24 NOV 05 - Fondation pour la Mémoire de la Shoah

24 NOV 05
Hebdomadaire Paris
OJD : 370893
74 AVENUE DU MAINE
75682 PARIS CEDEX 14 - 01 44 10 10 10
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CULTURE
L'édition
du Journal
Seul temoignage d'un homme
politique nazi de premier
plan sur une période couvrant
deux décennies, le Journal
de Joseph Goebbels nous est
parvenu sous deux formes :
6 783 pages de notes manus1923-1941, et 36 000 de textes
dictés, allant de 1941 à 1945.
Confisquées par les Soviétiques en 1945, la plus grande
partie des notes du Journal se
trouvent dans divers dépôts à
Munich, Washington. Moscou,
Berlin, ainsi qu'à Stanford.
Certaines étant parvenues en
Occident à la suite d'obscurs
trafics. Cette transmission
tortueuse explique que la plupart des précédentes éditions
du texte soient partielles ou
fautives. La découverte d'un
«microfichage» sur plaques
de verre - copie de sûreté
réalisée sur ordre de Goebbels
- à Moscou en 1992 a permis
l'établissement d'une édition
scientifique complète, publiée
en 28 volumes par l'Institut
d'histoire contemporaine
de Munich entre 1993 et
2005, sous la direction du
professeur Horst Môller. Il lui
a fallu néanmoins trouver un
arrangement juridique pour la
publication avec le banquier
suisse François Genoud, héritier de Goebbels et d'autres
dirigeants nazis.
C'est un choix de textes des
années 1943-1945, annotés
par Pierre Avcoberry, professeur émérite à l'université
de Strasbourg et spécialiste
reconnu de la Seconde Guerre
mondiale, que publient les
éditions Tallandier. Ce premier
volume sera suivi par trois
autres, tes droits en seront
versés a la Fondation pour la
mémoire de la Shoah •
Joseph Goebbels etsa fille
Helga chez Adolf Hitler
à l'Obersalzberg, près de
Berchtesgaden, en 1938
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Evénement les éditions Tallandier publient
le Journal qu'a tenu le ministre de la Propagande
du III6 Reich, Joseph Goebbels Un document unique
sur les coulisses du nazisme et la psychologie de
l'âme damnée de Hitler
PAR FRANÇOIS DUFAY
** fl n me présente toute une séné de journaux et de re\\ 11 vues britanniques d'où ressort un grand respect pour
\J ma personne et mon travail Le News Chronicle me
désigne comme le plus dangereux de toute la bande des nazis
Je puis être her de ces louanges »
Toute la personnalité de Joseph Goebbels tient dans ces
quelques lignes qu'il a tracées dans son journal à la date du
17 avril 1943 Deja publiés en Allemagne les hallucinants carnets, ou le ministre de la Propagande du IIIe Reich consignait
chaque soir son labeur démoniaque et ses vues sur le monde,
sont enfin rendus accessibles au public français Ces 700 pages, qui se lisent d une traite permettent de suivre au jour le
jour la folie destructrice de celui qui resta jusqu'à la chute finale le plus fidèle seide de Hitler Né en 1897, ce Rhénan minuscule afflige d un pied bot avait traîné une existence de raté
jusqu'à ce que son entrée dans les rangs nationaux-socialistes
en 1925 lui permette d'exprimer son talent de
publicitaire et de donner libre cours à ses rancœurs A la
tête d'un ministère «pour l'Education populaire et la propagande », il organisa le pogrom géant de la « Nuit de cristal » en
1938 Frustré, pendant la guerre, d'être confiné à son ministère
de la parole, on le voit dans les annees couvertes par ce journal (1943-1945) se déchaîner
Goebbels ne se contente pas de refaire le montage des actualités, jamais assez dramatiques et percutantes, de défier
Hollywood par longs-métrages de la Uia interposés « Voulezvous la guerre totale ?- hurle ce nabot aux traits creusés, au
regard magnétique, dresse sur ses ergots, sous les tonnerres
d applaudissements du Sportpalast. Car la mobilisation impitoyable de toutes les energies, c'est son leitmotiv Ah, si on
l'avait écoute, on n'en serait pas là 1 Les défaites lui donnent
enfin la chance d'avoir gam de cause auprès de Hitler Eperdu
d'admiration, il note religieusement ses entretiens avec son
idole au « repaire du loup » ou dans le md d'aigle de Berchtesgaden, tandis que partent en fumée les villes allemandes Conversations de psychopathes, émus par les chiens et l'opéra,
devisant de ce qu'ils feront après la guerre ('), ou du sort à réserver à tel ou tel traître Car, après Stalingrad, la liste des saboteurs rendus responsables du désastre ne cesse de s'allonger Goring l'incapable, les Italiens, les aristocrates de la
Wehrmacht, les Eglises et même, sur la fm, les SS1 Quant aux
juifs ces«rafs», leur sort a déjà été réglé -Les Allemands savent que tous les ponts ont été brûlés derrière eux-, écrit Goebbels, en une claire allusion à la Shoah plus moyen de reculer,
le peuple allemand tout entier a trempé dans le cnme
Sous sa plume perverse, les mots « fanatique » ou « hystérique » prennent un sens positif, et même les revers deviennent
des outils de persuasion Maîs la propagande la mieux faite
ne peut occulter I étau inexorable qui se resserre sur l'Allemagne La lecture de la presse internationale devient bientôt un
supplice pour le Reichmmister Surmenage, tension nerveuse,
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eczéma et paranoïa rythment ces pages à mesure que s'approche le châtiment Finies les tempêtes d applaudissements,
constate Goebbels en haranguant les ouvriers dans les dé
combres de Dusseldorf Russes et Américains enfoncent les
Panzerdivisions Pendant ce temps, le Fuhrer prend le thé chez
son fidèle ministre, caresse la tête de sa ribambelle d'enfants
en robe longue et culotte de peau, dont tous les prenoms commencent par un H
Douze ans jour pour jour après que Goebbels s'y est installe, son ministere est pulvérise par les bombes anglaises
Dans Berlin encerclé, il n'a plus qu'une armée de fantômes à
galvaniser 700 fusils pour défendre la capitale du Reich contre les hordes soviétiques ' Qu'importé Dans I atmosphère
de fin du monde du bunker, jusqu'à la dernière goutte d'encre,
la dernière goutte de sang, Joseph Goebbels, prenant à témoin
la postérité, poursuivra son plaidoyer grotesque et fascinant
pour le mal •
Stalingrad et de venir ensuite la libérer
[ I
Cela me pousse à exposer mon programme encore plus
brusquement Je répète toutes les pensées, toutes les propositions que j'ai si souvent défîmes, le long de ces pages, comme
mon programme Je le résume par l'expression « Programme
de réorganisation de la patrie » et l'intitule «Conduite de la
guerre totale» [Totale Kriegsfuhrung] II comprend le service
obligatoire du travail pour les femmes, la dissolution de toutes les institutions et les entreprises non nécessaires ou sans
ntérêt pour la guerre, la subordination totale de l'ensemble
de la vie civile à l'effort de guerre
Le Fuhrer accepte d'emblée tout ce que je lui présente, sans
aucune difficulté Au contraire, sur certains points il va encore plus loin
[ I
Nous avons désormais le champ libre En ce qui nous
concerne, le Fuhrer lâche la bride Je sais que j'aurai, du
EXTRAITS
t^fait de mes mesures, beau23 JANVIER 1943
dcoup d'ennemis caches, maîs
Stalingrad est perdue!
gcela ne m'intéresse pas Si,
A midi, je déjeune seul avec le
8à l'aide de celles-ci, nous gaFuhrer dans son abri II comggnons la guerre, je serai l'aumence tout de suite l'entretien
feteur de ces mesures devant
avec l'analyse de la situation
=l'Histoire
£ Ma seule crainte pour le momilitaire, telle qu elle a ete présentée dans les comptes rendus
ïment, c'est qu'il arrive quelque
^chose au Fuhrer II a quand
quotidiens II me montre un exI même déjà 54 ans, ce qui n'est
posé concernant la conduite
des Italiens, document qui a été
pas à prendre à la légere Lui
aussi me dit qu'il est souffrant
transmis par des officiers du
de temps en temps et qu'il ne
front au Fuhrer je dirais presse sent plus capable d'affronter
que que c'est un appel au se
de lourdes épreuves Nous decours L'exposé est tellement
atroce que le Fuhrer m'ordonne
vons donc d'autant plus veiller
à ce que les soucis extérieurs
de ne jamais en divulguer le Hitler et Goebbels en promenade a I
lui soient épargnes Nous voucontenu à qui que ce soit On
ne peut que se révolter devant autant de légèreté, de cynisme lons les lui ôter Malgré toutes ces crises, tout ce poids, la force
et de lâcheté Les Italiens ont toujours éte, il est vrai, une bande intérieure du Fuhrer demeure admirable II sait aussi bien que
de pleutres, maîs jamais sans doute ils ne s'étaient montres nous tous que nous luttons désormais pour notre existence,
aussi lâches [ ]
maîs décide a mener le combat jusqu au bout, le Fuhrer reste
Le Fuhrer est aussi tres mécontent de la Luftwaffe, qui n'a fermement convaincu que ce combat se soldera par notre
tenu en aucune façon ses promesses Ces derniers temps, elle victoire
fonctionne un peu mieux, depuis que Milch a pris en main l'organisation des transports aériens vers Stalingrad Maîs cela
Le jeune major, qui fut, sur ordre du Fuhrer, le dernier à
reste très insuffisant Ce que reçoit Stalingrad est tout juste s'envoler de Stalingrad fait son rapport chez le Fuhrer et ensuffisant pour ne pas mourir, maîs c'est trop peu pour vivre suite chez moi Sa description de la situation a Stalingrad est
Nous devons vraisemblablement nous faire a l'idée que les bouleversante Les troupes n'ont plus de nourriture, plus de
22 divisions sont perdues [ ]
munitions, plus de combustible Elles sont assises en rang
Au milieu de I entretien survient un coup de télephone dans leurs abris, affamées et transies de froid Image d'une
de Zeizler la situation a Stalingrad est tres sérieuse Les antique grandeur Les mots manquent pour décrire ce drame
bolcheviques ont enfoncé les lignes allemandes sur 6 kilo- héroique A Stalingrad, on se console avec l'idée que le Nibemetres Nos troupes ne sont plus capables de résister, elles lungenliedn'es\ rien en comparaison, ce qui est exact dans les
sont tellement diminuées physiquement par la faim et le faits Très amaigri, ce jeune officier au rapport a l'œil creusé,
froid qu'elles sont absolument incapables de se battre La il parle avec agitation, maîs s'en tient aux faits II dépeint le
nouvelle atteint profondement le Fuhrer II avait espère moral des troupes comme étant au-dessus de tout éloge On
qu il serait encore possible de conserver une force armée à ne peut qu'admirer le courage héroique dont font preuve ces
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gens simples pour la cause du Reich Dans leurs lettres, ils
font leurs adieux à leur famille puis ils regardent la mort en
face et combattent jusqu'à la dernière cartouche Dans toutes
les unités circule la question « Pour qui sera la dernière balle,
pour le Russe ou pour moi 7 » Ils sont très peu a se rendre à
l'ennemi [ ] Quel héroïsme, quelle dure et sanglante leçon
pour nous, leçon que nous ne pouvons pas ne pas retenir1 Si
j'avais encore aujourd'hui quelques réticences à réaliser mon
programme, je devrais avoir honte
En soirée, certains invités ont déclaré à plusieurs reprises
que cette manifestation était une sorte de coup d'Etat silencieux Nous avons sauté bien au-dessus des obstacles que la
bureaucratie avait dresses devant nous La guerre totale n'est
plus l'affaire de quelques hommes avisés elle est désormais
soutenue par le peuple Plus personne, au niveau des dirigeants, ne peut s'y opposer Espérons que la phrase que j'ai
placée à la fm de mon discours deviendra realité «Peuple,
lève-toi et que souffle la tempête »
Dans I abri du Fuhrer, nous restons devant la cheminée en
compagnie de Speer pendant de longues heures II règne une
atmosphère mélancolique Les nouvelles en provenance de
Stalingrad sont oppressantes Maîs nous devons essayer de
prendre sur nous Le Fuhrer se réjouit beaucoup de me voir
rester la nuit entière auprès de lui Moi aussi, je suis heureux
de lui tenir compagnie en cette journée tragique II me
prie avec insistance de revenir le plus souvent possible au
grand quartier général ll déclare qu'il a beaucoup de choses à me dire et que ma présence à ses côtés le rassure
Cet aveu du Fuhrer me comble
de joie
27 OCTOBRE 1943
Rêve à deux sur une paix séparée. En ce qui concerne la
possibilité d une paix séparée avec les Anglais ou avec les Soviétiques, je maintiens mon point de vue, qui est diamétralement opposé à celui du Fuhrer Le Fuhrer pense qu'on pourrait
arriver à un arrangement avec les Soviétiques, sur la base de
ce qui s'est passé en 1939 après la campagne de Pologne Nous
aurions alors les mains libres à l'Ouest et nous poumons
^anéantir l'Angleterre a partir
^de la base d'opérations que
^constitue la côte atlantique II
^faudrait ultérieurement nous
z demander comment nous proscurer à l'Est l'espace qui nous
^estvitalement nécessaire Maîs
cela ne se produira pas nécessairement dans un proche avenir D'une manière quelque peu
résignée, le Fuhrer dit qu'il sera
vraisemblablement devenu trop
âgé pour pouvoir mener à bien
ce combat
31JANVIER1943
« Voulez-vous la guerre totale ? » L'après-midi à 5 heures
a lieu la manifestation tant attendue au Sportpalast L affluence est impressionnante,
dès 16h30,leSportpalast,complet, doit étre interdit d'accès
L'ambiance rappelle la fureur
Je développe en détail au
sauvage du peuple Le public
Fuhrer ma these sur le rapport
appartient à toutes les couches
de forces existant en Angleterre,
Distours de Goebbels au Sportpalast de Berlin, le Sl janvier 1943
du gouvernement jusqu à l'obssur la doctrine de la balance of
cur ouvrier des arsenaux Mon discours laisse l'impression la power, sur révolution de la guerre en ce sens, guerre que l'Anplus profonde Dès les premières phrases, il est interrompu gleterre est assurée de perdre sur le plan politique si elle la
par des tempêtes d'applaudissements La réaction du public continue comme elle l'a menée jusqu'à maintenant En un mot
est à peine descriptible Jamais le Sportpalast n'a connu de comme en cent, je produis toutes les raisons valables que
scènes aussi agitées qu'à la fm de la manifestation, quand j'ai nous avons pour montrer au Fuhrer qu'un rapprochement
posé au public mes dix questions Le public répond alors avec avec le parti anglo-américain présenterait beaucoup d'avanun tonnerre d'approbations Je croîs que cette manifestation tages Je renvoie surtout à l'exemple de 1932 Dans la lutte
fera grande impression non seulement sur le Reich, maîs aussi pour prendre le pouvoir en Allemagne, ce n'est pas avec le
sur les pays neutres et même sur le camp ennemi Les Berli- communisme que nous nous sommes entendus pour abattre
nois ont été fantastiques Ils ont, par exemple submergé Al- la ploutocratie, maîs c'est avec la ploutocratie que nous
fien d'une tempête d'applaudissements, dors que tous savent nous sommes entendus pour abattre le communisme Malgré
à quoi s'en tenir avec Ies Italiens Les Berlinois sont le public tout, le Fuhrer ne se laisse pas totalement convaincre par
le plus politique que nous ayons actuellement dans le Reich mes arguments même s'il y trouve bien des éléments
Sont présents presque tous les membres du gouvernement, séduisants
de nombreux Reichsleiter et Gauleiter, et presque tous les secrétaires d'Etat Pour tout dire, l'assemblée représente un 29 JUIN 1944
échantillon de tout le peuple allemand Je pense que je suis Une mauvaise nouvelle de Paris. Une nouvelle épouvantaen grande forme oratoire, je mets la salle dans un état qui ble vient de nous parvenir de Paris Le ministre français de
s'apparente, sur le plan spirituel, à une mobilisation totale
l'Information, Henriot, a été abattu dans son lit, sous les yeux
de sa femme, par un groupe de quinze terroristes Avec Men-
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riot nous perdons l'un dés plus précieux appuis de notre politique en France. Henriot était un homme intègre et un bon
Européen. Lors de sa récente visite à Berlin, il m'avait fait une
excellente impression. Je suis fermement convaincu que derrière cet assassinat se cache le Secret Service, car Henriot
avait une influence étendue sur l'opinion publique française
et les Anglais avaient vraisemblablement résolu de se débarrasser de cet ennemi gênant. La politique anglaise, d'un point
de vue moral, fait preuve de bassesse. On ne peut d'ailleurs
s'imaginer qu'elle puisse tomber encore plus bas que le stade
qu'elle a atteint pendant cette guerre.
23 JUILLET, 3 ET 23 AOÛT 1944:
Après l'attentat manqué contre Hitler. Puis je revois le
Fûhrer. Il sort de son abri pour venir à ma rencontre. Nos premières salutations me bouleversent. Je suis ému au plus prefond de mon être de le voir devant moi, parfaitement sain et
sauf. Cette scène ne manque pas d'une certaine solennité. J'ai
le sentiment de me trouver face à un homme qui travaille sous
la protection de Dieu. L'apparence du Fûhrer est toutefois celle
d'un homme fatigué. Son front laisse apparaître encore des
blessures superficielles ; il boite légèrement, car il a été brûlé
aux jambes, et le bras avec lequel il prenait appui sur la table
des cartes lors de l'attentat présente aussi des contusions. A
part cela, le Fûhrer n'a rien.
[...]
La seule chose qui me préoccupe, c'est que le Fûhrer est
devenu très vieux. Il donne une impression de fragilité, causée
par ses blessures. Tout son être est caractérisé par une extrême bonté. Je ne lui ai jamais connu de chaleur personnelle
aussi intense qu'en ce jour. On ne peut que lui porter une extrême affection. C'est le plus grand génie historique qui vive
à notre époque. Avec lui, nous parviendrons à la victoire, ou
nous sombrerons héroïquement.
[...]
A midi j'ai encore une discussion avec Keitel sur la procédure du procès du 20 juillet. Le Fiihrer a donné l'ordre de constituer un tribunal d'honneur composé de maréchaux et de
généraux, dont Rundstedt, Keitel, Guderian, Scherff, Specht
et quelques autres. [...] Ceux qui seront condamnés à mort
seront pendus en vêtements de bagnards. Voilà une décision
qui m'est agréable, tout comme elle plaira au peuple allemand
tout entier.
[...]
Pour ce qui se rapporte au procès de lundi prochain, le
Fiihrer s'est déclaré d'accord avec la procédure que j'ai proposée. Le tribunal d'honneur siège vendredi. Vendredi soir, le
Fûhrer donnera son consentement aux requêtes que lui adressera cette juridiction. Je publierai le texte de ces requêtes dans
la presse et j'y ajouterai un commentaire adapté et percutant.
Quant au Tribunal du peuple, j'y enverrai toute une armada
de journalistes de première classe qui rédigeront sur le sujet
un compte rendu formidable destiné au grand public. Je recevrai au préalable Freisler le samedi et repasserai avec lui point
par point la façon dont le procès doit se dérouler. On ne tolérera pas de plaidoiries verbeuses ou de débats prolixes ; les
accusés n'auront pas la possibilité de proférer des insanités
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pacifistes ; ils devront s'exprimer uniquement par rapport aux
faits. Le Fûhrer attache un prix particulier à ce que soient
éclaircis certains détails particulièrement défavorables aux
accusés, comme l'information selon laquelle ils avaient préparé un premier attentat à Klessheim.
[...]
On me projette une bande du film du procès Helldorf.
C'est pour moi l'occasion de constater avec accablement
l'effondrement de Helldorf devant le tribunal. Il fait ses déclarations sur un ton souvent pleurnichard ; il ne fait aucune
tentative pour enjoliver son attitude et doit concéder ouvertement avoir agi en traître et s'être comporté sans foi ni loi
envers le Fûhrer. C'est assez bouleversant pour moi de voir
dans un rôle aussi pitoyable cet homme jadis si proche
de moi.
23 ET 26 AOÛT 1944
La bataille de France. En ce qui concerne la bataille en
France, les Alliés placent de grands espoirs dans l'activité du
maquis français. Effectivement, nous avons été quelque peu
dépassés par les mouvements clandestins, ce que je n'avais
vraiment pas prévu. C'est notre intelligente et clairvoyante
politique étrangère qui a réussi à transformer finalement des
Français pacifistes en combattants nationalistes. On ne peut
guère s'imaginer de pire fiasco que celui de notre politique
vis-à-vis de la France. Les Anglais et les Américains n'ont pas
eu grand-peine à se rendre maîtres de la population française.
La politique que nous avons conduite en France leur y a offert
toutes ces conditions favorables.
3 DECEMBRE 1944
Fumistes. C'est avec intérêt que je prends lecture des lettres
que des sommités de lavie culturelle ont écrites à l'invitation
de Hinkel, afin de témoigner, dans ces journées que nous traversons, de leur foi dans le Fûhrer. La majorité de ces lettres
sont plus que positives à cent pour cent. II s'en trouve aussi
dans le lot quelques-unes émanant de roublards qui croient
échapper à l'actuelle profession de foi empressée de la nation
envers le Fûhrer en se contentant d'un témoignage terne et
insignifiant. Je vais prendre note de ces fumistes pour m'occuper d'eux plus tard.
4 DECEMBRE T944
Un thé avec Hitler. Le Fûhrer nous cause à tous une joie extrême en faisant son apparition vers la fin de l'après-midi pour
venir prendre le thé avec nous. Cela fait sensation, car il y a
des années que le Fûhrer a cessé de faire des visites privées.
Mais il a d'emblée accepté l'invitation de Magda et il se réjouit
d'être à nouveau chez nous dans notre cercle familial. On imagine aisément le bonheur de la famille. On le reçoit comme s'il
faisait partie de Ia famille et les enfants ont mis pantalons et
robes longues pour l'accueillir.
Le Fûhrer se félicite vivement que notre maison soit, par
rapport à d'autres, parfaitement intacte et il s'enthousiasme
pour les enfants, qu'il n'avait pas revus depuis près de
quatre ans. Il s'émerveille de tous, en particulier de Helga et
de Hilde, qui sont devenues déjà de vraies petites dames.
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Quant à Hedda, elle est l'objet de son intérêt et de sa sympathie.
ll ne l'a connue que bébé et voit déjà en elle une jeune beauté
resplendissante. Il retrouve pour Holde la sympathie particulière qu'il lui témoignait déjà naguère. Et il porte spécifiquement dans son cœur Helmut, qui est devenu un garçon épatant. Le Fùhrer reste chez nous pour le thé pendant deux
heures, dont nous utilisons chaque minute à bavarder et à
évoquer des souvenirs. Il s'étend de façon circonstanciée sur
les problèmes de l'art dégénéré à propos de quelques tableaux
de bonne facture que nous avons accrochés en son honneur
dans les pièces de la maison. On parle aussi de questions musicales. Le Fiïhrer est très impressionné par la violence de la
guerre aérienne que mène l'ennemi et les pertes que nous y
déplorons lui causent une grande douleur. Mais il souligne une
nouvelle fois qu'il a tout fait pour éviter ce type de guerre, ce
qui est parfaitement conforme à la réalité. Il n'a négligé aucun
moyen pour faire en sorte que la guerre se déroule selon des
formes humaines. Mais c'est
Churchill qui a toujours poussé
pour que la guerre revête cette
forme barbare.
14 MARS 1948
Les Juifs réapparaissent...
28 MARS 1945
Une ambiance de fin du monde. Le jardin de la chancellerie du Reich offre un spectacle de désolation. Ce n'est qu'amas
de décombres. On est en train de renforcer les installations
de l'abri du Fùhrer. Ce dernier est fermement résolu à rester
à Berlin pour le moment, même si la situation se dramatise.
Dans l'entourage militaire du Fùhrer, il règne une sorte d'ambiance de fin du monde, preuve que le Fùhrer n'a rassemblé
autour de lui que des caractères faibles sur lesquels il ne peut
s'appuyer en cas d'urgence. [...]
Le Fùhrer fait inébranlablement confiance asa bonne étoile
dans ce dilemme du front, c'en est tout bonnement admirable.
On a toujours l'impression qu'il vit dans les nuages. Mais il est
déjà si souvent descendu des nuées, tel un deus ex machina.
Il persiste dans sa conviction que la crise politique au sein du
camp ennemi justifie nos plus grands espoirs, si peu que nous
puissions en parler actuellement. Je regrette qu'on n'arrive
pas à le décider à entreprendre une action qui fasse mûrir la
Cerise au sein de l'ennemi. Il ne
"procède à aucun remaniement
de personnel, que ce soit dans
le gouvernement du Reich ou
dans la diplomatie. Goring reste
en poste, Ribbentrop reste en
poste.
Les juifs réapparaissent au
Le Fùhrer fait montre, à l'ocgrand jour. Leur porte-parole
casion de cette discussion,
est ce Leopold Schwarzschild,
d'une largeur de vues comme
de sinistre réputation, qui plaide
rarement. Je suis très heureux
dans la presse américaine pour
de jouir de sa confiance pleine
que l'Allemagne n'ait droit sous
et entière. J'aimerais tant l'aider
aucun prétexte à un traitement
dans tous ses gros soucis ; mais
de faveur. Ces juifs, il faut les
éliminer comme des rats dès
mes possibilités sont limitées.
qu'on en a le pouvoir. En AlleEn tout cas, je vais tout mettre
en œuvre pour que, au moins
magne, Dieu merci! nous y Goebbels visite le Volkssturm, en basse Silésie, en 1945
avons déjà franchement pourvu.
de mon côté, il n'ait aucun souci
J'espère que le monde prendra exemple là-dessus.
particulier. Toute la question est pour nous, les dirigeants et
les partisans, de combattre, de tenir et de résister. Il faut pen14 MARS 1948
ser en révolutionnaires et, encore plus, agir en révolutionnaiPlus de ministère ! L'attaque de Mosquitos de ce soir est res. L'heure est venue de casser les dernières coquilles d'œufs
particulièrement lourde de conséquences pour moi, car elle des bourgeois. Les demi-mesures ne sont plus d'aucun seatteint notre ministère. Le beau bâtiment de la Wilhelmstrasse cours. L'heure a sonné pour les hommes accomplis et pour
est complètement détruit par une mine. La salle du Trône, la les actions intégrales. Si terrible que soit la situation, on peut
galerie Bleue et lasalle du Théâtre, que j'avais fait reconstruire, en venir à bout en y mettant toutes nos forces.
ne sont plus qu'un champ de ruines. Je pars aussitôt pour le
ministère pour aller constater de visu les ravages. Le cœur se
Le soir venu, après l'attaque des Mosquitos, je feuillette
serre à l'idée qu'une œuvre d'art architecturale unique dans toute une série de papiers privés qui remontent à l'époque de
son genre comme ce bâtiment ait été rasée en une seconde. notre combat politique et qui étaient restés au fond des arQuel mal nous étions-nous donné pour reconstruire la salle moires fortes. Cette lecture éveille en moi une accumulation
du Théâtre, la salle du Trône et la galerie Bleue dans le style de souvenirs mélancoliques. On dirait qu'ils m'adressent un
d'autrefois ! Quel soin avions-nous apporté à chaque peinture salut, du loin de ces temps heureux qui ne reviendront
murale, à chaque meuble! Et tout cela est devenu la proie de plus*
la destruction. [...]
Extraits de «Joseph Goebbels Journal 1943-1945»,
Cela fait exactement douze ans jour pour jour que j'ai fait traduit de l'allemand par Dominique Viollet, Gaël Cheptou
et Eric Paunowitsch Introduction de Horst Meller
mon entrée, le 13 mars, en tant que ministre dans ce ministère. Etablissement et annotation du texte français par Pierre Ayçoberry
(Tallandier, 766 pages, 35 €).
Bien mauvais présage pour les douze ans à venir.
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