Discours de Marie-Anne Montchamp

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Discours de Marie-Anne Montchamp
Discours de Marie-Anne Montchamp,
Secrétaire d’Etat aux solidarités et à la cohésion sociale
au congrès de l’UNAPEI - Besançon – 18 juin 2011
--Madame la Présidente de l’UNAPEI, chère Christel Prado,
Monsieur le Président de l’URAPEI Franche-Comté, Bernard Roux,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Permettez-moi d’abord, chère Christel Prado, de vous dire toute l’estime que j’ai pour
l’UNAPEI et pour vous-même. Au-delà de l’action si souvent décisive de l’UNAPEI, ce sont
les valeurs que vous portez depuis votre création, celles de la solidarité et de l’inclusion
sociale, que je veux saluer. Ces valeurs, vous le savez bien, j’y suis tout particulièrement
sensible.
C’est pourquoi je suis heureuse de pouvoir ce matin, dans cette belle ville de Besançon,
m’adresser à vous en ouverture de votre 51ème congrès, dont l’affiche est si réussie, et dont le
thème est « la vie quotidienne avec son enfant handicapé mental ».
De l’annonce du handicap au parcours éducatif, trop souvent encore véritable parcours du
combattant, la vie de tous les jours avec un enfant handicapé mental ne ressemble certes pas à
celle des familles dites ordinaires, excusez-moi de cette expression. Pour autant, les
priorités des parents d’enfants handicapés mentaux – la santé, l’éducation, l’insertion
professionnelle de leurs enfants – sont les mêmes que celles de tous les parents, mais elles
sont plus difficiles à atteindre. C’est parce qu’elles sont plus difficiles à atteindre que les
parents d’enfants handicapés mentaux savent que l’union fait la force. C’est pour cette raison
qu’ils ont su se regrouper dans des associations comme la vôtre afin d’agir ensemble.
Cette action, votre action, je vous le disais, elle est bien souvent décisive. Le terme n’est pas
galvaudé quand on pense à vos 600 associations représentant 60 000 familles, aux 75 000
professionnels travaillant dans vos 3 000 établissements et services médico-sociaux qui
accompagnent 180 000 personnes handicapées mentales. L’UNAPEI est véritablement un
interlocuteur incontournable et privilégié des pouvoirs publics, et je veux croire, chère
Christel, mesdames et messieurs, que je suis un interlocuteur privilégié pour vous.
Cette Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 8 juin dernier au Centre George
Pompidou à Paris, et à laquelle vous avez participé chère Christel, est justement une
démonstration supplémentaire que rien ne peut se faire dans ce domaine sans les associations.
C’est l’implication des associations dans un véritable partenariat avec les pouvoirs publics,
leur participation qui fait vivre la politique du handicap.
Sans l’impulsion de toutes les associations et tout particulièrement de l’UNAPEI, rien n’aurait
sans doute été possible. Depuis des décennies maintenant, ce sont les associations qui ont
imaginé des modes d’accompagnement, assuré la gestion des structures dédiées, défendu les
intérêts et la dignité des personnes handicapées, permis que cette question soit inscrite sur
l’agenda politique. C’est à elles, c’est à vous, membres de l’UNAPEI, que nous devons les
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progrès immenses que notre pays a réalisés dans ce domaine. Sans votre participation
constante et exigeante, pas de politique du handicap !
Cette participation, la loi du 11 février 2005, que j’ai eu l’honneur de porter, en a fait un
principe intangible.
Il s’agit bien sûr de la participation des personnes handicapées à la société, objectif de toute
notre action. Mais la loi a également consacré le principe de la participation des personnes
handicapées aux décisions qui les concernent. Pendant trop longtemps, on a voulu décider
pour elles de ce qui était bon pour elles, comme si c’était le médecin, l’expert qui devait
définir les directions de nos vies ! La loi a voulu redonner les manettes de leur vie aux
personnes handicapées et à leurs familles : elle a fait rentrer les associations dans toutes les
institutions mises au service de cette politique.
Il y va de l’efficacité même de cette politique, comme d’ailleurs de toute politique. Cette
efficacité, elle exige en effet, dans nos sociétés si complexes, l’association de tous les acteurs
institutionnels ou associatifs, nationaux ou locaux, de tous les bénéficiaires et les usagers à
l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques. C’est le nouveau partenariat que je ne
cesse d’appeler des mes vœux.
Cette participation, vous la faites vivre au sein des Maisons Départementales des Personnes
Handicapées (MDPH), aux côtés de nos conseils généraux et de l’Etat pour lesquels vous êtes
des partenaires et bien souvent des aiguilleurs.
C’est contribuez ainsi à l’amélioration de l’accueil, de l’information des personnes
handicapées. Je connais votre très forte mobilisation, grâce à vos milliers de bénévoles, dans
les commissions des droits et de l’autonomie. C’est notamment en reconnaissance de votre
mobilisation et du principe de participation incarnés par ces commissions que la Président de
la République n’a pas retenu l’idée de modifier la pondération des voix pour l’attribution de
l’AAH. Vous m’aviez alertée sur le symbole très forme d’une telle mesure. J’y avais été, vous
le savez, très sensible.
Vous avez accompagné la montée en puissance du droit à compensation à travers la Prestation
de Compensation du Handicap, cette prestation innovante que vous aviez appelée de vos
vœux et qui apporte à plus de 150 000 personnes les aides de la vie quotidienne.
C’est vous, enfin, qui rendez possible, par votre capacité de réponse, d’innovation et de
gestion le développement de l’offre d’accompagnement des adultes et enfants handicapés
dans les établissements et services, accompagnant en cela l’effort budgétaire constant des
pouvoirs publics décidés, il y a trois ans dans le cadre du plan pluriannuel de création de
places qui prévoir la création de plus de 50 000 places en 7 ans.
Cette participation, c’était l’intuition géniale du général de Gaulle, exprimée dès le discours
d’Oxford en 1941 en pleine guerre. Cette conviction, il la martelait encore le 7 juin 1968 :
« c’est la participation qui, elle, change la condition de l’homme au milieu de la civilisation
moderne ». Je pense à lui en ce jour, d’abord parce que c’est l’anniversaire de l’appel du 18
juin, ensuite car lui aussi avait une enfant handicapée mentale, la petite Anne. On sait
l’attachement immense qu’il éprouvait pour sa fille. Lors de son enterrement, elle est morte en
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1948, le Général, dévoré par le chagrin, se tourna vers son épouse et eut ses mots terribles :
« Maintenant, elle est comme tout le monde. »
C’est parce que nous voulons que les enfants handicapés mentaux puissent être considérés
comme tout le monde, dans une société ouverte et tolérante envers la différence, comme des
citoyens à part entière, que le Gouvernement agit avec détermination pour l’accessibilité,
l’éducation et l’emploi des personnes handicapées.
L’accessibilité est la condition même du vivre ensemble.
Pour pouvoir participer à la vie de la Cité, encore faut-il y avoir accès !
Vous pouvez être assurés de la détermination du Président de la République et du
Gouvernement sur ce sujet. Lors de la CNH, le Président l’a répété : l’objectif de 2015 est
plus que jamais maintenu.
Cela s’entend, naturellement, pour tous les handicaps. Je sais combien vous êtes investis dans
ce chantier, notamment par le remarquable travail que vous conduisez avec la démarche
d’apposition de votre pictogramme S3A, pour « accueil, accompagnement et accessibilité ».
Mais la clef de l’avenir, c’est sans doute le nouveau paradigme de la conception universelle,
celui-là même pour lequel nous avons créé l’Observatoire de l’accessibilité ET de la
conception universelle. La conception universelle vise à concevoir des produits et des
environnements qui soient, accessibles, compréhensibles et utilisables par tous, sans devoir
recourir à des adaptations ou des conceptions spéciales.
Expression de la dignité et garantie des droits fondamentaux, la conception universelle est
aussi un formidable levier d’inclusion sociale. En respectant toutes les aptitudes humaines, en
cherchant une solution commune pour tous, la conception universelle, en somme, nous invite
à faire société.
Faire société, voilà qui repose la question de la citoyenneté.
La citoyenneté des personnes handicapées mentales passe par l’éducation.
Je ne reviendrai pas sur les IME, IMPro, CLIS, ULIS… tous ces acronymes qui font votre vie
quotidienne, pas plus que je ne vous rappellerai les acquis de la loi de 2005 que vous
connaissez tous.
Je veux juste vous redire la détermination du Président de la République, rappelée à la CNH,
et du Gouvernement à relever ce défi, car c’en est un. Ce défi que nous avons commencé à
relever ensemble est une « priorité absolue », soyez-en sûrs, pour les pouvoirs publics.
L’éducation de nos enfants, c’est la priorité de toutes les familles françaises. La réussite
scolaire de nos enfants, c’est une mère et une grand-mère qui vous parle, est une
préoccupation constante pour tous les parents. Elle l’est bien évidemment tout autant pour les
parents d’enfants handicapés.
L’action du Gouvernement dans ce domaine a été énergique et résolue : aujourd’hui près de
220 000 enfants handicapés sont inscrits à l’école de la République, soit 50 000 plus qu’en
2005. L’effort ne se relâche pas, puisque ce chiffre progresse de plus de 10 000 enfants
supplémentaires chaque année.
Mais il ne suffit évidemment pas de leur ouvrir les portes de l’école. Il faut les accompagner
de manière personnalisée afin qu’ils puissent étudier dans de bonnes conditions. Dans ce
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domaine, nous ne partons plus de rien aujourd’hui, puisque ce sont près de 57 000 auxiliaires
de vie scolaire qui sont auprès des élèves.
Le Président de la République a annoncé, lors de la CNH, une amplification de cet effort,
notamment par le recrutement, dès la rentrée 2011, de 2000 assistants de scolarisation pour
accompagner les enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire. Naturellement, vous serez
associés aux travaux préparatoires pour que tout se passe dans les meilleures conditions pour
vos enfants à la rentrée prochaine. Je sais que mon collègue Luc Chatel y sera très attentif.
Je vois bien cependant qu’à l’école, le succès quantitatif ne doit pas nous dispenser de nous
attaquer à question de la qualité de l’accueil réservé aux enfants handicapés, encore trop
souvent confrontés aux réticences et crispations du milieu scolaire et des familles des autres
élèves.
L’éducation des enfants handicapées est également portée par les établissements médicosociaux, dont le travail est très souvent remarquable. S’ils ne peuvent y aller, l’école doit
venir à eux. La coopération entre le secteur spécialisé et le secteur ordinaire doit être
renforcée, elle le sera, la CNH a été l’occasion de le démontrer.
Il nous faut donc maintenir l’effort sur l’ouverture et la création de places supplémentaires
dans les établissements et services médico-sociaux, j’y suis, vous le savez, particulièrement
attachée. 22 258 places sur 51 400 ont d’ores et déjà notifiées aux ARS dans le cadre du Plan
pluriannuel de création de places
Cet investissement dans l’éducation des enfants handicapés, c’est aussi, bien sûr, un
investissement dans l’autonomie de leur vie d’adulte, c’est la clef leur insertion
professionnelle. C’est une évidence, la citoyenneté des personnes handicapées exige leur
accès à l’emploi, l’emploi sous toutes ses formes, dans le secteur adapté, bien entendu, mais
aussi dans le secteur ordinaire. Nous ne pouvons plus admettre de nous passer de la richesse
mais aussi de la capacité productive et créative des personnes handicapées.
Vous le savez, ma conviction profonde, c’est que lorsque nous agissons pour les personnes
handicapées mentales, nous agissons pour tous.
Rien ne serait plus faux que de considérer la politique du handicap comme de nature
sectorielle et d’esprit corporatiste. Les personnes handicapées et leurs familles sont
confrontées aux problèmes qui sont au cœur des préoccupations de l’ensemble de leurs
compatriotes : l’éducation et l’emploi. Mais, du fait de leur handicap, ils les subissent de
manière plus accusée que les autres et méritent donc réellement d’être plus aidés que les
autres.
De plus, les réponses spécifiques qu’appelle le handicap sont utiles à toute la société. Il en va
ainsi de la recherche génétique si prometteuse, dont tant de découvertes majeures proviennent
des travaux sur le handicap.
Enfin, cette politique volontariste que nous menons pour le handicap est, ne l’oublions pas, un
véritable laboratoire d’une politique sociale moderne. Une politique qui tourne le dos à
l’illusion d’un Etat surplombant la société civile, omniscient, omni-compétent. Une politique
qui estime indispensable d’associer les personnes concernées à l’élaboration et à l’évaluation
de l’action publique. Une politique qui n’oublie pas le rôle fondamental des solidarités
naturelles et tout spécialement de la famille. Une politique qui cherche à construire un
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partenariat souple et dynamique entre l’Etat, les collectivités locales, les entreprises, les
partenaires sociaux, le monde associatif et les individus.
C’est dans cet esprit que je souhaite que tous les partenaires soient associés à la création d’un
Comité opérationnel d’évaluation et de suivi de la deuxième CNH. C’est tous ensemble que
nous réussirons, dans ce domaine du handicap, à réaliser les promesses de notre République.
Notre République, qui met au cœur de son projet l’exigence d’autonomie et de participation.
Notre République, qui a l’égalité des chances pour ambition.
Notre République, qui fait le pari de la citoyenneté qui transcende les particularismes.
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