HAMLET William Shakespeare Livret du professeur Victoire
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HAMLET William Shakespeare Livret du professeur Victoire
HAMLET William Shakespeare Livret du professeur Victoire Feuillebois Agrégée de lettres modernes Élève de l’École normale supérieure L’étude de Hamlet (1600-1601) s’inscrit dans le cadre des programmes de seconde et de première : cette pièce permet de travailler les objets d’étude « théâtre » et « le théâtre, texte et représentation » (2de et 1re). PRÉREQUIS ET PRÉLIMINAIRES On détaille ici quelques connaissances requises pour l’étude de Hamlet. LE CONTEXTE HISTORIQUE : L’APOGÉE DE LA RENAISSANCE Tout d’abord, il faut connaître les mutations qui ont marqué le XVIe siècle en Europe et en Angleterre, puisque ce pays a subi une évolution à part (sur le plan religieux et politique). Cette époque représente une période d’affirmation du pouvoir royal (évolution inédite par rapport à celle des autres pays européens, marqués par le passage d’un pouvoir féodal parfois arbitraire à une pratique monarchique plus raisonnée et moderne). L’Angleterre est le seul pays à connaître ce durcissement d’un pouvoir qui devient en grande partie absolu. L’époque voit aussi le triomphe de la mentalité baroque qui se définit par un intérêt profond pour le monde et ses beautés, et par une crainte de la mort et du caractère éphémère et borné du temps humain. Époque paradoxale, d’autant plus difficile à cerner que ces repères sont sensiblement différents de ceux de l’histoire française. Il conviendra donc d’étudier les soubassements historiques et idéologiques de la période (cf. « L’œuvre dans l’histoire », p. 165). On consultera : – Jean-Jacques Mayoux, Shakespeare, Aubier Montaigne, coll. « Homme de théâtre », Paris, 1982 : introduction à l’œuvre et au temps de Shakespeare. Son style enlevé en rend la lecture très agréable. – Henri Fluchère, Shakespeare, dramaturge élisabéthain, Cahiers du Sud, 1948 : introduction rédigée par le spécialiste qui a régenté la critique shakespearienne française pendant des décennies (disponible chez Gallimard, coll. « Tel »). – Romain Sanvic, Le Théâtre élisabéthain, Lebègue, Bruxelles, 1955 : un texte qui mériterait d’être réédité, l’une des rares introductions complètes et synthétiques sur le sujet. – Daniel Ménager, Introduction à la vie littéraire du XVIe siècle, Bordas, Paris, 2003 : traitant essentiellement de la France, cet ouvrage comporte d’excellentes pages sur le contexte idéologique de la période. Pour dynamiser cette présentation, on propose des activités fédérées par deux problématiques : d’une part, on montre que le triomphe du baroque introduit une mise en question du monde qui n’est plus qu’un ensemble d’illusions et où le théâtre, illusion d’une illusion, permet de rétablir un discours de vérité et de contenir les angoisses de 1 l’homme devant un monde qui semble lui échapper ; d’autre part, on insiste sur la modernité de cette pièce qui a ouvert une voie fondamentale en littérature, celle de la mise en abîme et de l’autoréflexivité. On s’appuie sur le corpus de textes fournis à la fin de la section « L’œuvre dans l’histoire ». LECTURE D’IMAGE On pourra étudier Les Ambassadeurs (1533) de Hans Holbein, qui évoque les acquis de la Renaissance au niveau des droits de l’individu : représentation solennelle des personnages (des hommes et non plus seulement des fonctions), nombreux appareils scientifiques et livres évoquant la capacité nouvelle à conquérir le savoir. Le tableau dit la constitution d’un pouvoir fort qui rassemble autour de lui une nouvelle classe de courtisans, hommes de mérite pouvant venir de milieux modestes et non plus seulement héritiers de nobles familles. En même temps, dans le coin supérieur gauche de la toile, une minuscule croix présente derrière le rideau et la tête de mort anamorphosée au sol rappellent la vanité des entreprises humaines. On renvoie aux analyses de Nadeije Laneyrie-Dagen (Lire la peinture, tome 1, pp. 84-86, éditions Larousse, Paris, 2002). On demandera aux élèves de trouver sur Internet ou au CDI d’autres œuvres se rapportant au thème de la vanité (représentation de crânes, natures mortes, présence de la mort et de la déchéance sous une forme ou sous une autre). On pourrait aussi choisir de commenter le tableau de Diego Vélasquez, Portrait du pape Innocent X et sa reprise sanglante par Francis Bacon (il a peint à partir de l’œuvre espagnole plus de trente tableaux). Cette comparaison met en valeur le fait que les artistes contemporains ont été sensibles à la charge d’angoisse et d’inquiétude présente dans des œuvres par ailleurs marquées par leur faste et leur perfection technique. À ce titre, il serait intéressant d’étudier aussi la scène du Hamlet de Kenneth Brannagh, où le héros récite son monologue dans une galerie des glaces qui démultiplie son image à l’infini, donnant ainsi corps à son angoisse et à une potentielle folie. Comme dans les tableaux proposés, le fait de représenter n’a rien d’anodin, même sous des dehors lisses et glacés : proposer une image de soi ou de l’autre, c’est mettre à nu une vérité cruelle, mettre à vif des blessures ontologiques (l’homme est mortel, il possède peu et pour peu de temps). LA TRAGÉDIE Qu’est-ce qui fait de cette pièce une tragédie ? Qu’est-ce qui la différencie des drames ? le fait que les héros sont des rois ? Mais on voit bien qu’Hamlet éprouve des états d’âme qui annoncent le personnage du drame tel qu’il va se développer au XVIIIe et surtout au e XIX siècle : il n’est pas seulement prince, il est essentiellement un être qui doute, en proie à un dilemme dramatique et existentiel. On replacera donc le texte dans l’histoire du genre tragique en proposant à l’étude : – Une définition de la tragédie tirée d’un dictionnaire d’analyse des notions littéraires (« Notions littéraires », Encyclopædia Universalis ou bien Dictionnaire du littéraire sous la direction d’Alain Viala, PUF, 2002). – Un texte tiré de la Poétique d’Aristote où sont exposés clairement les concepts de terreur et de pitié ainsi que la notion de catharsis. – Le fameux monologue de la scène V de Macbeth (« Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow… »), en lisant si possible la fin de l’acte, afin d’évoquer le dénouement de la pièce. Macbeth fait partie des pièces ambiguës, où les frontières entre le drame et la tragédie se font plus floues : théoriquement, la pièce est un drame historique racontant 2 comment l’Écosse a rejoint le trône anglais au Moyen Âge ; en réalité, le personnage est un véritable personnage tragique, avec la même propension au doute qu’Hamlet, quoique l’Écossais fasse montre, pour son malheur, de plus de résolution que le Danois. – La préface et la scène de dénouement de Phèdre de Racine. – La préface et l’un des monologues délibératifs de Lorenzaccio de Musset. Sur tous ces aspects, on consultera A. Couprie, Lire la tragédie, Armand Colin, 2005. LA NOTION DE BAROQUE AU THÉÂTRE Le baroque littéraire que nous connaissons s’est surtout développé en poésie. On mentionnera l’anthologie de Jean Rousset, Circé et le Paon, qui a contribué dans les années soixante-dix à remettre au goût du jour ce courant poétique. Au théâtre, le mouvement a connu un grand succès, sous des formes variant d’un pays à l’autre, mais toujours appréciées du public. On insistera sur les traits communs à l’ensemble du théâtre baroque : complexité des intrigues, personnages multiples, histoires enchevêtrées, dialogues pleins de verve, retournements spectaculaires, goût pour le macabre, langages variés allant parfois jusqu’à la grossièreté. Le professeur pourra proposer à trois élèves ou groupes d’élèves, des recherches sur Le Songe d’une nuit d’été, La vie est un songe de Calderon de la Barca et Les Juives de Robert Garnier : un court résumé de l’intrigue en classe montrera la complexité des œuvres. Si on veut mettre l’accent sur le caractère spectaculaire, voire macabre, de ce théâtre, on comparera des scènes de la Cléopâtre captive d’E. Jodelle, de Roméo et Juliette (dénouement spectaculaire et bref qui se passe dans un tombeau plein de vivants, violence de la double mort finale), de la scène du meurtre sur scène de Lady Mac Duff et de l’insomnie de Lady Macbeth dans Macbeth, du récit des tortures subies par Lavinia au début de Titus Andronicus. Si on veut mettre en valeur le mélange des genres, on proposera une scène où intervient le personnage de Falstaff (Henry V, plutôt que Les Joyeuses Commères de Windsor pour montrer que le genre bouffon n’est pas exclu des thématiques sérieuses), avant d’établir une comparaison avec Jérôme Bosch, Le Portement de la Croix avec Sainte Véronique, où le Christ est entouré de figures grotesques qui renforcent le pathétique de la scène. LA FINALITÉ DE LA SÉQUENCE PROBLÉMATIQUES RETENUES Nous étudierons d’abord d’un point de vue générique la question de la tragédie dans cette œuvre ; puis nous nous attacherons à une perspective idéologique et esthétique en proposant des pistes de réflexion sur le baroque et l’esprit de la Renaissance. Nous verrons dans un premier temps la manière dont le texte shakespearien reprend le mode de fonctionnement de la tragédie telle qu’elle est pratiquée depuis l’Antiquité, avec les apports du Moyen Âge, pour le transformer en un genre d’une grande complexité. Ensuite, au cours de l’étude du baroque et de l’idéologie de la Renaissance, il s’agira de montrer que Hamlet reprend un certain nombre de figures et de thèmes connus, tout en les faisant basculer vers la modernité et en les actualisant dans une économie théâtrale bien précise. Cette étude permet d’examiner des questions de style et de registres propres à un auteur ou à un genre, ou à une époque entière. On pourra choisir d’accentuer l’un ou l’autre de ces points selon le niveau auquel la pièce est étudié : en classe de seconde, il serait 3 intéressant de mettre l’accent sur l’inscription de la pièce dans l’histoire littéraire et la pensée de l’époque, afin de donner des repères, tandis que les élèves de première auraient avantage à travailler la question des registres et des moyens dramaturgiques mis en œuvre dans la perspective des épreuves anticipées. CONTENU DE LA SÉQUENCE Elle comporte des activités et exercices variés : lectures analytiques, questions synthétiques (la question du héros tragique, la violence et la représentation de la mort au théâtre, l’idéal humaniste, l’esthétique baroque), lecture d’images (comparaison des deux affiches du film Hamlet, adapté par Mel Gibson puis Kenneth Branagh ; Les Ambassadeurs de F. Holbein), travaux d’écriture (commentaires, invention et argumentation, dissertations), questionnaire de lecture. PROGRESSION POSSIBLE DE LA SÉQUENCE Séance 1 • Vérification de lecture, premières définitions de la tragédie et du héros tragique (2h) Dans le « Questionnaire de lecture » (pp. 161-163), on sélectionnera les questions en fonction des points évoqués avec les élèves. Dans notre optique, il serait intéressant de choisir les questions : – no 3 : notions de terreur et de pitié ; on pourra lire et commenter, sans en déflorer la signification profonde, la scène de la confrontation entre Hamlet et sa mère à l’acte III ; – concernant Hamlet (no 8 : on sera attentif à bannir les considérations psychologiques : Hamlet est avant tout un héros littéraire qui répond aux caractéristiques du héros tragique tout en les dépassant) ; – abordant les thèmes liés à la tragédie, la mort, le pouvoir et la justice (les questions nos 12, 17, 18 introduiront des considérations d’histoire littéraire (naissance de la tragédie, humanisme et baroque, cf. « L’œuvre dans l’histoire » (p. 165) et « L’œuvre dans un genre » (p. 181). On prolonge cette introduction par une lecture d’image à partir du film Hamlet de Kenneth Branagh : la scène où le héros récite son monologue dans la galerie des glaces d’un palais rococo. Ce visionnage montre l’importance de la prise de parole du héros dans l’économie symbolique de la pièce. On dégage l’intérêt du monologue tragique : at-il pour but l’action ou l’introspection ? Cette scène permet aussi d’évoquer la dimension apparemment artificielle du monologue au théâtre, mais qui dans le cadre d’une tragédie est doublement remotivé : d’une part, il comporte des éléments dialogiques qui font avancer l’action et la réflexion du personnage, d’autre part, la prégnance du monologue en tragédie est liée à l’impossibilité d’avoir une parole libre en interaction avec les autres personnages : la tragédie est toujours marquée du sceau du secret et du mensonge. Séance 2 • La tragédie (1) : thèmes et atmosphère (1h) Lecture analytique, acte I, scène 1 (texte 5, p. 194) Problématique : en quoi cette scène dresse-t-elle l’atmosphère tragique et permet-elle de lancer l’action ? Contrat de lecture : mise en évidence des thèmes tragiques omniprésents (inquiétude, surnaturel, situation de crise du pouvoir et de la légitimité). 4 Scène d’exposition paradoxale : on ne comprend pas encore tous les enjeux du fait de la rétention d’information. Cette scène évoque davantage une atmosphère tragique plus qu’elle ne donne les clés pour comprendre l’action. Deux axes d’études La mise en place des thèmes tragiques On insistera sur le dynamisme de cette ouverture (plus qu’une scène d’exposition, puisqu’on y trouve moins une narration que des thèmes développés sur un mode presque musical, avec reprises, retours et précisions apportées petit à petit). atmosphère morbide, angoissante : insistance sur le temps et le moment de la journée, particulièrement symboliques. Silence troublé par des questions, et par l’arrivée progressive des personnages. – Présence du surnaturel : évocation du Spectre, cet être dont on ne connaît pas la nature : le Spectre est désigné dans le texte original par le pronom « it », qui marque bien cette indétermination ; le traducteur français l’a bien rendu en traduisant par « elle », c’est-à-dire l’apparition, ce qui créé un effet de malaise et de décalage. – La problématique royale : le Spectre apparaît en tenue de combat, symbole des valeurs féodales bafouées par le meurtre du vieil Hamlet/les témoins sont des soldats et « féaux du Danois ». Voir aussi la question du régicide, avec l’idée des fléaux naturels qui ont suivi le meurtre de César. Une scène d’exposition déceptive La scène ne donne pas toutes les clés pour comprendre l’action : elle est entrecoupée par les apparitions du Spectre. Le tempo dramatique particulier évoque l’idée d’une parole empêchée (rupture de rythme, interruptions, questions sans réponse : « Dites-moi, Horatio est-il là ? – Un peu », qui traduit l’anglais « a part of him », « un morceau de lui ». La réplique donne une connotation inquiétante à ce morcellement de l’information et des êtres, en même temps qu’elle constitue un refus de répondre. On comparera cette scène d’exposition avec le véritable récit que fait Claudius à la scène suivante : il s’agit là d’un sommaire de tous les événements qui ont eu lieu avant le lever du rideau. Mais là encore, ce récit fait l’impasse sur un fait essentiel, le crime qui est au cœur de cette histoire, et que pressent Hamlet. Séance 3 • La tragédie (2) : présentation du héros par lui-même (1h) Lecture analytique du premier monologue d’Hamlet, acte I, scène 2 (texte 6, p. 194). Problématique : comment le héros tragique est-il défini dans cette première scène où il s’exprime ? Quelles sont ses caractéristiques et quel est le paradoxe de sa situation ? Contrat de lecture : le héros tragique s’exprime dans un monologue qui reprend les principaux thèmes tragiques et annonce ses tiraillements et ses paradoxes. Deux axes de lecture Un héros qui se place dans un climat tragique Reprise des thème tragiques : le temps scindé en deux (une rupture franche oppose le temps béni qui vient de disparaître à une temporalité nouvelle, marquée par la violence et l’arbitraire). Pressentiment d’un crime, exprimé de manière très expressive (image des plats servis froids au mariage), d’une rupture dans l’ordre naturel des choses… Le monologue, dans le climat tragique, contribue à la construction de la notion de parole empêchée, importance du secret, du mensonge et de la dissimulation. Un héros qui a une position paradoxale, entre action et refus de l’action – Refus de l’action : le monologue expressif prend le pas sur le monologue délibératif. Les questions sont des questions oratoires, le mode exclamatif prédomine. Le dynamisme initial laisse la place à une réflexion sur soi. 5 – Vers un questionnement universel : étudier l’élargissement progressif des problématiques qui s’étendent à l’humain tout entier. Séance 4 : la tragédie (3) : modes d’expression dramatique (1h) Lecture analytique sur le mélange des genres, acte II, scène 2 (texte 8, p. 195). Problématique : c’est la première fois que le spectateur revoit Hamlet sur scène après la scène du Spectre. On sait qu’il est accusé de folie, mais on ne sait pas encore quelle forme celle-ci a prise et quelle en est la raison. Quel est le but de la folie d’Hamlet et quelle est sa puissance dramatique ? Contrat de lecture : on montrera que la folie feinte d’Hamlet fait partie du développement dramatique de l’intrigue puisqu’elle aide le héros à résoudre le conflit tragique, mais en même temps elle permet un mélange des genres propre à l’esthétique de Shakespeare. Deux axes d’étude La confrontation dramatique – Présence de la stichomythie : sous un ton badin, c’est une passe d’armes qui a lieu (voir les apartés de Polonius qui commente les progrès qu’il fait en tentant de percer les secrets d’Hamlet). – Rôle de la folie : dissimuler le véritable enjeu, tout en disant la vérité (par exemple, Polonius va se montrer un véritable maquereau ou « marchand de poisson », puisqu’il propose au roi sa fille comme appât pour prendre Hamlet : étudier les double-sens et les procédés ironiques). Le mélange des genres – Deux personnages problématiques et complexes : le vieillard ridicule mais plus malin qu’il n’en a l’air/le jeune prince déguenillé qui joue les fous. – Irruption dans le texte du comique avec les saillies d’Hamlet. La langue se relâche également du côté de Polonius, qui parlait différemment devant le Roi. Le mélange des genres est caractéristique de la tragédie shakespearienne : on en a un exemple, et ce mélange n’a pas seulement une fin distrayante (au Moyen Âge, une scène comique jouxtait une scène sérieuse pour ménager les esprits simples…). Séance 5 • Baroque et Renaissance, l’esprit du temps (1) : définition et problématiques (2h) On travaillera à partir des indications données dans « L’œuvre dans l’histoire » (contexte idéologique et culturel de la Renaissance) et « L’œuvre dans un genre » (l’actualisation, dans le théâtre de cette période, des problématiques baroques). On proposera un travail synthétique à partir de la définition du baroque donnée par Jean Rousset dans Circé et le paon, La littérature de l’âge classique en France (José Corti, 1996) : « entre un héros traité comme un jouet et comme un être de métamorphoses, et une composition disloquée, ouverte, organisée sur plusieurs centres ; l’action se multiplie, le temps s’étale, les lignes se rompent, les fils s’entrelacent, les acteurs se déplacent, la matière dramatique foisonne, donnant une impression de mouvement, de complication et de surcharge ». Derrière cette phrase complexe, il s’agit de saisir le caractère protéiforme et « mouvementé » de l’œuvre. Dans le travail de synthèse demandé aux élèves, on insistera sur deux points : d’une part sur la complexité de l’intrigue qui se déploie sur un monde très particulier, d’autre part, au sein même de la construction des personnages, sur ces deux points. – « Une composition ouverte, disloquée, ouverte, organisée sur plusieurs centres » Si on compare le texte de Shakespeare avec les tragédies françaises de l’époque classique, on est frappé par sa longueur, sa profusion, le nombre de personnages. Toute tragédie se doit d’être construite autour d’une situation inextricable à laquelle il faut 6 impérativement remédier. Mais ici l’intrigue de base est étoffée de multiples manières, et la pièce ne va pas directement à sa résolution : elle se déploie dans plusieurs directions et avance par à-coups assez inattendus, qui parfois rompent le tempo dramatique (notamment avec l’alternance de scènes de cour avec de nombreux personnages et des scènes de monologue) et laissent même place à de vraies digressions. Ainsi, dans l’acte IV, on constate que le personnage d’Hamlet disparaît presque entièrement : absent sur scène, il a également quitté le Danemark pour l’Angleterre. C’est d’autant plus étrange qu’il dispose à ce moment de toutes les preuves qu’il réclamait de la culpabilité de son oncle, et devrait donc accomplir sa vengeance. Durant l’acte IV, en l’absence d’Hamlet, se développe une intrigue secondaire, celle du drame vécu par la famille de Polonius, avec des scènes poignantes, dont celles qui touchent à la folie d’Ophélie, à sa fin tragique et à la douleur de son frère. Cette intrigue secondaire élargit l’enjeu de la pièce : la mort de Polonius fait basculer l’intrigue du côté d’une crise politique qui se surajoute au conflit familial. On passe du domaine privé à la sphère publique. De façon paradoxale, cet acte donne de l’ampleur à des personnages jusqu’ici en retrait (Laërte, Claudius). Laërte devient une sorte de double d’Hamlet, puisque lui aussi doit venger son père et devient à son tour un instrument de la fatalité. Quant à Claudius, le spectateur le suit pour la première fois dans toutes ses actions, puisque le personnage rivalise d’ingéniosité machiavélique durant cet acte pour empêcher son beau-fils de lui nuire. Il s’affirme comme un vrai personnage de souverain, sans scrupule mais d’une redoutable efficacité. Cela est d’autant plus paradoxal que ces deux personnages sont deux ennemis d’Hamlet : mais Shakespeare leur accorde une épaisseur psychologique et une véritable présence, qui en font des personnages à part entière et non de simples « emplois » de méchants stéréotypés. – « Un héros traité comme un jouet et comme un être de métamorphoses » Ce traitement approfondi s’applique presque à chaque personnage de la pièce, qui gagne ainsi en profondeur et en complexité : même Polonius, présenté comme un vieillard sénile et souvent ridicule, a une clairvoyance certaine car il est le premier à douter de la réalité de la folie d’Hamlet. De même, les personnages de Rosencrantz et Guildenstern ne sont pas de pâles figures de courtisans qui trahissent leur ami d’enfance : malgré le petit nombre de scènes où ils interviennent, l’épaisseur psychologique et scénique que leur confère Shakespeare en fait de véritables personnages, et rend leur trahison et leur mort d’autant plus signifiantes. Le personnage d’Hamlet n’échappe pas à cette règle. On a beaucoup spéculé sur les motifs de ses agissements et sur ses motivations profondes : feint-il ? est-il véritablement fou ? Est-il ou non amoureux d’Ophélie ? Ses hésitations perpétuelles déroutent les commentateurs : pourquoi ne tue-t-il pas Claudius dès le début de la pièce ? Si l’on observe l’intrigue de près, on s’aperçoit que son déroulement est complexe : en effet, jusqu’à ce que Claudius confesse son crime devant les spectateurs (III, 3), sa culpabilité n’est pas avérée. Toute la première partie de la pièce se passe pour Hamlet à chercher des preuves de la culpabilité de son oncle, avant de pouvoir passer à la punition. On se rappelle que le fantôme est pendant un temps suspecté d’être un démon qui tromperait le jeune prince : il faut prouver que c’est un honnête fantôme. La deuxième partie de la pièce se passe à essayer de trouver une juste vengeance, perpétuellement reculée pour des raisons sur lesquelles Hamlet lui-même s’interroge. Tantôt, la situation ne lui permet pas de passer à l’acte (Claudius prie), tantôt il est dans l’impossibilité de le faire. Finalement c’est presque par hasard qu’il se venge. René Girard interprète cette situation comme un refus de la part de Hamlet d’accomplir une vengeance qu’il trouve injuste dans ses fondements mêmes, puisque le jeune prince 7 philosophe répugne à verser le sang, et aussi parce que Claudius a en fait accompli un désir profond d’Hamlet (tuer son père et épouser sa mère). On est donc face à une transformation du modèle tragique : le héros se retrouve confronté à un dilemme qui le fait hésiter (selon J.-L. Barrault, Hamlet est le « héros de l’hésitation supérieure »). Séance 6 • Baroque et Renaissance, l’esprit du temps (2) : vanité des vanités (1h) En s’appuyant sur les analyses précédentes, on pourra procéder à une lecture analytique à partir de la scène d’Hamlet tirée du groupement de texte proposé ci-dessous (« Vanité des vanités, tout est vanité » : « éloge funèbre de Yorick », acte V, scène 1), ou étudier l’ensemble de ce groupement de textes, qui évoque les problématiques baroques et leurs suites en littérature. Une lecture analytique de la scène du cimetière insistera sur les points suivants : Problématique : étudier la mise en scène expressive de la mort et l’intérêt de cette évocation. Contrat de lecture : dans cette scène très connue, on soulignera le mélange des genres qui renforce à la fois la dimension pathétique de l’évocation et sa portée morale. Trois axes de lecture : Le mélange des genres Ce début du cinquième acte, censé tout résoudre (place de choix dans l’intrigue), commence pourtant sur un ton surprenant. Mime comique du vocabulaire et de la logique judiciaire (cf. l’écolier limousin de Rabelais : thème très à la mode au XVIe siècle) qui dissimule mal une grossièreté générale. Moment distrayant (les deux « rustres » sont appelés dans le texte anglais « clowns ». Système d’écho avec le discours de Hamlet, énoncé en termes philosophiques rationnels et surtout construits (la structure de sa tirade est très ferme, et évoque l’oraison funèbre et la déploration, productions littéraires réputées et appartenant aux styles soutenus). Pathos et expressivité Recours à l’image saisissante avec réduction prosaïque des valeurs habituellement prisées (Alexandre = bouchon de bonde) : renversement carnavalesque des valeurs, et en même temps déploration paradoxale sur le temps qui passe. Multiples tons présents : raillerie (faux poème final qui imite le style élevé), sérieux, violence d’exhortations (« faites-la rire avec ça »), mélancolie. Évocation sensorielle de la mort : odeur, poussière, etc. Un discours moral Présence du vocabulaire philosophique Une visée apologétique : reprise de thèmes typiques de l’évocation des « vanités » comme thème littéraire et pictural (opposition entre la jeune femme qui se met du fard et le mort, la présence des vers, le rire du bouffon qui s’est figé en rictus du crâne dont la peau des joues a fondu). On mettra ce texte en rapport avec les autres textes du groupement : on évoquera ainsi le genre sérieux que constitue la réflexion sur la mort et sur un mort, qui se déploie dans deux directions, l’une philosophique (Pascal), l’autre littéraire (Chassignet). On pourra présenter aux élèves des exemples picturaux de ce type d’évocation : Les Bergers d’Arcadie de J.-B. Poussin (1638), qui évoque l’omniprésence de la mort, même dans des contextes a priori bénis des dieux (et la représentation de ce Paradis païen qu’est l’Arcadie ne comporte aucun élément expressif ou choquant comme chez Shakespeare) ou des vanités plus directes, notamment où l’on voit des crânes (la série des Madeleine 8 pénitente de Georges de la Tour, vers 1640). On insistera sur le fait que cette inspiration forme un système cohérent qui a nourri les œuvres baroques. On aura aussi intérêt à évoquer brièvement la reprise de ces thèmes dans la littérature moderne, dans une perspective souvent différente (le « goût du bizarre » et un romantisme dégradé chez Baudelaire ; une expression de la mélancolie moderne et l’angoisse de la disparition du corps, de la maladie et de la vieillesse chez Beckett). Séance 7 • Conclusion sur la tragédie baroque : étude du dénouement (1h) Lecture analytique de l’acte V, scène finale no 4 (texte 14, p. 197). Problématique : étudier les enjeux de la résolution des différents conflits. Contrat de lecture : il s’agit de mettre en valeur la dimension conclusive de cette scène où le conflit tragique est dénoué dans le sang et sa valeur d’ouverture, puisqu’elle fait apparaître de nouveaux enjeux et ouvre sur un après de la représentation. Deux axes de lecture : La résolution de l’intrigue – Résolution dramatique : les personnages meurent les uns après les autres. Tout le monde est puni, y compris Hamlet pour le meurtre de Polonius (il est tué par Laërte, l’autre fils vengeur). Étudier la manière dont ces morts s’enchaînent de façon logique (par exemple, la mort de Gertrude provoque la mort de Claudius puisqu’elle le dénonce comme un meurtrier). – Résolution symbolique : la vérité est rétablie : pour la première fois, chacun confesse ses crimes, il n’est plus temps de cacher la vérité (bain de sang et mort prochaine : il faut avouer, et vite). Les méchants sont punis : pour la première fois, Claudius est mis en échec et tous le condamnent. La vérité sur son compte éclate enfin. L’ouverture sur un au-delà de la pièce – Ouverture dramatique : arrivée de Fortinbras qui évoque l’avènement d’un nouveau type de royauté, fondé sur la force et la légitimité, l’aptitude à se faire respecter. Jeune Roi, double d’Hamlet à qui il fait faire des funérailles honorables. Un nouvel espoir pour le Danemark ? Hamlet se termine non sur la restauration utopique d’un ordre ancien, mais sur l’instauration d’un ordre nouveau assez problématique (Fortinbras n’est pas le roi légitime, mais le fils de l’ennemi héréditaire du Danemark, il monte sur le trône pour des raisons politiques, grâce à un vide du pouvoir et à sa capacité à s’imposer par la force militaire : avènement d’une nouvelle façon de régner, porteuse de questions). ouverture symbolique : la boucle est bouclée avec le récit qu’Horatio est chargé de faire de l’histoire d’Hamlet et de sa vengeance : le spectateur est ramené à l’ordre du récit et du spectacle qu’il vient de voir (effet de réel + effet de clôture). Séances d’évaluation Invention et argumentation Sujet 1 (p. 213) – Pistes de réflexion : ces propositions ne visent pas à faire dire n’importe quoi au texte, dans une perspective moderniste « iconoclaste », mais à actualiser de véritables potentialités du texte qui ont tendance à être sous évaluées dans les mises en scène. Mettre en valeur la présence des machines au théâtre (deux ex machina du théâtre classique, trappe de la scène shakespearienne, à laquelle fait allusion Hamlet en interpellant le Spectre qui crie dans la trappe). Transformer le décor, dénudé comme le souhaite Gordon Craig, en écrivant sur les objets qui s’y trouvent ce qu’ils sont (on peut par exemple prendre un bout de bois où l’on inscrira le mot « épée », pour ironiser sur la valeur héroïque de l’objet, mais aussi 9 pour reprendre un procédé utilisé du temps de Shakespeare, où l’indigence du décor obligeait à inscrire sur des objets de tous les jours ce qu’ils étaient censés représenter – voir à ce sujet l’extrait du Songe d’une nuit d’été proposé p. 177). Utiliser cette mise en scène dépouillée pour mettre en valeur la symbolique des couleurs : Hamlet, habillé de noir, est associé d’emblée à des forces infernales (le Spectre) tandis que le Danemark est un pays de neige (et la première scène se passe la nuit, ce qui crée un autre contraste de couleurs). Sujet 2 (p. 214) On tentera de suivre le cheminement d’une argumentation qui tente d’exposer les faits et de convaincre l’auditoire (dialectique entre vérité et efficacité). – Exposé des faits : description de la personnalité d’Hamlet, de son histoire, mise en valeur du drame qu’il vient de vivre (mort de son père, remariage de sa mère) et de l’instabilité psychologique qui en a résulté. – Narration : réécrire la scène du meurtre de Polonius sur un mode narratif, en insistant sur l’enchaînement logique des faits et l’irresponsabilité d’Hamlet, rendu fou de douleur et échauffé par son discours. – Péroraison, appel à la clémence : recourir au pathos en évoquant (avec une certaine mauvaise foi) le drame personnel du jeune homme, ses regrets et son désir de retrouver une vie tranquille auprès de la jeune fille qu’il aime malgré tout et qui attend sa guérison. Sujet 4 (p. 214) D’une part, il s’agit d’évaluer la fidélité des affiches à la pièce originale et dans quelle mesure elles en donnent une interprétation. D’autre part, on évaluera l’efficacité avec laquelle elles diffusent leur message, et en quoi celui-ci est convaincant. Quels sont les moyens visuels utilisés pour donner envie au spectateur de voir ou revoir Hamlet ? Commentaire Sujet 5, texte 22, p. 214 : La mort du vieil Hamlet – Enjeu : montrer comment cet extrait exhibe une forme de pathétique qui vient renforcer l’atmosphère tragique et sert à nouer l’intrigue. Un récit pathétique Opposition immédiate entre la vérité et l’erreur. Le vieil Hamlet est doublement la victime de Claudius parce qu’il a été assassiné et que son meurtre n’est pas même connu. Durant tout le texte, relever les oppositions terme à terme entre les deux personnages, le bon roi et le félon hypocrite et lâche (le « serpent »). Une opposition simple, qui permet de construire le récit et d’en répartir les actants sur un axe moral. Seconde antithèse expressive et structurale entre le temps d’avant le meurtre et la période qui le suit : noter dans la reprise du récit du Spectre après l’interruption pathétique d’Hamlet. Noter les gradations et les hyperboles, les enjambements expressifs qui se succèdent et rompent la fluidité du vers en imitant la montée de la colère. Une grande métaphore finale : le poison. Étudier comme le vers mime le poison se répandant dans le corps et comment sont mis en relief, syntaxique ment et lexicalement, les effets dévastateurs. Rapprochement à faire avec le reste du texte, et notamment le thème du poison déjà présent dans les propos des gardes, et le premier monologue d’Hamlet. La présence de la tragédie Transition entre les deux parties sur le thème du poison : le poison est à la fois réel et moral. Thème tragique par excellence : le corps du Roi est intimement lié au corps de l’État : s’il se dégrade, c’est tout le Royaume qui est mis en péril. 1 Association de la dimension filiale, civique et chrétienne : « horrible, horrible, horrible », le crime concerne Hamlet en tant que fils, citoyen et chrétien. Mise en relief pathétique pour lancer la tragédie de la vengeance : volonté de synthétiser les différents motifs d’indignation (« Je fus d’un coup privé de vie, de couronne et de reine »). Réactions d’Hamlet : le jeune Prince coupe le récit pour faire le lien avec ce qu’il a luimême dit : il est déjà convaincu. Au-delà de notre extrait, on note que le Spectre part lorsqu’il a terminé le récit, empêchant Hamlet de lui répondre. Dissertation Sujet 10, p. 218 : Théâtre et instruction – Rôle civique de la tragédie qui sert à ressouder une communauté à travers la purgation des passions (voir les pages consacrées à la tragédie grecque dans « L’œuvre dans un genre », pp. 181-182). – Rôle satirique de la comédie qui ridiculise des défauts et permet au spectateur de les éviter (les comédies de Molière évoquent chacune un défaut caractérisé). – Rôle social du théâtre en général : dans À la recherche du temps perdu, le narrateur prend plaisir à aller voir la Berma jouer le rôle de Phèdre… et aussi à en parler après dans les salons. Rôle des mises en scènes à la mode : on parle du « Hamlet de Peter Brook » qu’il faut avoir vu… – Théâtre et plaisir : aspect distrayant du théâtre : voir l’extrait de l’Illusion comique proposé p. 178-179 où la représentation théâtrale absorbe le père de Clindor et évoque les pouvoirs du théâtre. On va au théâtre pour apprendre mais aussi pour oublier : pendant longtemps, les sujets des pièces étaient obligatoirement choisis dans des temps et des sphères sociales étrangères et lointaines par rapport au public. – Plaisir de contempler le quotidien : au contraire, dans le théâtre moderne, on a plaisir à voir représenter des problèmes d’actualité. Le Mariage de Figaro dénonce les privilèges des nobles, tandis que le mélodrame et le théâtre de boulevard du XIXe siècle, se mettent délibérément à la portée du spectateur pour lui parler de situations qu’il peut rencontrer. – Théâtre et création : mais on peut aussi être en lien avec son temps en allant voir des créations théâtrales (mises en scène et non pas pièces). Si les théâtres montant des pièces classiques ne désemplissent pas, le XXe siècle a montré que le public voulait aussi participer à la création théâtrale : création des MJC, des théâtres populaires, des festivals de théâtre où les frontières se brouillent entre la scène et le public. D’où un sentiment, dans le théâtre moderne, que le spectateur participe à la création : il fait partie de la pièce et la pièce fait partie de la vie (voir les expérimentations d’Ariane Mnouchkine au théâtre de la Cartoucherie : par exemple, le spectacle 1793 où ce sont les spectateurs qui se déplacent et donnent vie au spectacle en allant écouter les acteurs juchés sur des estrades). Le théâtre devient lieu de création au sein de la vie quotidienne. PROLONGEMENTS POSSIBLES LECTURES CURSIVES Deux types de prolongements sont possibles. On pourra replacer Hamlet dans l’évolution des genres théâtraux en comparant la pièce avec un drame romantique, tel Lorenzaccio de Musset qui porte aussi sur le thème de la vengeance et montre l’intrication des questions personnelles, familiales et politiques. Cette ouverture permettrait de préciser quelques aspects de la préparation de l’EAF (exemples pour des dissertations, connaissance de l’histoire littéraire européenne…). 1 Dans d’autres classes on pourra s’aventurer dans la lecture de Shakespeare, en lisant une comédie (Beaucoup de bruit pour rien, par exemple). On y retrouvera certains aspects connus de son œuvre (intrigues croisées, personnages simultanément bouffons et touchants), tout en découvrant de nouvelles problématiques propres au genre léger. GROUPEMENTS DE TEXTES L’INTERTEXTUALITE ET LA REECRITURE DE TEXTES CLASSIQUES – Hamlet, récit de la mort d’Ophélie à fin de l’acte IV. – Jules Laforgue, Moralités légendaires, « Hamlet ou la piété filiale » (1887). Ophélie est opposée à Kate, la comédienne, avec laquelle Hamlet s’enfuit. Étudier le récit de la mort d’Ophélie-Ophélia, au tout début du texte. – Arthur Rimbaud, « Ophélie », Une Saison en Enfer (1844). – Bertolt Brecht, Poème sur une jeune noyée (1926). On pourra aussi comparer Ophélie et Nina dans La Mouette de Tchékhov (1896), qui présente des ressemblances très frappantes avec Hamlet. LE MONOLOGUE DU HEROS AU THEATRE – Hamlet, monologue de l’acte I, scène 2. – Corneille, Le Cid (1682), Stances (A I, sc 6). – Racine, Andromaque (1667), V, 1, monologue d’Hermione : « Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? » – A. de Musset, Lorenzaccio (1834), IV, 9 « monologue à la lune ». – B.-M. Koltès, La Nuit juste avant les forêts (1977) : cette pièce est un long monologue dont il serait intéressant d’étudier les premières pages pour expliquer la mise en scène de la situation dramaturgique et énonciative. VANITE DES VANITES, TOUT EST VANITE – Hamlet, scène du cimetière, éloge funèbre de Yorick, acte V, scène 1. – Pascal, Pensées (1671), « Vanité de l’homme sans Dieu ». – Jean-Baptiste Chassignet, « Mortel pense quel est dessous la couverture » (XVIIe siècle). – Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857), « À une charogne ». – Samuel Beckett, Fin de partie, Éditions de Minuit, 1957 (pp. 67 à 72). FOUS, BOUFFONS ET BIENHEUREUX – Hamlet, scène du pipeau, avec Rosencrantz et Guildenstern, acte IV, scène 2. – A. Pouchkine, Boris Godounov, 1825, scène IV avec le « yourodivy », le fou traditionnel russe qui se moque des puissants. – V. Hugo, Le Roi s’amuse, 1835, acte III, scène 3, contenant le fameux vers qui fit censurer la pièce et causa de graves ennuis à Victor Hugo : « Vos mères aux laquais se sont prostituées », énoncé par le difforme Triboulet. – A. Breton, Nadja, 1928, « Je viens d’apprendre que Nadja était folle » (p. 157 de l’édition Folio). – P. Valéry, Charmes, 1922, « La Pythie ». LA REPRESENTATION DE LA MELANCOLIE : CORPUS ICONOGRAPHIQUE – A. Dürer, Melancholia (vers 1495). – E. Delacroix, Hamlet (1843). 1 – F. Goya, Saturne dévorant ses enfants (1823). – Ron Muech, Untitled (Big Man) (2000) – « Melancholia », Hugo, Les Contemplations. ACTIVITÉS ANNEXES SORTIES – Sortie au musée du Louvre pour organiser un parcours autour de la peinture de la Renaissance et de l’époque baroque sous le double signe de la mise en valeur de l’individu et de la mise en scène de l’instabilité du monde. On peut aussi partir à la rencontre d’œuvres comportant des références à la pièce étudiée : cf. le film d’Ernst Lubitsch To be or not to be (1942), qui montre une troupe d’acteurs jouant Hamlet dans Varsovie que les Allemands viennent d’envahir, ou de Hamlet goes business (1988) de Aki Kaurimaski, réalisateur finlandais né en 1957 ; on peut aussi aller voir la pièce de Heiner Müller (1929-1995) Hamlet Machine (1979), formidable compression en neuf pages de la pièce de Shakespeare, mais aussi de nombreux mythes littéraires, d’idéologies, d’événements historiques. ANALYSES DE MISES EN SCENE ET DE FILMS De nombreuses mises en scène sont disponibles à la location : on recommande celle de Peter Brook, suivie d’un documentaire sur le metteur en scène, et celle de Patrice Chéreau. Si le lycée dispose d’une classe d’études cinématographiques, on pourra proposer aux élèves d’étudier le film d’Ingmar Bergman (né en 1981) Fanny et Alexandre (1982) pour lequel le réalisateur s’est beaucoup inspiré d’Hamlet. Cet atelier pourrait servir de prolongement dans le domaine cinématographique du groupement de textes sur « L’intertextualité et la réécriture des textes classiques ». CLASSE DE MUSIQUE Si le lycée dispose d’une option musique, il serait intéressant de faire visionner aux élèves tout ou partie du film Hamlet de Grigori Kosintev (1964) dont la musique a été composée par le grand compositeur Dmitri Chostakovitch (1906-1975). On pourra demander aux élèves de faire une présentation à leurs camarades non musiciens de cette bande sonore. ATELIER DE TRADUCTION La traduction de Shakespeare a toujours été l’enjeu d’un débat important. On pourra organiser avec la participation d’un collègue angliciste un atelier de traduction où les élèves pourraient comparer les traductions possibles d’un même passage de la pièce. Un matériau abondant est disponible pour réaliser un tel projet dans le numéro 947 de l’Avant-Scène portant sur Hamlet et comportant un intéressant corpus de traductions. 1