LA CONDITION FEMININE AU THEATRE DU XVII AU XX° SIECLE

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LA CONDITION FEMININE AU THEATRE DU XVII AU XX° SIECLE
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
SEQUENCE : LA CONDITION FEMININE AU THEATRE
DU XVII AU XX° SIECLE
Supports :
-
Molière, Les femmes savantes, 1672.
Molière, L’école des femmes, 1662
Marivaux, La double inconstance, 1723.
Musset, Bettine, 1851.
Jelinek, Ce qui arriva quand Nora quitta son mari, 1993.
Objectifs de la séquence :
- découverte d’un groupement de textes et de son thème
- étude des caractéristiques du texte théâtral (tirade, scène d’exposition…)
- montrer à partir de deux extraits de pièces de théâtre l’évolution de la condition
féminine aux XVIII° et XIX° Siècles
Séance 1 : Découverte des œuvres
Objectifs :
- découverte d’un groupement de textes
- trouvez un thème commun au groupement
- relevez des premières caractéristiques du texte théâtral
Lecture découverte à la maison puis relecture en classe.
Questions :
1) Relevez les différents éléments présents dans le paratexte (auteur, titre, période, acte et
scène de l’extrait)
2) Notez le nombre des personnages, leur nom et leur rang social.
3) Quel est le thème abordé dans ce groupement ? Justifiez votre réponse.
4) Quelle est l’écriture employée ? (vers ou prose)
5) Quel est le niveau de langue utilisé ?
TE : En fonction des époques, on trouve des écritures différentes sur un même thème
fédérateur au théâtre : la femme.
Ex au XVII° siècle…
Exercice : trouvez un titre commun aux quatre textes.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
Documents complémentaires aux extraits :
Elfriede Jelinek, Ce qui arriva quand Nora quitta son mari, 1993.
Personnages :
Nora Helmer.
Chef du personnel
Ouvrières
Eva
Contremaître
Une secrétaire
Un monsieur
Un secrétaire
Consul Weygang
Ministre
Annemarie
Torvald Helmer
Krogstad
Madame Linde
La pièce se déroule dans les années vingt. Mais on peut aussi, avec les costumes, marquer des
« sauts dans le temps », surtout dans un futur anticipé.
Il est absolument nécessaire que Nora soit jouée par une actrice rompue à l’acrobatie et qui
sache aussi danser. Elle doit pouvoir faire les exercices de gymnastique indiqués, mais que ça
ait l’air « professionnel » ou pas, peu importe. Elle peut sans problème donner une impression
de maladresse.
Eva doit toujours avoir l’air cynique, un peu désespérée.
Pièce découpée en 18 scènes.
Marivaux, La double inconstance, 1723.
Personnages :
Le Prince
Un seigneur
Flaminia, fille d’un domestique du Prince
Lisette, sœur de Flaminia
Silvia, aimée du Prince et d’Arlequin
Arlequin
Trivelin, officier du Palais
Des laquais
Des filles de chambre
La scène est dans le palais du Prince.
Pièce en trois actes.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
Séance 2
L’ Ecole des femmes ou……….
Objectifs
1)Etudier un texte théâtral et ses caractéristiques à travers une déclaration d’ amour.
2)Réfléchir sur la condition des femmes au XVIIème
3 axes de lectures :
Questions initiales :
1)Quel est le thème de la tirade d’Arnolphe ? déclaration d’ amour, scène plutôt traditionnelle
au théâtre.
2)Selon vous , comment la trouvez-vous ?
I/ une déclaration d‘amour …..ridicule ( à qualifier par les élèves )
1)Soulignez des verbes à l’impératif et au futur simple. Quelles sont leurs valeurs ds la
déclaration d’amour d’Arnolphe ?
*l’impératif :
déclaration d’ amour est présente par l’emploi de l’ impératif : « écoute ce soupir….vois,
contemple,»verbes qui rendent ridicule l’ attitude d’Arnolphe qui n’ a guère l’allure physique
d’un séducteur auprès d’une jeune fille de16 ans…. de plus il ne fait pas le poids face à
Horace .Enfin, « aime-moi » est pathétique car l’amour ne se commande pas…
*le futur simple :
la Promesse d’un amour brûlant est montré par l’emploi de verbes: « te caresserai,
bouchonnerai, mangerai… » cette Accumulation de verbes au futur sont excessifs et
inadaptés dans une déclaration d’ amour envers une jeune fille…
2)Encadrez la série de questions d’Arnolphe et indiquez son rôle :
la succession d’ une série de questions passionnées soulignées par l’anaphore « Veux-tu » et
aboutissant à « veux-tu que je me tue ? » montre la soumission totale de l’homme amoureux
prêt à donner toutes les marques de sa passion.Enfin la dernière question est ridicule car
Agnès souhaiterait certainement la disparition de son tuteur…
3)Indiquez les expressions d’ Arnolphe nommant Agnès, qu’en pensez-vous ?
le choix des termes hésite entre ceux qualifiant l’esprit d’ Agnès de mauvais : « traîtresse,
cruelle… » et les métaphores animales « : petit bec, bête trop indocile. ».
Choix de termes pas forcément flatteurs et judicieux dans le désir de séduire la jeune fille.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
II/ Une déclaration d ‘amour également violente….preuve de la domination des hommes
1)Qui parle le plus dans cet extrait ? A votre avis , pour quelles raisons ?
La scène présente une lutte inégale entre les deux personnages, Agnès n’a que 16 ans et
dépend d’Arnolphe à qui elle doit son éducation et sa vie.Elle ne parle que très peu.
Arnolphe , lui, a le pouvoir des mots, comme en témoigne la longueur de la tirade amoureuse.
L’inégalité des répliques montre aussi son autorité comme en témoigne la menace finale :
« un cul de convent me vengera de tout »
2)Indiquez un changement de pronom et sa raison :
La fin de l’extrait indique un passage du tutoiement au vouvoiement : « vous rebutez mes
voeux et me mettez à bout » qui prouve la colère d’Arnolphe et sa violence verbale.
3)Les expressions (déjà relevées)nommant Agnès sont peu flatteuses mais aussi
violentes :
Ainsi le choix des métaphores animales et des qualificatifs négatifs « cruelle, … »montrent le
mépris d’Arnolphe envers Agnès mais également envers toutes les femmes.
Sa violence est montrée par les insultes finales énoncées avec force comme le prouve l’emploi
des exclamations.
III/Quelle vision des femmes selon le personnage d’Arnolphe ? Selon Molière ?
1)La vision des femmes par Arnolphe :
a)trouvez une didascalie au début de l’ extrait et commentez son emploi :
Sa pensée apparaît tout d’ abord par le choix d’ un aparté, signe qu Arnolphe traduit au
spectateur/lecteur sa pensée intime vis à vis des femmes, à l’ écart des oreilles d’ Agnès.
b)Emploi du singulier ou du pluriel dans cet aparté ? pourquoi ?
Puis, l’emploi de termes généraux et des pluriels traduit une opinion générale « leur esprit
Traîtresses…. »
c)Commentez la valeur des démonstratifs :
L’emploi des démonstratifs : « ces traîtresses, ces animaux »montre bien une opinion
négative des femmes . l’emploi de la métaphore animale(qui conclut l’aparté) « ces animauxlà » montre bien tout le mépris d’Arnolphe envers les femmes jugées inférieures et stupides.
d)trouvez et étudier le champ lexical du comportement féminin :
« telles faiblesses, extravagance, indiscrétion , méchant, imbécile » , ce champ lexical met en
valeur tous les défauts de l’âme féminine….physiques et moraux…..
2) Selon vous, à partir de la déclaration d’ amour (ratée) et la seule réplique d’ Agnès,
quelle est l’opinion de Molière concernant les femmes ?
Elle est beaucoup plus nuancée que celle de son personnage, qui, elle traduit bien, celle
générale de la société d’Ancien Régime du XVIIème siècle….
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
En effet, la déclaration d’amour d’Arnolphe ridicule et violente est un moyen, pour Molière
de prouver/dénoncer le pouvoir des hommes, en montrant à quel point d’inhumanité ils
peuvent atteindre : possession absolue et séquestration des femmes.
La brièveté mais la puissance des répliques d’ Agnès « Tenez, tous vos discours ne me
touchent point l’âme…Horace avec deux mots en ferait plus que vous » montre l’opinion
positive de Molière envers les femmes.
La réplique unique mais plus généralement toute la pièce montre comment l’amour fait
accéder Agnès à l’intelligence et lui donne la capacité morale de lutter contre l’ autorité
masculine.
IV/Recherches personnelles des élèves sur l’éducation des filles /condition
féminine au XVIIème siècle :
V/Trouvez un titre à l’ extrait étudié :
VI/Expression écrite :
Ecriture d’une lettre ou d’une scène théâtrale
.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
Séance 3 : De Marivaux à Musset … ou l’évolution de la condition féminine
Objectifs :
- montrer à partir de deux extraits de pièces de théâtre l’évolution de la condition
féminine aux XVIII° et XIX° Siècles
- étudier une tirade dans une scène de dénouement
- comprendre l’organisation et les buts d’une scène d’exposition à visée argumentative
I La double inconstance, acte I scène I
Lecture de la scène.
Questions :
1) Montrez en quoi cette première scène est dynamique.
Répliques courtes (duel verbal), ponctuation, didascalies (traduisent le mouvement,
l’agitation des personnages), l’impératif, les types de phrases, les personnages se coupent la
parole (pas de temps mort).
2) Quelles informations précises nous apporte cette scène ?
a. sur les personnages ? (leur nom, rang social, lien, caractère,…)
b. sur l’intrigue ? (enlèvement, mariage forcé)
c. sur l’écriture et le ton ? (langage courant)
2) A partir de cette première scène (appelée scène d’exposition) pouvez vous définir ou
expliquer le rôle/ la fonction d’une scène d’exposition au théâtre.
La scène d’exposition fournit des informations nécessaires à la compréhension de
l’histoire (intrigue) :
- personnages
- le conflit, l’intrigue
- le ton de la pièce, son rythme
- les lieux et l’époque
Elle doit susciter l’attention du lecteur ou du spectateur.
Une pièce de théâtre est construite en trois grandes étapes :
- la scène d’exposition
- le nœud de l’action (les personnages rencontrent un obstacle qui s’oppose à leur
projet)
- le dénouement (apporte une issue à la crise sous la forme d’une résolution
heureuse ou tragique).
Acte 1
Acte 2
Acte 3
Acte 4
Acte 5
___________________________________________________________________________
exposition
conflit
péripéties
dénouement
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
II Bettine, acte 1 scène 18.
1) Quelle est la différence évidente entre les paroles de la scène d’exposition de la
Double inconstance et de la scène de Bettine ?
Il s’agit ici d’une tirade, réplique longue. Attention différence avec le monologue (texte
prononcé par un seul personnage seul en scène. Il permet au public de connaître les
intentions d’un personnage ou ses doutes).
2) Etude de la tirade :
l 10 à 14 :
a. Le marquis offre le mariage à Bettine à une condition. Dites laquelle et
justifiez avec le texte.
Il lui demande de remonter sur scène de reprendre son activité artistique : « je vous parle de
remonter sur scène ».
b. Bettine partage-t-elle le point de vue du marquis ? Citez un passage du texte.
Non, elle trouve cela « étrange » et lui a dit vouloir renoncer à son art une fois mariée l12.
c. A votre avis, que va tenter de faire le marquis à présent ?
Le marquis va tenter de la convaincre qu’il a raison de penser cela, et donc qu’elle a tord.
d. par quels moyens ?
Il va mettre au point un argumentaire composé d’arguments.
l 14 à 17 :
e. Quels sont les types d’arguments utilisés par le marquis ?
Il s’agit d’une série de questions ponctuée par une réponse exclamative finale « Oh ! que non
pas ».
f. Soulignez les questions ? est-il convaincant ?
Oui, plutôt car il conduit un argumentaire logique donnant lieu à une réponse logique et
naturelle, il fait référence à des valeurs communes « on » connues par tous et indiscutables.
l 17 à 20 :
g. Relevez le temps des verbes ? Quelle valeur accordez vous à ce temps, justifiez
son emploi ?
C’est un présent de vérité générale, qui permet d’affirmer quelque chose très fort, qui ne peut
être discuté.
h. Quel est l’argument utilisé par le marquis dans ce passage ?
On ne peut pas aller à l’encontre de la nature humaine
i. Par quels moyens renforce-t-il cet argument ?
Il s’appuie sur des exemples (poète), une comparaison (pommier), exemple célèbre faisant
référence (Rossini).
l 20 à 27 :
j. Soulignez le pronom le plus employé ?
Vous, il parle à présent de Bettine, plus de ON et de généralité (cas particulier)
k. Soulignez les verbes et dites le temps employé ? Notez le préfixe le plus
souvent employé ? Justifiez son emploi ? Quel est le but du marquis ?
Verbes d’action au futur qui a une valeur d’ordre, il lui impose ce destin qu’elle doit
retrouver (re) = idée d’un renouveau.
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l. Dans ce futur, comment est qualifié le public ? Comment va réagir ce public
selon le marquis ? Justifiez votre réponse avec un champ lexical et une figure
de style ?
Le public est qualifié de « foule », « parterre », « dandies », « belles dames »…= idée du
nombre, Bettine doit remporter l’adhésion de tous hommes et femmes confondus et de beauté,
tout semble magnifié. Le public est conquis en adoration devant Bettine :
CL de l’amour, de l’adoration et de la beauté.
Enumération de verbe (référence aux nombreuses réactions qu’elle va susciter)
Accumulation des QUI et des verbes affectifs.
m. Quel est le but de cette projection dans le futur ?
Il veut lui prouver logiquement qu’elle ne doit pas abandonner son art, il lui montre ce qui
l’attend, elle ne peut pas se permettre de refuser un tel destin. Il a recours à des arguments
qui recourent aux faits.
l 28 à 29 :
n. Quelles sont les tonalités de ces dernières paroles ?
Tristesse, mélancolie, regret du passé (jadis, je , Ah !)
o. Comment avec ces dernières paroles le marquis tente-t-il encore une fois de la
convaincre ?
En provoquant chez Bettine de la pitié (gradation et VOUS). L’exclamation finale marque
cependant l’idée d’un dénouement heureux.
CONCLUSION :
-
Quel est le type de ce texte ? ARGUMENTATIF
Quel est le but ? PERSUADER ET CONVAINCRE
De quoi ? D’UNE IDEE OU UNE THESE
Comment la persuader ? AVEC DES ARGUMENTS DE DIFFERENTES
VALEURS* ET DES EXEMPLES.
*Argument qui recourt aux faits (il développe une situation précise et ses conséquences,
il peut s’appuyer sur un témoignage ou un cas particulier)
+Argument qui s’appuie sur des valeurs (il fait référence à des valeurs comme le beau, le
bien, le respect, le tolérance…)
+ Argument d’autorité (il renvoie à un ouvrage célèbre, à un spécialiste reconnu ou à des
données chiffrées).
Cette tirade est un texte organisé logiquement à visée argumentative. Prouvez le en
donnant le plan de cette tirade :
thèse réfutée :…
thèse proposée/défendue :….
arguments :….
III L’évolution du statut de la femme aux XVII° et XVIII° siècles.
1) Relevez dans les deux extraits des éléments qui montrent l’émancipation de la femme,
l’évolution de la condition féminine.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
2) Recherchez des éléments historiques dans les sociétés des 17 et 18° siècles allant dans
le même sens.
3) Donnez un titre à ce groupement.
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Document élève séance 3
1) Etude de la tirade :
l 10 à 14 :
a. Le marquis offre le mariage à Bettine à une condition. Dites laquelle et
justifiez avec le texte.
b. Bettine partage-t-elle le point de vue du marquis ? Citez un passage du texte.
c. A votre avis, que va tenter de faire le marquis à présent ?
d. par quels moyens ?
l 14 à 17 :
e. Quels sont les types d’arguments utilisés par le marquis ?
f. Soulignez les questions ? est-il convaincant ?
l 17 à 20 :
g. Relevez le temps des verbes ? Quelle valeur accordez vous à ce temps, justifiez
son emploi ?
h. Quel est l’argument utilisé par le marquis dans ce passage ?
i. Par quels moyens renforce-t-il cet argument ?
l 20 à 27 :
j. Soulignez le pronom le plus employé ?
k. Soulignez les verbes et dites le temps employé ? Notez le préfixe le plus
souvent employé ? Justifiez son emploi ? Quel est le but du marquis ?
l. Dans ce futur, comment est qualifié le public ? Comment va réagir ce public
selon le marquis ? Justifiez votre réponse avec un champ lexical et une figure
de style ?
m. Quel est le but de cette projection dans le futur ?
l 28 à 29 :
n. Quelles sont les tonalités de ces dernières paroles ?
o. Comment avec ces dernières paroles le marquis tente-t-il encore une fois de la
convaincre ?
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4ème séance
Ce qui arriva quand Nora quitta son mari…de Jelinek ou…
Objectifs :
*découvrir et étudier une écriture contemporaine dans une scène d’exposition
*montrer les éléments traditionnels et novateurs d’une scène d’exposition
*étudier le portrait d’un personnage « extraordinaire »
Support :
*scène d’exposition de la pièce d’E.Jelinek :Ce qui arriva quand Nora quitta son mari
I/1ère activité : découverte du texte :
1)Après la lecture de l’extrait, repérerez les éléments inhabituels par rapport aux autres
textes
du groupement : Molière, Marivaux…
2)Selon vous, cette scène d’exposition est-elle conforme à la définition proposée dans la
3ème séance ?
a)Eléments traditionnels d’une scène d’exposition :
*présence des didascalies initiales
*Elles indiquent l’identité des personnages, le rang social, le lieu et l’époque (années 20).
*un début d’intrigue : un entretien d’embauche/professionnel
Nora qui vient de quitter son mari doit un trouver un travail pour vivre mais veut en même
temps se réaliser, se construire en tant qu’individu….
*des hypothèses de lecture :
Nora va -t-elle trouver un emploi ? Va-t-elle réussir à se construire ?
b)Eléments novateurs :
*une écriture « bizarre » : phrases courtes, nominale / vocabulaire courant /écriture en prose
*rythme /saccadé rapide et musical des répliques engendré par des reprises
d’expressions(impression d’écho) et l’emploi de phrases courtes
*des expressions volontairement choquantes pour le lecteur/spectateur :: « j’ai essayé la
culture et l’élevage des vieux…. »
* dans la didascalie initiale, l’auteur précise que l’époque est finalement indéterminée.
* scène d’exposition avec un entretien d’embauche : thème peu banal dans les pièces de
théâtre
* Difficulté d’attribuer un genre à cette pièce de théâtre.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
*Finalement, le lecteur a une 1ère impression (écriture relâchée, peu travaillée) puis une
2ème lecture donne, au contraire une impression d’écriture très travaillée et très
contemporaine
II/2ème activité élève : Etude d’un entretien professionnel un peu particulier…
1)Soulignez plusieurs questions posées par le chef du personnel. Dans cette série
de questions, quels sont les principaux thèmes abordés ?
Les questions personnelles/professionnelles :Parcours/diplômes/famille…
Bien indiquer que si les questions sont souvent traditionnelles, les réponses de Nora ne le sont
pas forcément !
2)Soulignez les réponses du chef du travail qui indiquent sa vision du
travail ?Caractérisez et expliquez sa vision du travail et de la place de l’
Homme :
Vision du travail négative /pessimiste .
le travail est une fin en soi, un but ultime à atteindre. Pour lui, le travail est plus important que
l’aboutissement personnel ….
L’homme est « un objet », un moyen dans le monde industriel, il est aliéné, soumis à un
travail monotone/manuel et répétitif.
3)A travers le personnage du Chef , quelle est la position de Jelinek ?
Cette vision du travail, dénoncée pendant tout le XXème siècle par les hommes politiques de
gauche et certains artistes est également dénoncée par l’auteur. Selon elle, le travail n’est pas
tout dans la vie (à l’égal des idées novatrices du Front Populaire, de Mai 68 etc…)
4)Faire ou donner une courte biographie sur Jelinek. : Une femme écrivain et
reconnue !!
Avant, c’était les hommes qui écrivaient sur les femmes avec leurs préjugés/attentes/etc
comme Molière, Marivaux, Musset….
Maintenant( depuis fin du 18ème siècle) femmes participent à la littérature….
III/3ème activité élève : le portait d’un personnage singulier…NORA
IV/4ème activité élève : recherches personnelles :
La condition de la femme après 1945…Repérez 10 dates essentielles dans l’évolution de la
condition féminine( à classer dans les domaines suivants : vie professionnelle etc…
Trouver une référence littéraire et un article de presse
V/Donner un titre à cette séance….
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
4ème séance
III/3ème activité élève : le portait d’un personnage singulier : Nora
A travers les réponses de Nora dans son entretien, repérez et expliquez les jugements de Nora
dans quatre sujets de la société contemporaine :
Le travail
industriel
Le mariage et la
famille
La condition
féminine
L’avenir
1)les citations :
1)Les citations :
1)Les citations :
1)les citations :
« d’abord, je veux
m’atteler à
l’ordinaire, mais
c’ est provisoire »
« « mon époux me
souhaitait enfermé… je
suis libérée de mon
mariage »
« je suis une femme mue
par des mouvements
biologiques compliqués ».
« je suis douée pour
l’art ».
« j’ai toujours pris soin
je crois que mon
« il fallait d’abord que je de mon corps ».
cerveau se refuse quitte mon foyer pour
encore à travailler devenir un être humain »
à la machine
parce qu’il ne sera « il(mon cerveau)est
2)les citations et celle de la
pas vraiment
resté en friche pendant
colonne précédente
utilisé … »
mon mariage »
montrent une véritable
révolution des mœurs :
2)Selon elle, le
2)Selon elle et certaines la libération des femmes,
travail est vraiment féministes
en particulier depuis le
nécessaire pour
du XXème siècle(cf
milieu du XXè
manger et vivre.
Simone de Beauvoir) le
mariage et la famille
La femme devient
mais elle a
sont les deux éléments
« l’artisan, l’acteur » de sa
conscience qu’il
qui ont parvie
n’est qu’un moyen ticipé à « l’aliénation de
et non un
la femme », à son
aboutissement
emprisonnement /
absence de
D plus, elle a
réflexion/soumission
conscience de
l’aliénation du
Quitter son
travail industriel. mari/famille/foyer= la
Libération de la femme
Pour elle, seul le
travail effectué par
l’artiste a une
véritable valeur
« le plus important,
c’est que je devienne
un être humain. »
« je suis spécialement
douée pour aboutir
des choses
extraordinaires
2)Les citations
montrent la volonté
de construire sa
personnalité en
dehors de la
différence
homme/femme. Idée
novatrive
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Bettine de Alfred de Musset
Cette comédie en un acte et en prose a pour personnage principal Bettine, une cantatrice
italienne qui doit renoncer au théâtre et à la musique pour se marier au baron de
Steinberg, homme qu’elle aime. Mais ce dernier rompt avec elle sous un prétexte plus ou
moins futile. Le marquis Stéphani, qui est également amoureux de Bettine, tente de la
consoler et lui propose le mariage à une condition…
Le marquis-Oui, morbleu ! Et ces larmes-là, je ne vous demanderai jamais de les essuyer.
Je respecte trop votre douleur pour tâcher de vous en distraire, mais je vous dis : le temps s’en
chargera, -et laissez-moi achever ma pensée, dût-elle vous choquer en ce moment. Vous n
‘avez plus, dites-vous, d’ existence possible ? Vous en avez une toute faite, la seule qui vous
convienne, celle que vous aimez, que vous avez choisie, qui est notre plaisir et votre gloire…
Vous retournerez au théâtre.
Bettine-Y pensez-vous ?
Le marquis-Pourquoi donc pas ? Cela vous paraît-il si étrange, qu’en vous offrant d’ être
votre époux, je vous parle de remonter sur la scène ? oui, je me souviens que, ce matin, vous
me disiez qu’une fois mariée, vous y comptiez renoncer pour toujours ; mais je vous ai
répondu, ce me semble, que n ‘était point mon avis, ni de mon goût, je vous assure. Est-ce
qu’on résiste à son talent ? En a-t-on la force, en a-ton le droit, surtout quand ce talent
heureux vous a portée sur cette jolie montagne où les Muses dansent autour d’ Apollon, et les
abeilles autour des Muses ?…Croyez-vous donc quel ‘on puisse être tout bonnement baronne
ou marquise, en revenant de ce pays –là ? Oh ! que non pas ! La nature parle : bon gré, mal
gré, il faut que l’on écoute. Eh ! palsambleu(1) ! Un poète fait des vers et un musicien des
chansons, tout comme un pommier fait des pommes. Lorsqu’on raconte que Rossini(2) se tait,
je déclare que je n ‘en crois rien .Et vous non plus, Bettine, vous ne vous tairez pas. Vous
retrouverez force et vaillance, vous reprendrez la harpe de Desdémone(3), et ma place dans
mon petit coin, à côté de mon cher quinquet(4). Vous reverrez cette foule, émue, attentive, qui
suit vos moindres gestes, qui respire avec vous, ce parterre(5) qui vous aime tant, ces vieux
dilettanti(6) qui frappent de leurs cannes, ces jeunes dandies(7) qui , parés pour le bal,
déchirent leurs gants en vous applaudissant, ces belles dames dans leurs loges dorées, qui,
lorsque leur cœur leur bat aux accents du génie, lui jettent si noblement leurs bouquets
parfumés !
Tout cela vous attend, vous regrette et vous appelle….Ah ! je jouissais jadis de vos
triomphes ! votre amitié m’en donnait une part-Que serait-ce donc si vous étiez à moi !
Bettine, Alfred de Musset, acte I, scène 18, 1851.
1)Morbleu, palsambleu : anciens jurons signifiant respectivement, par la mort de Dieu, par le sang de Dieu
2)Rossini : compositeur italien (1792- 1868)
3)Desdémone : héroïne d’une Tragédie de Shakespeare. Epouse vertueuse, elle est tuée étouffée par son mari Othello, victime de sa jalousie
pourtant infondée.
4)Un qinquet : lampe ancienne à huile éclairant notamment les théâtres.
5)Le parterre : rez-de-chaussée d’une salle de théâtre où le public se tenait debout.
6)Les dilettanti : des mélomanes, amateurs passionnés de musique.
7)les dandies : hommes élégants du XIXème siècle.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
L ‘Ecole des femmes de Molière
Arnolphe a quarante deux ans et Agnès en a seize. Craignant d’être trompé par sa femme,
Arnolphe a adopté Agnès en vue de l’épouser, puis l’a élevée en lui cachant tout de sa vie.
Mais la pupille a rencontré un séduisant jeune homme et tient tête à son tuteur.
Arnolphe, à partCe mot et ce regard désarme ma colère,
Et produit un retour de tendresse et de cœur,
Qui de son action m’ efface la noirceur.
Chose étrange d’ aimer, et que pour ces traîtresses
Les homme sont sujets à de telles faiblesses !
Tout le monde connaît leur imperfection :
Ce n ‘est extravagance et qu’indiscrétion(1) ;
Leur esprit est méchant, et leur âme fragile ;
Il n ‘est rien de plus faible et de plus imbécile(2),
Rien de plus infidèle ; et malgré tout cela,
Dans le monde on fait pour ces animaux-là
(A Agnès)
Hé bien ! Faisons la paix. Va, petite traîtresse,
Je te pardonne tout et te rend ma tendresse.
Considère par là l’amour que j’ai pour toi,
Et me voyant si bon, en revanche aime-moi.
Agnès Du meilleur de mon cœur je voudrais vous
Complaire.
Que me coûterait-il , si je le pouvais faire ?
Arnolphe Mon pauvre petit bec(3), tu le peux , si tu veux.
(Il fait un soupir)
Ecoute seulement ce soupir amoureux,
Vois ce regard mourant, contemple ma personne
Et quitte ce morveux et l’amour qu’il te donne.
C’est quelque sort qu’il faut qu’il ait jeté sur toi,
Et tu seras cent fois plus heureuse avec moi.
Ta forte passion est d’ être brave(4) et leste(5);
Tu le seras toujours, va , je te le proteste ;
Sans cesse, nuit et jour, je te caresserai ,
Je te bouchonnerai(6), baiserai , mangerai
Tout comme tu voudras tu pourras te conduire ;
Je ne m’explique point, et cela , c’est tout dire.
(A part)
Jusqu’où la passion peut-elle faire aller !
(Haut)
Enfin à mon amour rien ne peut égaler ;
Quelle preuve veux-tu que je t’en donne ingrate ?
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Veux-tu que je m’ arrache un côté de cheveux ?
Veux-tu que je me tue ? oui, dis si tu le veux :
Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme.
AgnèsTenez, tous vos discours ne me touchent point
L’âme.
Horace avec deux mots en ferait plus que vous.
ArnolpheAh, c ‘est trop me braver, trop pousser
mon courroux,( 7)
Je suivrais mon dessein, bête trop indocile,
Et vous dénicherez à l’instant de la ville.
Vous rebutez(8) mes vœux et vous me mettez à bout ;
Mais un cul de convent(9) me vengera de tout
Molière, l’ Ecole des Femmes, Acte V scène 4, 1662.
1)Indiscrétion :inaptitude au raisonnement( sens particulier)
2)Imbécile : dépourvu de force (physique et mentale)
3)Bec : terme de tendresse( bouche, museau)
4)Brave : bien vêtue, pour parader.
5)Leste : élégante, la mode.
6)Bouchonnerai : cajolerai
7)Courroux : colère, fureur…
8)Rebutez : repoussez
9)Convent : couvent
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
La double inconstance , Marivaux
Silvia, Trivelin et quelques femmes à la suite de Silvia. Silvia paraît sortir comme fâchée.
Trivelin-Mais Madame, écoutez-moi.
Silvia-Vous m’ ennuyez.
Trivelin-Ne faut-il pas être raisonnable ?
Silvia, impatiente- Non, il ne faut pas l’être et je ne le serai point.
Trivelin- Cependant….
Silvia, avec colère -Cependant, je ne veux point avoir de raison : et quand vous recommence
riez cinquante fois cependant, je ne n ‘en veux point avoir : que feriez - vous là (1)?
Trivelin- Vous avez soupé si légèrement , que vous serez malade, si vous prenez rien ce
matin.
Silvia- Et moi, je hais la santé, et je suis bien aise d’être malade ; ainsi , vous n’avez qu’à
renvoyer tout ce qu’on m’apporte, car je veux aujourd’hui ni déjeuner, ni dîner, ni souper ;
demain la même chose. Je ne veux qu’être fâchée, vous haïr tous tant que vous êtes, jusqu’à
tant que j’aie vu Arlequin, dont on m’a séparée : voilà mes petits résolutions, et si vous voulez
que je devienne folle, vous n’avez qu’à prêcher d’être plus raisonnable, cela sera bientôt fait.
Trivelin-Ma foi, je m’y jouerai pas(2), je vois bien que vous tiendrez parole ; si j’ osai
cependant…
Silvia, plus en colère- Eh bien ! ne voilà-t-il pas un cependant ?
Trivelin- En vérité, je vous demande pardon, celui-là m’est échappé, mais je n’en dirai plus,
je me corrigerai. Je vous prierai seulement de considérer…
Silvia- Oh ! vous ne vous corrigez pas, voilà des considérations qui ne me conviennent point
non plus.
Trivelin, continuant- …que c’est votre souverain qui vous aime.
Silvia- Je ne l’empêche pas, il est le maître : mais faut-il que je l’aime , moi ?
Non, et il ne le faut pas, parce que je le puis pas ; cela va tout seul, un enfant le verrait, et
vous ne le voyez pas.
Travelin- Songez que sur vous qu’il fait tomber le choix qu’il doit faire d ‘une épouse entre
ses sujettes.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
Silvia- Qui est-ce qui lui dit de me choisir ? M’a-t-il demandé mon avis ? S’il m’avez dit :
Me voulez-vous Silvia ? Je lui aurais répondu : Non, seigneur , il faut qu’une honnête femme
aime son mari, et je ne pourrais pas vous aimer. Voilà la pure raison, cela : mais point du tout,
il m’aime, crac, il m’enlève, sans me demander si je le trouverai bon.
Trivelin- Il ne vous enlève que pour vous donner la main.(3)
Silvia- Eh ! que veut-il que je fasse de cette main, si je n’ ai pas envie d’avancer la mienne
pour la prendre ? Force-t-on les gens à recevoir des présents malgré eux ?
Trivelin- Voyez, depuis deux jours que vous êtes ici, comment il vous traite ; n’êtes - vous
pas déjà servie comme si vous étiez sa femme ? Voyez les honneurs qu’il vous fait rendre, le
nombre de femmes qui sont à votre suite, les amusements qu’on tâche de vous procurer par
ses ordres . Qu’est-ce qu’Arlequin au prix d’un prince plein d’égards, qui ne veut même pas
se montrer qu’on ne vous ait disposée à le voir ? D’un prince jeune, aimable et rempli
d’amour, car vous le trouverez tel. Eh, Madame, ouvrez les yeux, voyez votre fortune et
profitez de ses faveurs.
Silvia- Dites-moi, vous et toutes celles qui me parlent, vous a-t-on mis avec moi, vous a-ton
payés pour m’impatienter, pour me tenir des discours qui n’ont pas le sens commun, qui me
font pitié ?
Trivelin-Oh, parbleu ! Je n ‘en sais pas davantage, voilà tout l’esprit que j’ ai .
Silvia- Sur ce pied-là(4), vous seriez tout aussi avancé de n’ en point avoir du tout .
Marivaux, la Double Inconstance, Acte I, scène 1, 1773.
1)Que ferez-vous là ? : que ferez-vous alors ?
2)Je ne m’ y jouerai pas : je ne me risquerai pas.
3)Pour vous donner la main : pour vous épouser
4)Sur ce pied-là : dans ces conditions.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
Bureau du chef du personnel. Le chef du personnel est assis à sa table. Nora joue les désinvoltes, touche à tout,
s’assoit un court instant puis bondit et tourne en rond. Son attitude contraste avec sa tenue plutôt minable.
NORA. Je ne suis pas une femme abandonné par son mari. Je suis une femme qui est partie d’elle même.
Automatiquement. Ce qui est plus rare. Je suis Nora, la Nora de la pièce d’Ibsen. Pour l’instant, je me réfugie
dans un métier pour fuir un état d’ âme confus.
CHEF DU PERSONNEL. Dans ma position, vous imaginez bien qu’un métier n’est pas une fuite, mais
l’aboutissement d’une vie.
NORA. Mais je ne veux pas aboutir ma vie ! J’aspire à ma réalisation personnelle.
CHEF DU PERSONNEL. Avez-vous déjà réalisé quelque chose ?
NORA. J’ai essayé la culture et l’élevage des vieux, des faibles, des débiles, des malades et aussi les enfants.
CHEF DU PERSONNEL. Ici, nous n’ avons pas de vieux, pas de faibles, pas de débiles, pas de malades, pas
d’enfants. Nous avons des machines. Devant la machine l’homme doit tendre à n’être rien et c’est alors, alors
seulement, qu’il redeviendra quelque chose. Moi, dès le début, j’ai choisi la voie la plus difficile pour une
carrière.
NORA. Je veux me débarrasser de mon image de garde-malade, c’est une marotte. C’est beau ce rideau qui se
détache sur le. Mur triste comme les affaires ! Les objets inanimés ont donc aussi une âme, je ne m’en suis
aperçu que depuis je suis libérée de mon mariage .
CHEF DU PERSONNEL. Employeurs et cadres doivent protéger et favoriser le libre épanouissement de la
personnalité des travailleurs dans l’entreprise Avez-vous des certificats ?
NORA. Mon mari m’aurait sûrement délivré un certificat de bonne ménagère et bonne mère, mais j’ ai tout foutu
en l’air à la dernière minute.
CHEF DU PERSONNEL. Nous exigeons des certificats de tierces personnes. Vous ne connaissez pas de tierces
personnes ?
NORA. Non. Mon époux me souhaitait enfermée à la maiso,n, parce que la femme ne doit jamais aller voir
ailleurs. Elle doit regarder en elle-même ou…son mari.
CHEF DU PERSONNEL. Ce n’était pas un supérieur légal, ce que, moi, je suis, par exemple.
NORA. Si, c ‘est un supérieur. Dans une banque. Je vous conseille de ne pas vous laisser endurcir, comme lui,
par votre position.
CHEF DU PERSONNEL. La solitude qui existe là-haut, au sommet, engendre toujours un durcissement.
Pourquoi avez-vous fichu le camp ?
NORA. J’étais un objet, j’ai voulu devenir sujet sur mon lieu de travail. Peut-être puis-je, par mon simple aspect,
apporter un nouveau rayon de soleil dans ce triste atelier d’usine .
CHEF DU PERSONNEL. Nos locaux sont clairs et bien aérés.
NORA.Je veux hisser la dignité et le droit de l’homme jusqu’au libre épanouissement de la personnalité.
CHEF DU PERSONNEL. Vous ne pouvez absolument rien hisser, vous avez besoin de vos mains pour quelque
chose de plus important.
NORA. Le plus important, c’est que je devienne un être humain.
CHEF DU PERSONNEL. Ici, nous employons exclusivement des êtres humains ; certains le sont plus, d’autres
moins.
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
NORA. IL fallait d’abord que je quitte mon foyer pour devenir un être humain.
CHEF DU PERSONNEL.Beaucoup de nos employées feraient des kilomètres pour trouver un foyer. Pourquoi
changer de lieu ?
NORA. Parce que je le connaissais déjà.
CHEF DU PERSONNEL. Vous tapez à la machine ?
NORA. Tout le travail de bureau , la broderie, le tricot, la couture.
CHEF DU PERSONNEL. Pour qui avez-vous travaillé ? Nom de l’entreprise, adresse, numéro de téléphone.
NORA. Privé
CHEF DU PERSONNEL. Privé n ‘est pas public. Devenez d’abord publique et vous pourrez vous défaire de
votre position d’objet.
NORA.Je crois que je suis spécialement douée pour aboutir des choses extraordinaires. J’ai toujours méprisé
l’ordinaire.
CHEF DU PERSONNEL. Pourquoi vous croyez-vous prédestinée à « l extraordinaire» ?
NORA. Je suis une femme mue par des mouvements biologiques compliqués.
CHEF DU PERSONNEL. Quelle sont vos qualifications dans ce domaine que vous appelez
« l’extraordinaire » ?
NORA. J’ai une nature souple. Je suis douée pour l’art.
CHEF DU PERSONNEL. Alors vous devez vous remarier.
NORA.J’ai une nature souple et rebelle, je ne suis pas une personnalité simple, je suis multiple.
CHEF DU PERSONNEL. Alors vous ne devez pas vous remarier.
NORA.Je me cherche encore.
CHEF DU PERSONNEL. A l’usine, tout le monde se trouve tôt ou tard , l’un ici, l’autre là. Par chance, moi je
suis pas obligé de faire un travail d’ouvrier.
NORA. Je crois que mon cerveau se refuse encore à travailler à la machine parce qu’il ne sera pas vraiment
utilisé.
CHEF DU PERSONNEL. Nous n’ avons pas besoin de votre cerveau.
NORA. Comme il est resté en friche pendant mon mariage, je voulais maintenant…
CHEF DU PERSONNEL, l’interrompt. Vos poumons et vos yeux sont en bon état ? Pas de problèmes de dents ?
Sensible aux courants d’air ?
NORA. Non. J ‘ai toujours pris soin de mon corps.
CHEF DU PERSONNEL. Alors vous pouvez commencer tout de suite. Auriez-vous d’ autres qualifications que
vous auriez oubliées ?
NORA. Je n’ ai rien mangé depuis plusieurs jours .
CHEF DU PERSONNEL. Extraordinaire !
Séquence réalisée par Laurence Amiel et Ingrid Mitton
NORA. D’abord, je veux m’atteler à l’ordinaire, mais c’est provisoire, après je m’attaquerai à l’extraordinaire .
Elfriede Jelinek, Ce qui arriva quand Nora quitta son mari.1984