Le plomb dans l`architecture gothique des XIIe et XIIIe siècles
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Le plomb dans l`architecture gothique des XIIe et XIIIe siècles
Le plomb dans l’architecture gothique des XIIe et XIIIe siècles : inventaire et analyse matérielle Adrien Arles1, Arnaud Timbert2, Maxime L’Héritier1, Bernard Gratuze1 1 Centre Ernest Babelon, IRAMAT, CNRS - UMR 5060, Université d’Orléans, [email protected] 2 Université Lille 3, UMR - CNRS 8529, [email protected] Introduction Les recherches sur le métal dans l’architecture se sont depuis quelques années ouvertes au plomb. Les observations archéologiques menées sur les monuments en cours de restauration ont révélé, dans la structure lithique, un usage du plomb comme liant, isolant et répartiteur de contraintes et comme matériau de couverture. Au même titre que le bois, le mortier ou le fer, le plomb est un matériau qui ne peut plus être ignoré dans la définition du phasage d’une structure et de sa datation. Dans la perspective d’affiner nos connaissances sur la composition des plombs mis en œuvre, un protocole d’analyse par spectrométrie de masse à plasma (ICP-MS) est développé au Centre Ernest Babelon. L’analyse de corpus de plombs importants d’édifices bien connus par les historiens de l’art et les archéologues du bâti doit révéler des tendances de compositions marquées. Celles-ci pourront alors être reliées aux fonctions du plomb dans les monuments, révéler les phasages dans leur construction et restaurations, trahir différentes sources de métal, voire également suivre l’évolution des procédés métallurgiques de production de ce métal. Utilisations du plomb dans l’architecture gothique Corpus Monument L’emploi du plomb aux XIIe et XIIIe siècles est une réponse technique à une volonté esthétique double : celle d’user de supports monolithes et de réseaux fins. Plombs prélevés (analyses) Date 6 (7) 3 (8) 43 (123) 5 (9) 9 (32) 21 (21) 169 (74) 800 et XIV s. Palais de Charlemagne, Aix-la-Chapelle Eglise Saint-Germain, Auxerre Cathédrale d’Auxerre Cathédrale de Metz Donjon du château de Vincennes Cathédrale de Chartres Couverture de la cathédrale de Beauvais Le support monolithique L’usage du support monolithe au XIIe siècle, souvent porteur d’une lourde charge (tribunes voûtées), impose qu’il soit disposé sur une galette de plomb préfabriquée. Cette galette, faite en plomb ductile permet une répartition des contraintes et évite la formation de fissures (cathédrales de Laon, Noyon, Reims, Senlis, Soissons, …). Total Noyon, Galette de plomb e e XII s. e e XIII - XIV s. e XIV s. e XIV s. e XIII s. e e XIII - XX s. 256 (274) Saint-Denis, trou de coulée Scellements de goujons, Cathédrale d’Auxerre Parfois, le plomb est mis en œuvre par coulée directe, par le biais de trous de coulée ménagés dans le chapiteau et communiquant avec la colonne par un canal. Dans ce cas le plomb est aussi liaisonnant, voire isolant, lorsqu’il enveloppe un goujon de fer. Spectrométrie de fluorescence X Chartres, semelle de plomb et son trou de coulée. Scellement d’agrafe coulé en plusieurs fois, donjon de Vincennes Méthode de terrain : - Spectromètre portable Thermo Scientific Niton Xl3t - Analyse : 1 min après léger décapage mécanique - Données considérées qualitativement Avantages : - Analyse sur le terrain - Oriente la stratégie de prélèvement Les réseaux fins Limites : Crédit : A. Texier Le développement de réseaux fins au XIIIe siècle n’a été possible qu’à la faveur d’un usage abondant de plomb en lieu et place du mortier. Le plomb liaisonne ainsi les réseaux des baies et des triforium de Beauvais, Meaux, Saint-Denis, Strasbourg, tout en favorisant leur étanchéité. - Les raies du plomb interfèrent avec de nombreux éléments LA-ICP-MS (Centre Ernest Babelon) Laser Surface : t=0 Argon Saint-Denis, liaisonnement au plomb Meaux, semelle d’amortissement éjectée sous les contraintes Il permet d’amortir d’éventuelles augmentations de charges et, par conséquent, l’éclatement des réseaux. Le plomb, matériau de couverture C’est aussi pour son étanchéité que ce matériau est utilisé sous forme de tables pour couvrir des monuments prestigieux comme les cathédrales de Beauvais, Clermont, Paris, Reims, ou des monuments plus modestes tels que Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne. Cellule d’ablation t Echantillon de plomb Méthode : - Laser UV Nd-Yag, 266 nm, ablation à 6 Hz. Taille de spot : 100 µm - ICP-MS : Thermo Scientific Element XR - 2 étalons de référence certifiés : MBH Analytical Ltd (83X-PR2-f et 83X-PR7-b) - 3 analyses de 60 s par échantillons avec une mesure de bruit de fond Avantages : Echantillon Cu As Ag Sn Sb Bi Pb - Analyse des majeurs, mineurs et traces VIN21 a 934 25 248 1,76 % 443 73 98,1 % VIN21 b 771 22 209 1,59 % 359 72 98,3 % - Limites de détection très faibles (< ppm) - Pas de préparation particulière des échantillons VIN21 c 850 22 204 1,59 % 328 71 98,3 % VIN21 d 776 23 225 1,66 % 332 74 98,2 % - Rapidité de l’analyse (40 éch. par jour) VIN21 e 974 22 189 1,65 % 326 77 98,2 % - Accès à des données isotopiques Moyenne 861 23 215 1,65 % 358 73 98,2 % Limites : E-tyoe rel 11 % 6 % 10 % 4 % 14 % 3 % 0 % - Le matériau doit être relativement homogène Reproductibilité des analyses pour un même échantillon Premières analyses et résultats : Clermont-Ferrand Beauvais Beauvais (données en ppm si non précisées) - Bonne homogénéité : écart-type relatif < erreur relative machine (≈ 20 %) - Bonne quantification pour Co, Ni, Cu, As, Sr, Pd, Ag, Cd, Sn, Sb, Te, Ba, Pt, Au, Tl et Bi - Difficulté de dosage pour In (interférence Sn) et Zn (non homogène à l’échelle de l’analyse) Conclusion et perspectives Le protocole analytique développé est reproductible avec une très bonne résolution d’analyse. Il faut maintenant l’appliquer à un grand nombre d’échantillons car seule la statistique des analyses permettra de dégager des tendances de composition qui pourront être ensuite reliées aux différentes problématiques liées à l’usage du plomb dans les grands édifices : origine, fonction, phasage de la construction, des restaurations mais également des procédés métallurgiques. Ce type d’analyse mené de concert avec une prospection archéologique du bâti, permet déjà de discriminer, pour les toitures de la cathédrale de Beauvais, des tables appartenant au XVIe siècle. Ce constat, qu’il conviendra de confirmer par comparaison avec les plombs de la flèche de la cathédrale d’Amiens (1531) laisse ainsi entrevoir une modification complète de la toiture après l’effondrement de la flèche en 1573, nous éclaire sur les savoir-faire à cette époque et favorise la réécriture de l’histoire du chantier. Références L. Cuzange, A. Texier, 2000 « Caractérisation de plombs anciens de vitraux », Corpus Vitrearum Newsletter, 47, p. 43-51. M. L’Héritier, S. Aumard, E. Foy, B. Gratuze, V. Detalle, A. Texier, F. Téreygeol, 2009, « La problématique de l’analyse du plomb », Monumental 2009, semestriel 2, p. 104-106. A. Timbert, dir., 2009, L’homme et la matière, l’emploi du plomb et du fer dans l’architecture gothique, Paris, Picard.