VIH et travail du sexe - Aids

Transcription

VIH et travail du sexe - Aids
MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT
Swiss Aids News
1 | MARS 2014
VIH et travail du sexe
ÉDITORIAL
IMPRESSUM
Edité par
Aide Suisse contre le Sida (ASS)
Office fédéral de la santé publique (OFSP)
Rédaction
Dr phil. Harry Witzthum (hw)
lic. phil. Stéphane Praz (sp)
Brigitta Javurek (bj), journaliste RP
Dr iur. LL. M. Caroline Suter (cs)
Nicole Maeder (nm)
FIZ, Centre zurichois d’assistance aux migrantes
et aux victimes de la traite des femmes
Version française
Line Rollier, Bussigny-près-Lausanne
Traductor, Bâle (droit)
Conception graphique et mise en pages
Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle
SAN no 1, mars 2014
Tirage: 5500, parution trimestrielle
© Aide Suisse contre le Sida, Zurich
Les SAN bénéficient du soutien
de l’Office fédéral de la santé publique
de Boehringer Ingelheim (Schweiz) SA
de Bristol-Myers Squibb SA
de Janssen-Cilag SA
Les partenaires industriels des Swiss Aids News
n’exercent aucune influence sur son contenu.
Pour vos communications
Rédaction Swiss Aids News
Aide Suisse contre le Sida
CP 1118, 8031 Zurich
Tél. 044 447 11 11
Fax 044 447 11 12
[email protected], www.aids.ch
MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT
Swiss Aids News
Chère lectrice,
Cher lecteur,
Cette nouvelle édition de Swiss Aids News est consacrée au travail du sexe, un sujet
aux multiples facettes qui soulève actuellement bien des débats. Nous avons choisi
d’en mettre en lumière les aspects économiques, sociaux et juridiques. Nous donnons
ainsi la parole à des professionnels de la politique, de l’administration et d’organisations qui prennent position sans détour.
Les conséquences des lois et ordonnances sur la prostitution édictées dans un
passé récent révèlent des contradictions. Les travailleuses du sexe sont-elles désormais mieux protégées et moins discriminées ou sont-elles exposées à davantage de
pression et de répression? Et qu’en est-il de leur santé? Le fait est que, compte tenu
de leur précarité économique, les travailleuses du sexe sont nombreuses à se laisser
entraîner dans des pratiques sexuelles non protégées dans la mesure où le client
paie plus pour ça. Pour l’Aide Suisse contre le Sida, il est clair que le travail du sexe
et les infections sexuellement transmissibles qui lui sont associées, dont le VIH, ne
peuvent être considérés isolément. La situation des travailleuses du sexe ne pourra
s’améliorer durablement que si elles peuvent exercer leur activité sans entraves ni
préjugés.
Nous vous présentons par ailleurs dans cette édition de Swiss Aids News les résultats
de l’enquête menée récemment auprès des lecteurs, intitulée: «Etes-vous satisfait de
votre traitement antirétroviral?». Enfin, nous faisons le tour des principales questions
juridiques en relation avec les prestations complémentaires.
Je vous souhaite la plus agréable des lectures.
Daniel Seiler
1 | M Ar S 2014
Sommaire
VIH et travail du sexe
Couverture
© KEYSTONE/ANDRAS D. HAJDU
2
Swiss Aids News 1 | mars 2014
Programme national VIH/IST
3 Sexe tarifé: les défis et les enjeux de demain
Société
4 Travail du sexe et VIH: de grosses différences d’une région
à l’autre
5 Travail du sexe dans la clandestinité
6 Sans filet et sans capote
8 Pour ou contre…
10 Les dessous du groupe à risque des travailleuses du sexe
12 Traitement antirétroviral: résultats de l’enquête
de satisfaction
Droit
14 Qui a droit à des prestations complémentaires?
16 Dois-je assumer moi-même les frais de traitement
de mes joues creuses?
P R O G R A M M E N AT I O N A L V I H / I S T P N V I
Sexe tarifé: les défis et les enjeux de demain
Depuis toujours le travail du sexe fait l’objet de débats poli­
tiques enflammés et passionnés. Du combat contre une morale
décadente à la lutte passée contre la syphilis jusqu’aux préoc­
cupations légitimes sur la traite humaine, les débats au sujet
du sexe tarifé reflètent les émois d’une société qui peine à
s’affirmer face à une activité que l’on veut pourtant profes­
sionnelle et libérale.
L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions
A l’instar de la Suède, la France a voté en décembre 2013 une loi
pénalisant les clients de professionnel-le-s du sexe. Aujourd’hui,
l’Allemagne étudie l’établissement d’une loi semblable sur son
territoire. Le Conseil fédéral a récemment mandaté, de son côté, un
groupe d’experts chargés d’évaluer la pertinence d’une loi similaire
en Suisse risquant de changer radicalement le cadre légal dans
lequel le sexe tarifé est ancré. Dans certains cantons, l’exercice
de cette profession se fonde sur une base légale qui oblige les
travailleurs et travailleuses du sexe à s’enregistrer auprès des autorités locales et à obtenir l’autorisation de pratiquer cette activité à
titre d’indépendant-e. Si l’exemple suédois a, semble-t-il, permis de
réduire la prostitution de rue de moitié ces dix dernières années,
elle encourage, en revanche, l’invisibilité et la clandestinité des
transactions sexuelles qui se déroulent dans des lieux souvent
fermés à la prévention VIH et IST.
«La prohibition du sexe tarifé ou de sa clientèle
ne permet pas de lutter efficacement contre la
traite humaine.»
Quels défis et enjeux pour la Suisse demain?
Face au durcissement des positions politiques fédérales et cantonales, et du cadre légal du travail du sexe, la Suisse manque
au niveau national d’une organisation faîtière forte capable de
défendre d’une voix les intérêts et les droits des travailleurs et
des travailleuses du sexe, ainsi que ceux des travailleuses du sexe
transgenres. Les organisations de prévention du VIH et des autres
IST ne suffissent pas à elles seules pour porter les nombreuses
revendications sociales, juridiques et sanitaires des professionnelles du sexe. La création d’une organisation faîtière permettrait une
meilleure répartition des rôles et des tâches entre les diverses
associations actives au sein de cette population. Elle offrirait aux
gouvernements fédéraux et cantonaux un interlocuteur capable de
veiller à ce que les droits des travailleurs et travailleuses du sexe
ne soient pas bafoués par l’application de nouvelles législations.
La prohibition du sexe tarifé ou de sa clientèle ne permet pas
de lutter efficacement contre la traite humaine. Elle ne fait, par
contre, que renforcer la vulnérabilité et la précarité des travailleurs
et des travailleuses du sexe, et rend leur accès aux soins et à la
prévention VIH/IST largement plus difficile. La Suisse a besoin
d’une voix unie et forte qui porte ce message. Et si une association
suisse du travail du sexe voyait le jour?
Steven Derendinger, MA
Chef de projets MSM/trans*/Sexwork/BerDa
Office fédéral de la santé publique
Bien que l’intention des lois cantonales en Suisse vise la sécurité
et l’autodétermination des professionnel-le-s du sexe, la prohibition
et les démarches administratives d’enregistrement à haut seuil
rendent cette population – souvent en situation de migration –
d’autant plus précaire. Face à la menace policière ou découragé-e-s
par les difficultés administratives, les professionnel-le-s du sexe
se résignent souvent à la clandestinité. Si malgré tout, ils/elles
parviennent à remplir les documents nécessaires, ils/elles entrent
dans l’illégalité en pratiquant leur activité durant le temps qui
sépare leur demande et l’obtention des autorisations. En somme,
l’exercice du sexe tarifé est légal en Suisse pour autant que l’on
puisse faire face aux barrières linguistiques, aux démarches administratives à haut seuil, et que l’on puisse oisivement vivre sur le
sol helvétique à titre de touriste le temps de recevoir son sésame.
Swiss Aids News 1 | mars 2014
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SOCIÉTÉ
Travail du sexe et VIH: de grosses
différences d’une région à l’autre
Les travailleuses du sexe sont exposées à un risque de VIH accru partout dans le monde
étant donné qu’elles ont, en règle générale, un plus grand nombre de partenaires sexuels
de même qu’un plus grand nombre de contacts sexuels simultanés.
Prévalence du VIH autour du globe
La Banque mondiale a réalisé en 2013 une estimation de la prévalence du VIH sur la base
de 102 études portant sur 50 pays, qui représentent en tout quelque 100 000 travailleuses
du sexe. e D’après ces études, la prévalence
moyenne du VIH parmi les travailleuses du
sexe à l’échelle mondiale s’élève à 11,8%, mais
elle varie beaucoup d’une région à l’autre.
Risque d’infection à VIH 13,5 fois
plus élevé pour les travailleuses du
sexe
Notes
e Kerrigan, D. et al. The Global HIV Epidemics among Sex Workers. International
Bank for Reconstruction and Development/
L’étude de la Banque mondiale a également
évalué le risque de VIH pour les travailleuses
du sexe par rapport à l’ensemble des femmes
en âge de procréer dans les pays à revenu
faible et moyen. Il apparaît que le risque de
contracter le VIH est 13,5 fois plus élevé pour
une travailleuse du sexe que pour une femme
qui n’exerce pas cette activité. Là aussi, les
différences sont grandes d’un pays à l’autre. Le
risque relatif le plus élevé a été mesuré pour la
région Asie (29,2), suivie de la région Afrique
subsaharienne (12,4) et Amérique latine/Caraïbes (12,0). L’étude relève que, même dans
les pays dotés de programmes de prévention
progressistes comme la Thaïlande et l’Inde, les
travailleuses du sexe sont plus touchées par
le VIH que les femmes n’exerçant pas cette
activité et qu’il faut encore par conséquent
améliorer l’accès aux programmes de prévention dans ces régions en forçant la suppression
des barrières.
Des données quasi inexistantes
pour la Suisse
Les experts estiment à 20 000 le nombre de
femmes sur le marché du sexe en Suisse. Le
pourcentage de femmes d’origine migrante
peut atteindre 80%, un tiers d’entre elles provenant de la région Europe orientale et pays
baltes et un autre tiers d’Afrique subsaharienne. S’agissant de la prévalence du VIH, on
suppose qu’il y a d’énormes différences entre
les travailleuses du sexe d’origine migrante ou
non et entre celles qui consomment ou non des
drogues. r On
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ne dispose, hélas, d’aucune estimation de la prévalence du VIH parmi les travailleuses du sexe en Suisse. t De telles études
seraient souhaitables car les programmes de
prévention pourraient être mieux adaptés aux
besoins des travailleuses du sexe si l’on disposait de données relatives aux facteurs de
risque. hw
The World Bank. 2013. www.worldbank.org/
content/dam/Worldbank/document/GlobalHIVEpidemicsAmongSexWorkers.pdf
r Prüss-Ustün, A. et al. HIV due to female
sex work: regional and global estimates.
PLOS ONE May 23, 2013, DOI: 10.1371/
Prévalence du VIH parmi les travailleuses du sexe à l’échelle mondiale
Europe occidentale et centrale
1,6%
Moyen-Orient /Afrique du Nord
1,7%
journal.pone.0063476; www.plosone.org/
article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.
Asie
5,2%
Amérique latine / Caraïbes
t Bugnon, G. et al. Marché du sexe en
­Suisse. Etat des connaissances, best practices
et recommandations. Genève: Université de
Genève, 2007–2008. www.sexwork.ch/files/
MarchSexeCH_Rap1_Littrature_FR.pdf
4
Swiss Aids News 1 | mars 2014
Europe orientale
Afrique subsaharienne
6,1%
10,9%
37%
Source: Banque mondiale 2013
pone.0063476
SOCIÉTÉ
Travail du sexe dans la clandestinité
Le commerce du sexe fait l’objet d’une nouvelle réglementation dans de nombreux cantons et
communes dont certains ont déjà adopté des lois et ordonnances sur la prostitution. Résultat:
la situation des travailleuses du sexe s’est précarisée. Au lieu de la protection promise, les
lois apportent aux travailleuses du sexe pression et répression.
Exemple zurichois
Quatre permanences zurichoises e ont présenté en décembre 2013 un état des lieux fondé sur
leur expérience de centres de conseil pour les
travailleuses du sexe en ville de Zurich. Elles
parviennent à la conclusion que l’ordonnance
sur la prostitution, en vigueur depuis le 1er janvier 2013, a refoulé le commerce du sexe visible
et met en danger les personnes qui exercent
cette activité. A Zurich, la majorité d’entre elles
sont des femmes et des migrantes. Le travail
du sexe est souvent la seule option qu’elles ont
pour gagner de l’argent en Suisse.
Prostitution de rue …
La prostitution de rue n’est plus autorisée qu’en
trois endroits à Zurich. Les travailleuses du
sexe croisées ailleurs risquent d’être amendées
ou interdites de périmètre, même si elles ne
font que passer. C’est le cas notamment à la
Langstrasse, où la prostitution de rue était
certes déjà interdite avant l’entrée en vigueur
de l’ordonnance, mais tolérée. Les hommes aussi sont susceptibles d’être amendés en dehors
des zones autorisées si la police suspecte que
ce sont des clients parce qu’ils sont vus en
compagnie de travailleuses du sexe.
Sur la nouvelle place dédiée à la prostitution, la protection des travailleuses du sexe est
bel et bien garantie, mais les boxes ne sont pas
du goût de tout le monde. Beaucoup de femmes
préfèrent travailler dans leur chambre plutôt
que dans une voiture. Comme le racolage dans
la rue n’est plus permis, les contacts ont lieu
par internet ou par téléphone, et il est dès lors
plus difficile de savoir à qui on a affaire. La
pression oblige les travailleuses du sexe à se
décider rapidement, sans pouvoir négocier les
pratiques et les prix, ce qui n’est pas vraiment
synonyme de bonnes conditions pour la sécurité ou la prévention du VIH.
… et salons de massage
Même les petits salons de massage doivent
avoir une autorisation et remplir certaines
conditions depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il faut un plan d’affaires et une structure hiérarchique (une cheffe). Ces procédés ne
conviennent pas si l’on veut diminuer l’exploitation des travailleuses du sexe et la violence
à leur égard. Car si les salons de massage ne
remplissent pas les conditions, les femmes sont
repoussées dans l’illégalité.
Criminaliser les clients?
En Suède, l’achat de services sexuels est interdit depuis 1999. r Certains politiques, hommes
et femmes, ont des visées similaires pour la
Suisse. t Cette démarche dissimule le vœu
d’une société sans travail du sexe, celui-ci étant
interprété comme une expression de l’inégalité entre les sexes. Toutefois, des études u
montrent que le commerce du sexe n’a pas
disparu en Suède, contrairement aux succès
annoncés par l’Etat, et qu’il est simplement devenu invisible – avec des conséquences négatives pour les femmes et les hommes impliqués.
Quoi que l’on pense de leur activité, une chose
est sûre: réclamer l’interdiction du travail du
sexe est une façon de régler le problème du
dénigrement des femmes sur le dos des plus
faibles.
© 13Photo/Vera Hartmann
Le travail du sexe est une activité légale en
Suisse. Toutefois, plusieurs cantons ont édicté
récemment des lois spéciales sur la prostitution. Leur objectif est de protéger la population
de ses effets connexes négatifs et d’améliorer
les conditions générales dans lesquelles les
travailleuses du sexe exercent leur activité.
Ce que l’on constate concrètement, et qui est le
but non avoué, c’est un endiguement du travail
du sexe qui est rejeté dans la clandestinité.
Comme dans les pays où l’achat de services
sexuels est interdit.
Notes
e FIZ Centre d’assistance aux migrantes
et aux victimes de la traite des femmes, ZSM
Zürcher Stadtmission, zah Zürcher Aids-Hilfe
et Rahab-Arbeit der Heilsarmee, cf.
http://fiz-info.ch.
r En France, l’Assemblée nationale a adopté
en décembre 2013 un texte de loi prévoyant
une amende pour tout client de prostituées;
le Sénat doit encore se prononcer.
t Cf. postulat de Marianne Streiff-Feller au
titre trompeur: «Mettre un terme à la traite
d’êtres humains à des fins d’exploitation
sexuelle».
u Par ex. Ann Jordan: The Swedish Law to
Criminalize Clients: A Failed Experiment
FIZ, Centre d’assistance aux migrantes et aux
victimes de la traite des femmes à Zurich.
in Social Engineering, Issue Paper 4, April
2012, American University Washington,
College of Law, Center for Human Rights and
Humanitarian Law.
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SOCIÉTÉ
Sans filet et sans capote
Les règles du sexe à moindre risque ne sont pas compliquées. Mais ce qui l’est pour les tra­
vailleuses du sexe, c’est de s’y tenir. Et cela concerne aussi bien l’utilisation du préservatif
que la consultation en cas de suspicion d’infection.
Partout des affiches stop sida. Bienvenue à
l’inauguration de la nouvelle zone de prostitution zurichoise. Mais est-il vraiment nécessaire
de rappeler aux travailleuses du sexe l’utilité
du préservatif? «Non, répond Sandra, on est des
pros.» La Colombienne travaille en différents
endroits de Suisse. Elle ajoute: «Mais ce qu’il
faut, c’est informer les clients!» Bien plus de la
moitié réclament des rapports «sans capote»,
et la tendance augmente avec l’âge du client.
Sandra est inflexible, mais d’autres le sont
moins. En effet, les travailleuses du sexe ne
sont de loin pas toutes aussi bien informées
que l’on pourrait espérer. «On est surpris du
peu de connaissances de certaines femmes»,
déclare Ulrike Wuschek, médecin-chef de la
consultation gynécologique ambulatoire de la
Kanonengasse, qui soigne de nombreuses travailleuses du sexe à Zurich. C’est lié au niveau
d’éducation, mais souvent aussi au contexte
culturel. Toutefois, Ulrike Wuschek reconnaît
comme Sandra qu’un autre élément pèse très
lourd dans la balance lorsqu’il s’agit d’accepter
ou non de renoncer au préservatif: les clients
payent bien plus pour des rapports «sans». Or,
les travailleuses du sexe sont nombreuses à se
trouver dans une situation financière précaire.
Illégalité et discrimination
Les conditions économiques, sociales et juri­di­
ques jouent un rôle déterminant, qu’il s’agisse
de rapports protégés ou d’accès aux soins médicaux. Or, ce dernier est la condition sine qua
non de la troisième règle du sexe à moindre
risque: «Consulter un médecin en cas de démangeaisons, brûlures ou écoulement.» En effet, certaines infections peuvent se transmettre
même en utilisant systématiquement des préservatifs. «Pourtant, beaucoup de travailleuses
du sexe ne consultent que très tard en cas de
problème», déclare Regula Rother, à la tête de
la Zürcher Stadtmission qui exploite la consultation Isla Victoria destinée aux travailleuses
du sexe. La raison? Un grand nombre n’ont pas
d’assurance-maladie, ou elles se trouvent illégalement en Suisse ou elles ont tout ­simplement
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Swiss Aids News 1 | mars 2014
peur d’être discriminées à cause de leur métier.
Cette déclaration est confirmée par une étude
du marché du sexe en Suisse parue en 2008.
Pour les professionnels, il est clair que l’on ne
peut pas considérer le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles isolément.
On ne peut vraiment venir en aide à ces femmes
que si l’on peut améliorer globalement leur
situation.
Aide directe aux migrantes
Bien sûr, les conditions de vie concrètes varient
d’une travailleuse du sexe à l’autre et si l’accès
aux soins n’est pas difficile pour toutes, il l’est
pour un très grand nombre dont la plupart sont
des migrantes séjournant en Suisse pour des
durées variables. Une bonne partie de leurs
problèmes sont liés davantage à leur situation
de migrantes qu’à leur métier. Lorsqu’elle rend
visite aux femmes dans leur milieu, Grazia Aurora, responsable médico-sociale d’Isla Victoria, leur apporte par conséquent non seulement
des préservatifs et une aide médicale concrète,
mais elle leur explique aussi le système de santé
suisse. «Parfois, certains détails sont cruciaux,
dit-elle, par exemple le fait qu’on peut obtenir
chez nous la pilule d’urgence en pharmacie,
sans ordonnance. Dans certains pays, il faut
un avis médical, dans d’autres, on ne l’obtient
pas du tout.» Et l’information qui est souvent
la principale: en Suisse, même les personnes
sans autorisation de séjour peuvent conclure
une assurance-maladie. C’est une chose qu’il
faut savoir.
Contraception et désir d’enfant
Mais pour beaucoup de travailleuses du sexe, le
coût des soins médicaux reste élevé même avec
une assurance-maladie, qu’il s’agisse de maladies
courantes, du dépistage d’éventuelles infections
sexuellement transmissibles ou de contrôles préventifs. «J’y réfléchis à dix fois avant d’aller chez
le médecin, déclare Sandra. Avec la franchise et
la quote-part, cela fait vite cher.» Il n’y a pas que
le prix qui la retient: la façon dont on la traite
en tant que travailleuse du sexe étrangère la
© KEYSTONE/Elisabeth Real
dissuade tout autant. Et elle n’est pas la seule:
l’étude du marché du sexe en Suisse ainsi que
plusieurs études menées à l’échelle européenne
révèlent que les travailleuses du sexe sont nombreuses à ne pas avoir vraiment confiance dans
les médecins et les hôpitaux. Et de leur côté, bon
nombre de médecins ne sont pas à l’aise avec
cette thématique.
A la recherche d’offres à bas seuil
Il faut par conséquent des services qui y
soient sensibilisés, comme la consultation
ambulatoire à Zurich. «Les femmes viennent
nous voir parce que notre institution a su instaurer un climat de confiance au fil des ans,
déclare Wuschek. Les travailleuses du sexe
qui sont dans le métier depuis longtemps
envoient les nouvelles ici. Compte tenu de la
mobilité accrue, c’est absolument essentiel.»
Quelque 90% des femmes qui viennent à la
consultation ambulatoire sont des migrantes,
provenant actuellement de plus de soixante
pays et actives dans tous les domaines du sexe
tarifé. Elles consultent pour toutes sortes de
troubles, et il n’est pas rare que ce soit lié à des
infections sexuellement transmissibles. Et elles
viennent parce que les obstacles sont réduits:
les coûts sont modérés, il n’est pas nécessaire
de s’annoncer et les patientes peuvent garder
l’anonymat si elles le souhaitent. De plus,
les travailleuses du sexe n’aborderaient pas
certaines questions avec d’autres médecins.
«De nombreuses femmes évoquent un désir
­ ’enfant avec leur partenaire tout en gardant la
d
meilleure contraception possible dans le cadre
de leur activité», explique Wuschek. Souvent,
l’aspect médical est étroitement lié au social,
ce qui requiert des compétences particulières
de la part du personnel et une bonne interconnexion avec le domaine du social.
Des objectifs proches et lointains
«Contrairement à Zurich,
de nombreux cantons et
communes ne mettent aucun
financement à disposition
pour des structures favorisant
la santé des travailleuses du
sexe.»
Les consultations ambulatoires du genre de
celle de la Kanonengasse sont rares. Wuschek
le déclare sans détour: «De manière générale, la
situation des travailleuses du sexe en Suisse est
très mauvaise en termes de soins médicaux».
Cela n’est pas étonnant, car contrairement à
Zurich, de nombreux cantons et communes ne
mettent aucun financement à disposition pour
des structures favorisant la santé des travailleuses du sexe. Wuschek y voit là par conséquent un devoir de la Confédération: «L’Office
fédéral de la santé publique devrait s’investir
davantage et soutenir la mise sur pied, en différents endroits de Suisse, de services spéciaux
destinés aux travailleuses du sexe.» On pourrait aussi envisager des solutions d’accès plus
aisé à l’assurance-maladie. Regula Rother de
la Zürcher Stadtmission pense par exemple
à une assurance collective: «Je crois que les
caisses-maladie n’y seraient pas opposées, car
au bout du compte, la plupart des travailleuses
du sexe sont en bonne santé et auront quitté le
pays depuis longtemps lorsqu’elles seront plus
âgées.»
sp
Swiss Aids News 1 | mars 2014
7
SOCIÉTÉ
«Pour la réglementation du travail du sexe»
Pour
© Adrian Moser
Alexander Ott, à la tête du service
de la population, des migrations et
de la police des étrangers de la ville
de Berne, a contribué pour une large
part à la mise sur pied de la loi et de
l’ordonnance sur la prostitution dans
le canton de Berne.
Les réglementations concernant le
travail du sexe mises en place depuis
quelques années par de nombreux
cantons et communes sont contestées.
Même les conséquences pour la pré­
vention et les offres de soins soulèvent
la controverse. Les opposants à ces
réglementations parlent de répression
accrue, ce qui non seulement aurait
des effets négatifs sur la santé de nom­
breuses femmes, mais rendrait aussi
l’accès à ces dernières plus difficile.
C’est tout le contraire, répondent leurs
partisans: le commerce du sexe gagne
en transparence, ce qui ne peut être
que bénéfique pour les travailleuses
du sexe, y compris en termes de santé.
Se référant aux expériences réalisées
suite à l’introduction, en avril de l’année
passée, de la loi et de l’ordonnance sur
la prostitution dans le canton de Berne,
deux représentants de ces points de vue
divergents donnent leurs arguments
à Swiss Aids News.
Monsieur Ott, des organisations
spécialisées constatent que la loi et
l’ordonnance bernoises sur la prostitu­
tion poussent davantage de femmes
à travailler au noir, les rendant plus
difficilement accessibles aux services
de prévention et de soins.
A. Ott: C’est une chose que ni la police
cantonale ni nous-mêmes ne pouvons
confirmer. Mais si ces organisations
rencontrent de telles femmes, il serait bon
qu’elles nous les annoncent. Cela nous
permet de clarifier la situation concernant
l’entrée et le séjour et de mieux les protéger des dangers qu’impliquent le travail
au noir et l’irrégularité dans ce métier.
Bon nombre de ces femmes n’ont ni
autorisation de séjour ni autorisation
de travail et doivent avoir peur d’être
expulsées.
A. Ott: Ce n’est plus comme ça depuis
longtemps. Dans le cas des personnes en
provenance de l’UE/AELE, les situations
sont clairement établies. En outre, ces
personnes entrent en Suisse dans le cadre
de l’accord sur la libre circulation. Elles
peuvent s’y référer si elles remplissent
les conditions pour exercer une activité
lucrative.
Mais face au durcissement des condi­
tions d’autorisation, on ne trouve guère
de droits destinés à protéger la santé
des travailleuses du sexe. Celle-ci ne
joue-t-elle qu’un rôle secondaire?
8
Swiss Aids News 1 | mars 2014
A. Ott: Au contraire, c’est pour nous aussi
un élément central. L’entretien personnel
très critiqué en rapport avec le plan
d’affaires se révèle en réalité très utile. Il
permet d’aborder des questions de santé,
notamment d’assurance-maladie. Et nous
distribuons tout un matériel d’information. Nous faisons d’ailleurs une constatation intéressante: depuis que nous
menons ces entretiens, de nombreuses
travailleuses du sexe contactent régulièrement nos collaboratrices pour des questions dans toutes sortes de circonstances.
La confiance dans les autorités est là.
La loi et l’ordonnance sur la prostitu­
tion tendent donc à promouvoir les
services de prévention et de soins?
A. Ott: Oui. Essentiellement parce que
nous avons une vision bien meilleure de
la situation des travailleuses du sexe.
Nous pouvons dès lors garantir que les
conditions de travail sont conformes aux
exigences légales, par exemple en ce qui
concerne l’hygiène. Cette transparence
favorise également des aspects préventifs
et sanitaires.
Comment vous expliquez-vous les cri­
tiques des organisations spécialisées ?
S’agit-il d’un gros malentendu?
A. Ott: On polémique à tort autour du
plan d’affaires et de l’entretien personnel.
Nous sommes d’avis qu’une collaboration
plus concrète serait souhaitable. Les ONG
spécialisées sont les bons interlocuteurs
«Contre le durcissement des conditions»
Contre
pour les questions de conseil. Il est clair
aussi que nous n’avons pas tout résolu
avec la loi existante. Les conséquences de
la nouvelle norme doivent être évaluées
avec précision et, le cas échéant, il s’agira
d’apporter des corrections. De manière
générale, la situation juridique des
travailleuses et travailleurs du sexe n’est
pas encore satisfaisante. Nous luttons en
faveur de la légalisation du contrat de
fourniture de prestations d’ordre sexuel.
Le canton de Berne a soumis à cet effet
une initiative à l’Assemblée fédérale, qui
est toujours pendante.
Madame Suter, la loi et l’ordonnance
bernoises sur la prostitution règlent
des questions en rapport avec le
droit du travail. D’après vous, en quoi
mettent-elles en péril la prévention
et les offres de soins en faveur des
travailleuses du sexe?
J. Suter: Il n’est guère question de droits
dans ces règlements. Ils sont plutôt synonymes de durcissement de la procédure
d’autorisation pour les établissements
et les travailleuses indépendantes. Pour
les petites entreprises de deux ou trois
femmes, les obstacles administratifs et
les coûts qu’ils engendrent sont énormes.
Par conséquent, soit les femmes sont
poussées vers des établissements plus
grands avec de nouveaux rapports de
dépendance, soit elles disparaissent dans
la clandestinité et offrent leurs services
au noir. Dans ce cas, elles s’exposent de
© Adrian Moser
Jacqueline Suter critique la loi et
l’ordonnance sur la prostitution du
canton de Berne. Elle est conseillère
à la permanence Xenia à Berne,
spécialisée dans le conseil relatif au
travail du sexe.
manière générale à davantage de stress,
de peur et de risques. Et elles sont plus
difficilement accessibles pour les services
de prévention et de soins.
De leur côté, les autorités ne constatent
aucune progression du travail au noir.
J. Suter: Cela ne m’étonne pas, les
femmes concernées évitent bien évidemment tout contact avec les autorités.
Lorsqu’elles s’annoncent, les travail­
leuses du sexe en provenance de l’UE
doivent se rendre en personne à la
police des étrangers pour un entretien.
N’est-ce pas là une bonne occasion de
recevoir plus d’informations sur notre
système de santé?
J. Suter: Certainement, elles y reçoivent
des brochures et du matériel divers.
Mais il s’agit avant tout de l’autorisation
de travail. Un véritable entretien sur des
aspects liés à la santé personnelle me
paraît irréaliste dans un tel contexte.
S’il doit être question de sans-papiers,
de grossesses non désirées, de pratiques
sexuelles et de leurs risques, la police
des étrangers n’est pas la bonne interlocutrice.
A cette occasion, les travailleuses
du sexe doivent aussi donner des
renseignements sur leur assurancemaladie. N’en résulte-t-il pas que les
travailleuses sont plus nombreuses à
en avoir une?
J. Suter: La question laisse entendre
que les travailleuses du sexe n’auraient
pas un réel intérêt pour une assurancemaladie. Or, c’est tout le contraire
puisque leur corps représente leur
capital. Il s’agit donc bel et bien d’un
sujet important dont il faut parler. Mais
pourquoi les travailleuses du sexe
devraient-elles l’aborder avec la police
des étrangers? Ce n’est le cas pour aucun
autre métier. Il devrait y avoir d’autres
services compétents pour ces questions.
Est-ce à dire que les réglementations
impliquent un partage du travail qui
n’est pas adéquat?
J. Suter: C’est cela. En ce moment, il y
a une grande concentration auprès de
la police des étrangers. Qui affirme que,
compte tenu des nouvelles réglementations, elle peut aussi s’occuper des questions de santé, d’assurances, etc. De notre
côté, nous en doutons fort. Le problème
est qu’actuellement, il y a beaucoup
d’affirmations de toutes parts, mais on ne
dispose d’aucune analyse indépendante.
Nous réclamons donc une évaluation des
conséquences de la loi et de l’ordonnance
sur la prostitution par un organe indépendant. Qui sait, peut-être nous tromponsnous, nous aussi, sur certains points.
L’entretien a été réalisé par Stéphane Praz.
Swiss Aids News 1 | mars 2014
9
SOCIÉTÉ
Les dessous du groupe à risque
des travailleuses du sexe
Si les diagnostics de VIH ont baissé au cours des dix dernières années au plan mondial, ils
ont en revanche augmenté en Europe durant la même période. Parmi les personnes tou­
chées figurent, surtout en Europe orientale, les travailleuses du sexe. Une étude parue en
2013 examine les facteurs de risque pour ce groupe et révèle la nécessité d’agir au niveau
de la prévention.
Si le groupe le plus touché par le VIH en Europe
occidentale est celui des HSH, autrement dit
des hommes ayant des rapports sexuels avec
des hommes, son pendant en Europe orientale
est celui des consommateurs de drogues. e En
particulier, les cas de transmission du virus par
voie hétérosexuelle n’ont cessé d’augmenter en
Europe orientale au cours des cinq dernières
années, quelque 60% d’entre eux concernant
des femmes. r
Prévalence du VIH chez les
travailleuses du sexe en Europe
Une étude parue récemment t a examiné un
important groupe à risque parmi les femmes
en Europe, celui des travailleuses du sexe. Elle
a révélé que la prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe orientale est nettement plus élevée que dans les autres régions
d’Europe et qu’elle se situe à 1% ou moins en
Europe occidentale. A l’échelle de l’ensemble de
la région Europe, les chercheurs tablent sur une
faible prévalence du VIH* chez les travailleuses
du sexe qui ne s’injectent aucune drogue (< 1%).
Certains pays comme le Portugal (14%), l’Italie (7%) et les Pays-Bas (3,8%) affichaient des
taux de prévalence particulièrement élevés. Ils
étaient inférieurs chez les travailleuses du sexe
en Europe centrale, se situant entre 1% et 2%,
certains pays comme la République tchèque
(2%), la Pologne (1%) et la Roumanie (1%) se
distinguant toutefois par un taux comparativement élevé. En Europe orientale par contre,
la prévalence du VIH chez les travailleuses du
sexe est constamment et significativement plus
élevée que dans les autres régions d’Europe.
Ce sont ainsi la Lettonie (18%), l’Ukraine (13%),
l’Estonie (8%) et la Fédération de Russie (8%) qui
affichent les taux les plus élevés.
Facteurs de risque du VIH chez
les travailleuses du sexe en Europe
Consommation de drogues en hausse
L’étude a mis en évidence que la consommation
de drogues par injection est, au plan individuel, le principal facteur de risque d’infection
à VIH chez les travailleuses du sexe. Chez ces
dernières, on a constaté dans l’ensemble une
Prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe en Europe
*En épidémiologie, la prévalence ou
fréquence d’une maladie indique combien
de personnes d’un groupe déterminé
(popula­tion) de taille définie souffrent d’une
certaine maladie. En règle générale, la
Roumanie
1%
Pologne
1%
République tchèque
Pays-Bas
Italie
2%
4%
7%
Fédération de Russie
8%
pulation ne peut qu’être estimée puisque le
Estonie
8%
dépistage de toute la population impliquer-
Ukraine
prévalence d’une maladie au sein d’une po-
ait un investissement démesuré ou que tous
les individus ne seraient pas accessibles.
Comme l’incidence, la prévalence est donc
une grandeur relative et approximative.
10
Swiss Aids News 1 | mars 2014
Portugal
Lettonie
13%
14%
18%
© 13Photo/Vera Hartmann
prévalence moyenne de la consommation de
drogues par injection située à 6,5% en Europe,
les taux les plus élevés étant ceux du Portugal
(55%), de la Lettonie (53%) et de la ­Croatie (36%).
Globalement, l’Europe orientale et ­centrale
affiche un plus grand pourcentage de travailleuses du sexe s’injectant des drogues que
l’Europe occidentale.
Rapports sexuels sans préservatif
L’étude a révélé par ailleurs qu’en Europe occidentale, les travailleuses du sexe sont plus
nombreuses à utiliser systématiquement le
préservatif avec leurs clients (moins de 17%
ont indiqué ne pas l’utiliser systématiquement)
qu’en Europe orientale (jusqu’à 78% d’usage
non systématique) et centrale (entre 5% et 38%
d’usage non systématique). Pour l’ensemble
des pays considérés, l’usage du préservatif
était moins fréquent avec les partenaires non
payants qu’avec les clients payants.
Violence
La violence à l’encontre des travailleuses du
sexe est fréquente pour toute la région Europe.
Plus d’un cinquième des travailleuses du sexe
interrogées ont indiqué avoir été confrontées à
la violence physique ou sexuelle au cours des
douze derniers mois, ce taux étant estimé à 76%
pour la Russie. u Il est admis que la violence
augmente le risque de VIH puisqu’une prostituée intimidée ose moins insister pour le respect du sexe à moindre risque. Les travailleuses
du sexe confrontées à la violence ont tendance
à consommer plus souvent des drogues.
Conclusions
Les résultats de l’étude montrent que la prévention doit non seulement insister sur les
risques liés à la consommation de drogues par
injection, mais informer aussi des risques des
rapports sexuels en soi. L’étude rappelle par
ailleurs qu’il convient d’aborder la question du
peu d’usage du préservatif et des contraceptifs,
en particulier avec les partenaires non payants
des travailleuses sexuelles. Enfin, il convient
de briser les tabous concernant la violence
sexuelle et physique. hw
Notes
e Jolley E, et al. HIV among people who infect drugs in Central and Eastern Europe and
Central Asia: a systematic review with implications for policy. BMJ Open 2012;2:e001465.
doi:10.1136/bmjopen-2012-00146
r Burchell, AN, et al. Characterization of
an emerging heterosexual HIV epidemic in
Russia. Sex Transm Dis 2008;35:807-13.
A propos de la structure de l’étude
Ce sont en tout 73 études, publiées depuis 2005
ou non publiées et portant sur la prévalence
du VIH et des IST ainsi que les facteurs de
risque chez les travailleuses du sexe, qui ont
été examinées. Pour les objectifs de l’étude, les
auteurs ont entendu par travailleuses du sexe
les femmes qui, au moins une fois dans leur
vie, ont eu des rapports sexuels en échange
d’argent, de drogues ou d’autres biens.
t Platt L, Jolley E, Rhodes T, et al. Factors
mediating HIV risk among female sex workers in Europe: a systematic review and ecological analysis. BMJ Open 2013;3:e002836.
doi:10.1136/bmjopen-2013-002836
u Smolskaya TT. et al. HIV Sentinel Surveillance in High-Risk Groups in Azerbaijan,
Republic of Moldova and in the Russian
Federation. World Health Organization 2004.
Swiss Aids News 1 | mars 2014
11
SOCIÉTÉ
Traitement antirétroviral: résultats de
l’enquête de satisfaction
Dans le numéro de septembre 2013 de Swiss Aids News, nous avons réalisé un sondage sur
le traitement du VIH. Cette enquête non représentative a révélé que la plupart en sont très
satisfaits. Il en ressort également que les séropositifs souhaitent prendre avec leur méde­
cin la décision relative au traitement et que les « anciens » sont plus réticents que la jeune
génération face aux génériques.
SAN a évalué en tout 87 questionnaires. La majorité des participants étaient des hommes qui
se situaient dans la tranche d’âge des 40-49 ou
50-59 ans. L’enquête avait pour but de recueillir
les expériences des personnes séropositives
et de mieux cerner leurs besoins en ce qui
concerne le traitement antirétroviral afin de
contribuer à l’améliorer.
Une majorité satisfaite du
traitement
De toutes les personnes interrogées, 93% se sont
déclarées très satisfaites ou satisfaites de leur
traitement. Concernant les effets secondaires,
le résultat n’est pas aussi explicite: seules 77%
des personnes se disent très satisfaites ou satisfaites. Les coûts viennent en tête des raisons
invoquées pour changer de traitement: pour
les personnes interrogées, l’existence d’un traitement comparable plus avantageux justifie
apparemment le changement. La deuxième
raison invoquée, à savoir moins d’effets secondaires, va de pair avec l’insatisfaction partielle
exprimée ci-dessus. En troisième position, les
personnes interrogées mentionnent l’envie de
réduire le nombre de pilules à prendre chaque
jour, ce qui est aujourd’hui possible pour certains traitements.
12
Swiss Aids News 1 | mars 2014
c­ onnaissances et à l’expérience du médecin et
de ne pas être informée dans le détail. Simultanément, trois personnes sur quatre sont d’avis
que le médecin doit accepter qu’un patient ne
souhaite pas avoir d’informations sur le traitement.
Le choix du traitement doit
se faire ensemble
La quasi-totalité des participants, soit 99%,
s’accordent à dire qu’en présence de plusieurs
options, le choix d’un traitement déterminé doit
être fait par le médecin et le patient ensemble,
et non par l’un ou l’autre séparément. A la question de savoir qui doit avoir le dernier mot s’il y
a plusieurs options thérapeutiques, la réponse
est en adéquation avec l’assurance dont font
preuve les personnes interrogées: une nette
majorité, à savoir 84%, est d’avis que c’est le
patient qui doit avoir le dernier mot.
«Pour les personnes interrogées,
les coûts viennent en tête des
raisons invoquées pour changer
de traitement.»
Les séropositifs engagent leur responsabilité et veulent être informés
Des divergences concernant
les génériques
Les participants se décrivent comme des patients informés et sûrs d’eux. Ils souhaitent
communiquer d’égal à égal avec le médecin.
Ils sont d’avis que la responsabilité du traitement antirétroviral incombe non seulement
au médecin, mais aussi clairement au patient.
Avec un taux de 95%, presque toutes les
personnes interrogées exigent d’être informées
de tous les risques d’un traitement contre le
VIH. Un même pourcentage refuse aussi par
conséquent de se fier exclusivement aux
Aucune majorité claire ne se dégage à la question de savoir si les séropositifs sont plutôt favorables ou non à un traitement à base de génériques. On trouve en effet 49% des réponses
dans la catégorie «pas de réticence» face aux
copies de médicaments. Parmi les 51% qui
signalent des réticences, 25% sont sceptiques
en ce qui concerne l’efficacité et 21% en ce qui
concerne les effets secondaires. En revanche,
l’apparence (2%) et l’horaire des prises (3%) ne
sont guère sujets à réticence.
Avez-vous des réticences envers les génériques?
25%
efficacité
49%
effets secondaires
apparence
horaire des prises
21%
pas de réticence
3% 2%
Les génériques mieux acceptés
par les plus jeunes
L’enquête révèle que les plus jeunes acceptent
mieux les génériques. Dans la catégorie des
­40-49 ans, 62% des réponses n’indiquent aucune réticence à l’égard des génériques. Dans
cette catégorie, seuls 16% se disent sceptiques
en ce qui concerne l’efficacité et un même pourcentage pour ce qui est des effets secondaires.
Parmi les 50-59 ans, l’acceptation est moins
bonne et n’atteint que 43% ; simultanément, les
réticences à l’égard des effets secondaires (24%)
et l’efficacité (29%) sont plus grandes.
Evaluation des résultats
Avec 87 personnes interrogées, cette enquête
n’est pas représentative de l’ensemble des
personnes séropositives. Les participants ne
représentent qu’une toute petite partie de la
population séropositive en Suisse. On n’a par
exemple pas demandé la nationalité. On peut
donc supposer que les résultats ne sont que peu
révélateurs d’autres groupes de personnes séropositives, notamment celles qui proviennent
de pays à forte prévalence.
L’enquête permet toutefois de dégager certaines tendances. Ainsi, il ressort très clairement que la plupart des personnes sont satisfaites de leur traitement, ce qui est réjouissant.
Malgré les nettes améliorations en termes
d’effets secondaires, ce sujet semble toujours
préoccuper les séropositifs et il convient de
procéder à d’autres optimisations. En outre, il
n’est pas rare que le traitement soit changé
pour des raisons de coûts. Il serait intéressant
de voir si les séropositifs sont particulièrement
sensibles à la question des coûts ou si cette
même sensibilité se retrouve chez des patients
souffrant d’autres maladies chroniques.
L’enquête ne laisse aucun doute non plus
concernant la relation médecin-patient: les
patients réclament le droit d’être associés à
la décision concernant le choix du traitement.
Il serait intéressant d’élargir l’enquête et de
demander par exemple la nationalité. Au cas
où certains groupes n’afficheraient pas la
même satisfaction, il faudrait en trouver les
raisons et mettre tout en œuvre pour atteindre
cet objectif. Il faudrait par ailleurs créer pour
tout le monde des conditions optimales afin
que tous les séropositifs puissent s’impliquer
dans leur traitement de manière aussi active et
responsable que les personnes ayant participé
à cette enquête. nm
Le rapport détaillé (en allemand) peut être
obtenu auprès de l’Aide Suisse contre le Sida,
courriel: [email protected]
Swiss Aids News 1 | mars 2014
13
DROIT
Qui a droit à des prestations
complémentaires?
© kallejipp / photocase.com
Si la rente d’invalidité cumulée à d’autres revenus éventuels (p. ex. emploi à temps partiel,
rente de la caisse de pension) ne suffit pas à couvrir les besoins vitaux minimaux, la personne
peut prétendre à des prestations complémentaires (PC). Celles-ci sont calculées individuelle­
ment et résultent du comparatif entre les dépenses et les revenus. Si les dépenses reconnues
sont plus élevées que les revenus déterminants, le droit aux PC est établi.
Service de consultation juridique
Des prestations supplémentaires peuvent être
demandées pour d’autres frais d’origine médicale (frais de maladie ou d’invalidité), dans la
mesure où ces frais ne sont pas couverts par
une assurance. En font notamment partie les
frais pour soins dentaires, la quote-part et la
franchise dans l’assurance de base (jusqu’à
CHF 1000.–/an maximum) ou les surcoûts liés
à un régime alimentaire d’importance vitale.
Cela vaut aussi pour les personnes n’ayant
pas droit aux prestations complémentaires
annuelles mais dont les dépenses excèdent
provisoirement les revenus en raison de surcoûts médicaux.
Les maxima de loyer ont été modifiés pour
la dernière fois en 2001. Depuis, l’indice des
loyers a augmenté de plus de 18% en Suisse.
Une proposition de modification du Conseil
fédéral se trouve actuellement en consultation
(jusqu’au 21 mai 2014) dans le but d’augmenter
le loyer déterminant et de prendre en compte
les différents marchés immobiliers (agglomération, ville, campagne).
Les bénéficiaires de PC annuelles sont exonérés de la redevance radio et TV. Ils doivent
présenter à l’organe d’encaissement Billag SA,
Case postale, 1701 Fribourg, la confirmation
écrite de la perception de prestations complémentaires ainsi qu’une demande d’exonération. Vous trouverez le formulaire correspondant sur www.billag.ch.
cs
de l’Aide Suisse contre le Sida
Nous répondons à des questions juridiques
en relation directe avec une infection à VIH
dans les domaines suivants:
Droit des assurances sociales
Dépenses reconnues (art. 10 LPC)
Revenus déterminants (art. 11 LPC)
Besoins vitaux généraux:
CHF 19 210.– pour les personnes seules, 28 815.–
pour les couples mariés ou enregistrés, par an.
Rentes et indemnités journalières: rentes de l’AI,
de la caisse de pension, etc. ainsi qu’indemnités
journalières de l’AI, de la caisse maladie etc., dans
chaque cas à 100%.
Loyer annuel et charges:
CHF 13 200.– maximum pour les personnes seules,
15 000.– maximum pour les couples mariés ou enregistrés
Revenu net de l’activité lucrative: à 70%. Un éventuel revenu hypothétique peut également être pris en
compte à concurrence de la proportion pour laquelle
la personne est encore apte au travail.
Cotisations AVS, AI, APG
Revenus de la fortune: p. ex. intérêts, dividendes,
valeur locative du logement
Montant forfaitaire pour l’assurance obligatoire
des soins: en fonction de la région des primes,
cf. www.priminfo.ch
Immeubles occupés par les propriétaires:
la valeur excédant CHF 112 500.–
Droit de l’aide sociale
Assurances privées
Droit du travail
Droit en matière de protection
des données
Droit des patients
Droit sur l’entrée et le séjour
des étrangers
Notre équipe est à votre service:
mardi et jeudi: de 9 h à 12 h et
de 14 h à 16 h.
Tél. 044 447 11 11, [email protected]
14
Swiss Aids News 1 | mars 2014
Frais d’entretien des bâtiments et intérêts
hypothécaires: à concurrence du rendement brut
de l’immeuble
1 15
⁄ de la fortune nette: dans la mesure où elle
dépasse CHF 37 500.– pour les personnes seules,
CHF 60 000.– pour les couples mariés ou enregistrés.
Contribution d’entretien versée en vertu du droit
de la famille: p. ex. pensions alimentaires
Allocations familiales et contribution d’entretien:
p. ex. pensions alimentaires
Frais professionnels:
jusqu’à concurrence du revenu brut de l’activité
lucrative
Ressources et parts de fortune dont un ayantdroit s’est dessaisi: p. ex. succession répudiée,
donations
F O R U M D R O I T Demande de Madame S. W.
Dois-je assumer moi-même les frais de
traitement de mes joues creuses?
Je suis sous traitement antirétroviral depuis
la fin des années 1990. Au fil des années, mes
joues se sont creusées en raison de la prise
de ces médicaments. C’est la raison pour la­
quelle je n’aime plus voir du monde et évite
autant que possible les sorties. Cela porte
également atteinte à ma vie professionnelle.
Mon médecin m’a conseillé, il y a quelque
temps déjà, de procéder à des injections au
niveau des zones touchées. Ma caisse mala­
die a toutefois refusé de prendre en charge
les frais au motif que les traitements cosmé­
tiques ne sont pas couverts. Dois-je assumer
les frais moi-même?
Réponse de C. Suter, Dr en droit
La lipodystrophie (redistribution du tissu adi­
peux) est un effet indésirable possible du
traitement antirétroviral, notamment des
traitements de première génération. De nos
jours, elle est nettement moins fréquente. On
distingue deux types de lipodystrophie: la lipo­
atrophie, caractérisée par des symptômes tels
que la perte de tissu adipeux dans le visage,
les bras et les jambes, et la lipohypertrophie,
caractérisée par une accumulation de tissu adipeux dans le ventre, la poitrine et la nuque. De
telles modifications corporelles sont souvent
très invalidantes pour les personnes atteintes
du VIH.
Pour lutter contre la lipoatrophie, il existe
des interventions médicales efficaces consistant à injecter un produit de remplissage dans
les zones touchées. Certains agissent sur le
long terme tandis que d’autres présentent une
action limitée à quelques années.
Par le passé, certaines caisses maladie ont
pris en charge les injections et d’autres non,
même lorsque le caractère pathologique des
dégradations était clairement mis en évidence.
En 2007, le Tribunal fédéral a décidé que les
caisses maladie n’étaient pas tenues de prendre
les injections de produits de remplissage en
charge. Ainsi, ces dernières ont seulement pris
les greffes de graisse autologue en charge, dans
des cas isolés, mais plus les injections.
Heureusement, depuis le 1er juillet 2013,
la situation s’est à nouveau améliorée avec la
modification de l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS). Depuis
lors, l’assurance-maladie obligatoire de base
prend en charge le traitement de la lipoatrophie
faciale avec des produits de remplissage lors­qu’elle a une valeur de maladie e. L’obligation
de prestation est limitée aux lipoatrophies
faciales résultant d’un traitement médicamenteux ou liées à une affection. Les frais ne sont
© Viola Heller
Nous répondons à vos questions
«L’obligation de prestation est limitée
aux lipoatrophies faciales résultant
d’un traitement médicamenteux ou
liées à une affection.»
cependant pris en charge par la caisse maladie
que lorsque qu’une garantie de prise en charge
des frais a été demandée au préalable et qu’elle
a été expressément autorisée par le médecinconseil de la caisse maladie.
Si vous avez déposé une demande de garantie de prise en charge des frais, votre caisse
maladie ne peut, par conséquent, pas refuser
d’emblée la prise en charge des frais liés à
l’injection faciale. Elle doit, pour cela, avoir
obligatoirement consulté le médecin-conseil
au préalable. Sa décision est déterminante. Si
cela a été fait et que la décision est tout de
même négative, vous devriez exiger une décision formelle de la part de la caisse maladie. ll
est ensuite possible de former opposition contre
cette décision dans un délai de 30 jours. Le
service de conseil juridique de l’Aide Suisse
contre le Sida vous apportera volontiers son
soutien dans cette démarche.
Note
e Selon le Tribunal fédéral, une altération
esthétique a valeur de maladie si elle équivaut à une défiguration.
Swiss Aids News 1 | mars 2014
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plus lubrifié que les préservatifs traditionnels, il garantit des
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16
Swiss Aids News 1 | mars 2014