zonder liefde, tout est fini

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zonder liefde, tout est fini
Interview
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Interview
Zonder liefde, tout est fini
texte - Géraldine Rutsaert
Noms : Kodja et Schoukens
Prénoms : Hande et Sophie
Profession : Actrice et réalisatrice
Film : « Marieke, Marieke » (Rediffusion : Cet après-midi à 16h00 - Eldorado 5)
« Marieke Marieke » vient d’une chanson de Jacques Brel. C’est un artiste
qui vous inspire ?
Sophie Schoekens : J’ai d’abord inventé l’histoire mais c’est vrai que cette chanson m’a toujours accompagnée car c’est la seule chanson qu’il ait écrite en deux
langues et, ce sont mes deux langues. J’aime ce mélange flamand-français (qui
pourrait d’ailleurs bientôt disparaître). Il y a une certaine nostalgie car j’ai peur
de perdre cette richesse. Brel m’a beaucoup inspirée pour écrire l’histoire.
Quelque part, je me demande si je suis Belge. J’ai beaucoup voyagé, je me suis
posé beaucoup de questions à ce sujet et ce n’est que quand j’écoute Brel que je
me dis: c’est vraiment quelqu’un de chez nous, il est vraiment Belge, je me sens
très liée à lui. Quand plus rien ne va, tu écoutes ses chansons et elles te réconfortent. Beaucoup de gens les trouvent tristes, mais elles ne sont pas tristes.
Hande Kodja : C’est vrai qu’on pleure mais après on se sent mieux !
S.S.: Oui, c’est ça qui est magique ! C’est un peu comme le film « Marieke,
Marieke ». Quand on lit l’histoire, elle paraît dure, mais en même temps, elle
donne beaucoup d’espoir.
Comment décririez-vous le personnage de Marieke ?
H.K.: Elle ne sait pas trop comment grandir. La perte d’un parent quand on
est enfant, c’est comme une amputation. Alors comment grandir après ça ?
Marieke ne sait pas comment devenir une femme. Elle est à la recherche de
l’amour, elle ne se sent pas aimée de sa mère qui s’est enfermée après la
mort de son père.
Elle trouve donc du réconfort auprès des hommes plus vieux…
H.K.: Oui, parce qu’elle cherche cette chaleur, cette protection, qu’elle ne
trouve pas chez les hommes de son âge. Et puis, elle aime leur façon de vivre
l’instant présent comme si c’était le dernier.
Et puis il y a cette coupure, ce moment où elle envoie tout balader. Une
scène chargée d’intensité.
S.S.: J’ai voulu raconter une histoire dans la retenue. Tout est intimiste. Le
personnage de la mère, par exemple, retient tout depuis la mort de son
mari, elle n’arrive pas à s’ouvrir et Marieke apparaît en contraste, face à elle.
Et puis, il y a bien sûr cette blessure d’enfance qui recommence à saigner.
Marieke découvre la vérité sur son passé qui lui fait terriblement mal. Cette
scène se passe dans la chocolaterie et ce n’est pas par hasard. Je voulais
que Marieke soit chocolatière, ça lui donne une connotation très belge et
très sensuelle. Quand elle casse tout dans ce lieu qui l’accroche à la vie, elle
exprime toute sa colère. On la voit sortir de ses tripes, de son coeur. C’est
une hystérie en quelque sorte et je voulais montrer cette hystérie parce que
c’est très féminin. On peut tenir, tenir, tenir, jusqu’au moment où on explose.
C’est cet instant où elle se perd complètement que j’ai voulu filmer et tout
s’est fait en une prise ou deux maximum. Si Hande ne s’était pas investie à
ce point, Marieke n’aurait pas vraiment pu exister.
C’est le cas Hande, vous vous êtes investie à 100% dans ce rôle ?
H.K.: Moi j’ai ressenti Marieke du début à la fin, je ne l’ai pas quittée deux mois
encore après le tournage. C’est un personnage qui est entré en moi. C’est
vrai que je m’investis toujours dans mes personnages mais Marieke a quelque chose de particulier. Elle est vraiment entrée dans mes tripes, jusqu’au
bout de mes ongles, c’était viscéral. Ca a été terrible après. Comment pouvais-je la faire sortir de moi? Il s’agissait vraiment d’une possession. Je n’ai pu
réellement faire mon deuil qu’après le tournage suivant. J’incarnais un personnage à l’opposé de Marieke, aussi un peu torturé. C’était étrange parce
que je cherchais vraiment Marieke et finalement je me suis rendu compte
que je ne la retrouverais jamais.
Marieke photographie les corps nus des hommes âgés parce qu’elle est
touchée par l’imperfection de ses amants…
S.S.: Vous touchez là quelque chose de très personnel. Pour moi, on vit dans
un monde où tout est lisse, où tout doit être parfait, où toutes les femmes
doivent être liftées, refaites. C’est un peu un ras-le-bol contre cette tendance
de la société à accorder plus d’importance à l’apparence des gens. Or ce
qui compte, c’est l’intérieur, c’est l’âme des gens, leur coeur, leur bonté,
leur vécu. C’est pour ça que Marieke dit qu’elle aime l’imperfection de ses
amants. Elle aime leurs rides, leur vécu, leurs souffrances. Eux, de leur côté,
la laissent être qui elle est. Ils la laissent naître, ils ne la jugent pas non
plus, ils la font grandir en lui donnant beaucoup de chaleur. J’ai donc voulu
montrer la beauté des vieux. Beaucoup de personnes qui ont lu le scénario,
dont la Commission flamande, m’ont dit que l’idée de cette femme courant
après les hommes âgés était dégoûtante et immorale. Or, c’était vraiment
la dernière chose au monde que je voulais exprimer. C’est vrai, il s’agit d’un
univers féminin, chargé de désir, de sensualité. J’avoue que c’est particulier
mais pourquoi ne peut-on pas, pour une fois, découvrir l’univers d’une jeune
fille intriguée par des hommes plus âgés ?
Pourquoi avoir choisi Jan Decleir, très renommé en Flandre, comme acteur masculin ?
S.S.: Je voulais un Belge de 65-70 ans et j’ai pensé à lui. Quand je l’ai rencontré, j’ai eu la conviction que c’était lui. Jan a quelque chose de très paternel,
de très belge, de très terrien. Il m’inspire la confiance.
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