Les Rutènes, Segodunum et Condatomagos

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Les Rutènes, Segodunum et Condatomagos
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Les Rutènes
Segodunum et
Condatomagos
Le territoire
rutène
Musée de MONTROZIER
Segodunum
capitale des Rutènes
Musée Fenaille - RODEZ
Condatomagos
le marché du confluent
Musée de MILLAU
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Les Rutènes,
Segodunum
et Condatomagos
Le colloque scientifique « Les Rutènes, du peuple à la cité »
organisé à Rodez et Millau va tenter de faire le point sur les
réalités sociales, politiques, économiques et territoriales des
Rutènes, ce peuple d’origine celtique installé sur un territoire correspondant à peu près au département de l’Aveyron,
augmenté de la partie orientale du Tarn.
Concernés au premier chef par cette perspective archéologique et historique, les trois ensembles muséaux que constituent le musée Fenaille à Rodez, le musée de Montrozier et le musée de Millau
ne pouvaient que trouver dans cette manifestation l’occasion d’illustrer pour le
grand public le propos des archéologues et des historiens, en présentant des
collections qui ne sont pas montrées au public habituellement et le résultat de
recherches de terrain menées de longue date.
Le titre de cette exposition éclatée en témoigne : à Montrozier on découvrira les
données sur la géographie, la topographie, sur l’occupation humaine du territoire des Rutènes, sur les marqueurs archéologiques antérieurs ou contemporains
de la conquête, sur le développement des échanges et du commerce.
Segodunum, le Rodez actuel, constitue le chef-lieu de cette population : il en a
tous les attributs urbains, en particulier le forum, et ce sont en particulier les
travaux menées par Lucien Dausse depuis plus de 30 ans qui en ont révélé la
teneur. La collection qu’il a réunie, et qui vient de rejoindre le musée Fenaille,
constitue donc la meilleure illustration de ces recherches sur le Rodez antique.
Condatomagos, le Millau actuel, au confluent du Tarn et de la Dourbie, est habituellement confondu avec le site archéologique de La Graufesenque, qui ne
constitue que la partie visible de la ville antique. S’il ne fait aucun doute que l’agglomération tire sa réputation d’une activité potière unique dans le monde
romain, l’agglomération et ses environs ont livré des vestiges témoins d’une activité économique diversifiée, basée sur les ressources naturelles disponibles, la
métallurgie, la poix, le tissage…
Le musée du Rouergue et le musée de Millau avaient déjà collaboré avec
bonheur sous les auspices du jumelage Aveyron-Tulcea en Roumanie, pour l’exposition « Des Racines Communes ». Le thème fédérateur des Rutènes réunit
aujourd’hui nos trois établissements autour de la problématique scientifique
fondatrice de nos collections d’archéologie, pour offrir un panorama, sinon
exhaustif, du moins détaillé, du contenu « caché » de nos collections.
Olivier Agogué, Conservateur au musée du Rouergue
François Leyge, Conservateur du musée de Millau
Annie Philippon, Conservateur du musée Fenaille
En couverture :
Monnaie en argent du dépôt du Camp du Larzac (Nant, Aveyron). Tête laurée d’Apollon et lyre. Denier de P. Claudius M.F.
© Cliché musée de Millau.
Fragment d’oscillum en marbre, découvert à Rodez (passage des Maçons).
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Dieu lare en bronze, découvert à La Graufesenque.
© Cliché Ville de Millau.
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Le territoire rutène antique :
limites, principales agglomérations
et voies de circulation.
© Conseil général de l’Aveyron. Fond Cartographique, D. Schaad / Intercarto.
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Le territoire
Le pays des Rutènes correspond, grosso modo, aux départements
actuels de l’Aveyron (le Rouergue) et du Tarn (l’Albigeois). Sa
situation géographique a été évoquée par plusieurs auteurs antiques,
César et Strabon en particulier. Ce dernier indique que « les Rutènes
[…] confinent à la Narbonnaise » (Strabon, Géographie, IV, 2, 2),
province romaine du Sud-Est de la Gaule conquise entre 125 et 100
avant J.-C. Ce peuple s’est donc développé au contact du monde
méditerranéen, tout en étant issu du monde gaulois de tradition
celtique. Cette situation se retrouve sur le plan géographique : du Sud
au Nord, le territoire rutène voit le passage des plaines languedociennes à la moyenne montagne du Massif central. Il en résulte un
paysage très découpé, alternant vallées souvent encaissées, collines et hauts plateaux.
Cette variété de paysages répond à une diversité géologique, calcaire pour les Causses,
roches primaires pour le Massif Central, bassins houillers et accumulations sédimentaires
dans les vallées… ce territoire est donc également marqué par une richesse minéralogique naturelle. Ces ressources ont bien été exploitées par les Rutènes, à travers les
exploitations minières et la métallurgie, ce dont témoignent les auteurs antiques et que
l’archéologie vient confirmer.
rutène
Aperçu de l’organisation
du peuple gaulois
de l’Aveyron et du Tarn
à la fin de l’Age du Fer
La société rutène à l’époque antique est connue par plusieurs travaux scientifiques d’ampleur, depuis la synthèse d’Alexandre Albenque de 1948. L’organisation du peuplement
rutène à la fin de l’Age du Fer et au moment de transition que constitue la conquête de
la Gaule est moins bien connue. C’est ce moment qui est ciblé au Musée archéologique
de Montrozier.
Carte du territoire rutène à la
fin de l’Age du Fer et sites
mentionnés dans le texte.
En vert : sites gaulois ;
en rouge : sites romains ou
romanisés.
Ellipses vertes : principaux
secteurs miniers.
© Conseil général de l’Aveyron. Fond
Cartographique, D. Schaad / Intercarto.
>
La question de la scission entre
Rutènes indépendants et Rutènes
provinciaux, rattachés à l’empire
romain, a été abordée bien
souvent. La date de ce démembrement fait encore l’objet de
discussions, de même que la localisation de la frontière entre romanisés et indépendants. Il est avéré
que cette partition est effective
avant la guerre des Gaules et
qu’elle est à placer entre 120 et
52 avant J.-C. L’exposition évoque
les arguments archéologiques qui
peuvent inciter à placer cette séparation à une date plutôt haute et à
proposer une limite territoriale à hauteur de la rivière Tarn. Cette question reste cependant ouverte et dépendante de la poursuite des recherches archéologiques modernes,
comme le montre l’exemple de Millau / Condatomagos, situé dans une position
géographique clé. La question de l’organisation du territoire rutène ne se limite cependant pas à ce sujet, qui n’en est qu’un élément.
Le parcours de l’exposition présente un panorama cartographique de sites archéologiques correspondant au territoire des Rutènes indépendants, rythmé par des objets issus
de sites représentatifs. Les grandes catégories de sites (habitat, lieux de culte, sites artisanaux, dépôts d’objets…) sont interprétés d’après les vestiges immobiliers découverts
par les archéologues mais aussi par les associations d’objets qui en sont issus. Ces derniers
peuvent correspondre à une production locale ou témoigner de relations extérieures, qu’il
s’agisse de monnaies, d’objets prestigieux ou de matière première.
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L’habitat
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L’habitat est évidemment un élément primordial de l’organisation
d’un territoire. Il prend diverses formes, de l’occupation rurale isolée
à l’organisation groupée, pré urbanisée. Plusieurs vastes habitats
ouverts sont repérés par l’archéologie en particulier au Sud du
territoire (Albi, Montans, Saint-Sulpice, Millau, L’Hospitalet...).
L’existence d’oppida, sites de hauteur fortifiés, est un élément fort de structuration. Outre
Rodez, futur Segodunum, chef-lieu de la cité antique des Rutènes, Montmerlhe
(Laissac, Aveyron) en est un exemple particulièrement remarquable. Le plan montre l’importance des fortifications alternant levées de terre et fossés La surface intérieure ainsi
délimitée dépasse 120 ha. Les recherches archéologiques anciennes et plus récentes
(sondages R. Boudet à la fin des années 1980), n’ont pas permis de mettre en
évidence une occupation intérieure aussi impressionnant et dense que les fortifications.
Cependant, la cohérence du matériel archéologique, marqué par une prépondérance de
la vaisselle d’importation d’origine italique, confirme l’importance stratégique et
commerciale de ce site.
Plan de l’oppidum de
Montmerlhe (Laissac, Aveyron).
© Topographie P. Gruat, d’après R. Boudet.
Les grands sites, fortifiés ou non, sont évidemment des lieux de pouvoir au sein de l’entité rutène. La répartition de ces grands sites est un indicateur de leur aire d’influence,
où leur pouvoir s’exerce.
rutène
Le domaine culturel
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Entrée de la grotte du
Rajal-del-Gorp
(Millau, Aveyron).
© Cliché P. Gruat, CAD.
Monnaie de bronze de Tatinos de
la grotte de L’Ourtiguet (SainteEulalie-de-Cernon, Aveyron).
La sphère religieuse est un autre domaine fort d’organisation sociale.
Elle est délicate à appréhender par l’archéologie car ne trouvant que
partiellement une manifestation matérielle. Elle l’est d’autant pour
le monde gaulois qu’elle est très éloignée de nos conceptions
actuelles. Les auteurs latins eux-mêmes ont témoigné de leur
incompréhension des pratiques gauloises. Néanmoins, plusieurs
vestiges archéologiques, liés ou non à l’habitat, n’ont pas un rôle strictement utilitaire et relèvent de pratiques religieuses ou symboliques.
Celles-ci s’expriment par une relative diversité qui trouve un écho
géographique : sanctuaires de hauteur au Nord, grottes sanctuaires
au Sud-Est, dépôts en liaison avec les mines, comblements ritualisés
de puits en agglomération… Le sacré trouve également une expression à travers les quelques représentations sculptées, comme la stèle
de Bozouls présentée au Musée Fenaille.
Les grottes de L’Ourtiguet et du Rajal-del-Gorp sur les Causses du
Larzac sont des exemples de ces cavités où le dépôt d’offrandes s’est
poursuivi durant plusieurs siècles, avant et après la romanisation
de la Gaule. Si ce type particulier de sanctuaire n’est pas
strictement spécifique aux rutènes, il marque une réelle
entité géographique caussenarde, au Sud-Est du territoire. Les dépôts sont aussi particuliers en ce sens
qu’il s’agit en majorité de petits objets de valeur
limitée. Ce sont essentiellement des monnaies, des
fibules en bronze ou en fer, des perles, des petits
vases indigènes ou d’importation méditerranéenne
et des petites statuettes en pâte blanche. Les
décomptes de monnaies soulignent la bonne représentation de bronze à l’effigie du roitelet rutène
Tatinos, ce qui lui confère un statut privilégié en lien
avec les pratiques cultuelles dans ces grottes.
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© Cliché J. Pujol.
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Au-delà des lieux sacralisés qui ont fait l’objet d’offrandes à l’instar des
grottes sanctuaires ou de cultes liés à l’eau comme le lac de SaintAndéol (Lozère), d’autres types de dépôts se répartissent sur le
territoire rutène. Ces dépôts sont pour certains le reflet de gestes
symboliques même si d’autres significations peuvent intervenir
comme la thésaurisation, la volonté de cacher des richesses : c’est le cas des dépôts
monétaires. Plusieurs dépôts ont ainsi été découverts sur le territoire rutène. Le plus important est celui de Goutrens découvert à la fin du XIXe siècle, qui a livré plus de 20 000 pièces
n’ayant pas circulée, aujourd’hui dispersées. Le trésor mis au jour sur le Camp du Larzac
(Nant, Aveyron) est composé de 36 deniers en argent. Ce sont en majorité des deniers
augustéens, mais des pièces émises au IIe siècle avant J.-C. et tout au long du Ier siècle
sont également présentes montrant la permanence de la valeur de ces monnaies.
rutène
La question des dépôts
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Reconstitution d’un dépôt de
vases en dolium (vase de
stockage) de Montans (Tarn).
© Cliché E. Thomas.
D’autres dépôts ont une origine singulière liée à l’activité métallurgique et à la protection
de matériaux préparés, comme le dépôt de lingots de fer de Montans (Tarn). En
revanche, certains apparaissent aujourd’hui plutôt comme reflétant un geste rituel,
symbolique. Le cas des dépôts de vases et d’objets métalliques dans des demi dolia,
grands vases de stockage de provision est caractéristique des rutènes. On le retrouve à
Montans (Tarn), ou à La Maladrerie (Villefranche-de-Rouergue, Aveyron) dans une
galerie de mine. Ce dernier dépôt, dont le matériel vient d’être réexaminé, est à dater
de la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C. Il confirme l’importance du monde souterrain et des mines dans les conceptions religieuses rutènes. En contexte d’habitat,
certains puits ont également un rôle rituel, comme le montre leur comblement qui correspond à des dépôts structurés associés à des restes incinérés d’animaux.
Le territoire considéré est marqué par une relative abondance de
minerais exploités par les rutènes. L’exploitation la plus reconnue,
clairement attestée par les auteurs de l’Antiquité, est celle de l’argent,
directement en relation avec la production monétaire. Le secteur de
Villefranche-du-Rouergue en particulier a connu une exploitation
minière en galeries du plomb argentifère attestée dès le IIe siècle avant
J.-C. Cette exploitation s’est bien sûr poursuivie après la conquête
romaine, ce que confirme la remarquable découverte à la fin du XIXe
siècle d’une dédicace mentionnant le nom oriental d’un régisseur : Zmaragdus. Cette
plaque est conservée au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, et une
copie au Musée de Villefranche-de-Rouergue.
L’industrie minière ne se réduit pas à cette
production : d’autres métaux ont été extraits au
cours du Ier siècle avant J.-C. : le cuivre (Sud
Aveyron), l’étain (dont l’exploitation massive en
Nord Aveyron (la Viadène) se révèle chaque
année davantage), le fer…
rutène
L’exploitation
des ressources
(mines et carrières)
Le te r r i to i re
Carrière de La Marèze
(Saint-Martin-Laguépie, Tarn) :
déchets de fabrication
et préformes de meules en grès.
© Cliché E. Thomas.
>
L’importante activité métallurgique ne doit pas
masquer l’exploitation d’autres types de ressources
minérales et la circulation des produits obtenus.
Les recherches récentes concernant les carrières de meules, sur le site de La Marèze (Tarn)
en particulier montrent l’existence de réseaux de diffusion de meules rotatives destinées
au broyage. Les meules étaient préparées sous forme de préformes sur le site d’extraction
avant d’être exportées, par voie terrestre ou fluviale. D’autres ressources naturelles étaient
bien sûr gérées par les rutènes mais elles laissent peu de traces archéologiques. La
production de poix, associée à l’exploitation forestière due à l’activité métallurgique ou potière,
confirmée par quelques pots à résine, en est une illustration.
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Autre moteur important d’organisation sociale, la circulation des
monnaies est aussi révélatrice du territoire rutène. L’exploitation de
l’argent est directement liée à la production monétaire. Les ensembles monétaires clos montrent l’importance du
monnayage d’argent , drachmes,
monnaies à la croix. Quelques roitelets rutènes ont également eu le privilège d’émettre des monnaies en
bronze, imités de deniers romains. Tatinos est le plus
célèbre pour le milieu du Ier siècle avant J.-C. ;
Attalos en est un autre exemple, avec une diffusion
plus limitée.
rutène
La monnaie
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Denier d’argent
du dépôt du Camp du Larzac
(Nant, Aveyron). Victoire en
quadrige - denier serratus
de Q. Antonius Balbus,
Rome - 83-82 av. J.-C.
© Cliché musée de Millau.
>
Le trésor du Camp du Larzac (Nant, Aveyron)
témoigne de la circulation et de l’économie de
deniers romains depuis la fin du IIe siècle avant J.-C.,
source de richesse pour l’élite rutène et source d’inspiration pour les émissions spécifiquement indigènes.
rutène
Les importations :
vin et vaisselle
méditerranéenne
Le te r r i to i re
L’organisation d’un groupe humain se définit par son fonctionnement
interne mais aussi par ses relations avec les autres sociétés. La situation géographique et la richesse naturelle du territoire rutène en fait un
jalon privilégié dans le contact entre le monde de tradition celtique et
le monde méditerranéen, romain et ibérique principalement.
Ceci se traduit par une relative abondance de vaisselle importée,
témoignage des réseaux commerciaux privilégiés avec la Provincia
romaine voisine, et des principaux axes de circulations. Ceux-ci s’organisent préférentiellement sur une orientation Sud-Nord ou s’appuient sur les principales vallées, celle
du Tarn notamment. Les voies romaines ultérieures ont très largement repris ces
itinéraires protohistoriques.
Le commerce du vin italien est bien représenté par l’abondance des amphores que l’on trouve en nombre impressionnant dans les principaux sites d’habitat, qui ont également un
rôle dans la redistribution des produits de circulation. Les
céramiques campaniennes à vernis noir et, plus rarement la
vaisselle de bronze, confirment l’activité commerciale avec le
monde romain bien avant la conquête. Le monde ibérique a
également diffusé des produits chez les rutènes, à plus faible
échelle : pichets gris, sombrero de copa, issus de la côte
catalane. Un certain nombre de ces vases ont fait l’objet
d’imitations locales.
Accumulation d’amphores
italiques dans un puits de la
caserne Rauch (Rodez, Aveyron).
© Cliché P. Gruat, CAD.
Textes rédigés par
Olivier Agogué,
conservateur au musée du Rouergue
Philippe Gruat,
Centre Archéologique Départemental
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Segodunum,
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c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Depuis le XIXe siècle, le sous-sol de Rodez a livré de nombreux vestiges
appartenant à Segodunum, la ville gauloise puis romaine sur
laquelle s’est construite la préfecture de l’Aveyron. La connaissance de l’agglomération antique a pris un nouvel essor à partir des
années 1930, grâce à Louis Balsan. Secrétaire de la Société des Lettres
et conservateur du musée Fenaille, il suit avec attention les chantiers ouverts dans la ville, note ses observations et recueille le mobilier mis au jour.
A partir de 1972, il est rejoint par Lucien Dausse, amateur enthousiaste et bien vite passionné par l’archéologie, à laquelle il consacre
tout son temps libre. C’est lui qui, désormais et pendant plus de trente
ans, suit tous les travaux souterrains engagés sur la ville et fouille
les déblais avec patience, pour exhumer les traces d’occupation allant
de la période gauloise aux époques historiques. Puis, lorsque l’archéologie urbaine s’organise, il a la charge de conduire des chantiers de
fouilles et il apporte son aide à tous les archéologues intervenant
SITES ARCHÉOLOGIQUES
D E
Segodunum
S U I V I S
P A R
Dausse
Lucien
GALLO-ROMAIN
Découvertes
Vestiges architecturaux/
urbanisme
Artisanat/commerce
Sépultures
GAULOIS / AUGUSTÉEN
Découvertes
Vestiges architecturaux
Puits à amphores
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dans le cadre d’opérations menées par l’Association pour les Fouilles
Archéologiques Nationales, puis par l’Institut National de Recherches
Archéologiques Préventives.
Au cours de ces années, Lucien Dausse est devenu le référent obligé
pour toute étude sur Rodez antique et son parcours fait ressortir ce
qu’une présence constante, dévouée et attentive peut apporter à l’archéologie urbaine. Par ses bonnes relations avec les entreprises de
travaux publics, il a su créer un climat de confiance qui lui permet
d’être informé des chantiers à venir et des découvertes réalisées.
33’ - Place Adrien-Rozier (1981)
• cimetière médiéval.
38’ - Préfecture (1981)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
82 - Rue Villaret (1972)
Première participation de Lucien Dausse à une fouille
dans Rodez, sous la direction de Louis Balsan.
• zone artisanale gallo-romaine.
• cimetière gallo-romain tardif puis médiéval.
83 - Bd d’Estourmel (1973-1974)
Sous la direction de Louis Balsan.
• dépotoir (augustéen, Ie, IIe s. ap. J.-C.).
83’ - Terrasse de l’Evêché (1974)
• site occupé depuis les Gaulois jusqu’au XIXe s.
87 - Rue Maurice-Bompart (1974)
• dépotoir gallo-romain.
88 - Rue des Martyrs-de-la Résistance, (1975-1976)
Sous la direction de Louis Balsan.
• habitation gallo-romaine aisée.
• artisanat du métal.
90 - Rue Croizat (1975)
• habitation gallo-romaine aisée (Ie - IIIe s.).
91 - Rue Eugène-Viala (1975)
Sous la direction de Louis Balsan.
• entrepôt d’huile (deuxième moitié Ie s. ap. J.-C.).
92 - Rue Victoire-Massol (1976)
• indices d’occupation gauloise et gallo-romaine.
93 - Rue Gayrard (1976)
• vestiges d’occupation gauloise.
94 - Bd de la République (1976)
• habitat augustéen.
• habitat gallo-romain (fin du Ie et du IIe s. ap. J.-C.).
95 et 95’ - Rue Saint-Just (1977)
• vestiges d’occupation gallo-romaine et médiévale.
• sépulture d’enfant.
96 - Jardin hôpital Combarel (1977)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
• dépotoir gallo-romain (Ie av. J.-C. au IIe ap. J.-C.).
97 - Rue Abbé-Bessou (1976)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
98 - Rue du Terral (1977)
• puits à amphores gaulois (fin du Ie s. av. J.-C.).
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
99 - Cité de la Boule d’Or (1977)
Sous la direction de Louis Balsan.
• nécropole gallo-romaine.
100 - Cité de la Boule d’Or (1977)
• nécropole gallo-romaine.
101 - Rue Louis-Oustry (1977)
• atelier de bronzier gallo-romain.
102 - Rue des Frères de Turenne (1978)
• quelques vestiges gaulois.
• habitat gallo-romain.
103 - Bd de la République (1978)
• deux puits à amphores gaulois.
• quartier d’habitation gallo-romain avec
habitations, ateliers d’artisans (bronzier,
marbrier, mosaïste, stucateur), chaussée pavée.
• rempart gallo-romain.
104 - Rue Abbé-Bessou (1978)
• villa gallo-romaine suburbaine.
105 - Impasse Cambon (1979)
• puits à amphore gaulois.
• vestiges gallo-romains.
106 - Passage des Maçons (1978)
• monument gallo-romain (temple ?).
• vestiges d’une voie pavée.
107 - Bd d’Estourmel (1978)
• dépotoir (augustéen, Ie et IIe s. ap. J.-C).
108 - Les Embergues (1978-1979)
• vestiges gaulois.
• habitation gallo-romaine aisée.
109 - Bd Flaugergues (1979)
• vestiges gaulois.
110 - Rue Corbières (1979)
• habitation gauloise à ossature bois.
• habitation gallo-romaine.
111 - Rue Cabrières (1979)
• dépotoir (augustéen, Ie et IIe s. ap. J.-C).
112 - Bd Pierre-Benoit (1979)
• occupation gauloise, puis augustéenne.
• habitation gallo-romaine.
113 - Rue du Bal (1979)
• égout comblé dès le Ie s.
• habitations gallo-romaines aisées.
114 - Côte des Besses (1976-1977)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
117 - Rue Saint-Just (1979)
• vestiges d’occupation gauloise et gallo-romaine.
• sépulture (du XVIIe s. ?).
118 - Place Eugène-Raynaldy (1980)
• vestiges d’un sol gallo-romain pouvant appartenir au
forum.
119 - Bd d’Estourmel (1981)
• quelques vestiges gallo-romains
• dépotoir médiéval.
120 - Bd Denys-Puech / place Jean-Jaurès (1981)
• 3 puits gallo-romains.
• égout non daté.
121 - Rue Saint-Michel (1981)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
122 - Rue Monseignat (1981)
• habitat gallo-romain.
• puits (dont un peut-être gallo-romain).
123 - Préfecture (1982-1983)
• vestiges d’occupation gauloise avec habitat augustéen.
• quartier d’habitation gallo-romain, avec rue, égout,
galerie, mur.
• tombe tardive (début du Moyen Age ?).
• dépotoir médiéval provenant du Mazel.
124 - Rue Combarel (1982)
• vestiges d’occupation gallo-romaine et post-médiévale.
125 - Rue de l’ Embergue (1982-1983)
• vestiges d’occupation gallo-romaine et moderne.
• habitat gallo-romain.
126 et 126’ - Rue Grandet /
bd François-Fabié (1982 et 1987)
• habitat gaulois en terre.
• vestiges du XIVe au XIXe s.
128 - Bd Denys-Puech (1983)
• fosse augustéenne.
129 - Rue du Bourguet-Nau (1983- 1989)
• quelques vestiges antiques.
• céramiques de la fin du XVIe s. ; voie et fossé du XVIIe s.
130 - Rue Maurice-Bompard (1984)
• petit édifice gallo-romain.
131 - Bd République / Rue Maurice-Bompard (1984)
• dépotoir augustéen.
• habitation gallo-romaine.
• caniveau gallo-romain.
132 - Place Emma-Calvé (1984)
• quartier gallo-romain avec habitations, un
monument, le decumanus avec son égout.
• vestiges lapidaires médiévaux.
• céramiques et monnaies modernes (L. XIII et L. XIV).
133 - Rue Abbé-Bessou (1985)
Fouillé par J-C Aramond ; sondage et post-fouille par
Lucien Dausse.
• villa gallo-romaine suburbaine.
134 - Rue Eugène-Loup (1985)
• puits à amphores gaulois.
135 - Place Emma-Calvé (1985)
• égout gallo-romain.
L’exploration minutieuse des terres rejetées a permis de sauver des
témoignages irremplaçables sur l’histoire de Rodez et d’augmenter
considérablement le nombre de points d’occupation connus. Toutes
ses observations ont été consignées sur des fiches d’objets, des fiches
de sites et des carnets de terrain, qui constituent des outils précieux
et incontournables pour les recherches sur l’agglomération antique.
Enfin, son travail d’analyse et sa bonne connaissance de l’ensemble
des sites lui donne une vision globale de la topographie et de l’organisation de la ville romaine.
136 - Bd d'Estourmel (1986)
Fouillé par J-C Aramond ; post-fouille par Lucien Dausse. Pour
la partie post fouille : céramique et tête gauloises).
138 - Bd Denys-Puech /
Rue François-Mahoux (1987-1988)
• dépotoir gaulois puis antique.
• habitat gaulois.
• puits et citerne modernes.
141 - Rue Saint-Michel (1987)
• vestiges architecturaux antiques.
143 - Bd Flaugergues (1988-1989)
• point d’eau gaulois.
• habitat gallo-romain.
144 - Rue Aristide-Briand (1988-1989)
• puits à amphore gaulois.
• monument cultuel (temple ?) gallo-romain.
• sépultures médiévales.
145 - Place des Toiles (1988)
• vestiges d’occupation médiévale.
147 - Place d’Argentine (1989)
• vestiges d’occupation gallo-romaine et médiévale.
149 - Rue Combarel, 1989
Fouillé avec R Garric.
• puits à amphore gaulois.
• mobilier gallo-romain.
• puits bâti (moderne).
149’ - Av. Victor-Hugo (vers 1970)
• puits à amphores gaulois.
150 - Rue Périé / Rue Sarrus (1989)
• vestiges d’occupation gauloise et gallo-romaine.
151 - Autour de l’église Saint-Amans (1989)
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
• tombes et sarcophages médiévaux.
152 - Les Attizals (1990)
• habitat gallo-romain (IIe – IVe s.).
155 - Impasse Cambon (1990)
• matériel du Ie av. J.C. au VIIe ap. J.C.
• habitat gallo-romain.
• vestiges d’occupation post-médiévale.
156 - Rue Cabrières (1991)
• puits non daté.
• petits vases modernes.
158 - Place de la Cité (1992)
• sol en béton gallo-romain.
• cave voûtée médiévale comblée.
• sol post-médiéval.
160 - Bd Denys-Puech (1992)
• vestiges architecturaux antiques.
161 - Rue Louis-Oustry (1992)
Fouillé par M. Chiabrando ; étude préalable à travaux
(relevé stratigraphique d’une tranchée) par Lucien
Dausse.
• peintures murales médiévales.
162’ - Place Raynaldy (1993)
Fouillé par J. Catalo ; examen de bermes après fouilles
par Lucien Dausse.
• céramiques du XVIIe s.
163 - Av. Victor-Hugo (1993)
• matériel gallo-romain.
165’’ - Place Jean-Jaurès /
Rue Aristide-Briand (2003)
Fouillé par L. Grimbert ; suivi de terrassements par
Lucien Dausse.
• fosse gauloise.
• construction gallo-romaine (sur hérisson).
• atelier de marbrier gallo-romain.
168 - Rue des Pénitents Blancs (1995)
• vestiges d’occupations gallo-romaine et postmédiévale.
170 - Rue Maurice-Bompard (1995)
• vase gallo-romain.
172 - Rue de l’amphithéâtre (1995)
• mur de l’amphithéâtre gallo-romain.
173 - Quartier du Bourg (1996)
• sépultures et puits d’époque médiévale.
174 - Bd Denys-Puech (1996)
• dépotoir médiéval.
175 - Rue Séguret-Saincric (1996-1997)
• murs gallo-romains liés à l’amphithéâtre ou à ses
dépendances.
177 - Ruelle du Cours Comtal (1996-1997)
• habitation gauloise.
• murs gallo-romains.
179 - Rue Pasteur (1997)
En collaboration avec Christine Dieulafait.
• habitation gallo-romaine.
180 - Rue Séguret-Saincric (1998)
En collaboration avec Christine Dieulafait.
• puits à amphore gaulois.
182 - Place de la Madeleine (1998-1999)
Fouillé par C. Boccacino ; étude de contexte et postfouille par Lucien Dausse.
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
• sépultures du Haut Moyen Age.
• vestiges de l’église de la Madeleine.
• puits public avec une fontaine.
183 - Rue Henri-Dunant (1999)
• dépotoir antique.
184 - Autour de la Cathédrale (2000)
• quartier gallo-romain avec decumanus bordé d’une
galerie et habitation privée.
• rempart du Bas-Empire.
• vestiges probables de la chapelle du Saint-Soulier
(médiéval).
• vestiges de maisons modernes.
185 - Rue Aristide-Briand (1998-1999)
En collaboration avec Christine Dieulafait.
• structures gallo-romaines (murs).
• vestiges d’occupations du Ie s. av J.C. au XIXe s.).
187 - Place Raynaldy / Rue Saint-Just (2000)
Fouillé par F. Vayssière ; suivi de terrassement par
Lucien Dausse.
• sol et fossé gaulois.
• mur et sol pavé en rapport avec le forum.
• sépulture médiévale.
188 - Bd Pierre-Benoit (2001 à 2004)
Evaluation par P. Marlière ; étude de contexte et suivi
des travaux par Lucien Dausse.
• matériel gaulois et gallo-romain dans le remblai
rapporté.
• vestiges du cloître des Cordeliers.
189 - Bd Flaugergues (2000)
• vestiges d’occupation depuis les Gaulois jusqu’au
Moyen Age.
190 - Av. de l’Europe (2001)
• fossé gaulois.
• vestiges de l’occupation allemande.
191 - Rue Sarrus (2002)
• vestiges gallo-romains.
193 - Place Raynaldy (2003)
En collaboration avec D. Schaad
• murs et atelier de bronzier gallo-romains.
194 - Rue Abbé-Bessou (2003)
• mosaïque gallo-romaine.
195 - Calcomier (2003)
• quelques silex néolithiques.
• vestiges d’occupation gallo-romaine.
196 - Rue Saint-Just (2003)
• plafond en bois peint moderne (XVIIIe s.).
R 1231 - Saint-Cloud
• vestiges d’une briqueterie post-médiévale.
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Segodunum,
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c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Après plusieurs décennies de réflexion,
les Rutènes remplacèrent progressivement
les habitats gaulois - en torchis de terre
armée de clayonnage et couverts de
chaume - par des édifices « à la romaine »,
bien plus résistants. Uniformément
couverts de tuiles plates, leurs murs étaient
fondés sur un hérisson drainant s’appuyant
sur le rocher naturel et maçonnés avec du grès local, lié par un
solide mortier fait de sable et de chaux.
Segodunum,
capitale des Rutènes
Eléments de construction
et de décor de la maison,
découverts à Rodez.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Segodunum,
>
La maison gallo-romaine
Selon la fortune du propriétaire, la maison pouvait n’avoir qu’une seule pièce ou comporter
des espaces affectés à diverses fonctions de service ou d’apparat ; les sols étaient de terre
battue ou en béton de tuileau (tuile concassée et mortier) ; les murs se présentaient nus
ou couverts d’enduits peints. Le confort pouvait aller jusqu’à des fenêtres vitrées, un
chauffage par le sol et, exceptionnellement, une adduction d’eau particulière ; l’opulence
jusqu’à des colonnes de grès ou de brique peintes, lisses ou ornées de cannelures ou de
feuillages, des sols revêtus de marbres ou de mosaïques.
Par leur fréquence et la diversité de leur matière, les jetons montrent
qu’ils étaient largement utilisés, tant par les adultes que par les
enfants, comme accessoires de jeux
simples ou plus complexes, par
exemple sur des échiquiers. Ils sont plus ou moins
sommairement découpés dans des tessons de poteries
gauloises, puis gallo-romaines, moulés en céramique
lisse ou ornée de La Graufesenque, en pâte de verre ou
en os tourné. L’un d’eux porte gravée une inscription
laconique, peut-être destinée à attendrir le sort. Bien
plus rares sont les dés en os et le domino.
c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Divers jeux découverts à
Rodez : damier, ou tabula
latruncularia, destiné à
recevoir des jetons ; objets
miniaturisés pour les enfants.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Les jeux
>
Les fillettes jouaient à la dînette avec une vaisselle miniaturisée et peut-être à la fermière
avec des animaux de basse-cour : coq, poule, pigeon, chien, cheval.
D’autres jeux, beaucoup plus violents, attiraient à l’amphithéâtre un public passionné par les
combats de gladiateurs et les courses de chars, représentés ici sur des tessons de céramique.
Segodunum, c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Les lampes à huile
Echantillonnage de lampes à
huile mises au jour à Rodez.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Elles éclairaient avec parcimonie l’intérieur des maisons et accompagnaient aussi les défunts pour les guider dans l’au-delà.
Fabriquées en terre cuite, on en retrouve souvent des tessons au cours
des fouilles. La plupart proviennent d’ateliers d’Italie ou d’Afrique du
Nord ; quelques ateliers régionaux ont produit des imitations ou des
surmoulages. Les modèles, changeant assez souvent, permettent de
les dater approximativement.
La surface supérieure de leur réservoir (ou disque) est ornée de
sujets moulés très variés : végétaux, animaux, personnages, symboles…
Leur pied porte parfois la signature du décorateur. Elles fonctionnaient
avec de l’huile d’olive importée du sud de l’Espagne dans de grandes
amphores rondes et débitée dans des magasins spécialisés, comme celui retrouvé rue
Eugène-Viala.
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Segodunum, c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Le faubourg des morts
Nécropole de la Boule d’Or à
Rodez : matériel de la tombe 4.
Alors qu’à l’origine de Rodez les tombes étaient dispersées au plus près
des habitats gaulois, les Romains imposèrent des règles impératives
dans un double souci d’hygiène et de culte des défunts. Les sépultures
étaient groupées dans des cimetières ouverts, hors du périmètre de la
ville, le long des voies romaines.
L’une de ces nécropoles s’étend sur le flanc est de la butte, en bordure
de la voie conduisant vers le Midi, par Millau et Lodève. Déjà reconnue
lors de travaux de lotissement, elle fut effleurée lors de l’ouverture de
la rue Comtesse-Cécile. Dix tombes firent l’objet d’une fouille de
sauvetage qui dévoile les coutumes funéraires en usage. La première
contenait le squelette d’un prisonnier âgé, portant des menottes et un
lourd collier rivé, preuve de sa condamnation à perpétuité. Dans
quelques mètres carrés, sept autre inhumations se superposaient à deux incinérations : des
offrandes de vivres, de lampes et de vaisselle en céramique étaient associées à certaines.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
L’étude des objets montre que cette nécropole a fonctionné de la fin du Ie siècle, c’est-àdire dès la création de la ville organisée « à la romaine », jusqu’à la fin du IIIe siècle, période
durant laquelle Segodunum s’enferme dans une enceinte et où le quartier de la Madeleine
se transforme en cimetière.
Segodunum,
c a p i t a l e d e s R u tè n e s
Le verre
Fragile et cher, bien moins utilisé que la céramique, il provenait de
contrées lointaines, notamment la Syrie et l’Egypte. Les bols,
assiettes et flacons comportaient une gamme allant du simple
transparent bleuté à des décors plus complexes, filets rapportés,
médaillons moulés et décors soufflés. Très tôt, semble-t-il, après la
conquête romaine, l’élite ruthénoise avait importé quelques beaux
vases en verre polychrome filigrané, marbré ou mosaïqué, et des
millefiori d’Alexandrie.
Divers types de décor des verreries retrouvées à Rodez.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Segodunum,
c a p i t a l e d e s R u tè n e s
L’alimentation
Le bœuf fournissait plus de la moitié des viandes ; le porc et le
mouton le reste, avec gibier, volailles et œufs. L’huile d’olive, les
huîtres et le garum sont des marqueurs de romanisation.
Si, par leur nature, les légumes et certains fruits n’ont pas laissé de
traces, on retrouve des noyaux de pêches, prunes et cerises, des
coquilles de noisettes et plus rarement de noix, ou des pépins de raisin.
Le froment et l’orge, moulus à la maison, donnaient la farine et le pain.
L’assortiment d’ustensiles de cuisine et de vaisselle, comme les
moyens de cuire et de servir les repas, et les menus eux-mêmes,
variaient du sommaire au fastueux, selon le niveau de vie de chaque
famille.
Vestiges de noisettes découverts
dans un dépotoir de Rodez (bd
d’Estourmel).
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo.
Textes rédigés par :
Lucien Dausse,
archéologue
Annie Philippon,
conservateur du musée Fenaille
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Condatomagos,
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l e m a rc h é d u co n f l u e n t
Condatomagos,
le marché du confluent
Au cœur des grands causses
L’agglomération de Condatomagos est située dans une vaste
cuvette, dominée par des reliefs tabulaires du Larzac au Sud, du
causse Noir à l’Est, du Puech d’Andan au Nord et du causse Rouge
à l’Ouest. Ces reliefs, vestiges des sédimentations de l’ère secondaire,
forment aujourd’hui une géographie particulière, tabulaire, composée
de roches calcaires ménageant des cavités, abris ou avens, créés par
l’érosion des eaux de pluie.
Les cours d’eau provenant du Nord ou du Mont Aigoual à l’Est, le Tarn
et la Dourbie, ont surcreusé ces reliefs en vallées encaissées qui se frayent un chemin
au fond des gorges étroites. La Dourbie se jette dans le Tarn au centre de cette
cuvette, et a formé une large plaine alluviale, qui a été fréquentée par l’Homme dès le
deuxième Age du Fer, bien avant la conquête romaine. Cette plaine est dominée par un
éperon surgissant du causse du Larzac, sur lequel a été identifié, dès l’Age du Bronze,
un établissement humain qui témoigne de l’intérêt de cette position stratégique audessus de la plaine.
Le site de Millau.
© Cliché Ville de Millau.
Condatomagos,
l e m a rc h é d u co n f l u e n t
La carte archéologique de Millau, en cours de réalisation, s’attache
à recenser l’occupation humaine sur le site de Millau, pendant
toute l’Antiquité.
Condatomagos,
ville rutène
La multitude de travaux menés sur l’ensemble de la ville depuis le XIXe
siècle, montre que les deux rives du Tarn et de la Dourbie étaient habitées à l’époque romaine, bien que nous ne puissions établir clairement
les limites de cette bourgade, ni la nature de ses quartiers. Existe-t-il un « cœur de ville »
ailleurs qu’à la Graufesenque, autour duquel se répartiraient les innombrables ateliers de
potiers ceinturant la ville, ou bien faut-il imaginer un tissu urbain plus lâche sur la rive Nord
que sur le confluent, au Sud ?
La Graufesenque,
secteur des temples.
Le statut juridique de cette agglomération reste incertain. On imagine mal que Condatomagos
n’ait pas été intégré à l’organisation territoriale, sous le statut de vicus par exemple, sans pouvoir
le démontrer. Nous ne possédons en effet aucun témoignage d’une administration municipale, si ce n’est les flamines mentionnés sur les bordereaux d’enfournement de la Graufesenque : édiles, comme sur d’autres sites, ou prêtres du sanctuaire voisin de la Graufesenque ?
© Cliché Ville de Millau.
Condatomagos, en gaulois
« le
marché
du
l e m a rc h é d u co n f l u e n t confluent » figure sur la
Table de Peutinger, et l’on
peut donc imaginer que
cette étape constitue une agglomération
importante. Plusieurs voies la relient aux
autres villes environnantes, par lesquelles se
sont développés les échanges, bien avant
l’époque romaine. Le commerce des céramiques sigillées, bien sûr, mais aussi la poix, le
travail du métal et du fer en particulier, les
étoffes de lin dont Pline ou Strabon nous précisent que les Rutènes en produisaient de
Les hipposandales trahissent la qualité. Tout ceci a transité, sur des chariots ou sur le dos des mulets, à travers les
présence de chevaux. causses, jusqu’à la Narbonnaise au Sud, et vers les terres des puissants Arvernes au Nord.
Condatomagos,
© Cliché Ville de Millau.
>
Les voies romaines
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La voie du Sud, route empierrée de 6 mètres de large, remontait depuis la Via Domitia
par Lodève et la Cavalerie. Elle se prolongeait vers le Nord, jusqu’à Rodez, Segodunum,
chef-lieu de la cité des Rutènes, étape importante de la transversale reliant Lyon à
Bordeaux. La voie franchissait le Tarn à Millau par un pont dont les piles nous sont
connues. Cet axe était complété de deux axes diagonaux, l’un provenant de Nîmes et
s’embranchant entre Millau et la Cavalerie, l’autre s’échappant de Millau au Nord-Est, par
le col d’Engayresque, Sévérac, Banassac en Lozère, où figurent d’autres ateliers de sigillée
et Javols, Anderitum, capitale des Gabales.
La fouille du site, entamée à grande échelle par Louis Balsan, a été
dirigée ensuite par Alain Vernhet, entouré d’une solide équipe d’archéol e m a rc h é d u co n f l u e n t logues bénévoles. Cette fouille a livré, sur 3000 mÇ, un exemple de
constructions organisées autour d’un carrefour, d’où partent deux rues,
déterminant trois îlots urbains. L’îlot le plus au Sud paraît le plus
révélateur de son usage : colonnes en pierre, chapiteaux, sols construits suggèrent un usage
domestique conforme à la construction romaine, plutôt rare à Condatomagos. Ailleurs, des
bases de poteaux, en pierre, suggèrent une construction de bois, dont l’alignement
provient d’un état (élévation) antérieur. Dans ces lieux se sont aussi établis des potiers,
puisque l’emplacement de leurs tours est apparu lors des fouilles.
Le second espace se situe de l’autre côté d’une des rues : au centre d’un enclos sacré, ont
été construits tour à tour une série de quatre temples. Ils succèdent peut-être à des constructions de même nature, plus anciennes. Apparaissent aussi successivement trois fana,
constructions caractéristiques de la piété rurale, fréquemment dédiés au dieu Mercure. Leur
plan ne laisse pas de doute sur la forme du bâtiment, constitué d’une cella centrale, ceinte
d’une galerie périphérique. Dans le second siècle, après la destruction du dernier fanum, est
érigé un petit temple classique à fronton, soutenu par six colonnes, et orienté vers le Sud.
La partie la plus au Sud, au pied de la colline, a livré de nombreux témoignages de l’activité potière. Outre plusieurs dépotoirs gigantesques, on dénombre plusieurs fours, des fosses
de décantation et des aires de travail de l’argile. Parmi les fours, deux exemplaires de fours
ronds sont apparus, tandis qu’un four rectangulaire de grandes dimensions interroge
Statuette de Mercure. encore les spécialistes, sur sa capacité à cuire de la sigillée. Les dernières recherches sur cette
zone, font état de bâtiments, de sources ou de fontaines votives, qui ont précédé cette acti© Cliché Ville de Millau.
vité potière. L’hypothèse d’un sanctuaire des eaux, lié aux temples, semble donc plausible,
malgré le peu de lisibilité des vestiges.
La vocation potière du site, quoique postérieure au sanctuaire, semble donc bien liée à celuici et à une pratique religieuse, si l’on en juge par la présence des flamines, prêtres rédacteurs de bordereaux d’enfournement.
Condatomagos,
Le site de Graufesenque
De multiples contacts culturels
et économiques existaient à
l e m a rc h é d u co n f l u e n t Condatomagos comme dans le
pays Rutène, bien avant la
conquête, principalement avec
la sphère méditerranéenne.
L’archéologie livre quotidiennement des témoins matériels de ces « importations »,
qui complétaient le vaisselier indigène, ou contenaient des mets précieux. En fait, c’est la romanisation, du temps d’Auguste (30 av. J.-C. / 15 ap. J.-C.) qui voit se développer l’activité potière.
Dépotoir de Gallicanus Les premières productions imitent des formes produites en Italie et à Lyon, dans les
pendant la fouille. ateliers actifs au tout début de notre ère. Ce n’est que sous le règne de Tibère que ces ateliers
sont « délocalisés » à Condatomagos, où ils prennent un essor unique dans l’Antiquité.
Condatomagos,
© Cliché Ville de Millau.
>
Un centre de production
de céramique sigillée
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Condatomagos,
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l e m a rc h é d u co n f l u e n t
Dans les deux siècles que dure la production, plus de 500 ateliers vont se succéder, et
produire des vases par millions. Certains des dépotoirs qui nous sont parvenus livrent des
quantités de rebuts de plus de 30 000 vases, témoignant de la puissance de cette production, et de la sévérité du « contrôle qualité ». De même, l’aire de diffusion de ces poteries,
depuis la Mer Noire jusqu’à la Mauritanie, de la (Grande) Bretagne jusqu’à Aden, font de
cette production du pays rutène un vecteur de la romanisation « planétaire » à l’échelle de
l’Empire : cette céramique rouge est la vaisselle de table des populations romanisées,
pendant plus de deux siècles, autour de la Méditerranée et au-delà. Cette diffusion ne pouvait
être que l’œuvre de commerçants qui l’ont diffusée et ont tiré de substantiels profits de ces
échanges.
Condatomagos,
l e m a rc h é d u co n f l u e n t
Les bordereaux
d’enfournement
Chaque cuisson de sigillée, en raison de la quantité de vases, donnait
lieu à un décompte très précis. En effet, plusieurs potiers apportaient
leur production, et les vases étaient cuits en commun, sans doute pour
limiter les risques.
C’est pourquoi un bordereau d’enfournement était rédigé à chaque
fournée, qui comptabilisait, en face de chaque nom de potier, le type
de vase qu’il cuisait, et le nombre de ces vases. Par exemple, on pense identifier
aujourd’hui dans les acetabili des vases à sauce de petites dimensions, dans les catili,
des assiettes, des petits plats, dans les atramentaria, bien sûr, les encriers. Le
nombre de vases fourni par chaque potier, avoisinait fréquemment 500,
mais en fait toutes les quantités peuvent se trouver, de cinquante (L)
pour les grosses unités, mille cinq cents (MCCCCC) pour les petites.
Les derniers bordereaux découverts apportent une précision importante : on cuisait pendant tout l’été, depuis le mois de mai
jusqu’aux nones d’octobre, soit quasiment six mois de l’année.
Bordereau d’enfournement
mentionnant le flamine
Sabinos.
© Cliché Ville de Millau.
Si la production considérable de céramique peut apparaître comme une
l e m a rc h é d u co n f l u e n t mono-industrie de Condatomagos,
elle ne doit pas obérer les autres
réalités économiques, et la mise en
œuvre de la métallurgie. Au Sud, une
« société des mines d’argent des
Rutènes » est attestée par l’épigraphie dans la Vallée de
l’Orb, pour les métaux précieux. Le cuivre et le fer, nous
sont, eux, connus par l’archéologie. Du premier métal nous
ne connaissons que les productions. Du second, nous sont parvenus de nombreux ateliers,
Pichet en fer provenant et le dispositif de grillage du minerai, obtenus par la collecte de sidérolithes, fragments de
des temples. minerai à l’état natif et présent en abondance sur les causses.
Condatomagos,
© Cliché Ville de Millau.
>
Une métallurgie
très puissante
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L’importance de ces ateliers se confirme par les matériaux manufacturés découverts à la
Graufesenque, où la nature des terrains a permis de conserver outils, éléments de
construction et objets de la vie quotidienne en grande quantité.
La culture de cette céréale ne nous est connue que par les textes
anciens. Pline est une source précieuse. D’abord, il nous renseigne
l e m a rc h é d u co n f l u e n t sur les capacités des Rutènes : « Mais quoi : les Gaules aussi sont estimées pour ce produit (…) Les Cadurciens, les Calètes, les Rutènes,
les Bituriges et les Morins, qu’on regarde comme placés aux derniers
confins de la terre ; que dis-je ? Les Gaules tout entières, tissent des voiles. » Ensuite, il
décrit minutieusement la nature du végétal, la manière de le semer, les espèces, la
manière de le préparer et de le teindre. Aucune installation assimilable à cette activité
n’est jamais apparue sur le territoire, pour autant que l’énorme quantité de fil nécessaire
au tissage de voiles n’ait pas fait l’objet que d’une activité domestique. Mais le site de
La Graufesenque, qui a livré plusieurs centaines de pesons, contraint à s’interroger sur
la nature de l’activité qu’ils induisent.
Condatomagos,
Le lin des Rutènes
Les études de paléo-botanique montrent que les Grands Causses
étaient couverts de pin sylvestre à l’époque romaine, sur une
l e m a rc h é d u co n f l u e n t surface voisine de 50 000 hectares. Ce bois, parvenu à Condatomagos
par flottage, a sans doute servi à la cuisson des céramiques dans les
fours de La Graufesenque. Mais une activité annexe à cette exploitation sylvestre a aussi été révélée par les archéologues : il s’agit de
l’extraction de la résine des petites branches de ces pins, qui, une fois
extraite, donne la poix.
Condatomagos,
La poix des
grands causses
La poix était utilisée pour divers usages, en premier lieu pour enduire l’intérieur des
amphores et des tonneaux, afin de les rendre étanches : la production de vin de la
Narbonnaise, au pied du Larzac, en était nécessairement consommatrice. La poix
noire était utilisée pour le calfatage des bateaux, pour enduire les cordages et les rendre
souples et imputrescibles. Pline reconnaît aussi à la poix la plus fine, associée à d’autres
plantes, des vertus antiseptiques pour la dermatologie, la gynécologie, les affections respiratoires, mais aussi pour les animaux : « avec l’encens, la cire de poix ou avec l’huile
de poix, [l’ellébore noir] guérit la gale des quadrupèdes ». Plusieurs centaines de
« picaria », les ateliers d’extraction, ont été identifiés sur le causse Noir, sur le Méjean,
le Sauveterre et le Sud du Larzac, ce qui indique la vitalité de cette activité économique.
Textes rédigés par
François Leyge,
conservateur du musée de Millau,
administrateur du site archéologique de La Graufesenque
et
Alain Vernhet,
chargé de recherches au CNRS.
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Musée de Montrozier
Le Bourg, 12630 Montrozier
Tél 05 65 70 71 45 - Fax 05 65 70 77 75
Mél [email protected]
Vue aérienne de l’oppidum de Montmerlhe
(Laissac).
© Cliché ASPAA
Musée Fenaille - RODEZ
14 place Eugène-Raynaldy, 12000 Rodez
Tél 05 65 73 84 30 - Fax 05 65 73 84 31
Mél [email protected]
Matériel de la nécropole de la Boule d’Or à Rodez.
© Cliché musée Fenaille / Méravilles Photo
Hôtel de Pégayrolles,
place Foch, 12100 Millau
Tél 05 65 59 01 08 - Fax 05 65 61 26 91
Mél [email protected]
Céramique sigillée du site de la graufesenque.
© Cliché Ville de Millau
GRAPHI IMPRIMEUR 12450 La Primaube - 05 65 69 41 20 - RCS B 322 864 265 - 2007100182
Musée de Millau