Poésies CM2 A - Lycée Français du Caire

Transcription

Poésies CM2 A - Lycée Français du Caire
Poésies CM2 A
CONVERSATION
(sur le pas de la porte avec bonhomie)
Comment ça va sur la terre ?
Ça va ça va ça bien.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
Mon Dieu oui merci bien.
Et les nuages ?
Ça flotte.
Et les volcans ?
Ça mijote.
Et les fleuves ?
Ça s’écoule.
Et le temps ?
Ça se déroule.
Et votre âme ?
Elle est malade.
le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade.
JEAN TARDIEU
« Monsieur Monsieur », Le Fleuve caché
Ed. Gallimard.
Les hiboux
Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d’or valent les bijoux
Leur bec est dur comme cailloux
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
À Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c’était chez les fous.
Robert Desnos, Chantefables et Chantefleurs
Le rond et l'étoile
Pour faire une étoile à cinq branches
Ou à six ou même davantage
Il faut d'abord faire un rond
Pour faire une étoile à cinq branches...
Un rond!
On n'a pas pris tant de précaution
Pour faire un arbre à beaucoup de branches
Arbres qui cachez les étoiles!
Arbres!
Vous êtes pleins de nids et d'oiseaux chanteurs
Couverts de branches et de feuilles
Et vous montez jusqu'aux étoiles!Robert Desnos (La
géométrie de Daniel- 1939))
Le trou noir
- Il était une fois…
Le conteur s’interrompit.
Il répéta :
- Il était une fois ?
C’était le trou,
Le trou noir,
L’abominable trou de mémoire.
Tout à coup, il y eut un bruit.
Et du trou, un lion surgit, une bête énorme
au moins aussi en colère
que le lion de la Goldwyn Mayer.
Le conteur reprit :
- Il était une fois un lion énorme…
Il s’interrompit de nouveau.
C’était le trou,
le trou noir,
l’abominable trou de mémoire.
Alors, le lion prit peur
et, d’un coup, croqua le conteur.
Pierre Coran, Loup y es-tu
lundi Rue Christine
Cher monsieur
Vous êtes un mec à la mie de pain
Cette dame à le nez comme un ver solitaire
Louise a oublié sa fourrure
Moi je n’ai pas de fourrure et je n’ai pas froid
Le Danois fume sa cigarette en consultant l’horaire
Le chat noir traverse la brasserie
Ces crêpes étaient exquises
La fontaine coule
Robe noire comme ses ongles
C’est complètement impossible
Voici monsieur
La bague en malachite
Le sol est semé de sciure
Alors c’est vrai
La serveuse rousse a été enlevée par un libraire
Guillaume
Gastéropodes en lutte
Dans le jardin public ce matin,
Une manifestation d’escargots…
Ils réclament le droit de limacer
Dans toutes les allées.
Et le jardinier, de longue date syndiqué,
A beau leur répéter :
"Escargots go home
Escargots go home",
Ils ne veulent rient entendre.
Ils ne bougent pas,
Ils sont là chez eux.
Cerné de toutes parts
Par les escargots furibards,
Finalement le jardinier
Rentre dans sa coquille.
de Joël Sadeler
Passage de l'arbre
Un arbre passe, un homme le regarde
Et s'aperçoit que ses cheveux sont verts
Il bouge un bras tout bruissant de feuillages
Une main douce à cueillir les hivers
Lentement glisse à travers la muraille
Et forme un fruit pour caresser la mer.
Quand l'enfant vient, c'est la forêt qui parle
Il ne sait pas qu'un arbre peut parler
Il croit entendre un souvenir de sable
La vielle écorce aussi le reconnaît
Mais elle a peur de ce visage pâle.
Chacun s'éloigne ----- il vole quelques feuilles
Tout l'arbre bouge et jette son adieu
Pour une veine il pleure sept étoiles
Pour une étoile il a donné ses yeux
Il a jeté ses racines aux fleuves.
Remontoir
Le couvreur
Remonte le toit
L’horloger
Remonte la pendule
L’entraîneur
Remonte le moral
Le magicien
Remonte le temps
Quand au poète lui…
Il essaie de remonter les cœurs
Pour un petit tour de bonheur
Claude Haller, Jouer avec les poètes
Les derniers cris déserteront les gorges
Quand les oiseaux ne s'y poseront plus
Quelqu'un déchire un à un les automnes
Le fils de l'arbre écarte ses bras nus
Et dit des mots pour que le vent les morde.
Robert Sabatier
LE RAT DE RABBAT
Lorsque le gros rat de Rabat
Au beau milieu de la casbah
Apparaît avec son cabas,
Tout le monde en reste baba.
LE JAGUAR DU GUARD
Un jaguar perdu dans le Gard
Aurait voulu prendre le car
Qui venait de Madagascar,
Et l’attendait, d’un air hagard
L’ORANG-OUTANG DE BARBOTAN
L’orang-outang de Barbotan
Ne fut jamais qu’un charlatan :
Il faisait toujours l’important
Et se prenait pour un sultan.
LE RENARD DE GRAND SAINT-BERNARD
Le renard du Grand Saint-Bernard
Est tombé dans un traquenard
Il comptait croquer un canard
Et n’aura qu’un plat d’épinard
LA JUMENT DE MONT-DE-MARSAN
La jument de Mont-de-Marsan
Allongeait le pas en marchant
Et pensait très naïvement
Gagner une course à Longchamp
L’OISEAU BLEU DE BARBEZIEUX
Quand l’oiseau bleu de Barbezieux
Chante son chant mélodieux,
Nous restons tous silencieux
Et de nos soucis oublieux
Brigitte Level
L’horloge
L’horloge de chêne tricote
avec ses aiguilles de fer
un invisible pull-over
et le temps lui sert de pelote.
Maille à l’endroit, maille à l’envers,
le temps lui file entre les doigts,
fil de neige pour les jours froids
et fil d’herbe pour les jours verts.
Une heure noire, une heure blanche,
crochetées et croisées sans trêve,
l’écheveau des nuits et des rêves
se dévide au bout de ses branches.
Qui portera ce vêtement
qu’elle tisse avec tant d’adresse
sa laine douce est la caresse
de quel hiver, de quel printemps ?
Elle tisse car le temps presse,
maille blanche sur maille noire,
en ignorant que la mémoire
défera les fils qu’elle tresse.
Elle a beau nouer et lier
le fil qui se perd et se casse,
nul n’a pu s’habiller
de la laine du temps qui passe.
De Charles DOBZYNSKI
Poésies CM2 B
Un petit mendiant…
LE PETIT OPTIMISTE
Dès le matin j’ai regardé
Jacques PRÉVERT
Recueil : "Grand bal du printemps"
J’ai regardé par la fenêtre :
Un petit mendiant
demande la charité aux oiseaux
J’ai vu passé des enfants.
Oh
ne me laissez pas la main pleine
je resterai là jusqu’à la nuit s’il le faut
Une heure après, c’étaient des gens.
Et il y a dans son regard une lueur de détresse
Une heure après, des vieillards
tremblants.
Comme ils vieillissent vite, pensai-je !
cette lueur
un oiseau la surprend
Et moi qui rajeunis à chaque instant !
Tout à l’heure
par pure délicatesse et sans avoir grand faim il s’en
ira à petits pas prudents manger dans la main
de l’enfant le pain offert si simplement
Jean TARDIEU
Et la joie allumera tous ses feux dans les yeux du
petit mendiant.
Les pommes de la Lune
Entre Mars et Jupiter
Flottait une banderole
Messieurs Mesdames
Faites des affaires
Grande vente réclame
De pommes de terre
Un cosmonaute qui passait par là
Fut tellement surpris qu'il s'arrêta
Et voulut mettre pied à terre
Mais pas de terre en ce coin-là
Et de pommes de terre
Pas l'ombre d'une
C'est une blague sans doute
Dit-il en reprenant sa route
Et à midi il se fit
Un plat de pommes de lune.
Jean ROUSSELOT
Le monstre
C’est un très vieux robot
fait de pièces et de morceaux :
Il a un corps de pompe, des jambes de
force,
des bras de levier, des mains de ressort,
la tête d’un train, des oreilles d’ancre,
la bouche d’un canon, une gorge de
poulie
et un nez de gouttière…
Certains ne pourraient pas
supporter sa vue et le chasseraient !
Mais moi je ne le quitte plus : Je sais
Qu’il sera l’artisan de ma fortune.
J’ai deviné cela le jour
où sur son front j’ai vu briller
son unique œil cathodique.
Depuis ce jour j’attends
le moment voulu pour le neutraliser
et le démonter pièce à pièce.
Alors, entre ses poumons d’acier
je pourrai enfin m’emparer
de son cœur d’or…
Pierre Ferran, L’almanach de la poésie
La souris et le chat luthier
Le Maki Mococo
Le Maki Mococo
Son kimono a mis
Pour un goûter d’amis :
Macaque et Okapi
L’Macaque vient d’Macao
L’Okapi de Bamako
Le Maki Mococo
Fais goûter ses amis
Pas de macaronis
Mais d’un cake aux kiwis
D’esquimaux au moka
Et kakis en bocaux
Quart de lait de coco
Cacao ou coca
Dans les bols en mica.
Sur le pont d'un chalutier,
Un chat chic jouait du luth.
Il avait mis des souliers,
Une cravate de jute.
Pendant que le chat luthier
Amusait les marins soûls,
Les souris du chalutier
Rongeaient le chalut à trous.
« Qui joue au mikado ? »
dit l’Maki Mococo
Le Macaque dit oui
L’Okapi ne dit mot.
Le Macaque est un coquin
L’acolyte Okapi
Est du même acabit.
Le macaque qui a le coup
Pour gruger les gogos
Rafle tous les kopecks
Du Maki Mococo.
D’après J. Roubaud
Les Animaux de personne.
Personne ne devina
Que les souris et le chat
S'étaient mis de connivence
Pour que les poissons distraits,
Désormais, nagent en paix
Dans leur monde de silence.
Pierre Coran
La fourmi
Petite comptine
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi parlant français
Parlant latin et javanais
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?
Robert Desnos, Chantefables et Chantefleurs
A lire d’un seul souffle à la vitesse de la
patte d’un chien quand il se gratte
derrière l’oreille.
Si tu as des tas,
des tas de poux
si tu as, toutou ;
des tas de puces,
j’ai une astuce :
dans un cactus,
pique tes puces
et dans un houx
pique tes poux.
Carl Norac, Jouer avec les poètes.
Idéal Maîtresse
Je m'étais attardé ce matin-là à brosser les dents d'un
joli animal que, patiemment, j'apprivoise. C'est un
caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à
l'ordinaire, quelques cigarettes, puis je partis.
Dans l'escalier je la rencontrai. "Je mauve", me dit-elle,
et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son
regard qui fleuve vers moi. Or il serrure et, maîtresse!
Tu pitchpin qu'a joli vase je me chaise si les chemins
tombeaux.
L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule
au bas plus abîme que le soleil ne cloche.
Remontons! mais en vain, les souvenirs se sardine! à
peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez!
En voici le verdict: "La danseuse sera fusillée à l'aube
avec ses bijoux immolés au feu de son corps. le sang
des bijoux, soldats!"
Eh quoi, déjà je miroir. Maîtresse tu carré noir et si les
nuages de tout à l'heure myosotis, ils moulins dans la
toujours présente éternité.
Robert Desnos, 1923.
Si
Si les mille-pattes
Chaussaient des savates,
Si les girouettes
Portaient des lunettes,
Si les gélinottes
Mettaient des culottes,
Si les escargots
Se grattaient le dos,
Si les écrevisses
Avaient la jaunisse,
Si tante Héloïse
Perdait sa chemise,
Si d'une patate
Sortait un zébu,
Toi que rien n'épate,
T'épaterais-tu
de Pierre Coran
Anagrammes
Par le jeu des anagrammes,
Sans une lettre de trop,
Tu découvres le sésame
Des mots qui font d'autres mots.
Me croiras-tu si je m'écrie
Que toute neige a du génie?
Vas-tu prétendre que je triche
Si je change ton chien en niche?
Me traiteras-tu de vantard
Si une harpe devient phare?
Tout est permis en poésie
Grâce aux mots, l'image est magie.
De Pierre CORAN
Le myosotis
Ayant perdu toute mémoire,
Un myosotis s’ennuyait.
Voulait-il conter une histoire ?
Dès le début, il l’oublie.
Pas de passé et pas d’avenir
Myosotis sans souvenir.
de Robert DESNOS
Conseils donné par une sorcière
Retenez-vous de rire
dans le petit matin
N'écoutez pas les arbres
qui garde le chemin
Ne dites votre nom
a la terre endormie
qu'après minuit sonné
A la neige, à la pluie
ne tendez pas la main
N'ouvrez votre fenêtre
qu'aux petites planètes
que vous connaissez bien
Confidence pour confidence
Vous qui me consultez
Méfiance, méfiance
On ne sait jamais ce qui peut arriver.
Jean Tardieu
Poésies CM2C
La bouteille d’encre
poème.
Je primevère
n sait pas toujours ce qu'on dit
lorsque naît la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d'autres fois, on pleure, on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kèkchose d'extrême
un poème
Raymond Queneau
Je primevère
Tu pâquerettes
Il été
Elle bouton d’or
Nous feuilles d’automne
Vous bourrasques et grêlons
Ils ou elles glaçont
À tous les temps
Sur tous les tons
Le Bescherelle
Des « conjugaisons ».
Marilyse LEROUX
D’une bouteille d’encre,
On peut tout retirer :
Le navire avec l’ancre,
La chèvre avec le pré,
La tour avec la reine,
La branche avec l’oiseau,
L’esclave avec la chaîne,
L’ours avec l’Esquimau,
D’une bouteille d’encre,
On peut tout retirer,
Si l’on n’est pas un cancre
Et qu’on sait dessiner.
Maurice Carême, L’école des poètes.
L'anneau de Moebius
Le secret
Etre ange
Le chemin sur lequel je cours
Ne sera pas le même quand je ferai demi-tour
J'ai beau le suivre tout droit
Il me ramène à un autre endroit
Je tourne en rond mais le ciel change
Hier j'étais un enfant
Je suis un homme maintenant
Le monde est une drôle de chose
Et la rose parmi les roses
Ne ressemble pas à une autre rose.
Sur le chemin près du bois
J'ai trouvé tout un trésor :
Une coquille de noix
Une sauterelle en or
Un arc-en-ciel qu'était mort.
Robert Desnos
Le dimanche l'ai rouverte
Mais il n'y avait plus rien
Et j'ai raconté au chien
Couché dans sa niche verte
Comme j'avais du chagrin.
Être ange
Être ange
C'est étrange
Dit l'ange
Être ange
C'est étrâne
Dit l'âne
Cela ne veut rien dire
dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque
chose
étrâne est plus étrange
qu'étrange
Dit l'âne
Étrange est
Dit l'ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
dit l'âne
Et il s'envole.
A personne je n'ai rien dit
Dans ma main je les ai pris
Et j'ai tenue fermée
Fermée jusqu'à l'étrangler
Du lundi au samedi.
La pendule
Il m'a dit sans aboyer
“Cette nuit, tu vas rêver.”
Tac tic tac, ma précise horloge manque de tact
Depuis hier elle triche, son tac n’est plus exact
Elle oublie le temps, ces secondes précieuses
Qui me font perdre la tête, elle n’est plus sérieuse
La nuit, il faisait si noir
Que j'ai cru à une histoire
Et que tout était perdu.
Mon regard se presse sur le foncé de ses aiguilles
Et je ne traîne pas car l’heure présente me resquille
Si vous étés en avance vous perdez des instants
En retard vous risquez de tout perdre; trop navrant
Mais d'un seul coup j'ai bien vu
Un navire dans le ciel
Traîné par une sauterelle
Sur des vagues d'arc-en-ciel !
René de Obaldia
Jacques Prévert
Chameau, va !
Les fantômes
Un dromadaire, las de sa bosse,
Demanda à la fée Carabosse,
De bien vouloir l'ôter de son dos.
Hélas ! La bossue le prit de haut.
Cette méchante fée Carabosse
Fit pousser une nouvelle bosse
Pour lui manifester sa colère,
Transformant ainsi le dromadaire
En chameau.
Comme quoi notre dromadaire
Aurait bien mieux fait de se taire,
Car bien souvent, dans l'existence,
Le chameau
N'est pas toujours celui qu'on pense.
de Jean GLAUZY
Dans la chambre de Grand-Maman
Un fantôme vient souvent.
Mais, ce qui est embêtant,
C’est qu’il amène ses enfants.
Constantin, c’est le plus grand ;
Quand il chante, on croirait bien
Entendre le bruit d’un train ;
Firmin, avec ses cinq mains,
Peut jouer, en même temps,
Du banjo, du tambourin,
Du cor et du clavecin ;
Antonin, lui, aime bien
Inviter tous ses copains ;
Enfin, quand le jour revient,
Mathurin, le boute-en-train,
Raconte, d’un air coquin,
D’affreuses histoires d’humains.
Le matin, en se levant,
Grand-Maman dit : C’est gênant,
Ces fantômes qui ont tant
D’enfants aussi turbulents !
De Hélène BENAIT
Notre école
L’addition
Notre école se trouve au ciel
Nous nous asseyons près des anges
Comme des oiseaux sur les branches.
Nos cahiers d’ailleurs ont des ailes.
A midi juste, l’on y mange,
Avec du vin de tourterelle,
Des gaufres glacées à l’orange.
Les assiettes sont en dentelles.
Pas de lecons, pas de devoirs.
Nous jouons quelquefois, le soir,
Au loto avec les étoiles.
Jamais nous ne rêvons la nuit
Dans notre petit lit de toile.
L’école est notre paradis.
© Fondation Maurice Carême
(voir texte photocopié)
Pour faire le portrait d'un oiseau
Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l'arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
n'ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
Faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
C'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucment
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. Jacques Prevert
L'heure du crime
Pour devenir une sorcière
Minuit. Voici l'heure du crime.
Sortant d'une chambre voisine,
Un homme surgit dans le noir.
Il ôte ses souliers,
S'approche de l'armoire
Sur la pointe des pieds
Et saisit un couteau
Dont l'acier luit, bien aiguisé.
Puis, masquant ses yeux de fouine
Avec un pan de son manteau,
Il pénètre dans la cuisine
Et, d'un seul coup, comme un bourreau
Avant que ne crie la victime,
Ouvre le coeur d'un artichaut.
A l'école des sorcières
On apprend les mauvaises manières.
D'abord ne jamais dire pardon,
Etre méchant et polisson,
S'amuser de la peur des gens,
Puis détester tous les enfants.
Maurice carême
A l'école des sorcières
On joue dehors dans les cimetières.
D'abord à saute-crapaud,
Ou bien au jeu des gros mots,
Puis on s'habille de noir,
Et l'on ne sort que le soir.
A l'école des sorcières
On retient des formules entières.
D'abord des mots très rigolos,
Comme "chilbernique" et "carlingot",
Puis de vraies formules magiques,
Et là il faut que l'on s'applique.
Jacqueline Moreau
Attention, travaux !
C’est une honte ! s’exclama
L’inspecteur des travaux infinis
Devant le chantier
Silencieux.
Le serrurier est assoupi ;
Le serrurier est assoupi ;
Les menuisiers somnolent ;
Les peintres reposent ;
Les carreleurs rêvent ;
Les sanitaires ronflent…
Il n’ y a que vous mon cher, que vous
A rester debout ; Votre zèle est honorable !
Quelle est votre affectation ?
Je suis le marchand de sable !
Pierre Ferran