La décentralisation des politiques sociales est

Transcription

La décentralisation des politiques sociales est
ETSUP – École Supérieure de Travail Social
La décentralisation des politiques
sociales est-elle conciliable avec l’exercice
de la solidarité nationale ?
L’exemple du revenu minimum d’insertion
Mémoire présenté par
Patrick Milhe Poutingon
En vue de l’obtention du
Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale
Sous la direction de
Marie-Paule Battas
2012
À mes parents, Robert et Jeannine Milhe Poutingon,
à Susana Gonzalez,
ex-responsable de la Formation initiale (ENS-Paris)
et à Pascal Beno.
À la mémoire de Jean-Pierre Clémente,
.
Qu’il me soit permis avant toute chose d’exprimer ma
reconnaissance envers toutes les personnes qui de près ou de loin m’ont
soutenu dans mes efforts et ont contribué ainsi à la réalisation de ce
mémoire, notamment Véronique AJZENBERG.
Je remercie Marie-Paule BATTAS, Docteure en socio-économie,
mon directeur de mémoire pour sa bienveillance, ses encouragements, la
pertinence de ses suggestions et de ses questionnements.
Je réserverai une place particulière à Claude ROUYER, Docteur
en Sciences de l’éducation, Directeur pédagogique à l’ETSUP, qui a
initié et impulsé ma démarche réflective.
La République doit se construire sans cesse
car nous la concevons éternellement
révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de
l’oppression, de la misère, de la routine, des
préjugés, éternellement inachevée tant qu’il
reste des progrès à accomplir. »
MENDES FRANCE Pierre, Œuvres complètes
Tome III, Gouverner c’est choisir, 1954-1955, p. 410.
T A B L E
D E S
M A T I È R E S
Dédicaces
Remerciements
Table des matières
1
Introduction
3
Méthodologie de la recherche
1. VERS UNE RÉPUBLIQUE SOCIALE
1.1.
Démocratie et République
1.1.1. Démocratie, un berceau grec
1.1.2. République, une organisation romaine
1.2.
Droits fondamentaux
1.2.1. Un héritage anglo-saxon
1.2.2. À la recherche d’un équilibre entre droit naturel et contrat social
1.3.
La construction de la République sociale
1.3.1. De l’égalité révolutionnaire
1.3.2. De la solidarité républicaine
1.3.3. Du territoire national
1.3.3.1.
Territoire « milieu de vie d’une communauté »
1.3.3.2.
Territorialité, lieu d’échanges sociaux
1.3.3.3.
Territorialisation, une conception instrumentale du territoire
1.3.4. Du travail
2. LA RÉPUBLIQUE SOCIALE EN ACTION
2.1.
Les trois piliers de la solidarité nationale
2.1.1. L’aide sociale, droit objectif
2.1.2. L’action sociale, droit subjectif
2.1.3. La sécurité sociale, droit objectif
2.2.
La décentralisation des politiques publiques
2.2.1. 1982-1984, l’acte fondateur
2.2.2. Acte II, vers un achèvement ?
2.2.3. Un bilan des décentralisations
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2.2.4. La solidarité nationale décentralisée
2.2.4.1.
Les composants de la solidarité nationale
2.2.4.2.
Les compétences confiées aux Collectivités territoriales
2.3.
Les minima sociaux, la quintessence de la solidarité
nationale
2.3.1. La mise en place des
2.3.1.1.
Les personnes
2.3.1.2.
Les personnes
(1976-1980)
2.3.1.3.
Les chômeurs
2.3.1.4.
Les exclus du
1988)
2.3.2. Panorama actuel
2.3.2.1.
Les personnes
2.3.2.2.
Les personnes
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minima sociaux
en incapacité de travailler (1930-1975)
fragilisées par des ruptures familiales
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en fin de droits (1979-1984)
système de protection sociale (depuis
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inaptes au travail
en capacité d’être actif
3. LA RÉPUBLIQUE SOCIALE EN QUESTION,
L’EXEMPLE DU REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)
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3.1. Retour sur le Revenu Minimum d’Insertion
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3.1.1. Cadre général du dispositif
3.1.2. Le Revenu Minimum d’Insertion en chiffres
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3.2. Les déterminants humains
3.2.1.
3.2.2.
3.2.3.
3.2.4.
3.2.5.
3.2.6.
Les chômeurs
Les allocataires au sein de la population totale
Les allocataires au sein des chômeurs
Les bénéficiaires par allocataire
Les bénéficiaires au sein de la population totale
Synthèses des déterminants humains
3.3. Les déterminants économiques
3.3.1. Les charges nettes d’insertion par allocataire
3.3.2. La part des dépenses d’insertion dans les budgets d’aide
sociale départementale
Conclusion
Bibliographie
Table des abréviations
Glossaire
Table des illustrations
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« La solidarité nationale doit être réinstallée
au centre de tout dispositif parce qu’elle est
fondatrice d’égalité et d’homogénéité des
droits sur l’ensemble du territoire. »
HENRY Pierre1
Directeur général de France Terre D’Asile
[Juillet 2011]
Dans son ouvrage Réflexions sur la philosophie du droit, Bjarne Melkevik,
professeur de droit à l’université de Laval (Québec), écrit ceci : « Quel drôle de destin que
celui du mot "solidarité" ! Issu du langage juridique de la Rome antique, le mot "solidarité"
[solidus] définissait le fait d’être solidaire d’une dette contractée, d’une caution ou d’une
faute commise. Ladite notion a par la suite envahi la morale, l’éthique, les mœurs, et aussi
la sociologie, l’économie, la philosophie et la philosophie du droit. »2 Cette notion est
apparue, dans l’espace social et politique français, à la fin du XIXe et au début du
e
XX
siècle, donnant même naissance à un courant politique emmené par Léon Bourgeois,
le Solidarisme.
Un siècle plus tard, le terme de solidarité est réactivé. Il n’avait jamais vraiment
disparu du paysage politique, mais, au cours de la dernière partie du XXe siècle, son
contenu moral était devenu plus présent alors qu’auparavant il s’agissait davantage d’une
1. HENRY Pierre, « Emmanuelli quitte le Samu social, la solidarité est-elle morte ? », Disponible en ligne sur :
http://leplus.nouvelobs.com, (Date d’accès : 21 juillet 2011).
2. MELKEVIK Bjarne, Réflexions sur la philosophie du droit, Les Presses de l’Université de Laval, Laval (Québec),
2000, p. 12.
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solidarité organique. Deux exemples récents viennent nous apporter la preuve de cette
nouvelle actualité du vocable : l’instauration de la Journée de solidarité1 consistant en une
journée de travail supplémentaire destinée au financement d’actions en faveur de
l’autonomie des personnes âgées ou handicapées ; et la mise en place du Revenu de
Solidarité Active (RSA) 2 qui se substitue au Revenu Minimum d'Insertion (RMI) et à
l'Allocation de Parent Isolé (Api) pour les personnes privées d'emploi, et qui apporte une
incitation financière aux personnes sans ressources qui reprennent un emploi, ou qui
complète les ressources des personnes dont l'activité professionnelle ne leur apporte que
des revenus limités. Le terme est quelque peu récent dans son utilisation ministérielle.
C’est à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 qu’est créé le ministère de la
Solidarité nationale confié à Nicole Questiaux, qui porte également le titre de ministre
d’État. Par la suite, l’intitulé sera plus ou moins récurrent sous les différents
gouvernements et se verra, parfois, affublé d’un "s"3. Il en est ainsi depuis 2010 avec la
nomination de Roselyne Bachelot-Narquin au poste de ministre des Solidarités et de la
Cohésion sociale 4.
Pour Michel Borgetto et Robert Lafore5, la solidarité justifie la mise en place de la
République et apporte un fondement scientifique à la reconnaissance d’un droit à l’aide
sociale. Ils sont en cela proches du juriste Léon Duguit qui, au début du XXe siècle
déclarait : « Je suis de ceux qui pensent que la science sociale positive n’est point
impuissante à définir un idéal et à formuler les règles de conduite pour le réaliser. Mais cet
idéal, il est sur terre, il est humain, pleinement et exclusivement humain. Il se résume en
un mot : solidarité sociale. Seul, il exprime cette vérité fondamentale que l’homme est à la
fois individuel et social. » 6 Ainsi, étudier la notion de solidarité sociale ou nationale dans les
politiques sociales en France, nous invite à interroger le droit constitutionnel et la réalité de
sa traduction dans le quotidien des citoyens.
L’État est à la fois une réalité historique, politique et une construction théorique
qui doit réunir trois éléments pour exister. En premier lieu, une population. L’État est ainsi
une sorte de groupement social fondé sur la base de l’intérêt général et commun qui unit
les personnes qui le composent. Le deuxième élément constitutif de l’État est le territoire
1. Loi no2004-622 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes
handicapées.
2. Loi no2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques
d’insertion.
3. cf. Annexe no1, La solidarité au gouvernement.
4. La première fois qu’un ministère prendra le nom de "Solidarité nationale" en France, depuis l’instauration de la
re
I République, ce sera au sein du Gouvernement Laval (État français, 1944) : ministère du Travail et de la Solidarité
nationale, ministère confié à Marcel Déat !
5. BORGETTO Michel, LAFORE Robert, La République sociale. Contribution à l’étude de la question démocratique, Presses
Universitaires de France, Paris, 2000.
6. Cité par AMIEL Olivier, « Le Solidarisme, une doctrine juridique et politique française de Léon Bourgeois à
la Ve République », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2009/1 — no11, p. 154.
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qui permet de participer à la construction de l’unité de l’État. Un groupement social a
besoin d’un territoire pour former un État et ainsi affirmer sa maîtrise et son indépendance.
On parle alors de souveraineté territoriale, de souveraineté populaire et de souveraineté
nationale. Troisième élément qui permet de caractériser l’existence d’un État, la puissance
publique. Cette dernière, dénommée aussi souveraineté nationale, s’applique sur tous les
individus qui font partie du groupe social ou qui résident sur son territoire. Elle garantit
l’ordre social en passant de l’état de nature à l’État de droit.
Raymond Carré de Malberg définit ainsi un État : « une communauté d’hommes, fixée
sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé
dans ses rapports avec ses membres une puissance supérieure d’action, de
commandement et de coercition. » 1 C’est par le territoire que se sont construits les États
au cours des siècles : conquêtes, annexions, cessions. Cet État peut prendre bien des
visages qui se dessinent au cours du temps au travers des textes fondamentaux que sont
notamment les Constitutions ou les Chartes.
Depuis le 4 octobre 1958, la France est régie par la Constitution de la Ve République
qui caractérise la République comme étant « indivisible, laïque, démocratique et sociale »
avec une « organisation […] décentralisée. » 2
L’indivisibilité de la République exprime le fait qu’aucun individu, ou groupe d’individus
ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale. Mais surtout, cette indivisibilité,
cette unité nationale, implique une application uniforme du droit sur l’ensemble du territoire.
Le qualificatif de "sociale" s’appuie sur le principe d’égalité des individus, « il s’agit de
contribuer à la cohésion sociale et de favoriser l’amélioration de la condition des plus
démunis. » 3 Les items "indivisible" et "sociale" sont donc constitutionnellement
indissociables entre eux et indissociables d’avec la Ve République. Ainsi, l’égalité des
citoyens s’exprime au sein du territoire national de la République.
L’organisation décentralisée de l’État fait suite aux différentes lois qui, depuis
1982, ont mis en place progressivement une décentralisation au profit des Collectivités
territoriales que sont notamment les Communes, les Départements et les Régions,
Régions devenues Collectivités territoriales à cette occasion.
Au cours des trente dernières années, l’organisation administrative de l’État a subi de
nombreuses modifications, principalement au travers des lois de décentralisation. Si la
puissance publique était présente dans les Collectivités territoriales (Région, Département,
Commune) par le biais des établissements déconcentrés, le choix des législateurs a été de
1. CARRÉ de MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, Tome 1, Librairie de la Société du recueil
Sirey, Paris, 1920, p. 7.
2. Constitution de la Ve République, Article premier.
3. ARKWRIGHT Edward, BARON Franck, BŒUF Jean-Luc, DELAMARRE Manuel, LAZERGES Romaric, Les Institutions de la
France, La Documentation française, Paris, 2010, p. 29.
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confier, à certaines Collectivités territoriales, une partie des droits régaliens détenus par le
pouvoir central. C’est notamment le cas dans le domaine de la police (délégation de
certains pouvoirs aux Maires des Communes), de l’urbanisme et dans celui du droit de
l’aide sociale (Président des Conseils généraux). Il y a donc, dans ce dernier cas, une
territorialisation des droits fondamentaux qui a pour but, principalement, de rapprocher
services sociaux et administrés ou, comme l’écrit Emmanuel Aubin, de « rechercher la
meilleure adéquation entre la norme juridique et le territoire sur lequel celle-ci a vocation à
s’appliquer effectivement et efficacement »1.
Les droits fondamentaux sont universels et ont un pouvoir unificateur, fédérateur de
lien social puisqu’ils garantissent à tous les mêmes droits. D’un autre côté, le concept de
territoire appelle à la diversité, à l’altérité puisqu’il permet la reconnaissance de différences.
D’un côté l’universalité de l’autre la diversité. D’un côté, des droits sociaux qui s’adressent
à tous, de l’autre, des Collectivités territoriales nombreuses n’en regroupant que quelquesuns. L’universalité des uns est-elle soluble dans la diversité des autres ? Les droits sociaux
font partie des droits fondamentaux, inscrits dans la Constitution de la Ve République et
sont donc universels. La France, comme cela est inscrit dans cette même Constitution, est
un État décentralisé. Les politiques sociales sont donc mises en œuvre par les différentes
Collectivités territoriales aux côtés de l’État central. Le Département est devenu, au fil des
décentralisations, la Collectivité territoriale de référence et gestionnaire, quant au cadre de
l’action et de l’aide sociales. Les différents dispositifs, constitutifs des politiques sociales,
ont été territorialisés à cet échelon. L’ancrage territorial des droits sociaux questionne
l’universalité d’accès aux droits fondamentaux des personnes, dont le territoire social, ou
territoire de vie, ne s’articule pas sur les mêmes sphères que celles des Collectivités
territoriales qui en ont la charge, mais pas seulement !
La solidarité nationale s’exprime en partie dans l’aide sociale qui a été décentralisée à
la fin du XXe siècle et au début du XXIe. La solidarité nationale est un droit dévolu à
l’ensemble des citoyens français et des personnes de nationalité étrangère possédant un
titre de séjour. Elle résulte de la construction de la République sociale et est au cœur de
nos institutions depuis de nombreuses années : « Le Conseil constitutionnel a rangé
expressément les droits aux prestations de l’aide sociale au nombre des droits garantis par
la Constitution ». 2 La gestion de l’aide sociale impartie aux Conseils généraux doit donc
respecter le principe d’égalité. Ces derniers ont toujours gardé la possibilité de construire
des actions complémentaires en adaptant les politiques sociales aux caractéristiques de
leur population par le biais de l’aide sociale facultative, « […] les collectivités territoriales
1. AUBIN Emmanuel, L’Essentiel du droit des politiques sociales, Gualino, Paris, 2009, p. 24.
2. PRÉTOT Xavier, « La Garantie des droits sociaux est-elle compatible avec la décentralisation ? », Droit social, no2,
février 2003, p. 187.
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peuvent […] instituer proprio motu des prestations spécifiques au profit de leurs
ressortissants. » 1
En 2006, dans un ouvrage intitulé Les Sciences de l’action publique, Alain Faure
écrivait : « L’action publique locale a favorisé la diffusion de plaidoyers systématiquement
vertueux, sur l’idée que le traitement des problèmes était nécessairement meilleur lorsqu’il
était engagé au plus près du citoyen. […] De façon presque mécanique, les acteurs de la
décentralisation sont en effet censés rapprocher la décision de l’usager, améliorer l’écoute,
encourager les décloisonnements, réduire les injustices, susciter la participation, bref,
abolir la distance et les incompréhensions entre le citoyen et le pouvoir. » 2 Cet article
cherchait à démontrer que la décentralisation était devenue au fils du temps un construit
politique jamais disputé sauf à être qualifié de jacobiniste et d’archaïque.
Les différentes Collectivités territoriales jouissent, depuis la première décentralisation
(1982-1984), de la "libre administration" dans de nombreux domaines des politiques
publiques et notamment dans celui des politiques sociales. Les politiques sociales étant
nombreuses en France, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur celles qui
composent la solidarité nationale, notamment l’aide sociale légale et l’aide sociale
facultative dont les Départements, au travers de différentes modalités, sont devenus les
"chefs de file". Il s’agit de l’aide sociale assistancielle, celle qui est destinée principalement
à ceux qui ne peuvent prétendre à l’aide sociale assurantielle : les personnes en incapacité
de travailler (1930-1975), les personnes fragilisées par des ruptures familiales (19761980), les chômeurs en fin de droits (1979-1984), les exclus du système de protection
sociale (depuis 1988). Nous reviendrons ultérieurement sur ces notions. L’aide sociale
s’est donc inscrite au sein de territoires administratifs préconstruits sur une base datant de
la Révolution française et prenant en compte les moyens de transport de l’époque3.
Nous avons souligné précédemment que l’un des éléments constitutifs d’un État
était le territoire sur lequel va s’exercer et s’affirmer la puissance publique. Mais cette
notion de territoire, si elle peut s’appréhender aisément par des approches géopolitiques
en s’appuyant notamment sur l’existence de frontières administratives plus ou moins bien
définies, est devenue complexe au cours du XXe siècle. Ainsi, la notion de territoire s’est
vue s’enrichir par d’autres approches, telles celles de territorialité ou de territorialisation,
introduites dans le champ des politiques publiques. L’approche actuelle du territoire remet
en question l’idée, émanant de son étymologie, qu’il constituerait un ensemble délimité et
hermétique, autonome et sans interaction avec les autres territoires voisins. Différentes
1. PRÉTOT Xavier, op. cit. p. 190.
2. FAURE Alain, « La Décentralisation en panne de controverses intellectuelles ? », in IHL Olivier (dir.), Les Sciences de
l’action publique, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2006, pp. 149-160.
3. La taille de chaque Département a été établie afin qu'il soit possible de se rendre au chef-lieu en moins d'une journée
de cheval depuis n'importe quel point de leur territoire.
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approches scientifiques proposent, chacune selon leurs champs spécifiques, d’éclairer un
aspect particulier de ces différents notions et concepts autour du territoire.
Aide sociale, action sociale, solidarité nationale, république, décentralisation…
avant d’aller plus loin dans l’exploration de ces notions et de leurs imbrications les unes
dans les autres, il convient d’expliciter la méthodologie retenue dans le cadre de ce travail
et d’en exposer la problématique.
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MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. […]
Son organisation est décentralisée » 1, tel est l’Article premier de la Constitution de 1958,
celle de la France actuelle. L’énoncé de cet article m’interroge fortement dans mes
pratiques professionnelles.
En tant qu’assistant de service social, je travaille au sein d’un Conseil général sur une
mission de santé publique et d’accès aux soins. La santé résulte de la concomitance de
nombreux facteurs : sanitaires, socio-économiques, psychoculturels, géographiques,
démographiques, mais aussi politiques. Tous ces éléments font partie intégrante des
actions menées quotidiennement. La structure n’étant pas strictement territorialisée, nous
sommes amenés à accueillir des personnes résidant sur le ressort de divers Conseils
généraux et Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM). Le public reçu est un public
en situation de précarité plus ou moins grande, due à des facteurs d’âge, socioéconomiques, politiques… L’accès aux soins de ces personnes précarisées, dans son
versant législatif, dépend de dispositifs nationaux que sont principalement la Couverture
Maladie Universelle (CMU) et l’Aide Médicale de l’État (AME) 2. Si les textes législatifs qui
régissent ces dispositifs sont nationaux, leurs interprétations locales interfèrent souvent la
réalité de leur activation.
D’autre part, je suis aussi formateur-terrain et formateur-école et dans le cadre de ces
activités, je suis amené à rencontrer de nombreux étudiants venant de l’ensemble du
territoire français (métropolitain et ultra-marin). Les nombreux échanges que nous avons
me permettent aussi d’appréhender les différences d’application des politiques sociales
existant sur un territoire plus vaste que celui de mon activité d’assistant de service social
de terrain.
Ces observations et constats, récurrents dans l’exercice de ma profession, m’ont
fortement interrogé sur la place du local dans l’aide et l’action sociales et son articulation
avec la notion d’universalité des lois telle qu’elle est entendue dans la constitution de la
République.
Comment peut-on garantir que des politiques sociales reposant sur des valeurs
d’universalités seront bien appliquées de façon égale sur l’ensemble du territoire si leur
gouvernance est remise entre les mains de Collectivités territoriales ? L’aide sociale 3
décentralisée ne produit-elle pas des inégalités de traitement selon les territoires ? Existe1. Constitution de la Ve République, Article premier.
2. Loi no99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle.
3. Terminologie de 1953 qui est venue remplacer la notion d’assistance publique : Décret-loi no53-1186 du 29 novembre
1953 relatif à la réforme des lois d’assistance.
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t-il une aporie, une tension, entre les principes fondateurs de la République (principes
d’unité et d’indivisibilité, d’égalité et de solidarité) et le principe de la "libre administration"
des Collectivités territoriales, notamment dans le cadre de l’aide sociale ?
Comment un État peut-il, à la fois, prétendre être garant de la solidarité nationale et
être décentralisé dans son organisation ? « L’assistance sociale n’a cessé d’être pensée et
pratiquée de manière contradictoire. Universelle dans son principe – soutenir ceux qui sont
dans le besoin –, elle a toujours été d’application particulière parce que localisée et
territorialisée – aider les plus méritants des plus démunis, aider les résidents au détriment
des vagabonds, des "sans feu ni lieu". » 1 Il existerait donc une tension entre la notion de
solidarité nationale (République sociale) d’une part et la décentralisation de l’aide sociale
d’autre part.
Ce que nous voulons démontrer dans ce travail, c’est que la solidarité nationale,
qui sous-tend l’ensemble de la politique française de protection sociale, ne serait pas
conciliable avec la territorialisation de l’aide sociale. Il y aurait donc conflit entre droits
sociaux universels, solidarité nationale et territoires d’application de ces mêmes droits, une
sorte de "rupture de l’égalité républicaine" entre les citoyens d’une part, mais également
entre les collectivités territoriales.
Méthodologie
L’hypothèse retenue nous a conduits à un choix méthodologique privilégiant
l’étude de documents conjointement à une étude statistique. Ce choix méthodologique
n’est pas non plus sans rapport avec ma formation universitaire initiale, licence d’Histoire,
qui privilégiait l’analyse de documents comme méthodologie de recherche à l’exemple des
travaux de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie 2.
Les documents historiques étudiés sont l’ensemble des textes constitutionnels que la
France a connus depuis l’instauration de la Monarchie constitutionnelle en 1791. La quasitotalité de ces documents est disponible sur le site Internet du Conseil constitutionnel
(conseil-constitutionnel.fr) à la rubrique Les Constitutions de la France3. Seuls sont
absents de ce site les textes "constitutionnels" de l’État français (1940-1945) et du
Gouvernement Provisoire de la République Française (1945-1946) que nous avons dû
rechercher sur d’autres sites 4. Une fois l’ensemble des documents rassemblés, une grille
d’analyse de textes a été construite reposant sur trois items : égalité, solidarité et territoire,
1. DESTREMAU Blandine, MESSU Michel, « Le Droit à l’assistance sociale à l’épreuve du local », Revue française de science
politique, vol.58, no5, octobre 2008, p. 713.
2. LE ROY LADURIE Emmanuel, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Gallimard, Paris, 1975.
3. Disponible en ligne : www.conseil-constitutionnel.fr.
4. L’ensemble des sources est disponible dans la bibliographie.
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ce dernier item venant interroger l’organisation administrative et politique de la France.
L’analyse a porté sur la récurrence de ces termes, au sens large, au sein des différents
textes à portée constitutionnelle, analyse qui a permis de construire un tableau Analyse
des textes à portée constitutionnelle depuis 1791.
Après un rappel des concepts de démocratie, République et droits fondamentaux, la
première partie de ce mémoire portera sur cette analyse de documents dans une
approche constitutionnaliste des politiques sociales afin de mettre en évidence la
construction de la République sociale.
Le deuxième temps de la recherche s’est polarisé autour de trois axes qui nous
ont paru comme constitutifs de la République sociale :
−
L’aide sociale, l’action sociale et la sécurité sociale. Ces trois domaines se
rassemblent dans ce que l’on appelle couramment la protection sociale ou Solidarité
nationale.
−
La décentralisation de l’État et son impact sur les politiques sociales. « Les
bases juridiques des politiques sociales sont en pleines mutations au contact de
processus recalibrant l’action de l’État »1.
−
Les minima sociaux. Afin de pouvoir étudier au mieux l’impact que la
République décentralisée pourrait avoir sur la République sociale, plusieurs terrains
d’investigation pouvaient être envisagés. Le choix s’est porté immédiatement sur les
minima sociaux, quintessence de la République sociale et de la solidarité nationale.
Pour ces derniers, nous avons entrepris des recherches permettant de retracer leur
histoire et les évolutions qu’ils ont connues au cours du temps. Nous avons pu ainsi
construire un tableau reprenant l’ensemble des résultats obtenus, Évolution des minima
sociaux en France.
Le plan retenu, pour cette deuxième partie, permet d’appréhender comment la
République sociale, après avoir été pensée, a été mise en action : contenu, contenant,
application concrète.
Le troisième et dernier temps de la recherche s’est construit autour du Revenu
Minimum d’Insertion (RMI). Pour disputer notre problématique, nous avons choisi de nous
intéresser au Revenu Minimum d’Insertion qui a existé en France de 1988 à 2005. Selon
Emmanuelle Borla, « Le R.M.I. peut se concevoir comme la traduction la plus éclatante, au
cours de ces dernières années, du principe de solidarité. » 2 Le choix de ce minima social
1. AUBIN Emmanuel, op. cit., p.17.
2. BORLA Emmanuelle, « Le Revenu minimum d’insertion entre "assistance" et "nouvelles solidarités" », in CHEVALLIER
Jacques, La Solidarité : un sentiment républicain ?, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, p. 137.
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comme cadre pratique de ma recherche s’explique aussi par le fait qu’il était le seul
dispositif qui réunissait sur une longue période trois éléments de la protection sociale :
−
une allocation sous la forme d’un complément de revenu ;
−
une aide sociale légale, charges d’insertion proportionnelle, dans un
premier temps, aux dépenses d’allocation ;
−
une possibilité d’aide sociale extra-légale (action sociale) pour les dépenses
d’insertion engagées individuellement par les Conseils généraux.
Le choix du RMI tenait aussi compte du fait que c’était un dispositif qui a connu deux
phases au niveau de sa mise en œuvre : une première phase où sa gestion était répartie
entre l’État et les Départements et une deuxième où l’ensemble du dispositif était dévolu
aux Conseils généraux. Le fait que ce minima social n’existe plus nous a permis de jeter
un regard sur l’ensemble de son existence, avec recul, mais en étant toujours d’actualité.
Le Revenu de Solidarité Active (RSA), qui le remplace totalement, depuis le 1er juin 2009 1
en métropole, a conservé le caractère décentralisé du RMI et le principe d’une allocation
de revenu minimum.
Pour cette dernière partie de ma recherche, il a fallu compulser un grand nombre de
statistiques émanant d’organismes différents afin de pouvoir croiser les nombreux critères
que j’avais retenus : population, chômeurs, allocataires du RMI, bénéficiaires du RMI,
charges d’insertion, dépenses d’aide sociale de la compétence du Département. En
matière de statistiques, et encore plus dans le cadre de l’emploi et du chômage, il existe
une multitude de données, de chiffres émanant d’organismes, d’instituts ou d’organes de
presse. Ces données sont parfois très différentes et peuvent même aller du simple au
double selon les critères retenus. Ainsi, en janvier 2011, la France comptait 2,703 millions
de chômeurs selon l’Insee2 et 4,644 millions selon l’hebdomadaire Marianne.
Baromètre Marianne 3 du Chômage – janvier 2011
4,644 millions de personnes
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
599,5
1 342
Chômeurs dispensés de
recherche d'emploi
Chômeurs à temps
partiel
2 703,2
Chômeurs officiels
janv.-11
1. Loi no2208-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques
d’insertion.
2. Institut National de la Statistique et des Études Économiques.
3. Source : marianne2.fr/Le-chomage-officiel-baisse-et-Cope-fume-la-moquette_a203141.html
P a g e | 13
Il faut aussi tenir compte de la disponibilité des données sur un temps assez long, dans
notre cas 1996-2008. Compte tenu de l’ensemble des critères retenu, nous avons opté
pour trois sources différentes :
−
l’Insee, Institut National de la Statistique et des Études Économiques. Cet
organisme est chargé, entre autres, du recensement de la population française ;
−
la bdsl, Base de Données Sociales Localisées. Cette base est accessible
uniquement par Internet et propose des statistiques en provenance de plusieurs
organismes ou institutions (Cnaf, MSA, Unedic, Cnam, Conseils généraux,
ministères…) ;
−
la Drees, Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des
Statistiques. « La Drees est une direction de l’administration centrale des ministères
sanitaires et sociaux. Sa mission est de fournir aux décideurs, aux citoyens, et aux
responsables économiques et sociaux des informations fiables et des analyses sur les
populations et les politiques sanitaires et sociales. » 1
Le tableau qui suit présente les sources pour chacune des données qui ont servi à
l’élaboration des ratios et des tableaux qui se trouvent en annexe.
Sources des données
Insee
Institut Nationale de la
Sources
Statistique
et des Études Économiques
Données
Recueil
Population totale de la France
Population par Département
Taux de pauvreté
Secteurs d’activité
Internet : insee.fr
bdsl
Drees
Base de Données
Direction de la Recherche, des Études,
Sociales Localisées
de l’Évaluation et des Statistiques
Nombre de chômeurs
Taux de chômage
Nombre d’allocataires du
RMI
Nombre de bénéficiaires du
RMI
Dépenses d’allocation au titre du RMI
Charges d’insertion (aide et action sociale)
Dépenses nettes d’aide sociale de la compétence du
Département
Internet : bdsl.social.gouv.fr
Statistiques publiées 2 : Bénéficiaires de l’aide sociale
départementale.
Dépenses d’aide sociale départementale.
Malgré le développement de l’informatique et d’Internet, l’accès aux statistiques
publiques est toujours inégal et parfois impossible. Ainsi, malgré de nombreuses
demandes, nous n’avons pu obtenir aucun chiffre de la Caf ou de la Drees concernant le
montant des allocations versées au titre du RMI, par Départements métropolitains, pour
les années 1995 à 2003. Autre exemple au moment où j’imprime mon travail, la bdsl n’a
toujours pas actualisé les données concernant le chômage en 2008.
1. sante.gouv.fr/direction-de-la-recherche-des-études-de-l-evaluation-et-des-statistiques-drees.
2. Séries statistiques qui étaient disponibles et téléchargeables en ligne sur : www.sante.gouv.fr, site de la Drees.
P a g e | 14
Un tableau par année (de 1995 à 2008) a été construit pour reprendre les données
recueillies et calculer différents indicateurs. Deux grands types d’indicateurs ont été
retenus :
−
Le poids humain du dispositif du RMI. Différents ratios ont permis de
mesurer l’impact humain des allocataires et bénéficiaires du RMI dans le cadre
départemental.
−
Le poids financier du dispositif pour les Départements au travers des
dépenses liées à l’insertion. Ces dépenses pouvant être de deux ordres : charges
d’insertion prévues par la loi (aide sociale), aide supplémentaire facultative (action
sociale).
Quant à la période finalement retenue, elle a été tributaire de la disponibilité des
chiffres. Les chiffres disponibles portant sur les dépenses d’insertion commencent en 1996
et se terminent en 2008. C’est donc cette fourchette qui a été retenue comme base
générale.
Enfin, compte tenu de l’objet de ma recherche, l’analyse de contenu et l’analyse
statistique m’ont paru des techniques appropriées. Toutes les deux exigent beaucoup de
temps et de rigueur avant l’utilisation et l’intégration de leurs "résultats" dans le travail écrit,
néanmoins elles m’ont permis, je l’espère, de me focaliser sur la problématique retenue
sans trop de subjectivité.
Pour disputer notre problématique, nous avons opté pour un plan tripartite. Une
première partie qui après avoir défini les concepts fondamentaux de démocratie,
république et droits fondamentaux, va analyser les différentes constitutions que la France
a connues depuis la Monarchie constitutionnelle à la Ve République au travers des quatre
notions-clefs : l’égalité, la solidarité, le territoire et le travail. C’est première partie présente
les fonds baptismaux de la République sociale.
Dans un deuxième temps, nous allons nous attacher aux fondements de cette
République sociale que sont l’aide, l’action et la sécurité sociales. Après avoir décrit
brièvement les mécanismes de la décentralisation mis en place en France, nous
appréhenderons la notion de solidarité nationale et sa déclinaison en minima sociaux. Il
s’agit dans cette deuxième partie de monter comment la République sociale a été mise en
œuvre.
Enfin dans la troisième et dernière partie nous confronterons cette notion de solidarité
nationale à la réalité du terrain au travers de l’exemple d’un minima social, le Revenu
Minimum d’Insertion. Comment a-t-il été investi par les Départements entre 1996 et 2008 ?
Nous questionnerons ainsi la réalité de la République sociale.
P a g e | 15
« La Loi pour tout homme, est égale Et, "Produire !" est la loi fatale : Le Congrès des Peuples signale La marche à suivre aux Travailleurs. Au Travailleur, Pauvre Tantale ! Levant sa tête martiale… La République sociale Propose un avenir meilleur. » La République sociale (1871)
DELORME Emmanuel
PREMIÈRE PARTIE : VERS UNE RÉPUBLIQUE SOCIALE
Dans son Discours sur les subsistances, Maximilien de Robespierre affirmait, le
2 décembre 1792 à la Convention, que « la première loi sociale est celle qui garantit à tous
les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à
celle-là »1. Six mois plus tard, « l’article 21 de la Déclaration des droits du 21 juin 1793
[sera] la première norme constitutionnelle affirmant que "les secours publics sont une dette
sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant du
travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler". »2
La Constitution adoptée à la même période (24 juin 1793) est la première à qualifier
l’État français de "République". La Royauté avait été abolie par décret l’année précédente,
en septembre 1792. Le qualificatif de démocratique devra attendre un demi-siècle, la
1. ROBESPIERRE Maximilien de, Discours sur les subsistances, 1792.
2. AUBIN Emmanuel, op. cit., pp. 17-18.
P a g e | 16
e
II
République, pour être inscrit dans la Constitution (1848). Quant à la notion de
"République sociale", ce
n’est qu’un
siècle
plus
tard
qu’elle prendra corps
constitutionnellement dans l’article 1 de la Constitution du 1946, « La France est une
République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
La doxa constitutionnelle française a donc mis un siècle et demi pour s’établir telle que
nous la connaissons aujourd’hui. Mais avant d’être sociale, la constitution de la France a
donc été républicaine et démocratique.
1.1.
Démocratie et République
République et Démocratie sont deux concepts fort anciens, venus principalement
de la Grèce et de la Rome antique. Ils ont évolué au cours du temps et des approches
philosophiques et politiques d’auteurs divers et variés. De Platon1 aux auteurs
contemporains tels Yves Charles Zarka2 ou Olivier Giraud et Philippe Warin3, en passant
par Alexis de Tocqueville4, tous ont apporté leurs réflexions sur ces notions de république
et de démocratie permettant une approche circonstanciée.
1.1.1. Démocratie, un berceau grec
C’est à Athènes, du VIe au IVe siècles av. J.-C., que le concept de démocratie a vu
le jour. Étymologiquement, le mot démocratie vient des termes dêmos qui signifie peuple
et krateô qui englobe les notions de puissance et de souveraineté. Le terme dêmos ne
désigne pas une foule quelconque, une masse sans organisation (il faudrait alors utiliser le
terme de laos ou plèthos), mais un ensemble organisé de personnes, de citoyens.
La démocratie est ainsi associée, dès l’Antiquité, à la notion d’égalité et de peuple
souverain. Mais par peuple souverain, il faut entendre les seules personnes qui peuvent
"porter le titre" de citoyen. Sont ainsi exclus : les femmes, les métèques (étrangers
domiciliés dans une cité autre que celle dont ils sont originaires), les mineurs et les
esclaves.
Platon est le premier à théoriser sur les différents types de constitutions qui pourraient
permettre à la Cité de trouver le meilleur gouvernement. Cinq constitutions possibles sont
classées allant de la meilleure à la pire :

l’Aristocratie, gouvernement des meilleurs, seul régime parfait selon
Platon ;
1. PLATON, La République, Garnier-Flammarion, Paris, 2002.
2. ZARKA Yves Charles (dir.), Repenser la démocratie, Armand Colin, Paris, 2010.
3. GIRAUD Olivier, WARIN Philippe (dir.), Politiques publiques et démocratie, La Découverte/PACTE, Paris, 2008.
4. TOCQUEVILLE Alexis de, De la démocratie en Amérique, Gallimard, Paris, 1986.
P a g e | 17

la Timocratie, régime fondé sur l’honneur ;

l’Oligarchie, régime fondé sur les richesses ;

la Démocratie, régime fondé sur l’égalité ;

la Tyrannie, régime fondé sur le désir.
Pour Platon, la Démocratie est donc la dernière étape avant l’instauration de la
Tyrannie. Il la décrit comme « [...] le régime de l’individualisme, où chacun fait ce qu’il veut.
Elle est donc sujette à une variété déconcertante, à une instabilité perpétuelle. La liberté
qu’elle institue et qui fait paraître la vie si douce et si radieuse n’est que l’absence de toute
règle, un chaos où les lueurs mêmes du talent et du génie ne sont que fantasmagorie et
impuissance. L’égalité dont elle se targue, mettant sur le même rang des hommes
inégaux, est une inégalité criante. En reconnaissant à tous les désirs la même légitimité, à
toutes les aspirations les mêmes droits, elle crée le dérèglement et l’immoralité, fait passer
la modération pour une faiblesse et le scrupule pour une naïveté. Quand une cité en est là,
sa constitution n’est qu’un manteau bariolé »1
Dans l’Antiquité, la Démocratie n’a de sens qu’exercée directement. Les lois et
les décisions sont prises collectivement lors d’assemblées (ekklèsia) qui réunissaient
l’ensemble des individus qui avaient le statut de citoyen. Il faudra attendre le XIXe siècle
pour que, dans un régime démocratique, on puisse penser confier le pouvoir à quelquesuns (démocratie participative) et non à tous. Cette "délégation de pouvoir" était aussi
présente dans le régime aristocratique prôné par Platon.
1.1.2. République, une organisation romaine
Si l’étymologie du terme démocratie puise ses racines dans la Grèce, celle de
république est associée à l’époque romaine. En effet, l’étymologie de République vient du
latin res publica, "chose publique" et se rapporte à la République romaine qui a existé de
500 à 44 av. J.-C.
La République désigne en premier lieu l’objet même du pouvoir politique qu’est la
chose publique, le bien commun. De l’Antiquité au Moyen Âge, le terme République
désignera indifféremment les deux régimes où le pouvoir n’est pas exercé par une seule
personne : l’Aristocratie et la Démocratie à l’exclusion de la Monarchie. Avant la Révolution
française, les philosophes des Lumières vont défendre l’idée de République en l’opposant
au principe dynastique de souveraineté. Le peuple, dêmos, doit prendre une part effective
à la chose publique et ne plus être seulement un rassemblement de personnes (laos).
1. GLOTZ Gustave, La Cité grecque, La Renaissance du livre, Paris, 1928, pp. 173-174.
P a g e | 18
La Démocratie supposait l’existence de la liberté et de l’égalité, la République
n’apportera pas de nouveaux droits, elle va confirmer l’importance de la liberté et surtout
de l’égalité dans l’action publique. Le pouvoir ne doit s’exercer que sur des hommes libres
et les lois ne doivent pas être répressives, mais garantir que la liberté des uns ne se
réalise pas aux dépens de la liberté des autres. Un État est qualifié de républicain lorsque
les fonctions de chef de l’État ne sont pas héréditaires.
En adoptant les notions de république et de démocratie, la France a choisi de
rompre avec son passé et de s’opposer à la monarchie et à la tyrannie. Ces deux
concepts, démocratie et république, ne vont pas obligatoirement de pair. Une démocratie
peut exister hors de la république, les monarchies scandinaves actuelles sont
démocratiques, on les qualifie habituellement de monarchies constitutionnelles. Les
monarques n’ont qu’un pouvoir de représentation, le pouvoir est confié à des
gouvernements et à des assemblées élus démocratiquement. À l’inverse, certaines
républiques ne sont pas démocratiques, c’est le cas en Chine (République populaire de
Chine) où le chef de l’État est désigné par un parti unique et où la seule assemblée élue
au suffrage universel n’a aucun pouvoir et ne se réunit qu’une fois par an durant quinze
jours. Pour qu’un État puisse être qualifié de démocratique, il doit s’assurer que ses
ressortissants jouissent de droits imprescriptibles et établir des normes que chacun doit
accepter et appliquer.
1.2.
Droits fondamentaux
La constitution d’un État permet de dépasser les communautés qui le composent
et d’éviter un morcellement de l’autorité politique. L’État dispose donc d’une autorité et d’un
pouvoir sur un peuple et sur un territoire. Mais autorité et pouvoir peuvent être absolus,
« comme s'il était permis d'oublier que c'est en ma personne seule que réside la puissance
souveraine ; […] que c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif sans dépendance et
sans partage ; […] que l'ordre public tout entier émane de moi ; que j'en suis le gardien
suprême ; que mon peuple n'est qu'un avec moi et que les droits et les intérêts de la
nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les
miens et ne reposent qu'en mes mains. »1 Pour éviter les dérives autoritaristes dans la
conduite de l’État, des droits fondamentaux existent auxquels le Pouvoir accepte de se
soumettre, créant ainsi les circonstances permettant l’émergence d’un État de droit.
o
1. TEYSSEIRE Daniel, « Un Modèle autoritaire : le Discours de "la flagellation" », Mots n 43, juin 1995, pp. 126-127.
[Discours de Louis XV devant le Parlement de Paris, le 3 mars 1766]
P a g e | 19
1.2.1. Un héritage anglo-saxon
La notion de droits fondamentaux est apparue pour la première fois dans
l’Angleterre du XVIIe siècle, au travers du Bill of Rights, et a été reprise un siècle plus tard
dans la Constitution américaine (1787). De son côté, la France au cours des siècles, et
surtout depuis les révolutions de 1789 et de 1848, s’est dotée de constitutions qui ont varié
selon les régimes politiques. Les constitutions des différentes Républiques : Première
(1792-1804), Deuxième (1848-1852), Troisième (1870-1940), Quatrième (1946-1958) et
Cinquième (1958) ont affirmé l’existence de droits fondamentaux et inviolables en faveur
de citoyens français. Plus récemment, deux lois, celle de Lutte contre les exclusions1 et
celle de Cohésion sociale2, sont venues réaffirmer l’existence de ces droits et l’impératif fait
à la Nation de les faire respecter et de les mettre en pratique.
« Les institutions se fondent sur des "droits fondamentaux" puisés dans le
préambule de la Constitution et qui recouvrent, peu ou prou, les droits sociaux consacrés
par divers textes internationaux et européens. »3
Les droits sociaux et les politiques sociales qui en découlent sont la matérialisation de
droits apparus depuis la Révolution française. L’émergence de la "nouvelle pauvreté" a
réinterrogé les Politiques sur la capacité des politiques sociales à garantir à tous l’aide de
l’État-providence mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Quarante ans après la
naissance de la Ve République, l’État se voit dans l’obligation de redéfinir ce qu’il entend
par "droits sociaux minimum" au travers de la réaffirmation de l’existence de droits
fondamentaux imprescriptibles attachés aux citoyens.
« L’affirmation selon laquelle il existe des droits fondamentaux "par nature" (droits
relatifs au corps, à la liberté individuelle par exemple) souligne simplement qu’il existe des
droits essentiels en ce qu’ils conditionnent la réalité d’autres droits. »4 On peut faire
remonter la notion de droits fondamentaux au Bill of Rights, instauré en Angleterre au
e
XVII
siècle. Ils naissent du constat qu’il existe au-dessus des lois, souvent reflets d’enjeux
ou de passions, des principes qui ont une valeur permanente.
Afin de les faire exister concrètement, les politiques ont donc instauré des lois qui vont
traduire ces droits fondamentaux dans l’action publique. Cette judiciarisation des droits
fondamentaux va instaurer des droits individuels, mais aussi des droits collectifs ou
sociaux. Cette conception de l’existence de droits fondamentaux va aussi, lentement,
s’appliquer à l’Union européenne, débouchant sur la rédaction d’une Charte des droits
o
1. Loi n 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.
o
2. Loi n 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.
3. CROUZATIER-DURAND Florence, Fiches de libertés publiques et droits fondamentaux, Ellipses Marketing, Paris,
2009, p. 26.
4. Ibid., p. 16.
P a g e | 20
fondamentaux à l’aube du XXIe siècle. Ces droits fondamentaux vont donc se traduire
notamment, en France, dans la proclamation de l’existence d’une République
démocratique, sociale et décentralisée.
1.2.2. À la recherche d’un équilibre entre droit naturel et contrat social
À partir du XVIe siècle, différents penseurs et philosophes1 vont défendre l’idée
qu’il existe des droits naturels attachés à l’individu. Ces droits sont valables pour toutes les
sociétés et à toutes les époques. Par la suite, cette notion de droits fondamentaux doit
« beaucoup aux conceptions et aux idées des personnes du XVIIIe siècle, et singulièrement
à Rousseau et à Voltaire »2, et ce, notamment dans les pays francophones. Voltaire a
défendu l’idée que « le droit naturel est celui que la nature indique à tous les hommes »3 et
ce sont donc des droits que le pouvoir public ne peut ôter et qui limitent la puissance de
l’État. D’un autre côté, face à cet état de nature, Jean-Jacques Rousseau prône
l’établissement d’un Contrat social scellant un accord entre tous les hommes pour sortir de
cet état de nature. Pour concilier l’état de nature avec l’organisation sociale d’une société, il
faut définir des droits fondamentaux qui seront, dans un premier temps, centrés autour des
notions d’égalité et de liberté.
Les droits fondamentaux de la République sont ceux, d’une part, qui ont été
reconnus et intégrés dans la Constitution de la Ve République (Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789, Préambule de la Constitution de 1946), mais aussi ceux
qui ont été élaborés par l’ensemble des textes de loi voté au cours des législatures. On
peut en distinguer trois grandes catégories :

Ceux qui sont inhérents à la personne humaine. La plus grande partie
de ces droits est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août
1789. Il y est fait état du droit à l’égalité : « Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité
commune »4, et des droits à la liberté, à la propriété, à la sûreté et à la résistance à
l’oppression : « Le but de toute association politique est la conservation des droits
naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté
et la résistance à l'oppression. »5

Ceux qui découlent de l’application concrète de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen. On peut ainsi noter que l’article premier de ce texte
1. VITORIA Francisco de, SUAREZ Francisco, PUFENDORF Samuel von.
2. FAVOREU Louis, « Universalité des droits fondamentaux et diversité culturelle », in L’Effectivité des droits
fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, AUPELF-UREF, 1994, p. 50.
3. VOLTAIRE, « Traité sur la tolérance », in Mélanges, Gallimard, La Pléiade, Paris, 2000, p. 583.
4. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, Article premier.
5. Ibid., Article 2.
P a g e | 21
a permis de mettre en place le suffrage universel ainsi que les notions d’égalité des
sexes, égalité devant l’impôt, la loi, la justice, l’emploi… Le principe de liberté s’est
traduit par la notion de liberté individuelle de chaque citoyen au travers de la liberté
d’expression, de réunion, de culte, de grève et d’adhésion à un syndicat.

Sont également rattachés aux droits fondamentaux, les droits
sociaux. « Il s’agit du droit du travail d’une part, du droit à la protection sociale d’autre
part, et des domaines qui comportent une dimension ou une préoccupation sociale
manifeste ou accessoire (consommation, santé, vieillesse, enfance, famille, éducation
et formation, urbanisme, habitat, ville, environnement, etc.). »1
Les deux premières catégories de droits sociaux, "droits et libertés" et "droits
d‘interventions", droits de première génération, sont des droits formels (la République
démocratique). La troisième catégorie, dite "droits créances", n’a été introduite que par le
préambule de la IVe République (République sociale, 1946).
La Constitution de la Ve République va donc garantir à chacun l’exercice des
droits fondamentaux notamment dans son préambule : le peuple français est attaché
« aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été
définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la
Constitution de 1946 »2. Cette dernière énonçait des principes politiques, économiques et
sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps »3.
Pour le juriste Louis Favoreu, les « droits et libertés fondamentaux sont, en premier
lieu4, protégés contre le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir législatif »5. D’autre
part, s’ils sont protégés par la loi, ils le sont surtout par la « Constitution et les textes
internationaux ou supranationaux »6. Enfin, « la protection des droits fondamentaux
nécessite, pour être assurée contre les pouvoirs exécutif et législatif, en application de
textes constitutionnels (ou internationaux), qu’en soient chargés, non plus seulement les
juges ordinaires, mais aussi les juges constitutionnels et même les juges internationaux »7.
internationaux »7. En France c’est le rôle, notamment, du Conseil constitutionnel.
Pour conclure, les droits fondamentaux peuvent être définis comme les droits
protégés à l’encontre du législateur. Cette protection est effective au niveau constitutionnel
ou conventionnel. Ainsi, si un droit est inscrit dans un texte "supra législatif", il entre dans la
1. MONÉDIAIRE Gérard, « Droit social », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
e
2. Constitution de la V République, Préambule.
e
3. Constitution de la IV République, Préambule.
4. En italique dans le texte.
5. FAVOREU Louis, op. cit., p. 48.
6. Ibid.
7. Ibid.
P a g e | 22
catégorie des droits fondamentaux. Nous sommes là dans une conception rousseauiste du
contrat. D’autres légistes ont une approche plus voltairienne de ces droits fondamentaux.
Pour ces derniers, les droits fondamentaux englobent les droits et libertés essentiels à la
protection de la dignité de la personne humaine. En 2004, après la mise en œuvre de
l’acte II de la décentralisation, le Conseil Nationale des politiques de lutte contre la
pauvreté et l’exclusion sociale écrivait que « S’agissant de "droits fondamentaux", leur
mise en œuvre s’impose à la collectivité tout entière. Mais l’État doit être le garant de leur
effectivité, même s’il peut en déléguer la mise en œuvre. »1
1.3.
La construction de la République sociale
Nous l’avons dit précédemment dans notre introduction, pour qu’un État existe en
tant que tel, il lui faut un territoire, un peuple, un gouvernement : « Une communauté
d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte, pour le
groupe envisagé, une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition. »2
Un État a donc pour fonction de rassembler les personnes qui se trouvent sur son
territoire, de les unifier par l’instauration d’une unité nationale. C’est par ce processus que
se sont constitués les États en luttant contre les particularismes locaux, le morcellement
communautaire et en instituant des règles applicables sur l’ensemble du territoire et de la
population. L’État ainsi constitué peut devenir, le cas échéant, aliénant avec des risques
pour les libertés individuelles (tyrannie, despotisme…). Mais cette démarche aboutit aussi
à la constitution d’un sentiment d’unité nationale.
Afin de dépasser les risques d’absolutisme, il a fallu établir un cadre à ce pouvoir,
mettre en place ce que l’on pourrait appeler des statuts regroupant des règles générales et
objectives qui organiseraient le pouvoir. Cette démarche s’est traduite en France, et dans
de nombreux autres pays, par la rédaction de textes juridiques définissant les différentes
institutions qui composent l’État, leurs relations les unes avec les autres. Par l’instauration
de ces textes naît la notion d’État de droit, sorte de système politique impliquant une
hiérarchie des normes juridiques et un encadrement par la loi de la souveraineté de l’État
garantissant les droits de la personne.
Pour qu’un État de droit existe, il faut donc un sentiment d’unité nationale et un ou des
textes fondateurs qui notifient les principes et les libertés fondamentaux, qui définissent
une organisation pour l’État, qui réglementent le fonctionnement des institutions : une
constitution. En France, la première constitution écrite ayant pour vocation d’établir un
1. Conseil National des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 2004, Rapport du groupe de travail,
Droits Fondamentaux, accès, exercice, recours, p. 8.
2. CARRÉ de MALBERG Raymond, op. cit., p. 7.
P a g e | 23
"État de droit" date de 1791 : Constitution du 3 septembre 1791 instaurant la Monarchie
constitutionnelle. Cette constitution énonce :

des principes et des libertés fondamentaux : Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen du 26 août 1789, Titre Premier – dispositions fondamentales
garanties par la Constitution ;

une organisation pour l’État : Titre II – De la division du royaume, et de l’état
de citoyen ;

une réglementation du fonctionnement des institutions : Titre III – Des
pouvoirs publics, Titre IV – De la force publique.
Depuis cette date, ce sont près de quinze textes à portée constitutionnelle qui ont été
établis en France1. Pour traiter de l’instauration de la République sociale, nous allons dans
un premier temps les analyser sous deux angles : égalité et solidarité afin de voir quels en
sont les éléments constitutifs. Puis, nous nous attacherons, toujours au travers de ces
textes fondamentaux, à tracer les contours de l’organisation territoriale de l’État2.
1.3.1. De l’égalité révolutionnaire
Le "droit à l’égalité" s’est inscrit dans une longue marche historique visant à
placer l’intérêt commun au-dessus des intérêts particuliers. Sous l’Ancien régime, la
France vit sous le système féodal qui a instauré, au cours du temps, la séparation de la
société en trois ordres : Clergé, Noblesse et Tiers-état. Le suffrage universel n’existe pas
et, lorsqu’un vote solennel doit avoir lieu au cours d’États généraux, chacun des Ordres
compte pour une voix quel que soit le nombre de ses députés.
Le système féodal est abrogé au cours de la nuit du 4 août 1789 qui a vu l’Abolition
des privilèges : « L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. »3 Quelques
jours plus tard, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen entérinera cette décision
dans deux articles. En premier lieu dans l’article 1, « Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droit. », et dans l’article 6, « La loi […] doit être la même pour tous, soit
qu’elle protège, soit qu’elle punisse. » Par la suite, sur les quinze textes à portée
constitutionnelle qu’a connus la France depuis 1791, seuls quatre d’entre eux ne feront
pas allusion à l’égalité entre les hommes, c’est notamment le cas des Lois
constitutionnelles qui ont instauré la IIIe République en 1875.
Très vite, les constituants vont introduire une distinction entre droits et devoirs.
Ainsi il est rappelé dès l’instauration de la Monarchie constitutionnelle que si « Les
o
1. cf. Annexe n 2, Les constitutions de la France de 1791 à nos jours.
o
2. cf. Annexe n 3, Analyse des textes à portée constitutionnelle depuis 1791.
3. Décret relatif à l’abolition des privilèges, Article 1, 11 août 1789.
P a g e | 24
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »1, ils ont aussi des devoirs au
premier desquels l’impôt, « Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de
contribuer aux charges publiques. »2 Tout au long des constitutions qui verront le jour au
cours du XIXe siècle, ces deux volets, droits et devoirs, seront présents dans les textes
sous une forme ou une autre. Même la Constitution de la IIe République, fruit de la
Révolution de 1848, tout en affirmant qu’elle a « pour principe la Liberté, l’Égalité et la
Fraternité. »3 instituera des obligations, des devoirs aux citoyens et notamment celui de
« s’assurer, par le travail, des moyens d’existence, et par la prévoyance, des ressources
pour l’avenir […]. »4
La seconde moitié du XXe siècle va confirmer l’importance de la notion d’égalité en
précisant soit des populations cibles, « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines,
des droits égaux à ceux de l’homme. »5 ou des attributs, « Elle [la République] assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de
religion. »6, Chantal Delsol a très bien résumé cette omniprésence de la notion d’égalité en
France en écrivant que « le culte de l’égalité est une passion française. »7
La notion d’égalité s’est donc constamment adossée à la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789 pour affirmer sa prégnance dans les institutions de la
France. L’égalité des Hommes entre eux est donc "chose acquise" mais il s’agit d’une
égalité naturelle, imprescriptible due à la nature humaine des citoyens. La Ire République le
spécifia dès les premiers articles de sa constitution, « Tous les hommes sont égaux par
nature et devant la loi. »8 Qu’en est-il de l’égalité socio-économique des citoyens ? Quel
rôle peut, doit jouer l’État dans ce domaine ? Quels sont les éléments qui vont permettre
de mettre en place la République sociale ?
1.3.2. De la solidarité républicaine
S’il est relativement aisé de définir la notion d’égalité, notamment en se référant à
la loi, il est plus délicat d’évoquer la solidarité. Celle-ci a une valeur symbolique, elle
représente une obligation morale pour ceux qui adhèrent aux principes démocratiques. La
République n’a jamais inscrit la solidarité dans ses textes, seule la notion de fraternité
figure à partir de la IIe République dans les principes de la République : « Elle [la
1. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Article 1.
re
2. Constitution de l’An I, I République, Des droits – Article 101.
e
3. Constitution de la II République, Préambule IV.
4. Ibid., Préambule VII.
e
5. Constitution de la IV République, Préambule.
e
6. Constitution de la V République, Article 1.
7. DELSOL Chantal, La République, une question française, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, p. 83.
re
8. Constitution de la I République, Des droits – Article 3.
P a g e | 25
République] a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. »1 La solidarité a une
portée plus pratique, elle permet de mettre en œuvre des droits sociaux par la
redistribution des richesses.
La Fraternité « désigne le lien social même, dans son essence, c’est-à-dire
qu’elle le désigne tel qu’il doit être, un lien fraternel, et non tel qu’il est, dans les faits »2. Si
les notions de Liberté et d’Égalité ont tout de suite figuré dans les textes officiels après la
Révolution de 1789, la notion de Fraternité était absente de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que de toutes les Constitutions de la France avant
celle de la IIe République (1848). Cette notion de Fraternité a souffert pendant le Siècle des
Lumières et dans le premier tiers du XIXe siècle de sa connotation trop religieuse. C’est un
glissement sémantique tout au long de la période postrévolutionnaire qui va permettre de
passer du religieux au civique : « On sera ainsi, selon les variations des enjeux
idéologiques, tantôt frères parce que l’on est tous enfants de Dieu, tantôt parce que l’on est
tous les enfants de la Raison, tantôt parce que l’on est tous enfants de la Patrie. »3 Notons,
Notons, d’une part, que la Monarchie constitutionnelle de 1791 prévoyait une intervention
en direction des "précaires" : « Il sera créé et organisé un établissement général de
Secours publics, pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et
fournir du travail aux pauvres valides qui n’auraient pu s’en procurer. »4 D’autre part, la
notion de dette sacrée de la nation a été introduite pour la première fois dans la
Constitution de la Ire République, « Les secours publics sont une dette sacrée. La société
doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en
assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.5 »
Les constituants de 1848 ont, en incluant la Fraternité dans la devise nationale,
affirmé l’importance du "faire société" : « La fraternité est le lien existant entre les hommes
considérés comme membres de la famille humaine qui participent à un même idéal. C’est
le sentiment profond de ce lien. »6
La Liberté et l’Égalité sont créatrices de droits, c’est sans doute pour cela qu’elles ont
de suite intégré les textes institutionnels. Il s’agit pour l’État de défendre les libertés des
citoyens et d’assurer leur égalité. Quant à la Fraternité, elle n’est pas véritablement un
principe, elle se présente davantage comme un devoir qui s’appliquerait aux citoyens afin
e
1. Constitution de la II République, Préambule IV.
2. LÉVY René, février 2006, « La Fraternité », in Colloque : Assemblée nationale/Institut d’Études Lévinassiennes,
Disponible en ligne sur : www.club89.org, (Date d’accès : 28 décembre 2011).
3. BOULAD-AYOUB Josiane, janvier 1992, « "Les Doux Nœuds de la fraternité universelle…". La fonction idéologique du
concept révolutionnaire de fraternité », in Colloque : La Fraternité, ciment de la République, Disponible en ligne sur :
www.ememoire.net, (Date d’accès : 28 décembre 2011), p. 3.
4. Constitution de 1791, Monarchie constitutionnelle, Titre II.
re
5. Constitution de la I République, Article 21.
6. MOREAU Max, L’Économie moderne et le trialisme républicain. Liberté, égalité, fraternité, L’Harmattan, Paris,
2010, p. 37.
P a g e | 26
de repousser l’inégalité. Il faut, comme le note Jacques Donzelot1, "faire du social". Dans
son préambule, la Constitution de 1848 va donc indiquer que « [la République] doit, par
une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur
procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la
famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler »2. Cet article, s’il invoque la
notion d’assistance et de solidarité, introduit aussi le principe de subsidiarité : les secours
de la nation sont activés après ceux qui pourraient être fournis par la famille.
La République sociale ne va véritablement s’inscrire au cœur de la République
française que lors de la rédaction de la Constitution de 1946. C’est effectivement dans ce
texte qu’apparaît, pour la première fois, la notion de République sociale (article 1er). Cette
idée fait suite aux nombreux débats qui ont agité les divers courants de la Résistance
française pendant la Seconde Guerre mondiale. Le programme du Conseil national de la
Résistance, dès mars 1944, affirmera que parmi les réformes indispensables à mettre en
place à la Libération, il faudra instaurer « une véritable démocratie économique et
sociale »3. Les constituants de 1946 vont donc réaliser la première véritable synthèse des
révolutions de 1789 et de 1848 et du concept de solidarité né au début du XXe siècle sous
la IIIe République. À partir de la IVe République, la solidarité nationale va jouer « comme
une obligation morale qui vise à l’intérêt de la société dans son ensemble et à corriger les
effets des inégalités susceptibles de miner en profondeur le pacte républicain. »4 La mise
en place de cette République sociale est donc l’aboutissement d’un processus qui, depuis
le XVIIIe siècle, a tenté de faire évoluer la notion de citoyenneté, de droits et d’institution
politique :
Évolution de la notion de citoyenneté en Occident (XVIIIe-XXe siècle)
Droits
Périodes
Institutions politiques
Citoyenneté
Citoyenneté
Citoyenneté
civile
politique
sociale
Libertés de la personne, de
Éligibilité, droit de vote,
Bien-être économique,
parole, de pensée, d’expression
information, participation
protection sociale, droit à la
de passer contrat
politique
santé, à l’éducation, au travail
e
XVIII
siècle
État de droit : rôle prééminent
surtout de la justice
e
XIX
siècle
e
XX
siècle
État électif avec suffrage
État-providence avec
universel, rôle prééminent du
assurances sociales et
Parlement
participation sociale
REVOL René5
1. DONZELOT Jacques, L’Invention du social, Éditions du Seuil, Paris, 1994.
e
2. Constitution de la II République, Préambule.
3. Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui (coll.), Les Jours heureux – Le programme du Conseil national de la Résistance
de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition, La Découverte, Paris,
2010, p. 23.
4. Haut Conseil à l’Intégration, Études et intégration. Faire connaître les valeurs de la République, La Documentation
française, Paris, 2009, p. 38
o
5. REVOL René, « Quelques remarques sur la notion de citoyenneté », in : Cahiers du CERSES, n 1, 1999, p. 4.
P a g e | 27
Si le terme même de Solidarité nationale n’apparaît jamais dans les textes
constitutionnels, il est au cœur de la notion de République sociale. Les différentes
constitutions, notamment le préambule de la Constitution de 1946, ont affirmé l’existence
de droits-créances : « obtenir des moyens convenables d’existence » ou encore avoir le
droit « d’obtenir un emploi » par exemple. Reste que, dans le droit français, l’État n’est pas
tenu de donner corps aux droits-créances figurant dans la Constitution. Ainsi « le pouvoir
législatif à tout loisir, s’il le décide, de laisser totalement lettre morte un certain nombre de
droits reconnus par le constituant. »1 Dans le cadre de ce mémoire, nous nous
intéresserons à l’une des applications concrètes de la solidarité nationale : les Allocations
individuelles de solidarité ou minima sociaux.
Tout au long des XIXe et XXe siècles, les constituants ont tenté de définir les droits
et les devoirs qui obligent les citoyens envers l’État et l’État envers les citoyens. Le
caractère social de la République française est l’un des principes sur lesquels elle repose.
Les autres principes étant l’indivisibilité, la laïcité et la démocratie. Comme nous l’avons
déjà indiqué, le caractère social de la république « résulte de l’affirmation du principe
d’égalité. Il s’agit de contribuer à la cohésion sociale et de favoriser l’amélioration de la
condition des plus démunis.2 » Le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel, dans une
décision concernant la liberté d’association, a reconnu une valeur constitutionnelle à la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et au préambule de la
Constitution de 1946 en plus de la Constitution elle-même. Il a consacré ainsi l’existence
d’un "Bloc de constitutionnalité". Il comprend l’ensemble des principes et dispositions que
doivent respecter les lois. Ainsi la notion de solidarité nationale revêt un caractère "sacré"
(dette sacrée de la nation) et devient une obligation : « Il y a un droit qui naît de la violation
même du droit, c’est celui de réparation. […] Il y a toujours une certaine somme d’injustice
générale qui est imputable non point à tel ou tel homme en particulier, mais à la société
tout entière et qui est souvent un legs du passé. De là la nécessité de la justice
réparatrice. »3
Déjà, à la fin du XIXe siècle, la solidarité était mise en avant par Léon Bourgeois,
comme ferment du lien social : « Il s'agit pour les hommes, associés solidaires, de
reconnaître l'étendue de la dette que chacun contracte envers tous par l'échange de
services, par l'augmentation de profits personnels, d'activité, de vie résultant pour chacun
de l'état de société ; cette charge une fois mesurée, reconnue comme naturelle et légitime,
1. BORGETTO Michel, « Droit-créance », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
2. ARKWRIGHT Edward, BARON Franck, BŒUF Jean-Luc, DELAMARRE Manuel, LAZERGES Romaric, op. cit., p. 29.
3. FOUILLÉE Alfred, La Science sociale contemporaine, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1885, pp. 357-358.
P a g e | 28
l'homme reste réellement libre, libre de toute sa liberté, puisqu'il reste investi de tout son
droit. »1 Dans le domaine de la solidarité, la IIIe République, très marquée par la Commune
(1871), ne va que reprendre à sa charge les "solidarités mécaniques" durkheimiennes
mises en place par les ouvriers et qui pouvaient déboucher de nouveau, sur des
mouvements politiques contestataires. Le Solidarisme « concrétise la "République
sociale" »2, processus engagé par la Constitution de la Monarchie constitutionnelle dans
son Titre premier et aboutissant à l’Article 1 de la IVe République. La solidarité va devenir
un principe juridique au service de la fraternité et va rester, jusqu’en ce début du XXIe
siècle, très présente dans le débat politique comme le rappelle Olivier Amiel : « Les deux
finalistes de l’élection présidentielle 2007 n’ont pas dérogé à cette règle, avec Ségolène
Royal qui "propose la réconciliation entre l’efficacité économique et la protection sociale",
et Nicolas Sarkozy qui rappelle que "La République c’est la compréhension mutuelle, le
respect de l’autre et la solidarité pour tous". »3
1.3.3. Du territoire national
La France de l’Ancien régime n’est pas, à l’encontre de bien des idées reçues, un
État centralisé du point de vue de son organisation administrative. Les pouvoirs locaux
sont alors complexes avec des structures locales très diverses. Des projets de réformes
ont vu le jour dès la seconde moitié du XVIIIe siècle :

en 1764, René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson propose la
création de Départements en lieu et place des Provinces4 ;

en 1775, Pierre Samuel du Pont de Nemours rédige à la demande d’Anne
Robert Jacques Turgot, un mémoire dans lequel il préconise la création de trois niveaux
de "municipalités", locales, provinciales et nationale5 ;

en 1788, Nicolas de Condorcet propose que les intérêts des citoyens soient
mieux pris en compte par les institutions administratives6.
À la veille de la Révolution, le territoire du Royaume est divisé en Provinces (plus
de 40) et Généralités (près de 40), gouvernées par des Intendants nommés par le Roi.
C’est un enchevêtrement confus décrit par Jacques-Guillaume Thouret lors d’une session
de l’Assemblée constituante en septembre 1789 : « Le royaume est partagé en autant de
1. BOURGEOIS Léon, Solidarité, Disponible en ligne sur : www.classiques.uqac.ca, (Date d’accès : 28 décembre 2011),
Classiques UQAC, 1896, p. 42.
e
2. AMIEL Olivier, « Le Solidarisme, une doctrine juridique et politique française de Léon Bourgeois à la V République »,
o
Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2009/1 – N 11, p. 156.
3. AMIEL Olivier, op. cit., p. 159.
4. Considération sur le gouvernement de la France.
5. Mémoire sur les municipalités.
6. Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales.
P a g e | 29
divisions différentes qu’il y a de diverses espèces de régimes et de pouvoirs : en diocèses,
sous le rapport ecclésiastique, en gouvernements sous le rapport militaire, en généralités
sous le rapport administratif, en bailliages sous le rapport judiciaire. Aucune de ces
divisions ne peut être utilement ni convenablement appliquée à l’ordre représentatif. Non
seulement il y a des disproportions trop fortes en étendues de territoire, mais ces antiques
divisions qu’aucune combinaison politique n’a déterminées et que l’habitude seule peut
rendre tolérables sont vicieuses sous plusieurs rapports tant physiques que moraux. »1
Les Communes vont être créées par la loi du 14 décembre 1789 en remplacement
des anciens corps municipaux. Elles vont prendre le nom de municipalités et vont
correspondre, d’une manière générale, aux paroisses de l’Ancien Régime. De leur côté,
les Départements sont créés par les lois du 14 et 22 décembre 1789 pour mettre fin aux
privilèges et aux disparités des Provinces d’Ancien régime en lieu et place des
Généralités. Les révolutionnaires « supprimeront l’échelon régional en suivant la logique
ternaire du département, de la commune et du canton »2, ceci permettant aussi de mettre
à mal l’autonomie des anciennes Provinces. Toujours, selon Jacques-Guillaume Thouret,
le tracé définitif retenu pour ces nouveaux Départements consacre « l’idée de partage
égal, fraternel et jamais celle de dislocation du corps politique »3. L’unanimité n’était pas de
mise dans les discussions, ainsi Honoré-Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau proposait la
création de 120 départements, de leurs côtés, Jacques-Guillaume Thouret et EmmanuelJoseph Sieyès en proposaient 80. Enfin, comme le rapporte Bruno Rémond, certains
députés regrettaient déjà le grand nombre de Départements et de Communes mis en
place « [Le député Bouche] "Vous préférez avoir face à vous un grand nombre de petits
roquets plutôt que quelques grands chiens loups". »4
Dès la Monarchie constitutionnelle de 1791, le découpage en Départements du
territoire français est officialisé, « son [le royaume] territoire est distribué en quatre-vingttrois départements »5. Ainsi le Département « est devenu le cadre par excellence de
l’administration générale et locale. […] Les fonctions déléguées par l’État sont d’abord
financières : toute l’administration des contributions directes ; ensuite toute l’administration
générale, notamment l’assistance, l’instruction, le domaine public, les travaux publics, la
police, la défense. »6 Le Département acquiert ainsi une certaine indépendance que les
constituants de la Ire République vont combattre en subordonnant l’administration
1. LANG Gérard, Le Code officiel géographique, avant, pendant et autour, Disponible en ligne sur : www.projetbabel.org,
(Date d’accès : 28 décembre 2011), Insee, 2008, p. 36.
2. MATTÉI Jean-François, « Préface », in MIOSSEC Jean-Marie, Géohistoire de la régionalisation en France, Presses
Universitaires de France, Paris, 2008, p. XIII.
3. LANG Gérard, op. cit., p. 42.
4. RÉMOND Bruno, La Fin de l’État jacobin ?, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1998, p. 108.
5. Constitution de la Monarchie constitutionnelle.
6. VILLARD Pierre, Histoire des institutions publiques de la France de 1789 à nos jours, Dalloz, Paris, 2010, p. 37.
P a g e | 30
départementale au gouvernement central : « Il y a […] dans chaque département, une
administration centrale. »1 Seul doit prévaloir l’intérêt national. « La Constituante fut, pour
l’essentiel, décentralisatrice, et créa des communes et des départements gérés par des
conseils généraux élus, toutes les fonctions étant remplies sur la base de mandats électifs.
À l’inverse, la Convention abandonna, en 1793, ce dispositif, prononçant la dissolution des
conseils généraux de départements et envoyant en province, deux par deux, des
représentants en mission du pouvoir central. »2
Le Directoire conserve à son tour l’organisation départementale et, dans un souci
d’unité (la République française est une et indivisible), unifie tous les territoires de la
République aux mêmes lois constitutionnelles, et ce même s’ils sont très éloignés
géographiquement de la métropole, « Les colonies françaises sont parties intégrantes de
la République, et sont soumises à la même loi constitutionnelle. »3 Par la suite, aucun
changement ne va être introduit, ce cadre administratif va perdurer au gré des
Gouvernements et des aléas territoriaux. Par exemple, le Ier Empire, en annexant de
nouveaux territoires, crée de nouveaux Départements qui viennent s’ajouter à ceux créés
par la Révolution portant leur nombre à plus de cent trente. « Après des tentatives de
réformes sous le Directoire, avec le Consulat, en 1800, le débat est tranché par Bonaparte
dans le sens de la centralisation administrative lors de la création de l’institution
préfectorale par la loi du 28 pluviôse an VIII »4 : « Il y aura dans chaque département un
préfet, un conseil de préfecture, et un conseil général de département lesquels rempliront
les fonctions exercées maintenant par les administrations et commissaires de
département. Le conseil de préfecture sera composé de cinq membres, et le conseil
général le sera de vingt-quatre, dans les départements ci-après : Aisne, Calvados,
Charente-Inférieure, Côtes-du-Nord, Dordogne, Escaut, Eure, Finistère, Haute-Garonne,
Gironde, Isère, Ille-et-Vilaine, Jemmapes, Loire-Inférieure, Lys, Maine-et-Loire, Manche,
Mont-Blanc, Morbihan, Nord, Orne, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Bas-Rhin, Saône-etLoire, Seine, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise, Somme »5.
Constitutionnellement parlant, aucun changement important, portant sur le cadre
administratif, ne va intervenir jusque dans la seconde moitié du XXe siècle. Le Second
Empire va renforcer la centralisation de l’État et c’est « seulement avec la IIIe République
que la décentralisation devient quelque peu à l’ordre du jour, modestement au niveau
re
1. Constitution de la I République, Article 78.
2. RÉMOND Bruno, op. cit., p. 19.
3. Constitution du Directoire, Article 6.
4. RÉMOND Bruno, op. cit., p. 19.
5. Loi du 28 pluviôse an VIII concernant la division du territoire français et l’administration, Annexe, Titre IIer
Administration, I -Administration de département, Article 2.
P a g e | 31
départemental dans le cadre de la loi du 10 août 18711, de manière plus forte pour la
commune avec la loi du 5 août 1884 »2. Sous le régime de Vichy, le Maréchal Pétain
réorganise l’administration territoriale de la France en supprimant les Conseils généraux et
les Conseils municipaux. Les maires et les Conseils municipaux seront nommés dans les
Communes de plus de 2 000 habitants. De leurs côtés, les Départements seront
administrés par des Préfets assistés d’une commission administrative nommée et
seulement consultative : « Des gouverneurs seront placés à la tête des grandes provinces
françaises. Ainsi l’administration sera à la fois concentrée et décentralisée… nous ferons
une France organisée où la discipline des subordonnés répond à l’autorité des chefs. »3
C’est la Constitution de la IVe République qui va introduire la notion de Collectivités
territoriales, « La République française, une et indivisible, reconnaît l’existence de
collectivités territoriales. Ces collectivités sont les communes et départements, les
territoires d’outre-mer.4 » et définir leur mode d’administration « Les collectivités
territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel. »5 Mais
c’est la Ve République qui va le plus transformer le cadre administratif de la France en
introduisant la décentralisation.
Le texte initial de 1958 n’indique pas dans son Article premier que la France est une
République décentralisée : « La France est une République indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.6 » Rien ne
change « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les
départements, les territoires d'outre-mer. »7 Par décrets8, le Gouvernement va, entre 1959
1959 et 1970, modifier quelque peu le cadre administratif de la France au profit des
Départements et des Communes. Malgré tout, à la veille des grandes lois de
décentralisation des années 1980, les structures sont restées inchangées, selon Pierre
Villard, trop vétustes : « Ces retouches laissaient subsister les cadres territoriaux, vieux de
deux siècles, qui n’étaient plus adaptés à l’administration de la fin du XXe siècle »9.
À la veille de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, la France est organisée
selon un « Schéma pyramidal dans lequel, comme du temps de Napoléon, l’orientation de
o
1. Loi n 1871-08-10 du 10 août 1871 relative aux conseils généraux.
2. RÉMOND Bruno, op. cit., p. 20.
3. Message du Maréchal Pétain en date du 11 juillet 1940, cité par Bruno Rémond.
e
4. Constitution de la IV République, Article 85.
5. Ibid., Article 87.
e
6. Constitution de la V République, texte original, Article 1.
7. Ibid., Article 72.
o
8. Décret n 59-36 du 5 janvier 1959 portant allègement du contrôle administratif sur les départements et simplification
o
de l’administration départementale ; Décret n 59-37 du 5 janvier 1959 portant mesures de décentration et simplification
o
concernant l’administration communale ; Décret n 64-250 du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à
o
l’organisation des services de l’État dans les départements et à la déconcentration administrative ; Décret n 70-1047 du
13 novembre 1970 portant déconcentration des décisions de l’État en matière d’investissements publics.
9. VILLARD Pierre, op. cit., p. 129.
P a g e | 32
politique, la conception de celle-ci, la définition des modalités de sa mise en œuvre étaient
conçues à l’échelon national – et cela quel que soit le sujet considéré. »1 Nous aborderons
aborderons dans la deuxième partie de notre travail les mécanismes de décentralisation
qui ont été mis en place à partir de 1981 et leurs conséquences sur les politiques sociales.
En ce qui concerne le texte constitutionnel de la Ve République, c’est l’article 72 qui
encadre, depuis la loi constitutionnelle no2003-276 du 28 mars 20032, les Collectivités
territoriales en les définissant, « Les collectivités territoriales de la République sont les
communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les
collectivités d’outre-mer »3, et en définissant leurs compétences, « Les collectivités
territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui
peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon4 » et leurs ressources « Les
collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement
dans les conditions fixées par la loi. »5
1.3.3.1. Territoire « milieu de vie d’une communauté »6
L’ensemble de notre travail est traversé par le concept de territoire, il convient
donc, avant toute chose, de s’attacher à l’étymologie du mot territoire afin d’en éclairer le
sens. Le mot est formé à partir du latin territorium qui vient lui-même de terra. Florian
Mazel dans l’introduction de son ouvrage L’Espace du diocèse : Genèse d’un territoire
dans l’Occident médiéval (Ve-XIIIe siècle) rappelle que pour les Romains, le mot territoire
désignait : « l’espace circonscrit autour de la cité où s’exerçait la toute-puissance de
l’État »7, la puissance publique. Dans la langue française, le mot territoire n’est apparu
qu’au XIVe siècle et n’a été véritablement usité qu’à partir du XVIIe siècle. Il va désigner une
étendue de terre qui dépend d’un Empire, d’une Province, d’une ville, d’une juridiction, etc.
C’est un lieu qui jouit d’une certaine autonomie, mais qui ne constitue pas un État à
proprement parler. Une autre approche étymologique latine donne la racine jus terrendi qui
se réfère à celui qui détient le droit de terrifier, « pouvoir légitime des magistrats d’exercer
la terreur au sein de l’espace considéré »8. Le concept de territoire est apparu ensuite, à
partir des années 1980, dans les productions scientifiques des géographes9, des
1. RÉMOND Bruno, op. cit., p. 23.
o
2. Loi constitutionnelle n 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, Journal
o
Officiel, n 75 du 29 mars 2003, p. 5568.
e
3. Constitution de la V République, Article 72.
4. Ibid.
5. Ibid., Article 72-2.
6. TIZON Philippe, « Qu’est-ce que le territoire ? », in DI MÉO Guy (dir.), Les Territoires du quotidien, L’Harmattan, Paris,
2009, p. 19.
e
e
7. MAZEL Florian (dir.), L’Espace du diocèse : genèse d’un territoire dans l’Occident médiéval (V -XIII siècle), Presses
Universitaires de Rennes, Rennes, 2008, p. 12.
8. Ibid.
9. RAFFESTIN Claude, RONCAYOLO Marcel, BRUNET Roger, FRÉMONT Armand, SACK Robert, TURCO Angelo.
P a g e | 33
sociologues1, des économistes2 et d’autres chercheurs en Sciences sociales. Enfin, il a
suscité un très vif intérêt dans le domaine de l’action publique et collective.
Nous pouvons ainsi aborder le territoire selon plusieurs approches. En biologie, par
exemple, un territoire désigne une zone d’habitat occupée par une espèce végétale ou
animale. Il est donc un lieu de vie, de reproduction de l’espèce où l’on peut étudier leurs
comportements. Pour les naturalistes, le territoire est une fragmentation, « un espace vital
terrestre, aquatique ou aérien, qu’un animal ou qu’un groupe d’animaux défend comme
étant sa propriété exclusive »3
Ce concept de territoire peut aussi être abordé sous l’angle économique,
sociologique, politique… Sous l’angle politique, Robert Sack le définit comme « une portion
de l’espace délimité pour exercer un pouvoir »4 et il fait sens « sur un plan politique en tant
tant que mode de contrôle sur les personnes ou les relations sociales »5. Le territoire est
donc marqué par le politique et par tout ce qui peut structurer la société. « Le territoire est
le lieu de l’État et de l’unité politique, et en quelque sorte le support de sa
constitution. »6 Mais paradoxalement, pour Jean-Pierre Jambes, en permettant de se
rassembler, le territoire sépare ipso facto, « il crée ici une solidarité de fait, mais cette
solidarité en freine d’autres avec l’ailleurs ; il fait sens ici, mais pas là ; il définit un dedans
et un dehors, mais ce dedans s’avère trop figé pour contenir le contenant »7. Et l’auteur
d’ajouter « le territoire demeure trop souvent politiquement et juridiquement compris
comme un espace continu, exclusif et strictement délimité »8. Le territoire est donc désigné
désigné comme une zone géographique sur le ressort duquel s’exercent un contrôle et un
pouvoir dus à une forme de possession. Par un double mouvement, il rassemble ceux qui
se trouvent sur son ressort tout en excluant ceux qui n’y sont pas.
D’un autre côté, le territoire, construit social, en appelle à la notion d’identité
culturelle des populations se trouvant sur son ressort et ayant une emprise sur la gestion
dudit territoire. Il y a donc une notion d’appropriation collective dans l’approche
sociologique du concept. Le territoire induirait des rapports sociaux entre les personnes.
Ainsi selon Guy Di Méo, « Le territoire témoigne d’une appropriation à la fois
économique, idéologique et politique d’un espace géographique par des groupes qui se
1. MARIÉ Michel, BAREL Yves, GANNE Bernard.
2. ALLIÉS Paul, LEPETIT Bernard.
o
3. DI MÉO Guy, « Territoires des acteurs, territoires de l’action », Bulletin de la Société géographique de Liège, n 48,
2006, p. 3.
4. Cité par DIMINESCU Dana, « Le "Système D" contre les frontières informatiques », Hommes & Migrations, mars-avril
2001, p. 29.
5. Ibid.
6. BEAUCHARD Jacques, « Territoire », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
7. JAMBES Jean-Pierre, « Territoire en questions : doutes et réponses de la géographie », in PAGÈS Dominique, PÉLISSIER
Nicolas (dir.), Territoires sous influence/1, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 50.
8. Ibid., p. 54.
P a g e | 34
donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leurs singularités
et qui, de cette façon, s’identifient »1. De son côté, le territoire, pour Bernard Debarbieux,
structure les relations sociales entre les personnes et leur donne une identité : « [le
territoire est] un agencement de ressources matérielles et symboliques capable de
structurer les conditions pratiques de l’existence d’un individu ou d’un collectif social et
d’informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité »2.
Enfin, pour Philippe Tizon, « le transfert de ce terme [territoire] des sciences de la
nature aux sciences sociales paraît assez clair en ce qui concerne les institutions qui, à
l’image des animaux, marquent, bornent, symbolisent le territoire et le conquièrent,
cherchent à faire partager à leurs citoyens, clients et adhérents, la validité des frontières
des États, des collectivités locales, voire de leurs aires d’influence ou de marché.
Institutions publiques ou privées pratiquant vis-à-vis des citoyens et entre elles une réelle
imposition de territorialité3 ».
D’un espace naturel, construit autour de besoins, le territoire est devenu normes,
règles qui s’imposent à ceux qui le traversent, le fréquentent ou y vivent. Il devient, par là
même, selon le regard sociologique que l’on porte, un espace social et un espace vécu.
Dans le premier cas, il s’agit de la zone d’imbrication des rapports sociaux et des lieux, ce
que Julien Aldhuy appelle « l’ensemble des interrelations sociales spatialisées »4, l’espace
l’espace social donc. Dans le second cas, l’espace vécu, il s’agit du territoire qui regroupe,
pour Guy Di Méo, trois dimensions qui s’additionnent les unes aux autres :

« L’ensemble des lieux fréquentés par l’individu, c’est-à-dire l’espace de

les interactions sociales qui s’y nouent ;

les valeurs psychologiques qui y sont projetées et perçues »5.
vie ;
Le territoire va donc être un composant du processus de socialité, ou lien social, car il
devient signifiant : « Le lien social […] se fonde donc sur le rapport permanent et
réciproque qui s’exerce entre un groupe social et le contexte dans lequel il est inséré. »6
Il est ainsi un lieu défini où s’exerce une autorité, où se nouent des interactions. C’est
par conséquent le lieu où va s’inscrire l’action publique, mais c’est aussi le lieu où se
produit de l’action publique au travers notamment de l’interaction entre le national et le
1. Cité par HASCHAR-NOÉ Nadine, Quelques réflexions sur les notions de territoire / territorialisation / territorialités et la
relation entre sociologie de l’action publique et géographie sociale, MCF, 2009, p. 1.
2. LEVY Jacques, LUSSAULT Michel (coord.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, Paris,
2004, p. 910.
3. TIZON Philippe, op. cit., pp. 19-20.
4. ALDHUY Julien, Au-delà du territoire, la territorialité ?, Géodoc, Manuscrit d’auteur, Disponible en ligne sur :
www.hal.archives-ouvertes.fr, (Date d’accès : 28 décembre 2011), 2008, 55, p. 6.
5. DI MÉO Guy, Géographie sociale et territoires, Nathan Université, Paris, 2001, p. 31.
6. POCHE Bernard, « La Sociologie et la question de l’espace », in PAGÈS Dominique, PÉLISSIER Nicolas (dir.), Territoires
sous influence/1, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 39.
P a g e | 35
local. C’est sous l’angle de la science politique qu’il faut alors éclairer ce concept. Pour
Pierre Hassenteufel et Jane Rasmussen, « La science politique analyse le territoire
comme un espace construit par le pouvoir politique, au sein duquel celui-ci s’exerce et qui
est l’enjeu de luttes. […] Cette perspective conduit à une prise en compte du territoire, à la
fois comme un espace de représentation politique (donc d’identification) et comme un
espace d’action (c’est-à-dire de politiques publiques) »1.
Le territoire résulte donc d’une construction qui n’est jamais achevée
Si, pour les institutions quelles qu’elles soient, le territoire repose sur une aire de
pouvoir et/ou d’influence, « Pour l’individu, c’est une subtile "alchimie" entre du personnel
et du collectif »2. Les organisations sociales s’exercent donc sur des espaces
géographiques qu’il devient compliqué de caractériser. « Les termes d’espace de vie,
d’espace vécu, d’espace pratiqué, d’espace imaginé, d’espace social, de territoire du
quotidien, de territoire d’entreprise se prêtent à une polysémie qui discrédite parfois leur
utilisation dans une perspective scientifique. »3
Le territoire est donc un système complexe qui imbrique trois sous-systèmes :

l’espace géographique « approprié par l’homme, aménagé et au sein
duquel apparaissent des organisations spatiales et de multiples interactions »4 ;

les représentations de l’espace géographique comme un « ensemble de
filtres qui influence les acteurs dans leurs prises de décisions et les individus dans
l’ensemble de leurs choix »5 ;

les acteurs « qui agissent consciemment et inconsciemment sur l’espace
géographique, influencés par leurs filtres et suivant leur position au sein de ce
système »6.
Il est ainsi « un construit social qui a conduit l’homme à faire du territoire le support de
l’autorité publique et le critère d’appartenance à une communauté politique »7.
1. HASSENTEUFEL Pierre, RASMUSSEN Jane, « Le(s) Territoire(s) entre le politique et les politiques, les apports de la
science politique », in PAGÈS Dominique, PÉLISSIER Nicolas (dir.), Territoires sous influence/1, L’Harmattan, Paris,
2000, p. 60.
2. TIZON Philippe, op. cit., p. 21.
3. Ibid., p. 17.
4. MOINE Alexandre, janvier 2005, « Le Territoire comme un système complexe, des outils pour l’aménagement et la
géographie », Septième Rencontre de Théo Quint, Disponible en ligne sur : www.thema.univ-fcomte.fr, (Date d’accès : 28
décembre 2011), p. 3.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. BADIE Bertrand, La Fin des territoires : essai sur le désordre international et sur l’utilité sociale du respect, Fayard, Paris,
1997, p. 20.
P a g e | 36
1.3.3.2.
Territorialité, lieu d’échanges sociaux
Si le territoire peut être défini et circonscrit, notamment dans un espace, la notion
de territorialité s’éloigne d’une vision purement géographique pour regarder notamment
vers le politique et le droit. Ainsi la territorialité est ce qui appartient en propre à un territoire
considéré politiquement et, en droit, c’est la qualité d’une loi qui s’applique à toute
personne résidant sur le territoire national.
Pour le géographe Claude Raffestin, la territorialité est « l’ensemble des relations
qu’une société entretient non seulement avec elle-même, mais encore avec l’extériorité et
l’altérité, à l’aide de médiateurs, pour satisfaire ses besoins dans la perspective d’acquérir
la plus grande autonomie possible, compte tenu des ressources du système »1. C’est une
approche sociologique, celle de Philippe Tizon, qui va pouvoir nous permettre de cerner
les différentes dimensions de la territorialité : culturelle, dynamique, fluctuante. « Cet
espace personnel dépasse de beaucoup l’aire de résidence, surtout si l’on prend en
compte les divers rôles sociaux de chacun, les habitats différents que l’on peut occuper :
résidence principale, résidence secondaire, lieu d’origine de la famille pour les migrants,
sites réguliers de vacances… De la sorte, le sentiment d’appartenance à un espace est
beaucoup moins net qu’autrefois. »2 Mais pas seulement, car il faut aussi tenir compte,
dans cette approche sociologique de la territorialité, du fait que pour certaines personnes
les notions d’habitat, de résidence principale ou secondaire ne sont pas significatives.
C’est le cas, bien entendu, des personnes "classifiées" sous le sigle SDF (sans domicile
fixe). Dans ce cas, l’approche est plus complexe, car la territorialité est un ensemble de
rapports que l’individu va avoir avec les autres et avec le système institutionnel qui va lui
renvoyer, dans ce cas, sa non-appartenance à une territorialité.
La territorialité n’est donc pas une chose statique, mais un processus qui est
continuellement en mouvement. Elle est une relation individuelle, ou collective, au
territoire. Cette relation n’est ni évidente ni simple, « entre territoire et territorialité, il existe
donc, pour tout être humain, une tension permanente. L’imposition des territoires
objectivés entre en lutte avec notre subjectivité, ses errances, ses mobilités, sa rationalité
située »3. La territorialité n’est donc pas qu’un lien spatial : elle recouvre aussi la notion de
rapport, d’échange avec les autres, mais pas seulement. Dans cette relation entre
individus s’ajoute le rapport avec le système institutionnel et c’est à ce niveau, notamment,
que peuvent exister des discordes, des divergences entre le territoire administratif et le
territoire vécu ou ressenti par l’usager.
o
1. RAFFESTIN Claude, « Réinventer l’hospitalité », Communications, Vol. 65, n 1, 1997, p. 165.
2. TIZON Philippe, op. cit., p. 24.
3. DI MÉO Guy, BULÉON Pascal, L’Espace social, lecture géographique des sociétés, Armand Colin, Paris, 2007, p. 84.
P a g e | 37
Dans son intervention intitulée Quelques éléments de réflexion sur la notion de
1
territoire , Alain Faure, en 2006, résumait ainsi les deux approches de la notion de
territorialité au sens des Sciences sociales : une approche que l’on appelle "esprit des
lieux", qui se fonde sur les théories de l’École de Chicago (phénomène de socialisation sur
des scènes locales particulières) et une seconde, l’"esprit des transactions" qui s’appuie
sur les travaux de Georg Simmel (conditions de localisation des phénomènes sociaux).
1.3.3.3.
Territorialisation, une conception instrumentale du territoire
Lorsque des institutions exercent des prérogatives liées à la puissance publique à
l’échelle d’un territoire, on parle de territorialisation des politiques publiques. Ce modèle
d’approche est pensé pour être plus proche des personnes parce que s’inscrivant sur le
territoire donné et donc plus adapté aux besoins.
Lors
du
Colloque
interdisciplinaire
international
Territoires,
territorialité,
territorialisation : et après ?, Martin Vanier définissait ainsi la territorialisation : « ensemble
de processus engagés par les systèmes d’acteurs et/ou d’agents, par les organisations
sociales et politiques, par les dispositifs et procédures ad hoc, par les rapports de force et
les mises en tension, par des déterminants économiques et structurels, par des
configurations génériques existantes et/ou des configurations particulières émergentes,
permettant de faire advenir le territoire, le faire exister, se maintenir et parfois de devenir
opératoire »2.
La territorialisation, conception instrumentale du territoire, est donc une approche des
politiques publiques qui met l’accent sur les spécificités de chaque territoire. Après une
période qualifiée de "jacobiniste" dans l’organisation de l’État et de ses rapports avec les
territoires et les collectivités instituées, la territorialisation des politiques publiques a été
transformée par les lois de décentralisation. L’État n’est plus le seul décideur, financeur et
exécuteur des politiques publiques, les Collectivités territoriales y sont associées à travers
les processus et les procédures de contractualisation (Contrat de Plan État Régions,
Contrat d’Agglomérations, Contrats de Pays, Contrat de Villes…). Ce nouveau modèle de
gestion des politiques publiques s’est incarné de manière "remontante" : territorialisation
des politiques nationales en fonction des projets locaux. L’exemple le plus parlant est celui
de la Politique de la Ville. La territorialisation va consister à monter des projets locaux et à
établir un contrat avec l’État pour leur financement auprès du ou des ministères concernés.
1. FAURE Alain, juillet 2006, « Quelques éléments de réflexion sur la notion de territoire », in Intercommunalité : une
communication à réinventer, Disponible en ligne sur : www.hal.archives-ouvertes.fr, (Date d’accès 28 décembre
2011), pp. 3-4.
2. VANIER Martin (dir.), Territoires, territorialité, territorialisation : et après ?, Presses Universitaires de Rennes, Rennes,
2009, p. 1.
P a g e | 38
À la suite des différentes lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont
"hérité", par territorialisation, de l’aide sociale. Elles sont « amenées à mettre en œuvre et
à gérer des services chargés de dispenser des prestations définies par la loi et
traditionnellement désignées sous le nom d’aide sociale légale. »1
1.3.4. Du travail
Il aura donc fallu plus de cent cinquante ans pour que l’État français devienne
"social". Cent cinquante ans pour qu’il passe de l’affirmation de 1791 que « Les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits »2 à celle de 1946 instituant que « La
France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »3 Tout au long des
textes constitutionnels, l’affirmation, réitérée sans cesse, de l’égalité de droit entre les
hommes a interrogé les politiques sur l’existence de pauvres au sein de la société. Dès
1793, l’aide aux pauvres est devenue une "dette sacrée de la nation" pour laquelle l’État
met en place des "secours publics"4.
À l’instauration de la IIe République, si l’égalité reste un droit essentiel, la notion de
devoir vient encadrer les rapports entre l’État et les citoyens, « Des devoirs réciproques
obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens. »5 Cette
réciprocité entre citoyen et République va se cristalliser autour de la valeur travail. La
République va, nous l’avons dit, rappeler que le travail est le moyen de s’assurer des
moyens d’existence6. Si une personne, apte au travail, n’en trouve pas, des secours
pourront lui être adressés, secours qui peuvent être soumis à une obligation de travail7. La
République de 1848 reprenait ainsi à son compte les propos tenus en 1790 par
Larochefoucault-Liancourt à l’Assemblée nationale : « La société doit à tous ses membres
subsistance ou travail. Celui qui, pouvant travailler, refuse se rend coupable envers la
société et perd alors tout droit à sa subsistance » et d’ajouter : « Si celui qui existe a le
droit de dire à la société : faites-moi vivre, la société a le droit de lui répondre : donne-moi
ton travail. »8 La IIe République pose en fait l’existence d’un dilemme, ce que Colette Bec9
Bec9 appelle « une double contrainte » entre la société qui a une obligation d’assistance
("dette sacrée") et l’individu à qui s’impose le devoir de travailler.
1. DONIER Virginie, « Garantir les droits sociaux dans le cadre de la décentralisation », Informations sociales, novembreo
décembre 2010, n 162, p. 108.
2. Constitution de la Monarchie constitutionnelle.
e
3. Constitution de la IV République, Article 1.
re
4. Constitution de la I République.
e
5. Constitution de la II République, Préambule – VI.
6. Ibid., Préambule – VII.
7. Ibid., Préambule – VIII.
o
8. Cité par RIGAUDIAT Jacques, « RSA : en avant vers le passé », Droit social n 3, mars 2009, pp. 315-319.
9. BEC Colette, « L’Assistance, un mode paradoxal d’acquittement de la dette collective », in Minima sociaux. Diversités
o
des logiques d’action et des publics, Recherches et Prévisions n 91, mars 2008, p. 9.
P a g e | 39
La IVe République et la Ve, fruits du Conseil national de la Résistance, ne
reprendront pas dans leur texte ce concept d’obligation de travail. Au contraire, elles vont
amplifier l’idée du rôle de l’État comme garant du bon développement des individus qui les
composent. L’incapacité de travailler doit donc être compensée par la collectivité, cette
dernière doit permettre à chacun d’obtenir des « moyens convenables d’existence. »1 Car
la République, si elle a effectivement supprimé l’inégalité de droit tel qu’elle existait sous
l’Ancien Régime, n’a pas supprimé les inégalités socio-économiques. Il résulte donc une
tension entre la République sociale, son idéal démocratique et l’existence de ces
inégalités.
D’autre part, la notion de "collectivité" dans la Constitution s’est donné de l’importance
au groupe que forment les individus, à ce qu’Émile Durkheim appelait la "solidarité
organique". C’est marquer sa volonté de mettre en place une démocratie sociale en
rupture avec la IIIe République. C’est surtout le marqueur d’un passage d’une citoyenneté
politique à une citoyenneté sociale. C’est enfin la volonté exprimée par Pierre Laroque de
« prolonger en temps de paix la solidarité du temps de guerre. »2
Conclusion de la première partie
Un des objectifs fondamentaux de la République sociale est la réduction des
inégalités entre les citoyens par le biais d’actions politiques qui prennent sens autour de la
fraternité et de sa traduction juridique, la solidarité. La solidarité, longtemps réservée à
l’Église et à l’entourage proche (solidarité mécanique) doit prendre une nouvelle forme
(solidarité organique), « la solidarité est bien le fondement du lien social, elle doit
correspondre à une adhésion rationnelle émanant d’un contrat tacite qui lie l’individu à la
société comme un tout »3. Instaurer la solidarité organique, c’est tenter d’apporter des
réponses face aux problèmes que rencontrent les sociétés modernes : les laissés pour
compte, les précaires, les disqualifiés. « Comment concevoir la solidarité dans un monde
économique qui refoule les plus vulnérables dans l’inactivité ou la précarité
institutionnalisée ? […] ce processus a conduit à une augmentation considérable de la
population des assistés et que ce que l’on appelle aujourd’hui les "dépenses de solidarité"
sont destinées à prendre en charge cette population socialement disqualifiée »4. La mise
en place de politiques sociales répond donc pleinement aux attentes de la Révolution de
1848, l’instauration d’une République sociale prévue, un siècle plus tard, dans le
préambule de la Constitution de 1946.
e
e
1. Constitution de la IV République, Préambule – VIII, repris dans la Constitution de la V République.
2. Cité par BEC Colette, op. cit., p. 9.
3. PAUGAM Serge (dir), Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, Presses Universitaires de France/Quadrige,
Paris, 2011, p. 15.
4. Ibid., p. 21.
P a g e | 40
Nous avons donc vu s’affirmer les principes d’égalité et de solidarité tout au long
e
du XIX et du XXe siècle. Ces principes sont donc intrinsèquement liés à la notion de
République sociale telle que la France l’a défini dans ces textes à portée constitutionnelle.
La solidarité va notamment s’incarner dans les politiques sociales qui vont être mises en
place par l’État dans un premier temps de manière centralisée puis, par la suite, suivant un
processus de décentralisation, au travers des Collectivités territoriales. L’aide sociale,
l’action sociale et la sécurité sociale seront les piliers de la solidarité nationale qui va faire
parallèlement l’objet d’une territorialisation et d’une constante affirmation de son ancrage
national au travers notamment des minima sociaux.
P a g e | 41
« Ordonnons que les pauvres de chacune
Ville, bourg ou village, ∫eront nourris &
entretenus par ceux de la ville, bourg ou
village dont ils ∫ont natifs & habitãs, ∫ans
qu’ils pui∫∫ent vaguer ne demander
l’aumône ailleurs qu’au lieu duquel ils
∫ont. »
Charles IX
Article 73 de l’ordonnance de Moulins (février 1566)
DEUXIÈME PARTIE : LA RÉPUBLIQUE SOCIALE EN ACTION
« Longtemps l’Église a eu la responsabilité majeure du développement de
l’assistance. Si, à plusieurs reprises, l’autorité royale chercha à séculariser les
interventions assurées en matière d’aide, de secours et d’assistance, il fallut attendre la
Révolution de 1789 pour que soit affirmé le droit des pauvres à l’assistance publique » 1.
De la tension entre République démocratique et sociale d’une part, et la
persistance d’inégalités socio-économiques d’autre part, est né l’État-providence 2. Cet
État-providence s’est développé tout au long de la seconde moitié du XXe siècle dans les
pays développés. Il repose, pour Pierre Rosanvallon, quasi exclusivement, sur le système
assurantiel3, lui-même ancré sur l’essor du salariat. Le système de protection sociale, pilier
1. THÉVENET Amédée, « Aide sociale », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
2. Sans oublier les luttes sociales.
3. ROSANVALLON Pierre, La Crise de l’État-providence, Seuil, Paris, 1992.
P a g e | 42
de cet État-providence, s’est construit dans le cadre d’une société marquée par les
rapports salariaux. L’assuré est en premier lieu un travailleur salarié. « Le risque auquel
vient pallier à différents degrés l’assurance, c’est au sens fort le risque prolétarien : celui de
se retrouver sans emploi et sans revenu dans une société marchande et salariale » 1. Le
salariat étant en crise depuis les dernières années du XXe siècle, le système assurantiel et
l’État-providence le deviennent ipso facto. L’exclusion, née du chômage, n’est plus
passagère, mais devient structurelle, le chômage n’est « plus un accident de parcours,
mais une situation qui tend à se perpétuer » 2.
La notion d’État-providence signifie que c’est l’État qui prend en charge les individus,
par le biais de la solidarité nationale afin de les protéger contre les risques sociaux. Cette
prise en charge peut se traduire par la mise en place de l’aide sociale, de l’action sociale et
de la Sécurité sociale reposant sur des principes assurantiels mais aussi assistanciels.
« En outre, la forme assurantielle ne recouvre qu’une partie des mesures de bien-être et
de sécurité du revenu : privilégier la forme assurantielle de la protection sociale relègue en
effet dans l’ombre les importants dispositifs d’assistance qui historiquement tendent à
évoluer en constants rapports avec le volet assurantiel et se présentent comme l’un des
invariants dans la structuration du champ des protections sociales » 3.
La mise en place de l’État-providence est le fruit d’une longue évolution qui a conduit
à reconnaître la protection sociale comme une activité essentielle de l’autorité publique,
« Le système français de protection sociale est l’aboutissement d’une lente construction
des droits sociaux, depuis l’assistance jusqu’aux assurances sociales, puis à l’aide sociale
modernisée et à l’action sociale. Les trois composantes qui constituent le système de
protection sociale français contemporain que sont l’aide sociale, la sécurité sociale et
l’action sociale visent à protéger les membres du corps social contre différents risques
sociaux » 4.
C’est donc l’État, sous sa forme d’État-providence, qui prend en charge les
individus contre les risques sociaux selon un double principe : assistance et solidarité. Que
regroupe cette notion de risques sociaux ?
On peut les définir comme des événements incontrôlables qui peuvent entraîner des
dépenses importantes (maladies, accidents…) ou une diminution importante des revenus
de la personne (chômage…). Ces risques ont toujours existé, mais, dans les sociétés
préindustrielles, c’étaient la famille (solidarité mécanique) ou l’Église qui palliaient le plus
1. DANDURAND Pierre, « La Question sociale. Réflexions en marge d’un ouvrage de Pierre Rosanvallon », Sociologie et
sociétés, vol. 28, no2, 1996, p. 192.
2. Ibid., p. 190.
3. Ibid.
4. RAYSSIGUIER Yvette, JÉGU Josianne, LAFORCADE Michel (dir.), Politiques sociales et de santé. Comprendre et agir,
Éditions de l’École des Hautes Études en Santé Publique, Rennes, 2008, p. 18.
P a g e | 43
souvent aux difficultés que pouvait rencontrer l’un de ses membres. Face à ces risques,
l’État a mis en place diverses politiques notamment celle de l’assurance (solidarité
organique) où chaque actif cotise proportionnellement à son revenu et reçoit des
prestations proportionnelles à ses cotisations. C’est l’exemple des retraites. Mais l’État a
aussi mis en place des politiques basées sur l’assistance où tous les individus sont
couverts quelle que soit leur situation (principe d’universalité) et où les prestations
dépendent des besoins et non des montants des cotisations.
2.1.
Les trois piliers de la solidarité nationale
« Le social, du moins dans son volet "protection", s’organise, en France, autour
de deux grands ensembles. Un premier ensemble est constitué par l’aide sociale 1, laquelle
se traduit principalement par des prestations légales et obligatoires financées par l’impôt,
ainsi que par l’action sociale qui, elle, se caractérise par des prestations ou interventions
complémentaires ou supplétives, le plus souvent laissées à la discrétion de personnes
publiques et/ou privées avec des modes pluriels de financement. Quant au second
ensemble, il est constitué par la Sécurité sociale. » 2 C’est l’absence de cotisations
préalables qui permet de distinguer l’aide et l’action sociales de la protection sociale. Et
c’est le caractère obligatoire qui distingue à son tour l’aide sociale de l’action sociale.
L’ensemble de ces mesures a été rendu possible grâce aux orientations de la politique
économique qui se sont appuyées jusque-là sur le modèle keynésien.
2.1.1.
L’aide sociale
C’est un ensemble de prestations constituant une obligation mise à la charge des
collectivités publiques, principalement l’État et les Départements. Ces prestations sont
définies par la loi et peuvent bénéficier à toute personne qui remplit les conditions
d’attribution sans existence de cotisations préalables.
Il existe deux conditions essentielles pour pouvoir bénéficier de l’aide sociale : résider
en France et avoir besoin de l’aide sollicitée. De plus, « l’accès aux prestations d’aide
sociale est fondé sur l’appréciation de la situation personnelle du demandeur et s’avère
subsidiaire, n’intervenant que lorsque les autres solidarités se révèlent défaillantes » 3. Cela
signifie notamment que les prestations d’aide sociale ne sont accordées que si le
demandeur ne peut bénéficier d’aucun droit à d’autres prestations contributives ou qu’il ne
peut faire jouer la solidarité familiale, notamment par le biais de l’obligation alimentaire.
1. En italique dans le texte.
2. BORGETTO Michel, CHAUVIÈRE Michel, Qui gouverne le social ?, Dalloz, Paris, 2009, p. 3.
3. RAYSSIGUIER Yvette, JÉGU Josianne, LAFORCADE Michel (dir.), op. cit., p. 19.
P a g e | 44
À la suite des lois de décentralisation, l’organisation de l’aide sociale est devenue
compliquée. D’une manière rapide, elle relève soit du Département soit de l’État, mais fait
également intervenir de nombreuses institutions publiques ou privées. Certaines de ces
institutions sont amenées à fournir des prestations d’aides sociales en nature (services à
domicile, accueil en établissement sanitaire ou social…). D’autres sont associées à
l’admission à l’aide sociale, c’est par exemple le cas de l’Aide médicale de l’État dont
l’instruction des demandes est faite par les Caisses Primaires d’Assurance Maladie pour le
compte de l’État. Nous reviendrons, plus tard, sur ces différentes notions.
Il y a, en principe, unité dans l’admission et dans le montant des prestations qui sont
fixes sur le plan national. Les Départements peuvent cependant modifier le montant des
prestations pour les rendre plus avantageuses, mais ne peuvent modifier les conditions
d’admission. L’aide sociale recouvre plusieurs champs d’intervention : l’aide sociale à
l’enfance, l’aide sociale aux personnes âgées, l’aide sociale aux personnes handicapées,
l’aide médicale, l’aide sociale à l’insertion.
En résumé, « l’aide sociale qualifie un ensemble de prestations sociales, définies
par la loi, accordées en espèces ou en nature, aux habitants qui sont dans le besoin, et
financées obligatoirement par la collectivité publique que la loi désigne. Ces prestations
correspondent à des droits subjectifs, spécialisés, à caractère alimentaire. Elles sont
attribuées sans versement préalable de cotisations de la part des bénéficiaires, mais sont
financées par l’impôt » 1.
2.1.2.
L’action sociale
On parle d’ « action sociale lorsque des collectivités publiques, des institutions de
protection sociale, des organismes publics ou privés, décident, dans les conditions qu’ils
déterminent eux-mêmes, d’attribuer à leurs habitants ou à leurs ressortissants des
prestations sociales ou de leur ouvrir l’accès à des équipements ou des services sociaux,
sans que ceux-ci aient versé au préalable des cotisations » 2.
La notion d’action sociale rappelle celles d’assistance sociale et d’assistance
publique. Pour Jacques Ladsous, le terme "action sociale" recouvre quatre utilisations
différentes :
1. THÉVENET Amédée, Le Droit de l’aide sociale en 49 leçons, Éditions de l’École Nationale de la Santé Publique, Rennes,
2006, p. 10.
2. Ibid., p. 9.
P a g e | 45
−
« La notion d’action sociale est utilisée par les "sociologues de l’action" qui
introduisent une problématisation de l’action humaine » 1.
−
« Le sens commun requiert souvent la notion d’action sociale pour désigner
des types d’actions se situant dans une conception du social dont la finalité est de
remédier aux défectuosités de la vie en collectivité » 2.
−
« La notion d’action sociale est aussi d’un usage administratif. Longtemps,
l’action sociale a été réduite à un secteur social administré, expertisé et objet de
l’intervention publique »3. L’ensemble est resté assez flou jusqu’à la promulgation de la
loi 2002-2 de rénovation de l’action sociale et médico-sociale.
−
« La notion d’action sociale a connu ces dix dernières années plusieurs
évolutions. On a alors parlé de politique publique d’action sociale. Ajouter la formule
politique publique, c’est tenter d’instituer l’action sociale comme un secteur des
politiques publiques, c’est aussi lui donner un statut, un territoire, un sens. »4
La loi de modernisation de l’action sociale 2002-2 va donner un sens générique à
cette action sociale et médico-sociale : « L'action sociale et médico-sociale tend à
promouvoir, dans un cadre interministériel, l'autonomie et la protection des personnes, la
cohésion sociale, l'exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les
effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres
de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes
âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de
pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature. Elle est
mise en œuvre par l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les
organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et
médico-sociales au sens de l'article L. 311-1 »5.
Enfin, le Conseil Supérieur du Travail Social donne la définition suivante de l’action
sociale : « Action mise en œuvre dans les politiques nationales et locales, publiques et
associatives. Le travail social y participe pour promouvoir la socialisation, l’autonomie et la
protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, et pour
prévenir les exclusions ou en corriger les effets »6.
L’aide et l’assistance reposent donc sur la notion de besoin qui découle du
« constat d’une situation de carence ou d’incapacité, subie par une personne ou par un
1. LADSOUS Jacques, « Action sociale », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
2. LADSOUS Jacques, « Action sociale », op. cit.
3. Ibid.
4. Ibid.
5. Loi no 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, article 2.
6. ROCHE François, CSTS (éd.), Le Travail social aujourd’hui et demain, Presses de l’École des Hautes Études en Santé
Publique, Paris, 2009, p. 114.
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groupe d’individus, à satisfaire leurs besoins fondamentaux, ce qui, au plus simple et au
plus évident, renvoie aux nécessités vitales pour assurer son entretien matériel dans une
société donnée (l’alimentation, les vêtements, le logement, la protection de l’intégrité
physique et morale de la personne) » 1. L’aide sociale et l’action sociale sont donc des
systèmes d’aide assistancielle s’adressant à tous citoyens en difficulté sur le territoire
français, mais sous certaines conditions : « La situation de besoin d’une personne ne peut
être prise en compte et réparée par une prise en charge publique que si le demandeur est
dans l’incapacité de subvenir par lui-même à ses besoins […] et si, de plus, il ne peut
recourir aux obligations de ses alliés (obligations alimentaires) par rapport auxquelles l’aide
publique est subsidiaire. » 2 Comme nous l’avons noté dans la première partie, cette notion
de subsidiarité de l’aide et de l’action sociale a été introduite dès le XIXe siècle par la
Constitution de la IIe République (Préambule — VIII).
L’aide et l’action sociales assurent trois fonctions essentielles :
−
« une fonction compensatrice3 qui peut être durable ou passagère
(attribution d’aides et de secours) ;
−
une fonction réparatrice […] ;
−
une fonction préventive qui vise à prévenir la survenue d’un risque ou la
détérioration des situations sociales. » 4
L’aide et l’action sociales permettent aussi la distinction entre les droits objectifs et
universels, et les droits subjectifs qui sont eux inhérents à une évaluation de la demande.
2.1.3.
La Sécurité sociale
Une intervention est de type "sécurité sociale" « lorsque des organismes de
Sécurité sociale accordent des prestations sociales à des personnes qui sont assurées et
versent, à ce titre, des cotisations et que ces personnes y ont droit dès lors que survient le
fait déclencheur du versement de ces prestations, sans qu’elles aient à justifier qu’elles ont
besoin de ces prestations » 5.
Si les systèmes assistanciels répondent, ou tentent de répondre, à des besoins non
satisfaits, avec la Sécurité sociale on prend en compte la notion de risque social en
mettant en place un système assurantiel. Dans ce dernier cas de figure, on estime que
« certaines situations sociales comportent des "risques" qu’il convient de prendre en
1. LAFORE Robert, « La Juridicisation des problèmes sociaux », Informations sociales, no157, 2010, p. 22.
2. Ibid.
3. En gras dans le texte.
4. RAYSSIGUIER Yvette, JÉGU Josianne, LAFORCADE Michel (dir.), op. cit., p. 21.
5. THÉVENET Amédée, Le Droit de l’aide sociale en 49 leçons, Éditions de l’École Nationale de la Santé Publique, Rennes,
2006, p. 9.
P a g e | 47
compte collectivement de façon à annihiler ou à amortir les effets de leur survenance
lorsqu’ils se réalisent » 1.
Le projet de Sécurité sociale est issu du Conseil national de la Résistance qui
dans son programme d’action prévoyait « un plan complet de sécurité sociale, visant à
assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont
incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des
intéressés et de l’État ; […] une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement
leurs jours » 2.
La création de la Sécurité sociale répondait à trois objectifs : unité, généralisation à
tous et extension des risques couverts. Entre 1945 et 1946, deux ordonnances et trois lois
vont mettre en place la Sécurité sociale sans parvenir, cependant, à l’unité et à la
généralisation puisque certains régimes spéciaux vont persister jusqu’à nos jours.3 « Au
sens général, la protection sociale peut être comprise comme l’organisation de mesures
collectives en vue de garantir solidairement les individus contre les situations de l’existence
qui sont susceptibles d’affecter leur sécurité et auxquelles la société reconnaît une
importance particulière. » 4
La Sécurité sociale va donc garantir l’ensemble de la population contre un certain
nombre de risques sanitaires et sociaux. De plus, elle va apporter une compensation aux
charges familiales. Ces différents risques vont être mutualisés, il n’y a donc aucune
sélection et le système met en place une solidarité entre les personnes : jeunes et
personnes âgées, malades et personnes en bonne santé, ménages sans enfant et familles
avec enfants. C’est donc l’instauration d’un droit de la Sécurité sociale « qui définit les
droits et les devoirs des individus et des groupes par une relation synallagmatique entre
les cotisations et les prestations. C’est l’assurance sociale, avec redistribution des biens
portants sur les malades, des actifs sur les inactifs, des célibataires sur les chargés de
famille, des titulaires d’un emploi sur les chômeurs » 5.
À compter des années 1980, la montée des inégalités, l’apparition du chômage
de masse et de longue durée va entraîner l’exclusion de la protection sociale des
personnes en situation de précarité, les "nouveaux pauvres". Le gouvernement instaurera,
en 1984, l’Allocation de Solidarité Spécifique6 pour ces chômeurs qui avaient "épuisé leurs
1. LAFORE Robert, op. cit., p. 23.
2. Citoyen résistant d’hier et d’aujourd’hui (coll.) op. cit., pp. 24-25.
3. Régime des fonctionnaires et des magistrats, régime des militaires, régime des mines, régime des avocats, le Sénat, le
fonds de sécurité de l’Assemblée nationale, la Caisse de dépôt et de consignation…).
4. RAYSSIGUIER Yvette, JÉGU Josianne, LAFORCADE Michel (dir.), op. cit., p. 23.
5. MURARD Numa, « Protection sociale », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
6. Ordonnance no84-106 du 16 février 1984.
P a g e | 48
leurs droits". Ces cotisants ne vont plus bénéficier d’une couverture maladie suite à l’arrêt,
non voulu, de leurs cotisations. La loi du 27 juillet 1999 va alors instaurer la Couverture
Maladie Universelle pour réaffilier ces exclus au régime de la Sécurité sociale. On bascule
ainsi d’un système assurantiel à un système assistanciel. Le système français est donc un
système hybride d’inspiration bismarckienne avec de plus en plus d’éléments
beveridgiens : « Il repose sur la notion de risques sociaux, qui sont variables selon le
contexte historique (ainsi le risque d’exclusion n’est apparu que vers 1980). S’y ajoutent
des systèmes complémentaires de retraite […], l’aide sociale qui est complétée par de
nouvelles prestations […] et par des revenus minima. »1
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’État-providence a été instauré en
France afin de protéger les citoyens des aléas de la vie. C’est par le biais de l’aide sociale,
de l’action sociale et la Sécurité sociale que cette protection a pu se mettre en place. Des
droits sociaux existent donc, institués par l’entremise de dispositifs nationaux et locaux, de
lois, d’ordonnances. Ils se différencient en droits assistanciels dont les bénéficiaires sont
« circonscrits par le droit aux personnes sans ressource, incapables légitimes au travail, ne
pouvant en outre recourir aux solidarités intrafamiliales […] juridiquement organisées par le
Code civil » 2, et en droits assurantiels qui ont « conduit à organiser différents régimes de
protection entendus à la fois comme une réponse à une situation provoquant une
suspension d’activité ainsi qu’une perte de revenus professionnels et un dispositif de
réparation ou de compensation » 3.
2.2.
La décentralisation des politiques publiques
À la veille des grands mouvements de décentralisation qui vont marquer la fin du
e
XX
siècle, la France est un État centralisé. Mais cette centralisation n’est réellement
effective qu’en ce qui concerne les compétences et pas en termes d’organisation de
pouvoir. Le pouvoir est réparti sur l’ensemble du territoire par le biais des représentants de
l’État (déconcentration) et des élus locaux. Le pilotage des politiques publiques se trouve
dans les mains de l’État, « si celui-ci [l’État] maîtrise centralement l’agenda, et par là les
modalités de définition des problèmes publics et les programmes d’action, il négocie
localement la mise en œuvre de ses politiques à l’aide de deux ressources essentielles :
l’allocation d’argent et l’émission de règles juridiques » 4. Cette centralisation des décisions
1. MONTALEMBERT Marc de, « Sécurité sociale », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire
critique d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
2. LAFORE Robert, op. cit., pp. 23-24.
3. Ibid., p. 24.
4. DURAN Patrice, THOENIG Jean-Claude, « L’État et la gestion publique territoriale », Revue française de science
politique, 1996, p. 584.
P a g e | 49
explique le cumul des mandats locaux et nationaux, « les collectivités locales n’ont de
capacité d’influence que sur les modalités de la distribution des ressources, c’est-à-dire en
particulier la capacité d’attirer l’argent venu du centre »1. C’est pour cela qu’il faut être
présent sur les deux fronts : local et national. « Quoi qu’il en soit, nous sommes
effectivement dans le cadre d’une décentralisation dévolutive, à légitimité descendante, et
non dans l’expérience d’une décentralisation inclusive, à légitimité ascendante, comme
cela existerait dans les pays plus fédéraux. Au demeurant, les hommes politiques l’ont
bien compris, qui continuent de cumuler les mandats, se font élire ici et là, de manière à
garder un pied à Paris et l’autre dans les territoires. Ils constituent ainsi des têtes de
réseaux assez opaques, mais beaucoup plus efficaces que les malheureux élus au
mandat unique. » 2
2.2.1.
1982-1984, l’acte fondateur
En janvier 1981, le Parti socialiste publie, en vue de l’élection présidentielle, un
manifeste intitulé : 110 propositions pour la France. Ce texte visait à engager un vaste plan
de relance de l’économie, mais aussi un programme de réformes de l’État au travers,
notamment de deux propositions :
−
« La décentralisation de l'État sera prioritaire. Les conseils régionaux seront
élus au suffrage universel et l'exécutif assuré par le président et le bureau. […] La
fonction d'autorité des préfets sur l'administration des collectivités locales sera
supprimée. L'exécutif du département sera confié au président et au bureau du Conseil
général. La réforme des finances locales sera aussitôt entreprise. La tutelle de l'État sur
les décisions des collectivités locales sera supprimée » 3.
−
« Les communes, départements, régions bénéficieront pour assumer leurs
responsabilités d'une réelle répartition des ressources publiques entre l'État et les
collectivités locales. Celles-ci auront notamment la responsabilité des décisions en
matière de cadre de vie : développement prioritaire des transports en commun,
aménagement des rues, services sociaux, espaces verts. Elles susciteront le
développement de la vie associative, contribuant ainsi à l'animation de la ville, au
rayonnement de ses activités, à l'affirmation de sa personnalité » 4.
1. DURAN Patrice, THOENIG Jean-Claude, « L’État et la gestion publique territoriale », Revue française de science
politique, 1996, p. 585.
2. CHAUVIÈRE Michel, Trop de gestion tue le social, Essai sur une discrète chanlandisation, La Découverte, Paris,
2007, pp. 146-147.
3. MITTERRAND François, 1981, 110 propositions pour la France, proposition no54.
4. Ibid., proposition no57.
P a g e | 50
Le texte fondateur de la décentralisation en France est la loi du 2 mars 1982
intitulée Droits et libertés des Communes, des Départements et des Régions1. Trois
enjeux ont présidé à sa rédaction, l’enjeu d’efficacité, l’enjeu démocratique et l’enjeu
culturel et civique. Cette loi apporte trois éléments importants :
−
elle abolit la tutelle qui existait auparavant sur les Collectivités territoriales,
−
elle érige la Région en Collectivité territoriale au même titre que les
Départements et les Communes (les Régions étaient jusque-là des Établissements
Publics Territoriaux – EPT),
−
elle transfère le pouvoir exécutif du Département et de la Région au
Président élu du Conseil général et du Conseil régional en lieu et place des Préfets.
Les lois Defferre2 ne vont pas se pencher sur la répartition des compétences entre les
différentes collectivités locales ainsi réformées. Un principe général va être adopté qui veut
qu’une Collectivité territoriale ait vocation, sur son territoire, à intervenir sur tout ce que la
loi ne lui interdit pas de faire d’où un enchevêtrement des compétences, d’où des
dispositifs complexes au nom de la clause générale de compétence.
Entre le principe du transfert de blocs de compétences et l’exercice de la clause
générale de compétence, il y a un hiatus, et des problèmes vont donc rester en suspens,
sans que cet acte I ait voulu ou pu trancher dans un sens ou dans un autre :
−
Le découpage territorial de la France reste inchangé avec un morcellement
en plus de 36 500 Communes métropolitaines (héritées des paroisses de l’Ancien
régime), 95 Départements (hérités de la Révolution française) et 22 Régions (héritées
du Commissariat général au plan).
−
L’action publique répartie en secteurs reste identique dans son transfert
aux Collectivités locales. Il n’y a pas de nouvelles approches des champs d’intervention.
−
L’État, en transférant les compétences, transfère ipso facto les charges et
met en place des moyens financiers (dotations globales, transferts d’impôts) pour les
exercer. Mais ces recettes ont été fixées en sommes constantes et les charges
transférées ont vu leurs coûts fortement augmenter dans plusieurs domaines : le
secteur social, les établissements scolaires. Les transferts de charges ne couvrent pas
les transferts de moyens.
Cette politique de décentralisation a donc profondément changé la donne
institutionnelle, « les lois de décentralisation du début des années 80 ont eu un double
objet : institutionnel, d’une part, car elles ont profondément modifié les rapports entre État
1. Loi no82-213 du 2 mars 1982, Droits et libertés des Communes, des Départements et des Régions.
2. Outre la loi du 2 mars 1982, d’autres lois vont voir le jour afin de compléter la démarche de décentralisation avec
notamment les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983 sur le transfert des compétences et des ressources entre l’État et les
Collectivités locales et la loi du 26 janvier 1984 portant création de la fonction publique territoriale.
P a g e | 51
et collectivités locales […] ; fonctionnel, d’autre part, dans la mesure où elles ont réparti
différemment, à législation constante, les compétences d’action publique » 1. Cependant,
cette politique de décentralisation avait d’autres objectifs : moderniser l’action publique et
renforcer la démocratie locale. Les lois de décentralisation ont, en fait, entériné l’existant et
ouvert de nouveaux horizons. La décentralisation « constitue une réforme à la fois
rétrospective et prospective. Rétrospective, car elle entérine les évolutions de la gestion
publique locale ; prospective, car elle ouvre de nouvelles perspectives d’action » 2. Ainsi,
pendant vingt-ans, la France va s’adapter à cette nouvelle gouvernance au rythme des
alternances politiques.
2.2.2.
Acte II, vers un achèvement ?
Avant une deuxième vague de décentralisation, la loi no92-125 du 6 février 1992
relative à l’administration territoriale de la République (ATR) va instaurer une sorte de
renouveau de l’intercommunalité en permettant la mise en place d’intercommunalité de
projets venant s’ajouter à l’intercommunalité de gestion née un siècle auparavant 3. Le
deuxième acte de la décentralisation va se faire par voie constitutionnelle à partir de la loi
no2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République
complétée par trois lois organiques 4.
Les aspects essentiels de ces textes couvrent plusieurs domaines : la subsidiarité
par l’expérimentation, la notion de chef de file, les nouveaux transferts de compétences :
−
Subsidiarité par l’expérimentation. Elle permet aux Collectivités
territoriales d’assumer une compétence en lieu et place de l’État, lorsqu’elles ont
vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le
mieux être mises en œuvre à l’échelle de leur ressort.
−
Notion de chef de file. Le principe de non-hiérarchie entre Collectivités
territoriales est maintenu. Lorsqu’une action sera mise en place sur une même fonction
par plusieurs Collectivités, un chef de file pourra être désigné par la loi afin de clarifier
les rôles de chacun.
−
Transfert de compétences. Aux Régions, les compétences d’orientation
et de programmation ; aux Départements, les politiques de solidarité et de gestion des
infrastructures de proximité ; aux Communes, les politiques de proximité.
1. BORGETTO Michel, CHAUVIÈRE Michel (dir.), Qui gouverne le social ?, Dalloz, Paris, 2008, p.15.
2. DURAN Patrice, THOENIG Jean-Claude, op. cit., p. 592.
3. Loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes créant les Syndicats Intercommunaux à Vocation Unique (SIVU).
4. Loi organique no2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, Loi organique
no2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l’article 75-2 de la Constitution relative à l’autonomie financière
des collectivités territoriales, Loi organique no2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
P a g e | 52
2.2.3.
Un bilan des décentralisations
« L’organisation territoriale de la France est ancienne, complexe, faite de
sédiments successifs accumulés en fonction des époques […]. Elle est marquée aussi par
des défauts qui, année après année, apparaissent aux yeux de tous : sa complexité, son
coût, l’insuffisante solidarité entre les territoires, la difficulté de répondre aux besoins des
populations. » 1 C’est par ces quelques mots, signés Édouard Balladur, que commence le
Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales intitulé Il est temps de décider.
De même, François Fillon, Premier ministre, déclarait lors du discours de clôture du 90e
Congrès des Maires et des Présidents de Communautés de France, « Nous souffrons
tous de l’empilement et de l’enchevêtrement des compétences. C’est du temps perdu pour
dégager des compromis. […] Nous devons tous ensemble regarder comment mieux
articuler les différents niveaux de compétence. En tout état de cause, le statu quo est
impossible. » 2 De son côté, la Cour des comptes soulignait en octobre 2009 que :
« L’ambition d’une organisation décentralisée de la République supposait de clarifier la
répartition des compétences, en hiérarchisant et spécialisant des échelons de
décentralisation, pour conduire à un meilleur ordonnancement de l’organisation territoriale.
La seconde décentralisation n’a pas répondu à ces objectifs »3.
À l’issue de ces deux réformes, force est de constater que la décentralisation de
la République française est marquée, si l’on observe l’organisation territoriale, par
l’éparpillement, la confusion, la multiplicité des Collectivités territoriales. C’est notamment
flagrant au regard d’autres pays de l’Union européenne. « Les seules limites à la
compétence d’une collectivité sont la limite territoriale (la collectivité n’est compétente que
pour son propre territoire) et la limite des compétences confiées par le législateur de
manière exclusive. » 4
Si la France compte plus de 36 500 Communes sur le territoire métropolitain, en
comparaison, l’Allemagne en compte un peu plus de 14 000 tandis que l’Espagne et l’Italie
en comptent 8 000. Ainsi la France représente 16 % de la population de l’Union
européenne, mais regroupe 47,5 % des communes de cette même Union.
Dans son ouvrage Géohistoire de la régionalisation en France, L’horizon régional,
Jean-Marie Miossec donne l’exemple de la Région Rhône-Alpes qui, en plus de ses
8 Départements, de ses 335 Cantons et 2 879 Communes, compte : 87 Centres des
impôts, 62 Régions agricoles, 58 Agences locales pour l’emploi, 57 Commissions locales
1. Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider, La Documentation française, 2009, p. 5.
2. QUENTIN Didier, URVOAS Jean-Jacques, La Clarification des compétences des collectivités territoriales, Assemblée
Nationale, Paris, 2008, p. 7.
3. Cour des Comptes, Synthèse du Rapport public thématique, octobre 2009, p. 7.
4. QUENTIN Didier, URVOAS Jean-Jacques, op. cit., p. 18.
P a g e | 53
d’insertion, 55 Missions locales ou Permanences d’accueil d’information et d’orientation, 46
Districts scolaires, 24 Zones d’emploi-formation, 31 Bassins d’habitats régionaux, 31
Bassins de formation, 12 Caisses d’allocations familiales, 12 Chambres de commerce et
d’industrie, 11 Secteurs sanitaires, 8 Caisses primaires d’assurance maladie… Pour
l’anecdote, mais elle illustre parfaitement le morcellement administratif de la France qui
peut confiner à l’absurde, il existe des communes qui ont une population très faible :
Rochefourchat, dans la Drôme, compte 1 résidence principale et 6 secondaires, 18
électeurs et un Conseil municipal de 9 élus pour en fait 1 habitant recensé officiellement en
2007. D’autres sont d’une taille fort réduite : Castelmoron-d’Albret, en Gironde, a une
superficie de 3,5 hectares équivalant à celle de la place Charles-de-Gaulle à Paris.
« Certains pays ont un niveau central, un niveau régional et un niveau local, mais ce
sont des pays fédéraux ou à très forte régionalisation (Allemagne, Espagne ou Italie). Les
pays unitaires ont pour leur part une structure beaucoup plus ramassée, avec moins de
niveaux. La France a donc cette singularité d’être un pays unitaire qui a une organisation
de pays fédérale. Car les caractéristiques de l’organisation actuelle correspondent bien à
une forme de structure fédérale (sans sa logique politique), mais où le niveau
départemental pèse financièrement plus que le niveau régional (les Régions représentant
globalement 10 à 12 % de l’ensemble des budgets des Collectivités territoriales, les
Départements environ un quart, et les Communes et Intercommunalités environ les deux
tiers). »1
À côté de sa complexité dans l’approche territoriale de la gouvernance de son
territoire, la décentralisation "à la française" est aussi critiquée pour son manque de
démocratie participative. « De fait, la décentralisation consiste au nom de la démocratie
locale à conférer des responsabilités et pouvoirs aux collectivités locales sans renforcer
pour autant les contraintes démocratiques de la décision. »2 La philosophie de la
décentralisation peut alors se résumer au seul slogan small is beautiful. Selon Marion
Paoletti, les mots d’ordre qui chapeautent toutes les lois de décentralisation sont :
démocratie locale et efficacité. « À transférer un pouvoir de décision dans différents
domaines de l’État à des élus locaux, on gagnerait en efficacité en se rapprochant des
besoins locaux. Et en donnant du pouvoir aux élus locaux, on allait modifier profondément
les relations entre gouvernements et gouvernés par une participation de tous […]. »3
Cependant, selon le politiste et chercheur Emmanuel Négrier, « la décentralisation a
connu de nouvelles impulsions en France et marque le déclin d’un certain jacobinisme
territorial. Mais ce qui la caractérise est aussi la fin d’une croyance aux vertus intrinsèques
1. Conseil Économique et Social Régional–Aquitaine, Compétences et ressources des Collectivités locales, CESR-Aquitaine,
2009, p. 19.
2. PAOLETTI Marion, Décentraliser d’accord, démocratiser d’abord, La Découverte, Paris, 2007, p. 16.
3. Ibid.
P a g e | 54
de la proximité en termes de démocratisation, d’économie d’échelle, d’efficience » 1. En
matière de démocratisation, il existe, au niveau local, de nombreuses structures dirigées
par des personnes qui n’ont pas été élues, c’est le cas des intercommunalités, des
Syndicats intercommunaux, des Syndicats mixtes, des Pays… Du point de vue de
l’efficience, « qui comprend ce que fait un département et ce que fait une région ? Qui sait,
face à un problème concret, s’il faut s’adresser à son conseiller général plutôt qu’à son
conseiller régional ? »2 De son côté, le Rapport de la Commission pour la libération de la
croissance française, présidée par Jacques Attali, note que « conçue pour renforcer la
démocratie […] et améliorer le fonctionnement administratif, la décentralisation est
devenue un facteur de confusion, tant les compétences partagées sont nombreuses. […]
Les redondances et chevauchements de compétences entre les divers échelons
territoriaux créent à la fois un éclatement de la responsabilité, la paralysie de la décision, et
la déroute de l’administré » 3. La décentralisation s’est affirmée comme une réussite
gestionnaire au détriment de son objectif initial de démocratie.
Enfin, pour conclure sur ce regard porté sur les conséquences de l’acte I et de
l’acte II de la décentralisation, notons un paradoxe récurrent dans toutes ces lois sur la
place et le rôle de la Région : « […] toutes les réformes décentralisatrices de ces dernières
années, qui étaient supposées promouvoir l’échelon régional, se sont, en fait, traduites par
un renforcement de la place et du rôle des Départements » 4. Et la Cour des comptes
d’ajouter : « Les intentions initiales des promoteurs de l’acte II de la décentralisation étaient
de privilégier l’échelon régional comme niveau pertinent pour coordonner les politiques
décentralisées. Or le processus a abouti à un renforcement des départements et des
intercommunalités. La vocation de la région à devenir l’échelon territorial de référence a
été mise à mal par la réaffirmation de la clause générale de compétence pour tous les
échelons de collectivité. […] La "régionalisation" est donc devenue plus déclarée
qu’effective, ce qui a contribué à restreindre fortement les objectifs de hiérarchie et de
spécialisation du processus de décentralisation de 2004. » 5
2.2.4.
La solidarité nationale décentralisée
« La politique sociale est composée des différentes actions mises en œuvre pour
augmenter le bien-être global de la société et assurer les droits sociaux des citoyens : droit
1. NÉGRIER Emmanuel, « Du Local sans idée aux idées territoriales en action », in GIRAUD Olivier, WARIN Philippe (dir.),
Politiques publiques et démocratie, La Découverte/PACTE, Paris, 2008, p. 168.
2. HORTEFEUX Brice, La Réforme des collectivités territoriales : plus de simplicité et plus d’efficacité au service des
Français, p. 1.
3. Commission pour la libération de la croissance française, 2008, p. 195.
4. Comité pour la réforme des collectivités locales, op. cit., p. 46.
5. Cour des Comptes, Synthèse du Rapport public thématique, octobre 2009, p. 9.
P a g e | 55
au travail, à la santé, à la sécurité matérielle. » 1 L’objectif est donc d’organiser la société et
les rapports de ses membres. Cette approche politique et "instrumentale" du vocable
social est formalisée sous les Lumières avec l’ouvrage Du contrat social : ou principes du
droit politique de Jean-Jacques Rousseau, paru en 1762.
2.2.4.1.
Les composants de la solidarité nationale
Dès les origines, les sociétés humaines ont cherché des modes d’organisation
qui avaient pour base l’intervention de l’État. Nous sommes ainsi passés de la répression
sociale au progrès social aboutissant dans les sociétés occidentales à la notion d’Étatprovidence. Cette dernière approche est, aujourd’hui, sujette à de nombreuses critiques.
On parle plus volontiers d’État social actif en lieu et place de la notion d’État-providence.
« Dans la philosophie de l’État social actif, l’accent est mis, non pas sur l’indemnisation des
personnes frappées par un risque social tel que le chômage, la maladie, la pauvreté…
mais sur l’intervention concrète des pouvoirs publics afin de réinsérer ou d’insérer ces
personnes dans le tissu social. Plus précisément, l’objectif recherché consiste à ce que les
personnes deviennent ou redeviennent acteurs sur le marché du travail 2. C’est déjà là
une insertion nettement plus ciblée : en effet, nous sommes tous plus ou moins insérés
dans un groupe différent : famille, quartier, club sportif, association, milieu professionnel. » 3
L’insertion n’est ici envisagée que sous l’angle du travail, que devient-elle lorsque celui-ci
se fait rare ?
État-providence, État social actif… quelles sont alors les politiques publiques que l’on
peut regrouper sous le vocable de politiques sociales ? Les politiques sociales peuvent
être réunies en quatre grandes catégories : les politiques sociales globales (Sécurité
sociale, aide sociale, assurance chômage…), les politiques sectorielles caractérisées par
leur domaine d’intervention (santé, logement…), les politiques catégorielles en référence
aux publics auxquels les aides sont destinées (enfance, handicap, vieillesse…) et les
politiques transversales plutôt tournées vers une finalité (lutte contre les exclusions, lutte
contre la pauvreté, développement social…).
Les politiques sociales globales apportent une garantie collective aux individus contre
les risques sociaux pouvant intervenir tout au long de leur vie. Pierre Laroque les
définissait ainsi : elles permettent de « garantir à chaque homme qu’en toute circonstance
1. MERRIEN François-Xavier, « Politique sociale », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire
critique d’action sociale, Bayard, Paris, 2006
2. En gras dans le texte.
3. BODART Myriam, 2003, « De l’État providence à l’État social actif. Impacts sur les droits et devoirs des CPAS et des
usagers », in 10e Congrès annuel de l’Association régionale wallonne des Secrétaires de CPAS, p. 11.
P a g e | 56
il sera à même d’assurer dans des conditions convenables sa subsistance et celle des
personnes à sa charge » 1.
Alors quels sont les axes des politiques sociales actuelles ? Depuis juin 2007, le
Gouvernement français s’est lancé dans une Révision Générale des Politiques Publiques
confiée au Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique. Les
objectifs affirmés sont « une amélioration de la qualité des services publics, qui doivent
être mieux adaptés aux besoins de nos concitoyens ; un retour à l’équilibre des finances
publiques […] ; une meilleure valorisation du travail des fonctionnaires » 2. Cette réforme a
aussi pour vocation de redéfinir les orientations sur les grandes politiques d’interventions
économiques et sociales de l’État. Ainsi, dans le domaine des politiques sociales qui nous
intéresse ici, le Conseil de la modernisation des politiques publiques a défini les objectifs
dans cinq grands domaines :
−
La politique de la famille : « Compenser les charges liées à la présence
d’enfants au sein de la famille, aider les familles vulnérables, permettre la conciliation
entre la vie familiale et la vie professionnelle » 3.
−
La politique de l’assurance maladie : « Garantir l’accès de tous à des
soins de qualité, mutualiser le risque en matière de santé, veiller à la qualité et à
l’adéquation des soins prodigués par rapport aux besoins »4.
−
La politique de l’emploi et de formation professionnelle : « Développer
l’emploi, sécuriser les parcours professionnels, créer un cadre juridique et social
favorable à l’emploi » 5.
−
La politique du logement : « Garantir une production de logements
suffisante pour répondre aux besoins des Français, permettre à tous l’accès à un
logement décent, favoriser l’accession à la propriété, qui constitue une attente sociale
forte »6. Notons que la politique du logement ne semble être dirigée qu’en direction des
personnes de nationalité française.
−
La politique de solidarité au travers de trois composants : « La
politique du handicap, la dépendance et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion » 7.
Ce sont donc les nouveaux axes des politiques sociales pour les années à venir.
Ces axes sont définis pour l’ensemble du territoire et vont devoir se décliner, se
territorialiser afin de devenir encore plus effectifs. Cette RGPP conduit paradoxalement
1. KERSCHEN Nicole, « L’Influence du rapport Beveridge sur le plan français de sécurité sociale de 1945 », Revue
française de science politique, no4, 1995, p. 577.
2. Conseil de la modernisation des politiques publiques du mercredi 12 décembre 2007, p. 4.
3. Ibid., p. 68.
4. Ibid., p. 70.
5. Ibid., p. 73.
6. Ibid., p. 77.
7. Ibid., p. 79.
P a g e | 57
l’État à réaffirmer sa prédominance dans le domaine des politiques sociales et de la
solidarité nationale. Nous sommes ici en présence d’une forme de recentralisation des
politiques sociales, du moins dans leurs définitions, dans un contexte où s’applique la loi
LRL 1 qui de son côté accroît le processus de la décentralisation.
2.2.4.2.
Les compétences confiées aux Collectivités territoriales
En référence aux différentes réformes constitutionnelles, l’action sociale est
désormais, pour une large part, décentralisée « les collectivités locales constituent […] un
des acteurs majeurs des politiques sociales aujourd’hui, leur poids ayant été renforcé au fil
des étapes de la décentralisation. Elles interviennent dans tous les domaines des
politiques sociales » 2. Ainsi « l’action sociale relève largement des compétences confiées
aux collectivités territoriales : le législateur a en effet décentralisé bon nombre de
prestations vers les échelons locaux, et la clause générale de compétence dont disposent
les collectivités territoriales leur permet de concevoir des actions facultatives répondant à
un intérêt public local. 3 »
Actuellement :
−
pour les Communes et les EPCI 4 : possibilité pour une Commune
d’exercer les compétences sociales attribuées au Département au moyen d’une
convention ; attribution de l’aide sociale facultative par le biais des Centres communaux
d’action sociale (CCAS) et des Centres Intercommunaux d’action sociale (secours aux
familles en difficulté, prestations remboursables ou non remboursables…) ; possibilité
de créer un établissement social.
−
Pour les Départements, qui ont maintenant un rôle pivot dans l’action
sociale et plus seulement dans l’aide sociale : règlement départemental d’aide sociale,
organisation et financement de l’aide sociale à l’enfance, aide sociale aux personnes
âgées, aide sociale aux familles, aide sociale aux personnes handicapées, gestion
intégrale du RSA. Le Département a une compétence générale pour l’attribution des
prestations légales d’aides sociales, il peut aussi proposer des prestations plus
favorables que les prestations de base imposées par la loi.
−
Pour les Régions : formation professionnelle et apprentissage.
L’État garde quelques domaines où il reste décideur et gestionnaire notamment dans
la lutte contre les exclusions : aide sociale et hébergement pour les personnes SDF,
1. Loi no2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
2. IGAS, Rapport 2007-2008 : Les Politiques sociales décentralisées, La Documentation française, 2008, Paris, p. 2.
3. DONIER Virginie, « Le Principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales », Annuaire des collectivités
locales, Tome 26, 2006, p. 639.
4. Établissement Public de Coopération Intercommunale.
P a g e | 58
exercice de la tutelle pour les incapables majeurs, prise en charge des pupilles de l’État,
participation au fonctionnement d’établissements accueillant des personnes relevant de
l’aide sociale de l’État (CHRS), droit au logement opposable.
À l’issue du développement continu de la décentralisation depuis 1982 et avant la
mise en place des nouvelles dispositions suite au vote de la loi de réforme des collectivités
territoriales 1, certains ont apporté de nouvelles critiques.
Ainsi pour Renaud Epstein, « loin de mettre fin à la fragmentation sectorielle de
l’action politique, la décentralisation l’a renforcée, en ajoutant une couche de
cloisonnement verticale (entre les trois échelons de collectivités) au cloisonnement
horizontal antérieur. Ce faisant, elle a suscité de nouveaux problèmes d’unité d’action,
d’autant plus difficiles à gérer que la subordination antérieure des collectivités locales à
l’État avait disparu »2.
D’autre part, « la question de la décentralisation travaille […] les esprits. Si son
principe n’est guère discuté, son utilité dans le secteur social et ses retombées concrètes
le sont. Pourquoi n’est-elle pas évaluée avec tous ceux qu’elle concerne, non seulement
les élus, mais aussi les professionnels, les organisations, les bénéficiaires et leurs
représentants ? Pourquoi a-t-elle si vite induit une conception très instrumentale de l’action
sociale, renvoyant les professionnels aux rôles d’exécutants de programmes souvent
définis sans eux, du moins appuyés sur des expertises rarement coproduites ? » 3 De
nombreuses interrogations demeurent donc sur la décentralisation des politiques sociales,
sur leur optimisation et sur ce qui a prévalu à leur décentralisation : « L’État s’est
débarrassé de ce qui lui pesait le plus : son patrimoine, notamment scolaire, ce qui coûtait
le plus cher et demandait le plus de présence de proximité, l’action sociale. » 4
De son côté, Michel Chauvière, dans son ouvrage Trop de gestion tue le social,
s’interroge sur le bien-fondé de cette décentralisation du social. Pour cet auteur, si « le
social est l’une des compétences les plus transférées, c’est de manière plutôt pragmatique
et opportuniste, sans beaucoup de justifications théoriques ou stratégiques.5 » Pour
conclure et en résumé, « dès le début, le social a été conjoncturellement plus facile à
transférer, pour des raisons présentées comme vertueuses (le lien social, la démocratie,
les besoins concrets des personnes…), mais qui étaient également stratégiques,
s’agissant notamment d’amortir le coût social des transformations dans l’appareil de
1. Loi no2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
2. EPSTEIN Renaud, « Après la territorialisation : le gouvernement à distance », in VANIER Martin (dir.), Territoires,
territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2009, p. 132.
3. GUÉGUEN Jean-Yves (coord.), L’Année de l’action sociale 2005, Dunod, Paris, 2005, p. 10.
4. BALBOT Michel, « Décentralisation et régionalisation : comment sortir du particularisme français ? », Cosmopolitique
no3, février 2003, p. 184.
5. CHAUVIÈRE Michel, Trop de gestion tue le social, La Découverte, Paris, 2007, p. 38.
P a g e | 59
production par un changement d’échelle des politiques de gestion des populations en
difficulté, de plus en plus nombreuses (chômage plus précarité) ». 1
Les politiques sociales participent donc à l’exercice de la République sociale
instaurée en 1948. Mises en œuvre par différentes collectivités, État et Département
principalement, elles englobent des aides et des actions sociales assurantielles et
assistancielles. Une partie de ces prestations sont qualifiées de prestations non
contributives de solidarité nationale fondées « sur un droit objectif et financée[s] par des
ressources universelles » 2 : les minima sociaux. Dans le cadre de la décentralisation des
politiques sociales, certaines d’entre elles ont été confiées à des Collectivités territoriales.
2.3.
Les minima sociaux, la quintessence de la solidarité
nationale
« À côté des revenus de remplacement contributifs que sont les allocations
chômage ou les pensions de retraite et d’invalidité, la France présente la particularité
d’avoir […] des minima nationaux, c’est-à-dire […] des prestations non contributives,
versées sous conditions de ressources et visant à assurer un revenu minimum à certaines
catégories de personnes. 3 »
La fin du plein-emploi, dû principalement à la crise économique née
conjointement des chocs pétroliers de 1973 et 1979 et d’une faiblesse industrielle et
monétaire, va avoir des conséquences importantes sur le système de protection sociale de
la France. Ce dernier reposait sur le principe de l’assurance que les citoyens obtenaient
par leur travail (cotisations) ou pour des raisons familiales (ayants droit). Avec un chômage
de masse et de longue durée qui s’installe France, la pauvreté et la précarité augmentent.
Pour l’économiste Denis Clerc, « En 1970, le principal facteur de pauvreté était l’âge :
l’absence ou l’insuffisance de cotisations à l’assurance vieillesse contraignaient une
fraction importante des personnes âgées à devoir vivre pauvrement », et de poursuivre,
« Aujourd’hui, le principal facteur de pauvreté est l’emploi, qu’il manque ou qu’il soit
précaire, partiel ou inaccessible. La pauvreté apparaît de ce fait plus proche et plus
menaçante que ce n’était le cas il y a une trentaine d’années » 4.
1. CHAUVIÈRE Michel, Trop de gestion tue le social, La Découverte, Paris, 2007, pp. 38-39.
2. BORGETTO Michel, « Le Droit de la protection sociale dans tous ses états : la clarification nécessaire », Droit social, no6,
juin 2003, p. 640.
3. LÉTARD Valérie, (coll.) Rapport d’information sur les minima sociaux, Sénat, 2005, p. 7.
4. CLERC Denis, La France des travailleurs pauvres, Grasset, Paris, 2008, pp. 39-40.
P a g e | 60
Ce changement de paradigme va se concrétiser dans l’instauration de minima
sociaux, dispositifs catégoriels, qui vont s’attacher au cours du temps aux nouveaux
enjeux de la pauvreté et de la précarité : le chômage.
2.3.1.
La mise en place des Minima sociaux
L’instauration des minima sociaux en France a suivi deux logiques. La première
visant à garantir des ressources suffisantes pour les personnes ne pouvant bénéficier des
prestations de Sécurité sociale. La seconde voulant lutter contre la pauvreté par l’octroi
d’une aide monétaire universelle et par des actions d’insertion sociale. Contrairement à
une idée fort répandue, l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), qui date de 1975, n’est pas,
stricto sensu, le premier minima social instauré en France. La IIIe République et l’État
français ont, en leur temps, mis en place des revenus minimums pour certaines catégories
de personnes. Entre 1930 et 2009, ce sont près de dix-sept minima sociaux qui ont été
instaurés dont un bon nombre ont été supprimés et/ou remplacés.
Les particularités des minima sociaux sont d’être :
−
des prestations non contributives : aux côtés des revenus de remplacement
contributifs que sont les allocations chômage ou les prestations de retraite et
d’invalidité, les prestations non contributives sont des prestations accordées aux
personnes nécessiteuses, ne disposant pas de ressources financières propres
suffisantes pour assurer leur subsistance, alors que ces personnes n'ont jamais versé
de cotisations ou n'ont pas cotisé assez longtemps pour pouvoir bénéficier des
prestations auxquelles donne normalement droit une activité salariée ;
−
versées sous condition de ressources : les ressources annuelles du
demandeur, allocation comprise, doivent être inférieures à un plafond fixé par le
législateur ;
−
des allocations catégorielles en direction de publics ciblés.
L’instauration des minima sociaux a suivi quatre étapes au cours du XXe siècle :
−
les personnes en incapacité de travailler (1930-1975) ;
−
les personnes fragilisées par des ruptures familiales (1976-1980) ;
−
les chômeurs en fin de droits (1979-1984) ;
−
les exclus du système de protection sociale (depuis 1988).
P a g e | 61
2.3.1.1.
Les personnes en incapacité de travailler (1930-1975)
Les personnes en incapacité de travailler sont les premières à bénéficier de
prestations sociales non contributives. Les régimes assurantiels n’étant pas obligatoires
avant la création de la Sécurité sociale, un bon nombre de personnes ne pouvant travailler
pour des raisons essentiellement physiques étaient soit privées de revenus, soit avaient
des revenus insuffisants pour vivre décemment.
Ainsi, au cours de cette période, sont instaurées l’Allocation Minimum Invalidité
(1930), l’Allocation aux Vieux Travailleurs Salariés (1941), l’Allocation Supplémentaire du
Fonds de Solidarité (1956), l’Allocation Supplémentaire d’Invalidité (1957) et l’Allocation
aux Adultes Handicapés (1975). Les quatre premières allocations viennent, la plupart du
temps, compléter un revenu jugé insuffisant. L’AAH a une portée différente, pour la
première fois, une allocation instaure, de fait, un revenu minimum puisqu’elle n’est pas
différentielle et peut donc constituer l’intégralité des ressources du bénéficiaire.
2.3.1.2.
Les personnes fragilisées par des ruptures familiales
(1976-1980)
Le travail n’est plus au centre de l’instauration des nouveaux minima sociaux. Ce
sont les nouveaux modèles familiaux et leur conséquence principale, l’isolement des
femmes, qui vont conduire à créer deux nouvelles prestations.
Dans le premier cas, il s’agit de personnes seules ayant la charge d’enfants :
Allocation de Parent Isolé (1976), dans le second cas, il s’agit de personnes veuves d’un
assuré social : Allocation d’Assurance Veuvage (1980). Ces deux allocations ne
concernent pas uniquement des inactifs et ont une durée de versement limitée, car elles
sont censées palier des pertes de ressources provisoires. Ces deux allocations ont donc
pour finalité d’apporter des ressources à des personnes ne pouvant pas ou plus s’appuyer
sur les revenus d’un conjoint.
2.3.1.3.
Les chômeurs en fin de droits (1979-1984)
La France, comme la plus grande partie des pays industrialisés, va connaître à
partir du milieu des années 1970 une crise économique. L’ensemble de la protection
sociale mise en place dans l’après-guerre s’appuyait sur le travail et sur le plein-emploi. La
forte augmentation du chômage et l’apparition de "travailleurs pauvres" [« personne active,
occupée ou non pendant plus de six mois, qui appartient à un ménage dont le niveau de
P a g e | 62
vie est inférieur au seuil de pauvreté » 1.] vont contraindre l’État à mettre en place de
nouvelles prestations reposant sur l’assistance, notamment en direction des chômeurs.
Dès 1979, l’Allocation de Secours Exceptionnelle est instaurée visant les
chômeurs qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage. Entre 1979 et 1983, le
nombre de demandeurs d’emploi est multiplié par deux, passant de 864 000 à 1 777 000 2.
Cette augmentation entraîne un déficit dans les comptes de l’Unedic 3 et une renégociation
entre partenaires sociaux (État, patronat, salariés) des modalités de prise en charge
financière des chômeurs. « Cette situation débouche en 1984 (à la demande notamment
du patronat qui souhaite renforcer la dimension contributive du régime en transférant aux
pouvoirs publics la prise en charge des chômeurs qu’il estime devoir relever de la solidarité
nationale) sur une partition du régime d’indemnisation en deux régimes distincts : un
régime d’assurance, réglementé par les partenaires sociaux et financé par les cotisations,
et un régime de solidarité, réglementé et financé par l’État. » 4 En 1984 sont ainsi instituées
l’Allocation de Solidarité Spécifique pour les demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs
droits et l’Allocation d’Insertion pour ceux qui ne peuvent prétendre à des droits. La
création de l’ASS « résulte de la scission entre le régime d’assurance chômage financé
par les Assedic et le régime de solidarité pris en charge par l’État »5.
2.3.1.4.
Les exclus du système de protection sociale (depuis
1988)
Tous les minima sociaux instaurés jusque-là le sont dans des logiques
catégorielles : invalide, personne âgée, parent isolé, veuf/veuve, demandeur d’emploi…
L’instauration du Revenu Minimum d’Insertion (1988) va marquer un tournant important
dans l’histoire de la protection sociale en France.
La fin des années 1980 va être marquée par une croissance des personnes en
difficulté et une augmentation de la pauvreté avec l’apparition de ce que l’on va qualifier de
"nouvelle pauvreté". En février 1987, Joseph Wresinski6 présente, au nom du Conseil
Économique et Social, un rapport intitulé Grande pauvreté et précarité économique et
sociale. L’exposé des motifs résume, à lui seul, cette nouvelle situation économique et
1. LAGARENNE Christine, LEGENDRE Nadine, « Les Travailleurs pauvres en France : facteurs individuels et familiaux »,
Économie et statistique, no335, décembre 2000, p. 3.
2. INSEE, enquêtes Emploi (calculs Insee), T301 : Chômage et taux de chômage au sens du Bureau International du
Travail (BIT), par sexe et âge regroupé, en moyenne trimestrielle, données cvs.
3. Union Nationale Interprofessionnelle pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce.
4. NAUZE-FICHET Emmanuelle, LELIÈVRE Michèle (dir.), Les Minima sociaux en 2008-2009, années de transition,
Drees, pp. 23-24.
5. VANLERENBERGHE Pierre (dir.), RMI, le pari de l’insertion, Tome 1, La Documentation française, Paris, 1992, p. 98.
6. Fondateur du mouvement ATD Quart Monde.
P a g e | 63
sociale : « Le présent avis est rendu public dans une conjecture économique et sociale
difficile, qui fait apparaître au grand jour l’écart entre les situations de précarité extrême
vécues par certains et celles des catégories sociales plus favorisées. Des hommes, des
femmes, des familles survivent :
−
Sans pouvoir assurer leur subsistance par le travail ;
−
Avec des ressources extrêmement faibles et parfois inexistantes ;
−
Dans des conditions de logement excessivement précaires et souvent
dégradantes ;
−
Sans pouvoir acquérir des savoir-faire de base et a fortiori un savoir
nouveau. »1
Un an plus tard sera mis en place le RMI, allocation destinée à toutes les
personnes, ayant travaillé ou non, visant à leur assurer un revenu minimum pour une
durée qui est potentiellement illimitée. Nous reviendrons ultérieurement, et de manière plus
spécifique, sur cette allocation et le dispositif qui va l’accompagner.
Suivront, en 2000, le RSO (Revenu de Solidarité spécifique pour les Départements
d’Outre-mer) et, en 2001, l’Allocation Équivalent Retraite de Remplacement pour les
demandeurs d’emploi ayant cotisé cent soixante trimestres avant l’âge de 60 ans. En
2005, l’Allocation Temporaire d’Attente est mise en place à son tour pour les demandeurs
d’asile pendant la durée d’instruction de leur demande, en 2004, instauration de
l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées en direction des personnes de 65 ans ou
plus, avec de faibles revenus. Enfin, en 2008, le Revenu de Solidarité Active est créé pour
les foyers, composés de personnes de 25 ans ou plus, ayant de faibles ressources, suivi
en 2009 par le RSA-Jeunes pour ceux qui ont entre 18 et 25 ans. Le Revenu de Solidarité
Active (RSA) va remplacer le RMI.
2.3.2.
Panorama actuel 2
Il est important de noter que « les minima sociaux couvrent un nombre accru de
personnes parmi lesquelles beaucoup n’ont d’autres ressources que celles du nouveau
dispositif mis en place pour satisfaire tant bien que mal les demandes, à savoir le revenu
minimum d’insertion. » 3
1. WRESINSKI Joseph (dir.), Grande Pauvreté et précarité économique et sociale, Journal officiel de la République
française, avis et rapports du Conseil économique et social, Année 1987, no 6, p. 6.
2. cf. Annexe no4, Évolution des minima sociaux.
3. BORGETTO Michel, LAFORE Robert, La République sociale, Presses Universitaires de France, Paris, 2000, p. 12.
P a g e | 64
Entre 1930 et 2009, le pouvoir politique a donc mis en place près de dix-sept
allocations différentes qui ont pris la forme de minima sociaux. Certaines sont venues en
complément, d’autres en remplacement.
À l’heure actuelle, les minima sociaux répondent à deux logiques :
−
garantir des ressources suffisantes pour les personnes ne pouvant
bénéficier de prestations de la Sécurité sociale ;
−
lutter contre la pauvreté par l’octroi d’une aide monétaire universelle et par
des actions d’insertion sociale.
La démarche des minima sociaux offre une approche différente de celle de l’aide
assurantielle et de celle de l’aide sociale. D’une part, les minima sociaux n’exigent pas
d’avoir pratiqué une activité préalable et le financement fait appel à la solidarité nationale et
non à des cotisations préalables. D’autres parts, ils diffèrent de l’aide sociale en ce qu’ils
ne prennent pas en charge des dépenses ciblées (logement, électricité, loyer, cantine
scolaire…), mais accordent une aide sous la forme d’un revenu à usage libre.
Actuellement, ce sont sept minima sociaux qui coexistent et que l’on peut réunir
en deux groupes :
−
ceux destinés aux personnes inaptes au travail ;
−
ceux destinés aux personnes en capacité d’être actif.
2.3.2.1.
Les personnes inaptes au travail
Ce sous-ensemble regroupe les personnes qui, pour des raisons diverses, ne
peuvent prétendre à occuper un emploi en raison de leur état de santé, de leur âge ou de
leur statut.
Dans ce groupe, nous retrouvons, d’une part, les minima sociaux sous forme de
prestations non contributives de Sécurité sociale : Allocation de Solidarité aux Personnes
Âgées (Aspa), Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), Allocation Supplémentaire
d’Invalidité (ASI). Et, d’autre part, les garanties de ressources pour les assurés sociaux et
leurs ayants droit : Allocation d’Assurance Veuvage (AV).
Ces quatre allocations sont des minima sociaux de longue durée, excepté dans le cas
de l’Allocation d’Assurance Veuvage qui ne peut, dans la majorité des cas, dépasser trois
ans.
P a g e | 65
2.3.2.2.
Les personnes en capacité d’être actif
Il s’agit, dans ce contexte, de prestations de revenu minimum constituant des
allocations de substitution pour les exclus du travail, mais qui peuvent, dans un futur plus
ou moins loin, avoir accès à un travail rémunéré.
Dans cet ensemble coexistent trois allocations : Allocation de Solidarité
Spécifique (ASS), Allocation Temporaire d’Attente (Ata) et le Revenu de Solidarité Active
(RSA). Il conviendrait d’ajouter une dernière allocation introduite en 2009, mais qui ne
compose pas, en elle-même, un minima social particulier puisqu’il s’agit de l’extension du
Revenu de Solidarité Active aux jeunes de 18 à 24 ans sans enfant à charge (RSAJeunes).
Ces trois derniers minima sociaux sont des minima sociaux transitoires sous forme de
prestation de revenu minimum. Il faut aussi ajouter, depuis novembre 2011, l’Allocation
Transitoire de Solidarité (ATS) qui vient remplacer l’Allocation Équivalent Retraite de
Remplacement (AER-R) pour les personnes ayant cotisées le nombre de trimestres
nécessaires pour demander la liquidation de leur retraite, mais n’ayant pas atteint l’âge
légal de celle-ci.
Les minima sociaux présentent donc une vraie différence avec les transferts
sociaux dits contributifs ou assurantiels. Dans la plupart des cas, ils viennent se substituer,
prendre le relais, de prestations assurantielles dont l’usager ne peut plus bénéficier. C’est
notamment le cas avec l’Allocation de Solidarité Spécifique et le Revenu de Solidarité
Active. Ils s’adressent à des personnes dont la perte de ressources, ou leur faible montant,
est soit provisoire (Allocation d’Assurance Veuvage, Allocation de Solidarité Spécifique,
Allocation Temporaire d’Attente), soit définitif (Allocation Supplémentaire d’Invalidité,
Allocation aux Adultes Handicapés, Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées), ou de
longue durée (Revenu de Solidarité Active).
À partir de la mise en place du Revenu Minimum d’Insertion, en 1988, l’attribution d’un
minima social s’est vue assujettie à un objectif d’insertion sociale avec mise en place et
signature d’un contrat d’insertion liant la personne recevant l’allocation et l’État qui verse
cette allocation.
Conclusion de la deuxième partie
La notion de solidarité nationale est liée intrinsèquement à celle de République
démocratique et sociale. Elle est venue modifier l’approche traditionnelle de l’aide en
direction des personnes en situation de précarité en réunissant, dans cette approche,
P a g e | 66
l’assistance et l’assurance. La solidarité nationale est la concrétisation de l’affirmation de
l’existence d’une "dette sacrée de la nation" envers les individus qui la composent et se
traduit par l’existence de droits sociaux qui ont pour fin l’intervention de l’État en vue de
venir en aide aux individus.
C’est dans la seconde moitié du XXe siècle que s’est développée la protection sociale
notamment dans les pays développés. La mise en place de cette solidarité collective s’est
faite par l’intervention de l’État qui a ainsi instauré l’État-providence. Cet État-providence
s’entend par le fait que c’est lui qui prend en charge les individus dans le cadre de la
solidarité nationale. L’État va mettre en place deux types de solidarité, l’assurance (la
sécurité sociale) et l’assistance (aide et action sociales). L’assistance ayant pour but
l’octroi « de prestations en nature ou monétaire aux personnes dont les revenus sont
estimés
insuffisants
pour
accéder
aux
biens
socialement
reconnus
comme
1
fondamentaux. » Tout en gardant un cadre national aux politiques d’assistance, leur mise
en œuvre s’est opérée au sein de deux cadres administratifs distincts : l’État pour l’aide
sociale, le Département ou la Commune pour l’action sociale, l’État gardant un droit de
contrôle sur l’action sociale afin qu’elle respecte, ad minima, les normes définies par lui.
Les dernières décennies du XXe siècle ont vu, en France, se mettre en place la
décentralisation de l’État et celle de ses politiques publiques. À l’action sociale qui était
déjà
sous
la
gouvernance
des
Collectivités
territoriales,
est
venue
s’ajouter
progressivement l’aide sociale, d’abord dans sa mise en œuvre puis dans sa gestion. Ainsi
les collectivités locales ont été « amenées à mettre en œuvre et à gérer des services
publics chargés de dispenser des prestations définies par la loi et traditionnellement
désignées sous le nom d’aide sociale légale. » 2 La solidarité nationale, qui trouve son
origine dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans l’Article 1 de celle de 1958,
est ainsi territorialisée.
Ce syntagme de "solidarité nationale" trouve son sens dans la mise en place de la
République sociale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale suivant ainsi les
recommandations du Conseil national de la Résistance. Cette protection sociale n’a pas à
l’origine vocation à lutter contre la pauvreté, mais à empêcher sa survenue, à traiter les
difficultés passagères que pourraient rencontrer certaines parties de la population. Il
s’agissait de traiter la pauvreté en amont et non en aval. Lorsque le chômage de masse
est apparu et que la précarité s’est étendue, il a fallu mettre en place de nouveaux
dispositifs en enrichissant la palette des minima sociaux. Jusque dans les années 1970,
ces deniers avaient pour vocation de fournir un "revenu minimum" aux personnes âgées
1. BEC Colette, « L’Assistance, un mode paradoxal d’acquittement de la dette collective », Recherches et Prévisions no91,
mars 2003, p. 9
2. DONIER Virginie, « Garantir les droits sociaux dans le cadre de la décentralisation », Informations sociales, no162,
novembre-décembre 2010, p. 108.
P a g e | 67
en retraite ou aux personnes qui, du fait d’une situation personnelle passagère ou non,
avaient des difficultés à travailler. En 1979, avec l’instauration de l’Allocation de Secours
Exceptionnel qui s’adresse à des chômeurs en fin de droits, une première évolution des
minima sociaux se fait sur le terrain de l’indemnisation du chômage. Par l’instauration du
RMI puis du RSA, les minima sociaux marquent leur « ancrage dans une conception
juridique de la solidarité nationale à l’égard des plus défavorisés » 1.
1. BORGETTO Michel, CHAUVIÈRE Michel, FROTIÉE Brigitte, DIDIER Renard, Les Débats sur l’accès aux droits sociaux entre
lutte contre les exclusions et modernisation administrative, Dossier d’étude no60, 2004, p. 19.
P a g e | 68
« À l’heure du bicentenaire de la révolution, les parlementaires s’inscrivent dans sa filiation et affirment que "combattre la pauvreté, c’est combattre pour les droits de l’homme". On se situe dans le prolongement direct de la réflexion sur les droits des pauvres à une aide de la collectivité considérée comme l’expression de la solidarité sociale au nom d’une véritable dette sociale. » RENON Maud
Revenu Minimum d’Insertion, pauvreté et société
française. De l’énoncé d’un impératif d’égalité à la
gestion libérale de la cohésion nationale, p. 17.
TROISIÈME PARTIE : LA RÉPUBLIQUE SOCIALE EN
QUESTION, L’EXEMPLE DU REVENU MINIMUM D’INSERTION
(RMI)
En 1988, le second septennat de François Mitterrand et la fin de la cohabitation
amènent au pouvoir Michel Rocard. Désirant traiter à long terme le problème de la
pauvreté, ce dernier veut alors réinsérer dans le circuit du travail les personnes sans
emploi, en voie de marginalisation. Pour cela, il instaure le Revenu Minimum d’insertion.
« La loi no88-1088 du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d’insertion1
constitue bien le premier dispositif de lutte contre la pauvreté. À côté de son versant
"insertion", elle institue une allocation différentielle dont le but est de ramener à un niveau
considéré comme minimal les ressources des ménages qui ne l’atteignent pas.
S’adressant à toutes les personnes sans considération d’appartenance à une catégorie
o
o
er
1. cf. Annexe n 5, Loi n 88-1088 du 1 décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion.
P a g e | 69
prédéfinie et sans condition de contribution préalable, selon le seul critère de leur niveau
de ressources, ce revenu minimum apparaît comme le premier mécanisme de
solvabilisation globale institué dans la protection sociale française. »1
Revenir sur la genèse et sur l’ensemble du dispositif du Revenu Minimum
d’Insertion n’a pas sa place dans ce travail. De même, nous n’allons pas l’étudier sous
l’angle de l’insertion en tant que telle : a-t-elle bien fonctionné ? A-t-elle été bien traitée ? …
Ce qui nous intéresse, c’est son "rattachement" à la catégorie des minima sociaux et donc
sa valeur "solidarité nationale" qui va être l’angle d’analyse de notre recherche.
3.1. Retour sur le Revenu Minimum d’Insertion
L’idée d’instaurer un revenu minimum n’est pas, en cette fin de XXe siècle, une
idée originale. Deux siècles auparavant, au Royaume-Uni, un jugement du Parlement
reconnaît à toutes les familles « le droit à une allocation monétaire versée par les pouvoirs
publics, dès le moment où les revenus du travail étaient jugés insuffisants pour pouvoir
vivre et entretenir une famille ».2 Plus proches de nous, certains pays européens avaient
mis en place des dispositifs que l’on peut regrouper sous les termes de "revenu garanti"3.
D’autres pistes avaient été envisagées, voir appliquées, c’est le cas de l’impôt négatif,
système qui revient à établir un revenu minimum garanti au-delà duquel un impôt est perçu
et en deçà duquel l’État verse au contribuable le montant manquant pour que ce dernier
bénéficie d’un revenu minimum garanti.
3.1.1.
Cadre général
Le RMI est donc une des allocations de revenu minimum qui ont pour objectif
commun, avec l’ensemble des minima sociaux, de « permettre aux ménages, ou aux
personnes, auxquelles elles s’adressent, d’atteindre un niveau de revenu considéré
comme un minimum indispensable dans leur situation »4. Il s’inscrit comme un acte
fondateur dans les politiques sociales qui aboutira dix ans plus tard au vote de la loi de
lutte contre les exclusions de 19985.
Jusque dans les années 1980, le pauvre est vu, tantôt comme un marginal qui n’a pas
envie de s’inscrire dans la société de consommation issue des Trente Glorieuses, tantôt
comme le fruit d’un certain déterminisme qui fait que l’on appartient à une famille pauvre
1. BORGETTO Michel, LAFORE Robert, Droit de l’aide et de l’action sociales, Montchrestien, Paris, 2009, p. 553.
e
2. CLÉMENT Alain, « Pauvreté et ordre économique dirigé. L’expérience du revenu minimum en Angleterre (fin XVIII e
o
milieu XIX siècle), RECMA – Revue internationale de l’économie sociale n 283, 2002, p. 80.
o
3. cf. Annexe n 6, Les Systèmes de "revenu garanti" en Europe.
o
4. VILLAC Michel, « Le RMI, dernier maillon dans la lutte contre la pauvreté », Économie et statistique n 252, mars
1992, p. 22.
o
5. Loi n 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.
P a g e | 70
de génération en génération. Sous le double effet de la crise économique et des
restructurations industrielles vont se développer des emplois précaires et le chômage de
longue durée faisant apparaître une "nouvelle pauvreté". Le travail n’est plus formellement
un élément intégrateur et protecteur du citoyen. Les sociétés industrielles invalident les
valides et déstabilisent les stables1. Les « individus se retrouvent en marge de la société
salariale (qui ouvre un droit à l’assurance) et échappent à l’obligation d’avoir des raisons
sérieuses de ne pas travailler (qui ouvre un droit au secours) ».2
Le RMI, en réaffirmant les principes contenus dans le Préambule de la
Constitution de la Ve République, introduit trois nouveautés dans le monde des minima
sociaux :

il est universel et s’adresse à des publics moins homogènes que les autres
minima sociaux, « La position du RMI comme dernier maillon de la solidarité nationale,
explique en particulier ce caractère hétérogène de la population des bénéficiaires. Par
construction, en effet, le RMI a vocation à accueillir toutes les personnes qui n’ont pu
être suffisamment solvabilisées par les politiques catégorielles antérieures. »3

il est assorti d’un contrat d’insertion signé entre l’allocataire et l’État. Au
regard des autres minima sociaux, le RMI sera le seul pour lequel un accompagnement
social a été prévu. Ce dernier ayant pour but de réinsérer l’allocataire dans la société.

l’ensemble du dispositif financier comporte au minimum deux composants :
une allocation versée à l’allocataire en fonction de ses revenus et de la composition de
son ménage, une dépense proportionnelle (charge d’insertion) au montant total des
allocations versées par l’État dans le cadre du RMI, dépenses qui doivent être
engagées par le Département. Les Collectivités territoriales peuvent aussi, dans le
cadre de leurs actions sociales, mettre en place d’autres aides en espèces ou en nature
(transport collectif gratuit, par exemple).
Le RMI, adopté en France en 1988, s’adresse à toutes les personnes de plus de
25 ans ou ayant un ou plusieurs enfants à charge, qui peuvent prétendre recevoir une
allocation égale à la différence entre leurs ressources et le Revenu Minimum d’Insertion.
Ces personnes doivent également signer un contrat avec l’État, contrat qui prend en
compte le projet de l’individu dans sa démarche de réinsertion.
1. CASTEL Robert, Les Métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Fayard, Paris, 1995.
2. RENON Maud, Revenu Minimum d’Insertion, pauvreté et société française, 2006, p. 15.
3. VILLAC Michel, op. cit., p. 27.
P a g e | 71
Principe d’un revenu minimum1
Pour Georges Liénard, « le concept d’insertion est apparu dans les années 60 et s’est
fortement répandu dans les années 70. Il est issu du champ des politiques publiques ainsi
que du champ de l’intervention sociale. »2 Et de poursuivre en citant Chantal NicoleDrancourt et Laurence Roulleau-Berger3 « La notion d’insertion est venue se substituer à
celle d’intégration dans le champ politique quand on a commencé à parler du chômage
d’exclusion ».4
L’insertion, dans le cadre du dispositif RMI, est confiée au Conseil général. Celui-ci
doit consacrer un pourcentage du montant global versé par l’État au titre de l’allocation
RMI l’année précédente. Cette charge d’insertion obligatoire confiée au Département a été
créée sur le postulat que l’instauration du RMI allait faire baisser les dépenses d’action
sociale des Conseils généraux en les soulageant de ces personnes en situation de
précarité : « Au départ, il s’agissait de ne pas laisser aux départements les économies
qu’ils allaient faire en aide sociale. L’idée est venue ultérieurement de les recycler à l’appui
des politiques d’insertion. »5 Entre 1989 et 2000, la charge d’insertion pour les
Départements doit être au moins égale à 20 % du total des allocations RMI de l’année n1 : « Le département est tenu d’affecter annuellement au fonds départemental d’insertion,
sur ses ressources propres, un crédit qui ne peut être inférieur à 20 % des sommes qui
seront dépensées par l’État dans le département au titre des allocations de revenu
1. VILLAC Michel, Les Minima sociaux.
2. LIÉNARD Georges (Coll.), L’Insertion : défi pour l’analyse, enjeu pour l’action, Mardaga, Paris, 2001, p. 21.
3. NICOLE-DRANCOURT Chantal, ROULLEAU-BERGER Laurence, L’Insertion des jeunes en France, Presses Universitaires
de France, Paris, 1995.
4. LIÉNARD Georges (Coll.), op. cit., p. 22.
5. LELIÈVRE Michèle, NAUZE-FICHET Emmanuelle (dir.), RMI, l’état des lieux – 1988-2008, La Découverte, Paris,
2008, p. 13.
P a g e | 72
minimum ».1 À partir de la création de la Couverture Maladie Universelle (CMU), cette
charge d’insertion a été ramenée à 17 % puisque l’insertion par la santé était désormais
assurée par l’Assurance maladie. La charge d’insertion constitue, pour les Départements,
ce que l’on peut appeler une aide sociale à caractère obligatoire. Cette aide sociale légale
(charge d’insertion) cessera d’être obligatoire en 2005 devenant ainsi une aide sociale
facultative. Cette suppression soulèvera des débats entre majorité et opposition, et au sein
même de la majorité. Valérie Létard, du groupe UDF à l’Assemblée nationale, déclara
craindre « une injustice bien plus grande que d’autres si l’aide qu’un RMIste peut attendre
de la solidarité nationale [n’est] pas homogène, quel que soit le territoire où il réside. »2
La gestion de l’insertion était le volet décentralisé de ce minima social, l’allocation
restant gérée par l’État. En 2004, à la suite du vote de la loi portant sur la décentralisation
en matière de revenu minimum d’insertion3, le dispositif RMI est totalement confié aux
Conseils généraux. Cette « décentralisation du RMI constitue la première suite
substantielle de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation
décentralisée de la République. »4 La décentralisation confie le pilotage entier du dispositif
sur les deux volets (prestation et insertion) au Département. Cependant, la décentralisation
n’est pas totale, car l’État conserve la fixation, au niveau national, du montant et des
conditions d’attribution de l’allocation. Les partenaires locaux restent les mêmes pour le
Département : Communes, associations, Caisses d’Allocations Familiales, Caisses de
Mutualité Sociale Agricole.
Deux aspects novateurs dans ce dispositif sont à noter. Le premier est
l’apparition de la notion de contrat. Il instaure une relation contractuelle entre l’allocataire
du RMI et les pouvoirs publics. L’allocataire s’engage à mettre en œuvre et à suivre un
plan établi entre lui et le prestataire en vue de son insertion, ou de sa réinsertion, dans la
société. Le second aspect novateur réside dans le fait que le RMI est le « premier "produit"
d’une nouvelle philosophie d’aide à la personne. Il n’est pas une prestation d’aide sociale,
ni une prestation de Sécurité sociale, mais une combinaison de droits ouverts en une
seule démarche : allocation différentielle, assurance maladie, action d’insertion sociale
et/ou professionnelle. »5 Tous ces éléments font du Revenu Minimum d’Insertion un outil
nouveau, en rupture par rapport aux politiques traditionnelles d’assistance, car il associe
1. BELORGEY Jean-Michel, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires culturelles, Familiales et Sociales sur le
o
projet de loi n 146 relatif au revenu minimum d’insertion.
2. LELIÈVRE Michèle, NAUZE-FICHET Emmanuelle (dir.), RMI, l’état des lieux – 1988-2008, La Découverte, Paris,
2008, p. 46.
o
3. Loi n 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion.
4. DAMON Julien, « Qui gouverne le RMI ? », in BORGETTO Michel, CHAUVIÈRE Michel (dir.), Qui gouverne le social ?,
Éditions Dalloz, Paris, 2008, p. 90.
5. JAMOT-ROBERT Christelle, Politiques sociales, Vuibert, Paris, 2008, p. 149.
P a g e | 73
un droit objectif à une aide financière (l’allocation) et à une démarche d’insertion, fruit d’une
élaboration conjointe entre allocataire et pouvoirs publics (le contrat d’insertion).
Dispositif du Revenu Minimum d’Insertion
1988-2000
2001-2004
2005-2008
Allocation
Charge d’insertion
(20 % du montant de
l’allocation n-1)
Allocation
Charge d’insertion
(17 % du montant de
l’allocation n-1)
Allocation
Dépenses d’insertion
Dépenses d’insertion
État
Département
Aide sociale
Aide sociale
Dépenses
d’insertion
Action sociale
Par le biais du RMI, l’État met en place une nouvelle forme d’intervention en
direction de publics qui sont en grande difficulté par rapport à l’emploi, mais qui ne peuvent
prétendre aux dispositifs venant en aide aux personnes inaptes à ce même travail. Ce
Revenu Minimum d’Insertion va donc apporter une protection par l’instauration d’un revenu
garanti (allocation) et un dispositif d’insertion. Cette dernière est définie comme « un droit
des allocataires à bénéficier de mesures d’accompagnement afin d’accroître leur
autonomie sociale et prétendre à prendre pleinement part à la société, notamment par
l’obtention d’un emploi ».1 Le RMI se caractérise aussi par son principe d’universalité.
3.1.2.
Le Revenu Minimum d’Insertion en chiffres
Les allocataires de minima sociaux (1990-2008) – France métropolitaine
(en milliers)
4 000
3 500
AER
3 000
AV
ASPA
2 500
AI‐ATA
2 000
ASS
1 500
ASI
1 000
AAH
API
500
RMI
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
0
©Patrick Milhe Poutingon
Sources : insee.fr
1. RENON Maud, op. cit., p. 25
P a g e | 74
AER : Allocation Équivalent Retraite – Remplacement/AV : Allocation Veuvage/ASPA : Allocation Supplémentaire Vieillesse et
Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées/AI-ATA : Allocation d’Insertion ou Allocation Temporaire d’Attente/ASS :
Allocation de Solidarité Spécifique/ASI : Allocation Supplémentaire d’Invalidité/AAH : Allocation aux Adultes Handicapés/API :
Allocation de Parent Isolé/RMI : Revenu Minimum d’Insertion.
Les données chiffrées sur les minima sociaux en France métropolitaine montrent
l’importance prise par le dispositif RMI au cours de cette période. Il a connu une montée en
charge progressive jusqu’en 1998 et une stabilisation, par la suite, de ses effectifs autour
du million d’allocataires. Le RMI est devenu, au fil du temps, le premier dispositif devant
l’AAH avec respectivement 33 % et 26 % des allocataires des minima sociaux.
Notre démarche nous amène à prendre en compte une autre approche
statistique, celle comparant l’évolution du nombre de chômeurs à celui des allocataires du
RMI. Du point de vue des aides sociales, les premiers sont à la charge de l’État par le biais
de l’assurance chômage ou de l’ASS, les autres sont, jusqu’en 2004, à la charge de l’État
et des Départements puis à la charge intégrale des Départements.
Nombre de Chômeurs1 et nombre d’allocataires du RMI (1996-2007)
(en millier)
Chômeurs
RMIstes
3300
2800
2300
1800
1300
800
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
©Patrick Milhe Poutingon
Sources : bdsl.social.gouv.fr
Le graphique montre parfaitement la disjonction qui existe entre chômeurs et
allocataires du RMI. Entre 1996 et 2007, le nombre de chômeurs a baissé de 39,3 % pour
passer sous la barre des 2 millions. Dans le même temps, le nombre d’allocataires du RMI
a augmenté de 14,9 % pour passer la barre du million. Il y a donc une diminution du
nombre des demandeurs d’emploi à la charge de l’État et une augmentation de ceux à la
1. Demandeurs d’emploi de Catégorie 1 : Personnes inscrites à l’ANPE déclarant être à la recherche d’un emploi à temps
plein et à durée indéterminée ayant éventuellement exercé une activité occasionnelle ou réduite d’au plus 8 heures dans
le mois. Remarque : tout au long de cet écrit, nous nous référerons à cette définition.
P a g e | 75
charge des Départements. Nous verrons par la suite quelles conséquences ces chiffres
auront sur l’aide et l’action sociales et plus précisément sur la notion de solidarité
nationale.
Le RMI, minima social novateur lors de sa création en 1988, a connu de
nombreuses évolutions jusqu’à son abandon en 2008 :

d’un pilotage conjoint entre État et Départements, le RMI a été entièrement
décentralisé en 2004 et confié à la seule gestion des Conseils généraux ;

d’un dispositif financier ternaire (allocation, aide sociale, action sociale), il
est passé à un dispositif binaire (allocation, action sociale) mettant fin, à partir de 2005,
aux obligations faites aux Départements dans le cadre des dépenses d’insertion.
Le RMI, dispositif national conçu dans le cadre des minima sociaux et expression de
la solidarité nationale, a-t-il connu des effets de territorialité qui pourraient remettre en
cause la République sociale ? Pour pouvoir tenter de répondre à cette interrogation, nous
allons analyser le dispositif entre 1996 et 20081 selon deux critères : l’un humain, l’autre
financier.
L’ensemble des données chiffrées sur la période étudiée se trouve en annexe :

Tableaux par Département et par année des données concernant la
population totale, le chômage, le RMI, les charges d’insertion  Annexe no7.

Tableau récapitulatif par thèmes (Taux de chômage, Allocataires au sein de
la population totale, Allocataires au sein des chômeurs, Bénéficiaires au sein des
chômeurs, Bénéficiaires au sein de la population totale, Charge nette d’insertion par
allocataire,
Part
des
dépenses
d’insertion
dans
le
budget
d’aide
sociale
départementale) regroupant par année, pour chacun des items, les 10 taux les plus
élevés et les 10 taux les plus faibles, la moyenne annuelle et le rapport le plus important
entre les Départements  Annexe no8.

Tableaux et graphiques récapitulatifs pour chaque item et pour chaque
année  Annexes no9, no10, no11, no12, no13, no14, no15 et no16.

Tableaux généraux et cartes géographiques des moyennes, par item, de la
période étudiée  Annexe no17.

Tableaux et carte du taux de pauvreté en France de 2004 à 2008
 Annexe no18.

Tableaux des secteurs d’activité de 1996-2008 pour chaque année et sur la
moyenne de la période, Tableau regroupant pour chaque secteur d’activité et sur la
1. Suivant les données disponibles, des variantes existent sur la période de référence qui peut commencer en 1997 et
finir en 2007.
P a g e | 76
moyenne de la période les 10 taux les plus élevés et les 10 taux les plus faibles.
 Annexe no19.
3.2. Les déterminants humains
Dès son instauration en 1988, si le montant de l’allocation est décidé au niveau
national avec des variantes tenant compte de la composition du foyer, le volet insertion a
été confié aux Départements faisant peser sur eux le poids de la situation économique de
leur territoire sans que leurs responsabilités dans ce domaine soient établies et sans
prendre en compte les « limites de la territorialisation dès lors qu’il s’agit de traiter le
phénomène global d’un déficit structurel d’emploi ».1 Le poids humain, ce que représentent
les personnes touchées par le non-emploi, va donc être un facteur déterminant pour les
Conseils généraux. Ce contexte humain s’identifie au travers de trois composants que sont
les chômeurs, les allocataires du RMI et les bénéficiaires du RMI.
3.2.1
Les chômeurs
Sur l’ensemble de la période 1996-2007, le taux de chômage de la France a
baissé, passant de 12,01 % à 8,00 %2. Ce taux moyen cache des écarts importants selon
les Départements. Si le rapport moyen3 de la période4 est de 1 à 2,68 (Mayenne : 5,84 %
versus Hérault : 15,64 %), il a connu un pic en 2000 atteignant 3,47 (de 1 à 3,47) avec
toujours les mêmes territoires (Mayenne : 4,65 % versus Hérault : 16,12 %). La tendance
générale est à la baisse de l’amplitude entre les Départements à fort taux de chômage et
ceux à faible taux avec une évolution sinusoïdale sur l’ensemble de la période.
La répartition géographique5 fait état d’une concentration géographique des
Départements à fort taux. Se dessinent ainsi des ensembles géographiques très marqués
par le chômage, l’amphithéâtre méditerranéen (Hérault : 15,64 %, Gard : 15,28 %,
Bouches-du-Rhône : 14,61 %, Pyrénées-Orientales : 14,59 %, Var : 13,86 %, Aude :
12,73 %) et le nord de la France (Nord : 13,69 %, Ardennes : 13,60 %, Pas-de-Calais :
13,52 %). Trois d’entre eux (Hérault, Pyrénées-Orientales et Var), connaissent un faible
taux d’activité dans le secteur de l’industrie6. À l’opposé, les départements épargnés par le
chômage sont plus éclatés sur l’ensemble du territoire (Mayenne : 5,84 %, Lozère :
5,85 %, Aveyron : 6,14 %, Ain : 6,26 %, Jura : 6,81 %, Gers : 6,92 %, Yvelines : 7,06 %,
1. RENON Maud, op. cit., p. 61.
o
2. cf. Annexe n 9, Taux de chômage.
3. Rapport moyen : coefficient multiplicateur entre le nombre le plus faible et le nombre le plus élevé.
o
4. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
5. Ibid.
o
6. cf. Annexe n 19, Secteur d’activité, Tableau général et carte Secteur de l’Industrie.
P a g e | 77
Essonne : 7,16 %, Haute-Savoie : 7,22 %, Bas-Rhin : 7,23 %)1. Dans ce dernier groupe,
les Départements connaissant moins de 7 % de taux de chômage sont des Collectivités
territoriales qui ont un taux d’activité économique primaire (agriculture) se situant audessus de la moyenne nationale. C’est notamment le cas pour la Mayenne, la Lozère,
l’Aveyron et le Gers2.
3.2.2
Les allocataires au sein de la population totale
De 1996 à 2008, le poids des allocataires du RMI au sein de la population
française a connu une très légère augmentation. Les Départements à faible taux ont suivi
la même tendance que ceux à taux fort, et ils présentent une stabilisation de leurs effectifs
de RMIstes par rapport à leur population totale. Les allocataires du RMI représentent, en
moyenne sur la période étudiée, 1,67 % de la population totale de la France. Les écarts
entre Départements à taux faible et Départements à taux fort sont importants tout au long
de la période avec une moyenne de 1 à 5,17 (Mayenne : 0,66 % versus Bouches-duRhône : 3,41 %). Tout comme pour le taux de chômage, l’évolution des rapports (taux fort
versus taux faible) est sinusoïdale avec là aussi un pic en 2000 avec un rapport de 1 à
6,64 (Bouches-du-Rhône : 3,65 % versus Mayenne : 0,55 %)3.
Les similitudes ne s’arrêtent pas là puisque, si l’on s’attache à la répartition
géographique des taux forts et des taux faibles, on note que les zones à fort taux sont à
peu près les mêmes que pour le chômage : amphithéâtre méditerranéen (Bouches-duRhône : 3,41 %, Pyrénées-Orientales : 3,23 %, Hérault : 3,07 %, Gard : 3,01 %, Aude :
2,84 %, Haute-Corse : 2,51 %, Ariège : 2,41 %) et nord de la France (Nord : 2,58 %, Pasde-Calais : 2,41 %). Quant aux taux faibles, on peut constater l’existence d’une
concentration géographique, plus légère, autour de deux pôles : le centre-est (Ain :
0,73 %, Jura : 0,77 %, Haute-Savoie : 0,80 %, Savoie : 0,87 %, Hautes-Alpes : 0,89 %) et
le sud du Massif central (Haute-Loire : 0,76 %, Aveyron : 0,81 %, Lozère : 0,89 %)4. Dans
le premier groupe, l’Ain et le Jura sont des Départements qui connaissent un fort taux
d’activité dans le secteur industriel, bien au-dessus de la moyenne nationale5. Dans le
second groupe, l’Aveyron et la Lozère sont des Départements où le taux d’activité dans le
secteur de l’agriculture est au dessus de la moyenne nationale6.
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
2. cf. Annexe n 19, Secteur d’activité, Tableau général et carte Secteur de l’Agriculture.
o
3. cf. Annexe n 10, Allocataires au sein de la population totale.
o
4. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
5. cf. Annexe n 19, Secteur d’activité, Tableau général et carte Secteur de l’Industrie.
6. Ibid.
P a g e | 78
3.2.3
Les allocataires au sein des chômeurs
Rappelons en premier lieu que, par définition, tout allocataire du RMI est un
chômeur. Rappelons aussi que le chômeur ne perçoit aucune aide sociale de la part du
Département où il réside. Il perçoit, selon sa situation, une allocation chômage versée par
le Pôle Emploi1 ou une des allocations de solidarité2. L’action du Département envers les
chômeurs indemnisés par le Pôle Emploi relève donc de l’action sociale (aide sociale
facultative). En outre, le chômeur indemnisé peut percevoir des aides pour suivre une
formation ou se réinsérer. Dans le cas de l’allocataire du RMI, l’allocation est versée par
l’État (minima social) ; quant aux dépenses d’insertion, elles sont à la charge du
Département selon des modalités prévues par la loi3 et qui ont évolué au cours du temps4.
temps4.
La part des allocataires du RMI au sein des chômeurs n’a cessé d’augmenter au
cours de la période de référence passant de 28,08 % à 53,12 %, soit une multiplication par
1,89. Plus d’un chômeur sur deux est désormais un allocataire du RMI. Cet accroissement
considérable de la part des RMIstes au sein des chômeurs apparaît clairement si l’on
regarde l’évolution comparée du nombre de chômeurs et du nombre d’allocataires. Entre
1996 et 2007, le nombre de chômeurs est passé de 3 189 247 à 1 935 729, soit une
baisse de 39,31 % alors que dans le même temps le nombre d’allocataires du RMI passait
de 895 387 à 1 028 192, connaissant une augmentation de 14,83 %. Les spécialistes
appellent cette tendance un effet ciseau, deux courbes voient leur tracé suivre une
évolution opposée. Le rapport moyen entre les Départements à taux faible et ceux à taux
fort est de 1 à 2,71 (Haute-Corse : 65,82 % versus Yvelines : 24,27 %) avec un pic en
2002 avec une amplitude atteignant de 1 à 3,55 (Haute-Corse : 72,91 % versus Yvelines :
20,51 %)5.
Ces différentes moyennes cachent, en réalité, de forts contrastes entre les
Collectivités territoriales à taux faible et celles à taux fort. À l’image des deux premiers
items retenus, l’amphithéâtre méditerranéen reste très fortement marqué par des taux très
élevés (Haute-Corse : 65,82 %, Aude : 65,76 %, Ariège : 64,86 %, Pyrénées-Orientales :
63,94 %, Bouches-du-Rhône : 61,96 %, Gard : 55,58 %, Vaucluse : 53,59 %, Hérault :
52,40 %, Corse-du-Sud : 51,11 %). Seul un département hors de cette zone géographique
fait partie des dix plus forts taux (Seine-Saint-Denis : 50,02 %). Notons que les
Départements du nord de la France qui présentaient des taux élevés pour les deux
1. Anciennement Assedic.
o
2. ASS, ATA, cf. Annexe n 4, Évolution des minima sociaux.
o
o
er
3. cf. Annexe n 5, Loi n 88-1088 du 1 décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion, Art. 41.
4. cf. infra.
o
5. cf. Annexe n 12, Allocataires au sein des chômeurs.
P a g e | 79
premiers items n’apparaissent plus dans ce rapport Allocataires au sein des chômeurs. En
ce qui concerne les Départements à taux faibles, deux pôles géographiques se dégagent :
nord-ouest (Manche : 28,16 %, Mayenne : 28,31 %, Ille-et-Vilaine : 28,56 %) et centre-est
(Jura : 28,04 %, Ain : 28,47 %, Haute-Savoie : 28,51 %)1. Trois de ces Départements
(Mayenne, Jura, Ain), présentent une caractéristique commune au regard de la répartition
de population active par secteur d’activité. En effet, leur taux d’activité dans les Services
fait partie des plus faibles de l’Hexagone avec un taux se situant en dessous des 49 %2.
3.2.4
Les bénéficiaires par allocataire
Le poids humain du RMI s’entend aussi par le nombre des bénéficiaires puisque
l’allocation est calculée en fonction de la composition de la famille et que cette allocation a
joué, pendant une période au moins, dans le calcul des charges d’insertion à consacrer
aux RMIstes. Ainsi, plus le nombre de bénéficiaires3 est élevé, plus le montant de
l’allocation est élevé, et plus le montant de l’allocation est élevé plus les charges
d’insertions obligatoires (entre 1988 et 2004) étaient élevées pour les Départements.
Ainsi, sur la période qui nous intéresse (1996-2008), suivant la composition et la
situation du ménage, le montant minimum alloué aux dépenses d’insertion par les
Départements s’établissait comme suit :
Exemple de Dépenses d’insertion prévues par la loi
Personne seule
n-1
RMI
1997
Charge
d’insertion
2 374,50F
470,90 F
+ 1 personne à charge
3 562,25
+ 2 personnes à
charge
4 274,60
F
F
712,45 F
854,92 F
n-1
RMI
2 608,50
F
3 912,75
F
4 695,30
F
2002
Dépenses d’insertion4
d’insertion4
443,45 F
665,17 F
798,20 F
©Patrick Milhe Poutingon
Sur l’ensemble de la période, les écarts sont relativement faibles entre
Départements à taux élevés et ceux à taux bas. Le rapport a même tendance à
s’amenuiser entre 1996 et 2008 passant de 1 à 1,63 à 1 à 1,45. Ce sont surtout les
Départements à taux fort qui ont vu leur ratio bénéficiaires/allocataire baisser au cours de
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
2. cf. Annexe n 19, Secteur d’activité, Tableau général et carte Secteur des Services.
3. Allocataires et ayants droit (à l'intérieur du foyer, le RMI retient comme personne à charge une personne de moins de
25 ans dont les ressources sont inférieures à la majoration à laquelle elle donne droit).
er
4. À la suite de la mise en circulation de l’euro au 1 janvier 2002, les charges s’élèvent à 67,30 € pour une personne
seule, 101,40 € pour deux personnes et 121,68 € pour trois personnes.
P a g e | 80
la période passant de 2,35 à 2,15 (Pas-de-Calais) alors que ceux à taux faible
n’augmentaient que très légèrement en passant de 1,44 à 1,48 (Paris)1. Le RMI semble
s’adresser de plus en plus, au cours de la période considérée, à des personnes seules ou
à des ménages composés de deux personnes.
Le zonage géographique fait apparaître une prégnance très importante du nord de la
France concernant les taux élevés supérieurs à 2,12 (Pas-de-Calais : 2,28, Aisne : 2,26,
Nord : 2,22, Somme : 2,17, Oise : 2,14, Ardennes : 2,14) alors qu’une partie des taux
faibles se concentre en Île-de-France avec des taux inférieurs à 1,77 (Paris : 1,48,
Hauts-de-Seine : 1,65, Val-de-Marne : 1,77, Yvelines : 1,77). Il est à noter que
l’amphithéâtre méditerranéen n’est pas présent dans ce zonage géographique des
Départements connaissant un taux élevé, seule la Corse (Haute-Corse et Corse-du-Sud)
apparaît, mais au sein des Conseils généraux à taux faibles2.
3.2.5
Les bénéficiaires au sein de la population totale
Au-delà des allocataires du RMI, il est important, afin de mesurer la charge
humaine du dispositif pour les Conseils généraux, de connaître le poids de l’ensemble des
bénéficiaires du dispositif.
La part des bénéficiaires au sein de la population totale est restée pratiquement au
même niveau tout au long de la période étudiée en se stabilisant à un peu plus de 3 %
(3,23 %). La moyenne du rapport entre Départements à taux faible et ceux à taux fort est
de 1 à 4,93 (Bouches-du-Rhône : 6,70 % versus Mayenne : 1,36 %). Les Bouches-duRhône avec une moyenne de 126 900 bénéficiaires, sur la période de référence, comptent
près de 32 fois plus de bénéficiaires que la Mayenne (4 005 bénéficiaires, sur la même
période). Le rapport, faible taux/fort taux, a fortement fluctué au cours de la période et a
connu un pic en 2001 en s’établissant de 1 à 6,46 (Bouches-du-Rhône : 7,30 % versus
Yvelines : 1,13 %)3.
L’observation de la répartition des taux faibles et des taux élevés montrent la
prédominance de deux zones pour les taux forts : l’amphithéâtre méditerranéen (Bouchesdu-Rhône : 6,70 %, Pyrénées-Orientales : 6,15 %, Gard : 5,97 %, Hérault : 5,83 %, Aude :
5,77 %, Ariège : 4,58 %) et le nord du pays (Nord : 5,70 %, Pas-de-Calais : 5,48 %,
Ardennes : 4,77 %). Les trois Départements du nord, contrairement à ceux se
l’amphithéâtre méditerranéen, sont aussi ceux qui connaissent un nombre de bénéficiaires
par allocataires supérieur à la moyenne nationale4. Quant aux taux faibles, ils font montre
o
1. cf. Annexe n 14, Bénéficiaires par allocataire.
o
2. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
3. cf. Annexe n 13, Bénéficiaires au sein de la population totale.
o
4. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
P a g e | 81
d’un éclatement géographique plus marqué avec toutefois deux zones qui ressortent
légèrement : le sud du Massif central (Haute-Loire : 1,42 %, Lozère : 1,56 %, Aveyron :
1,57 %) et le centre-est (Ain : 1,38 %, Haute-Savoie : 1,46 %, Jura : 1,52 %)1.
3.2.6
Synthèse des déterminants humains
Le nombre de chômeurs et le nombre d’allocataires du RMI ont évolué de
manière dissemblable au cours de notre période de référence (1997-2007). Les premiers
ont connu une baisse importante (aux alentours de 40 %) alors que les seconds ont vu
leur nombre augmenter (+ 15 %). Ainsi en 2007, plus d’un chômeur sur deux est un
allocataire du RMI alors qu’ils étaient moins du tiers dix ans plus tôt (1996 : 28,08 %). Ce
basculement de la tendance générale, baisse du nombre de chômeurs et augmentation de
la part des allocataires du RMI, fait passer l’indemnisation du non-emploi de l’aide sociale
(Assedic puis Pôle Emploi) à la solidarité nationale (RMI). Dès la mise en œuvre du RMI,
les dépenses d’insertion ont été, de leur côté, confiées aux Conseils généraux de manière
obligatoire de 1988 à 2004 et libre de 2005 à 2008.
D’un point de vue humain, l’analyse des statistiques départementales fait ressortir
quatre grandes tendances sur la période considérée (1996-2008) :

une baisse quasi continue du taux de chômage qui passe de 12,01 % à
8 % en moyenne. Cette baisse est sensiblement la même pour les Départements à fort
taux que pour ceux à taux faible2 avec un rapport de 1 à 2,62 en fin de période
(Hérault : 11,80 % versus Lozère : 4,50 %) alors qu’il était de 1 à 2,75 au début de notre
période et concernait les deux mêmes Départements.

une stabilisation de la part des allocataires au sein de la population totale
autour de 1,61 % en 2008. L’écart moyen entre Départements à taux fort et ceux à taux
faible est de 1 à 5,17 pour l’ensemble de la période. À deux reprises, ce rapport a
connu une évolution singulière. En 2000, il est au plus haut avec un rapport de 1 à 6,64
consécutif à une stabilisation à la baisse du taux d’allocataires au sein de la population
totale des Département à faible taux3. En 2005, ce même rapport est au plus bas
consécutivement à un effet ciseau entre les Départements à fort taux et ceux à faible
taux (hausse des taux faibles et baisse des taux forts).

Une forte augmentation de la part des allocataires au sein des chômeurs.
En début de période, 28,08 % des chômeurs étaient des RMIstes. En fin de période, ce
pourcentage est passé à 53,12. En 1996, c’est la Corse-du-Sud qui connaît le
pourcentage le plus important de RMIstes au sein des chômeurs (52,58 %) et en 2007,
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
2. cf. Annexe n 9, Taux de chômage.
o
3. cf. Annexe n 10, Allocataires au sein de la population totale.
P a g e | 82
ce sont les Pyrénées-Orientales qui sont le plus touchées avec un taux de 85,78 % !
Dans le même temps, le Département le moins touché, la Vendée, est passé d’un taux
de 16,97 % en 1996 à 29,65 % en 2007. Ainsi, en 2007, 8,5 chômeurs sur 10 sont à la
charge du Conseil général des Pyrénées-Orientales contre seulement 2,9 sur 10 pour
celui de Vendée.

La part des bénéficiaires du dispositif RMI au sein de la population totale
des Départements est restée relativement stable pendant toute la période : autour de
3 %. Les écarts entre Départements à taux faible et ceux à taux fort ont, eux,
augmenté, passant de 1 à 4,69 en 1996 à 1 à 5,77 en 2008. Ce phénomène est
principalement à l’accentuation du nombre de bénéficiaires au sein de la population
totale pour les Départements à taux fort. En 1996, ce sont les Pyrénées-Orientales qui
affichent le taux le plus fort avec 5,81 % de bénéficiaires du RMI au sein de sa
population totale contre seulement 1,24 % pour la Lozère. En 2008, le taux le plus faible
a baissé (Haute-Savoie : 1,11 %) alors que la Seine-Saint-Denis compte 6,40 % de
bénéficiaires au sein de sa population totale1.
Les déterminants humains
©Patrick Milhe Poutingon
o
1. cf. Annexe n 13, Bénéficiaires au sein de la population totale.
P a g e | 83
Si l’on observe la répartition géographique de ces déterminants, il ressort que
les Départements les plus touchés par les déterminants humains se concentrent
presque exclusivement dans deux zones géographiques aux antipodes l’une de l’autre :

l’amphithéâtre méditerranéen, à l’exception du Var et des Alpes-Maritimes,
représente à lui seul les 3/5e des Départements les plus touchés par les déterminants
humains. C’est la quasi-totalité de la Région Languedoc-Roussillon, hormis le
Département de la Lozère, qui est concernée par les déterminants humains. Ce sont,
pour leur quasi-totalité, tous des Départements où la part des chômeurs au sein de la
population totale est la plus importante : Hérault, Bouches-du-Rhône, Gard, PyrénéesOrientales1. Le nord de la France, avec notamment la Région Nord-Pas-de-Calais, est
lui aussi très touché par les facteurs humains.

Les Départements moins touchés par les déterminants humains
connaissent une concentration moindre, avec deux groupes, un autour du sud du
Massif central et l’autre à la frontière de la Confédération helvétique. La plupart d’entre
eux sont aussi des Départements où la proportion de chômeurs au sein de la
population totale est la plus faible, moins de 3 %2.
Le poids humain que nous venons d’aborder a, comme nous l’avons déjà noté,
un impact important d’un point de vue financier. Les "disparités humaines" sont-elles
identiques aux "disparités financières" ? Sont-elles forcément liées l’une à l’autre ? Dans
un deuxième temps, nous allons nous pencher sur le volet insertion du dispositif RMI dans
sa portée financière.
3.3. Les déterminants économiques
La promulgation de la loi instaurant le Revenu Minimum d’Insertion au Journal
officiel de la République française du 3 décembre 1988 définissait, outre les attendus de
cette loi en termes de réinsertion, les modalités financières qui devaient bénéficier aux
allocataires et à ses ayants droit. En plus de l’allocation financière mensuelle fixée par
l’État pour l’ensemble du territoire, les Conseils généraux devaient aussi consacrer une
part de leur budget d’action sociale à l’accompagnement des allocataires dans leur
insertion sociale et professionnelle : « Pour le financement des actions nouvelles destinées
à permettre l’insertion des bénéficiaires de l’allocation mentionnée à l’article 4 et les
dépenses de structures correspondantes, le département est tenu d’inscrire annuellement,
dans un chapitre individualisé de son budget, un crédit au moins égal à 20 p. 100 des
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item période étudiée.
2. Ibid.
P a g e | 84
sommes versées, au cours de l’exercice précédent, par l’État dans le département au titre
de ladite allocation. »1
Comme indiqué précédemment, cette obligation de dépenses d’insertion a évolué au
cours du temps. À sa création, en 1988, les charges d’insertion engagées par les
Départements devaient être égales à au moins 20 % du montant des allocations versées
sur son ressort au cours de l’année précédente. En 2001, cette obligation a été ramenée à
17 % pour finalement être purement et simplement abandonnée en 2005 lors de la
décentralisation totale du dispositif RMI.
La période retenue pour ce travail, 1996-2008, recouvre donc les trois stades
(charges d’insertion égales à 20 % des allocations n-1, charges d’insertion égalent à 17 %
de n-1, plus d’obligation légale), qu’a connus, en matière de charges d’insertion, le RMI
depuis son instauration en 1988.
3.3.1.
Les charges nettes d’insertion par allocataire
En ce qui concerne la moyenne des charges nettes d’insertion par allocataire2, la
tendance générale est à leur augmentation lente et continue. Ainsi elles sont passées de
575 € en 1996 à 905 € en 2008 par allocataire enregistrant une progression de 57,9 % sur
l’ensemble de la période. En euros constants, avec une inflation à 21,09 %3,
l’augmentation est de 30,78 %.
Les extrêmes départementaux ont connu une tout autre évolution. Les plus faibles
charges nettes par allocataires sont passées de 320 € (Indre-et-Loire, 1996) à 252 €
(Haute-Corse, 2008) connaissant ainsi une baisse de 21,25 % (- 35,22 % en tenant
compte de l’inflation). Quant aux Départements aux plus fortes charges d’insertion par
allocataire, ils ont connu une très forte progression, + 106,7 % (+ 70,08 % en données
corrigées), passant de 1 133 € (Territoire-de-Belfort, 1996) à 2 342 € (Marne, 2008) par
allocataire.
Lorsque l’on compare l’évolution des écarts entre les Départements à charge
d’insertion élevée et ceux à charge d’insertion faible4, on constate deux périodes bien
marquées : 1996-2001 et 2005-2008. La première période est une période de relative
stabilité des écarts indiquant une évolution parallèle des charges par allocataire même si
les écarts constatés sont relativement élevés – en 1996, le rapport est de 1 à 3,54 entre le
Territoire-de-Belfort (1 133 €) et l’Indre-et-Loire (320 €) et il est de 1 à 3,55 en 2001 (Lot-eto
o
er
1. cf. Annexe n 5, Loi n 88-1088 du 1 décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion. Article 41.
o
2. cf. Annexe n 15, Charge nette d’insertion par allocataire.
3. Taux d’inflation de 1996 à 2008. Source :
www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries.action?000441692=on&codeGroupe=797 et
www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries.action?000639203=on&codeGroupe=142
o
4. cf. Annexe n 15, Charge nette d’insertion par allocataire.
P a g e | 85
Garonne : 1 116 € versus Lozère : 314 €). La seconde période qui débute en 2005 est
caractérisée par un effet de ciseau qui voit la charge nette maximum par allocataire
s’établir en 2008 à 2 342 € (Marne) contre 252 € (Haute-Corse) pour la charge minimum,
le rapport constaté étant alors de 1 à 9,29 !
En comparant l’ensemble de ces éléments chiffrés avec la législation en vigueur sur
les dépenses d’insertion, nous pouvons constater la parfaite corrélation "entre le législatif
et le financier".
Évolution des charges nettes d’insertion par allocataire (1996-2008)1
Moyenne nationale (€)
Charge départementale la plus élevée (€)
Charge départementale la plus faible (€)
Linéaire (Moyenne nationale (€))
2700
Phase 1
Phase 2
Phase 3
2200
2 342
1 690 1 745
1700
1200
700
1 483
1 133
1 228
1 069
1 296
1 129 1 145 1 116
1 211
1 089
905
820
753
751
737
701 690
651 668 690
572 565 610
465 434
397 339
393
358
320 259 344 302
314
252
205
200
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
©Patrick Milhe Poutingon
Sources : Drees, bdsl
Les courbes des charges d’insertion suivent des évolutions parallèles pendant les
phases 1 et 2, stabilité dans un premier temps, légère baisse par la suite. Lorsqu’en 2005,
les charges d’insertion sont devenues libres, les courbes ont suivi des évolutions
opposées : tendance à la baisse pour les Départements à charges faibles, forte
augmentation pour les autres.
En ce qui concerne les écarts, les phases 1 et 2 sont marquées par une baisse les
faisant passer de 1 à 3,54 à 1 à 2,74. Il y a au cours de ces deux périodes une
harmonisation des dépenses d’insertion engagées par les Départements. Le rapport était
de 1 à 3,54 en 1996, à la veille de la fin de l’obligation légale, en 2004, ce même rapport
est de 1 à 4,37 (Seine-Saint-Denis : 1 069 € versus Haute-Garonne : 397 €). La phase 3
1. Phase 1 (1996-2000) : dépenses d’insertion fixées à 20 % des allocations n-1 – Phase 2 (2001-2004) : dépenses
d’insertion fixées à 17 % des allocations n-1 – Phase 3 (2005-2008) : dépenses d’insertion libres.
P a g e | 86
voit au contraire l’écart se creuser passant de 1 à 4,37 (Gers : 1 483 € versus Aisne :
339 €) à 1 à 9,29 (Marne : 2 342 € versus Haute-Corse : 252 €)1.
Au cours de notre période de référence, l’écart entre Département à charge d’insertion
élevée et Département à charge d’insertion faible a été multiplié par plus de 2,5 (2,64)
alors que, dans le même temps, la charge moyenne d’insertion a été multipliée par un peu
plus de 1,5 (1,58).
Évolution des écarts2 Charges nettes d’insertion par allocataire (1996-2008)
Linéaire …
10
Phase 1
9
Phase 2
Phase 3
9,29
8
8,24
7
6
5
4
4,13
3,54
3,28
3,74
3
3,55
2,91
2,79 2,79 2,74 4,37
4,87
2
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
©Patrick Milhe Poutingon
Sources : Drees, bdsl
La répartition géographique des Charges nettes d’insertion par allocataire3 et par
Départements, entre les Départements à taux élevés et ceux à taux faibles, ne permet pas
de mettre en exergue une zone géographique dans un cas comme dans l’autre. Pour les
Départements à taux fort, on peut juste remarquer une petite prégnance de la France du
nord-est avec les Départements de la Marne, de la Haute-Marne et des Vosges. Les
dépenses d’insertion ne semblent pas, par Département, suivre une logique particulière.
Les Départements sont tantôt dans les Départements à charge d’insertion élevée tantôt
dans ceux à charge d’insertion faible (Territoire-de-Belfort, Marne, Ain…)4.
3.3.2.
La part des dépenses d’insertion dans les budgets d’aide
sociale départementale
Le poids de la "solidarité nationale décentralisée" apparaît plus nettement lorsque
l’on examine la part des dépenses d’insertion, pour les allocataires du dispositif RMI, dans
o
1. cf. Annexe n 15, Charge nette d’insertion par allocataire.
2. Entre le Département à charge nette d’insertion par allocataire la plus élevée et celui à charge nette d’insertion la plus
faible.
o
3. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
4. cf. Annexe n 15, Charge nette d’insertion par allocataire.
P a g e | 87
les budgets d’aide sociale des Départements. Gardons en mémoire l’existence des trois
phases successives dans les obligations faites aux Départements dans le cadre des
dépenses d’insertion en direction des RMIstes1. L’évolution, sur l’ensemble de cette
période, montre que en moyenne, la part de ces dépenses d’insertion a baissé en passant
de 4,95 % à 3,51 % du budget d’aide sociale départementale2. Cette baisse est présente
aussi dans le cadre des Départements à taux faible qui, dans le même temps, sont passés
de 1,74 % (Mayenne, 1996) à 0,94 % (Eure-et-Loir, 2008). D’un point de vue linéaire, la
tendance est aussi à la baisse pour les Départements à taux élevé même si, pendant la
dernière phase (2005-2008), ils ont connu une progression qui les a conduits à 11,5 % en
2008 (Hérault). Ainsi, alors que la part des dépenses d’insertion se stabilisait en fin de
période pour les taux faibles, elle augmentait de manière très importante pour les taux
élevés.
Évolution des écarts3 Part des dépenses d’insertion
dans le budget de l’aide sociale départementale (1996-2008)
Linéaire
Linéaire ()
Phase 1
18,5
Phase 2
Phase 3
16,63
16,5
13,90
14,5
12,23
12,5
10,5
8,5
8,95*
8,02 8,47
7,49
6,71
5,32
6,5
4,5
5,84
6,28
7,19
6,04
4,48
2,5
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
©Patrick Milhe Poutingon
Sources : Drees
Les écarts entre les Départements vont rester élevés entre 1996 et 2008 avec un
rapport moyen de 1 à 5,524 (Hérault : 8,83 % versus Mayenne : 1,60 %). Si l’on juxtapose
les phases définies préalablement dans ce travail et l’évolution au cours de la période, on
peut noter là aussi de fortes adéquations.
1. cf. infra.
o
2. cf. Annexe n 16, Part des dépenses d’insertion dans le budget d’aide sociale départementale.
3. Entre le Département dont la part des dépenses d’insertion dans le budget de l’aide sociale départementale est la
plus élevée et celui dont la part des dépenses d’insertion dans le budget de l’aide sociale départementale est la plus
faible.
* en 2001, le pic est dû aux dépenses d’insertion de l’Ardèche (cf. Annexe no7, Tableaux généraux annuels de 1996 à
2008), exceptionnellement basses, sans explications particulières. Si l’on ne tient pas compte du chiffre de l’Ardèche, le
rapport moyen, pour 2001, est de 1 à 8,95 au lieu de 1 à 16,83.
o
4. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
P a g e | 88
Les déterminants financiers
©Patrick Milhe Poutingon
Au sein des périodes encadrées par la législation, pour les phases 1 et 2, les
écarts ont légèrement augmenté puis ont diminué. Durant toute cette première période, la
tendance générale était à la stabilisation, sinon à la diminution, des écarts entre
Départements à taux élevés et ceux à taux faibles. La phase 3 du graphique est marquée
par la forte accentuation des écarts avec, en toute fin de période, un rapport de 1 à 12,23
(Hérault : 11,50 % versus Eure-et-Loir : 0,94 %).
La part moyenne des dépenses d’insertion au sein du budget de l’aide sociale
départementale entre 1996 et 20081 est particulièrement élevée au sein des Départements
de l’amphithéâtre méditerranéen, à l’exception du Département de l’Aude (Hérault :
8,83 %, Bouches-du-Rhône : 8,68 %, Vaucluse : 7,81 %, Pyrénées-Orientales : 7,62 %,
Gard : 7,49 %, Haute-Corse : 7,09 %, Var : 6,76 %, Corse-du-Sud : 6,05 %). Ceux dont la
part des dépenses est la plus faible sont les Départements du sud du Massif central
(Aveyron : 2,07 %, Haute-Loire : 2,31 %, Lozère : 2,56 %) et une partie de ceux du grandouest (Mayenne : 1,60 %, Finistère : 2,53 %, Manche : 1,70 %).
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
P a g e | 89
L’ensemble des déterminants financiers ne fait qu’amplifier ces constats avec une
zone méditerranéenne très marquée par la charge financière du RMI à laquelle il convient
d’ajouter Paris et la Seine-Saint-Denis et, d’autre part, un zonage plus éclaté pour les
Départements les moins touchés.
Conclusion de la troisième partie
Dès la mise en place du Revenu Minimum d’Insertion en 1988, ce minima social,
expression de la solidarité nationale, avait une composante locale : les dépenses
d’insertion à la charge des Conseils généraux suivant des modalités définies par la loi. Au
cours des années qui ont suivi, la composante locale de ce dispositif a été accentuée, le
RMI devenant exclusivement départemental tant dans sa dimension allocation que dans
celle de l’insertion. Cependant, la fixation du montant de l’allocation restera toujours de la
compétence de l’État. L’ensemble du dispositif est transféré à la charge des Conseils
généraux moyennant une compensation financière prévue par la loi constitutionnelle
no2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
L’article 72-2 (4e alinéa) de la Constitution précise dorénavant que : « Tout transfert de
compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de
ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou
extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des
collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »
Au 1er janvier 2008, dernière année d’existence du RMI, l’allocation à taux plein
versée pour une personne est de 447,91 € quel que soit son lieu de résidence en France
métropolitaine. Les dépenses liées à son insertion sont laissées à l’appréciation des
Conseils généraux. Ainsi, au cours de la période étudiée, le "R" du RMI est resté empreint
de solidarité nationale, il n’en est pas de même pour le "I" d’insertion.
Dans un premier temps (1988-2004), les charges d’insertion étaient encadrées par la
loi comme nous l’avons vu précédemment. Pendant cette période, les écarts étaient
stables entre les Départements qui consacraient une somme importante à l’insertion et
ceux dont la dépense était plus faible. C’est à partir du moment où les charges d’insertion
n’ont plus été encadrées (2005-2008) que nous avons pu noter l’explosion des dépenses
d’insertion pour certains Conseils généraux et leur diminution pour d’autres.
En croisant les déterminants humains et les déterminants financiers, on peut
distinguer deux grands ensembles1. Le premier regroupe les Départements pour lesquels
o
1. cf. Annexe n 20, Carte regroupant les Départements marqués à la fois par les déterminants humains et les
déterminants financiers.
P a g e | 90
le RMI n’a que peu d’impact et le second, à l’opposé, les Départements où ce minima
social a une forte incidence. Ainsi nous pouvons distinguer :
Les Départements "appliqués"
Le premier ensemble, faiblement touché par le poids humain et financier du RMI,
est composé de cinq Départements : Mayenne, Haute-Loire, Lozère, Aveyron et Jura. Ils
connaissent tous un taux de chômage1 au-dessous de la moyenne nationale (10,02 %)
pour la période qui couvre notre travail. Si la Mayenne et le Jura sont isolés
géographiquement dans ce contexte et connaissent un taux de pauvreté2 au-dessous de
la moyenne nationale (12,83 % entre 2004 et 20083), le sud du Massif central est
fortement représenté avec trois Départements répartis sur trois Régions différentes :
Haute-Loire (Auvergne), Lozère (Languedoc-Roussillon) et Aveyron (Midi-Pyrénées).
Ce second groupe de Départements connaît aussi un taux de pauvreté supérieur à la
moyenne nationale : Haute-Loire : 14,21 %, Lozère : 15,91 % et Aveyron : 14,86 %.
L’ensemble de ces cinq Départements est peu touché par le RMI, tant sur le nombre
d’allocataires que sur celui des bénéficiaires, au regard de leur population totale. Sur le
plan financier, si la part des dépenses d’insertion dans le budget d’aide sociale
départementale est inférieure à la moyenne nationale de 4,66 %4 pour l’ensemble des
Départements de cet ensemble, seule la Lozère, avec 762,73 € par allocataire, consacre
une charge d’insertion par allocataire supérieure à la moyenne nationale (700,99 €). La
Lozère propose donc une politique volontariste, sur le plan financier, dans l’insertion des
RMIstes.
Ce premier ensemble de Départements reste donc "cohérent", hormis le cas de la
Lozère : peu d’allocataires et de bénéficiaires du RMI, peu de dépenses d’insertion
consacrées à ces mêmes allocataires et bénéficiaires. En cela, ils ont respecté l’axiome
instauré par la loi sur le RMI, jusqu’en 2004, les dépenses d’insertion étant
proportionnelles aux allocations versées.
Les Départements "travailleurs"
Le second ensemble, touché fortement par les déterminants humains et
financiers, comprend la Seine-Saint-Denis, les Pyrénées-Orientales, le Gard, les Bouchesdu-Rhône et l’Hérault. Hormis la Seine-Saint-Denis, les Départements de ce groupe se
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
2. Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est
inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l’ensemble de la
population. Eurostat et les pays européens utilisent en général un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie. (Insee)
o
3. cf. Annexe n 18, Taux de pauvreté par Départements de 2004 à 2008.
o
4. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
P a g e | 91
situent autour de la Méditerranée. L’ensemble de ce groupe connaît un taux de pauvreté
très supérieur à la moyenne nationale (12,83 %), de 16,59 % pour les Bouches-du-Rhône
à 20,74 % pour la Seine-Saint-Denis. Ils sont tous très marqués par le RMI puisque la part
des allocataires au sein des chômeurs dépasse 50 % alors que la moyenne nationale est
de 40,91 % et culmine même à près de 64 % (63,94 %) dans le cas des PyrénéesOrientales.
La part de leurs dépenses d’aide sociale départementale consacrée à l’insertion est
pour tous supérieure à la moyenne nationale de 4,66 %, s’échelonnant de 5,58 % pour la
Seine-Saint-Denis à 8,83 % pour l’Hérault. Cette forte part des dépenses d’insertion dans
le budget d’aide sociale ne se traduit pas forcément par une charge nette d’insertion par
allocataire supérieure à la moyenne nationale (700,99 €). Si, pour trois d’entre eux, cette
charge est supérieure (Bouches-du-Rhône : 744,86 €, Gard : 750,87 €, Hérault :
811,89 €)1, la charge d'insertion par individu, pour la Seine-Saint-Denis et pour les
Pyrénées-Orientales, est plus faible avec respectivement 665,43 € et 579,57 €.
Malgré un effort budgétaire important pour ces Départements fortement marqués par
le poids humain du RMI, aucun d’entre eux ne fait partie des dix Départements consacrant
la plus forte charge d’insertion par allocataire entre 1996 et 2008. Fortement "handicapés"
par le poids du nombre de personnes relevant du dispositif RMI, ils ne peuvent guère
dépasser la moyenne nationale sauf dans le cas de l’Hérault. Ce "handicap humain"
amène le Département des Pyrénées-Orientales à faire partie des dix Départements dont
la charge nette d’insertion par allocataire est la plus faible.
Les Départements "impliqués"
Seuls deux Départements, la Corse-du-Sud et le Vaucluse, font partie des dix
Conseils généraux qui consacrent une part élevée de l’aide sociale départementale aux
dépenses d’insertion et versent une charge nette d’insertion par allocataire également
dans les dix plus élevées.
Ils sont cependant absents des classements que nous avons retenus pour les
Départements "les dix premiers et les dix derniers" pour les items suivants :

Taux de chômage,

Part des allocataires au sein de la population totale,

Part des bénéficiaires au sein de la population totale.
La Corse-du-Sud et le Vaucluse sont également absents de tous les marqueurs
humains que nous avons étudiés excepté pour celui du nombre d’allocataires du RMI au
sein des chômeurs, avec respectivement des taux de 51,11 % et 53,59 % pour une
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
P a g e | 92
moyenne nationale à 40,91 %. De son côté, la Corse-du-Sud apparaît dans la liste des dix
Départements dont le nombre de bénéficiaires par allocataires est le plus faible : 1,65 pour
une moyenne nationale à 1,941. Enfin, ces deux Départements font partie des dix
Départements où le taux de pauvreté est le plus important.
Sur l’ensemble de la période (1996-2008), la tendance est à l’homogénéisation des
critères humains. Les écarts entre Départements ont tendance à se réduire. Sur une base
départementale, le taux de chômage2, le nombre d’allocataires au regard de la population
totale3 et le nombre de bénéficiaires par allocataires4 ont vu leurs écarts tendanciels se
réduire. Le nombre d’allocataires au sein des chômeurs5 est, lui, resté pratiquement stable,
seul le rapport entre bénéficiaires au sein de la population totale6 est en augmentation.
Toutefois,
les
déterminants
humains
restent
plus
marqués
sur
l’amphithéâtre
méditerranéen.
Quant aux critères financiers, à l’inverse, ils ont vu leurs écarts se creuser sur
l’ensemble de la période considérée. Ainsi, si les écarts tendanciels de la part des
dépenses d’insertion dans le budget d’aide sociale départementale7 n’ont que très
légèrement augmenté, ceux concernant la charge nette d’insertion par allocataires8 ont
explosé. On note donc une hétérogénéisation des critères financiers entre Départements
métropolitains.
Principaux résultats
La situation économique, notamment face à l’emploi, n’est pas égale sur
l’ensemble du territoire de la France. Nous avons pu démontrer que le poids humain du
chômage n’est pas le même pour l’ensemble des Départements. Ainsi ont été mis en
évidence des écarts importants sur le taux de chômage entre Conseils Généraux avec des
zones géographiques fortement affectées (amphithéâtre méditerranéen, Région Nord–
Pas-de-Calais) et, à l’inverse, des zones faiblement touchées. Plus encore, nous avons pu
mettre en évidence que dans certains Départements les allocataires du RMI
représentaient près des deux tiers des chômeurs alors que dans d’autres ils en
constituaient moins du quart. Le nombre de chômeurs sur la période 1996-2007 a baissé,
en France, de plus de 39 %. Si cette baisse est effective sur la totalité des Départements
métropolitains, de fortes disparités existent entre eux. Ainsi pour cinq Départements, le
o
1. cf. Annexe n 17, Tableaux généraux et cartes géographiques. Moyenne par item de la période étudiée.
o
2. cf. Annexe n 9, Taux de chômage.
o
3. cf. Annexe n 10, Allocataires au sein de la population totale.
o
4. cf. Annexe n 14, Bénéficiaires par allocataire.
o
5. cf. Annexe n 12, Allocataires au sein des chômeurs.
o
6. cf. Annexe n 13, Bénéficiaires au sein de la population totale.
o
7. cf. Annexe n 16, Part des dépenses d’insertion dans le budget d’aide sociale départementale.
o
8. cf. Annexe n 15, Charge nette d’insertion par allocataire.
P a g e | 93
nombre de chômeurs a été divisé par deux alors que, pour d’autres, cette baisse était de
moins de 20 %1. De son côté, le nombre d’allocataires du RMI a augmenté, au cours de la
même période, de 12,26 %. Mais, là aussi, il existe de fortes disparités. Le Département
de la Corse-du-Sud a vu son nombre d’allocataires chuter de plus de 50 % alors que, à
l’opposé, des augmentations de plus de 40 % existent pour de nombreux Départements
avec une augmentation atteignant même plus de 67 % pour le Haut-Rhin2.
L’impact humain ainsi constaté a, bien entendu, des répercussions sur le plan
financier. En effet, entre 1996 et 2004, les Départements devaient obligatoirement
consacrer une part de leur budget d’aide sociale à l’insertion sociale et professionnelle des
RMIstes et pouvaient, le cas échéant, consacrer également une part de leur budget
d’action sociale. Leurs dépenses d’aides sociales pour l’insertion étaient donc tributaires
du nombre de bénéficiaires3 du dispositif RMI.
Alors que le nombre de bénéficiaires a augmenté de 12 % au cours de la
période 1996-2008, la part du budget consacré aux charges d’insertion a, lui, baissé de
29,06 %. Seule une quinzaine de Départements a augmenté sa participation budgétaire en
direction de l’insertion des RMIstes avec pour certains un doublement de cette part (Marne
et Yvelines) alors que, durant cette même période, des Départements ont baissé la part de
leur budget d’aide sociale en direction de l’insertion des RMIstes de plus de 80 % (HauteCorse, Territoire-de-Belfort) ! Arrêtons-nous sur ces quatre Départements4 qui, à eux
seuls, résument parfaitement notre analyse :

La Marne a vu le nombre d’allocataires du RMI baisser de 21,95 %. Elle
consacrait, en 2008, 8,78 % de son budget départemental d’aide sociale à l’insertion
des RMIstes. Cette part a augmenté de 109,43 % entre 1996 et 2006. En valeur nette
moyenne, le Conseil général de la Marne consacrait, en 2009, 2 342 € par allocataire
du RMI pour son insertion. Le poids humain du dispositif a donc baissé et le Conseil
général a, pour sa part, augmenté ses dépenses en direction des RMIstes. On peut
émettre l’hypothèse que, ayant moins de RMIstes, la Marne ait choisi de faire un effort
en leur direction puisque la charge nette d’insertion par allocataire est, en 2008, la plus
importante de la France métropolitaine.

La Haute-Corse a vu aussi le nombre de ses allocataires baisser de
17,13 % entre 1996 et 2008. En fin de période, elle consacrait 1,26 % de son budget
d’aide sociale départementale à l’insertion des RMIstes. Cette part des dépenses était
aussi à la baisse, connaissant une réduction de 81,90 % par rapport à 1996. En 2008,
la Haute-Corse consacrait ainsi 252 € à chaque allocataire pour son insertion. Le poids
o
1. cf. Annexe n 21, Évolution des items de 1996 à 2009.
2. Ibid.
3. cf. Glossaire.
4. Marne, Yvelines, Haute-Corse et Territoire-de-Belfort.
P a g e | 94
humain du RMI a baissé et le Conseil général a baissé également ses dépenses
d’insertion. Comme hypothèse, nous pouvons avancer que la Haute-Corse,
connaissant une baisse du nombre de RMIstes, a baissé aussi la part de ses dépenses
liées à leur insertion, baisse conséquente, puisque, en 2008, le Conseil général de
Haute-Corse était le Département dont la charge d’insertion par allocataire était la plus
faible de tous les Départements métropolitains.

Les Yvelines ont vu leur nombre d’allocataires augmenter de 12,26 %,
consacrant, en 2008, 5,74 % de son budget départemental d’aide sociale à l’insertion
des RMIstes. La part de ces dépenses d’insertion a augmenté de 125,01 % depuis
1996. Les Yvelines dépensaient, en moyenne, 2 150 € de charges d’insertion par
allocataire en 2009. Le poids humain du RMI a donc augmenté et le Département a
choisi d’augmenter aussi ses dépenses. L’hypothèse suivante peut être envisagée, les
Yvelines, comptant plus de RMIstes, ont dépensé plus pour leur insertion, cette
augmentation marquant un effort important en leur direction à la vue de la part du
budget d’aide sociale départementale qui lui est consacrée.

Le Territoire-de-Belfort a, pour sa part, connu une augmentation importante
du nombre d’allocataires du RMI, + 41,91 % entre 1996 et 2008. Il consacrait 2,04 % de
son budget d’aide sociale départementale à l’insertion des RMIstes en 2008, ce qui
représentait une somme, par allocataire, de 452 €. Entre 1996 et 2008, cette part des
dépenses d’aide sociale départementale a baissé de 80,78 %. Le poids des RMIstes a
fortement augmenté tandis que le poids financier a, lui, fortement baissé. Nous pouvons
envisager l’hypothèse que l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI n’a pas
eu comme conséquences l’augmentation des dépenses d’insertion du Conseil général
du Territoire-de-Belfort. Au contraire, la part de ces dépenses a baissé.
Notons, pour conclure, que la Haute-Corse fait partie des dix Départements
consacrant la plus faible part de leur budget d’aide sociale départementale à l’insertion des
RMIstes (1,26 % en 2008), et qu’elle fait également partie des dix Départements français
dont le taux de pauvreté est plus fort (20 % en 2008). Les Yvelines, qui consacrent 5,74 %
de leur budget d’aide sociale départementale à l’insertion des RMIstes et font ainsi partie
des dix Départements au taux le plus élevé, se trouvent au sein des dix Départements où
le taux de pauvreté est le plus faible (7,3 % en 2008).1 L’aide financière apportée aux
allocataires du RMI dans leurs démarches d’insertion semble être tributaire, en partie, de
la richesse ou de la pauvreté de leur Département de résidence. Mais ce n’est pas la seule
explication possible… Pierre Muller, dans son ouvrage Les Politiques publiques, note,
o
o
1. cf. Annexe n 16, Part des dépenses d’insertion dans le budget d’aide sociale départementale et Annexe n 18, Tableaux
du taux de pauvreté à 60 %.
P a g e | 95
dans le chapitre intitulé Trois enjeux pour comprendre l’action publique aujourd’hui,
« Aujourd’hui, tend à se constituer, pour chaque entité territoriale, une structure spécifique
de problèmes qui vont faire l’objet de débats et déclencher la mise en place de politiques
locales. Cela signifie que les élus vont définir leurs politiques non pas en fonction de la
répartition des compétences prévues par la loi de décentralisation (qui est de plus en plus
souvent transgressée) mais en fonction de l’agenda politique local. C’est ce qu’Alain Faure
appelle "les grands récits du bien commun" que les différents territoires "s’inventent" pour
se définir un espace spécifique d’action publique. »1
Dans l’exemple du Revenu Minimum d’Insertion, sur lequel a porté notre analyse,
la Solidarité nationale est donc fractionnée, divisée, morcelée entre divers territoires et a
subi une territorialisation avec pour conséquences une inégalité entre usagers et une
inégalité entre Collectivités territoriales. Pour lutter contre ce fait inégalitaire, il faut donc
réaffirmer une solidarité nationale de droits, émanation de la République sociale.
1. MULLER Pierre, Les Politiques publiques, Presses Universitaires de France, Paris, 2010, pp. 107-108.
P a g e | 96
1
Pour le sociologue allemand Norbert Elias, les États occidentaux modernes sont
apparus vers le XVe siècle par le biais de conquêtes, notamment celle des monopoles et
celle des territoires et, pour asseoir leur pouvoir, ont mis en place une bureaucratie avec
des acteurs spécialisés. 2 C’est ainsi que l’État a obtenu le « pouvoir de commander d’une
façon absolue […] avec une puissance de coercition irrésistible 3 » faisant naître « la
marque distinctive et la condition de l’État […] l’existence d’une puissance originaire de
domination » 4. Il aura fallu à la France de longs siècles pour instaurer une première
constitution écrite (1791) qui sera suivie de nombreux autres textes jusqu’à la constitution
actuelle de la Ve République.
1. Lien social, « Sur une feuille de papier blanc de deux mètres de côté posée sur un chevalet, une calligraphie est
exposée dans le pavillon du temple Kiyomizu dominant Kyoto. Elle ne comporte qu'un seul idéogramme tracé de la
main du supérieur de ce temple, symbole de l'ancienne capitale. Cette année [2011], l'idéogramme choisi par
l'Association pour l'examen des capacités en caractères chinois, est ce "lien" (kizuna) composé de deux éléments
signifiant l'un "fil" et l'autre "moitié", "partage ». www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/12/21/le-lien-socialideogramme-de-l-annee-au-japon_1620754_3216.html
2. ELIAS Norbert, Une Dynamique de l’Occident, Pocket, Paris, 2003.
3. CARRÉ de MALBERG Raymond, op. cit., p. 158.
4. Ibid.
P a g e | 97
Rappel de la problématique
À la suite d’une "longue gestation", est née la République française caractérisée,
de nos jours, par quatre adjectifs : indivisible, laïque, démocratique et sociale que l’on peut
résumer de la sorte :
©Patrick Milhe Poutingon
Au cours des dernières décennies du XXe siècle et au début du XXIe siècle, des
modifications
dans
son
organisation
sont
intervenues.
Différentes
réformes
constitutionnelles ont instauré une décentralisation, un nouvel ordre juridique « composé
d’une entité supérieure […] et d’un ou plusieurs niveaux d’entités inférieures […], la
répartition verticale des compétences [reflétant] la volonté d’attribuer certains domaines au
niveau
supérieur,
et
d’autres au niveau
inférieur »1.
Les compétences
ainsi
"décentralisées" suivent différents mécanismes « de compétence générale ou de
compétences d’attributions, ces dernières se divisant elles-mêmes entre compétences
exclusives et compétences partagées »2. On parle plus généralement de transferts de
compétences opérés de l’État central vers les Collectivités territoriales.
La France est donc devenue, au cours du temps, une République sociale et une
République décentralisée. Ce nouveau Léviathan, pour reprendre la formule de Thomas
Hobbes 3, pose la question de la conciliation entre la notion de solidarité nationale
(émanation de la République sociale), d’égalité des droits (émanation de la République
indivisible), et son organisation décentralisée. La question que nous nous sommes alors
posée était la suivante : existerait-il un conflit entre droits sociaux universels, solidarité
nationale et territoires d’application de ces mêmes droits ? Nous avons alors évoqué, au
1. DEROSIER Jean-Philippe, « La Dialectique centralisation/décentralisation », VIe Congrès de Droit constitutionnel,
Montpellier, 9-11 juin 2005.
2. Ibid.
3. HOBBES Thomas, Léviathan, Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile,
Gallimard, Paris, 2000.
P a g e | 98
début de ce travail, la possible existence de deux ruptures qui pouvaient caractériser ce
conflit entre République sociale et République égalitaire. La première rupture est celle de
l’égalité républicaine entre les citoyens, ou plus exactement entre les personnes relevant
de l’aide et de l’action sociales. La seconde est relative aux territoires de cette même aide
et action sociales, les Collectivités territoriales.
Pour tenter de démontrer l’existence de ces phénomènes, nous nous sommes
intéressés au Revenu Minimum d’Insertion, qui a existé en France de 1988 à 2008, soit
vingt ans alors qu’il avait été prévu pour une durée courte. Ce minima social était
l’incarnation la plus emblématique de la République sociale, reprenant ainsi les idéaux de
la IIe République, du Conseil national de la Résistance et ceux de la IVe République, idéaux
que l’on peut résumer en ces termes : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de
son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de
travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »1 Le
RMI, d’essence nationale puisque minima social et donc émanation de la solidarité
nationale, était une compétence partagée entre l’État et les Conseils généraux ; le premier
définissant le montant de l’allocation et assurant son paiement jusqu’en 2005, les seconds
prenant en charge les dépenses d’insertion dont le montant a été défini par l’État jusqu’en
2005 et assurant le paiement de l’allocation à partir de cette même date. Le RMI était donc
une allocation qui s’adressait aux personnes sans emploi qui avaient épuisé leurs droits à
l’aide sociale en direction des personnes à la recherche d’un emploi : Allocation d’aide au
retour à l’emploi (ARE), Allocation de solidarité spécifique (ASS).
Apports à la réflexion
La solidarité nationale résulte de la mise en action de normes présentes au sein
de notre bloc de constitutionnalité. Au sein de la Constitution de la Ve République, la
solidarité apparaît dans son Préambule « Le peuple français proclame solennellement son
attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils
ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la
Constitution de 1946 […]. » 2 Rappelons, si besoin est, que le Préambule de la Constitution
de 1946 stipule que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou
mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit
d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »3 La solidarité nationale,
stratégie nationale de lutte contre les inégalités et la précarité, s’incarne totalement dans la
mise en place des minima sociaux mais cette stratégie ne semble pas pouvoir être
1. Constitution de la Ve République, Préambule.
2. Ibid.
3. Constitution de la IVe République, Préambule, alinéa 11.
P a g e | 99
territorialisée. Pour Olivier Mériaux, le territoire « peut […] devenir un cadre trop étroit pour
les interactions utiles à la poursuite de l’intérêt collectif : […] soit qu’il ne soit pas à la bonne
échelle pour que certaines normes politiques fondamentales soient mises en œuvre (la
solidarité "nationale") » 1.
Nous avons ainsi apporté une réponse positive partielle, forcément partielle, aux
interrogations émises, d’une part, par Alain Faure 2, dans l’introduction de l’ouvrage qu’il a
codirigé avec Anne-Cécile Douillet 3, L’Action publique et la question territoriale, « Est-il
possible d’observer des "effets de territorialisations" qui touchent aux symboles du
politique et qui en modifient la portée générale ? » 4 Et, d’autre, celles émisent part par
Valérie Donier, « Étudier l’action sociale sous le prisme de l’égalité invite ainsi à
s’interroger sur la conciliation entre le principe de libre administration et d’égalité : si la
situation sociale de l’usager peut constituer un critère de distinction à l’égard du service
public de l’action sociale, le lieu de résidence peut-il, lui aussi, être considéré comme un
critère de distinction légitime ? » 5 Nous avons pu constater que les allocataires du RMI ne
bénéficiaient pas des mêmes concours financiers des Conseils généraux dans leurs
démarches d’insertion et ce, que ce soit pendant la période où les dépenses d’insertion
étaient cadrées par loi (1996-2004) ou après celle-ci (2005-2008). Il y a donc rupture de
l’égalité républicaine lors de la territorialisation du RMI, or « Le principe d’égalité est
pourtant solidement installé et protégé dans notre bloc de constitutionnalité. Il apparaît
ainsi dans le Préambule, mais est également affirmé avec force à l’article premier de la
Constitution du 4 octobre 1958, article dans lequel est désormais parallèlement inscrit le
caractère décentralisé de l’organisation de la République, avant que l’article deux ne
rappelle sa devise : "Liberté, égalité, fraternité" 6. » 7
L’exemple que nous avons retenu pour notre travail, le Revenu Minimum
d’Insertion, n’est pas un cas isolé dans les problèmes rencontrés avec la territorialisation
des politiques de solidarité nationale.
1. MÉRIAUX Olivier, « Le Débordement territorial des politiques sectorielles », in FAURE Alain, DOUILLET Anne-Cécile,
L’Action politique et la question territoriale, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2005, p. 27.
2. Docteur en Science politique et Directeur de recherche au CNRS (Laboratoire PACTE – Institut d’Études politiques de
Grenoble).
3. Maître de conférences en Science politique à l’Université de Franche-Comté (Besançon).
4. FAURE Alain, DOUILLET Anne-Cécile, L’Action politique et la question territoriale, Presses Universitaires de Grenoble,
Grenoble, 2005, p. 15.
5. DONIER Virginie, « Le Principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales », op. cit., p. 640.
6. En italique dans le texte.
7. KADA Nicolas, « L’Acte II de la décentralisation et le principe d’égalité », VIe Congrès de droit constitutionnel de
Montpellier – 9,10 et 11 juin 2005, p. 1.
P a g e | 100
En 1997, la Prestation Spécifique Dépendance (PSD) est instaurée1. Elle s’adresse
aux personnes âgées de 60 ans ou plus qui sont les plus lourdement dépendantes. Cette
prestation a été placée sous le régime de l’aide sociale, relevant de la compétence et du
financement des Conseils généraux. Les Départements fixaient eux-mêmes le montant de
la prestation. Trois ans plus tard, en mars 2000, le sénateur Claude Saunier, dans une
question écrite à Martine Aubry (ministre de l’Emploi et de la Solidarité), évoquait les
disparités existantes dans l’application de la loi, « cette prestation est gérée au niveau local
et s’effectue donc différemment selon les conseils généraux, ce qui est source de
disparités. Il devient donc important de favoriser une application homogène de ce dispositif
sur l’ensemble du territoire. » 2 En 2001, la Drees faisait, à son tour, état de « disparités
départementales relativement importantes. […] le montant moyen de la PSD mensuelle à
domicile varie de 1 456 à 6 742 F, soit un rapport de 1 à 4,6. »3 Dès 2001, une nouvelle loi
loi et une nouvelle prestation sont mises en place, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie
(APA) 4, calculée sur la base d’un barème national homogène sur tout le territoire.
Plus près de nous, en 2011, le problème du financement de l’accueil des Mineurs
étrangers isolés a été porté sur le devant de l’actualité par le Conseil général de SeineSaint-Denis. Ce Département, « l’un des plus pauvres de France et particulièrement
exposé à l’afflux de ces publics vulnérables du fait de la proximité de l’aéroport de RoissyCharles-de-Gaulle, en prend en charge près d’un millier. » 5 Cette prise en charge des
mineurs isolés étrangers par les Conseils généraux repose sur la législation française :
« La
protection
de
l’enfance
fait
primer
leur
condition
d’enfant
et
assimile
les mineurs isolés étrangers aux enfants nationaux. […] Il s’agit d’une prise en charge par
les services départementaux de l’Aide Sociale à l’Enfance qui vise à leur apporter
un soutien matériel, éducatif et psychologique le temps de leur majorité (construction d’un
projet de vie), avec une possibilité de soutien prolongé jusqu’à 21 ans. »6 Mais le problème
problème des mineurs isolés étrangers est un problème migratoire, politique qui est du
ressort de l’État, et l’Assemblée des Départements de France en « appel à la
1. Loi no97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les
personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation
spécifique dépendance.
2. SAUNIER Claude, Question écrite no23389, Journal Officiel du Sénat, 9 mars 2000, p. 838.
3. « La Prestation spécifique dépendance au 30 septembre 2000 », Études et Résultats no98, janvier 2001, Drees, pp. 3-4.
4. Loi no2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à
l’allocation personnalisée d’autonomie.
5. LE BRIS Maryannick, « Mineurs isolés : un dispositif de répartition soulage la Seine-Saint-Denis », Actualités Sociales
Hebdomadaires, no2728, 14 octobre 2011.
6. LAURANT Sophie, « Enfance en danger : les mineurs isolés étrangers », Mission d’Information sur la Pauvreté et
l’Exclusion sociale en Île-de-France, mipes.org.
P a g e | 101
responsabilité de l’État pour qu’il assure un pilotage solidaire et responsable de la prise en
charge des mineurs isolés étrangers […] ».1
La République sociale, quelle ingénierie pour demain ?
Comme le dit Virginie Donier, « étudier l’action sociale conduit à s’interroger sur la
place dévolue aux principes d’égalité et de solidarité au sein de l’ordre juridique, et sur les
modalités de mise en œuvre de ces deux principes puisque l’action sociale est largement
territorialisée. » 2 Avant de proposer plusieurs scénarios, il est important de rappeler le
cadre de ce travail. Le cadre général est la notion de solidarité nationale au sein de la
République sociale qui trouve son expression dans l’existence de minima sociaux. Ces
minima sociaux relèvent de l’aide sociale légale ou obligatoire. Là aussi, comme le
souligne Virginie Donier, « S’il est indispensable de garantir l’égal accès à un socle
commun de prestations sur l’ensemble du territoire, il est également important de
reconnaître aux collectivités territoriales la possibilité de compléter ce socle en fonction de
leurs particularités locales. »3
Deux scénarios peuvent être envisagés dans l’organisation de la solidarité
nationale sur le territoire métropolitain. Le premier s’appuie sur la réforme des Collectivités
territoriales votées en fin d’année 2010, le second penche du côté d’un retour de l’État sur
ce terrain de la solidarité nationale.

Premier scénario, à la suite de la loi de réforme des collectivités territoriales du
16 décembre 20104.
Cette nouvelle "loi de décentralisation" n’a toujours pas choisi de limiter le nombre de
Collectivités territoriales sur le territoire français. Le Rapport du Comité pour la réforme des
collectivités locales (mars 2009) prônait la suppression d’au moins un échelon de
Collectivités territoriales sans spécifier lequel. De son côté, le Rapport de la Commission
pour la libération de la croissance française (janvier 2008) prônait lui la suppression des
Départements. Dans les faits, avec l’élection d’un Conseiller territorial en lieu et place du
Conseiller général et du Conseiller régional, c’est à une sorte de regroupement des
Départements et des Régions que s’est livrée cette réforme et cela devrait aboutir à la
redéfinition des contours et des compétences de Collectivités territoriales avec, peut-être,
une forte prédominance pour les Communes (Métropole régionale, Pôle métropolitain,
intercommunalité) et pour les Régions. En cela, la France poursuivrait le modèle européen
1. LE BRIS Maryannick, « Mineurs isolés : l’annonce d’une meilleure répartition apaise la situation dans la Seine-SaintDenis », Actualités Sociales Hebdomadaires, no2726, 30 septembre 2011.
2. DONIER Virginie, « Le Principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales », op. cit., p. 639.
3. Ibid., p. 647.
4. Loi no2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
P a g e | 102
d’Europe des Régions. Pour l’heure, la répartition des compétences n’a pas été faite et elle
ne définit donc plus de blocs de compétences dévolus à l’une ou l’autre des Collectivités
territoriales. La loi de réforme des collectivités territoriales prévoit que cette redéfinition des
compétences se fera à partir du 1er janvier 2015, suite aux élections des nouveaux
Conseillers territoriaux en mars 2014.
Autre aspect de la loi, les Collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent fusionner
suivant des modalités strictes encadrées par cette même loi. Déjà, des processus sont en
discussion ou en cours, c’est le cas dans la Région Alsace ou les deux Départements qui
composent cette Région administrative ont entamé la fusion des trois Collectivités
territoriales (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Alsace) pour n’en former plus qu’une. Une réflexion,
depuis plusieurs années, est menée en Haute-Normandie et en Basse-Normandie pour
une fusion des deux Régions.
Du point de vue des politiques sociales, notamment celles visant la solidarité
nationale, tout changement d’échelle vers un niveau supérieur va dans le sens d’une
meilleure égalité de traitement des personnes. La politique sociale, pas plus que la
politique économique, ne peut guère, à l’heure de la mondialisation, se décider sur le
ressort d’un territoire trop exigu. La solidarité nationale régionalisée devrait permettre une
meilleure cohérence des dispositifs et des actions. En cela la Région, et les nouvelles
Régions issues de fusions, devraient acquérir les compétences en matière d’aides
sociales légales tout comme les Agences Régionales de Santé, ont obtenu cette
compétence en matière de protection sociale et de politique médicale et médico-sociale. Il
restera toujours une adaptation possible des aides au profil des habitants sur des zones
plus ramassées que pourront être les Métropoles régionales ou les Pôles métropolitains à
l’instar de la réflexion sur le Grand Paris. Les Collectivités territoriales sont alors perçues
comme des variables dépendantes de l’État dans la mise en œuvre de la solidarité
nationale.
Gouvernance de l’aide et de l’action sociales
Scénario 1 "Portage décentralisé"
État
Commune,
Région,
Métropole régionale,
"Grande Région"
Pôle métropolitain
Aide sociale
Définition
Portage
X
Action sociale
X
Définition et Portage
Définition et Portage
©Patrick Milhe Poutingon
P a g e | 103

Second scénario, réappropriation de la solidarité nationale par l’État.
Suite à la décentralisation de l’aide et de l’action sociales, nous avons pu constater
que des disparités territoriales pouvaient exister, résultant de déterminants humains et/ou
financiers propres à chaque Conseil général. L’aide sociale relève de la solidarité nationale
et non de la solidarité locale. Il est donc concevable que la puissance publique, l’État,
redevienne le pivot de la solidarité nationale, le financeur et le porteur, par le biais des
Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale.
Cette "reprise en main" de l’aide sociale légale par l’État risque de soulever des
protestations de la part des Départements qui en avaient la gestion depuis 2003, gestion
dont le poids financier a été moult fois dénoncé par eux. Michel Borgetto a souligné cette
ambivalence des Départements au sujet de ces attributions qui avaient « été acceptées
voire revendiquées avec force par les Départements, ceux-ci ayant vu, sans doute, dans
l’élargissement sensible de leurs compétences, un excellent moyen de faire échec aux
thèses, formulées de manière récurrente, préconisant la suppression pure et simple de
leur échelon territorial. » 1
Il s’agit donc, dans ce scénario, de recentraliser l’aide sociale, recentralisation qui
pourrait intervenir concomitamment avec le débat sur les domaines de compétences des
Collectivités territoriales qui doit avoir lieu à partir de 2015. Ce retour à l’État de la politique
de solidarité nationale doit s’accompagner d’une réflexion sur la déconcentration de celuici afin d’assurer une complète gouvernance de la politique d’aide sociale. Ainsi l’État
appliquerait pleinement le principe du "qui décide, paie" qui mettrait un terme « aux
disparités territoriales résultant des moyens financiers très inégaux dont disposent les
collectivités, disparités que les mécanismes de péréquation financière (pourtant
expressément visés par la Constitution) n’ont guère permis de réduire. » 2
Gouvernance de l’aide et de l’action sociales
Scénario 2 "Portage déconcentré »
État
Commune,
Région,
Métropole régionale,
"Grande Région"
Pôle métropolitain
Aide sociale
Définition et Portage
X
X
Action sociale
X
Définition et Portage
Définition et Portage
©Patrick Milhe Poutingon
Dans l’ouvrage intitulé L’Ingénierie sociale, les auteurs affirment que l’ingénierie
sociale est une nouvelle politique résultant « de l’imbrication de trois types de logiques :
1. BORGETTO Michel, « La Décentralisation du "social" en débat(s) », in HELFTER Clémence (coord.), Décentralisation
dans le champ social : où en est-on ?, Informations sociales, no162, novembre-décembre 2010, p. 18.
2. Ibid., p. 15.
P a g e | 104
−
la logique socio-économique,
−
la logique politique,
−
la logique technique. » 1
C’est pourquoi ce second scénario a notre préférence.
1.
Il présente une logique socio-économique en remettant dans une sorte de
"pot commun" les dépenses relevant de l’aide sociale. Les Collectivités territoriales ne
doivent pas être tributaires de leur situation démographique et/ou économique dans
leur politique sociale, ou alors, en complément, par le biais de l’action sociale
facultative. C’est la Nation, la République sociale, qui « assure à l’individu et à la
famille les conditions nécessaires à leur développement. » 2 Si les Collectivités
devaient assumer « les moyens convenables d’existence » 3, le risque serait de voir
ces mêmes Collectivités territoriales "choisir" leurs administrés comme peut le laisser
penser la politique de construction de logements sociaux.
2.
Techniquement,
il redonnerait
une
place
prépondérante
à
l’État
déconcentré dans la lutte contre les inégalités et la précarité. L’État redeviendrait ainsi
"La" République sociale garante de la solidarité nationale des citoyens et de ceux qui
sont accueillis sur son territoire.
3.
Politiquement, ce scénario permettrait enfin de répondre à l’une des
questions sociales récurrentes de ces dernières années : la fragilité du lien social. « La
question sociale est centrée, non plus sur les rapports conflictuels entre les forces du
capital et celles du travail, mais sur la fragilité du lien social et les risques de sa rupture.
Selon les registres, on évoquera la déchirure du tissu social, on parlera de fracture
sociale d’un corps qui se disloque, on insistera sur la fragmentation du champ social
refoulant aux marges extrêmes ceux qu’on appelle les exclus. »4 Dans ce cadre, la
Nation représente une communauté de citoyens qui décident de vivre ensemble. Pour
cela, ils doivent partager les mêmes valeurs comme l’égalité, la liberté, la justice
sociale…
Le retour de la solidarité nationale dans le giron de l’État, incarnation de la
République sociale, redonnerait sens au lien social, en conciliant égalité, justice sociale,
lien communautaire et lien civique. Liberté, Égalité, Fraternité, est la devise républicaine
gravée au fronton des édifices publics et l’on peut qualifier la solidarité de « fraternité en
1. DE GAULEJAC Vincent, BONETTI Michel, FRAISSE Jean, L’Ingénierie sociale, Syros/Alternatives sociales, Paris,
1989, p. 19.
2. Constitution de la IVe République, Préambule.
3. Ibid.
4. CHANTREAU André, « Lien social », in BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte (dir.), Nouveau dictionnaire critique
d’action sociale, Bayard, Paris, 2006.
P a g e | 105
actes » 1. Investir sur la solidarité doit redevenir un « outil majeur d’un vivre ensemble sur
un pied d’égalité en droits »2. C’est « en fonction de la nature des relations sociales, et non
des opportunités institutionnelles, que les unités administratives doivent être définies. » 3
Loin d’être réactionnaire et conservateur, ce retour d’un État-nation moderne laisserait
toute sa place aux politiques locales décidées et menées par des Collectivités territoriales
recentrées sur des compétences dont elles peuvent maîtriser le volume et le coût.
On n’est donc plus sur la vieille dualité "moins ou plus d’État" mais sur un État
autrement soucieux de l’égalité et la solidarité, idéaux de société toujours reconnus au XXIe
siècle. Les politiques sociales seraient faites pour des personnes et non des territoires, se
pose alors la question de l’articulation entre la solidarité nationale et la solidarité
européenne (UE).
1. Investir sur la solidarité (coll.), Disponible en ligne sur : www.investirsurlasolidarite.org/media/00/01/14878761.pdf,
[Date d’accès : 14 janvier 2012), p. 45.
2. Ibid., p. 47.
3. DE GAULEJAC Vincent, BONETTI Michel, FRAISSE Jean, op. cit., p. 62.
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T A B L E
D E S
A B R É V I A T I O N S
AAH
AER
AI
ANPE
API
ASI
ASPA
ASS
ASSEDIC
ATA
ATD-Quart Monde
ATR
AV
BDSL
BIT
CCAS
CHRS
CIAS
CMU
CNAF
CNAM
CNASE
DREES
EPT
IGAS
INSEE
JO
MSA
RMI
RSA
RSA-Jeune
RSO
SDF
TIPP
UDF
UNCCAS
Allocation Adulte Handicapé
Allocation Équivalent Retraite – Remplacement
Allocation d’Insertion
Agence Nationale Pour l’Emploi
Allocation de Parent Isolé
Allocation Supplémentaire d‘Invalidité
Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées
Allocation de Solidarité Spécifique
Association pour l'Emploi Dans l'Industrie et le
Commerce
Allocation Temporaire d’Attente
Aide à Toute Détresse-Quart Monde
Administration Territoriale de la République
Allocation d’Assurance Veuvage
Base de Données Sociales Localisées
Bureau International du Travail
Centre Communal d’Action Sociale
Centre d’Hébergement et de Réhabilitation Sociale
Centre Intercommunal d’Action Sociale
Couverture Maladie Universelle
Caisse Nationale d’Allocation Familiale
Caisse Nationale d’Assurance Maladie
Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie
Direction de la Recherche, des Eudes, de l’Évaluation et
des Statistiques
Établissement Public Territorial
Inspection Générale des Affaires Sociales
Institut National de la Statistique et des Études
Économiques
Journal Officiel
Mutualité Sociale Agricole
Revenu Minimum d’Insertion
Revenu de Solidarité Active
Revenu de Solidarité Active – Jeune
Revenu de Solidarité spécifique pour les Départements
d’Outre-mer
Sans Domicile Fixe
Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers
Union pour la Démocratie Française
Union Nationale des Centres Communaux d’Action
Sociale
UNEDIC Union Nationale interprofessionnelle pour l'Emploi Dans
l'Industrie et le Commerce
G L O S S A I R E
Allocataire : l’allocataire est la personne qui remplit les conditions pour ouvrir
droit à une prestation.
Allocataire du RMI : ensemble des personnes ayant accès au dispositif RMI par
les Caf quel que soit le montant de l’allocation (y compris égale à zéro).
Bénéficiaire du RMI : la notion de bénéficiaire du dispositif RMI regroupe les
allocataires et les ayants droit.
Charges d’insertion réelle : elles concernent les charges d’insertion prévues
dans le dispositif RMI :
 20 % des dépenses du RMI de l’État dans le Département pour la
période allant de 1988 à 2000.
 17 % des dépenses du RMI de l’État dans le Département pour la
période allant de 2001 à 2004.
 Aucune obligation de 2005 à 2008.
Chômeurs : demandeurs d’emploi de catégorie 1. Les demandeurs d’emploi de
catégorie 1 sont les personnes inscrites à l’ANPE 1, déclarant être à la
recherche d’un emploi à temps plein et à durée indéterminée et ayant
éventuellement exercé une activité occasionnelle ou réduite d’au plus 8 heures
dans le mois.
Dépenses totales nettes d’aide sociale de la compétence du Département : ce
sont les dépenses d’aide sociale des Départements après déduction des
récupérations et recouvrements, mais elles englobent les dépenses prises en
charge par l’État par l’intermédiaire de la Caisse Nationale de Solidarité pour
l’Autonomie (CNSA) et de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP).
Taux de chômage : le taux de chômage est le rapport entre le nombre de
chômeurs défini au sens du Bureau International du Travail (BIT) et la
population active totale qui comprend les personnes salariées et non salariées
ainsi que les chômeurs.
Taux de pauvreté : un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre
lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de
pauvreté. Le seuil est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie
de l’ensemble de la population. Eurostat et les pays européens utilisent en
général un seuil à 60 % de la médiane 2 des niveaux de vie.
1. Pour la période qui nous concerne, 1996-2008, l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE) existe encore, puisque sa
fusion avec l’ASSEDIC créant le Pôle Emploi n’aura lieu qu’en décembre 2009.
2. Niveau qui sépare en deux parts égales l’ensemble de référence.
T A B L E
D E S
I L L U S T R A T I O N S
Liste des figures
I
N
T
I
T
U
L
Page
É
Baromètre Marianne du Chômage – Janvier 2011
12
Principes d’un revenu minimum
71
Les allocataires de minima sociaux (1990 à 2008) – France métropolitaine
73
Nombre de Chômeurs et nombre d’Allocataires du RMI (1996 à 2007)
74
Les déterminants humains
82
Les déterminants financiers
88
Liste des tableaux
I
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I
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L
Page
É
Sources des données
13
Évolution de la notion de citoyenneté en Occident (XVIIIe-XXe siècle)
26
Dispositif du Revenu Minimum d’Insertion
73
Exemple de Dépenses d’insertion prévues par la loi
79
Évolution des Charges nettes d’insertion par allocataire (1996-2008)
85
Évolution des écarts Charges nettes d’insertion par allocataire
(1996-2008)
86
Évolution des écarts Part des dépenses d’insertion dans le budget de
l’aide sociale départementale (1996-2008)
87
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale
97
Scénario 1, Portage décentralisé
102
Scénario 2, Portage déconcentré
103
Diplôme :
Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale (DEIS)
Nom du candidat :
MILHE POUTINGON
Prénom :
Patrick
Janvier 2012
Titre du mémoire :
La décentralisation des politiques sociales est-elle conciliable avec l’exercice
de la solidarité nationale ?
L’exemple du revenu minimum d’insertion
Note de synthèse :
La République sociale, née de la Révolution française, est conceptualisée par les
révolutionnaires de 1848 lors de la rédaction de la Constitution de la IIe République.
Cette notion novatrice, mise en sommeil pendant près d’un siècle, sera reprise par les
constituants de 1946 dans le Préambule de la IVe République, « Tout être humain, qui
en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se
trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens
convenables d’existence. » Depuis, la solidarité nationale, fruit de la République
sociale, a été intégrée dans le bloc de constitutionnalité de la Ve République. À partir
des années 1980, la France a mis en place un processus de décentralisation qui a
touché l’aide et l’action sociale, et dans une moindre mesure la protection sociale,
réalités tangibles de la solidarité nationale. Notre interrogation est alors la suivante :
comment un État peut-il être garant de la solidarité nationale et décentralisé dans son
organisation ? Il pourrait donc exister une tension entre la notion de solidarité nationale
d’une part et la décentralisation de l’aide sociale d’autre part ?
Le choix méthodologique s’est porté sur l’observation documentaire : textes à
portée constitutionnelle depuis 1789 et statistiques diverses émanant principalement
de l’Insee, la Drees et de la bdsl. Après une étude des textes constitutionnels placée
sous les prismes de la solidarité, de l’égalité et du territoire, une analyse des politiques
sociales met en évidence l’importance de la solidarité nationale à travers l’existence
des minima sociaux. C’est par le biais du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et de son
volet insertion que nous avons étudié la possible existence de la tension entre
solidarité nationale et décentralisation des politiques sociales. L’étude porte sur un
vaste ensemble de paramètres socio-économiques départementaux : population totale,
chômeurs et taux de chômage, Allocataires et bénéficiaires du RMI, dépenses
d’insertion dans le cadre du RMI, budget d’aide sociale départementale, secteurs
d’activité, pauvreté.
La conclusion réinterroge le binôme Politiques sociales/Égalité, à l’aulne de la
Constitution de la Ve République et propose des scénarios pour une ingénierie sociale
plus soucieuse de la Solidarité nationale au XXIe siècle.
Mots-clés :
Action sociale, Aide sociale, Décentralisation, Département, Égalité, Minima sociaux,
République sociale, Revenu Minimum d’Insertion, Territoire/Territorialité/Territorialisation.
Nombre de pages : 105
Volume d’annexes : 1 – Nombre de pages : CXI
Centres de formation : ETSUP 8 villa du Parc Montsouris 75014 Paris
Les propos tenus dans ce document n’engagent que leur auteur.