Michaïl Prokhorov : riche et encore

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Michaïl Prokhorov : riche et encore
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15 ans en Russie
N°178 du 12 au 26 novembre 2010
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Michaïl Prokhorov : riche et encore
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02
Entre-deux
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le 10 Novembre 2010
03
Éditorial
Il ne faut pas mettre le
sombrero avant le
poncho.
Le Courrier de Russie
Texte : Jean-Luc Pipon
Proverbe mexicain
Du 12 au 26 novembre 2010
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Les riches, les pauvres et les autres
R
entré en France pour les vacances
de la Toussaint, j’ai eu bien du mal à
comprendre ce qui s’y passait. Ire de
la population à propos des retraites,
discussions à n’en plus finir sur un
remaniement ministériel qui ne changera pas
grand-chose vu la conjoncture internationale, réforme de la fiscalité pour faire payer les
« riches ». En fait, seule la vision que les Français ont du monde et d’eux-mêmes peut expliquer cet état de fait. La France a probablement
besoin de cette catharsis pour mieux renaître
ensuite.
Mais pour l’heure, la France est on ne peut
plus figée quand le reste du monde n’en finit pas
de bouger. Quand il faudrait se résoudre à imaginer de nouveaux modèles, états-majors des
partis politiques et syndicats en sont à disserter
sur les retraites et à trier riches et pauvres. Il faut
dire que la France a été longtemps en pointe,
mais le monde était alors bien différent.
Saint-Louis a fondé la Sorbonne au XIIIe
siècle. Au XVe, la France et l’Europe ont découvert l’imprimerie, les voyages et par suite
les échanges, le crédit lombard, les premières
sociétés multinationales à comptoirs multiples
avec Jacques Cœur. Puis au XVIIe, ce fut le début des empires coloniaux et le mercantilisme
et dès 1685, l’établissement du Code noir. Au
XIXe, l’industrialisation, les sociétés par actions,
l’apogée du colonialisme. Enfin au XXe siècle, le
marxisme, l’affirmation des droits de l’homme,
la décolonisation suivie des chocs pétroliers,
l’émancipation de la femme et surtout l’inversion entre Nord et Sud de la poussée démographique.
L’Europe toujours très puissante vit sur
son passé. Mais maintenant plus de frontières
au moins au plan technique, l’accès de tous
au savoir, aux divers marchés, l’inversion des
échanges… et comme seul outil un capitalisme
en crise. Mais maîtriser les flux n’est pas si
simple quand d’autres ont plus de ressources
naturelles, des moyens humains pléthoriques
avec des exigences sociales proches de rien.
La France peut compter, raboter, qui comprend ce qu’il faut mettre en abscisses et en
ordonnées ? De préférence à chaudes larmes
pour mieux se dédouaner de ne pas chercher à
comprendre, intellectuels et journalistes ne vendent qu’émotion ; économistes, scientifiques et
autres polytechniciens ne font pas mieux. Sans
être sûrs de maîtriser risques et enjeux, ils résolvent tout et son contraire le plus froidement du
monde. Et je ne parle pas des énarques qui pour
durer, préfèrent gérer, restructurer sans panache plutôt que de mener une politique claire
et ambitieuse. Au point qu’on peut se demander
si tout n’irait pas mieux si intellectuels et politiques décidaient seulement d’aller à la pêche.
Le pire est que le système est en faillite.
Et invoquer le passé, aussi glorieux soit-il, ne
donne pas plus de droits. Sans même parler
de l’Europe, la France découvre que rien n’est
acquis. Un rapide inventaire ne plaide pas en
faveur du contraire. La France compte 36 682
communes et 503 117 élus locaux ou conseillers
régionaux ; 3 650 000 entreprises, 200 000 exploitations agricoles plein temps ; 28 millions
d’actifs, 7 millions de fonctionnaires dont
280 000 militaires permanents.
La France, c’est 35 millions de foyers fiscaux, parmi lesquels 15 millions (soit moins
d’un ménage sur deux) paient l’impôt sur le revenu et 500 000 contribuent à hauteur de 43 %
de l’impôt. Le revenu médian est de 27 150 euros par an, soit 2 260 euros par mois. Le niveau
de vie médian (qui prend compte des économies
d’échelle procurée par la vie en commun) s’établit à 17 600 euros par an et par membre du
ménage, soit 1 470 euros par mois. Le revenu
disponible de 10% des personnes les plus modestes se compose à près de 42% de transferts
sociaux et 7 800 000 personnes vivent sous le
seuil de pauvreté (60% du niveau de vie médian).
Combien de gens travaillent a Radio-France ? Environ un tiers.
José Artur
On est tenté d’appliquer à la France toute entière le bon mot de José Artur. Une grosse auto
avec un tout petit moteur… Et pourtant la route
est pleine d’embûches.
2,8 millions de chômeurs, 68 512 accidents
faisant 85 000 blessés et près de 4 000 morts sur
les routes. Plus généralement, 530 000 morts
par an, dont 300 000 en établissements hospitaliers. 346 932 nouveaux cancers (197 717 pour
l’homme et 149 215 chez la femme), la mortalité par cancer touchant 147 239 personnes
(85 311 hommes et 61 928 femmes). En termes
d’incidence, le cancer de la prostate est le plus
fréquent avec plus de 71 000 cas, suivi par le
cancer du sein (51 759), le cancer colorectal (39
491) et le cancer du poumon (34 185). Ce dernier serait le plus meurtrier (28 380), devant le
cancer colorectal (17 408). Cependant, passé 60
ans, les Français gagnent désormais deux mois
d’espérance de vie par an et la France, y compris
les DOM-TOM, comptait 825 000 naissances
l’an passé.
Portrait abrupt qui montre que la vie ne s’articule pas autour de la richesse ou de la pauvreté,
ni même de la retraite.
La France a inventé l’automobile, l’aviation, le minitel, le TGV, développé l’énergie nucléaire. Elle a raté l’informatique, mais réussit
encore dans le luxe, les cosmétiques, la mode et
la cuisine, même si tout a été fait pour détruire
artisans et agriculteurs. Le monde a fait d’incroyables progrès et, de la femme de ménage à
l’artisan en passant même par l’éboueur, chacun a voiture, écran plat, centrale vapeur, micro-ondes, téléphone sans fil, ordinateur et part
en vacances. Un petit monde bourgeois qui vit
bien ! Dès lors les socialistes ont un immense
problème de fond.
Justes héritiers de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), ils préfèrent
draguer les sociaux-démocrates, chrétiens de
gauche et autres humanistes, plutôt que rester
fidèles à leurs premières amours. S’ils étaient
logiques, ils devraient se tourner vers les masses
chinoises, indiennes ou africaines. Mais la solidarité s’arrête souvent là où commence le sacrifice personnel. La vraie charité, ce n’est pas partager ce que l’on a, mais partager ce que l’autre
n’a pas et ça, c’est plutôt chrétien.
Il ne peut être question d’acquis sociaux s’ils
ne sont pas appliqués à tous et par tous. Seulement nostalgique de son passé, coincée dans
des principes abscons, la France fait tout pour
ignorer une bonne partie de l’Humanité.
Pour avancer, il suffirait de se rappeler la
loi des grands nombres. L’explosion démographique n’autorise plus l’Europe et encore moins
la France à prétendre représenter un échantillon significatif. Elles sont condamnées à raisonner en fonction des plus grands communs
diviseurs : la richesse mondiale et le nombre
d’individus. On trouvera peut-être l’algorithme
de l’humanité ou une théorie de la relativité
entre peuples. A défaut, l’Europe se verra appliquer le plus petit commun multiple : le seuil de
pauvreté.
Naturam expelles furca, tamen
usque recurret (Chassez le naturel à
coups de fourche, il revient au galop)
Horace
e
Car nous sommes revenus au XV siècle, époque
où la Chine, l’Inde et l’Empire Ottoman étaient
extrêmement puissants. Arabes et Vénitiens livraient soie et épices à l’Europe à cinquante fois
le prix de départ. L’Europe a alors fui à l’Ouest.
Mais aujourd’hui, chacun a fait le tour. Faut-il
se barricader ? La Russie nous a assez montré
à quoi menait l’entêtement.
Le monde peut-il changer ? Un monde plus
équitable, plus juste. Effectivement nous finirons peut-être tous par manger des aliments
à base de soja et d’huile de palme. Pour beaucoup ce sera un plus, mais pas pour les Français. Et qu’on ne me parle pas d’écologie. Leurs
leaders ne savent même pas ce que mange un
canard, ni traire une vache.
Pas besoin d’écologie pour observer la
nature. Gregory King (1695) dont les travaux
n’ont été publiés qu’en 1973 est le premier à
avoir tenté une projection de la population
mondiale. La population qu’il estimait à 630
millions en 1695 devait atteindre 780 millions
en 2050. Nous sommes déjà 6,5 milliards !
La vie ne se résume pas à trier riches et
pauvres, à imposer ceux-ci pour aider ceux-là à
mieux avaler la pilule. Chacun a le droit à sa vie
aujourd’hui et maintenant.
Au XVIe siècle, les Percherons allaient
chercher fortune en partant pour la Nouvelle
France. Aujourd’hui, c’est plus simple, forts
des moyens et techniques de communication, il
faut s’acharner à être de tous les flux.
Car si la France était plus riche de ressources, elle ne gagnerait pas grand-chose à
montrer sa force. La Russie est encore là pour
nous le montrer. Poursuivant une tradition séculaire depuis Pierre le grand en passant par
Catherine II, elle maintient un régime de despotes éclairés. En d’autres temps, autocratie et
servage n’ont fait qu’entraver le développement
capitaliste. Aujourd’hui la Russie est plus respectée qu’il y a vingt ans. Elle a repris la main
sur ses ressources naturelles, mais toujours
loin d’avoir résolu ses problèmes internes.
Pendant ce temps, la nature implacable
livre son lot d’évènements internationaux :
revers de Barack Obama aux midterm elections, assassinat de chrétiens en Irak, visite en
France du président chinois, rachat de bons du
trésor américains. Pour se sortir du chaos avant
tous les autres ? Officiellement pour limiter un
risque inflationniste. Peut-être aussi pour limiter les risques que la Chine ait définitivement
la clé pour que les Etats-Unis fassent le grand
plongeon quand elle le voudra. Dans l’instant,
l’assouplissement quantitatif de la FED aide
les pays comme la Russie à boucler plus facilement leur budget.
L'ennemi est bête : il croit que c'est
nous l'ennemi, alors que c'est lui !
Pierre Desproges
Tout cela donne le vertige. Heureusement pour
beaucoup, le monde reste bien plus simple. Acquérir son indépendance, fonder une famille,
vivre en société. Au Sénégal, le paludisme recule à grands pas. Mais en Irak, les chrétiens
qui étaient 300 000 il y a vingt ans, ne sont plus
que quelques milliers.
J’aime cette définition de l’identité nationale de Guy Laporte trouvée sur Internet. La
France est le pays de la liberté dans la vérité, de
la droiture, bref de la franchise. Voilà ce qu’est
être Français ! Ni un sang, ni une terre, ni des
papiers, mais une vertu !
Assurément, la clé de toute société humaine ne se résume pas à la capacité de faire
coexister riches et pauvres, mais bien de permettre la recherche du bien commun. Seules,
l’éducation, l’intelligence, la discipline, l’ambition différencient l’homme de l’animal. La
paix sociale, la domesticité de la société et la
satisfaction de besoins quotidiens ne suffisent
pas pour différencier la société du simple zoo.
Le choix n’est pas entre un steak à 5 euros
dans une épicerie de luxe ou 4 steaks hachés
surgelés moins chers dans un hypermarché,
mais d’avoir plaisir à produire de la viande, de
savoir la préparer et de pouvoir la consommer.
Qui sait encore faire la différence entre veau et
agneau. Et qui sait qu’un simple morceau de
paleron suffit à faire un excellent pot au feu.
Le monde n’est toujours pas parti bien loin
et pourrait même revenir sur ses pas. Comme
dit le proverbe, il ne faut pas mettre le sombrero
avant le poncho. ‫ڤ‬
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04
Éminence
Le Courrier de Russie
Texte : Jean-Félix de La Ville Baugé
Du 12 au 26 novembre 2010
Photo : Service de presse d'Oneksim
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Mikhaïl Prokhorov est président du
fonds d’investissement Oneksim.
C'est avec Norilsk Nickel dont il a été
directeur général de 2001 à 2007 qu'il
a bâti sa fortune.
Mikhaïl Prokhorov : « Je ne rêve pas »
Mikhaïl Prokhorov est la deuxième fortune de Russie. C’est aussi un oligarque à part, réputé pour
sa simplicité, son goût du sport et de la bonne chère. Entretien exclusif avec Le Courrier de Russie.
Le Courrier de Russie : Vous avez réussi.
Quel est votre horizon aujourd’hui ?
Mikhaïl Prokhorov : Je ne crois pas avoir réussi. J’ai créé la base pour réussir. Mon succès
est dans l’avenir. Si j’estimais que mon succès
était passé, il serait temps de partir à la retraite.
Tous les sept ou huit ans, il faut que je change
de business. Pour commencer j’ai travaillé dans
les PME, ensuite dans la banque puis comme
directeur d’une multinationale et maintenant je
suis investisseur privé. Dans quatre ans, je ferai autre chose, je ne sais pas encore quoi et ne
l’envisage jamais.
LCDR : A quoi attribuez-vous cette lassitude ?
M. P. : Ce n’est pas de la lassitude, au contraire,
c’est une envie de faire autre chose. Après sept
ou huit ans dans une activité, on n’a plus faim,
on est rassasié mais aujourd’hui j’ai encore plus
d’énergie qu’hier pour travailler dans les nouveaux domaines.
LCDR : Votre stratégie d’investissement estelle tournée vers la France ?
M. P. : Il y a un élément stratégique essentiel
à mon avis, le business doit être rapide, il faut
trouver la voie la plus courte, c’est en fait la
théorie de la paresse absolue : tu agis là où tu
es meilleur que les autres. Je pense que mon
avantage est en Russie si je peux y trouver des
actifs dont le prix est inférieur à celui auquel ils
seraient vendus en France.
LCDR : De quelle manière procédez-vous
dans la recherche de vos actifs ?
M. P. : Quand nous analysons un actif, nous
faisons un premier plan avec une équipe gestionnaire puis nous regardons si avec un partenaire russe ou étranger 1+1 est égal à plus de
deux et quand c’est le cas, on y va.
LCDR : Des exemples ?
M. P. : Oui, avec une entreprise française justement, Dalkia, pour monter un projet sur le marché du chauffage en Russie qui est un marché
en mauvais état. Nous parvenons donc à avoir
un avantage concurrentiel en combinant l’expérience en la matière de Dalkia International
et notre compréhension professionnelle de la
réalité russe. Le résultat sera merveilleux, il y
a vraiment beaucoup de choses à faire sur ce
marché.
LCDR : Vous avez en revanche effectué des
investissements culturels en finançant l’exposition « Sibérie inconnue » en France, à
Lyon ?
M. P. : J’ai des relations particulières avec la
France et la fondation que j’ai créée travaille
en Sibérie et a son état-major à Krasnoïarsk.
Quand nous envisagions de quelle façon célébrer l’année croisée France-Russie, nous avons
noté que Krasnoïarsk et Lyon étaient toutes les
deux des villes au centre de leur pays, bien sûr
ce sont deux pays différents mais les cultures
de deux villes au centre peuvent s’unir. Pour la
culture russe, la matriochka a nourri le monde
entier et rempli sa mission, nous, nous avons
choisi d’autres représentants de cette culture :
des artistes doués qui s’expriment sur la Sibérie.
« La culture je comprends
son rôle mais je préfère le
sport »
LCDR : Vous avez déclaré avoir une relation
particulière à la culture.
M. P. : La culture, je comprends son rôle et
notamment son influence sur l’évolution des
sociétés mais je préfère le sport. Le mécène le
plus horrible est celui qui juge qu’il a un goût,
les dégâts qu’il causera seront à la hauteur des
investissements réalisés. La culture est un domaine d’activité assez spécifique, moi je suis
un mécène modèle, j’y agis avec l’esprit froid et
non le cœur chaud.
LCDR : Pourquoi ?
M. P. : Parce que tous les changements de société dans le monde ont été des changements
culturels qui entraînaient ensuite des changements économiques et ce, depuis la Renaissance, alors on ne va pas réinventer la bicyclette.
La connaissance des lois sociales augmente les
bénéfices et procure un grand plaisir aux gens
cultivés !
LCDR : Vous parliez de la Renaissance, les
Médicis ont commencé par le pouvoir économique, puis culturel avec le mécénat, puis politique puis religieux, où vous situez-vous ?
M. P. : J’espère que je resterai à la première
étape.
LCDR : Religieux, politique, non ?
M. P. : Je suis encore loin de ces étapes. La
politique ne m’intéresse pas, les gens qui en
font sont dans des états de non liberté absolue,
il n’y a pas de petits plaisirs pour eux dans la
vie puisqu’il y a toujours l’opinion publique. J’ai
du respect pour eux et je me dis souvent : comment font-ils pour aimer autant le pouvoir ? La
qualité et la joie de vivre font que je resterai à
cette première étape des Médicis.
LCDR : Parlez-nous de votre relation à la
France.
M. P. : La France et la Russie sont les pays
où je passe le plus de temps. A Moscou je fais
mon business et dès que je le peux, je passe des
vacances en France. J’ai une faiblesse, je suis
gourmand et la cuisine française est celle que
je préfère. C’est une grande épreuve pour moi à
chaque fois parce que je mange trop et dois ensuite faire cinq à huit heures de sport par jour !
LCDR : Qu’aimez-vous en France en dehors
de la nourriture ?
M. P. : L’ambiance, il y a quelque chose que je
ne peux pas expliquer, mon énergie augmente,
c’est peut-être ça que j’aime en France, une
énergie forte.
LCDR : C’est amusant, c’est exactement le
contraire qu’on entend des Français de Moscou.
M. P. : C’est la loi des systèmes : quand un
homme se meut à l’intérieur d’un système, il
n’y a pas d’énergie, quand il passe d’un système à un autre, l’énergie est différente.
« Moi j’aime la France »
LCDR : Et les liens culturels, historiques
entre la France et la Russie ?
M. P. : Difficile d’être objectif, moi j’aime la
France. Au XVIIIe siècle, l’élite russe parlait
mieux le français que le russe, ce n’est pas par
hasard. Historiquement on voit qu’en politique
étrangère, les relations entre la Russie et la
France, même sous l’Union Soviétique, étaient >
Éminence
>
bonnes. Sur les questions les plus aiguës, il y a
toujours eu une convergence de vues.
LCDR : Qu’est-ce qui vous excite aujourd’hui ?
M. P. : La vie même. Je ne fais rien de ce qui ne
m’excite pas. J’adore les difficultés pour les surmonter ensuite. Vous connaissez le proverbe
russe : « Nous créons nous-mêmes nos difficultés pour les surmonter de façon héroïque ».
LCDR : Quel type de difficultés ?
M. P. : Dans le sport, le business, c’est le côté
extrême qui m’attire tant qu’il est contrôlé.
Quand il n’est pas contrôlé, je le mets sous
contrôle d’abord, et je m’en occupe après. Je
vais vous donner un exemple. Je fais du jet ski.
Quand la vague était supérieure à deux mètres,
je ne pouvais pas sauter à 360 ° et puis on m’a
donné la solution : un tremplin et après six
mois d’entraînements, je sautais à quatre ou
cinq mètres. Et pourtant j’avais déjà plus de
quarante ans. L’extrême était devenu contrôlé.
: j’ai un gisement de cuivre. Je sais que des innovations nanotechnologiques pourraient permettre de créer un matériau dix fois plus efficace que le cuivre. Je dois savoir ce qui se passe
dans les matériaux pour savoir si dans trois ou
cinq ans on aura découvert un tel matériau pour
pouvoir vendre mon gisement avant.
Texte : Jean-Félix de La Ville Baugé
Le Courrier de Russie
Photo : Marie de La Ville Baugé
Du 12 au 26 novembre 2010
merais rendre la Russie plus concurrentielle, offrir aux gens une opportunité légale de travailler
beaucoup et gagner beaucoup. Mes propositions
ne sont pas populaires mais je continuerai.
« Il faut libéraliser la durée
légale du travail »
« Je n’ai pas d’idole »
LCDR : Y-a-t-il des personnages que vous
admirez en Russie ou en France ?
M. P. : Je n’ai pas d’idole. En France, j’aime bien
le Président Sarkozy, les lois qu’il fait éveillent du
respect en moi. A la RSPP (Union des industriels
et des entrepreneurs russes), je dirige le comité
05
LCDR : Quelles sont vos propositions ?
M. P. : La première proposition consiste à simplifier le licenciement et diminuer les dépenses
sur les allocations de licenciement : il faut donner moins pour la personne et plus pour sa formation, peut-être que les dépenses vont augmenter mais on aura là un employé formé qui
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LCDR : Y-a-t il des challenges qui vous attirent plus que les autres ?
M. P. : Non, pour moi, c’est un ensemble de
plaisirs et souvent de difficultés que ce soit dans
le sport ou dans le business. Il y a tout de même
une différence très sensible entre les deux : le
business est une création et le sport professionnel une guerre. Les gens ont choisi le sport
pour ne pas faire la guerre, ils se battent à mort
sans compromis alors que le business est tout
de même affaire de compromis.
« La guerre comporte la
destruction de ce pour
quoi tu luttes »
LCDR : Les joueurs de basket ou de football
américains font figure de rigolos à côté de
certains hommes d’affaires, pour vous le business ne serait pas la guerre ?
M. P. : Moi j’ai pitié des gens qui font la guerre
dans les affaires, ils n’en tirent pas de plaisir. Il
faut savoir faire la guerre mais la guerre est une
mesure extrême et le compromis est beaucoup
plus efficace. La guerre comporte la destruction de ce pour quoi tu luttes, je le sais de mes
propres erreurs, je sais qu’il faut tout faire pour
l’éviter.
LCDR : Vous déclarez ne pas lire de romans
mais des essais ?
M. P. : Je m’intéresse beaucoup aux théories
futuristes pour ordonner ma planification. En
quinze ans on peut très bien imaginer des innovations qui changeront le monde. Aussi rapidement que le téléphone portable et Internet l’ont
fait dans les quinze dernières années.
LCDR : Par exemple ?
M. P. : Je vais vous donner un exemple simple
Mikhaïl Prokhorov lors de l’entretien avec Le Courrier de Russie
sur les affaires sociales et je me retrouve de temps
en temps dans la peau du président de la République. Je sais que chaque fois qu’il fait quelque
chose, il a les syndicats en face, sa tâche est dure.
LCDR : Le comité des affaires sociales ?
M. P. : Oui, nous traitons tout ce qui a trait à
l’aspect social des affaires et ça me donne beaucoup de maux de tête !
LCDR : Sur quels thèmes travaillez-vous ?
M. P. : Nous travaillons sur les lois systémiques
qui stimuleraient la production et l’efficacité de
l’économie nationale. Malheureusement ici le
système de répartition est dominant. La Russie
est entre l’Europe et l’Asie : en Europe la production et les standards sociaux sont élevés, en Asie
la production est élevée mais la protection sociale basse, en Russie il y a de hauts standards de
protection sociale mais une production basse et
ça se relie mal avec la concurrence globale. J’ai-
va augmenter la productivité du travail et on va
diminuer le nombre d’employés inefficaces.
La deuxième vise à multiplier les emplois
à distance : en Russie, une femme chef-comptable part en congé maternité pour un an alors
qu’elle pourrait très bien travailler de chez elle
par Internet.
La troisième serait de libéraliser la durée légale du travail : le code du travail russe interdit
de travailler plus de huit heures par jour alors
qu’il y a des jeunes qui voudraient travailler
plus pour gagner plus. Nous proposons donc
que des accords soient passés pour permettre à
ceux qui veulent travailler plus de le faire.
La quatrième consiste à simplifier la classification des métiers. Il y a en Russie un annuaire du métier d’ouvrier qui comporte 7000
catégories alors que dans les pays développés,
il n’en comporte que 700, vous imaginez les
dépenses qu’occasionnent ces 7000 catégories. Nous proposons de simplifier cet annuaire
avec les économies afférentes et de mettre en
place des formations dans de nouvelles spécialités dans des lycées prévus à cet effet.
LCDR : Pour finir et même si vous déclarez
ne pas lire de romans, y-a-t-il un romancier
français dont vous vous sentez proche ?
M. P. : Il y en a un qui a eu beaucoup d’influence sur moi : Guy de Maupassant.
LCDR : Quand on regarde la photo du jeune
sergent Prokhorov qui marchait devant ses
hommes à vingt ans, à quoi rêvait-il ? Ses
rêves sont-ils toujours les mêmes ?
M. P. : Je ne rêve pas. La vie, j’aime la vie, j’ai
tant de choses à faire, tant d’amis intéressants
à voir et je n’ai pas le temps pour tout. Dans ce
sens, je ne rêve pas.
LCDR : Et la nuit ?
M. P. : La nuit je dors. ‫ڤ‬
06
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
Acteur
Texte : Simon Roblin
Photo : Kommersant
En 1989, Evgueniï Yassine a participé à la conduite des
travaux de la Commission d’Etat du Conseil des ministres
d’URSS pour la réforme économique. Il est l’un des treize
coauteurs du programme de transition à l’économie
de marché connu sous le nom des « 500 jours ». Ce
programme n’a pas été réalisé, mais a servi de base
au premier programme de privatisation des entreprises
étatiques.
www.lecourrierderussie.ru
Protocole à la
convention fiscale russo–chypriote : quelles
conséquences ?
La Russie et Chypre ont conclu à
Nicosie le 7 octobre, durant la visite
du président Medvedev, un Protocole
modifiant leur Convention de double
imposition.
Cet accord revêt une importance
particulière dans la mesure où les
sociétés chypriotes constituent des
véhicules traditionnels d’investissement en Russie.
Les principales modifications
apportées par le Protocole sont les
suivantes :
• Sous réserve de quelques exceptions
(sociétés cotées…), les plus-values
de cession de titres de sociétés à
prépondérance immobilière (c’està-dire dont la valeur est constituée à
au moins 50 % par des immeubles)
seront imposables dans l’Etat de
situation desdits immeubles ; cette
disposition entrera en vigueur la quatrième année suivant la ratification de
l’avenant ;
• les autorités fiscales chypriotes
ne pourront plus opposer le secret
commercial ou bancaire pour refuser
une demande d’assistance de leurs
homologues russes ; cette disposition
entrera en vigueur lorsque Chypre
aura adapté sa législation en ce sens ;
• enfin, une mesure anti-« tax treaty
shopping » est également adoptée.
En contrepartie, Chypre sera retirée
de la liste noire des paradis fiscaux
en Russie et les sociétés mères
chypriotes pourront dorénavant bénéficier de l’exonération des dividendes
distribués par leurs filiales russes au
lieu d’une retenue à la source actuellement de 5 % si l’investissement
atteint désormais au moins 100 K€
(100 K USD jusqu’à présent) ou de
10 % si le seuil n’est pas atteint.
Le Protocole entrera en vigueur à
compter de sa ratification par les
deux Etats.
En résumé, si ces nouvelles stipulations sont donc susceptibles d’atténuer à l’avenir l’intérêt de recourir à
des structures chypriotes pour des
investissements immobiliers en Russie, elles permettront, en revanche,
d’améliorer prochainement la fluidité
des remontées de dividendes entre
les groupes russes et leurs holdings
basées à Chypre.
Gayk Safaryan
Senior Associate
CMS, Russia
André Loup
Senior Associate
CMS, Russia
Evgueniï Yassine : « Les privatisations
sont en permanence l’objet d’une
lutte intense »
Directeur scientifique du Haut collège d’économie (EHESE) depuis 1998, connu pour ses convictions libérales inébranlables, Evgueniï Yassine est l’un des économistes les plus écoutés de Russie.
Appelé au poste de ministre de l’Economie en novembre 1994, en plein milieu du premier mandat de Boris Eltsine, il a été l’un des principaux artisans de la « transition à l’économie de
marché ». C’est dire que peu de gens sont mieux placés que lui pour aborder la question des
privatisations dans la Russie d’hier – et d’aujourd’hui.
A l’heure où un nouveau chantier est à l’ordre du jour, qui prévoit la cession sur cinq ans de
l’équivalent de 50 milliards d’euros d’actifs de grandes entreprises d’Etat telles que Transneft et
Rosneft, VTB et Sberbank, et d’autres encore dont la liste n’est pas définitivement arrêtée, il a bien
voulu exposer son point de vue au Courrier de Russie.
Le Courrier de Russie : Vous dites que les marchés ne sont pas efficaces en Russie. Pourquoi ne
le sont-ils pas, et que manque-t-il aujourd'hui
à la Russie pour que l’on puisse vraiment parler
d’économie de marché ?
Evgueniï Yassine : Il y a déjà une économie de
marché en Russie. Simplement, le système institutionnel n’est pas encore établi assez solidement pour la faire fonctionner pleinement. Les
problèmes de défense des droits de la propriété
privée, de droit de la concurrence, de suprématie
du droit, continuent à se poser.
C’est une conséquence prévisible du fait que
nous n’avons pas connu l’économie de marché
pendant 70 ans. Jusqu’ici, les réformes entreprises ont jeté les bases, mais n’ont pas posé le
cadre correspondant. Ce travail se poursuit, mais
avec de grandes difficultés. C’est dû en particulier au fait qu’au cours des dix dernières années,
l’intervention de l’Etat dans l’économie s’est fortement renforcée, au prétexte que le marché n’est
pas assez efficace par lui-même, que les entrepreneurs sont trop intéressés, pas assez responsables, et ainsi de suite.
LCDR : Dans ce contexte d’inefficacité relative
du marché, pensez-vous que le programme de
privatisations annoncé cet été doit être entrepris dès 2011, conformément au vœu de ses
promoteurs ?
E. Y. : Je répondrais que si le marché n’est pas
efficace, c’est précisément parce que le secteur
étatique y occupe une place trop importante. Les
entreprises étatiques jouissent ouvertement de
privilèges spécifiques vis-à-vis des entreprises
privées, justifiés par les tâches que l’Etat leur assigne. De plus, les organes étatiques et les fonctionnaires exercent une forte pression, soi-disant
au nom de l’Etat, mais en réalité dans leur propre
intérêt égoïste, sur le secteur privé.
En bref, il n'y a pas de conditions équitables
d’exercice entre le secteur étatique et le business
privé. C’est un problème grave, car ce dernier
est conduit à restreindre son horizon, limiter les
risques pris, et n’investit pas autant qu’il le devrait.
LCDR : Qu’en est-il du cadre institutionnel
susceptible de garantir le bon déroulement du
programme de privatisations prévu : est-il
assez consolidé pour que les choses se fassent
dans de bonnes conditions ?
E. Y. : D’après ce que je comprends, le contenu
du plan qui a été annoncé cet été, issu des efforts
du ministère du Développement économique, se
présente comme une tentative de la part des libéraux au gouvernement de revenir au plan de création d’un système institutionnel adéquat à l’économie de marché initié dans les années 1990.
LCDR : Mais quelles sont leur chances de réussite, et s’agit-il vraiment d’un retour à l’inspiration libérale des années 1990 ?
E. Y. : Les privatisations sont en permanence
l’objet d’une lutte politique intense. Le tournant effectué au début des années 2000 en faveur d’une plus grande immixtion de l’Etat a
été motivé par le fait que dans les années 1990
une grande partie de la propriété de l’Etat
a été distribuée aux entrepreneurs appelés
« oligarques ». La nouvelle équipe nommée par
Poutine s’est efforcée de changer la situation, et
de redistribuer la propriété au profit du nouveau
pouvoir en place en constituant de grandes entreprises d’Etat, car une partie des gens avaient
été faits oligarques, mais pas eux. Mais dès 20022003, il est devenu clair que l’on était allé trop
loin dans cette direction. Et quand il est apparu
dans la période récente que la crise avait épuisé
les réserves financières de l’Etat russe, il a été
décidé de les reconstituer aux dépens des entreprises d’Etat, en les privatisant en partie.
Mais en soi, la privatisation n’a de sens que
si elle consiste en un transfert effectif du contrôle
sur les actifs au profit de propriétaires privés, et où
ces actifs sont ouverts à tous les vents du marché.
Si le contrôle sur le business reste dans les mains
de l’Etat, il n'y a guère à attendre de retombées
positives, autres que les flux financiers apportés
par des fous qui vont acquérir des paquets minoritaires. Je dis « fous », parce que ceux qui achèteront ne pourront pas exercer d’influence sur la
politique de l’entreprise.
Je suis donc content de voir que l’idée de la
privatisation en elle-même est remise en circulation, mais je ne vois jusqu’ici aucun pas réel dans
cette direction.
LCDR : Aujourd'hui, concrètement, qui sont
les fous qui vont acheter des parts dans ces
conditions, et y a-t-il des entreprises étrangères qui seront tentées de le faire ? Prenons le
cas d’AvtoVAZ. Entre Renault, qui se contente
de ses 25% à défaut de pouvoir accéder au
paquet de contrôle, et la corporation d’Etat
Rostekhnologuii, qui a décidé d’augmenter sa
part, qui passera à la faveur d’une émission
de capital de 18,8% à 29% en 2011, puis à
36,4% en 2012, la situation semble bloquée,
les deux actionnaires n’ayant pas les mêmes
objectifs. Est-ce que ce type de situation pourrait se généraliser ?
E. Y. : Si je prends le cas concret d’AvtoVAZ, le
dispositif de la prime à la casse suit son cours
[mis en place en Russie le 8 mars 2010, il permet de recevoir une somme d’argent forfaitaire de
50000 roubles à valoir sur l’achat d’un véhicule
neuf en échange de la restitution d’une voiture
destinée à la casse, ndlr], mais il reste qu’AvtoVAZ est toujours dans l’impasse, et approche du
dépôt de bilan. Dans ces conditions, les gens qui
sont au gouvernement, à Rostekhnologuii, qui
font du marchandage avec Renault en disant :
« d’accord, on va vous donner 35% », à la place
de Renault, je leur aurais dit non. Ils vont attendre, se rapprocher un peu plus du gouffre, et >
Acteur
Dans les années 1980, la ministre du Développement
économique Elvira Nabioullina a été l’élève de Evgueniï Yassine.
Dans les années 1990, elle a travaillé sous sa direction
à la RSPP (Union russe des industriels et des entrepreneurs) et au ministère de l'Economie.
Elle est mariée à Iaroslav Kouzminov, recteur du Haut
collège d'économie.
Texte : Simon Roblin
07
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
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>
dire : « bon, 45% ». Mais à la place de Renault,
je dirais : « non, 55% et on n’en parle plus » [fin
octobre, Carlos Ghosn, le PDG de Renault, s’est
déclaré prêt à racheter les parts de Troïka Dialog,
qui désire se dégager partiellement, par étapes,
du capital d’AvtoVAZ dont elle détient encore un
peu moins du quart, et début novembre Vladimir
Poutine a proposé à Ghosn de faire monter la part
de Renault jusqu’au paquet de contrôle, ndlr].
Il y a une espèce de marchandage en cours,
mais il est clair que sans investisseurs étrangers,
les Russes eux-mêmes ne pourront pas résoudre
les problèmes posés. Mais ils ne veulent pas céder. Tant que le marché ne le leur aura pas fait
pénétrer dans le cerveau, ils ne comprendront
pas qu’ils n’y arriveront pas, qu’ils y perdent tout.
Poutine doit se convaincre qu’ils ne peuvent rien
faire sans le marché, et faire taire ses sentiments
nationaux.
Mais si j’étais à la place des Russes d’AvtoVAZ, je me demanderais : à qui vendre, à Renault,
ou aux Coréens ? Les Français sont trop habitués
à la bureaucratie, ils ressemblent aux Russes. Ils
marchandent trop longtemps.
LCDR : Quelles sont les entreprises qui vont
finalement être privatisées en priorité, d’après
vous ?
E. Y. : Je dirais que si la privatisation a pour but
de dégager un certain montant de ressources
financières pour réaliser des tâches pour lesquelles l’Etat n’a pas les fonds nécessaires, alors
il faut commencer par les grosses entreprises
pétrolières, Rosneft, Gazprom, puis continuer
avec les grandes banques, Sberbank et VTB.
Mais si l’on cherche à entamer le processus de
modernisation de l’industrie, alors il faut vendre
les entreprises de construction de machines-outils et le producteur de moteurs d’avion Permskie Motory, qui ont été l’objet de tractations avec
des investisseurs étrangers qui n’ont pas abouti,
avec Siemens dans le premier cas en 2006 ou
2007, United Technologies dans le second cas
dans les années 1990.
LCDR : Sait-on comment vont se dérouler les
appels d’offre, y aura-t-il des garanties en matière de transparence des procédures, pour les
investisseurs étrangers en tout cas ?
E. Y. : Je pense que là où l’on va admettre des
investisseurs étrangers, les questions informelles d’« économie de l’ombre » auront déjà
été réglées en amont de la procédure, et sur ces
bases-là, une fois les candidats présélectionnés,
on pourra espérer une certaine transparence. Par
ailleurs, si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire pas beaucoup l’attention des
Le Haut collège d’économie fait monter sa cote
Avec le « colloque scientifique franco-russe » qui s’est tenu les 28 et 29 octobre, le Haut
collège d’économie (Vyschaïa Chkola Ekonomiki en russe) s’était fixé un programme
ambitieux tant par le nombre et la qualité des intervenants que par la diversité des
thèmes abordés.
Moment fort de cette matinée, Evgueniï Yassine, directeur scientifique de l’EHESE, et
Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris I Panthéon Sorbonne et
président du Conseil d’analyse économique auprès du président français, ont présenté leur « rapport scientifique », dont Le Courrier de Russie vous propose quelques extraits.
Evgueniï Yassine
Sur les causes de la crise
mondiale :
« Les explications données
jusqu’ici, limitées aux aspects
financiers et au constat certes
juste de l’insuffisance de régulation, n’ont pas saisi les deux
facteurs structurels fondamentaux : l’entrée de l’économie
mondiale dans une nouvelle
phase de son développement
dans les sphères agricole
et industrielle, qui répond à
des lois auxquelles nous ne
sommes pas encore habitués
à nous confronter ; le changement structurel en profondeur
de l’économie mondiale,
avec la montée des pays dits
émergents, la Chine et l’Inde,
et le changement radical des
rapports de force sur l’arène
mondiale. »
surabondance d’argent bon
marché et le manque de sens
de la responsabilité financière
des grandes puissances
économiques mondiales,
Etats-Unis en tête ; le système
de gestion des risques
commerciaux, qui permet aux
producteurs de s’affranchir
des risques liés aux prix des
matières premières en achetant des contrats « futures »
que leurs contreparties ne
sont pas, en fin de cycle, en
mesure d’assumer.
Les entrepreneurs, c’est une
catégorie de gens qui exercent une activité impliquant
des risques. Si vous voulez
vous débarrassez complètement du risque, vous devez
aussi renoncer à la possibilité
de dégager des bénéfices. »
Christian de Boissieu
« Deux phénomènes ont joué
un rôle déterminant dans le
déclenchement de la crise
financière mondiale : la
Sur les remèdes de sortie de
crise :
« Le G20 s’est contenté, depuis
l’automne 2008, de traiter
entreprises suivrait sous sa pression…
E. Y. : Du temps de Gaïdar, la situation était
autre qu’on ne le dit, et la logique de développement des événements également. Il fallait mener une privatisation dans un pays où il n'y avait
jamais eu de capital privé. Le gouvernement
comprenait parfaitement qu’il devait trouver un
soutien avant tout du côté des entrepreneurs privés. Or le business, alors, c’était principalement
les petits marchés et les petites banques, montés
par des gens qui la veille encore ne possédaient
rien. C’est pourquoi la première étape de la privatisation a consisté à émettre des vouchers et à
distribuer les actifs, ou aux collectifs de travail,
ou aux citoyens qui détenaient ces vouchers. Ces
vouchers étaient de l’argent généré spécialement
pour que les gens puissent acquérir des parts de
ces actifs étatiques sous forme de propriété privée.
Si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire
pas beaucoup l’attention des dirigeants de l’Etat russe, hors
du pétrole, du gaz, des métaux, vous pourrez travailler dans
la transparence, dans les limites que l’on peut attendre dans
un pays comme la Russie.
dirigeants de l’Etat russe, hors du pétrole, du gaz,
des métaux, vous pourrez travailler dans la transparence, dans les limites que l’on peut attendre
dans un pays comme la Russie.
LCDR : La situation actuelle est-elle vraiment
différente de celle des années 1990, et les résultats de la redistribution des actifs peuvent-ils
être mieux maîtrisés ? Quand Gaïdar a réalisé
son programme, il a cru qu’il fallait commencer par créer une classe de propriétaires des
moyens de production, et que la formation des
institutions qui garantiraient la pérennité des
Ensuite, le gouvernement a voulu vendre
plus cher, car il fallait stabiliser la situation, combattre l’inflation, et l’Etat avait besoin d’argent
pour boucler le budget. La seconde phase, c’était
une privatisation financière, qui n’aurait pu réussir que si l’on avait pu vendre les actifs à des
étrangers. Mais on avait peur des étrangers, qui
avaient les moyens de tout acheter et de contrôler ainsi la politique économique russe. D’autant plus que les étrangers en question étaient
plutôt douteux, des sociétés dont le siège était
soi-disant à Londres mais dont les propriétaires
n’étaient pas des gens recommandables. La si-
les problèmes de régulation
financière et bancaire. La
France, soutenue par la Russie,
propose aujourd'hui de
mettre en débat autour de la
table du G20 la question des
déséquilibres internationaux,
celle des taux de change
et celle des monnaies de
réserve, sujets qui ont joué un
rôle important dans la crise
mondiale depuis 2007, mais
n’ont pas été traités par le
G20 depuis deux ans. »
« Face à la crise, il fallait être
keynésien ; en phase de sortie
de crise, il faut faire du Schumpeter : il ne s’agit plus de réguler la demande à court terme
par des politiques de relance
par le déficit budgétaire, mais
de stimuler la compétitivité
des entreprises et de l’offre et
mettre le paquet sur l’innovation, la recherche et développement et la compétitivité de
nos systèmes d’enseignement
et de recherche. » ‫ڤ‬
tuation était très dangereuse. C’est pourquoi le
gouvernement s’est dit : mieux vaut vendre bon
marché, mais aux nôtres. En outre, il y avait des
conséquences politiques : les Russes sont très
sensibles sur la question de savoir à qui on vend,
et ils étaient contents de voir que l’on vendait à
des nationaux.
Mettez-vous à la place de Tchernomyrdine
ou de Tchoubaïs, qui devaient résoudre ces problèmes, et trouver 1,5 milliards de dollars pour
équilibrer le budget. Ils ont finalement récolté
un milliard en vendant à Khodorkovskiï, Potanine, Berezovskiï et consorts, c’est-à-dire aux
« nôtres ».
LCDR : Et aujourd'hui, alors ?
E. Y. : Aujourd'hui la situation est très différente.
La moitié des actifs est encore dans les mains de
l’Etat. Parmi les gens qui ont reçu des actifs autrefois, une bonne partie sont des gestionnaires
efficaces. Qui peut dire que Potanine gère mal
Norilsk Nickel ? Khodorkovskiï a managé Ioukos
très efficacement. Schwindler, le représentant
d’Abramovitch à la tête de Sibneft, a été un excellent manager. Mais ces entreprises ont justement
été nationalisées, ou peut-être faut-il parler d’expropriation. Appeler « nationalisation » ce qui
s’est passé avec Ioukos, je n’oserais pas, parce
qu’ils l’ont tout simplement récupérée. Juger une
seconde fois Khodorkovskiï pour le vol qu’il aurait
commis, c’est une honte.
Il y a assez de bons chefs d’entreprise en Russie. Le problème, c’est que, quand ils se mettent
à gagner beaucoup d’argent, les fonctionnaires
cherchent à tout accaparer. L’exemple suivant,
après Khodorkovskiï, c’est celui de Tchitchvarkin :
ce n’est pas du pétrole, juste des téléphones, mais
il y avait beaucoup d’argent en jeu. Oui, peut-être
qu’il a entrepris quelque chose de contraire à la
loi, après qu’on lui a saisi un lot de téléphones
importés à la douane et que l’on s’est mis à les
vendre…
Comment privatiser, à qui vendre dans ces
conditions ? Je dirais : si les hommes d’affaires
russes ont de l’argent, on peut leur vendre, mais
aujourd'hui il est possible de vendre aussi à des
étrangers. Si vous ne voulez pas donner accès aux
étrangers à un secteur ou une entreprise donnés,
le concours ne sera ouvert qu’aux Russes, et le
prix de vente chutera. Mais en tout cas il faudra
des règles claires. Si vous voulez accomplir un
miracle dans un domaine quelconque, alors il faut
laisser entrer des étrangers. Aujourd'hui, je pense
que l’on peut ouvrir les privatisations et aux uns et
aux autres. Cela dit, ce sont les étrangers qui sont
dans la position la plus confortable. Les Russes
ont de l’argent frais, mais ils ont exporté beaucoup de capitaux à l’étranger, qu’ils ne vont pas
rapatrier, car ils ne font pas confiance au pouvoir
actuel. ‫ڤ‬
08
Le Courrier de Russie
Cotes & Cours
Texte : Simon Roblin
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Renault met le paquet
sur la Russie
R
enault n’a pas tardé à emprunter l’autoroute que lui ouvre le projet de loi sur les
conditions d’implantation des constructeurs
étrangers en Russie (voir Le Courrier de Russie n° 176). Alors qu’il avait toujours affirmé,
depuis le rachat pour 1 milliard de dollars de
25% des parts d’AvtoVAZ au début 2008, que
le constructeur n’augmenterait plus sa participation, son PDG Carlos Ghosn a fait savoir le
27 octobre que l’alliance Renault-Nissan était
prête à acquérir les parts détenues par Troïka
Dialog, (24,8% du capital d’AvtoVAZ, pour
une valeur estimée de 600 millions de dollars).
Le président du conseil d’administration de
Troïka Rouben Vardanan a précisé que les transactions se feraient par lots – le premier serait
cédé en 2011 – et que la banque d’investissement ne prévoyait pas de sortir totalement du
capital d’AvtoVAZ. Selon une autre source, le
premier lot serait vendu avant la fin 2010 à Nissan, qui pourrait alors se joindre à l’accord d’actionnaires d’AvtoVAZ, et déterminer ses droits
et obligations en matière de développement de
l’entreprise.
Sergueï Tchemezov, le patron de
Rostekhnologuii, détentrice aujourd'hui de
18,8% du capital d’AvtoVAZ, a fait savoir de
son côté que la corporation d’Etat était prête
à céder à Nissan une part de 4% après la première étape de l’émission de capital, qui fera
passer sa participation à 29% en 2011.
Le 2 novembre, Vladimir Poutine a affirmé
à Carlos Ghosn son soutien à la décision éventuelle de l’alliance Renault-Nissan d’augmenter sa participation jusqu’à hauteur du paquet
de contrôle.
Les analystes estiment que ce changement
de cap dans la stratégie de Renault s’explique
par les perspectives favorables qui se dessinent
sur le marché automobile russe et l’amélioration de la santé financière du groupe Renault
dans le monde en 2010.
Ghosn a indiqué que Renault ne pourrait
atteindre ses objectifs en Russie – détenir 40%
de parts de marché dans 5 ans – sans s’appuyer sur les possibilités d’augmentation de la
capacité de production offertes par l’usine de
Togliatti.
Vedomosti, 29/10/2010, 2/11/ 2010
ErDF se met au jus
E
rDF, la filiale d’EDF en Russie, est sur le
point de se voir confier par la holding russe
MRSK la gestion du paquet de contrôle qu’elle
détient dans la société TRK, qui assure la distribution d’énergie dans la région de Tomsk.
MRSK contrôle les réseaux de distribution des
fournisseurs d’énergie sur l’ensemble de la Fédération.
ErDF n’entrera pas, toutefois, dans le capital de TRK. La privatisation des réseaux de
distribution n’est pas à l’ordre du jour : MRSK
ne délègue pour l’heure que la gestion des sociétés de distribution, et conservera ses paquets
de contrôle jusqu’en 2015 si la demande de mo-
ratoire qu’elle a adressée au gouvernement est
acceptée. La réforme de l’organisation publique
non-commerciale Système unifié d’énergie
électrique de Russie (RAO « EES ») prévoyait
que la cession des actifs d’Etat détenus par
MRSK pourrait commencer dès 2011.
Selon les analystes, les entreprises occidentales comme ErDF introduiront des procédures de gouvernance plus rigoureuses et une
plus grande transparence en matière de gestion
et de système d’achats.
Kommersant, 26/10/2010
Mistral gagnant : oui, mais
pour qui ?
www.vitaly.livejournal.com
Entreprises
L
e ministère de la Défense a déclaré ouvertes
les enchères sur l’achat d’un « bâtiment
de projection et de commandement » pour le
compte de la marine de guerre russe (VMF).
Le suspense est faible : le ministère et le haut
commandement militaire ne font pas mystère
du fort penchant qu’ils ont toujours pour le
Mistral, devenu, plus qu’une arme de guerre,
un véhicule de l’amitié politique entre les gouvernements français et russe.
La menace brandie par la Russie en revenant sur l’option de la négociation exclusive
avec la France n’a toutefois pas été vaine. Certaines restrictions ont été levées, et en particulier la coque ne sera pas livrée nue. Pierre
Legros, directeur des chantiers navals publics
DCNS, a en effet déclaré fin octobre que les
Mistral livrés à la Russie seraient équipés des
mêmes systèmes de commandement de pointe
que ceux qui sont fabriqués pour la marine française.
Dans l’hypothèse la plus vraisemblable aujourd’hui, où 2 des 4 Mistral commandés par
la marine russe seraient construits en Russie,
c’est aux chantiers navals Baltzavod, contrôlés
par la Mejprombank de Sergueï Pougatchev,
que reviendrait le contrat. Mais les experts notent que ni Baltzavod ni son concurrent OSK
n’ont la capacité de gérer un tel chantier.
Le ministère a lui-même du mal à justifier le choix du Mistral. Et de l’avis même du
chef de la VMF Vladimir Vysotskiï, c’est dans
l’océan Indien que celui-ci, irremplaçable en
matière de commandement de groupements
de forces navales en eaux éloignées, serait à sa
place. Or la marine russe n’y possède pas aujourd'hui de tels groupements. Les mauvaises
langues disent qu’il ne s’agit que d’assouvir un
vieux rêve nourri par l’amirauté depuis le temps
de l’URSS.
Kommersant, 25/10/2010, 26/10/2010
En Russie
Envie de Potash : Fosagro
n’a pas peur de s’engraisser
F
osagro, l’un des plus gros producteurs d’engrais chimiques russes, rêve de prendre le
contrôle du canadien Potash (PotashCorp),
leader mondial de la production de potassium,
dont l’américain BHP Billigton cherche lui aussi à s’emparer. La valeur de l’entreprise serait
aujourd'hui de 43 milliards de dollars.
Corporations d’Etat
Résultat de la restructuration
Délais de restructuration
Rosnano
S.A.
Fin 2010
ASV
Société de droit public
Dernier trimestre 2011
Olimpstroï
Liquidation
Eté 2014
Fond JKKh
Liquidation
1er janvier 2012
VEB
Société de droit public
D’ici le 1er janvier 2012
Rostekhnologuiï
S.A.
Elaboration du projet de loi sur la réorganisation au 4e trimestre 2010
Rosatom
Inconnu
La décision sera prise avant la fin 2010
Avtodor
S.A.
Elaboration du projet de loi sur la réorganisation au 4e trimestre 2010
Pour mener à bien son projet, le président
du Conseil d’administration de Fosagro Vladimir Litvinenko n’a pas hésité à adresser le 20
octobre une lettre à Vladimir Poutine, dans laquelle il explique que l’acquisition permettrait à
la Russie de contrôler plus de 70% de la commercialisation des engrais potassiques dans le
monde. Le potassium est selon lui un produit
agrochimique stratégique en matière de politique de sécurité alimentaire. Fosagro serait en
outre le seul prétendant sérieux aujourd'hui en
Russie à ne pas risquer de tomber sous le coup
des lois anti-monopole russes, car elle ne dispose pas à ce jour de gisements de potassium.
Elle aurait déjà l’aval des dirigeants de Potash
et aurait passé un accord de co-financement à
hauteur de 50% du coût de la transaction – qui
n’a pas été précisé – avec un pool d’institutions bancaires canadiennes. Les 50% restants
devraient donc être assumés par les banques
russes, si toutefois les autorités compétentes
donnent leur accord.
Vedomosti, 3/11/ 2010
Inteko : quand Loujkov
déménage, Batourina fait
le ménage
A
lors que le couple Loujkov-Batourina
cherche à sauver les meubles, la presse
russe s’excite autour des opérations de restructuration des actifs d’Inteko, qui seraient actuellement à l’étude. La société, présente dans la
construction, la production de matériaux de
construction, le développement immobilier et
la pétrochimie, a permis à la femme de l’exmaire de bâtir, sur fond de corruption présumée,
une fortune personnelle estimée par le magazine Forbes à 2,9 milliards d’euros.
Les deux prétendants principaux au rachat
de ces actifs exposés seraient la banque VTB
et des structures commerciales dont la banque
Rossia et Sourgoutneftegaz, la société de Iouriï
Kovaltchouk, sont co-propriétaires.
Pour LifeNews, Elena Batourina cherche
à se débarrasser uniquement des actifs qui
pourraient créer des problèmes au couple. Selon Kommersant, elle examine la possibilité de
ne vendre que les projets de développement en
phase de lancement.
Marker, 1/11/ 2010, LifeNews, 1/11/ 2010,
Kommersant, 2/11/ 2010, Forbes 2/11/ 2010
Il a fait il a dit
Tchernomyrdine : parti
pour toujours, il restera
pour l’éternité
V
iktor Tchernomyrdine est décédé des suites
d’une longue maladie dans la nuit du 3
novembre, à l’âge de 72 ans. Fondateur de
Gazprom (1989), successeur de Gaïdar à la tête
du gouvernement sous Eltsine (1992-1996),
conseiller et représentant spécial du président
russe pour la coopération économique avec les
pays membres de la CEI depuis 2009, il restera
dans les mémoires comme l’un de ceux sans
qui la Russie n’aurait pas survécu à l’époque
dite de la « transition ».
Ancien apparatchik, Tchernomyrdine a
commencé sa carrière comme ouvrier de l’industrie gazière pour la finir en oligarque (le magazine Forbes le comptait en 2001 au nombre
des milliardaires russes les plus fortunés, avec
un patrimoine évalué au minimum à 1 milliard
de dollars).
Il a été salué par tous les responsables politiques qui l’ont connu, Poutine le premier, autant sinon plus pour son sens de l’humour que
pour son sens de la responsabilité. « Je suis
pour le marché mais pas pour le bazar », avaitil ainsi lâché au plus fort de la transition.
Ria Novosti, Vedomosti, Pervyï Kanal, 3/11/ 2010
Agenda
Phamtech 2010
D
ans ce salon consacré à l’analyse des tendances de développement du secteur pharmaceutique, on invite les entreprises représentées à « ne pas tomber dans la publicité ». La
section « Pharma people » leur permettra toutefois de faire le plein de candidatures de frais
émoulus des facultés.
Du 23 au 26 novembre 2010 au VVC (Vserossiïskiï Vystavotchnyï Tsentr, Pavillon 75).
Site Internet : www.pharmtech-expo.ru
Festival russe du vin
(Rossiïskiï Festival Vina)
Pervyï Kanal : Abramovitch
passe aux aveux
L
’oligarque Roman Abramovitch s’est décidé
à officialiser une information jamais confirmée formellement jusqu’alors par aucune des
parties intéressées : il détient 49% des actions
de Pervyï Kanal, la première chaîne de télévision russe en termes d’audience, dont l’Etat
détient les 51% restants. Depuis 2001, date
du rachat à Boris Berezovskiï des parts qu’il
détenait alors dans ORT (l’ancien nom de la
chaîne), régnait l’omerta sur le sujet.
Kommersant, 3/11/ 2010 (interview de John
Mann, représentant d’Abramovitch au sein de
la société Millhouse LLC, qui gère ses actifs)
C
ette exposition internationale permettra
aux producteurs et aux distributeurs de
vins et spiritueux de se chercher des partenaires dans le monde entier. Sur la « Tasting
Aera » auront lieu des dégustations et des master classes.
Du 18 au 21 novembre 2010 à Crocus Expo
(pavillon 1, hall 1), Krasnogorsk.
Site Internet : www.drinksindustry.ru ‫ڤ‬
À la une
« Admettons que quelqu’un me règle mon compte : qui ça intéressera de savoir que je
n’ai jamais dénoncé personne, que je ne me suis jamais battu avec qui que ce soit. Je
vois déjà la scène : un de mes assassins créera le site pravdakashina.ru, où il écrira que les
bourreaux sanglants de Poutine ont assassiné Oleg Kachine, espoir de la presse libre. Vu
comme ça, sérieusement, ça devient effrayant. Je ne sais pas si je fais bien d’écrire tout
cela à découvert. Mais tout de même, au cas où, ne croyez pas ce qu’ils écriront sur moi
dans ce site. »
Oleg Kachine, 5 juillet 2005, 17:13
http://avmalgin.livejournal.com/2191580.html
Kommersant : Andreï Kozenko, Vladislav
Trifonov, Maria Semendiaeva, Mikhaïl
Kirtzer
Rabkor.ru : Dmitriï Jvania
Traduit par Julia Breen
L’Armature comme moyen de censure
Dans la nuit du 5 au 6 novembre, Oleg Kachine, correspondant de la maison d’édition Kommersant, a été sauvagement frappé près de son immeuble à Moscou. Il a été admis à l’hôpital avec des blessures graves et a déjà
subi plusieurs opérations. Les médecins estiment que son état est grave. Il est d’ores et déjà évident que le journaliste a été victime d’une agression planifiée à l’avance : les enregistrements de caméras vidéo installées près
du lieu de l’attaque permettent d’établir que les deux voyous attendaient précisément Kachine. Une enquête
pénale a été ouverte sur le fondement de l’article « Tentative de meurtre » du Code pénal de la Fédération.
Agression sous caméras
L
e 6 novembre, à 00h20, Oleg Kachine rentrait chez lui, au 28 de la rue Piatnitskaïa. Un
taxi l'a conduit jusqu'à l'entrée d'une cour
fermée au public par des portes et une barrière
à digicode.
« À minuit 20, ma femme m'a dit : j'ai l'impression qu'on frappe quelqu'un devant la
porte », a raconté à Kommersant Vladimir Ladokhine. Il vit avec sa famille au rez-de-chaussée de
l'immeuble et s'occupe de l'entretien des parties
communes. M. Ladokhine explique qu'il a enfilé un manteau et est sorti de l'autre côté de la
grille. « Au moment où je me suis montré, deux
espèces de types se sont mis à courir vers les
cours non éclairées, en direction de Piatnitskaïa,
ajoute Vladimir. Oleg était assis par terre juste au
pied de la porte, entièrement tuméfié. Il m’a dit :
« Deux salopards m'ont attaqué. Ils m'attendaient. » Le journaliste était clairement conscient
et a même essayé de se lever, mais il est tombé
immédiatement en disant : « Je ne peux pas, mes
jambes…». Ensuite, raconte Vladimir Ladokhine,
Oleg Kachine s’est écroulé sur le sol. « Il pleuvait, je ne pouvais pas le traîner. J'ai apporté une
large planche et du cellophane, je l'ai allongé
et couvert. On a appelé les secours, poursuit le
concierge. En les attendant, Oleg a encore une
fois répété que ses agresseurs l’attendaient. Et
puis il a dit : « J'ai l'impression qu'ils m'ont cassé
les dents, j'ai mal partout. »
Les secours ont conduit Oleg Kachine à l'hôpital municipal n°36. Il a alors expliqué ce qui
s’était passé par téléphone à sa femme, Evguenia
Milova. Les médecins ont précisé à Kommersant
que Kachine était conscient lors de son admission,
il souffrait de fractures de la mâchoire, des jambes,
des mains (une phalange d'un de ses doigts était
pratiquement arrachée), d’un traumatisme crânien et de nombreuses blessures. Le journaliste
a été anesthésié. Quand il a commencé de perdre
connaissance, on l’a placé en sommeil médicalisé.
Le 7 novembre, il a subi de nouvelles opérations :
on a posé des plaques de titane sur ses mâchoires
brisées, fixé sa jambe cassée. Les chirurgiens ont
travaillé trois heures, après quoi les médecins ont
pu assurer que le cerveau d'Oleg n'avait pas été
touché.
Pour l’agression contre le journaliste, le comité d'enquête du Parquet de la capitale a ouvert
une enquête pénale sur le fondement de l'article
« Tentative de meurtre » (art. 105 du Code Pénal
de la Fédération de Russie). Le président russe
Dmitriï Medvedev a ordonné au Procureur général Iouriï Tchaïka de prendre l'enquête sous
contrôle spécial, et le chef du MVD (ministère de
l’Intérieur, ndt) Rachid Nourgaliev a promis de
confier la recherche des coupables aux meilleurs
enquêteurs du MOuR (police judiciaire moscovite, ndt).
D'après Vladimir Markine, représentant officiel du comité d'enquête près du Parquet de la
Fédération, on sait actuellement que juste avant
l'agression, les deux voyous ont suivi durant un
court moment le journaliste. L’un deux portait un
bouquet de fleurs : soit pour détourner l'attention,
soit pour cacher le morceau d'armature métallique
avec lequel, comme on le suppose, les coups ont
été portés. Les agresseurs, visiblement, savaient
de quel côté le journaliste s'approcherait de son
immeuble, étant donné qu'ils le guettaient à cet
endroit alors que l’autre côté de l’immeuble est
aussi muni de portes et d’une barrière. Le 18 octobre, Oleg avait publié un article dans la revue
Vlast, consacré au recensement de la population.
Le journaliste y écrivait notamment : « Je peux me
féliciter et m’enorgueillir, depuis un an déjà, d’au
moins une chose : personne ne sait où j'habite ».
Versions de l’entourage
du journaliste
L
es journalistes, politiciens, acteurs de la
société civile et bloggeurs qui connaissent
bien Oleg Kachine ont proposé un certain
nombre de versions sur la question de savoir
qui pouvait être à l’origine de l’agression. Selon
l’une de ces hypothèses, l’attaque pourrait être la
conséquence du conflit autour de la forêt de Khimki. Oleg Kachine avait interviewé en exclusivité
pour Kommersant un activiste du mouvement
Antifa, un des organisateurs du pogrom commis
à l'administration de Khimki, ainsi que de l’un
des participants de cette même action, Maksim
Solopov, actuellement en liberté surveillée. À
l'appui de cette version : les caractéristiques des
coups portés à Oleg coïncident avec les blessures que des inconnus avaient infligées, il y a
deux ans, à Mikhaïl Beketov, défenseur de la forêt de Khimki et rédacteur en chef de Khimkinskaïa Pravda. De plus, un jour avant l'agression
d’Oleg Kachine, on a attaqué et mutilé un autre
militant, le chef de la section du parti Pravoe delo
pour la ville de Khimki, Konstantin Fetissov. « Il
avait fait beaucoup pour que le sujet ait une large
résonance», a déclaré à Kommersant Evguenia
Tchirikova, leader du mouvement de défense de
la forêt. Nous considérons que l’agression contre
Oleg a été commise selon un schéma dûment
préétabli, au même titre que les attaques contre
Konstantin Fetissov et Mikhaïl Beketov. À la
place des enquêteurs, c’est là-dessus que je porterais mon attention. »
Les bloggeurs envisagent aussi l’hypothèse
selon laquelle l'agression d’Oleg Kachine serait
liée au conflit qui l’opposait à Andreï Tourtchak,
gouverneur de la région de Pskov. En août dernier,
dans son blog sur LiveJournal, Oleg, commentant la démission du gouverneur de la région de
Kaliningrad Gueorguiï Boos, avait exprimé une
opinion sans détour sur le gouverneur. Ce dernier,
dans les commentaires, avait exigé des excuses,
qu’Oleg lui avait refusées. Trois semaines avant
son agression, Oleg Kachine, citant ses sources,
a déclaré à ses collègues de la rubrique Société
de Kommersant qu’Andreï Tourtchak, non seulement n’avait pas oublié l’offense, mais prétendait
aussi vouloir se venger. Plus tard, le journaliste
a encore une fois déclaré à ses collègues, sur un
ton mi-sérieux mi-humoristique : « S’il m’arrive
quelque chose, c’est Tourtchak ».
Enfin, selon la troisième version avancée par
les journalistes, l'agression contre Oleg Kachine
pourrait être le fait d’une organisation de jeunesse
pro-Kremlin, la Jeune garde de Edinaïa Rossia. Le
11 août, un texte était publié sur le site de l’organisation, qui affirmait que Kommersant employait
des « saboteurs de l'information ». Le texte était
illustré d’une photographie d'Oleg Kachine barrée de la mention : « Sera puni ». Toutefois, après
le tabassage d'Oleg Kachine, le site de la Jeune
garde a rapidement publié une interview d’Andreï
Tatarinov, membre du conseil politique du mouvement et membre de la Chambre civile. Tatarinov y
exige « une enquête prompte et diligente » sur le
tabassage de Kachine. Kommersant ‫ڤ‬
On assassine les journalistes, ça veut dire
que le journalisme est vivant
«L
e journalisme est mort, et nous voulons
jouer avec lui comme s’il était au zénith.
Nous tentons de réveiller, à coups de
chaudes caresses, une jeune fille, alors qu'elle
est depuis longtemps déjà une vieillarde, qui
plus est à l’agonie … », m'écrivait récemment un
vieil ami et collègue, grâce à l'entremise duquel,
à l’époque, je suis devenu journaliste. (…)
Je comprends mon ami. Mais je pense qu'il
a tort. Le journalisme, dans notre pays, est bien
vivant. Le journalisme russe est vivant parce que,
dans notre pays, on assassine les journalistes,
on les frappe à mort. Ce qui signifie que par
leurs écrits, ils inquiètent certaines personnes.
Au temps de la perestroïka, on pouvait écrire et
dire ce qu’on voulait. Mais quand on a le droit de
tout dire, c’est signe que la vérité n’a que peu de
puissance. Aujourd’hui, c’est tout autre chose.
Je ne connais pas personnellement Mikhaïl Beketov ni Oleg Kachine. Je sais seulement qu'ils
dénonçaient les responsables politiques, l'arbitraire des miliciens, qu’ils défendaient la forêt
de Khimki. Je lisais leurs articles, et c’était du
journalisme avec un grand J. Du journalisme
vivant, et pas une « vieillarde agonisante ». On
n’agresse pas les vieillards au coin des rues, on
ne les frappe pas avec des tiges de métal, on ne
leur écrase pas des phalanges. (…)
Je ne sais pas qui a commandité l’agression
de Kachine : les Nachi, la Jeune garde, les nazis, le gouverneur de la région de Pskov Andreï
Tourtchak ou les constructeurs de la route au
milieu de la forêt de Khimki. L’essentiel, c’est
qu’une telle atmosphère se soit installée dans
notre pays : que, pour un texte, on risque la
mort. Et, pour mourir, il faut être un authentique journaliste vivant.
À ce qu’on dit, il ne faudrait pas canoniser
Kachine. Il aurait prétendument commencé à
Kaliningrad comme national-bolchévique avant
de collaborer à des éditions aussi pro-kremlin
que le site Vzgliad et le journal Ré-action, pour
finir par se rapprocher des Antifa et des anarchistes. Et quoi ? Si on va par là, je n’ai jamais
aimé les gens qui « ont choisi une voie une fois
et pour toujours ».
Je me fiche profondément de savoir qui était
Oleg Kachine à ses débuts. Ce que je sais, c’est
que maintenant, il est entre la vie et la mort. Et
qu’il s’est retrouvé dans cet état pour avoir écrit
des choses qui n'ont pas plu aux apologistes du
pouvoir. Rabkor.ru ‫ڤ‬
09
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Kachine dans les blogs
Il pourrait arriver la même chose à chacun
d'entre nous. L'État ne défend aucunement ses
citoyens, il ne défend que ses intérêts propres.
Les organisations censées lutter, sur le papier,
contre l'extrémisme, s'occupent, dans la pratique, de tout autre chose. La racaille criminelle
qui fait son business est toute puissante en Russie et s'est étroitement liée à un État embourbé
dans le vol et la corruption.
Oleg, mon cher, tiens bon, je t'en prie.
http://drugoi.livejournal.com/3405604.html
C'est précisément lui [Sourkov] qui dresse des
jeunes au lac Seliger, c'est sous son commandement que s'élaborent des mouvements
où les militants des droits de l'homme, les
journalistes et l'opposition sont peints sous les
traits de criminels nazis. C'est précisément lui
qui est à l'origine des organisations extrémistes
Nachi, Jeune garde, Jeune Russie, Stal, etc.,
qui défilent dans les rues de Moscou avec
des banderoles dénonçant les « Ennemis de
la Russie ». Et ces ennemis, ce sont à nouveau
l'opposition, les défenseurs des droits de
l'homme, les journalistes.
Pour l'atmosphère de haine qui s'est installée
dans le pays et qui a rendu possible, également, l'agression contre Kachine, M. Sourkov
porte une responsabilité personnelle. Et tant
qu'il sera au pouvoir, une menace réelle
continuera de planer sur la vie et la santé
des journalistes, des défenseurs des droits de
l'homme et des membres de l'opposition.
http://b-nemtsov.livejournal.com/88758.html
J’ai bien l’impression que personne n’a commandité l’agression de Kachine. Ce n’est pas
un journaliste si terrifiant, ce Kachine. Dans ce
pays, de toute façon, un journaliste ne peut
pas faire peur. Il suffit que la bonne personne
téléphone à l’autre bonne personne, et hop !
n’importe quel journaliste se fait virer et va se
faire voir. Pas la peine d’ouvrir une quelconque
enquête pénale… les types qui ont frappé Kachine, vraisemblablement, ce sont deux bons
gars russes ordinaires, simplement armés de la
connaissance de la vérité.
http://blguanblch.livejournal.com/763818.
html
Mais qu’est-ce qu’ils m’emmerdent, tous, avec
ce Kachine ! C’est tout juste si ça ne devient
pas le type le plus important du pays !
À la radio, à la télé, sur le net, sur
LiveJournal : toutes les nouvelles ne parlent
que de lui. En Russie, chaque jour, on frappe,
tue et viole des dizaines de gens. En quoi
seraient-ils pires que lui ? Pourquoi est-ce que
je dois, d’absolument partout, entendre combien de dents on a cassé à un quelconque
provocateur ?
À mon humble avis, le journalisme est un boulot de porcs. Le pire. Déterrer la merde. Surtout
sur les questions socio-politiques. La liberté
d’expression, dans notre pays, n’a jamais existé,
n’existe pas et n’existera pas, et la censure
étatique n’a rien à voir là-dedans. En Russie, le
journaliste doit comprendre que s’il s’attaque
à certains intérêts, il peut le payer physiquement. Et je ne crois pas qu’on ne les ait pas
assez prévenus. Et puis cette forêt de Khimki, là,
personne n’en a rien à cirer : la route est bien
plus nécessaire.
http://super-oslik.livejournal.com/24703.html
Une agression a été commise contre le journaliste du quotidien Kommersant Oleg Kachine. À
l’époque, journaliste débutant, il a beaucoup
écrit sur l’activité du Parti national-bolchévique,
et ses publications l’ont rendu célèbre. Il écrivait de façon plutôt objective, et c’est ce qui
lui a valu des louanges. Je tiens à lui exprimer,
ainsi qu’à ses proches, toute ma compassion.
J’espère qu’il se rétablira et remontera au front.
http://limonov-eduard.livejournal.com/90219.
html
10
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
Reportage
On n’a jamais vu un régime
politique renverser une
cusine nationale.
Viviane Chocas
Texte : Gabrielle Leclair
Photo : Galina Kouznetsova
www.lecourrierderussie.ru
Cuisine top secrète
Les milliers de moscovites qui défilent chaque jour sur la place Rouge ne peuvent s’imaginer ce
qui se passe au quotidien dans les cuisines du Kremlin. Le Courrier de Russie s’est introduit discrètement pour une visite dans les coulisses gourmandes du palais présidentiel, l’un des lieux les plus
surveillés au monde.
Le chef cuisinier Jérôme Rigaud
Guennadiï Korolev, directeur adjoint des
cuisines du Kremlin
Qu’est ce que le Kombinat Pitaniïa Kremliovskiï ?
C’est un organisme qui supervise la
nourriture servie dans les bâtiments dépendant du Kremlin (Palais du Kremlin,
Bolchoï, Staraïa Plochtchad…). Il comprend 2000 personnes dirigées par Igor
Boukharov, président de l’Association
des restaurateurs et hôteliers de Russie
et président d’honneur du Bocuse d’or.
La pesée des portions :
vestige de l’URSS
Ce qui frappe dans les cuisines du
Kremlin, c'est que chacun des produits
alimentaires est pesé. Par exemple,
chaque sandwich au jambon doit
contenir le même grammage de jambon et de pain. Idem pour les milliers
de canapés servis pour le banquet de
ce soir.... La tradition date de l'époque
soviétique, quand chaque portion était
dûment pesée pour éviter les vols de
nourriture par les cuisiniers.
Comparaison discrète
Selon Jérôme Rigaud, les mesures de
sécurité et autres normes sont plus
contraignantes en Russie qu’en France.
Lorsque Nicolas Sarkozy est entouré
de plus de 100 personnes, ce sont des
traiteurs extérieurs qui le servent. Et les
cuisiniers de L’Élysée ne suivent jamais
le président dans ses déplacements.
P
alais du Kremlin. 10h. Les employés
de Kombinat Pitaniïa Kremliovskiï
s’affairent pour dresser un banquet
de 600 personnes qui doit se tenir
dans quelques heures, préparer la
visite imminente du président du
Qatar, et le déjeuner en comité restreint du Patriarche Kirill. Journée, à vrai dire, classique pour
les employés de Guennadiï Korolev, sous-directeur de l’organisation qui gère notamment toutes
les réceptions données par le président Medvedev,
le Premier ministre Poutine et le Patriarche Kirill.
Marmelades de fruits, roulette de cèpes, tartelettes au caviar rouge, salade Olivier, brochettes
de saumon, pirojkis, mousse de mangue et fruit
de la passion… Les cuisiniers préparent le menu
pour le banquet pendant que les serveurs dressent le buffet. Au même moment, des sandwichs
sont à préparer pour être vendus aux spectateurs
de la représentation quotidienne du Bolchoï. De
son petit bureau qui juxtapose la cuisine, le chef
cuisinier Jérôme Rigaud supervise tout. Confiant,
il tâche de rendre ses 30 cuisiniers autonomes :
« le rôle d’un chef n’est pas de tout faire, mais
d’aiguiller ses apprentis », explique ce Français qui forme son personnel sans jamais élever
la voix. C’est important de bien s’entendre car
« on voit plus les cuisiniers que sa propre
famille », reprend le chef. Dans une ambiance
plutôt détendue pour une mission d’une telle exigence, les cuisiniers travaillent au son d’une radio diffusant des tubes universels des années 80.
Isolée dans le bloc pâtisserie de la cuisine, Janna s’apprête à faire déguster au chef le dessert
qu’elle a elle-même conçu pour le déjeuner du
Patriarche. Une mousse de melon couverte d’une
gelée de menthe, avec une sauce menthe vanille
agrémentée de quelques fruits des bois. Le des-
Les cuisiniers du Kremlin préparent le banquet
Janna en pâtisserie
Iouriï, un des 30 cuisiners
sert est exclusif : pas question de servir deux fois
le même plat. « Il faut se renouveler sans cesse »,
explique Janna dont le visage détendu et souriant
confirme qu’elle « ne s’ennuie jamais ». Depuis
trois ans, cette pâtissière de 40 ans innove quotidiennement pour un président particulièrement
friand de sorbets. Mais, la plupart du temps, c’est
Jérôme et Guennadiï qui imposent le menu. « Il
arrive aussi que le président exige un produit
en particulier », confie Janna, qui ne dévoilera
pourtant sous aucun prétexte les desserts favoris de Medvedev. « Si les plats préférés du président sont dévoilés dans la presse, on court le
risque que tous ses hôtes les reproduisent indéfiniment », commente Jérôme.
Une exigence d’État
Mais, avant de présenter quoi que ce soit au chef
Rigaud, « les produits sont soumis au service du
protocole », confie Janna, qui a suivi Jérôme au
Kremlin depuis le restaurant français Nostalgie,
à Moscou. Les médecins et technologues militaires du FSO (service fédéral russe de sécurité,
chargé de la protection du président) soumettent
tous les aliments qui seront préparés pour le président, le Premier ministre et le Patriarche à des
analyses en laboratoire. Les normes sont drastiques. « Les cèpes, les courgettes et la salade frisée ne passent pas », observe Jérôme. Pourquoi ?
Quelles sont ces normes ? «Je ne peux rien vous
dire, sinon je me ferai fusiller », plaisante amèrement un médecin venu mettre dans ses sachets
en plastique le contenu des repas du président
pour les prochains jours. Lorsque Medvedev s’en
va en voyage, sauf s’il est invité, toute la petite
troupe gastronomique l’accompagne. Dans leurs
bagages : tous les produits bien sûr, les ustensiles de cuisines, et même les gros appareils
Vakhtang, le sous chef
Viktor, un des maîtres d’hôtel
comme les fours. « Nous avons un avion particulier », rassure Jérôme.
Lorsque Medvedev reçoit des invités, à ces exigences s’ajoutent celles de ceux qu’il reçoit. Ce
matin, Jérôme Rigaud a reçu un fax énumérant
les aliments que le président de l’État du Qatar
ne peut consommer ou n’apprécie pas. La liste
est longue. Mais le chef la tient secrète. On apprend seulement que, en présence du président
de l’Émirat musulman, Medvedev et les autres
invités devront se passer d’alcool. Tout le challenge des cuisiniers du Kremlin tient dans le fait
de réaliser un menu de haute qualité en se passant de ces nombreux produits.
Mais cuisiner dans les règles de l’art présidentiel
n’est pas tout, il faut encore que le service soit
impeccable. Étonnamment timide, Anton, serveur attitré de Medvedev depuis un an, explique :
« je dois réfléchir à chacun de mes actes. Prendre
les distances nécessaires pour ne pas gêner le
président, sans pour autant m’éloigner trop au
cas où il aurait besoin de moi ». Évidemment, le
service se fait dans le plus grand silence et l’on
n’adresse pas la parole au chef de l’État, mais «
s’il pose une question, je dois pouvoir y répondre
justement ». Cette attitude est essentielle, selon Viktor, maître d’hôtel depuis 1976 : « nous
représentons la Russie dans notre manière de
servir », dit avec sagesse cet homme au visage
doux et à l’attitude irréprochable. D’autres, cependant, conçoivent leur métier avec moins de
solennité, comme Iouriï, plus détendu et extrêmement jovial. Ce pilier des cuisines du Kremlin
depuis plus de 30 ans avoue sans complexe et
tout en s’amusant que « ce qu’il y a de particulier ici, c’est la vue qu’on a sur le Kremlin et la
ville ». De loin, Iouriï peut observer les passants,
mais eux ne le verront jamais cuisiner. ‫ڤ‬
11
Portrait
En France, la cuisine est une
forme sérieuse d’art et un
sport national.
Julia Child
Le Courrier de Russie
Texte : Gabrielle Leclair
Photo : Galina Kouznetsova
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Au goût du Kremlin
Jérôme Rigaud est le seul étranger employé à la présidence russe. Depuis bientôt trois ans, le chef
cuisinier français prépare lui-même les plats qui sont servis à la table présidentielle dans le palais
du Kremlin et ailleurs. Pour le plaisir de Dmitriï Medvedev et de ses hôtes, il a adapté sa cuisine au
goût russe. Portrait d’un chef friand de défis et de diversité.
Jérôme Rigaud en
10 dates
21 février 1975 : Naissance à Abidjan en
Côte d’Ivoire
1996 : Apprenti auprès du chef Jean-Paul
Hartmann à l’Almandin, restaurant une étoile
au Michelin près de Perpignan.
1998 : Commis de cuisine puis chef de partie à L’Astorg, restaurant parisien une étoile
sous la tutelle de Joël Robuchon
2000 : Chef de partie puis sous-chef de
cuisine dans la Maison Troisgros, à Roanne.
2003 : Chef cuisinier du restaurant Le Balthus, à Beyrouth, au Liban
2004 : Chef cuisinier à l’Eldorado, à Moscou
2006 : Chef cuisinier au Nostalgie, à Moscou
11 septembre 2007 : Prépare son premier
banquet pour le président Medvedev
1e janvier 2008 : Devient le chef cuisinier
en titre du président Medvedev
«T
ravailler dans les cuisines du
Kremlin, c’est comme dans le
sport : il faut gagner le match
tous les jours. » Depuis janvier
2008, Jérôme Rigaud est le
responsable cuisinier des réceptions données par le président Medvedev. Quand
on demande à ce Français de 35 ans comment il est arrivé là, il répond tout simplement
qu’il s’est trouvé « au bon endroit au bon moment ». Ce que confirme son parcours professionnel, qui n’est qu’une suite d’opportunités
saisies au vol. Un enchaînement de défis qu’il
s’est lancés depuis qu’il a su qu’il ne pourrait
plus jouer au rugby, sport auquel il s’adonnait
depuis l’adolescence.
À l’âge de 19 ans, ce joueur de deuxième division
à Perpignan se blesse. A la suite d’une rupture
des ligaments croisés du genou, Jérôme doit renoncer non seulement à sa passion mais également à son rêve de devenir un jour inspecteur de
police. « Une immense déception », souligne-il.
Le jeune homme, natif d’Abidjan (Côte d’Ivoire),
restera « déprimé » jusqu’au jour où un ami serveur lui propose de venir l’aider pour la soirée
du Nouvel An dans un restaurant de Perpignan.
Jérôme a alors 22 ans, et se découvre une nouvelle vocation : « Ca m’a donné envie d’ouvrir
un restaurant ». Il décide d’en faire son métier.
Après avoir été formé, notamment, par les grands
chefs français Joël Robuchon et Michel Troisgros,
Jérôme Rigaud reçoit plusieurs propositions.
L’une d’elles l’intrigue. Un certain Eldorado, à
Moscou, le demande. « Je n’avais jamais entendu parler de ce restaurant ni trouvé aucune
information sur Internet », explique Jérôme qui
décide pourtant de tenter l’aventure russe. « Une
ouverture d’esprit et un goût du voyage » qui lui
viennent, assure-t-il, de ses 16 premières années passées en Afrique. L’occasion est idéale
pour se lancer un défi : « Même si tu ne connais
pas les gens qui vont t’entourer ni leur culture,
tu dois réussir à t’adapter ». Rapidement, c’est
chose faite. Au bout de deux ans et demi, Jérôme
quitte l’Eldorado et passe au Nostalgie, le plus
ancien des restaurants français de Moscou.
Deux ans plus tard, Igor Boukharov, propriétaire du Nostalgie, commence à se charger des
banquets présidentiels. Il demande à Jérôme de
l’aider de façon ponctuelle. Le jeune Français
commence, « petit à petit », à diriger les banquets donnés par le président Medvedev. « Une
sorte de test », pense Jérôme qui sera embauché dans les cuisines du Kremlin à plein temps,
après cinq mois d’« essai ». Tout s’est déroulé
en douceur, « c’est pour ça que j’ai accepté»,
confie Jérôme, qui souligne que « [s’il avait] su
d’emblée les contraintes et la charge de travail
que cela impliquait, [il aurait] refusé ».
Chef sous haute surveillance
Ces cinq mois d’essai ont aussi servi aux services de renseignement du président pour mener une enquête complète sur Rigaud, sa famille et ses amis. Surveillance rapprochée qui
reste d’actualité. « Je suis sur écoute 24h/24 »,
observe le cuisinier, qui se sait surveillé jusque
dans ses soirées personnelles. Mais Jérôme affirme ne rien changer pour autant à son mode
de vie : « C’est normal, car je travaille pour le
président d’une grande puissance mondiale ».
Aujourd’hui, il oublie même les médecins militaires qui guettent ses faits et gestes lorsqu’il
cuisine pour Medvedev dans une salle spéciale,
à laquelle les autres cuisiniers – sans parler
des journalistes – n’ont pas accès.
« Le plus difficile dans ce travail est de s’adapter au rythme », explique celui qui doit être au
service du président en permanence. Pas de va-
cances depuis trois ans, pas le temps de profiter
de son passe-temps préféré, le rugby, même
si « la cuisine ressemble à tous les sports collectifs ». Il faut que Jérôme soit toujours prêt
à cuisiner, servir et diriger en fonction des
événements organisés par le président. « On
peut m’appeler ce soir à 22h pour un banquet
de 200 personnes, demain, à l’autre bout de la
ville », explique-t-il. À cela s’ajoute l’absence
de routine dans les cuisines du Kremlin. « Le
menu de chaque banquet est unique », précise
Jérôme. Le public étant prestigieux, « c’est
un combat permanent » pour plaire à chaque
réception. Avec Guennadiï Korolev, le sousdirecteur des cuisines du Kremlin, il supervise
tout. Du choix de la vaisselle, des menus et des
produits au nombre de serveurs et de cuisiniers
requis. Dans ces choix, Jérôme a apporté un
peu de french touch et bousculé les habitudes
des cuisines du Kremlin.
« J’adapte la cuisine
française au goût
russe »
Le chef français a fait découvrir un système basé
sur des menus dégustation, avec six ou sept
plats par personne. Auparavant, on apportait de
grands plats sur la table, et chacun se servait.
Jérôme Rigaud a introduit une haute cuisine,
« moins axée sur la quantité mais plus raffinée
et plus diversifiée », explique Guennadiï, qui
souligne que même si le cuisinier « ne parle
pas parfaitement russe, il nous comprend très
bien ». C’est certainement ce qui a fait son
succès dans les cuisines de la présidence.
« S’il avait cuisiné comme un Français pour
des Français, il n’est pas certain que ça aurait
plu », poursuit un Guennadiï qui apprécie tout
particulièrement la cuisine française, « fondée
sur le choix de produits authentiques ». Jérôme
a introduit dans l’assiette présidentielle des produits atypiques et de grande qualité comme le
sel noir, le thé de Taiwan et, bientôt, le chocolat
français Weiss. Il apprend à ses trente cuisiniers
russes à faire leur pâté foie gras. Le professeur
se dit parfaitement satisfait de ses apprentis, qui
ont le sens du travail et ne se plaignent jamais
de faire, chaque jour, des heures supplémentaires : « En France, ce ne serait pas possible »,
observe Jérôme.
Vakhtang, son second, note lui aussi des changements, remarquant notamment « l’arrivée
dans la cuisine de nouveaux poissons comme le
turbot ou la dorade ». Iouriï, cuisinier au Kremlin depuis 30 ans, se souvient qu’il y a quelques
années encore, ils préparaient des « sangliers
et des esturgeons entiers », servis dans d’immenses plats. Viktor, maître d’hôtel, remarque
que le chef français est arrivé à un moment où
« la cuisine du Kremlin, en même temps que les
idées du président au pouvoir, commençaient à
changer ». Un président tourné vers l’Occident
promeut logiquement une cuisine qui lui ressemble.
Même si Jérôme tire beaucoup de satisfactions de son travail au Kremlin, il compte bien
réaliser son rêve, toujours le même depuis ce
fameux Jour de l’An. « Ici, c’est ma dernière
place avant que je n’ouvre ma brasserie en
Espagne ou en Australie », explique ce Français de l’Etranger. Dans l’un de ces deux pays
« qui l’attirent », il continuera de faire ce qu’il a
toujours fait : « travailler avec des produits que
n’importe qui peut se payer, mais que personne
ne peut cuisiner comme moi ». Un projet encore vague pour le Français qui ne prévoit pas
encore concrètement de quitter les cuisines du
Kremlin. « Je partirai quand je m’ennuierai »,
ce qui est quasiment impossible, « ou quand je
craquerai », ce qui est plus probable si son patron ne lui accorde pas de répit. ‫ڤ‬
12
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
Dossier
Une image vaut mille
mots.
Confucius
Texte : Inna Doulkina
Photo : Kommersant
www.lecourrierderussie.ru
Fin octobre, la Maison des artistes de Moscou a accueilli le festival Crosscontact. Sa
mission : présenter au public les initiatives culturelles qui foisonnent dans les régions
russes. Festivals littéraires, graffitis post-soviétiques et vidéos poétiques... Le Courrier de
Russie a rencontré des gens sans qui rien de tel ne se serait passé.
Cuisiniers poétiques
D
evoir lire les jeunes poètes :
le châtiment me paraît cruel.
Heureusement qu’il est des
gens qui ne partagent pas mon
point de vue. Olga Loukinova
et Andreï Nosov s’adonnent à
cette tâche depuis cinq ans déjà, et n’ont aucune
intention de s’arrêter... Depuis 2006, ces deux
diplômés de lettres de 22 et 23 ans organisent
à Nijniï Novgorod le festival Molodoï literator
(« jeune littérateur »), qui réunit des jeunes
poètes de la région de la Volga. L’événement
a permis à de nombreux auteurs de rencontrer des éditeurs, et Nijniï Novgorod a connu
une renaissance de sa communauté littéraire.
« Quand nous avons commencé, il n’y avait que
quelques personnes en ville qui organisaient
des soirées littéraires, et je les connaissais tous,
confie Andreï. Aujourd’hui, je reçois chaque
semaine des invitations de la part de gens dont
le nom m’est inconnu. » Pour convaincre la
jeunesse novgorodienne que « lire, c’est très à
la mode », Olga et Andreï ont aussi lancé dans
la ville le mouvement du bookcrossing1 et organisé des lectures de poèmes dans un tram qui
circule autour du Kremlin... « Des difficultés,
on en a eues, mais à chaque étape, nous avons
rencontré des gens qui acceptaient de nous aider sans rien demander en échange », explique
Olga, enthousiaste. Des amis venaient en masse
pour distribuer les invitations, des propriétaires
de cafés et cinémas accordaient gracieusement
leurs locaux, les maires des villes de la région
invitaient Olga et Andreï à donner des conférences dans des bibliothèques et maisons de la
culture. « Nous pensions que seules des vieilles
viendraient. Mais à chaque fois, les salles étaient
remplies de jeunes », témoigne Andreï.
Car aujourd’hui comme par le passé, les
bleds russes perdus entre champs et marais regorgent de poètes qui crient leurs sentiments
en crachant du sang et de la chair. « Bien sûr, la
plupart des gens qui nous envoient leurs travaux
écrivent comme si rien ne s’était passé dans la
poésie depuis Pouchkine. Ils connaissent très
peu les poètes contemporains », observe Olga.
Certes, ils sont nombreux à penser que Brodski
est encore vivant ou à n’avoir jamais entendu
parler de Prigov. Mais peu importe. Exclus du
« contexte littéraire », égarés dans le temps et
l’espace, ils affirment par leurs balbutiements
poétiques la dignité et la valeur humaines. Et
Ca bouge à Nijniï Novgorod
Olga et Andreï en sont conscients. « Ce qui
nous intéresse, c’est de préparer un terrain où
se formeront des génies, pas de regretter leur
absence », souligne la jeune femme. Ni elle ni
Andreï n’écrivent de poèmes. Ce ne sont pas
non plus eux qui jugent la qualité des oeuvres
qu’on leur soumet pour participation aux festivals. La tâche est confiée à un jury composé de
poètes et écrivains de renom, comme Lev Kharlamov ou Zakhar Prilepine. « Nous retirons de
grandes satisfactions de notre travail d’organisateurs. Nous ne recherchons pas les lauriers
des poètes. À chacun son travail », proclamentils à l’unisson.
En ce moment, dans leur besace : trois recueils de poèmes de jeunes auteurs de la Volga
publiés sur une subvention gagnée auprès des
autorités municipales. Au nombre de leurs projets : organiser un festival d’interprètes et un
autre de jeunes dramaturges. Je les imagine,
tous deux installés sur un toit novgorodien,
armés de louches géantes, remuer l’air de leur
ville natale pour le rendre plus nourrissant et
plus appétissant.
L’envie leur est venue quand ils étaient encore de sages étudiants. Le doyen de la faculté
avait lancé un concours du « meilleur projet
culturel ». Olga a proposé, avec une copine,
un festival poétique, et remporté sa première
subvention. Pour l’édition suivante, elles se
sont fait aider par Andreï et son ami. Depuis,
la copine a fait deux enfants et s’est retirée du
jeu. L’ami est parti étudier à Saint-Pétersbourg.
Olga et Andreï veillent toujours, près de la marmite où mijote le bouillon culturel nijniï-novgorodien. Pour y ajouter un peu de piment, Andreï
prévoit d’ouvrir prochainement, avec une bande
de complices, une petite librairie intellectuelle.
Olga, de son côté, poursuit à Moscou des
études de gestion de projets culturels. « Je ne
sais pas où je vivrai dans l’avenir, mais je peux
affirmer que tous mes projets futurs prendront
place à Nijniï Novgorod », déclare-t-elle catégorique.
En préparant mon interview, j’étais certaine
que j’allais devoir affronter deux individus souffrant de graphorrhée. Je les voyais blêmes, leurs
yeux ardents. Exaltés comme des professeurs
de littérature soviétique et rêveurs comme des
hérissons perdus dans le brouillard. Du haut de
mon snobisme moscovite, j’étais certaine de devoir faire preuve d’une extrême indulgence face
à ces deux provinciaux aux passions douteuses
et aux goûts discutables. Mais au cours de nos
quatre-vingt-dix minutes d’entretien, mes lèvres
n’ont pas une fois retrouvé leur expression ironique habituelle : j’avais devant moi deux commissaires, hautement professionnels, menant
leurs opérations d’une main ferme et la tête
froide. Ils pourraient aussi bien le faire à Londres
ou à Berlin. Par bonheur pour la Russie, ils ont
choisi Nijniï Novgorod. ‫ڤ‬
1 Le bookcrossing, autrement appelé BC ou BX, est un phénomène mondial dont le concept est de faire circuler des livres en les
« libérant » dans la nature pour qu’ils puissent être retrouvés et lus
par d’autres personnes, qui les relâcheront à leur tour.
Dossier
Créer ce que jamais nous ne
verrons, c’est cela la poésie.
Gerardo Diego
Texte : Inna Doulkina
13
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Révolutionnaires visuels
M
ettre des mots en phrases
et construire avec des cathédrales littéraires : les
Russes savent faire depuis
longtemps. Les lettres
sont depuis toujours leur
moyen d’expression favori. Les images, elles, sont
quelque peu délaissées. Certes, le génie russe est
aussi dans les icônes de Roublev ou les films de
Khlebnikov, mais ces figurations, quelques sublimes soit-elles, pâlissent sous les lumières de
la Grande littérature.
Nul ne sait pourquoi les Russes aiment mieux raconter des histoires plutôt que
dessiner ; interpréter plutôt que représenter ;
transformer plutôt que transmettre. L’explication
est-elle à chercher du côté des paysages ternes de
grandes plaines russes qui inspirent moins que le
ciel italien ou les champs de Provence ? qui éteignent les passions et incitent à la méditation ?..
Peut-être. C’est pourtant en leur sein, au milieu
des champs nus et nuages écrasants, que sont
nés Pavel Mourykine et Nikita Smorkalov, deux
artistes de 22 ans qui se sont fixé pour mission de
révolutionner la culture visuelle russe.
Pour accomplir cet exploit, les deux diplômés
d’histoire de l’université d’Ijevsk, en Oudmourtie,
créent des « espaces de lumière » et des « catalogues de présence ». Le dernier en date répertorie les « moments sacrés » qui se produisent à
Sviïajsk, île de la Volga où rien n’a été construit
depuis le début du siècle dernier. « Oubliée » par
les architectes soviétiques du fait de sa situation
reculée, l’île a conservé ses églises en bois, ses
routes pavées de pierres blanches et son atmos-
phère de ville enchantée des contes slaves. Si la
Russie a ses endroits « rouges », marqués par
la mémoire des révoltes populaires comme Lougansk ou Tcheliabinsk, elle en compte aussi des
« blancs », et Sviïajsk fait partie des plus entiers.
Rempart de l’orthodoxie dans le Tatarstan musulman, Sviïajsk s’éveille au son des cloches et édifie
un monument aux officiers blancs morts pendant
la guerre civile. « Un lieu très puissant, avec du
caractère » : ainsi le caractérisent Pavel et Nikita.
Pour saisir l’esprit de Sviïajsk, ils y filment la vie
quotidienne, pendant un mois, et en font des vidéos poétiques. Imaginez : vaches aux mamelles
généreuses, ruines blanches comme du sucre,
fresques pâles dansant sur les murs... Et, entre
chaque séquence, le ciel bleu foncé, éternel, engloutissant. Le bleu du ciel et l’or des autels. Le
bleu des coupoles et l’or des étoiles qui les parsèment. Les couleurs des coiffes des magiciens
du Moyen Âge et de la Vierge Marie... L’or et le
bleu rythment le film sur Sviïajsk, сontent son
âme. Mais pourquoi donc avoir préféré le film à
un roman ?
Parce que les textes sont trompeurs et les
images un peu moins. « Quand vous écrivez,
vous interprétez la réalité plutôt que vous ne la
transmettez. Alors que si vous prenez une caméra
et commencez de filmer tout ce qui vous entoure,
vous serez plus proche de la vérité », expliquent
les artistes. Selon eux, l’image précède toujours
l’idée. Elle est plus primitive, mais aussi plus
puissante. La réalité est vivante et dépasse les représentations que nous nous en faisons. Elle ne
peut être décortiquée en mots figés : elle s’étouffe
sous leur poids et finit immanquablement par les
faire exploser. Qui n’a connu ces moments où
l’on ne trouve plus ses mots ?.. Certes, la vidéo
comporte aussi sa part de subjectivité mais, paradoxalement, Pavel et Nikita ne cherchent pas
à être objectifs. « Ce serait trop prétentieux, précisent-ils. Nous n’avons pas peur d’une subjectivité honnête et assumée. »
Cheveux longs, gros pulls tricotés, yeux amusés. Pavel et Nikita m’expliquent en riant qu’Ijevsk grouille d’artistes indépendants, qu’à Moscou beaucoup de gens parlent tout seuls dans
la rue, qu’ils ont nommé leur groupe artistique
Anachorète avant de devoir – parce que personne
n’était capable de le prononcer correctement – le
renommer en Atelier des arts de lumière. « Aujourd’hui, la technique de la vidéo est accessible
à un très grand nombre. Pour faire du cinéma,
il suffit de se payer une caméra et d’accorder à
cette occupation son temps et son attention »,
affirment les artistes qui, quand ils ne filment
pas la nature oudmourtienne sur le compte de
la télévision locale, animent un atelier cinématographique dans un lycée d’Ijevsk. « Le cinéma
tel qu’on le connaît s’est depuis longtemps figé
dans son développement. Pour le ramener à la vie,
il faut se débarrasser de tous nos clichés morts,
mettre les compteurs à zéro, créer dans une totale liberté ». Intelligence remarquable, humour
sans bornes et pas une note de ce snobisme trop
largement répandu chez les jeunes intellos de la
capitale, Pavel et Nikita renoncent aux mots car
les grandes idées qu’ils ont servi à formuler n’ont
pas sauvé la Mère Russie. Peut-être les images
qui frappent droit au ventre sans passer par le cerveau en seront-elles capables ?.. ‫ڤ‬
V
a commencé. Ont suivi des expositions – financées par Sergueï de sa poche faute d’avoir trouvé
des sponsors –, des performances et des conférences. Les mythes ont la peau dure, et l’entreprise de les démolir demande à Sergueï beaucoup
d’efforts. « Les graffeurs ne sont pas des voyous,
s’empresse-t-il de préciser. Ce sont des gens
cultivés, larges d’esprit, anglophones. Ils ont une
vision des choses très fine et originale ». Pour
l’exprimer, les jeunes artistes de l’ex-capitale de
l’industrie militaire ne manquent pas d’espaces.
Palissades d’usines, stades ou stations électriques désaffectés – l’héritage de l’Empire qui
avait forgé sa puissance dans des fours Martin
passe à vitesse grand V aux mains des descendants des ouvriers novgorodiens. Et quoi de plus
légitime. C’est eux que l’on voit, regards plongés
au fond d’eux-mêmes, bonnets baissés jusqu’aux
sourcils, envahir discrètement ces forteresses
industrielles. Les carcasses reprennent vie sous
leur main. Cosmonautes aux sourires maniaques,
soldats de l’Armée rouge aux antennes extraterrestres, enfants heureux jouant à la bombe
atomique... Pour appréhender les peurs de la
civilisation soviétique, il suffit de s’offrir une
balade dans les quartiers industriels de la ville.
« Je trouve que tout ce qu’ils font est beau », affirme Sergueï, péremptoire. Absence de regard
critique ? Non, plutôt sa façon de rapprocher le
Le Courrier de Russie, c’est également
un site d’actualités, lecourrierderussie.ru, à consulter jour après jour pour
suivre et vivre la Russie au plus près
Nos derniers sujets à consulter sur
lecourrierderussie.ru
Mikhaïl Khodorkovskiï : « L’élite ne se
réveillera qu’une fois la situation devenue vraiment grave »
 Mikhaïl Khodorkovskiï a donné une
interview exclusive à Novaïa Gazeta,
traduite en français sur le site du Courrier de Russie
« Un certain nombre de problèmes doivent être résolus afin que les autres nations nous envient et souhaitent venir
vivre en Russie plutôt que de nous mépriser en silence »
Monsieur le Président...
 Lettre ouverte adressée au président de la Fédération de Russie suite à
l’agression du journaliste Oleg Kachine
« Le droit du journaliste à remplir normalement ses obligations sans craindre
pour sa vie, c’est le droit de la société à
parler et être entendue »
Belles images
isages sereins, yeux clairs à l’expression vide et puissante. Décidément,
ce sont les habitants de Nijniï Novgorod qui peuplaient l’électritchka
bruyante et puante emportant Venedikt Erofeev – écrivain-ivrogne le
plus célèbre de Russie – au comble de ses délires.
Rappelez-vous ses lignes : « Je suis retourné
dans le wagon. Les gens me regardaient d’un air
impassible, leurs yeux étaient ronds et, aurait-on
dit, parfaitement vides. Ça me plaît. J’aime que
le peuple de mon pays ait les yeux vides et globuleux. Des yeux comme ça ne vous vendent pas.
Les jours de malheurs, de doutes, de réflexions
pénibles, ces yeux ne battent pas des paupières.
Tout leur est don de Dieu... »
Ce sont ces mots qui me reviennent à l’esprit
quand j’observe Sergueï Ragozine, venu éclairer
la jeunesse branchée de la capitale sur l’état des
lieux du graffiti à Nijniï Novgorod. Son visage timide et un peu pâle se dissout dans l’ombre, on
ne voit que ses yeux bleus qui dégagent une force
tranquille. Lui, spécialiste en technologies de
l’information, s’occupe depuis quatre ans de promouvoir le graffiti dans sa ville natale aux parfums
de bois humide et de métal grillé. « Un jour, je
suis passé devant un mur peint de graffitis. J’ai
trouvé cela merveilleux. J’ai eu envie de connaître
les gens qui l’avaient fait. » C’est ainsi que tout
Le Courrier de Russie
sur le web
www.lecourrierderussie.
ru
Russes et puissants
moment où Nijniï Novgorod sera la capitale mondiale du graffiti. « Il ne faut rien interdire, décrètet-il. Que les gens peignent sur tous les murs de la
ville ! Il n’y a rien à craindre. Les mauvais graffitis
ont la vie courte. » En effet, ils sont rapidement
recouverts par d’autres : plus expressifs, plus subtils, plus significatifs. « Et ce n’est qu’en créant
un milieu qu’on peut espérer croiser un jour des
génies », poursuit Sergueï. À l’en croire, il est
grand temps. Si dans les années 1990, les différents groupes artistiques en Russie se disputaient
la place au soleil, l’heure est aujourd’hui à la coopération et au compromis. « Je soutiens toutes
les initiatives liées à la promotion de l’art actuel,
explique Sergueï. Peu importe que je le trouve à
mon goût. Nous défrichons tous le même champ
et n’avons rien à disputer. » Dans ses projets :
une exposition de graffiti novgorodien à Kirov et
une autre, très importante, au début de l’année
prochaine, dans l’ancien bâtiment de l’Arsenal de
Nijniï Novgorod qui abrite aujourd’hui le Centre
public d’art contemporain. « La directrice nous
laisse le sous-sol. Le lieu est merveilleux. Nous
allons le transformer le temps de l’exposition en
une ligne de métro. » Un métro qui traverse le
passé et emmène loin dans l’avenir. Beau symbole. Les yeux bleus de Sergueï s’allument, puis
retrouvent en un instant leur expression sereine
habituelle. ‫ڤ‬
 Vladimir Poutine est arrivé à la quatrième place dans le dernier classement
Forbes des personnes les plus puissantes du monde
Travailler plus, plus, plus
 Selon polit.ru, 58% des Russes sont
opposés à l’introduction de la semaine
de travail de 60 heures proposée par
Mikhaïl Prokhorov
Droit et Vérité : Mikhalkov persiste et
signe
 Rien de bien nouveau dans le manifeste du réalisateur Nikita Mikhalkov,
Pravo i Pravda (Droit et Vérité) pour
le quotidien Vedomosti
Retrouvez également chaque mardi sur
lecourrierderussie.ru des proverbes
russes traduits en français, chaque mercredi, des vidéos musicales en russe, et
chaque jeudi, nos bons plans pour une
semaine bien pleine dans la rubrique
Moscou est à nous.
14
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Guide
Conception : Vera Gaufman
Texte : Julia Breen
Réalisation : Galina Kouznetsova
Vous ne savez plus que faire de votre temps libre ? Jetez
les dés et lancez-vous dans un voyage insolite à travers
les neuf cercles de l’Enfer. Vos guides, fins connaisseurs
des ténèbres, vous feront goûter leurs plaisirs inattendus.
Suivez leurs conseils, vous ne serez pas déçus. À la prochaine au purgatoire !
9
Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Dernier
cercle avant l’antre de l’Ange déchu. Péché
de trahison. Médée, c’était l’Inacceptable.
Par amour pour un homme, elle trahit son
père et son peuple, jalousie et colère, elle
assassine ses enfants. Magicienne surpuissante, elle transgresse l’ultime tabou,
incarne le Mal et le chaos, Titan dévorant
sa progéniture, monstre suprême. L’ombre
continue de planer, la sorcière fascine et dégoûte.
Le mythe est repoussoir, construit la norme sociale en miroir inversé.
Jusqu’au spectacle Médée. Épisodes, zong-opéra. Le poète Liokha
Nikonov et le metteur en scène Giuliano di Capua relisent la tragédie : Euripide a menti, accusé l’étrangère pour préserver l’unité de
la Grèce. La princesse de Corynthe est Géorgienne, conflit ossète en
filigrane, la fille du roi rival est victime d’hommes bouchers, menteurs
et lâches, qui l’accablent parce qu’elle a refusé de se soumettre. Inscrite dans un présent tout proche, la Médée de cet opéra punk, pétersbourgeois et époustouflant, est victime sacrificielle, bouc émissaire et
furie, révolutionnaire, prophétesse de terribles augures. Médée figure
inverse, aux ailes trop grandes, condamnée.
Médée. Épisodes, opéra punk, le 27 novembre, à 19h, TsDKh,
Krimskiï Val, 10.
www.teatrodicapua.com/medea/p
Bienvenue dans le Huitième Cercle. Vous êtes
chez les menteurs, les voleurs. Trompeurs,
mauvais conseillers et faux-monnayeurs. Alchimistes. Performers et artistes contemporains, expérimentateurs invétérés. Le fossé
capitale/province est toujours partout présent.
Parfois, il est presque infranchissable. Alors on
salue chaleureusement l’initiative éphémère et fragile de ce « musée vivant de la performance » au Centre
municipal d’art contemporain de Voronej. La performance comme essence de l’art contemporain. Et au-delà. L’art ne peint plus des héros,
mais s’approche, au contraire, au plus près de l’humain trop humain,
colle au réel, abolit au maximum la distance. L’art classique observait depuis l’extérieur, façonnant l’objet sur des canons formels quand
l’art contemporain se veut expression des profondeurs de l’être, inverse le point de vue. La performance en est l’aboutissement, la représentation est abolie, l’acte devient spectacle, au moment même où
il a lieu. Tout le XXe siècle dans un concept.
« Musée vivant de la performance », du 12 au 19 novembre, Centre
municipal d’art contemporain, oul. 20 let Oktyabria, TTs Evropa,
5-iï etaj, Voronej.
RT
A
P
É
D
4
Bienvenue dans le Quatrième Cercle.
Après avoir fait fortune, vous partez
investir en Sibérie. Au passage prenez
des informations à la nouvelle fondation de l’oligarque Prokhorov. Allez
directement au purgatoire.
Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Vous êtes
terrorisés par la magicienne Médée lors de
l’opéra punk. Passez votre
tour.
8
7
Bienvenue dans le Septième
Cercle. Coupables du péché de violence. Une violence nécessaire, lieu de
possibles, zone réservée,
territoire neutre, sans loi,
hors codes de la communauté, rituel initiatique, pour
s’apprivoiser. Iouriï Bykov, c’est la
« nouvelle vague russe ». Son dernier film, Jit’
(2010), pose à la morale la question de la survie, aux limites du Bien et du Mal, que restet-il de l’humain confronté à l’extrême. Un type
partait simplement à la chasse, mais, témoin
d’une scène, se retrouve à tirer un inconnu des
pattes de bandits qui le poursuivent. Il faut fuir,
à deux. Contraints par l’urgence de faire avec
et ensemble, jusqu’à se retrouver confronté au
choix ultime, lui ou moi, un seul vivra. Tenter
de maintenir des principes, s’accrocher à une
abstraction, une certaine idée de soi, système
de valeurs et éthique pour finir mal, broyé.
Ou vivre peinard, serein, sans scrupules et
surtout sans questions. Bykov filme l’humain
imparfait, en équilibre instable entre lui et luimême, ne tire surtout pas de conclusion. Il a
une croyance, pourtant, absurde et folle, fine
espérance, peut-être dans la justice. Car celui
qui reste en vie n’est pas forcément le vainqueur.
Jit’, Iouriï Bykov (2010), première russe le
11 novembre.
6
ARRIVÉE
9
BIENVENUE
AU PURGATOIRE. PA
SSEZ UNE
SEMAINE CH
AUDE !
8
Bienvenue dans le Huitième
Cercle. Testez votre efficacité
au musée vivant de la performance.
Bienvenue dans le Troisième
Cercle. Goûtez les plats
bourguignons au restaurant
Kaï. Passez votre tour.
Bienvenue dans le Sixième Cercle. Hérétiques, athées et épicuriens. Andreï
Plakhov est critique, commentateur cinéma attitré du quotidien Kommersant,
membre du jury à Berlin, Locarno, Tokyo,
San Sebastian. Winzavod lui ouvre le programme « Cinéma avec Andreï Plakhov ». La
graine et le mulet, Abdellatif Kechiche, indéniablement très grand
film. Une vraie histoire. Qui dit toutes les histoires. Admirablement
inscrite dans un milieu et une époque et parle en même temps de
partout et toujours, de noblesse et de bassesses, d’humanité en profondeur, amours contrariées, générations sourdes. Les vieux ont sacrifié et cru bon de se taire, ils ont espéré, les gamins les renient et
leur crachent au nez sur un sol étranger, veulent tout, tout de suite.
Assimilation dévoreuse. Et puis la grâce, le temps d’un instant, autour d’un couscous, générosité pure et entière, abandon, folie, une
fleur des villes née dans la boue rayonne, inonde de soleil la grisaille,
brûle de fraîcheur et d’énergie vitale. Et au même moment l’autre qui
s’éteint, usé, vieil arbre déplacé, racines tronquées. Dans une danse.
Kinoteatr s Andreem Plakhovym : La graine et le mulet, A. Kechiche (2007), le 15 novembre, à 20h. Tsurtsum kafe, Winzavod,
4-iï Syromiatnitcheskiï per., d. 1/8, str. 6.
www.winzavod.ru
3
7
Bienvenue dans le Septième Cercle. Découvrez
les limites entre le bien et
le mal en regardant Jit’, le
dernier film de Iouriï Bykov.
Bienvenue dans le Cinquième Cercle. Les coléreux
et les mélancoliques. Tulpan, c’est la première
fiction du réalisateur de documentaires Sergueï
Dvortsevoï. Dvortsevoï vient du Kazakhstan, et
son film, il souffle comme la steppe. C’est lent
et immédiat, immense et simplissime. La steppe
est le lieu d’un présent éternel, où l’histoire
n’existe pas. Où rien n’évolue, ne progresse, ne
change, où le rythme est celui du soleil, de l’herbe et
des brebis. Aza revient chez lui, démobilisé après le service dans la Flotte.
Enfant de berger, il vise l’impossible et s’y attelle : bâtir une maison, installer l’eau et l’électricité, devenir propriétaire, écrire une Histoire. Caïn
dans le monde d’Abel, Aza est toute la vanité et par là la grandeur de
l’existence humaine. Pour posséder des moutons, il faut se marier. Mais
la seule jeune fille à 300 kilomètres à la ronde c’est Tulpan. Et Tulpan
ne veut pas épouser Aza. Parce qu’il a les oreilles décollées. Le film en a
mis, du temps, à se faire, en a épuisé, des équipes de tournage. Parce que
Dvortsevoï laisse la réalité s’écrire d’elle-même dans ses cadres. Parce
que dans la steppe, le quotidien est parabole. Voyage dans un autre espace-temps.
Tulpan (2007), Sergueï Dvortsevoï.
5
Guide
15
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
1
Bienvenue dans le Premier
Cercle. Jouez les païens en
vous rendant au festival d’art
rituel In Out. Allez à la case
suivante.
1
5
Bienvenue dans le Septième
Cercle. Laissez-vous entraîner
dans un autre espace-temps
avec Tulpan, le film de Sergueï
Dvortesvoï. Revenez à la case
départ.
6
Bienvenue dans le Sixième
Cercle. Echappez-vous le
temps du festival «cinéma
avec Andreï Plakhov». Allez
à la case suivante.
2
2
Bienvenue dans le Deuxième
Cercle. Partez à la découverte du festival du nouveau
théâtre européen. Avancez de
deux cases.
4
Bienvenue dans le Premier Cercle. Vous
êtes chez les non-baptisés. Ils ont vécu
avant l’avènement du Christ. Leur
péché n’est pas mortel. Condamnés
à errer, aveugles. L’Âge moderne a
mis Dieu à mort, mettait l’homme au
centre et préparait sa chute. Ses enfants,
maudits, devraient se retrouver sans Père,
privés d’abstraction et d’entité suprême.
Effondrement des murs et utopies réalisées, illusion dévoilée, système déconstruit et désacralisé, nous nous
sommes réveillés groggy, comme d’un cauchemar sans fin, assis
sur des cendres. Contre le Dieu matériel, on recherche du sens
et des mondes parallèles. Dans le vide spirituel, on s’engouffre,
piocher ici et là, troquer l’autorité contre la discipline. Consentie.
Le centre culturel Dom invite le festival InOut, nouvel art rituel.
Le créateur s’efface devant la création, le post-modernisme, orphelin, se fabrique des racines, se redécouvre archaïque, inspiré,
soumis. Se contenter d’être, absolument, ne pas se contempler.
Au plus profond de soi jusqu’à s’oublier. Chamanisme XXIe siècle
et avant-garde classique, musique rituelle tibétaine et drone ambient. Néo-paganisme de rigueur. Ommmmm…
Festival d’art rituel In Out, le 19 novembre, à partir de 20h,
Centre culturel Dom, Bolshoï ovtchinnikovskiï per., d. 24, str. 4.
www.dom.com.ru
Bienvenue dans le Quatrième Cercle. Les Avares et
les prodigues. Mikhaïl Prokhorov est un oligarque,
milliardaire. Il a fait fortune sur les charognes de
l’Empire, au temps des privatisations. Entre les
usines de nickel, les villas yachts et jets privés ou la
NBA qu’il s’est offert comme un petit plaisir, il a encore créé une Fondation de soutien à la culture. Échaudé à
Courchevel, Prokhorov revient en France la tête haute et, sous le bras, une
grandiose exposition Sibérie inconnue, à Lyon. Avare et prodigue. Inclassable. Comme la Sibérie, lieu symbolique d’une Russie ô combien duelle,
plurielle, terre impraticable et hostile, et riche et nourricière ; insondables
réserves souterraines, lieu des utopies, colonies et conquêtes. L’ombre des
camps de travail et la pureté de l’eau du Baïkal. Contrastes et paradoxe,
contradictions infinies comme les espaces. La fondation Prokhorov dévoile
une Sibérie aussi archaïque qu’à la pointe, centre d’innovation technologique, pôle majeur de l’art contemporain russe.
Festival Sibérie inconnue, La création russe contemporaine, du 15 au
21 novembre, Lyon, France.
www.prokhorovfund.ru
3
Bienvenue dans le Troisième Cercle.
Coupables du péché de gourmandise et
gardés par Cerbère. Le chef français
Nicolas Isnard s’envole en tournée,
vient régaler les papilles moscovites.
Si la France ne vit pas ses meilleurs
moments, poids d’un passé qui ne
survit que dans les représentations,
certitudes et leçons de morale obsolètes,
sclérose et rétrécissement des perspectives… on
continue au moins de s’y faire plaisir à table. Hommage à la Bourgogne. Ironie : la région, à force d’isolation et de fermeture, de refus catégorique de toutes
les innovations, finit par se retrouver aujourd’hui à
l’avant-garde, sommet d’une gastronomie de luxe célébrée dans le monde entier. À propos de luxe, entre
nous, au restaurant Kaï, avec des business-lunches
à 1 650 roubles, il sera conseillé de savourer. Mais
puisque la très vieille France fait encore du bon vin, au
diable les varices !
Cuisine de Bourgogne, Nicolas Isnard au restaurant
Kaï, du 22 au 26 novembre, Kaï, Swiss hotel Krasnye kholmy, Kosmodamianskaïa nab., 52, str. 6.
www.swissotel.com
Bienvenue dans le Deuxième
Cercle. Péché de chair, ils
ont placé la passion audessus du devoir. Il fut un
temps où l’on enterrait les
comédiens la nuit, hors les
Murs, avec les Juifs et les
excommuniés. Le théâtre occidental s’est détaché du rituel
originel, n’est plus vecteur mais fin
en soi, devenu art. Le festival NET, pour
Novyi Evropeïskiï teatr (Nouveau théâtre
européen), se veut depuis 1998 « fenêtre
sur l’Europe » et tient le cap. Cette année
le festival innove : abolition des repères
oblige, NET n’observe plus l’Ouest depuis
la grande Russie mais devient lieu même
du croisement, « festival des carrefours des
différentes cultures européennes ». D’Allemagne, Finlande, France et Autriche mais
aussi Bulgarie, Pologne, Hongrie, Lettonie…, des troupes pour interroger un théâtre
« nomade ». Qu’est-ce qu’écrire produire
jouer hors de son pays natal, dans une autre
langue ? Où les frontières, où l’étrangeté ? À l’encontre de l’exil forcé, déchirures et
espace unifié, identités confisquées dissolues ; le voyage, désir curiosité rencontres,
partage sans effacer. Toujours se rappeler
d’où l’on vient et ce dont on est dépositaire
pour être libre et seul. Jamais se conformer. Manifeste pour une Europe d’en bas,
appropriée, complexe, multiple, en mouvement, inaliénable.
Festival NET, nouveau théâtre européen,
jusqu’au 28 novembre.
www.netfest.ru
16
En forme
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Stévia : le goût du sucre sans le sucre
L
présente beaucoup d’avantages par rapport
au sucre, ce dernier n’en est pas moins nécessaire au fonctionnement de l’organisme.
Comme toute bonne chose : à consommer
avec modération.
e 10 octobre dernier, le grand rabbin
de Russie Berl Lazar a certifié casher
une marque de boissons traditionnelles nommée BioBiss. Tarkhun,
Diouchess et autres délices locaux
sont commercialisés par cette marque moscovite qui produit ses breuvages avec des ingrédients naturels, et sans sucre. D’où provient
donc le goût du sucre? Pour le consommateur
attentif l’étiquette contient un mot qui retiendra l’attention: stévia.
Ugo Pfenninger
Idée de recette:
Moelleux chocolat au stévia
Le stévia est une plante d’aspect buissonneux, originaire d’Amérique du Sud, qui
contient des substances au goût sucré. Il en
existe environ deux cent sortes dont la plus
réputée pour ses propriétés édulcorantes est
le stevia rebaudiana. A l’origine, cette plante,
aussi appelée chanvre d’eau, était largement
consommée par les indiens Guarani du Paraguay et du Brésil, qui l’utilisaient pour ses
vertus médicinales.
Du point de vue médical le stévia est véritablement à la frontière entre le médicament
et l’aliment. Pour zéro calorie, la douceur
gustative est assurée, ce qui permettrait de
remplacer le sucre là où il ne remplit qu’un
rôle d’édulcorant, et ferait du stévia un moyen
de lutte contre l’obésité. De plus, plusieurs
études semblent indiquer des effets positifs
sur le diabète, ou encore l'ostéoporose. Il
serait antifongique et antibactérien et aurait
même un effet protecteur pour les dents.
Véritable pionnier, le Japon a banni les édulcorants artificiels dans les années 70, et les
a remplacés par le stévia. Aujourd’hui cette
plante représente 50% du marché des produits sucrés dans l’archipel, avec notamment des chewing-gums, des boissons, mais
aussi du dentifrice ou encore des produits de
conservation des viandes et des poissons.
Ingrédients (Pour 4 personnes) :
-
200 g chocolat noir
2 œufs entiers
1 cuillère à soupe de beurre
1 cuillère à soupe de maïzena (poudre
de fécule)
- 1 cuillère à café de stévia (poudre des
feuilles)
- poivre du moulin ou cannelle selon les
goûts
En Russie, le stévia est connu depuis 1934,
après que la plante a été ramenée d’une expédition en Amérique latine, par Nikolaï Vavilov, botaniste et généticien de renom. Il y
est cultivé des zones méridionales jusqu’à
Saint-Pétersbourg, et des recherches pour la
création de nouvelles variétés résistantes au
froid sont en cours. En France, le climat plus
clément permet jusqu’à deux récoltes par an.
Toujours en France, l’utilisation d’extraits de
stévia dans l’agroalimentaire est autorisée depuis 2009, et les édulcorants de table depuis
janvier 2010. Autre son de cloche pourtant
dans le reste de l’UE où l’utilisation du stévia
reste proscrite, bien que les démarches d'accréditation suivent leur cours.
Aux Etats-Unis, les lobbies des édulcorants
ont réussi à retarder de deux décennies l’autorisation de mise sur le marché par la Food
and Drug Administration (FDA). Le stévia
y est désormais commercialisé depuis deux
ans. En 2006, l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) a déclaré la consommation humaine sans danger.
Côté prix, les extraits de stévia coûtent entre
600 et 2800 roubles le kilo selon les fournisseurs, tandis que le sucre revient à 100
roubles en moyenne (sucre blanc, de canne,
en cube et en poudre confondus). Sachant
que le pouvoir édulcorant du rébiauside est
300 fois supérieur à celui du sucre, il coûte
entre 12 et 50 fois moins cher. Si le stévia
Préchauffez votre four à 180°C. Pendant
ce temps, faites fondre le chocolat au
bain-marie et incorporez-y le beurre. Une
fois l’opération terminée, retirez la casserole du feu et incorporez la maïzena, les
oeufs battus, le stévia et un peu d’eau
afin de conférer à la masse une texture
ferme et lisse.
Remplissez vos moules de la pâte ainsi
faite, en vous assurant qu’elle ne soit
pas trop liquide. Enfournez de huit à dix
minutes selon vos goûts et saupoudrez
de copeaux de noix de coco à la sortie
du four.
Bon appétit!
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rubrique, appelez le
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17
Moscou en bouteille
Quand on meurt de faim, il se
trouve toujours un ami pour
vous offrir à boire.
Le Courrier de Russie
Antoine Blondin
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
GET SMART
Utopie russe
à l’anglaise
30 octobre, un samedi. Moscou commence à célébrer Halloween, fête profondément orthodoxe. Depuis
le matin, on croise dans les rues de petits trolls, des
sorcières souriantes et des vampires ensanglantés. La
ville, couverte de nuages, est plutôt triste.
En savourant la bruine, je me dirige avec mon ami
français B.B. vers le théâtre académique de la jeunesse
(RAMT), situé à côté du Bolchoï. Il est midi. Et c’est
précisément à midi que débute le spectacle Sur les
rives de l’Utopie, inspiré de la pièce éponyme de Tom
Stoppard. L’ œuvre traite de l’évolution de la pensée
philosophique russe au XIXe siècle. Et il ne faut pas
moins de dix heures pour en parler.
Spectacle en triptyque : trois pièces – Voyage,
Naufrage et Sauvetage – d’une durée de deux heures
trente chacune. Avec des pauses de trente minutes
entre les spectacles et des entractes de quinze minutes : nul besoin donc de s’équiper de sandwiches ou
de thermos de thé.
Le buffet du théâtre propose toutes sortes de boissons – y compris champagne et cognac, si le spectacle vous paraissait particulièrement long –, canapés
au caviar et friandises. Si le choix ne vous satisfait pas,
il reste l’option MacDo, juste à côté du théâtre. Attention cependant, il vous faudra avaler votre hamburger
en chemin : les sévères ouvreuses ne vous permettront
pas de l’emporter dans la salle.
Du courage, il en faut indéniablement pour tenir ces
Rives de l’Utopie jusqu’à la fin. Pour endurer sans faillir
ces dix heures de marathon, il faut être soit masochiste,
soit philosophe. Ou encore accompagné d’un ami fidèle
qui vous prêtera son épaule, pour un petit somme, au
cas où. Studieuse et disciplinée, j’ai bien dormi la nuit
d’avant afin de me préparer au mieux et d’éviter d’abuser de l’épaule de B.B.
Les pièces comptent plus de 70 personnages : Bakounine, Tourgueniev, Belinski, Stankevitch, mais
aussi Herzen, Ogarev, Sazonov, et même Marx. Les
péripéties de la pensée russe prennent vie dans les tragédies personnelles des héros, dont la moitié meurent
vers la fin de la pièce.
Naufrage porte sur la révolution française de 1848.
Les acteurs chantent La Marseillaise. Herzen, détruit par l’effondrement de ses idées et l’adultère de
son épouse, se laisse guider par une petite femme qui
ressemble trait pour trait à la Liberté de la toile de Delacroix.
Sauvetage est encore plus triste. Herzen a perdu
son fils et sa mère dans un naufrage. Veuf, il partage
dès lors le quotidien de son ami Ogarev, et surtout de
la femme de ce dernier, Nathalie. Ensemble, ils tentent de réveiller l’intelligentsia en éditant la revue Kolokol. En vain.
Si nous ne l’avions pas su, nous aurions été incapables de deviner que la pièce a été écrite par un Anglais. Top Stoppard est parvenu, avec brio, à saisir les
racines de tous les malheurs russes, à une telle profondeur que j’en suis restée bouche bée. Le problème,
avec nous, les Russes, c’est que nous passons notre
temps à emprunter les idées les plus avancées venues
d’Occident – depuis le capitalisme allemand jusqu’au
ménage à trois à la française – sans être, pourtant,
jamais vraiment capables de les mettre en pratique
correctement, jusqu’au bout.
Presque tous les spectateurs sont restés jusqu’au
bout. À la fin, ils se sont tous levés pour une standing
ovation qui a duré plus de dix minutes. J’étais debout
aussi, époustouflée, émerveillée, estomaquée, à applaudir jusqu’à en avoir mal aux mains. Désolée pour
tout ce pathos, les mots me manquent : c’était tout
simplement génial !
Vera Gaufman
Prochain spectacle : le 18 décembre 2010, au RAMT,
Teatralnaïa ploshad, 2. Billets : (+7 495) 69 200 69, www.
ramt.ru.
Baraque à falafel
O
ulitsa ousatcheva. Une rue étonnante
où les bâtiments de pierre se transforment au fil du chemin en petits blocs
de préfabriqués difformes. Un restaurant végétarien aurait ouvert ses portes, il y a un
mois à peine, dans cet amas de ferrailles sale et peu
rassurant. Difficile à croire. Et pourtant si, c’est
écrit en toutes lettres : Korolevskiï Falafel. On comprend mieux pourquoi le gros milicien croisé plus
tôt nous a demandé à plusieurs reprises si c’était
bien le lieu que nous cherchions car « ce n’est pas
vraiment un restaurant ». Il est vrai que l’on s’attendait plus à une sorte de Starbucks végétarien
qu’à ce petit boui-boui de 10m2 prêt à fermer ses
portes… alors qu’il n’est que 20h30. Drôle de sortie
pour un vendredi soir.
Vêtue d’un gros manteau d’hiver, la jeune
serveuse qui s’apprêtait à quitter la bicoque s’empresse de sortir, à notre arrivée, les aliments de
petites boîtes en plastique rouge pendant que nous
nous débarrassons de nos manteaux et prenons
place sur les quatre uniques tabourets du lieu. La
salle est si exiguë qu’elle est vite envahie par l’odeur
du graillon. 30 secondes plus tard, nos sandwichs
de boulettes de pois chiches, dites falafels (99
roubles), sont prêts à déguster. Ça, c’est de la restauration rapide ! Un peu trop peut-être puisqu’ils
sont froids. Quelques secondes aux micro-ondes
et retour dans nos assiettes… trop chauds cette
fois ! Les boulettes de falafel sont à point mais le
pain pita, les légumes et le houmous sont ramollis
par la chaleur, alors qu’ils sont justement censés
apporter toute la fraîcheur à cette spécialité culinaire du Proche-Orient.
Alors que nous essayons de nous concentrer
pour manger nos sandwichs proprement et sans
en perdre la moitié, David, le directeur du lieu,
explique comment reconnaître un bon falafel. De
ses grosses mains, il rompt une boulette en deux :
« Vous voyez, la couleur verte montre que c’est bon
produit, si c’est jaune, c’est un faux ». Contentes de
GET LAID
manger de vraies boulettes, nous observons qu’une
petite bière avec ne serait pas de refus. L’homme
aux gros sourcils noirs est étonné qu’on puisse
penser accompagner un falafel d’une bière. Il n’en
propose pas, mais nous indique où nous pouvons
en trouver. Dans la « cabine » d’à côté, un jeune
garçon sert des bières pression au verre pour 66
roubles. Dans cet endroit absolument hors du commun, trois types déjà bien alcoolisés ingurgitent
leurs bières comme de l’eau. Retour au fast-food où
David ne se vexe pas devant les boissons rapportées.
Au contraire, il note que la bière manque au menu
de la gargote qu’il a conçue lui-même et nous demande des conseils sur la marque à commander.
Cet homme, d’origine géorgienne, s’aperçoit
rapidement que ses trois seules clientes de la soirée
sont françaises. Il entame alors un long monologue sur les lieux qu’il a visités dans la capitale française : « Ah… Paris ! » s’exclame-t-il à plusieurs
reprises en français. « Place Vendôme, jardin des
Tuileries, Champs Elysées, Euro Disney… » Celui
qui assure qu’il est le seul à faire ses propres falafels
à Moscou se souvient de ceux qu’il a goûtés dans le
Marais… et nous fait alors revisiter Paris. David fait
l’ambiance à lui seul. Ce qui rend finalement le lieu
sympathique. Mais un trouble-fête, venu de la bicoque d’à côté, entre en titubant pour commander
un sandwich. Le service est terminé. David a définitivement rangé ses falafels et ses chakchoukas (120
roubles). Il faudra revenir le lendemain matin pour
la formule petit-déjeuner (de 39 à 49 roubles). L’intrus insiste. L’atmosphère s’alourdit soudainement.
La serveuse nous lance un regard effrayé en nous
faisant comprendre qu’il faut quitter l’endroit. 40
minutes après être entrées, nous partons en hâte.
Un vrai fast-food.
Gabrielle Leclair
Korolevskiï Falafel
26, Ousatcheva oul., Ousatchevskiï Trade House
+ 7 (495) 363 11 91
publi-reportage
Les Beatles vus
par une star du
blues moscovite.
Levan Lomidze et
les Blues Cousins
(Russie)
Les 25 novembre et 23 décembre.
Blues, harmonica, guitare, vocal
L’idée, c’est un mini-festival consacré au travail du
quatuor légendaire de Liverpool, au cours duquel
seront jouées, à côté des grands hits des années 70,
les créations immortelles des Beatles. Des musiciens d’un tel niveau réunis sur la scène du jazz-club
Soyouz kompozitorov, ça ne se rate pas ! Le leader
des Blues Cousins, Levan Lomidze, est le premier
guitariste russe reconnu aux États-Unis, où il a donné plus de 100 concerts, dont des apparitions dans
les plus prestigieux festivals blues du pays. La presse
américaine a réagi avec fougue, admiration et enthousiasme au succès vertigineux des Blues Cousins. Levan Lomidze a été sacré meilleur musicien blues de
l’année par les auditeurs de l’émission Doctor Blues
(Open radio). Il figure également au panthéon des dix
plus grands guitaristes de Russie.
Cynthia
Saunders
(USA)
Les 18,19 et 20 novembre.
Jazz, vocal.
Dans le monde de la
musique, on l’appelle
Cynthia Jazz. Cette vocaliste jazz brillante et pénétrante apaise l’âme et insuffle la soif de vivre à tous
ceux qui l’entendent. Armée de son ravissant sourire, Cynthia s’entretient chaleureusement avec
son public, l’attirant dans son monde musical et
emplissant ses auditeurs d’émotions fortes et nouvelles. Sur elle, les critiques jazz ont écrit ceci :
« Cynthia possède une voix très belle, qui embrasse
les styles du passé, du présent et même du futur. Et
elle est également un remarquable auteur de chansons… À toutes les compositions jazz interprétées par
Cynthia vient s’ajouter la douceur toute particulière
de la voix de la chanteuse, qu’il s’agisse de ballades
jazz émouvantes et éternelles ou de mélodies latinoaméricaines vivantes et épicées. »
Jazz-club « Soyouz kompozitorov »
Moscou, Brioussov per., 8/10 str. 2, M° Okhotnyï riad,
Tel : +7(495) 629 65 63, www.ucclub.ru
CUISINE GASTRONOMIQUE
Ouvert de 11h à 1h du matin
www.artistico.ru
[email protected]
Kamergersky per. 5/6, Tél. : 692 40 42, Fax : 692 52 71
Unités
nationales
Je n’ai toujours pas compris ce
qu’était le Jour de l’Unité nationale – j’avoue ne pas avoir trop
cherché non plus – si ce n’est
un jour férié en plein milieu de la
semaine et, en toute logique, une
occasion pour mes amis moscovites de sortir jusqu’au matin.
Rendez-vous dans le restaurant situé au cinquième étage
de la synagogue Bolchaïa Bronnaïa, peuplé d’un sympathique
mélange de Russes, de Français,
et même un Amerloque, filles et
garçons, gay et straight, 25-35
ans. Dans le lot, quelques expat’
que je ne connais pas encore. Le
problème des expat’, c’est qu’ils
finissent forcément par quitter
Moscou, et qu’ils se débrouillent
toujours pour plier bagages au
moment précis où l’on commençait à s’attacher. Comme quoi,
en amitié aussi, il vaut mieux
consommer local.
Après un chachlik kasher
surépicé (290 roubles), direction
Solianka où, comme dans toutes
les discothèques de Moscou, on
se demande en arrivant si l’on n’a
pas confondu l’entrée du night
club avec celle du club d’aérobic.
Car quand les Moscovites dansent, ils n’y vont pas à moitié !
La nuit se poursuit au Proekt
OGI. Autre ambiance, moins
branchée peut-être, mais tout
aussi animée. Les effluves de vodka ont remplacé celles des eaux
de toilette. On discute, on rit, on
danse. On est bien.
Résultat des courses :
2 verres de vin à la synagogue
(600 roubles la bouteille de Carignan), 4 vodkas tonic (210
roubles au Solianka), quelques
gorgées de Long Island bues
ici et là dans les verres de mes
amis (500 roubles), 1 vodka shot
(70 roubles à OGI), 1 Sambuca
flambée (250 roubles), une pinte
de Baltika (100 roubles), encore
quelques gorgées de gin dans une
after je ne sais plus où, et bien
trop de cigarettes (20 roubles le
paquet dans n’importe quel cabanon). 8 heures du matin. Retour
en taxi, et en (très) bonne compagnie.
Guillaume Clément Marchal
Restaurant de la synagogue
Bolchaïa Bronnaïa
Bolchaïa Bronnaïa oul., 6, str. 3
Métro : Tverskaïa
+7 (495) 202 45 30
Solianka
Solianka oul., 11/6, str. 1
Métro : Kitaï Gorod
s-11.ru, +7 (495) 221 75 57
Proekt OGI
Potapovskiï per., 8/12
Métro : Tchistye Proudy
+7 (495) 627 53 66
18
Du côté de chez vous
Le Courrier de Russie
Du 12 au 26 novembre 2010
www.lecourrierderussie.ru
Retrouvez à chaque numéro du Courrier de Russie le clin d’œil
pratique pour votre expatriation !
LA CHRONIQUE DES EXPATRIES :
All’eau !
A votre arrivée en Russie, les premiers conseils
que l’on vous donne ont trait à la santé ! Et vous
entendrez régulièrement : « Ne buvez jamais
l’eau du robinet ! ». N’exagérons rien ! L’eau
est potable, même si elle se caractérise souvent
par un petit goût inhabituel. Encore convientil, selon les organismes, de ne pas en ingurgiter
de grandes quantités qui pourraient éventuellement générer de petits
désagréments.
En tout cas, si vous êtes du genre ultra-prudent, vous pourrez toujours vous rabattre sur les bouteilles d’eau minérale vendues dans les
supermarchés, ou plus simplement encore, louer, voire acheter une fontaine d’eau et ses réserves.
Les sociétés de distribution d’eau potable pour fontaine sont nombreuses et, parmi les plus connues en Russie, figurent Vitelia, Nestlé
Waters, Cone-Forest et Korolevskaya Voda. Leurs tarifs de service sont
sensiblement équivalents…
La fontaine d’eau, dite en russe « cooler », selon le terme anglais,
vous permettra d’avoir à domicile de l’eau fraîche ou chaude. Vous pourrez l’acheter dès votre arrivée (entre 4000 et 8000 roubles pour une fontaine) et vous ferez des économies si vous prévoyez de vivre plus d’un an
à Moscou. Un détail d’importance : en cas de problème, toute intervention vous coûtera le déplacement du spécialiste et la réparation Autre
option, pour une somme encore raisonnable, la location de la fontaine
(400 roubles mensuels) qui permet un remplacement gratuit de matériel en cas de dysfonctionnement.
Pour ces fontaines, les bombonnes d’eau d’une capacité de 19 à 23
litres, se commandent par 3 minimum, pour une somme d’environ 250
roubles pas bombonne. Pour un couple avec un enfant, vous pouvez tabler globalement sur une consommation de 4 bouteilles par mois en été
et de 3 bouteilles en hiver.
La livraison des bombonnes est gratuite. Dans la majorité des cas,
vous êtes livrés le lendemain de la commande, rarement le jour même.
Avec l’avantage appréciable de ne pas avoir à monter tous ces litres
d’eau au domicile, surtout quand l’ascenseur est inexistant dans votre
immeuble ! Sachant qu’il vous faudra trouver un endroit où stocker les
bombonnes de réserve…Petit détail d’importance relatif à la livraison :
si, pour plusieurs sociétés, cette livraison s’effectue dans une fourchette
approximative de 3 heures, Nestlé et Cone-Forest sont généralement
respectueux des horaires convenus.
A savoir également : l’eau qui vous est proposée n’est pas une eau
minérale particulière mais l’eau fournie par les services techniques de la
ville et traitée par les soins de la société. Ce qui incite certains à s’approvisionner en plus de bouteilles d’eau minérale qu’ils avouent consommer « sans modération »…
Se mettre à l’eau, soit ! Mais sachons quand même raison garder !
\Yan SOTTY *
* Yan Sotty est directeur de « Wellcome Abroad Relocations»,
société de services pour expatriés en Russie
www.wellcomeabroad.ru
Spécialiste de:
la Chasse aux appartements
la Gestion des Baux de location
les Services complets d'aide à
l'installation
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Vivre en hauteur: les pours et les contres de
la vie en gratte-ciel
I
l y a deux catégories de gens. La première se compose de
personnes bien ancrées au sol, qui aiment la terre et qui préfèrent rester auprès d’elle. Elles rêvent d’une maison avec
pelouse et jardin potager, n’importe où, mais pas en ville.
Et puis, il y a cette seconde catégorie qui, malgré ses airs de
respectabilité plane toujours dans les nuages. Ce sont les enfants des mégalopoles, ceux pour qui le vacarme des villes est
comme le bruissement des feuilles qui tombent, le chuchotement confus de la paisible rivière.
Pour cette dernière catégorie, le comble du bonheur se situe au 40e étage d’un gratte-ciel. Ces bâtiments sont pensés et
construits pour eux, un peu comme « des villes dans la ville ».
Y vivre témoigne d’un certain statut social. La quasi-totalité
des constructions de ce type font partie des classes « business »
et « élite ». Bien entendu, les acheteurs potentiels de ces biens
immobiliers à Moscou ont des revenus confortables.
Il y a bien sûr avantages et inconvénients à résider dans un
gratte-ciel. Considérons tout d’abord les points positifs. Outre
le prestige, il y a la place, car en général les appartements sont
plus spacieux que ceux des habitations conventionnelles. Dans
ces « villes dans la ville », les infrastructures sont très développées. En général, ces constructions sont subdivisées en plusieurs zones : bureaux, surfaces commerciales, loisirs... Il est
possible d’y faire ses courses, d’aller au cinéma, de se rendre au
bureau, à la piscine... et tout cela sans sortir de chez soi. Quant
à la pureté de l’air, elle augmente avec l’altitude. Enfin, la vue
est souvent saisissante.
Revers de la médaille : les coûts d’entretiens de telles
constructions sont deux fois plus élevés que ceux des autres
habitations. De plus, s’ils veulent éviter les imbroglios, les résidents doivent se mettre d’accord sur le choix des entreprises
de maintenance. Bien que l’air pompé au sommet soit plus pur,
il est aussi plus raréfié, ce serait un peu comme vivre à la mon-
souterrain. Rénové design. Entièrement
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tagne. L’organisme des citadins doit s’acclimater à ces conditions, et cela n’est pas donné à tout le monde. Par exemple, les
personnes atteintes de problèmes cardiovasculaires devraient
éviter de vivre au-delà du 20e étage. La vie en altitude peut
accentuer des troubles psychiques préexistants, constituer un
terreau favorable à l’apparition de phobies, voire favoriser les
pulsions suicidaires. Principal point de friction entre défenseurs et opposants aux gratte-ciel: l’aspect sécuritaire de telles
méga-structures. Les ingénieurs, quant à eux, affirment que
les habitants des tours sont biens mieux protégés des incendies
ou des accidents électriques, grâce aux systèmes de distribution d’eau et anti-incendie, ainsi qu’à la gestion des ascenseurs,
contrairement à ce qui se fait dans les constructions conventionnelles.
Toutefois, une évacuation de milliers de personnes et leur
mise en lieu sûr en l’espace de 2 ou 3 minutes semble peu
plausible. Ce à quoi tout système sophistiqué ne changerait
probablement rien. En fait, les gratte-ciel, dans un tissu urbain dense, compliquent considérablement le travail des pompiers : l’espace minimal entre le dispositif d’évacuation pour les
étages supérieurs et le bâtiment doit être de 10 mètres, tandis
que l’espace entre la nacelle et le bâtiment doit être de 6.
Les appartements des gratte-ciel représentent une forme
exotique d’habitation pour une clientèle non moins exotique :
des gens aisés, aventureux, amateurs de sensations fortes, qui
apprécient les vibrations d’une mégalopole et pour lesquels
«être au sommet», c’est vivre au sommet. Quant à JeanClaude Van Damme, il garde toujours des parachutes dans son
appartement non moins haut perché.
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Le Courrier de Russie
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Jean-Félix de La Ville Baugé
Quant à moi, je considère que toute
chose dirigée contre l’Union Soviétique, contre nous, n’a pas droit à
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« Pour le sommeil de la mort personne n’est trop vieux »
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« Rumeur des boulevards nocturnes.
Le dernier rayon de soleil s’est éteint.
Partout, partout des couples et des couples.
Le frémissement des lèvres et l’audace des yeux.
Je suis seule, ici. Il serait doux d’appuyer sa tête
Au tronc d’un châtaignier !
Dans mon сœur pleure un vers de Rostand.
Comme à Moscou que j’ai abandonné.
Paris la nuit m’est étranger et pitoyable,
Le délire d’autrefois est plus cher à mon coeur.
En rentrant chez moi, je retrouve la tristesse des
violettes
Et le portrait de quelqu’un à l’expression amicale.
(...)
Et non une étoile, je l’avais oublié !
J’avais oublié que votre poésie vient des livres
Et vos critiques de la jalousie.
Vieillard précoce, l’espace d’un instant,
J’ai oublié que vous êtes un grand poète. »
« La guerre, la guerre ! Encens devant les icônes !
Les éperons tintent,
Mais je n’ai rien à faire ni des calculs du tsar
Ni des querelles des peuples ! »
« Traquée dans le monde entier,
Tu as des ennemis sans nombre,
Comment donc t’abandonnerais-je,
Comment te trahirais-je ?
Où trouverais-je la sagesse de dire
Œil pour œil, dent pour dent ?
Ô Allemagne, ma folie,
Ô Allemagne, mon amour ! »
« Je sais la vérité ! Arrière la vérité d’hier !
Il ne faut pas que l’homme se déchaîne contre
l’homme »
Dans le vaste et joyeux Paris
Je rêve d’herbage, de nuages,
Les rives s’éloignent, les ombres se rapprochent
Et la douleur en moi est aussi profonde que jadis. »
« André Chénier est monté sur l’échafaud
Et moi, je vis et c’est là un péché mortel !
Il y a des époques de fer pour tout le monde,
Et il n’est pas de poète celui qui chante quand la
parole est à la poudre ! »
« J’avais oublié qu’en vous le сœur n’est qu’une
vieillesse,
« Un jour adorable créature,
Je ne serai plus pour toi qu’un souvenir,
Perdu, dans ta mémoire aux yeux bleus
Perdu, enseveli, si loin, si loin !
Tu oublieras mon profil au nez busqué,
Mon front auréolé par la fumée de cigarettes,
Mon rire continuel qui agace les gens,
Et la centaine de bagues d’argent sur ma main
laborieuse,
Et notre grenier-cabine de bateau,
Et le désordre de mes paperasses.
Tu oublieras l’année terrible, sublimée par le
Malheur.
Tu étais encore si petite et moi encore si jeune ! »
« Celui qui survit mourra ; celui qui est mort ressuscitera ;
Et les descendants, évoquant le passé, demanderont d’une voix de tonnerre :
« Où étiez-vous ? » La réponse résonnera aussi
comme un coup de tonnerre : « Sur le Don ! »
« Qu’y faisiez-vous ? – Nous y subissions notre
martyre.
Puis enfin, exténués, nous nous sommes couchés
et assoupis. »
Et les petits-fils songeurs inscriront dans leur dictionnaire,
Après le mot Devoir, le mot Don. »
« Où sont les cygnes ? – Les cygnes sont partis.
Et les corbeaux ? – Les corbeaux sont restés.
Où sont-ils partis, les cygnes ?- Là où partent les
grues migratrices.
Pourquoi sont-ils partis ? – Pour n’être pas plumés.
Et Papa, où est-il ? – Dors, dors ! Le Sommeil
Chevauchant le coursier des steppes va venir
nous chercher.
Où nous emmèrera-t-il ? – Vers le Don des
cygnes,
Là, tu le sais, où se trouve mon beau cygne
blanc. »
« Au-delà de quelles mers et de quelles villes
Dois-je te chercher, toi l’invisible, toi l’aveugle ?
Je m’en remets pour les adieux aux fils télégraphiques
Et, appuyée au poteau qui les supporte, je
pleure. »
« Que dois-je faire de ma démesure
Dans un monde où tout n’est que mesure ? »
« Le carré d’une lettre.
Encre et magie.
Pour le sommeil de la mort
Personne n’est trop vieux.
Le carré d’une lettre. »
« Comment ça va la vie avec une autre ?
Plus simple, n’est-ce pas ? »
La réponse à l’enigma du précédent
numéro était : Arkady Gaydamak.
N°178
w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . r u
с 12 по 26 ноября 2010
Михаил Прохоров: «Я не мечтаю»
Многие мечтают оказаться на
его месте. А ему кажется, что
вершина ещё далеко. О сложных
подъемах, крутых спусках
и простых радостях бытия
мы поговорили с Михаилом
Прохоровым, самым удачливым
российским предпринимателем.
D.R.
Начало. Продолжение на с. II.
Афиша
Вера Гауфман
О, NET
Эрика Лакаскада (Eric Lacascade)
Россия. Не пропустите ещё одно
уже три раза с 1987 года. Его новый
совместно с труппой театра Оскара-
музыкальное событие этого года. Если
полнометражный мультфильм «Идиоты
са Коршуноваса из Литвы. Чехов по-
вы до этого обходили Триумфальную
и ангелы», где нет ни одного диалога,
литовски, во французской сценогра-
площадь стороной (мало ли, ОМОН
выходит в российский прокат 18 ноя-
фии, в сопровождении песни Симона
или «Стратегия 31» встанут на пути), то
бря. Маэстро должен сам приехать
и Гарфанкеля «Прощай, любовь»—зре-
ради пианиста Пьера-Лорана Эмара
представлять свой шедевр, гениаль-
лище явно не для консерваторов и не
(Pierre-Laurent Aimard) стоит приехать
для слабонервных.
на станцию метро «Маяковская». В
ния взрослых Бертран Тавернье (Bertrand
Gilliam) охарактеризовал фразой «Где
«Дядя Ваня» (Антон Чехов), театр Оска-
Концертном зале им. П.И. Чайковского
Tavernier) снял «Принцессу де Монпан-
он берет свою наркоту?». В ожидании
В Москве проходит 12-й Международ-
раса Коршуноваса / Городской театр
пройдут выступления знаменитого
сье», которая участвовала в конкурсной
российского релиза можно сходить
ный фестиваль «Новый Европейский
(Вильнюс, Литва), постановка Эрика
французского музыканта, который,
программе Каннского кинофестиваля.
на выставку в галерею «На Солянке»—
Театр» (NET-2010). Тема фестива-
Лакаскада (Франция)
кстати, имел счастье жениться на
Видимо, коса Мелани Тьерри (Mélanie
выставка «Плимптунс» пройдет с 10
ля—staging abroad. Режиссеров-
26, 27 ноября
русской пианистке Ирине Катаевой.
Thierry), исполнительницы главной роли
по 21 ноября. На ней будут представ-
участников забросили в чужую страну
Сцена Центра им. Вс. Мейерходьда,
19 ноября Пьер-Лоран Эмар проведет
Мари де Монпансье, оказалась недо-
лены оригинальные работы автора
и предложили поработать с театраль-
ул. Новослободская, 23
мастер-класс, 20 ноября выступит с
статочно длинной, поэтому никакой на-
для короткометражек Your face, How
ной труппой, которая не говорит на их
http://www.netfest.ru/
Национальным филармоническим
грады фильм из Канн не увез. 21 ноября
to kiss, The cow who wanted to be a
оркестром России под руководством
кино можно будет посмотреть в «Ролане»
Hamburger, Guide Dog и другие.
Владимира Спивакова, а 21 числа
в рамках фестиваля «Арт-Мейнстрим».
«Плимптунс»
состоится его сольный концерт. В
Но можно и подождать официального
10—21 ноября
австрияки с венграми (у них вообще
программе Мессиан, Форе, Равель,
российского релиза 9 декабря. Заинте-
Галерея «На Солянке»
древний союз) и так далее.
Пуленк, Дебюсси.
ресовавшимся есть смысл перечитать
Ул. Солянка, 1/2, стр. 2 (вход с ул. За-
Пьер-Лоран Эмар
Дюма и приготовиться к кровопролитным
белина)
но увидеть с 8 по 28 ноября в центре
19—21 ноября
столкновениям католиков и протестантов
http://solgallery.ru/exhibitions/193
Мейерхольда, театре Наций, театре
Концертный зал им. Чайковского,
на большом экране.
«Практика». В числе постановок, есть
Триумфальная площадь, 4/31
«Принцесса де Монпасье», в прокате с
родном языке. В результате болгары
занимались с немцами, немцы с
латвийцами, латвийцы с русскими,
Пьер-Лоран Эмар выйдет на Триумфальную
Результаты этих экспериментов мож-
ность которого Терри Гиллиам (Terry
9 декабря
пьесы классиков со стажем (Чехов,
Прямиком из Канн
Гоголь), а есть произведения авторов и
Наверное, все уже привыкли, что
В ноябре в российский прокат выходит
французы, которые посещают в этом
мультфильм «Рапунцель», очередная
Идиоты и ангелы
на Солянке
пожалуй, чеховский «Дядя Ваня» в
году Россию, приезжают в рамках
забавная диснеевская анимация по
Аниматора Билла Плимптона (Bill
трактовке французского режиссера
перекрестного года Франция—
мотивам детской сказки. А для развлече-
Plympton) пытались одарить Оскаром
помоложе (Вырапаев, Хандке).
Особого внимания заслуживает,
II
Le Courrier de Russie
12 – 26 ноября 2010
Бизнес
«Политика меня не интересует. Люди,
которые ей занимаются, не вполне
свободны»
Михаил Прохоров
Текст: Жан-Феликс де Ля Виль Боже
Перевод: Вера Гауфман
www.lecourrierderussie.ru
Михаил Прохоров: «Я не мечтаю»
Le Courrier de Russie: Вы преуспели в жизни. К чему Вы стремитесь сегодня?
М. П.: Я не считаю, что преуспел. Я создал
фундамент, чтобы преуспеть в дальнейшем.
Мой успех—в будущем. Если бы я считал,
что всего достиг, мне было бы пора уходить на
пенсию. Раз в семь или восемь лет мне нужно
менять сферу деятельности. Я начинал в малом бизнесе, потом я был директором банка,
потом генеральным директором корпорации,
а сейчас я частный инвестор. Через четыре
года я буду заниматься чем-то другим, ещё не
знаю чем, пока ещё не загадываю.
М. П.: Сама жизнь. Я не делаю ничего, что
мне бы не нравилось. Я обожаю преодолевать трудности. Есть такая русская пословица: «Мы сами себе создаем сложности, чтобы потом их героически преодолевать».
LCDR: Какого рода сложности Вы имеете в виду?
М. П.: Больше всего в бизнесе и в спорте
меня привлекает экстрим. Контролируемый
экстрим.
LCDR: А неконтролируемый?
М. П.: Я беру его под контроль. Я приведу
пример. Я занимаюсь аквабайком. Раньше,
когда волна была больше двух метров, я не
мог делать переворот на 360°. Мне посоветовали потренироваться на батуте, и уже
через 6 месяцев я делал прыжки при высоте
волны 4 и даже 5 метров. Хотя мне тогда уже
было больше 40 лет. Экстрим был взят под
контроль.
LCDR: Вы не чувствуете усталости?
М. П.: Нет, не чувствую. Наоборот, мне всё
время хочется делать что-то новое. После
восьми лет работы в одной области у меня
пропадает чувство «голода», наступает насыщение. И сегодня я как никогда полон энергии и готов осваивать новые горизонты.
LCDR: Собираетесь ли Вы инвестировать
во французскую экономику?
М. П.: Да, но для меня важно, чтобы бизнес
приносил быстрый результат. Нужно найти
самый короткий путь к успеху. Я исповедую
теорию абсолютной лени и стараюсь действовать только в тех сферах, где у меня есть
конкурентное преимущество. В России я могу
найти активы, стоимость которых меньше,
чем та, за которую они продавались бы во
Франции.
LCDR: Есть ли сложности, которые Вас
привлекают больше других?
М. П.: Нет, для меня это комплекс удовольствий, будь то в спорте или в бизнесе. Между
ними есть одно существенное отличие: бизнес—это созидание, а профессиональный
спорт—война. Люди выбирают спорт, чтобы
не воевать. Они бескомпромиссно бьются на
смерть, в то время как бизнес—это всё-таки
дело компромисса.
LCDR: Каким образом Вы ищете активы?
М. П.: Когда мы анализируем актив, мы
сначала составляем план с управляющей
командой, потом смотрим с российским или
иностранным партнёром, равняется ли 1+1
больше двух. Если это так, мы его покупаем.
LCDR: Например?
М. П.: Сейчас мы делаем совместный проект
с французской компанией Dalkia по модернизации российских отопительных систем. На
сегодняшний день эти системы у нас находятся в плачевном состоянии. Наше конкурентное преимущество в том, что в своей работе
мы соединяем опыт Dalkia International и свое
видение российской реальности. Результат
будет замечательным, потому что, как я уже
сказал, на этом рынке есть, чем заняться.
LCDR: Вы занимаетесь поддержкой
культурных инициатив. При содействии
Вашего фонда в Лионе открывается выставка «Неизвестная Сибирь». Почему
именно там?
М. П.: У меня особые отношения с Францией.
Фонд, который я создал, базируется в Сибири,
в Красноярске. Когда мы думали, каким образом отметить перекрестный год России—
Франции, мы заметили, что и Красноярск, и
Лион расположены в географических центрах
своих стран. Конечно, это разные страны. Тем
интересней проследить, как будут взаимодействовать их культуры на выставке. Матрёшкой уже все наелись. Мы хотим познакомить
Францию с новыми представителями российской культуры: молодыми, современными, талантливыми.
LCDR: К культуре у Вас особое отношение?
М. П.: Я понимаю роль культуры, в частности, её влияние на развитие общества.
Начиная с эпохи Ренессанса все важные
общественные трансформации начинались
«Война подразумевает
разрушение того, за что
ты борешься»
с культурных изменений, которые влекли за
собой экономические. Но мне больше нравится спорт. Считаю, что меценат, который
полагает, что разбирается в культуре, может
нанести ей большой вред, так как, вместо
того, чтобы прислушиваться к мнению экспертов, он будет навязывать свое собственное видение. Я же в этом смысле—идеальный меценат! Так как руководствуюсь
холодным рассудком, а не горячим сердцем.
«Я понимаю роль культуры, … но мне больше
нравится спорт»
LCDR: Вы заговорили об эпохе Ренессанса.
Вам, конечно, известна история семейства Медичи. В начале их интересовало
экономическое могущество. Затем они
стремились обрести культурное влияние,
потом политическое и наконец религиозное. На каком этапе находитесь Вы?
М. П.: Я надеюсь, что останусь на первом
этапе.
LCDR: Религия, политика Вас не интересуют?
М. П.: Я слишком далёк от этого. Политика
меня не интересует. Люди, которые ей занимаются, не вполне свободны. В их жизни
нет места маленьким удовольствиям, потому
что над ними всегда довлеет общественное
мнение. Я с уважением отношусь к политикам, но иногда думаю: как можно настолько
любить власть? Я слишком ценю качество
жизни и радость жить, поэтому я останусь на
первом этапе семейства Медичи.
LCDR: Расскажите о Вашем отношении
к Франции.
М. П.: Франция и Россия—это страны, где
я провожу больше всего времени. В Москве
я работаю, а как только у меня появляется
свободное время, уезжаю во Францию отдыхать. У меня есть слабость: я гурман, и французская кухня—моя любимая. Каждый раз
для меня это огромное испытание, потому
что я слишком много ем и потом мне нужно
отрабатывать по 5–8 часов в спортзале!
LCDR: Что еще Вам нравится во Франции, кроме еды?
М. П.: Атмосфера. Там есть нечто такое, что я
не могу объяснить. У меня становится больше энергии. Наверное, это то, что мне как
раз и нравится во Франции, мощная энергия.
LCDR: Забавно, французы, которые живут в Москве, говорят прямо противоположное…
М. П.: Это закон систем. Когда человек постоянно живет в пределах одной системы, он
не ощущает энергию, которая в ней заложена. Но при этом он может ощутить энергию
чужой системы, если вдруг в ней окажется.
«Я обожаю преодолевать трудности»
LCDR: Что не оставляет вас равнодушным?
LCDR: Баскетболисты забавно бы смотрелись рядом с некоторыми бизнесменами. Для Вас бизнес—это война?
М. П.: Мне жаль людей, которые воюют в
бизнесе. Им это не доставляет удовольствия.
Нужно уметь воевать, но война—это крайняя мера, компромисс—значительно более
эффективен. Война подразумевает разрушение того, за что ты борешься. Я это выяснил
путем собственных ошибок. Теперь я знаю,
что войны нужно избегать любыми способами.
«У меня нет кумиров»
LCDR: Есть ли люди, которыми Вы восхищаетесь во Франции или в России?
М. П.: У меня нет кумиров. Во Франции мне
нравится Николя Саркози. Законы, которые
он принимает, вызывают во мне уважение.
Каждый раз, когда он что-то делает, ему противостоят профсоюзы. У него очень сложная
задача. В РСПП я возглавляю комитет по социальным вопросам, и там я иногда чувствую
себя в шкуре французского президента.
LCDR: Комитет по социальным вопросам?
М. П.: Да, мы занимаемся всем, что имеет отношение к социальному аспекту бизнеса, и от
этого у меня часто болит голова!
LCDR: А какими именно вопросами Вы занимаетесь?
М. П.: Мы занимаемся системными законами,
которые позволили бы увеличить эффективность нашей экономики. Россия находится
между Европой и Азией: в Европе уровень >
Культура
«Еще
ни один политический
режим не сверг национальную
кухню»
Вивиан Шокас
>
производительности и социальные стандарты высоки. В Азии производительность высокая, а социальная защищенность низкая. В России существуют
высокие стандарты социальной защиты,
но производительность низкая, и это
плохо согласуется с глобальной конкуренцией. Я бы хотел сделать Россию более конкурентоспособной, дать людям
возможность много работать, не нарушая трудовой кодекс, и много зарабатывать. Мои предложения непопулярны, но
я буду продолжать на них настаивать.
Текст: Габриель Леклер
Перевод: Инна Дулькина,
Вера Гауфман
Фото: Галина Кузнецова
LCDR: Вы говорили как-то, что не
читаете романы, только эссе. Может быть, есть французский писатель, чьё творчество Вам всё-таки
близко?
М. П.: Да, есть романист, который на
меня сильно повлиял: Ги де Мопассан.
Во всех смыслах. А вообще мне очень
интересны футуристические теории, я
их использую, чтобы планировать свое
будущее. Мир сейчас развивается очень
быстро. Простой пример: у меня есть
месторождение меди. Я знаю, что сейчас ведутся эксперименты по созданию
нового материала с улучшенными свойствами по сравнению с медью. Я должен
всё знать о продвижении этих работ, чтобы продать мое месторождение до того,
как этим новым металлом все начнут
пользоваться.
LCDR: Мне попалась на глаза фотография, на которой молодой сержант Прохоров марширует во главе
взвода. О чём он мечтает?
М. П.: Я не мечтаю. Я люблю жизнь, мне
столько всего нужно успеть, встретиться со множеством интересных людей! У
меня нет времени на мечты.
LCDR: А ночью?
М. П.: Ночью я сплю. ‫ڤ‬
Le Courrier de Russie
12 – 26 ноября 2010
www.lecourrierderussie.ru
На вкус Кремля
Жером Риго – первый иностранный шеф-повар в Кремле. Уже около трёх лет он
готовит блюда, которые отправляются прямиком на стол президенту.
«Нужно увеличить продолжительность рабочего дня»
LCDR: Расскажите, что Вы предлагаете.
М. П.: Я предлагаю упростить процедуру увольнения и уменьшить пособия по
безработице: нужно давать меньше денег
человеку на руки, и больше вкладывать
в его переподготовку. Расходы, вероятно,
возрастут, но тогда у нас будет больше
подготовленных сотрудников, которые
увеличат производительность труда.
Вторая мера—позволить людям работать дистанционно. Третья мера—увеличить продолжительность рабочего дня:
российский трудовой кодекс запрещает
работать больше 8 часов в день, в то время как многие молодые люди хотели бы
работать больше, чтобы зарабатывать
больше. Надо сделать так, чтобы трудовые договора заключались таким образом, чтобы те, кто хочет больше работать,
могли это делать. Четвертая мера —
упростить классификацию профессий. В
России есть каталог профессий, который
включает 7000 категорий, в то время как
в развитых странах их число не превышает 700. Представьте расходы, связанные
с этими 7000 категориями! Я предлагаю
составить новый каталог с привлечением
предприятий и организовать обучение
новым специальностям.
III
Ж
ером Риго (Jérôme Rigaud) на кремлевской кухне с января 2008 года.
Когда интересуешься, как ему это
удалось, он скромно отвечает, что оказался в
«нужном месте в нужное время». Впрочем, на
протяжении его карьеры таких возможностей
у него было немало.
Жером родился в Абиждане, столице
Кот-д’Ивуара, в семье преподавателей. Там
же и провел первые 16 лет своей жизни. Когда
ему было 19, Жером играл за сборную Перпиньяна по регби. Но случилась неудача: бесстрашный француз разорвал связки колена, и
на любимом увлечении пришлось поставить
точку. Мечта стать инспектором полиции тоже
оказалась невыполнимой. «Это было для
меня огромным разочарованием»,—признается Жером. «Разочарование» длилось недолго. Однажды знакомый официант предложил
Жерому поработать на новогоднем банкете.
Опыт оказался удачным, и в 22 года Жером
понял, что у него есть призвание. «Я решил
открыть ресторан».
Но вначале пришлось поучиться. С наставниками Жерому повезло. Ими оказались
повара мишленовских ресторанов Жоэль
Робюшон (Joël Robuchon) и Мишель Труагро (Michel Troisgros). Когда пришло время
искать работу, он указал в резюме эти две
фамилии, поместил в сеть и стал ждать предложений. Из большого их количества понастоящему заинтриговало его только одно: от
ресторана «Эльдорадо» из сумрачной снежной Москвы. «Я ничего не слышал об этом
ресторане, в интернете тоже ничего о нём не
нашёл,—рассказывает Жером.—Но я решил
приянять вызов, посмотреть, способен ли я
выжить в чужой среде». Оказалось, что да.
Через два года работы в Эльдорадо, Жерома
переманил к себе Игорь Бухаров, владелец
ресторана «Ностальжи».
Еще через два года Игорь предложил Жерому помочь ему в организации президентского
банкета. Через пять месяцев он был принят на
работу на кухню Кремля, где готовят завтраки, обеды и ужины для президента, премьерминистра и патриарха. «Я согласился, потому
что сам процесс найма происходил очень плавно. Если бы я заранее знал, сколько мне придётся работать и с какими ограничениями придётся столкнуться, я бы десять раз подумал».
Повар под присмотром
Ровно пять месяцев понадобилось спецслужбам, чтобы выяснить, кто такой Жером, чем
занимаются члены его семьи, близкие друзья
и дальние знакомые. Даже сейчас он под наблюдением: «Меня прослушивают 24 часа в
сутки,—уверен Жером, — это нормально, что
за мной следят, я ведь работаю на президента
одной из крупнейших держав мира». Чтобы
приготовить обед для президента, Жером удаляется в спецкухню. За ним следуют люди в
белых халатах и погонах с двуглавыми орлами.
Под их бдительным взором, француз разбивает яйца и месит тесто. Но убедиться в этом мы
не смогли, ведь в это помещение нас, разумеется, не пустили.
«Самое сложное—это приспособиться к
ритму»,—признается Жером. Вот уже три
года как у французского повара не было отпуска. Времени хватает только на сон, да и то
не всегда. «Мне могут позвонить в 10 часов
вечера и сказать, что завтра в другом конце
города будет банкет на 200 человек». Зато
работу не назовешь рутинной. Для каждого
банкета нужно придумывать новое меню. А
еще контролировать выбор посуды, продуктов, количество официантов и поваров.
Настроения поваров, кстати, за последнее
время заметно изменились. В русской кухне стали отчетливо слышаться французские
ноты.
С приходом Жерома на кремлевских застольях еду стали подавать в семь приёмов,
каждому гостю отдельную порцию. Больше
не нужно тянуться вилкой к салату в дальнем
левом углу, с риском задеть локтем важного
соседа. Новый девиз кремлёвской кухни —
поражать не количеством, а разнообразием.
Благодаря французскому повару, Дмитрий
Медведев смог попробовать черную соль,
тайваньский чай и французский шоколад
Weiss. Под началом Жерома трудятся 30 поваров. Они собственноручно готовят фуа-гра
и нередко задерживаются на работе, чтобы
перенять у французского повара новые секреты. «Мне повезло. Мои коллеги очень
трудолюбивы и никогда не жалуются. Не то
что французы!»,—смеётся Жером.
Замечают изменения и старейшие работники комбината. Кто-то жалеет, что больше не подают поросячьи тушки и осетров с
веточкой петрушки. Кто-то радуется, что на
кремлёвскую кухню приплыли дорада и тюрбо. Говорят, президент очень любит рыбу. И
ещё поговаривают, что Дмитрий Медведев
гораздо требовательней в выборе блюд, чем
Владимир Путин. И что питаться он хочет
«как в Европе». Новые идеи в политике, новые блюда на столе...
Жерому в Кремле очень нравится, но о своей давней мечте он не забыл. «Это последнее
место, где я работаю по найму»,—говорит
он, лукаво улыбаясь. А потом—собственный
ресторан на испанском или австралийском
побережье. «Я буду заниматься там тем
же, что я делаю сейчас: готовить необычные
блюда из обычных продуктов». Но случится
это не сегодня и даже не завтра. «Я уйду, когда почувствую скуку. А пока мне скучать не
приходится». ‫ڤ‬
IV
Le Courrier de Russie
12 – 26 ноября 2010
Экономика
«Если вы инвестируете в сектора, которые привлекают государственное руководство не так сильно, как
нефть, газ, металлы, то вы можете работать спокойно—там будет достаточная прозрачность, в пределах того, что можно ожидать в такой стране, как
Россия ».
Текст: Симон Роблен
Перевод: Вера Гауфман
Евгений Ясин
www.lecourrierderussie.ru
Евгений Ясин: «Равноправных отношений между
государством и бизнесом не существует»
Евгений Ясин – один из самых влиятельных экономистов России. Бывший министр экономики, научный
руководитель Высшей школы экономики (ГУ-ВШЭ), г-н Ясин был одним из ключевых инициаторов постановки
страны на рыночные рельсы.
С
Le Courrier de Russie: Евгений Григорьевич, можно ли сегодня вообще говорить
о рыночной экономике в России?
Евгений Ясин: Конечно, рыночная экономика в России уже существует. Но при этом
ещё недостаточно выстроена институциональная система, которая способствовала
бы её функционированию. Есть проблемы с
защитой прав собственности, с равенством
условий конкуренции, верховенством права.
Работа по совершенствованию законодательства идет, но с большим трудом. Сложности связаны с тем, что в последние 10
лет воздействие государства на экономику
существенно усилилось. Государство объясняет своё вмешательство тем, что рынок
малоактивен, что предпринимателей интересует только выгода, что они не готовы
нести ответственность за последствия своих
действий и т.д.
LCDR: На Ваш взгляд, в этом причина
недостаточной эффективности российских рынков?
Е. Я.: Рынок неэффективен именно из-за
того, что государственный сектор имеет в
нём слишком большой удельный вес. Государственные компании обладают определёнными привилегиями, и государство
оправдывает это тем, что на них возложены
задачи государственной значимости. Равноправных отношений между государством
и бизнесом не существует. В нашей стране
ситуация осложняется ещё и тем, что у нас
частный сектор испытывает давление со стороны чиновников, которые утверждают, что
они действуют от имени государства. Но на
самом деле, зачастую речь идет о преследовании корыстных частных интересов. В этих
условиях бизнес вынужден ограничивать
риски и с осторожностью инвестировать в
российскую экономику.
Новая программа приватизации призвана
решить проблему чрезмерного присутствия
государства на рынке. Она должна быть
принята к исполнению с 2011 года, в соответствии с пожеланиями её инициаторов.
LCDR: А какие институты могут обеспечить успешную реализацию программы приватизации?
Е. Я.: Насколько я понимаю, план приватизации, который был объявлен этим летом,—
это плод усилий министерства экономического развития. По сути его содержания,
могу сказать, что либералы в правительстве
делают попытку вернуться к планам создания институциональной системы, соответ-
D.R.
егодня на повестке дня—новый
проект приватизации. В течение
пяти лет активы крупнейших государственных предприятий (среди
них Транснефть, Роснефть, ВТБ, Сбербанк
и др.) должны перейти в частные руки. Евгений Ясин дает свой анализ сложившейся
ситуации и делится с Le Courrier de Russie
своими размышлениями по поводу новой
экономической программы.
В России достаточно хороших предпринимателей. Проблема в том, что когда они начинают много зарабатывать,
чиновники хотят всё у них отобрать.
ствующей рыночной экономике первого послесоветского десятилетия.
LCDR: Вы считаете, что речь идёт о
возврате к либеральным идеям 90-х годов?
Е. Я.: Сегодня, как и в начале 90-х, государству нужны деньги. Когда стало очевидно,
что кризис опустошил финансовые резервы
страны, было решено, как и тогда, пополнить их за счет частичной приватизации госпредприятий.
Но вопрос в том, что сама по себе приватизация имеет смысл только в том случае,
если контроль над активами передаётся в
частную собственность. Если же контроль
бизнеса остаётся в руках государства, то позитивных последствий, кроме притока денег
от тех дураков, которые будут покупать акции миноритарных пакетов, не будет. Я говорю «дураки», потому что те, кто купит эти
акции, в действительности не смогут оказывать влияния на политику компаний.
То, что идея приватизации стоит на повестке дня, это хорошо, но пока я не вижу
реальных намерений для её реализации.
LCDR: Какие предприятия, на Ваш
взгляд, будут приватизированы в первую очередь?
Е. Я.: Если задачей приватизации является получение дополнительных финансовых
ресурсов, которых не хватает для решения
государственных задач, то в первую очередь
должны быть приватизированы крупные нефтяные компании «Роснефть», «Газпром»
и крупные банки «Сбербанк», «ВТБ» и т.д.
Но если государство планирует начать модернизацию российской промышленности,
то приватизацию следует распространить и
на «Силовые машины» и на производителя
авиадвигателей «Пермские моторы». Надо
сказать, что попытки приватизировать эти
компании уже предпринимались: в первом
случае сделка с Siemens почти состоялась в
2006-2007 годах, а во втором случае в 1990-е
переговоры шли с United Technologies. Но
сделки в обоих случаях были сорваны.
LCDR: Известно ли, как будут проходить тендеры? Россия может гарантировать прозрачность процедур для иностранных инвесторов?
Е. Я.: В тех областях, куда будут допускаться иностранные инвесторы, к моменту начала соответствующих процедур теневые вопросы уже будут решены и их решения уже
будут заложены в условия тендера. Дальше
уже можно рассчитывать на определённую
прозрачность. Впрочем, если вы инвестируете в сектора, которые привлекают государственное руководство не так сильно, как
нефть, газ, металлы, то вы можете работать
спокойно—там будет достаточная прозрачность, в пределах того, что можно ожидать в
такой стране, как Россия.
LCDR: И тем не менее, отличается ли
нынешняя ситуация в России от ситуации в 90-е годы? Могут ли результаты
перераспределения активов на этот раз
быть более предсказуемыми? Ведь когда Гайдар осуществлял свою программу, он думал, что необходимо начать с
создания класса собственников средств
производства и что создание институтов, гарантирующих непреходящий
характер предприятий, будет ответом
на потребность и давление со стороны
частников...
Е. Я.: Во времена Гайдара ситуация была
другая и логика развития событий тоже.
Тогда нужно было проводить приватизацию
в стране, где никакого частного капитала и в
помине не было. Правительство хорошо понимало, как важно найти поддержку среди
индивидуальных предпринимателей. А весь
бизнес в то время—это были, в основном,
мелкие торговцы и банкиры, которые только вчера начали дело. Поэтому первый этап
приватизации заключался в том, что государство выпустило ваучеры и стало раздавать активы.
Затем у правительства возникла необходимость продавать госсобственность по более высокой цене: государство нуждалось в
деньгах, чтобы закрыть «дыру» в бюджете.
Поэтому была проведена денежная приватизация. Кстати, она могла бы оказаться очень
успешной, если бы было принято решение
продавать активы иностранцам. Но иностранцам правительство продавать не решилось: у них было достаточно средств, чтобы
купить всё в этой стране и взять под свой
контроль экономическую политику России.
Кроме того, заинтересованные иностранцы
тогда были сомнительными. Это было просто
опасно. Поэтому правительство решило, что
лучше продавать дёшево, но своим.
LCDR: А как Вы оцениваете сегодняшнюю ситуацию?
Е. Я.: Сейчас положение дел совершенно
иное. Половина активов находится в руках
государства. Что касается другой половины, то среди тех, кто получил госкомпании
в собственность, большинство стали эффективными управленцами. Кто может сказать,
что Потанин плохо управляет «Норильским
Никелем»? Ходорковский был очень эффективным менеджером «Юкоса», и Швидлер,
представитель Абрамовича, был отличным
менеджером компании «Сибнефть»—но
эти компании снова национализировали,
можно даже сказать, экспроприировали.
Назвать то, что произошло с «Юкосом»,
«национализацией» нельзя,—просто отобрали и всё. Да ещё хотят осудить на второй
срок, как будто лично Ходорковский украл
всю нефть. Позор!
В России достаточно хороших предпринимателей. Проблема в том, что, когда они
начинают много зарабатывать, чиновники
хотят всё у них отобрать.
Как приватизировать и кому продавать в
этих условиях? Если у российских бизнесменов есть деньги, то можно им продавать.
Но сегодня уже нестрашно продавать и
иностранцам. Просто должны быть ясные
правила. Если вы не хотите пускать иностранцев в какую-то определенную отрасль,
просто сделайте закрытый конкурс, в котором будут участвовать только русские. Но
надо понимать, что и цена тогда упадёт…
А если вы все-таки хотите совершить чудо
в какой-нибудь отрасли, то путь один: нужно
дать иностранцам возможность инвестировать. ‫ڤ‬

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