Layout 3 - Edgard Hamon
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Layout 3 - Edgard Hamon
Les nouveaux accessoires Les nouveaux accessoires L’Atelier Edgard Hamon perpétue l’«article de Paris» Le parurier est l’un des derniers à maîtriser la tradition. l’atelier edgard hamon. L’entreprise est l’une des dernières à Paris à maîtriser toutes les étapes de la production de bijoux fantaisie ou de ceintures pour les grandes maison de mode parisiennes. Frank Barylko / Journal du Textile masculin. Des pièces qui voient également leurs références se multiplier. Les meilleures ventes masculines sont fabriquées jusqu’à 2.000 exemplaires. «Ça a pris depuis deux ans environ. Je suis persuadée que nous allons assister à un beau développement à l’avenir. Pour l’homme, nous réalisons aussi bien des colliers et des bracelets que des pièces plus classiques comme des épingles de cravate, des boutons de manchettes ou des ceintures.» Ce grand atelier de 850 m2 se divise en deux niveaux principaux, entre le rez-dechaussée et le niveau –1. Nous n’avons pas eu accès au niveau –2 pour cause de confidentialité. Des séries de chaînes traitées dans différents métaux sont suspendues le long d’un mur, par dizaines, par centaines. Les nuances sont quasi infinies entre les argentées, les dorées et les noires, plus ou moins étincelantes, plus ou moins sombres ou pâles. Les strass offrent également des variantes sans fin. Durant notre visite, de drôles d’insectes, de véritables petites sculptures attirant le regard, étaient en train de prendre la forme de bijoux. L’Atelier fournit une assistance technique aux marques, mais les artisans de la maison, des femmes en majorité, donnent aussi leur avis. Souvent, même, puisque les collections se construisent en symbiose avec les stylistes de la marque cliente et les artisans de l’Atelier. Les échanges sont en- un sens aigu du service. Pour éviter les indiscrétions ou la copie, Edgard Hamon place les accessoires destinés à ses clients dans des boîtes scellées. Frank Barylko / Journal du Textile C ’EST la caverne d’Ali Baba. Niché au cœur de la capitale, l’Atelier Edgard Hamon est le dernier parurier de Paris à maîtriser tous les matériaux nécessaires à la réalisation de bijoux fantaisie ou de ceintures. Ce lieu très pro- Une histoire quasi séculaire au service du made in Paris L ’ATELIER EDGARD HAMON a vu le jour en 1919. Edgard Hamon s’était spécialisé dans la fabrication de boutons de bottines et de guêtres. Il concevait également les brides popularisées par Mistinguett. Dans les années 50 et 60, l’Atelier étend ses activités aux boutons pour vêtements à destination des maisons de Couture, s’y ajoutent progressivement les boucles de ceinture, puis les ceintures elles-mêmes. En 1968, Edgard Hamon devient une filiale du confectionneur Mendès. Celui-ci est ensuite cédé à Léon Cligman et Yves Saint Laurent. Yves Saint Laurent passe entre les mains de Gucci en 1999. Jean Bergeron, ancien président du Comité Colbert et à l’origine de l’association Grands Ateliers de France, rachète Edgard Hamon au groupe Gucci en 2000. L’année dernière, Edgard Hamon a créé sa marque d’accessoires à la demande, baptisée A l’Atelier. Disponible sur son site de vente en ligne, l’offre se compose de sacs, de petite maroquinerie, de bijoux et de ceintures. Des accessoires «made in France», conçus au cœur de la capitale, personnalisables. Les clients, des particuliers, peuvent choisir la matière, la couleur, les détails. C.D. ● 48 Journal du Textile N°2078 / 22 mars 2011 tégé – pour des raisons de confidentialité – voit son accès filtré près de trois mois avant les défilés de créateurs. La presse ne peut plus y accéder, ni même toute personne extérieure à l’atelier et aux marques, à la fois clientes et partenaires. Toujours pour des raisons de confidentialité, l’Atelier n’a pas le droit de communiquer les noms de ses clients actuels. La direction peut néanmoins citer les noms de marques ayant commandé lors des saisons précédentes des collections ou quelques pièces. Cette liste parle d’elle-même : Lanvin, Dior, Chanel, Balenciaga, Yves Saint Laurent, Jean-Paul Gaultier, Mugler, Christian Lacroix, Givenchy, Louis Vuitton, Balenciaga, Kenzo ou Chloé, pour ne citer qu’elles. Pour chaque famille de produits, un responsable chapeaute le service des collections, fort de trois assistantes, tandis qu’un responsable de production est installé depuis peu dans des bureaux adjacents, car le lieu était devenu trop petit. Ces équipes travaillent en étroite collaboration avec le styliste de la maison commanditaire. Certains d’entre eux, à l’instar d’un styliste responsable des bijoux fantaisie dans une grande maison parisienne, disposent de leur espace dédié (protégé des regards) pour se plonger dans la création de ses lignes. Retour en grâce «Le bijou fantaisie connaît un développement exceptionnel depuis quelques saisons. Ce succès est porté par des griffes innovantes, créatives. Alber Elbaz a beaucoup fait pour la relance de ce type de bijoux. Les pièces à base de ruban, par exemple, sont parties de chez Lanvin. Les modèles qui se vendent le mieux sont fabriqués jusqu’à 10.000 exemplaires par saison. La ceinture bijou a également profité de ce succès», explique Carole Lamotte, directrice générale de l’Atelier Edgard Hamon depuis 1999. Carole Lamotte a été charnières. Les opérations manuelles sont nombreuses : fixation de la charnière, points, vernissage, teinture. A quelques mètres de là, dans l’un des ateliers, deux hommes mettent en pratique leur savoirfaire. Ici, on réalise des maquettes en métal, de la découpe, des moules, avant d’envoyer les pièces à la dorure. Attablés ou penchés derrière les rouages de leurs machines, les artisans soudent, polissent. La fonte est soudée, sertie. Les strass sont collés un par un à la main. «Ce que vous voyez n’est qu’une partie du bijou ! Après, on emboîte, on visse…» Il y a quelques années encore, avant de sous-traiter cette étape (les contraintes de sécurité ayant été durcies), l’Atelier disposait d’une fonderie. Edgard Hamon livre les produits finis et empaquetés dans des boîtes au nom des griffes. «Nous sommes situés à proximité de nos clients. Notre situation en plein centre de Paris est l’un de nos points forts en plus des savoir-faire». Le niveau –1 révèle d’autres secrets. C’est là que les stylistes prennent leurs quartiers pour préparer les collections. C’est là aussi que se trouve le show-room de l’Atelier. Une partie des archives y est exposée. Cet espace retrace des décennies de mode. On y croise l’ombre de figures mythiques telles qu’Yves Saint-Laurent et Coco Chanel pour les plus «anciennes» ou Thierry Mugler et Claude Montana pour les plus récentes. réalisation d’un bijou fantaisie. Depuis quelques saisons, le bijou fantaisie, et notamment l’«article de Paris», connaît un développement très soutenu. Frank Barylko / Journal du Textile opération sur une boucle de ceinture. La ceinture, spécialement celle destinée à la haute couture, est restée l’une des grandes spécialités de l’Atelier Edgard Hamon. Frank Barylko / Journal du Textile auparavant pendant vingt ans directrice de Cassegrain, graveur et papetier de luxe à Paris. Cette dirigeante dynamique, «portée» par ses projets, est à l’origine de la production de bijoux de fantaisie au sein de l’Atelier. «A mon arrivée, nous faisions des boucles de ceinture. Il me paraissait naturel d’aller vers le bijou ! Depuis, nous nous sommes beaucoup développés…» Aujourd’hui, le bijou s’accorde aussi au couragés. Chacun, en règle générale, peut donner son avis sur tel ou tel projet, et, comme dans tous les secteurs, il arrive que des idées soient irréalisables. Là, les responsables de production et les responsables de collection peuvent être amenés à dire «non», mais en général, tous s’échinent à trouver des solutions. Installées face à des établis, des femmes sont concentrées sur la réalisation des Puzzle esthétique Les anecdotes ne manquent pas, de même que les explications, sur certaines pièces ayant demandé des heures de travail. Ainsi, tel collier ne contient pas moins de 2.200 strass (tous collés à la main). Tel autre, en fonte émaillée, recèle des pierres dans la chaîne, un casse-tête à mettre en forme. Telle broche marie une résine aux faux airs de vitrail et de la fonte, en une sorte de «puzzle esthétique». «Nous utilisons toutes les matières possibles et imaginables pour toutes ces familles d’accessoires. Nous sommes les seuls à disposer de ces connaissances, de cette maîtrise des matières, quand d’autres se sont spécialisés sur une matière ou plusieurs, mais jamais dans une gamme aussi large que la nôtre.» Carole Lamotte et son équipe disposent également d’une excellente connaissance du marché. Ils savent ce qui se vend bien et ce qui reste dans les rayons, derrière les vitrines, au fil de la saison. Non loin de l’escalier, un mur de chaînes plus large qu’au rez-de-chaussée, avec des lianes de métal qui pendent par centaines, compose un immense tableau abstrait et iridescent. Les stylistes peuvent piocher dedans, mais d’autres références peuvent être commandées à la demande. Entre le show-room et le stock, le contrôle qualité et la mise en boîte sont l’objet de toutes les attentions, au même titre que les phases de production. Chaque pièce contrôlée est marquée avant d’être soigneusement emballée. Si un défaut apparaît, elle remonte à l’atelier. Ensuite, on arrive au stock. Ici, accessoires, matières, et fournitures attendent patiemment leur tour, le jour où ils seront exposés à la lumière. Ce trésor dévoile partiellement ses richesses. La liste ressemble à un inventaire à la Prévert. Deux armoires de strass côtoient des sacs de perles, des mousquetons, des fils, des rubans, du gros grain et bien d’autres choses déclinées dans toutes les couleurs à travers d’innombrables nuances. Depuis cinq ans, un atelier de montage en Serbie a été installé par l’Atelier pari- sien. Géré en direct, il a été mis en place par une employée parisienne d’origine serbe. Cet atelier délocalisé permet de mieux traiter les gros volumes, donc de mieux répondre à la demande et d’offrir des prix plus serrés. L’Atelier y emploie 35 personnes. Vingt-cinq personnes s’affairent avec passion sur les deux niveaux de l’atelier. Il y a quinze ans, elles n’étaient un travail a la main. L’Atelier Edgard Hamon privilégie les opérations manuelles pour la réalisation de ses accessoires, car aucune machine ne peut réellement remplacer le savoir-faire ni le coup d’œil d’un artisan expérimenté. Frank Barylko / Journal du Textile plus que quinze. Les effectifs passent à une trentaine de personnes durant les collections. Les emplois indirects impliquent de 80 à 100 personnes, réparties entre le montage, la dorure, la fonderie, les soudeurs et d’autres étapes de production. «Il est important pour nous de montrer le savoir-faire dont nous disposons encore en France. Nous pouvons réussir aussi ! Ici, nous formons les gens, même si nous avons parfois du mal à trouver du personnel qualifié. Nous produisons des ceintures pour la haute couture, pour les smokings. Or il reste peu de personnes à savoir encore le faire. C’est cela que nous voulons défendre : l’artisanat avec un grand “A”, tous ces savoir-faire, ce devoir d’excellence qui est reconnu par nos pairs ainsi que par nos clients.» CHRISTEL DIVERT ● N°2078 / 22 mars 2011 Journal du Textile 49