes. Toutefois, des études u montrent que le commerce du sexe n’a pas disparu en Suède, contrairement aux succès annoncés par l’Etat, et qu’il est simplement devenu invisible – avec des conséquences négatives pour les femmes et les hommes impliqués. Quoi que l’on pense de leur activité, une chose est sûre: réclamer l’interdiction du travail du sexe est une façon de régler le problème du dénigrement des femmes sur le dos des plus faibles. © 13Photo/Vera Hartmann Le travail du sexe est une activité légale en Suisse. Toutefois, plusieurs cantons ont édicté récemment des lois spéciales sur la prostitution. Leur objectif est de protéger la population de ses effets connexes négatifs et d’améliorer les conditions générales dans lesquelles les travailleuses du sexe exercent leur activité. Ce que l’on constate concrètement, et qui est le but non avoué, c’est un endiguement du travail du sexe qui est rejeté dans la clandestinité. Comme dans les pays où l’achat de services sexuels est interdit. Notes e FIZ Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes, ZSM Zürcher Stadtmission, zah Zürcher Aids-Hilfe et Rahab-Arbeit der Heilsarmee, cf. http://fiz-info.ch. r En France, l’Assemblée nationale a adopté en décembre 2013 un texte de loi prévoyant une amende pour tout client de prostituées; le Sénat doit encore se prononcer. t Cf. postulat de Marianne Streiff-Feller au titre trompeur: «Mettre un terme à la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle». u Par ex. Ann Jordan: The Swedish Law to Criminalize Clients: A Failed Experiment FIZ, Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes à Zurich. in Social Engineering, Issue Paper 4, April 2012, American University Washington, College of Law, Center for Human Rights and Humanitarian Law. Swiss Aids News 1 | mars 2014 5 SOCIÉTÉ Sans filet et sans capote Les règles du sexe à moindre risque ne sont pas compliquées. Mais ce qui l’est pour les tra vailleuses du sexe, c’est de s’y tenir. Et cela concerne aussi bien l’utilisation du préservatif que la consultation en cas de suspicion d’infection. Partout des affiches stop sida. Bienvenue à l’inauguration de la nouvelle zone de prostitution zurichoise. Mais est-il vraiment nécessaire de rappeler aux travailleuses du sexe l’utilité du préservatif? «Non, répond Sandra, on est des pros.» La Colombienne travaille en différents endroits de Suisse. Elle ajoute: «Mais ce qu’il faut, c’est informer les clients!» Bien plus de la moitié réclament des rapports «sans capote», et la tendance augmente avec l’âge du client. Sandra est inflexible, mais d’autres le sont moins. En effet, les travailleuses du sexe ne sont de loin pas toutes aussi bien informées que l’on pourrait espérer. «On est surpris du peu de connaissances de certaines femmes», déclare Ulrike Wuschek, médecin-chef de la consultation gynécologique ambulatoire de la Kanonengasse, qui soigne de nombreuses travailleuses du sexe à Zurich. C’est lié au niveau d’éducation, mais souvent aussi au contexte culturel. Toutefois, Ulrike Wuschek reconnaît comme Sandra qu’un autre élément pèse très lourd dans la balance lorsqu’il s’agit d’accepter ou non de renoncer au préservatif: les clients payent bien plus pour des rapports «sans». Or, les travailleuses du sexe sont nombreuses à se trouver dans une situation financière précaire. Illégalité et discrimination Les conditions économiques, sociales et juridi ques jouent un rôle déterminant, qu’il s’agisse de rapports protégés ou d’accès aux soins médicaux. Or, ce dernier est la condition sine qua non de la troisième règle du sexe à moindre risque: «Consulter un médecin en cas de démangeaisons, brûlures ou écoulement.» En effet, certaines infections peuvent se transmettre même en utilisant systématiquement des préservatifs. «Pourtant, beaucoup de travailleuses du sexe ne consultent que très tard en cas de problème», déclare Regula Rother, à la tête de la Zürcher Stadtmission qui exploite la consultation Isla Victoria destinée aux travailleuses du sexe. La raison? Un grand nombre n’ont pas d’assurance-maladie, ou elles se trouvent illégalement en Suisse ou elles ont tout simplement 6 Swiss Aids News 1 | mars 2014 peur d’être discriminées à cause de leur métier. Cette déclaration est confirmée par une étude du marché du sexe en Suisse parue en 2008. Pour les professionnels, il est clair que l’on ne peut pas considérer le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles isolément. On ne peut vraiment venir en aide à ces femmes que si l’on peut améliorer globalement leur situation. Aide directe aux migrantes Bien sûr, les conditions de vie concrètes varient d’une travailleuse du sexe à l’autre et si l’accès aux soins n’est pas difficile pour toutes, il l’est pour un très grand nombre dont la plupart sont des migrantes séjournant en Suisse pour des durées variables. Une bonne partie de leurs problèmes sont liés davantage à leur situation de migrantes qu’à leur métier. Lorsqu’elle rend visite aux femmes dans leur milieu, Grazia Aurora, responsable médico-sociale d’Isla Victoria, leur apporte par conséquent non seulement des préservatifs et une aide médicale concrète, mais elle leur explique aussi le système de santé suisse. «Parfois, certains détails sont cruciaux, dit-elle, par exemple le fait qu’on peut obtenir chez nous la pilule d’urgence en pharmacie, sans ordonnance. Dans certains pays, il faut un avis médical, dans d’autres, on ne l’obtient pas du tout.» Et l’information qui est souvent la principale: en Suisse, même les personnes sans autorisation de séjour peuvent conclure une assurance-maladie. C’est une chose qu’il faut savoir. Contraception et désir d’enfant Mais pour beaucoup de travailleuses du sexe, le coût des soins médicaux reste élevé même avec une assurance-maladie, qu’il s’agisse de maladies courantes, du dépistage d’éventuelles infections sexuellement transmissibles ou de contrôles préventifs. «J’y réfléchis à dix fois avant d’aller chez le médecin, déclare Sandra. Avec la franchise et la quote-part, cela fait vite cher.» Il n’y a pas que le prix qui la retient: la façon dont on la traite en tant que travailleuse du sexe étrangère la © KEYSTONE/Elisabeth Real dissuade tout autant. Et elle n’est pas la seule: l’étude du marché du sexe en Suisse ainsi que plusieurs études menées à l’échelle européenne révèlent que les travailleuses du sexe sont nombreuses à ne pas avoir vraiment confiance dans les médecins et les hôpitaux. Et de leur côté, bon nombre de médecins ne sont pas à l’aise avec cette thématique. A la recherche d’offres à bas seuil Il faut par conséquent des services qui y soient sensibilisés, comme la consultation ambulatoire à Zurich. «Les femmes viennent nous voir parce que notre institution a su instaurer un climat de confiance au fil des ans, déclare Wuschek. Les travailleuses du sexe qui sont dans le métier depuis longtemps envoient les nouvelles ici. Compte tenu de la mobilité accrue, c’est absolument essentiel.» Quelque 90% des femmes qui viennent à la consultation ambulatoire sont des migrantes, provenant actuellement de plus de soixante pays et actives dans tous les domaines du sexe tarifé. Elles consultent pour toutes sortes de troubles, et il n’est pas rare que ce soit lié à des infections sexuellement transmissibles. Et elles viennent parce que les obstacles sont réduits: les coûts sont modérés, il n’est pas nécessaire de s’annoncer et les patientes peuvent garder l’anonymat si elles le souhaitent. De plus, les travailleuses du sexe n’aborderaient pas certaines questions avec d’autres médecins. «De nombreuses femmes évoquent un désir ’enfant avec leur partenaire tout en gardant la d meilleure contraception possible dans le cadre de leur activité», explique Wuschek. Souvent, l’aspect médical est étroitement lié au social, ce qui requiert des compétences particulières de la part du personnel et une bonne interconnexion avec le domaine du social. Des objectifs proches et lointains «Contrairement à Zurich, de nombreux cantons et communes ne mettent aucun financement à disposition pour des structures favorisant la santé des travailleuses du sexe.» Les consultations ambulatoires du genre de celle de la Kanonengasse sont rares. Wuschek le déclare sans détour: «De manière générale, la situation des travailleuses du sexe en Suisse est très mauvaise en termes de soins médicaux». Cela n’est pas étonnant, car contrairement à Zurich, de nombreux cantons et communes ne mettent aucun financement à disposition pour des structures favorisant la santé des travailleuses du sexe. Wuschek y voit là par conséquent un devoir de la Confédération: «L’Office fédéral de la santé publique devrait s’investir davantage et soutenir la mise sur pied, en différents endroits de Suisse, de services spéciaux destinés aux travailleuses du sexe.» On pourrait aussi envisager des solutions d’accès plus aisé à l’assurance-maladie. Regula Rother de la Zürcher Stadtmission pense par exemple à une assurance collective: «Je crois que les caisses-maladie n’y seraient pas opposées, car au bout du compte, la plupart des travailleuses du sexe sont en bonne santé et auront quitté le pays depuis longtemps lorsqu’elles seront plus âgées.» sp Swiss Aids News 1 | mars 2014 7 SOCIÉTÉ «Pour la réglementation du travail du sexe» Pour © Adrian Moser Alexander Ott, à la tête du service de la population, des migrations et de la police des étrangers de la ville de Berne, a contribué pour une large part à la mise sur pied de la loi et de l’ordonnance sur la prostitution dans le canton de Berne. Les réglementations concernant le travail du sexe mises en place depuis quelques années par de nombreux cantons et communes sont contestées. Même les conséquences pour la pré vention et les offres de soins soulèvent la controverse. Les opposants à ces réglementations parlent de répression accrue, ce qui non seulement aurait des effets négatifs sur la santé de nom breuses femmes, mais rendrait aussi l’accès à ces dernières plus difficile. C’est tout le contraire, répondent leurs partisans: le commerce du sexe gagne en transparence, ce qui ne peut être que bénéfique pour les travailleuses du sexe, y compris en termes de santé. Se référant aux expériences réalisées suite à l’introduction, en avril de l’année passée, de la loi et de l’ordonnance sur la prostitution dans le canton de Berne, deux représentants de ces points de vue divergents donnent leurs arguments à Swiss Aids News. Monsieur Ott, des organisations spécialisées constatent que la loi et l’ordonnance bernoises sur la prostitu tion poussent davantage de femmes à travailler au noir, les rendant plus difficilement accessibles aux services de prévention et de soins. A. Ott: C’est une chose que ni la police cantonale ni nous-mêmes ne pouvons confirmer. Mais si ces organisations rencontrent de telles femmes, il serait bon qu’elles nous les annoncent. Cela nous permet de clarifier la situation concernant l’entrée et le séjour et de mieux les protéger des dangers qu’impliquent le travail au noir et l’irrégularité dans ce métier. Bon nombre de ces femmes n’ont ni autorisation de séjour ni autorisation de travail et doivent avoir peur d’être expulsées. A. Ott: Ce n’est plus comme ça depuis longtemps. Dans le cas des personnes en provenance de l’UE/AELE, les situations sont clairement établies. En outre, ces personnes entrent en Suisse dans le cadre de l’accord sur la libre circulation. Elles peuvent s’y référer si elles remplissent les conditions pour exercer une activité lucrative. Mais face au durcissement des condi tions d’autorisation, on ne trouve guère de droits destinés à protéger la santé des travailleuses du sexe. Celle-ci ne joue-t-elle qu’un rôle secondaire? 8 Swiss Aids News 1 | mars 2014 A. Ott: Au contraire, c’est pour nous aussi un élément central. L’entretien personnel très critiqué en rapport avec le plan d’affaires se révèle en réalité très utile. Il permet d’aborder des questions de santé, notamment d’assurance-maladie. Et nous distribuons tout un matériel d’information. Nous faisons d’ailleurs une constatation intéressante: depuis que nous menons ces entretiens, de nombreuses travailleuses du sexe contactent régulièrement nos collaboratrices pour des questions dans toutes sortes de circonstances. La confiance dans les autorités est là. La loi et l’ordonnance sur la prostitu tion tendent donc à promouvoir les services de prévention et de soins? A. Ott: Oui. Essentiellement parce que nous avons une vision bien meilleure de la situation des travailleuses du sexe. Nous pouvons dès lors garantir que les conditions de travail sont conformes aux exigences légales, par exemple en ce qui concerne l’hygiène. Cette transparence favorise également des aspects préventifs et sanitaires. Comment vous expliquez-vous les cri tiques des organisations spécialisées ? S’agit-il d’un gros malentendu? A. Ott: On polémique à tort autour du plan d’affaires et de l’entretien personnel. Nous sommes d’avis qu’une collaboration plus concrète serait souhaitable. Les ONG spécialisées sont les bons interlocuteurs «Contre le durcissement des conditions» Contre pour les questions de conseil. Il est clair aussi que nous n’avons pas tout résolu avec la loi existante. Les conséquences de la nouvelle norme doivent être évaluées avec précision et, le cas échéant, il s’agira d’apporter des corrections. De manière générale, la situation juridique des travailleuses et travailleurs du sexe n’est pas encore satisfaisante. Nous luttons en faveur de la légalisation du contrat de fourniture de prestations d’ordre sexuel. Le canton de Berne a soumis à cet effet une initiative à l’Assemblée fédérale, qui est toujours pendante. Madame Suter, la loi et l’ordonnance bernoises sur la prostitution règlent des questions en rapport avec le droit du travail. D’après vous, en quoi mettent-elles en péril la prévention et les offres de soins en faveur des travailleuses du sexe? J. Suter: Il n’est guère question de droits dans ces règlements. Ils sont plutôt synonymes de durcissement de la procédure d’autorisation pour les établissements et les travailleuses indépendantes. Pour les petites entreprises de deux ou trois femmes, les obstacles administratifs et les coûts qu’ils engendrent sont énormes. Par conséquent, soit les femmes sont poussées vers des établissements plus grands avec de nouveaux rapports de dépendance, soit elles disparaissent dans la clandestinité et offrent leurs services au noir. Dans ce cas, elles s’exposent de © Adrian Moser Jacqueline Suter critique la loi et l’ordonnance sur la prostitution du canton de Berne. Elle est conseillère à la permanence Xenia à Berne, spécialisée dans le conseil relatif au travail du sexe. manière générale à davantage de stress, de peur et de risques. Et elles sont plus difficilement accessibles pour les services de prévention et de soins. De leur côté, les autorités ne constatent aucune progression du travail au noir. J. Suter: Cela ne m’étonne pas, les femmes concernées évitent bien évidemment tout contact avec les autorités. Lorsqu’elles s’annoncent, les travail leuses du sexe en provenance de l’UE doivent se rendre en personne à la police des étrangers pour un entretien. N’est-ce pas là une bonne occasion de recevoir plus d’informations sur notre système de santé? J. Suter: Certainement, elles y reçoivent des brochures et du matériel divers. Mais il s’agit avant tout de l’autorisation de travail. Un véritable entretien sur des aspects liés à la santé personnelle me paraît irréaliste dans un tel contexte. S’il doit être question de sans-papiers, de grossesses non désirées, de pratiques sexuelles et de leurs risques, la police des étrangers n’est pas la bonne interlocutrice. A cette occasion, les travailleuses du sexe doivent aussi donner des renseignements sur leur assurancemaladie. N’en résulte-t-il pas que les travailleuses sont plus nombreuses à en avoir une? J. Suter: La question laisse entendre que les travailleuses du sexe n’auraient pas un réel intérêt pour une assurancemaladie. Or, c’est tout le contraire puisque leur corps représente leur capital. Il s’agit donc bel et bien d’un sujet important dont il faut parler. Mais pourquoi les travailleuses du sexe devraient-elles l’aborder avec la police des étrangers? Ce n’est le cas pour aucun autre métier. Il devrait y avoir d’autres services compétents pour ces questions. Est-ce à dire que les réglementations impliquent un partage du travail qui n’est pas adéquat? J. Suter: C’est cela. En ce moment, il y a une grande concentration auprès de la police des étrangers. Qui affirme que, compte tenu des nouvelles réglementations, elle peut aussi s’occuper des questions de santé, d’assurances, etc. De notre côté, nous en doutons fort. Le problème est qu’actuellement, il y a beaucoup d’affirmations de toutes parts, mais on ne dispose d’aucune analyse indépendante. Nous réclamons donc une évaluation des conséquences de la loi et de l’ordonnance sur la prostitution par un organe indépendant. Qui sait, peut-être nous tromponsnous, nous aussi, sur certains points. L’entretien a été réalisé par Stéphane Praz. Swiss Aids News 1 | mars 2014 9 SOCIÉTÉ Les dessous du groupe à risque des travailleuses du sexe Si les diagnostics de VIH ont baissé au cours des dix dernières années au plan mondial, ils ont en revanche augmenté en Europe durant la même période. Parmi les personnes tou chées figurent, surtout en Europe orientale, les travailleuses du sexe. Une étude parue en 2013 examine les facteurs de risque pour ce groupe et révèle la nécessité d’agir au niveau de la prévention. Si le groupe le plus touché par le VIH en Europe occidentale est celui des HSH, autrement dit des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, son pendant en Europe orientale est celui des consommateurs de drogues. e En particulier, les cas de transmission du virus par voie hétérosexuelle n’ont cessé d’augmenter en Europe orientale au cours des cinq dernières années, quelque 60% d’entre eux concernant des femmes. r Prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe Une étude parue récemment t a examiné un important groupe à risque parmi les femmes en Europe, celui des travailleuses du sexe. Elle a révélé que la prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe orientale est nettement plus élevée que dans les autres régions d’Europe et qu’elle se situe à 1% ou moins en Europe occidentale. A l’échelle de l’ensemble de la région Europe, les chercheurs tablent sur une faible prévalence du VIH* chez les travailleuses du sexe qui ne s’injectent aucune drogue (< 1%). Certains pays comme le Portugal (14%), l’Italie (7%) et les Pays-Bas (3,8%) affichaient des taux de prévalence particulièrement élevés. Ils étaient inférieurs chez les travailleuses du sexe en Europe centrale, se situant entre 1% et 2%, certains pays comme la République tchèque (2%), la Pologne (1%) et la Roumanie (1%) se distinguant toutefois par un taux comparativement élevé. En Europe orientale par contre, la prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe est constamment et significativement plus élevée que dans les autres régions d’Europe. Ce sont ainsi la Lettonie (18%), l’Ukraine (13%), l’Estonie (8%) et la Fédération de Russie (8%) qui affichent les taux les plus élevés. Facteurs de risque du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe Consommation de drogues en hausse L’étude a mis en évidence que la consommation de drogues par injection est, au plan individuel, le principal facteur de risque d’infection à VIH chez les travailleuses du sexe. Chez ces dernières, on a constaté dans l’ensemble une Prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe *En épidémiologie, la prévalence ou fréquence d’une maladie indique combien de personnes d’un groupe déterminé (population) de taille définie souffrent d’une certaine maladie. En règle générale, la Roumanie 1% Pologne 1% République tchèque Pays-Bas Italie 2% 4% 7% Fédération de Russie 8% pulation ne peut qu’être estimée puisque le Estonie 8% dépistage de toute la population impliquer- Ukraine prévalence d’une maladie au sein d’une po- ait un investissement démesuré ou que tous les individus ne seraient pas accessibles. Comme l’incidence, la prévalence est donc une grandeur relative et approximative. 10 Swiss Aids News 1 | mars 2014 Portugal Lettonie 13% 14% 18% © 13Photo/Vera Hartmann prévalence moyenne de la consommation de drogues par injection située à 6,5% en Europe, les taux les plus élevés étant ceux du Portugal (55%), de la Lettonie (53%) et de la Croatie (36%). Globalement, l’Europe orientale et centrale affiche un plus grand pourcentage de travailleuses du sexe s’injectant des drogues que l’Europe occidentale. Rapports sexuels sans préservatif L’étude a révélé par ailleurs qu’en Europe occidentale, les travailleuses du sexe sont plus nombreuses à utiliser systématiquement le préservatif avec leurs clients (moins de 17% ont indiqué ne pas l’utiliser systématiquement) qu’en Europe orientale (jusqu’à 78% d’usage non systématique) et centrale (entre 5% et 38% d’usage non systématique). Pour l’ensemble des pays considérés, l’usage du préservatif était moins fréquent avec les partenaires non payants qu’avec les clients payants. Violence La violence à l’encontre des travailleuses du sexe est fréquente pour toute la région Europe. Plus d’un cinquième des travailleuses du sexe interrogées ont indiqué avoir été confrontées à la violence physique ou sexuelle au cours des douze derniers mois, ce taux étant estimé à 76% pour la Russie. u Il est admis que la violence augmente le risque de VIH puisqu’une prostituée intimidée ose moins insister pour le respect du sexe à moindre risque. Les travailleuses du sexe confrontées à la violence ont tendance à consommer plus souvent des drogues. Conclusions Les résultats de l’étude montrent que la prévention doit non seulement insister sur les risques liés à la consommation de drogues par injection, mais informer aussi des risques des rapports sexuels en soi. L’étude rappelle par ailleurs qu’il convient d’aborder la question du peu d’usage du préservatif et des contraceptifs, en particulier avec les partenaires non payants des travailleuses sexuelles. Enfin, il convient de briser les tabous concernant la violence sexuelle et physique. hw Notes e Jolley E, et al. HIV among people who infect drugs in Central and Eastern Europe and Central Asia: a systematic review with implications for policy. BMJ Open 2012;2:e001465. doi:10.1136/bmjopen-2012-00146 r Burchell, AN, et al. Characterization of an emerging heterosexual HIV epidemic in Russia. Sex Transm Dis 2008;35:807-13. A propos de la structure de l’étude Ce sont en tout 73 études, publiées depuis 2005 ou non publiées et portant sur la prévalence du VIH et des IST ainsi que les facteurs de risque chez les travailleuses du sexe, qui ont été examinées. Pour les objectifs de l’étude, les auteurs ont entendu par travailleuses du sexe les femmes qui, au moins une fois dans leur vie, ont eu des rapports sexuels en échange d’argent, de drogues ou d’autres biens. t Platt L, Jolley E, Rhodes T, et al. Factors mediating HIV risk among female sex workers in Europe: a systematic review and ecological analysis. BMJ Open 2013;3:e002836. doi:10.1136/bmjopen-2013-002836 u Smolskaya TT. et al. HIV Sentinel Surveillance in High-Risk Groups in Azerbaijan, Republic of Moldova and in the Russian Federation. World Health Organization 2004. Swiss Aids News 1 | mars 2014 11 SOCIÉTÉ Traitement antirétroviral: résultats de l’enquête de satisfaction Dans le numéro de septembre 2013 de Swiss Aids News, nous avons réalisé un sondage sur le traitement du VIH. Cette enquête non représentative a révélé que la plupart en sont très satisfaits. Il en ressort également que les séropositifs souhaitent prendre avec leur méde cin la décision relative au traitement et que les « anciens » sont plus réticents que la jeune génération face aux génériques. SAN a évalué en tout 87 questionnaires. La majorité des participants étaient des hommes qui se situaient dans la tranche d’âge des 40-49 ou 50-59 ans. L’enquête avait pour but de recueillir les expériences des personnes séropositives et de mieux cerner leurs besoins en ce qui concerne le traitement antirétroviral afin de contribuer à l’améliorer. Une majorité satisfaite du traitement De toutes les personnes interrogées, 93% se sont déclarées très satisfaites ou satisfaites de leur traitement. Concernant les effets secondaires, le résultat n’est pas aussi explicite: seules 77% des personnes se disent très satisfaites ou satisfaites. Les coûts viennent en tête des raisons invoquées pour changer de traitement: pour les personnes interrogées, l’existence d’un traitement comparable plus avantageux justifie apparemment le changement. La deuxième raison invoquée, à savoir moins d’effets secondaires, va de pair avec l’insatisfaction partielle exprimée ci-dessus. En troisième position, les personnes interrogées mentionnent l’envie de réduire le nombre de pilules à prendre chaque jour, ce qui est aujourd’hui possible pour certains traitements. 12 Swiss Aids News 1 | mars 2014 c onnaissances et à l’expérience du médecin et de ne pas être informée dans le détail. Simultanément, trois personnes sur quatre sont d’avis que le médecin doit accepter qu’un patient ne souhaite pas avoir d’informations sur le traitement. Le choix du traitement doit se faire ensemble La quasi-totalité des participants, soit 99%, s’accordent à dire qu’en présence de plusieurs options, le choix d’un traitement déterminé doit être fait par le médecin et le patient ensemble, et non par l’un ou l’autre séparément. A la question de savoir qui doit avoir le dernier mot s’il y a plusieurs options thérapeutiques, la réponse est en adéquation avec l’assurance dont font preuve les personnes interrogées: une nette majorité, à savoir 84%, est d’avis que c’est le patient qui doit avoir le dernier mot. «Pour les personnes interrogées, les coûts viennent en tête des raisons invoquées pour changer de traitement.» Les séropositifs engagent leur responsabilité et veulent être informés Des divergences concernant les génériques Les participants se décrivent comme des patients informés et sûrs d’eux. Ils souhaitent communiquer d’égal à égal avec le médecin. Ils sont d’avis que la responsabilité du traitement antirétroviral incombe non seulement au médecin, mais aussi clairement au patient. Avec un taux de 95%, presque toutes les personnes interrogées exigent d’être informées de tous les risques d’un traitement contre le VIH. Un même pourcentage refuse aussi par conséquent de se fier exclusivement aux Aucune majorité claire ne se dégage à la question de savoir si les séropositifs sont plutôt favorables ou non à un traitement à base de génériques. On trouve en effet 49% des réponses dans la catégorie «pas de réticence» face aux copies de médicaments. Parmi les 51% qui signalent des réticences, 25% sont sceptiques en ce qui concerne l’efficacité et 21% en ce qui concerne les effets secondaires. En revanche, l’apparence (2%) et l’horaire des prises (3%) ne sont guère sujets à réticence. Avez-vous des réticences envers les génériques? 25% efficacité 49% effets secondaires apparence horaire des prises 21% pas de réticence 3% 2% Les génériques mieux acceptés par les plus jeunes L’enquête révèle que les plus jeunes acceptent mieux les génériques. Dans la catégorie des 40-49 ans, 62% des réponses n’indiquent aucune réticence à l’égard des génériques. Dans cette catégorie, seuls 16% se disent sceptiques en ce qui concerne l’efficacité et un même pourcentage pour ce qui est des effets secondaires. Parmi les 50-59 ans, l’acceptation est moins bonne et n’atteint que 43% ; simultanément, les réticences à l’égard des effets secondaires (24%) et l’efficacité (29%) sont plus grandes. Evaluation des résultats Avec 87 personnes interrogées, cette enquête n’est pas représentative de l’ensemble des personnes séropositives. Les participants ne représentent qu’une toute petite partie de la population séropositive en Suisse. On n’a par exemple pas demandé la nationalité. On peut donc supposer que les résultats ne sont que peu révélateurs d’autres groupes de personnes séropositives, notamment celles qui proviennent de pays à forte prévalence. L’enquête permet toutefois de dégager certaines tendances. Ainsi, il ressort très clairement que la plupart des personnes sont satisfaites de leur traitement, ce qui est réjouissant. Malgré les nettes améliorations en termes d’effets secondaires, ce sujet semble toujours préoccuper les séropositifs et il convient de procéder à d’autres optimisations. En outre, il n’est pas rare que le traitement soit changé pour des raisons de coûts. Il serait intéressant de voir si les séropositifs sont particulièrement sensibles à la question des coûts ou si cette même sensibilité se retrouve chez des patients souffrant d’autres maladies chroniques. L’enquête ne laisse aucun doute non plus concernant la relation médecin-patient: les patients réclament le droit d’être associés à la décision concernant le choix du traitement. Il serait intéressant d’élargir l’enquête et de demander par exemple la nationalité. Au cas où certains groupes n’afficheraient pas la même satisfaction, il faudrait en trouver les raisons et mettre tout en œuvre pour atteindre cet objectif. Il faudrait par ailleurs créer pour tout le monde des conditions optimales afin que tous les séropositifs puissent s’impliquer dans leur traitement de manière aussi active et responsable que les personnes ayant participé à cette enquête. nm Le rapport détaillé (en allemand) peut être obtenu auprès de l’Aide Suisse contre le Sida, courriel: [email protected] Swiss Aids News 1 | mars 2014 13 DROIT Qui a droit à des prestations complémentaires? © kallejipp / photocase.com Si la rente d’invalidité cumulée à d’autres revenus éventuels (p. ex. emploi à temps partiel, rente de la caisse de pension) ne suffit pas à couvrir les besoins vitaux minimaux, la personne peut prétendre à des prestations complémentaires (PC). Celles-ci sont calculées individuelle ment et résultent du comparatif entre les dépenses et les revenus. Si les dépenses reconnues sont plus élevées que les revenus déterminants, le droit aux PC est établi. Service de consultation juridique Des prestations supplémentaires peuvent être demandées pour d’autres frais d’origine médicale (frais de maladie ou d’invalidité), dans la mesure où ces frais ne sont pas couverts par une assurance. En font notamment partie les frais pour soins dentaires, la quote-part et la franchise dans l’assurance de base (jusqu’à CHF 1000.–/an maximum) ou les surcoûts liés à un régime alimentaire d’importance vitale. Cela vaut aussi pour les personnes n’ayant pas droit aux prestations complémentaires annuelles mais dont les dépenses excèdent provisoirement les revenus en raison de surcoûts médicaux. Les maxima de loyer ont été modifiés pour la dernière fois en 2001. Depuis, l’indice des loyers a augmenté de plus de 18% en Suisse. Une proposition de modification du Conseil fédéral se trouve actuellement en consultation (jusqu’au 21 mai 2014) dans le but d’augmenter le loyer déterminant et de prendre en compte les différents marchés immobiliers (agglomération, ville, campagne). Les bénéficiaires de PC annuelles sont exonérés de la redevance radio et TV. Ils doivent présenter à l’organe d’encaissement Billag SA, Case postale, 1701 Fribourg, la confirmation écrite de la perception de prestations complémentaires ainsi qu’une demande d’exonération. Vous trouverez le formulaire correspondant sur www.billag.ch. cs de l’Aide Suisse contre le Sida Nous répondons à des questions juridiques en relation directe avec une infection à VIH dans les domaines suivants: Droit des assurances sociales Dépenses reconnues (art. 10 LPC) Revenus déterminants (art. 11 LPC) Besoins vitaux généraux: CHF 19 210.– pour les personnes seules, 28 815.– pour les couples mariés ou enregistrés, par an. Rentes et indemnités journalières: rentes de l’AI, de la caisse de pension, etc. ainsi qu’indemnités journalières de l’AI, de la caisse maladie etc., dans chaque cas à 100%. Loyer annuel et charges: CHF 13 200.– maximum pour les personnes seules, 15 000.– maximum pour les couples mariés ou enregistrés Revenu net de l’activité lucrative: à 70%. Un éventuel revenu hypothétique peut également être pris en compte à concurrence de la proportion pour laquelle la personne est encore apte au travail. Cotisations AVS, AI, APG Revenus de la fortune: p. ex. intérêts, dividendes, valeur locative du logement Montant forfaitaire pour l’assurance obligatoire des soins: en fonction de la région des primes, cf. www.priminfo.ch Immeubles occupés par les propriétaires: la valeur excédant CHF 112 500.– Droit de l’aide sociale Assurances privées Droit du travail Droit en matière de protection des données Droit des patients Droit sur l’entrée et le séjour des étrangers Notre équipe est à votre service: mardi et jeudi: de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h. Tél. 044 447 11 11, [email protected] 14 Swiss Aids News 1 | mars 2014 Frais d’entretien des bâtiments et intérêts hypothécaires: à concurrence du rendement brut de l’immeuble 1 15 ⁄ de la fortune nette: dans la mesure où elle dépasse CHF 37 500.– pour les personnes seules, CHF 60 000.– pour les couples mariés ou enregistrés. Contribution d’entretien versée en vertu du droit de la famille: p. ex. pensions alimentaires Allocations familiales et contribution d’entretien: p. ex. pensions alimentaires Frais professionnels: jusqu’à concurrence du revenu brut de l’activité lucrative Ressources et parts de fortune dont un ayantdroit s’est dessaisi: p. ex. succession répudiée, donations F O R U M D R O I T Demande de Madame S. W. Dois-je assumer moi-même les frais de traitement de mes joues creuses? Je suis sous traitement antirétroviral depuis la fin des années 1990. Au fil des années, mes joues se sont creusées en raison de la prise de ces médicaments. C’est la raison pour la quelle je n’aime plus voir du monde et évite autant que possible les sorties. Cela porte également atteinte à ma vie professionnelle. Mon médecin m’a conseillé, il y a quelque temps déjà, de procéder à des injections au niveau des zones touchées. Ma caisse mala die a toutefois refusé de prendre en charge les frais au motif que les traitements cosmé tiques ne sont pas couverts. Dois-je assumer les frais moi-même? Réponse de C. Suter, Dr en droit La lipodystrophie (redistribution du tissu adi peux) est un effet indésirable possible du traitement antirétroviral, notamment des traitements de première génération. De nos jours, elle est nettement moins fréquente. On distingue deux types de lipodystrophie: la lipo atrophie, caractérisée par des symptômes tels que la perte de tissu adipeux dans le visage, les bras et les jambes, et la lipohypertrophie, caractérisée par une accumulation de tissu adipeux dans le ventre, la poitrine et la nuque. De telles modifications corporelles sont souvent très invalidantes pour les personnes atteintes du VIH. Pour lutter contre la lipoatrophie, il existe des interventions médicales efficaces consistant à injecter un produit de remplissage dans les zones touchées. Certains agissent sur le long terme tandis que d’autres présentent une action limitée à quelques années. Par le passé, certaines caisses maladie ont pris en charge les injections et d’autres non, même lorsque le caractère pathologique des dégradations était clairement mis en évidence. En 2007, le Tribunal fédéral a décidé que les caisses maladie n’étaient pas tenues de prendre les injections de produits de remplissage en charge. Ainsi, ces dernières ont seulement pris les greffes de graisse autologue en charge, dans des cas isolés, mais plus les injections. Heureusement, depuis le 1er juillet 2013, la situation s’est à nouveau améliorée avec la modification de l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS). Depuis lors, l’assurance-maladie obligatoire de base prend en charge le traitement de la lipoatrophie faciale avec des produits de remplissage lorsqu’elle a une valeur de maladie e. L’obligation de prestation est limitée aux lipoatrophies faciales résultant d’un traitement médicamenteux ou liées à une affection. Les frais ne sont © Viola Heller Nous répondons à vos questions «L’obligation de prestation est limitée aux lipoatrophies faciales résultant d’un traitement médicamenteux ou liées à une affection.» cependant pris en charge par la caisse maladie que lorsque qu’une garantie de prise en charge des frais a été demandée au préalable et qu’elle a été expressément autorisée par le médecinconseil de la caisse maladie. Si vous avez déposé une demande de garantie de prise en charge des frais, votre caisse maladie ne peut, par conséquent, pas refuser d’emblée la prise en charge des frais liés à l’injection faciale. Elle doit, pour cela, avoir obligatoirement consulté le médecin-conseil au préalable. Sa décision est déterminante. Si cela a été fait et que la décision est tout de même négative, vous devriez exiger une décision formelle de la part de la caisse maladie. ll est ensuite possible de former opposition contre cette décision dans un délai de 30 jours. Le service de conseil juridique de l’Aide Suisse contre le Sida vous apportera volontiers son soutien dans cette démarche. Note e Selon le Tribunal fédéral, une altération esthétique a valeur de maladie si elle équivaut à une défiguration. Swiss Aids News 1 | mars 2014 15 ANNONCE sens & sensualité nouveauté concours ceylor EASY GLIDE – l’extra-lubrifié. Le premier préservatif avec 30 %* de gel lubrifiant en plus: plus lubrifié que les préservatifs traditionnels, il garantit des sensations encore plus intenses et naturelles. Gagne maintenant sur ceylor.ch un week-end romantique pour deux à l’hôtel Arena Lodge de Flims. Lamprecht SA, 8105 Regensdorf, Suisse *que les préservatifs ceylor standard 16 Swiss Aids News 1 | mars 2014