N° 266 - Décembre 2010 ( - 4201 Ko)
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Recherche et développement technologique 266 ... Décembre ... 2010 2010 Le mag’ scientifique www.athena.wallonie.be · Mensuel ne paraissant pas en juillet et août · Bureau de dépôt Bruxelles X L'Union à l'heure spatiale La Chimie, vilain petit canard ? ... ... ... ... ATHENA 266 · Décembre 2010 > EDITO Édito Mon beau sapin… Texte: Géraldine TRAN • Rédac’chef • Photo: F. VOISIN-DEMERY/Flickr (titre), M. LAGNEAU/Flickr 2 Déesse grecque de la guerre, des arts, des sciences et des techniques, Athena est la fille de Zeus et de Métis. Elle a pour attributs la lance, le casque, l'égide, et l'olivier. Son animal favori est la chouette, symbole d'intelligence et de sagesse... De circonstance, voici le superbe harfang des neiges (Bubo scandiacus). P our ce dernier numéro de l’année, j’avais envie de vous parler de plein de choses qui m’ont interpellée ces derniers temps: cela va des chiffres affolants que l’on a vu ressurgir à l’occasion de la journée internationale contre le SIDA à la Grande-Bretagne qui, pour renflouer ses caisses, serait prête à vendre et donc privatiser le peu de forêts qu’il lui reste; en passant par l’issue plus que douteuse quant à un accord international global au sommet sur le climat de Cancun; les assiettes «empoisonnées» de nos enfants qui, selon une étude récente, seraient potentiellement exposés à 128 résidus chimiques chaque jour, dont certains s’avèrent cancérigènes probables voire certains; de cette année de la biodiversité qui se termine et de la lumière qui se tamisera sans doute sur les problèmes qui en découlent; de la dépression saisonnière qui pourrait trouver une solution partielle par un traitement à la lumière bleue ou encore des découvertes de la Nasa d'un autre type de vie qui défierait la «théorie des 6 éléments vitaux» (carbone, hydrogène, azote, oxygène, soufre et phosphore). Tout ceci pour vous dire que chaque jour, chaque mois, chaque année, des découvertes sont faites, des alarmes tirées, des solutions trouvées, des limites dépassées. La science et la recherche ne dorment jamais... heureusement pour nous ! J’ai aussi envie de dire tout simplement Merci à toute l’équipe du «laboratoire» Athena: à nos journalistes pour leur curiosité et leur œil acéré sur l’actualité scientifique, à l'imprimerie pour leur accueil chaleureux et leur disponibilité, à Nathalie pour sa créativité et son talent, à toutes les personnes qui participent de près ou de loin à son élaboration et à vous, lecteurs, pour votre soif d’apprendre et votre fidélité. Peut-être même aurez-vous envie de glisser Athena sous le sapin de vos proches ? C'est le moment de vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année, pourvu que la prochaine soit encore plus riche de découvertes et de surprises ! En attendant, bonne lecture… ATHENA 266 · Décembre 2010 Tirée à 14 000 exemplaires, Athena est une revue de vulgarisation scientifique du Service Public de Wallonie éditée par le Département du Développement technologique de la Direction générale opérationnelle Économie, Emploi et Recherche (DGO6). Place de la Wallonie 1, Bât. III - 5100 JAMBES Elle est consultable en ligne sur http://athena.wallonie.be Abonnement (gratuit) Vous souhaitez vous inscrire ou obtenir gratuitementun ou plusieurs exemplaires, contactez-nous ! · par courrier Place de la Wallonie 1, Bât.III - 5100 JAMBES · par téléphone au 081/33.44.76 · par courriel à l’adresse [email protected] SOMMAIRE 10 SOMMAIRE Actualités Actualités La science dans un camion 10 L’ADN de ... Stéphanie Horion, géographe 12 Dossier La chimie, vilain petit canard ? 14 Internet Le Web pour les Nuls et les Professionnels Comment les Trouveurs trouvent 18 Santé Migraine, la maladie invisible 22 Neurologie Se mesurer à l'autre ou coopérer ? 25 Biologie 28 Médecine Les dents de… l'athlète 32 Physique 35 Espace L'espace et les radioamateurs 37 Astronomie 40 Espace 42 À lire ... avec nos enfants ... la tête dans les étoiles 46 49 Agenda 50 14 22 46 Éditeur responsable Impression Michel CHARLIER, Inspecteur général Ligne directe: 081/33.45.01 [email protected] Les Éditions européennes Rue Thiefry, 82 à 1030 Bruxelles Rédactrice en chef Collaborateurs Géraldine TRAN Ligne directe: 081/33.44.76 [email protected] Graphiste Nathalie BODART Ligne directe: 081/33.44.91 [email protected] ISSN 0772 - 4683 Valérie Burguière Lucie Cauwe Christiane De Craecker-Dussart Jean-Michel Debry Paul Devuyst Henri Dupuis Philippe Lambert Yaël Nazé 04 Théo Pirard Jean-Claude Quintart Luc Smeesters Christian Vanden Berghen Dessinateurs Olivier Saive Vince Comité de rédaction Laurent Antoine Michel Charlier Jean-Marie Cordewener Couverture Première Crédit: G. PEREZ DIAZ/SMM/IAC Quatrième Avion-fusée SpaceShipTwo (SS2) de Virgin Galactic Crédit: M. GREENBERG/Virgin Galactic 3 ATHENA 266 · Décembre 2010 > ACTUALITÉS La vie en bleu Texte: Jean-Claude QUINTART • [email protected] • Photos: Yazuu/Flickr, Solvital 4 Ne vous sentez-vous pas mieux quand le ciel est bleu ? Ou lorsque vous sirotez tranquillement votre verre à une terrasse ensoleillée? Quand le Soleil est là, que la lumière vous éblouit, la vie n’est-elle pas plus belle ? Oubliés les impôts et autres petits soucis ! Bref, il n’y a pas que notre mine qui dépend des rayons du Soleil, notre humeur, elle aussi, suit le rythme de la lumière ! S i nous le savions, en revanche, nous ignorions pourquoi. Titillés par cette inconnue, des chercheurs du Centre de Recherche du Cyclotron de l’Université de Liège (ULg), du Centre pour les Neurosciences de Genève, du Swiss Center for Affectives Sciences de l’Université de Genève et du Surrey Research Center de l’Université du Surrey, ont planché sur l’effet immédiat de la lumière, de sa couleur et sur le traitement émotionnel cérébral par IRM (imagerie par résonance magnétique). Résultat ? Le traitement des émotions par le cerveau est bel et bien influencé par la couleur de la lumière ambiante ! Gilles Vandewalle, du Centre de Recherche du Cyclotron de l’ULg explique: «Nous avons enregistré l’activité cérébrale de volontaires sains, écoutant des voix fâchées et des voix neutres et exposés à une lumière bleue ou verte. Nos analyses ont alors montré que non seulement la lumière bleue augmentait les réponses aux sons émotionnels dans la zone cérébrale de la voix et dans l’hippocampe, importante pour la mémoire, mais resserrait aussi les liens entre la zone de la voix, l’amygdale, importante dans les processus émotionnels, et l’hypothalamus, essentiel dans la régulation des rythmes biologiques par la lumière. Ce qui prouve que l’organisation De la lumière à la bonne humeur ! De l’obscurité à la morosité ! Des liaisons extraordinaires prouvées par l’ULg et ses partenaires ! fonctionnelle du cerveau est affectée par la lumière bleue.» «L’effet immédiat de la lumière sur le traitement des émotions par le cerveau pourrait être différent de son effet à plus long terme sur l’humeur. Toutefois, ces résultats chez des individus sains sont essentiels pour la connaissance des mécanismes qui soustendent l’effet de la lumière ambiante sur l’humeur, aussi bien dans le traitement des maladies psychiatriques par luminothérapie que dans la vie quotidienne, en contrôlant mieux notre environnement lumineux à la maison et au travail», ajoute Gilles Vandewalle. + Plus d'infos [email protected] http://www2.ulg.ac.be/crc/ Notre journaliste, Philippe Lambert, reviendra plus en détails sur ce sujet passionnant très prochainement... Ouvrez l’œil ! Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS Actus... d’ici et d’ailleurs Texte: Jean-Claude QUINTART • [email protected] Photos: IBM (p.6), TRUTHOUT/Flickr (p.6), SOLVAY (p.7), UCL (p.9) NOUVELLES TECHNOLOGIES La Louvière, pharmacie de l’Europe ! E n mars 2010, Janssen Pharmaceutical Compagnies of Johnson & Johnson avait annoncé son intention d’installer, à La Louvière, son nouveau centre européen de distribution. La nouvelle était passée en quelques lignes, les Cassandres s’interrogeaient ! Aujourd’hui, c’est fait, la première pierre a été posée en présence de Rudy Demotte, ministre-président de la Wallonie et de Jean-Claude Marcourt, ministre wallon de l’Économie. 49 millions d’euros d’investissement, ouverture prévue au début 2012 et création de quelque 135 emplois à l’horizon 2013, lorsque le centre tournera à plein régime. D’une surface opérationnelle totale de 25.000 m², avec extensions possibles sur une parcelle de 10.000 m², le centre sera construit sur un site d’une superficie totale de 70.000 m², extensible de 28.000 m². Ces dimensions montrent que La Louvière sera bel et bien une facilité stratégique pour Janssen Pharma ceutical Companies of Johnson & Johnson. Formée de trois satellites, la nouvelle plate-forme logistique centralisera les activités de quinze centres actuels, réduisant le nombre de maillons de la chaîne logistique pour permettre aux médicaments d’être acheminés directement des unités de production de Beerse (Belgique), Latina (Italie) et Schaffhausen (Suisse) vers La Louvière d’où ils seront expédiés directement chez le client. L’ouverture de la nouvelle unité sera l’occasion pour le géant pharmaceutique d’entraîner convergence et harmonisation de ses processus organisationnels. Ce centre lui permettra également d’affûter ses réponses aux grands besoins médicaux toujours non comblés à ce jour dans les domaines des neurosciences, de l’oncologie, des maladies infectieuses, de l’immunologie, des maladies cardiovasculaires et du métabolisme. Il développera par ailleurs des synergies avec le centre européen de distribution de la division Medical Devices & Diagnostics de Johnson & Johnson de Charleroi. Ainsi, les deux facilités travailleront comme centre logistique unique, sous la houlette d’une direction commune. http://www.janssenpharmaceutica.be http://www.jnj.com et L Le bio prend la route ! e projet était dans les fardes depuis quelques temps déjà. Il se matérialise aujourd’hui avec le transfert de Biolog Europe vers Logistics in Wallonia, le pôle de compétitivité transport et logistique de Wallonie. Une fusion prometteuse par laquelle la Wallonie prend la balle «innovation» au bond en créant une nouvelle discipline: la biologistique ! L’appel lation parle d’elle-même: elle mise sur les potentialités remarquables de la Wallonie en matière de biotechnologie et de logistique pour créer une chaîne mondiale de transport du bio ! Sachant que le rapport Cushman&Wakefield 2009 considère la Wallonie comme «la région la plus attractive d’Europe en matière de logistique», on ne peut que se réjouir d’une telle intégration. Avec le hub européen de TNT à Liège Airport, la plate-forme aéroportuaire wallonne est aujourd’hui la première du continent en matière de livraison express de produits de soins de santé. Structurer, améliorer et promouvoir cet atout sont les trois verbes action de Logistics in Wallonia en matière de biologistique. Le marché est nouveau, il est en pleine expansion et représente un gisement de valeur ajoutée et d’emplois tous azimuts. «Nos actions de coordination se déploient en trois directions. Ce trident de la biologistique, comme nous l’appelons, comprend: l’association et la veille stratégique via des réseaux d’affaires opérationnels; la consultance en biologistique; et les infrastructures en biologistique», explique Alain Maquet, chef de projet. Ainsi, un bâtiment adapté aux contraintes du transport de produits biologiques devrait être construit à l’intention des donneurs d’ordres. http://www.biologeurope.com; [email protected] et http://www.logisticsinwallonia.be 5 ATHENA 266 · Décembre 2010 > ACTUALITÉS R&D Insuffisant ! 8 .000 collaborateurs en Recherche & Développement, soit 20% des forces R&D du royaume, tel est le poids des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans notre pays. Un sacré bataillon, mais toujours insuffisant aux yeux de la Commission européenne qui demande que nous doublions notre budget R&D dans les TIC d’ici à 2020. Un constat sur lequel acquiesce Christian Vanhuffel, directeur du secteur TIC chez Agoria qui estime que «dans l’innovation des services, nous pouvons jouer un rôle important et créer ainsi de l’emploi». Pour que notre pays ne reste pas à la traîne, Agoria a dressé, à l’intention des pouvoirs publics, un plan d’attaque en douze points: innovation, e-health, fiscalité, gestion de la mobilité, e-gouvernement, facturation électronique, réseaux haut débit, e-skills, etc. 6 En salle d’op' comme au milieu de nulle part, les TIC offrent à la médecine des moyens d’intervention inimaginables hier encore ! Déployée aux Pays-Bas, les succès de cette stratégie sont cités en exemple par Agoria. Et Christian Vanhuffel de préciser: «Les projets développés dans ce cadre visent à améliorer le rendement des entreprises et à faciliter le partage de connaissances entre collaborateurs. Parmi les premiers résultats, une application logicielle permet aux entreprises du secteur pharmaceutique d’exploiter entre-elles un équipement de laboratoire particulière- ment coûteux. Le but final des Néerlandais est de soutenir des projets qui améliorent la vie de citoyens et rendent plus efficaces et plus innovantes, les entreprises de tous les secteurs.» L’Union pour le partenariat… L isbonne de 3% du PIB consacré à la R&D. Lancée officiellement le 6 octobre dernier, cette opération veut démontrer que la collaboration public-privé est essentielle au développement de l’innovation dans de nombreux domaines. Concept dont l’Innovative medicines Initiative (IMI) de la biopharmacie européenne prouve d’ores et déjà le bien-fondé via ses premiers projets pour lesquels l’apport de la Belgique n’est pas mince. P ublic et privé main dans la main, c'est ce que souhaite l’Union européenne en matière de Recherche & Développement. D’où son slogan: «Union de l’innovation» en vue d’atteindre, d’ici dix ans, la norme de Se rangeant du côté de l’Union européenne pour le doublement de l’effort en R&D et en plus de son plan stratégique, Agoria demande que la Belgique réduise le coût de la R&D, notamment Lancé en 2007, l’IMI associe la Commission européenne et l’industrie pharmaceutique innovante européenne (Efpia), les deux parties mettant un milliard d’euros sur la table ! Fin de cette année, l’IMI lancera un par une diminution du précompte professionnel des chercheurs et par une meilleure déduction des investissements en R&D. Et de rappeler qu’en Belgique, les TIC génèrent une valeur ajoutée de 13 milliards d’euros et emploient plus de 100 000 salariés ! [email protected] nouvel appel à projets pour encourager la recherche d’innovations dans les domaines de l’autisme, du diabète, de la tuberculose, des vaccins et de la sécurité des médicaments. L’IMI a également dressé une cartographie des partenariats des projets retenus et soutenus par des universités, institutions de santé, organisations de patients, grandes entreprises pharmaceutiques et Pme. De cet inventaire, la participation belge apparaît comme considérable avec plus de dix partenaires, dont l’Université libre de Bruxelles (ULB) et l’Université catholique de Louvain (UCL) pour la Wallonie. http://imi.europa.eu et http://www.efpia.org Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS 150 experts dont deux Prix Nobel ! S uccès total pour la conférence «Solvay Science For Innovation 2010» sur le thème «La durabilité ou le chaos: la manière dont la science peut (contribuer à) relever ce défi ?» Un aréopage de 150 ténors scientifiques, venus d’Europe, des États-Unis et d’Asie, parmi lesquels Peter Grünberg (Nobel de Physique 2007) et Ada Yonath (Nobel de Chimie 2009). Au programme: échanges en vue d’approfondir, la compréhension des liens entre l’énergie, les matières premières et la pureté d’impact des ressources naturelles, les déchets (par exemple: les nouvelles matières premières), l’amélioration des rendements des procédés, les propriétés physiques liées à la taille et les incertitudes globales… Le tout en vue d’identifier les meilleures orientations pour l’avenir. alimentaires comme les fruits, le poisson, la viande, les condiments et les herbes médicinales pour les pays émergents. Des domaines vitaux au développement durable dans lesquels la recherche de Solvay inclut des projets portant sur: les matériaux organiques imprimables pour un concept novateur de mémoires électroniques non volatiles; le bio-plastifiant pour PVC et PVDC basés sur des ressources naturelles durables; des couches antireflets pour panneaux photovoltaïques afin d’accroître l’efficacité énergétique; et la conception d’un séchoir mobile à énergie solaire pour denrées Ne voulant rien laisser au hasard, Solvay a créé le concept «New Business Development (NBD)», unité chargée d’explorer nouvelles technologies, nouveaux produits et marchés où le savoir-faire du groupe pourrait générer des solutions rentables, viables et durables ! «Notre stratégie, explique Jacques van Rijckevorsel, membre du Comité exécutif, directeur général du secteur Plastiques et Group Innovation Sponsor, est de générer une croissance durable et d’assurer la compétitivité par l’innovation. Ce qui, dans un contexte de dévelop pement durable, s’appuie sur l’innovation ouverte !» Solvay reste Solvay, fidèle à la Inépuisable ! lérateur à construire, dans les années à venir, au Japon. e Centre d’Étude de l’Énergie Nucléaire (SCK-CEN) a retenu le néo-louvaniste IBA pour travailler avec lui sur la recherche en fusion. Le mémorandum signé, en octobre dernier, donne à IBA la responsabilité du design et de l’approvisionnement d’amplificateurs de puissance en radiofréquences pour l’alimentation d’un accélérateur de particules de grande puissance pour l’International Fusion Materials Irradiation Facility (IFMIF) dont l’installation testera les matériaux aptes à résister aux conditions d’un réacteur à fusion du futur. Le contrat signé par IBA avec SCK-CEN concerne un prototype d’accé- «Nous avons choisi IBA en raison de ses compétences avérées en matière d’accélérateurs de particules et de son savoirfaire similaire en fabrication et livraison de systèmes d’alimentation de puissance pour accélérateurs de tailles diverses», expliquent les responsables de SCKCEN. Qui précisent: «Dans le cas présent, ce sera la première fois qu’IBA alimentera en radiofréquence un accélérateur linéaire dont les cavités accélératrices sont supraconductrices !» L L’énergie de fusion se profile aujourd’hui comme l’une des solutions pour notre approvisionnement énergétique à long 15 centres de R&D, 800 chercheurs et 130 millions d’euros de budget en 2010 permettent à Solvay de tutoyer l’avenir dès maintenant ! dynamique d’innovation de son fondateur Ernest Solvay, créateur aussi des Instituts Solvay et du Conseil Solvay, dont le premier, en 1911, avait réuni Marie Curie, Albert Einstein, Max Planck, Henry Poincaré, Maurice de Broglie et Ernest Rutherford. http://www.solvayinstitutes.be et http://www.solvay.com terme. L’ambition vise à copier sur Terre les réactions ayant lieu au sein du Soleil et des étoiles. Un concept et un atout, le combustible utilisé ici (deutérium et tritium produits à partir du lithium de l’eau de mer) est virtuellement inépuisable ! Parmi les développements lancés sur cette niche, la Belgique a retenu le programme «Approche élargie» de fusion, coordonné par l’Union européenne et le Japon. Coiffé par le SCK-CEN, la participation belge est financée par le Gouvernement fédéral et le Gouvernement wallon au niveau de l’engagement des entre prises wallonnes au programme. http://www.iba-worldwide.com et http://www.sckcen.be 7 ATHENA 266 · Décembre 2010 > ACTUALITÉS Du labo au lit du patient ! E fficacité, voilà le maître-mot de l’Université catholique de Louvain (UCL). Aussi, pour améliorer la connaissance du cerveau et développer de meilleurs traitements des maladies du système nerveux et organes des sens, l’UCL se dote aujourd’hui d’un Institut des neurosciences (IoNS). Forte de 200 chercheurs, appuyés par 35 salariés, cette nouvelle structure organise ses travaux de recherche expérimentale et clinique en trois pôles distincts. • Le «pôle cellulaire et moléculaire» s’attache aux mécanismes moléculaires impliqués dans le contrôle du développement embryonnaire du cerveau et de la mœlle épinière, tout 8 Le chiffre en planchant également sur le comportement des neurones et cellules gliales dans des situations normales ou pathologiques, comme la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, la maladie de Duchenne, etc. • Le «pôle système et cognition» travaille sur le fonctionnement des neurones organisés en réseaux ou systèmes afin de comprendre les mécanismes qui sous-tendent des tâches complexes comme la perception, la motricité et la cognition chez l’homme. • Enfin, le «pôle clinique», formé de différents services des cliniques universitaires Saint-Luc et de Mont-Godinne, conduit des recherches cliniques via des services de neurologie, neurochirurgie, oto-rhino-laryngologie et psychiatrie. Notons qu’au sein de ce pôle, la neuroimage occupe une position centrale par rapport à de nombreux projets de recherche clinique. «Fruit d’une longue évolution biologique, le système nerveux humain est une pure merveille ! Il est à la base de nos sensations, de nos comportements, de notre mémoire, de notre personnalité et même de nos civilisations ! Mieux comprendre son fonctionnement reste sans doute le défi scientifique ultime», explique avec passion et conviction Jean-Noël Octave, président Coup d’crayon de l’IoNS. Et d’ajouter immédiatement: «Un jour viendra où la connaissance des mécanismes moléculaires caractéristiques des cellules du système nerveux aidera à comprendre le déploiement et le fonctionnement des réseaux neuronaux utiles à l’accomplissement de tâches cérébrales complexes, pouvant être affectées par de nombreuses maladies neurologiques. À ce niveau, notre Institut est un fil conducteur allant du laboratoire au lit du patient ! Toute découverte obtenue de notre recherche fondamentale pouvant être valorisée rapidement au bien-être des patients», conclut avec satisfaction Jean-Noël Octave. [email protected] Illustration : VINCE C ’est le nombre de nouveaux cas d’infection par le VIH diagnostiqués en Belgique en 2009, soit le nombre le plus élevé observé depuis l’apparition de l’épidémie. La moyenne reste stable depuis 2004 avec 3 infections diagnostiquées par jour. C’est encore beaucoup trop ! Si les infections par contacts hétérosexuels ont diminué, c’est l’inverse chez les homo/bisexuels masculins. On ne le répète jamais assez: Sortez couverts ! Plus d’infos: Institut de santé publique (ISP) http://www.iph.fgov.be Les passagers aériens soucieux de préserver leur intimité lors du passage au scanner corporel peuvent désormais dissimuler leur anatomie grâce à des sous-vêtements antiradiations mis au point par la société américaine (y a qu'eux pour inventer ça !) Rocky Flats Gear. Avis aux passagers pudiques... Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS Des images qui expliquent un miracle de la nature et ouvrent de nouveaux espoirs aux non-voyants ! SANTÉ EMPLOI & FORMATION Une de plus ! L Scientifiquement confirmé ! O n dit toujours que la nature fait bien les choses. Ainsi, par exemple, les aveugles ou malvoyants de naissance compensent l’absence de vision en développant des facultés auditives, tactiles et olfactives hors du commun ! On le constatait, on le croyait, maintenant on le prouve grâce à des travaux de l’Université catholique de Louvain (UCL), menés en collaboration avec l’Université d’Helsinki en Finlande et de l’Université de Georgetown aux États-Unis. Sous la houlette de Laurent Renier, chercheur à l’Institut des neurosciences de l’UCL, l’équipe a comparé les cerveaux de 24 volontaires: 12 aveugles de naissance et 12 voyants, ayant passé chacun une imagerie cérébrale par résonance magnétique. Rappelons que le cerveau est découpé en zones, dédiées à des fonctionnalités précises; et que le cortex visuel, par exemple, traite l’ensemble des images envoyées au cerveau. D’entrée de jeu, deux enseignements sautèrent aux yeux de chercheurs ! Le premier est qu’au repos, l’activité cérébrale d’un non-voyant était supérieure à celle d’un voyant; le second que ce cortex est recyclé par le non-voyant pour traiter des informations non visuelles. «Là où un voyant utilise son cortex visuel pour fixer un objet ou un lieu, l’aveugle le détournera de sa fonction première, accentuant ainsi ses capacités olfactives, tactiles ou auditives. En augmentant ces aptitudes, il peut ainsi mieux appréhender l’objet ou mieux se situer dans l’environnement qu’il découvre», explique Laurent Renier. «Nous avons ici un bon exemple de l’influence de l’inné (gènes) et de l’acquis (expérience) sur l’organisation fonctionnelle du cerveau. Les gènes codent l’organisation modulaire (quelle zone du cerveau effectue quel type de traitement ou d’analyse sur l’information sensorielle) alors que l’expérience (cécité) permet de changer la modalité sensorielle de certaines zones cérébrales: dans le cas présent transformer les aires (infos) visuelles en des aires sensorielles tactiles et auditives». Expliquant un phénomène connu, cette découverte permettra aux chercheurs de l’UCL de perfectionner le développement des prothèses visuelles destinées à restituer la fonction visuelle par la modalité auditive chez un aveugle. Une caméra captera les images du champ visuel du non-voyant pour les transformer ensuite en sons, censés améliorer sa notion de l’espace et la reconnaissance d’objets à distance ! http://www.uclouvain.be/ines.html; http://www.helsinki.fi/university et http://www.georgetown.edu ’Université libre de Bruxelles truste vraiment les récompenses et autres trophées ! Ainsi, son Institut d’Études Européennes (IEE) vient d’être reconnu comme acteur phare de la contribution de l’Union européenne à la mondialisation. Un sacré label si l’on songe à l’importance prise aujourd’hui par la globalisation ! Après une consécration comme Pôle d’Excellence européen Jean Monnet, l’IEE profitera des 2,5 millions d’euros de sa dernière récompense pour miser sur son programme pionnier d’enseignement doctoral international et poursuivre ses travaux de recherche quant au positionnement futur de l’Union européenne sur l’échiquier mondial. Présidé par le professeur Marianne Dony, l’IEE est l’un des treize instituts et facultés de l’ULB. Créé en 1963, il est aussi l’une des plus anciennes écoles axées sur la recherche et l’enseignement dédié à l’Union européenne. À ce titre, il constitue la clé de voûte de l’Espace européen d’Enseignement supérieur (EEES). Ses professeurs et chercheurs viennent de 15 pays et plus de 80% de ses étudiants sont étrangers. Formations doctorales et masters en études européennes sont les atouts de cet Institut, véritable fleuron de notre enseigne ment supérieur. http://www.iee-ulb.eu 9 ATHENA 266 · Décembre 2010 > ACTUALITÉS La science dans un camion Texte: Paul DEVUYST Photos: T. HUBIN 10 C ’est pourquoi l’Institut royal des Sciences naturelles et l’entreprise Solvay ont créé la Fondation Entreprise/ Institut qui a précisément pour objectif de sensibiliser les jeunes aux sciences en apportant au corps enseignant des outils dont il ne dispose pas toujours en classe. Il s’agit d’un camion baptisé «XperiLAB» (16 m de long et 32 tonnes tout de même), destiné à parcourir tout le pays selon un planning précis et qui se déplie en un laboratoire susceptible d’accueillir une classe complète d’élèves de 10 à 14 ans, c’est-à-dire des enfants des deux dernières années d’école primaire et des deux premières années d’enseignement secondaire. Ils ont ainsi l’occasion de regarder positivement la science pour qu’au moment du choix des études, les carrières scientifiques ou technologiques deviennent une option sérieuse. Le principe de base ? Accueillir une classe de 27 élèves maximum pendant 90 minutes. À leur arrivée dans le camion, les participants reçoivent un tablier blanc (de chercheur !) et découvrent les trois laboratoires distincts, chacun offrant expériences, activités et manipulations qui ont toutes un rapport avec la nature. Le camion-laboratoire va de village en C’est une évidence: quand elle est présentée de manière ludique et active, les jeunes enfants aiment la science. Ce qui les rebute souvent, c’est une science scolaire et passive. Mais après tout, jouer, expérimenter et découvrir sont leur mode même d’existence. Encore faut-il ne pas décourager leur curiosité avec une démarche trop formalisée… Faut-il pour autant changer l’enseignement des sciences ? Les propositions en ce sens affluent mais tous, didacticiens et enseignants, s’accordent sur un point: l’importance de la démarche expérimentale, une formule que les Anglo-saxons privilégient depuis plus d’un quart de siècle avec la pédagogie des «hands on». Physique, chimie, biologie, techno logie… les possibilités sont infinies village, de ville en ville et d’école en école. Énorme succès, le planning 20102011 est déjà presque complet ! synthétiques ou à partir d’éléments naturels mais qui ne possédent pas ces formes (nylon, fibre optique etc.). Le Muséum a également prévu un dossier didactique complet, gratuit et téléchargeable sur http://www.xperilab. be à l’intention des enseignants qui accompagnent leurs classes. L’objectif est d’accueillir trois classes par jour et l’initiative est soutenue par les ministres de l’enseignement des trois Communautés. En plus de ses intégrations multiples dans le quotidien des jeunes, ce sujet jette des ponts vers la biologie et la chimie. Dans XperiLAB, ils utilisent un microscope permettant d’agrandir 400 fois des fibres préparées sur lame de verre et les déterminer à l’aide d’une clé dichotomique. Ils font ainsi connaissance avec diverses fibres, leur provenance et leurs utilisations au quotidien. Les fibres au microscope Une belle aventure Une des expériences proposées aux jeunes visiteurs concerne les fibres. Elles sont la base de multiples matières et structures et présentes à l’état naturel un peu partout dans l’Univers. Elles sont généralement l’ossature des végétaux (lin, coton...) et constituent aussi certains minéraux (amiante). Bien évidemment l’homme, par l’intermédiaire des industries, fabrique de nombreuses variétés de fibres synthétiques, semi- L’idée germe depuis très longtemps au sein de l’entreprise Solvay. De façon assez naturelle, elle s’est greffée à la Fondation Entreprise/Institut. Son but étant de réunir des acteurs de la pédagogie des sciences, du monde scientifique et de l’industrie, en vue d’y sensibiliser principalement les jeunes, le projet d’un camion des sciences s’est immédiatement inscrit dans cette ligne. En tant que biologiste et muséologiste, Paul DEVUYST · ACTUALITÉS Gérard Cobut, chef du projet au sein de l’Institut, s’est entouré d’une équipe enthousiaste pour mener à bien la réalisation de ce rêve. C’est l’expérience du dentifrice qui a obtenu les faveurs de l’animatrice Dominique Jongen car elle allie chimie et vie quotidienne. «Que se passe-t-il à l’intérieur d’un tube de dentifrice ? Qui connaît les agents secrets de notre hygiène dentaire ? Ici, en deux coups de cuiller à pot, on fait leur connaissance, on les prépare selon un protocole et… on repart avec du dentifrice en poche !» dit-elle. «Le côté exceptionnel de cette expérience est d’avoir pu accompagner un projet de A à Z. L’appel à de multiples compétences est constant. Entourés de professionnels, nous avons travaillé le contenu pédagogique, le choix du design, le scenario du software, la construction des expériences… Et maintenant, une autre aventure commence: celle de l’organisation des tournées et de sa logistique, de l’animation, du contact avec les élèves et les enseignants. En un mot: passionnant !», ajoute-t-elle. Un duo d’avenir XperiLAB.be est la première réalisation de la Fondation Entreprise/Institut, qui réunit, autour de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, des acteurs du monde de l’entreprise pour sensibiliser les citoyens et plus spécifiquement les jeunes, à la science, la technologie et la recherche. Cette fondation a pour vocation de soutenir les activités de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et de son Muséum. Il s’agit de diffuser les acquis et attitudes scientifiques et de promouvoir les métiers de la science, en premier lieu auprès des jeunes. Au travers de ces activités, la fondation œuvre aussi à la promotion du développement durable, fondé sur des bases scientifiques. Constituée sous la forme d’une fondation privée le 9 novembre 2005 par la société anonyme Solvay, elle ambitionne dans l’avenir de soutenir d’autres projets et initiatives s cientifiques, avec de nouveaux partenaires du monde de l’entreprise. Pour faciliter cette extension d’activités, elle sera prochainement transformée en fondation d’utilité publique sous le même nom, avec les mêmes vocations et buts. Encore de nouvelles aventures à vivre en perspective... n + 11 Pour en savoir plus Infos et inscriptions pour l’année prochaine sur le site http://www.xperilab.be. Contact: Dominique Jongen (animatrice) au 02/627.42.23 ou par mail [email protected] Tarif: 2 euros par élève, gratuit pour les accompagnateurs. ATHENA 266 · Décembre 2010 > PORTRAIT L’ADN de... Propos recueillis par Géraldine TRAN • [email protected] Photos: BSIP/REPORTERS (fond), Nasa Côté pile Nom: HORION Prénom: Stéphanie Âge: 30 ans État civil: célibataire Enfants: pas encore 12 Profession: Géographe. Doctorante FRIA à l'ULg, elle prépare actuellement une thèse sur les inter actions climat-végétation intitulée "Study of the climate control on crop land and grassland using SPOT-VEGETATION NDVI and ERA40/ECMWF meteorolo gical archives" Formation: Études secon daires au Collège SaintQuirin de Huy; licence en géographie et DES en sciences de l'environ nement à l'ULg Adresse(s): EC Joint Research Center, Via Fermi TP280 à 21027 Ispra (Italie) Tél.: +39 0332/78.96.61 Géographe, c’est une vocation que vous avez depuis toute petite ? Comment l’idée d’exercer ce métier vous est-elle venue ? L’idée de faire la géographie m’est venue assez tard, vers la fin du secondaire. D’ailleurs, en quittant le secondaire, j’hésitais entre des études de chimie ou de géographie. La géographie l’a emporté car la formation me semblait plus diversifiée, plus proche de la nature et surtout, parce que je ne voulais pas rester enfermée dans un labo toute la journée. Comment devient-on géographe ? Pour citer mes professeurs de géographie, on devient géographe en allant sur le terrain. S’ajoutent à cela, une solide formation générale en sciences, une bonne gestion de l’espace (géographique) et un bon sens de l’observation. Quels sont vos rapports avec la science ? Quels sont vos premiers souvenirs «scientifiques» ? Mes premiers souvenirs scientifiques remontent aux expériences de physique que faisaient mon professeur de physique en secondaire (Monsieur Wery pour ne pas le citer)… notamment les expériences sur la propagation des ondes à la surface de l’eau. Quelle est la plus grande difficulté rencontrée dans votre métier ? La priorisation des objectifs de recherche, très fortement liée avec la gestion du temps. Quelle est votre plus grande réussite professionnelle jusqu’à ce jour ? Question très difficile à répondre… Je dirai qu’à l’heure actuelle, une de mes plus grandes satisfactions professionnelles est l’obtention, cette année, du Prix YSOPP de l’Union Européenne des Sciences de la Terre pour mon travail de recherche doctorale sur l’étude des inter actions «climat-végétation». Mais à côté de ce prix, je retire également beaucoup de satisfaction dans mon travail actuel au Centre Commun de Recherche de la Commission européenne, qui constitue ma meilleure expérience au sein d’un groupe de recherche. Vous êtes actuellement basée en Italie et revenez d'une mission en Éthiopie, les voyages, ça devait faire partie du «package» d’emblée ou c’est une chose indépendante qui est venue de fil en aiguille ? Je dirais que les voyages, et la mobilité en général, font partie du «package» si vous en avez la possibilité et l’envie. Il est clair que partir travailler à l’étranger n’est pas imaginable pour tout le monde, ne serait-ce que d’un point de vue privé. Par contre, je pense aussi que la confrontation avec la réalité du terrain est irremplaçable. Par exemple, mon voyage en Éthiopie, même s’il n’a été que de courte durée, m’a permis de voir à quel point les populations sont pauvres et dépendantes des ressources en eau. Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui aurait envie de suivre vos traces ? Je ne pense pas qu’il faille suivre les traces de quelqu’un, en tout cas pas les miennes. Je n’ai jamais réellement planifié ce que j’allais faire. J’ai des objectifs personnels et professionnels mais si vous me demandez aujourd’hui où je serai dans 2 ans, je serai incapable de vous le dire avec certitude. Je suis plutôt du style à garder les portes grandes ouvertes et à suivre les Géraldine TRAN · PORTRAIT Stéphanie HORION G éographe opportunités lorsqu’elles se présentent à moi. C’est probablement ma manière de réagir au monde de la recherche… Il est vrai qu’obtenir un poste à durée indéterminée en recherche et surtout dans une organisation internationale est très difficile. Donc l’unique conseil que je donnerai à un jeune qui veut faire de la recherche aujourd’hui, c’est de ne pas renoncer avant d’avoir essayé, de croire en soi et en ses capacités et surtout, de multiplier les expériences dans divers labos et instituts de recherche… en Belgique et à l’étranger. Mobilité rime avec flexibilité et développement de son esprit critique… deux qualités très importantes en recherche... Côté face Je vous offre une seconde vie, quel métier choisiriez-vous? Je choisirais un métier plus manuel, d’extérieur et en relation avec la nature, du style pépiniériste ou architecte de jardin. J’aime m’occuper de mon jardin et de mes plantes… c’est une activité super relaxante, qui me libère complètement l’esprit. Je pour- rais passer des heures à couper des arbustes ou replanter des fleurs… même s’il m’arrive aussi de les abandonner un peu trop longtemps à la sélection naturelle. Je vous offre un super pouvoir, ce serait lequel et pour quoi faire? Hormis celui d’avoir tous les super pouvoirs que je veux, le don de pouvoir faire les choses en deux fois moins de temps… ou de dédoubler le nombre d’heures dans une journée ! Je vous offre un auditoire, quel cours donneriez-vous? Assez logiquement, je dirais un cours de télédétection spécialisé en suivi de l’environnement ou, dans un autre registre, un cours de coaching professionnel. Je suis assez douée pour dénicher du boulot à mes amis. Je vous offre un laboratoire, vous plancheriez sur quoi en priorité ? Il y a beaucoup de défis à relever aujourd’hui mais je donnerais la priorité aux défis humains, tels que la réduction de la pauvreté dans le monde et l’amélioration de la condition de la femme dans les pays en voie de développement. Je vous transforme en un objet, ce serait lequel? Je dirais un chêne centenaire avec de profondes racines pour pouvoir résister aux changements… et pour être encore là dans 100 ans afin de voir ce qu’est devenue notre planète. + Plus d’infos: http://ec.europa.eu/dgs/ jrc/index.cfm http://www.ulg.ac.be/ [email protected] 13 ATHENA 266 · Décembre 2010 > LE DOSSIER La chimie, 14 Les Nations Unies ont proclamé 2011 «Année internationale de la Chimie», plaçant l’UNESCO et l’Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA) au centre de cet évènement. «Et si les chimistes arrêtaient tout ?». Que se passerait-il si, lassés d’être mis au ban d’une société qui les accuse d’être r esponsables de tous les maux dont souffre la planète, ces scientifiques attachés au bien public et soucieux de la protection des individus mettaient, du jour au lendemain, un terme à leurs activités ? Texte: Paul DEVUYST Photos:REPORTERS (p.14), NIGEL/Flickr (p.17) D ans un premier temps, cette décision serait accueillie avec satisfaction par les consommateurs partisans du retour à la nature. L’euphorie serait cependant de courte durée. Faute d’industries chimiques pour raffiner le pétrole, essence et fuel viendraient rapidement à manquer. Certes, les effets sur la qualité de l’air seraient quasiment immédiats et les voitures immobilisées seraient remplacées par des vélos mais les routes n’étant plus bitumées, les pneus (qui ne seraient plus fabriqués) connaîtraient une usure prématurée… Pour se chauffer, les bons vieux poêles à bois ou au charbon reprendraient du service mais au prix… d’un surcroît de pollution au soufre, d’intoxications et de pluies acides préjudiciables aux vilain petit canard ? forêts (Voir Athena n°265, pp.30-33). Par ailleurs celles-ci seraient surexploitées pour subvenir aux besoins de la société en bois de chauffage. Un malheur n’arrivant jamais seul, la nourriture serait vite rationnée du fait de la baisse drastique des rendements agricoles, elle-même consécutive à l’arrêt de la production d’engrais et de pesticides. Les consommateurs redécouvriraient en outre le goût du beurre rance que les antioxydants, tant honnis par le passé, avaient contribué à faire disparaître. Sur le plan sanitaire, la grève des chimistes engendrerait rapidement une pénurie de médicaments, une recrudescence de la plupart des maladies et par conséquent, une diminution de l’espérance de vie. L’absence de pilules contraceptives, conjuguée à la disparition des téléviseurs (dont la plupart des composants sont le fruit de synthèses chimiques), provoquerait un véritable baby boom. Plus de téléphone pour communiquer et compenser la difficulté à se déplacer autrement qu’à cheval ou à pied. Dans ce monde sans chimie, radios, ordinateurs, appareils photo rejoindraient aussi les étagères dans les greniers. Retrouver les joies de l’écriture ? Mais avec quelle encre, quel papier, quels crayons ? Ce scénario de science-fiction est clair: dans notre monde moderne, la chimie est partout et le grand public, le plus souvent, l’ignore. Pire, cette discipline accusée d’être polluante, dangereuse et peu transparente, souffre d’une très mauvaise image. En déclarant 2011 «Année internationale de la chimie», l’Unesco a donc voulu améliorer l’appréciation et la compréhension du public par rapport au rôle de la chimie dans le développement Paul DEVUYST · LE DOSSIER de solutions durables répondant aux grands challenges sociétaux; encourager l’intérêt des jeunes pour la chimie et les filières scientifiques; générer un certain enthousiasme pour la créativité et l’innovation dans le monde de la chimie et enfin, y célébrer le rôle des femmes dans le cadre du 100e anniversaire du Prix Nobel de Marie Curie et de la fondation de l’Association Internationale des Sociétés de Chimie. La chimie aujourd’hui Il est évident que la chimie est l’un des domaines les plus révolutionnaires de l’histoire de l’humanité et si, en un peu plus d’un siècle, elle a complètement bouleversé le monde, aujourd’hui, elle est devenue la condition essentielle pour assurer les besoins élémentaires (alimentation, santé, vêtements et logement) d’une population mondiale en pleine croissance exponentielle. Qui mieux que le professeur Johan Wouters, directeur du Département de Chimie aux Facultés universitaires Notre Dame de la Paix à Namur, pour nous faire partager ses vues sur une science qui a su engendrer sa propre industrie. «La chimie traverse actuellement une période difficile et doit se justifier sans cesse aux yeux du grand public car on lui attribue tous les maux de la Terre», explique le professeur Wouters. Elle se définit, dit-il, comme une discipline qui se situe à l’interface entre deux autres, la physique et la biologie: d’une part pour développer des substances médicamenteuses, le travail de base du chimiste ne peut plus se faire sans la collaboration de biologistes, de pharmaciens et de médecins et de même, l’étude de matériaux nouveaux (plastiques par exemple) demande un véritable travail d’équipe avec des physiciens, des ingénieurs et des mathématiciens. «Je considère que servir de trait d’union entre deux autres disciplines qui sont somme toute fort éloignées, constitue une force pour la chimie», poursuit le professeur. «Ce rôle est certainement une chance car en terme d’enseignement par exemple, un chimiste est certainement un excellent professeur de science parce qu’il a cette formation plus généraliste. Trait d’union, mais également difficulté car il faut donner aux futurs chimistes cette vue assez large». Dans son histoire, face aux critiques, la chimie a toujours été capable de rebondir et de se positionner comme une discipline au service quotidien de la société et ce, à bien des niveaux: l’agroalimentaire, les cosmétiques, les plastiques, les matériaux nouveaux, la pharmacologie, etc… et les chimistes sont conscients de leurs responsabilités comme acteurs du futur. Bio express Le dialogue On assiste de plus en plus à des courants de pensée où reviennent des termes tels que «développement durable» ou «chimie verte» et où, au-delà d’un aspect marketing, de publicité ou de lobbying, on retrouve une préoccupation du quotidien du chimiste. En réalité, explique le professeur Wouters, il y a deux aspects à ce problème. Il y a tout d’abord une réponse à une critique: les chimistes sont des pollueurs et il faut montrer que la chimie fait «autre chose» que polluer et d’autre part, il y a la prise de conscience de la possibilité qu’a la chimie d’amener à trouver des solutions à des problèmes qu’elle n’a pas créé mais qui sont des problèmes de société. Ainsi, par exemple, si l’on considère le problème du réchauffement climatique: le chimiste est-il responsable si lorsqu’on brûle du charbon, l’on produit du CO2, (ce qui est une réaction chimique), si l’air est pollué parce que tout le monde prend sa voiture et provoque des bouchons sur les routes ? Au contraire, ingénieux, le chimiste doit chercher des parades et, en tant que «généraliste», il a certainement la compétence et la capacité d’aborder de nombreux problèmes. Il faut reconnaître, poursuit le professeur Wouters, que les scientifiques (et donc également les chimistes) sont restés pendant très longtemps dans leur tour d’ivoire et ne se sont pas préoccupés de ce que le citoyen pensait de leurs activités. La société a évolué et il y a aujourd’hui une réelle volonté du chimiste à mieux communiquer, à être en phase avec les besoins des gens. Parmi les jeunes étudiants, on constate qu’il existe une aspiration à mieux faire comprendre ce que l’on fait, non pas dans l’optique de se justifier mais pour entrer dans un dialogue. Le «Printemps des Sciences» est un bel exemple de cette volonté de dialogue et de partage. Nom: Wouters Prénom: Johan Âge: 41 ans État civil: marié Enfant(s): 2 Profession: Chimiste et prof d'univ Curriculum vitae: • Études aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, • Thèse de doctorat en chimie médicinale sur les antidépresseurs, • Une année de recherche post-doctorale en Allemagne (Goettingen) et 10 mois à Grenoble, • Depuis six ans, professeur puis professeur ordinaire aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, • Directeur du département de chimie aux FUNDP, • 1991: Prix Société Royale de Chimie (Belgique), • 1994: Prix Société Hongroise de Neurochimie, • 1995: Prix Jean STAS, Académie Royale de Belgique, • 2008: Prix triennal de la Société Royale de Chimie (Belgique), Contact: Email: [email protected] FUNDP, Chaire de chimie, rue Grafé 2 à 5000 Namur Tél. : 081/72.45.50 15 ATHENA 266 · Décembre 2010 > LE DOSSIER La chimie verte T rois hypothèses sont fréquemment avancées en ce qui concerne l’origine du terme «chimie»: al kemi (alchimie) viendrait de l’ancien égyptien Khemet et signifierait «la terre»; ou de la racine grecque khumeia c’est-à-dire «mélange de liquides» ou encore du mot arabe kemia dérivé du grec khemia qui signifie «magie noire» venant à son tour de l’égyptien ancien kem qui désigne la couleur noire. 16 Des pensées et des pratiques de type alchimique ont existé en Chine dès le 4e siècle avant J.-C. et en Inde dès le 6e siècle. L’alchimie occidentale prend, elle, vraisemblablement ses origines dans l’Égypte hellénistique (entre les années -100 avant J.-C. et 300 après J.-C.) pour se développer dans le monde arabe puis européen durant le Moyen Âge et jusqu’à la Renaissance. Jusqu’à la fin du 17e siècle, les mots alchimie et chimie sont synonymes et utilisés indifféremment et ce n’est qu’au cours du 18e siècle qu’ils se distinguent. L’alchimie connaît alors une phase de déclin (sans toutefois disparaître totalement) alors que la chimie moderne s’impose avec les travaux de Lavoisier. Aujourd’hui, on considère que l’un des objectifs de l’alchimie est «le grand œuvre» c’est-à-dire la réalisation de la pierre philosophale permettant la transmutation des métaux vils (le plomb) en métaux nobles (l’or ou l’argent). Un autre objectif classique de l’alchimie est la recherche de la panacée (médecine universelle) et la prolongation de la vie via un élixir de longue vie. Le scientifique académique a l’avantage par rapport à l’économiste, déclare le professeur Wouters, qu’il n’a pas cette nécessité de rentabilité. Il n’est pas confronté à certains moments au «devoir» polluer pour avoir une rentabilité. Il peut se permettre d’être beaucoup plus critique parce qu’il n’a pas les mêmes contraintes. En matière de pollution, il y a certainement une part d’événements douloureux qui sont des accidents mais qui peuvent en partie être attribués à une pression économique et à des contraintes de rentabilité que l’on ne retrouve pas nécessairement dans le monde académique. On assiste depuis quelques années à l’évolution des mentalités qui se traduit par des effets concrets dans de petites choses, nous confie le professeur Wouters. Exemple: la gestion des déchets. Elle est désormais entrée dans notre préoccupation quotidienne, une sorte de réflexe. Par rapport aux générations passées, actuellement et certainement de plus en plus dans le futur, il y a une prise de conscience très ferme dans ce domaine. Il y a désormais des procédures qui s’établissent et des habitudes qui se prennent pour mieux trier, mieux gérer les déchets. Évidemment tout ceci a un prix mais c’est un «luxe» que nous pouvons nous permettre dans notre 2011, Année Internationale de la Chimie D urant toute cette année, de nombreuses activités sont organisées partout dans le monde sous le thème «Chemistry, our life, our future», explique Bernard Broze, adminis trateur délégué d'Essenscia Wallonie. Au programme, on retiendra: ! les 27 et 28 janvier 2011, ouverture officielle de l’«Année internationale de la chimie» au siège de l’Unesco à Paris; ! le 17 février lancement d’un timbre spécial «Déchiffrer la matière» émis par bpost; ! du 28 février au 4 mars 2011, Essenscia organise une «Semaine des Jeunes» en collaboration avec «Les Jeunes Entreprises», au Parc d'Aventures Scientifiques (PASS, rue de Mons 3 à Frameries, tél.: 070/22.22.52). Cette semaine est l'occasion idéale de sensibiliser les jeunes de 12 à 16 ans à la présence de la chimie dans la vie quotidienne avec des concours, des ateliers et des spectacles; ! le 1er mars, lancement de la « Semaine des jeunes » et du Club des Chimistes en présence de la Ministre de l'enseignement obligatoire Marie-Domini- que Simonet et show spectaculaire du professeur Bassam Shakhashiri; ! les 2 et 3 mars, au Domaine Latour de Freins (Uccle, Bruxelles), aura lieu le «Marathon de la créativité» au cours duquel 100 jeunes de 16 à 18 ans auront 24h pour trouver une solution innovante et originale à une problématique propre à une industrie chimique. Cinq thèmes ont été rete- Paul DEVUYST · LE DOSSIER société industrialisée et riche. Cette prise de conscience implique, outre des habitudes, des capacités technologiques et budgétaires et on peut très bien comprendre que ce n’est pas le cas dans certaines contrées émergentes, même si la prise de conscience est manifeste. Dans ce contexte, la capacité à répondre à ces questions n’est pas nécessairement présente et la mise en pratique de procédure pour la gestion des déchets est difficile à mettre en œuvre. «Et quand je dis qu’inclure une réflexion sur les enjeux environnementaux dans notre pratique de la chimie est un luxe, c’est en réalité une chance que nous avons car il faut en avoir les moyens», déclare le professeur. Pour le 21e siècle Il est intéressant de constater que beaucoup de thématiques des appels à projets, tant au niveau européen que de la Région wallonne, portent sur les aspects pharmaceutiques, les nanotechnologies, la chimie respectueuse de l’environnement, l’élimination des déchets, l’augmentation des rendements, les biocarburants ou les plastiques recyclables. Ceci suscite chez les jeunes étudiants un nouvel intérêt pour la chimie et constitue un signe encourageant pour l’avenir. Il y a une dizaine d’années, la chimie était considérée comme «bonne à jeter» et il fallait «être fou» pour se lancer dans cette voie. Aujourd’hui, alors que nous sommes dans une période de crise, on constate que les étudiants, davantage préoccupés par leur avenir, se tournent à nouveau vers une chimie qui offre de plus en plus de débouchés. Néanmoins, cette discipline demeure difficile par rapport à d’autres, d’abord parce que sa formation est très complète et pluridisciplinaire, c’est-à-dire qu’il faut être bon en physique, en mathématique, en informatique… Ensuite parce qu’il s’agit parfois pour certains d’un «non choix»: les maths, la physique, la médecine, l’étudiant sait au départ de quoi il s’agit, alors que la difficulté de la chimie réside dans sa pluralité et la palette de métiers offerte à lui une fois son diplôme en poche. Enfin, déclare le professeur Wouters, alors que le berceau de la chimie est clairement l’Europe et qu’elle a été développée ces 20-30 dernières aux États-Unis, on assiste ! les 24 et 25 mars, se tiendra à Bruxelles (Grand-Bigard) le salon Laborama, salon professionnel sur les matériels et techniques de laboratoire ; nus: eau, énergie, santé, nourriture et ressources naturelles; ! le 4 mars, show spectaculaire du professeur Bassam Shakhashiri à l’ULB et à l’Institut Meurice; ! du 5 au 13 mars, semaine familiale avec exposition de photos sur le thème «Images de…» et festival du film sur la chimie; ! le weekend des 21 et 22 mai 2011: portes ouvertes en entreprises, en partenariat avec des universités, hautes écoles, centres de recherche et centres de formation. Cet événement représente une excellente opportunité pour le public de découvrir le fonctionnement du monde de l’industrie chimique, des matières plastiques et des sciences de la vie; à un basculement vers l’Asie (Chine, Inde et Pakistan). C’est dans ces régions que se trouve actuellement la chimie la plus efficace. Comment l’expliquer ? D’abord par le nombre de personnes qui y travaillent mais aussi par les contraintes que ces pays s’épargnent pour le moment. Ce sont des considérations qu’il ne faut pas négliger et qui peuvent constituer une entrave au développement de la chimie dans nos régions. La délocalisation, ce n’est pas seulement parce que cela coûte moins cher mais c’est aussi parce que la capacité de faire du bon travail existe également ailleurs. Comment lutter ? Certainement pas en étant plus laxiste chez nous mais probablement en donnant des outils tout en imposant des contraintes, notamment environ nementales. ! les 15 et 16 juin se tiendra le salon Chemspec à (Hall 1, Palexpo, Genève), www.chemspecevents.com; ! le 1er décembre 2011: événement de clôture de "l’Année Internationale de la Chimie" au Square à Bruxelles (Square Brussels Meeting Centre, rue du Musée 8 à 1000 Bruxelles, tél.: 02/515.13.00 - [email protected]). ! Plus d’informations sur: www.chemistry2011.org et www.essenscia.be 17 ATHENA 266 · Décembre 2010 > INTERNET Le Web pour les Nuls et les Professionnels 18 Comment les Trouveurs trouvent Texte : Christian VANDEN BERGHEN • http://www.brainsfeed.com • [email protected] Illustrations : O. SAIVE/CartoonBase Dans les articles précédents de cette série, nous avons vu qu’il existe quatre profils d’utilisateurs du Web: les Chercheurs, qui ne trouvent pas forcément ce qu’ils cherchent et sont obligés de se contenter de ce qui leur tombe sous la main; les Trouveurs, qui disposent d’une méthode de recherche et dont les recherches sont évidemment beaucoup plus efficaces; les Receveurs, qui ont mis en place des techniques leur permettant de se faire envoyer automatiquement l’information chaque fois qu’elle est mise à jour; et enfin les Passeurs, qui partagent l’information qu’ils reçoivent en la mettant à la disposition de ceux qui pourraient la trouver utile. Dans le présent article, nous poursuivons l’analyse des méthodes dont disposent les Trouveurs en nous intéressant plus particulièrement à l’évaluation de l’information obtenue D ans le «monde du papier», la plupart des documents sont relus - au moins par l’éditeur ou un comité de lecture - pour éviter de mettre la réputation de la maison d’édition en danger par la publication de documents conte- nant des erreurs. Et de plus, l’éditeur ne faisait généralement confiance qu’à des auteurs dont il avait pu vérifier la crédibilité ou la notoriété. Dans le monde de la publication «électronique» et en particulier depuis l’avènement du Web 2.0, chacun peut publier très facilement et sans contrôle. Si la gestion d’un site Web demandait encore quelques compétences techniques ou l’intervention d’un technicien, l’arrivée des blogs, des wikis et autre Twitter met la publication à la portée de tous. Elle peut se faire à partir d’un ordinateur, mais également à partir d’un téléphone portable, d’une tablette ou de n’importe quel autre support connecté à Internet. À défaut de tout trouver sur Internet, on y trouve de tout: des thèses, des bases de données, des présentations, des publicités, des formations, des articles, des pages personnelles, des sites universitaires, des images, des vidéos, etc. Donc avant d’utiliser une information, il est évidemment important de vérifier si elle est fiable. S’il n’existe aucun critère permettant de dire à coup sûr qu’une information est correcte, il existe des méthodes permettant de limiter les risques d’erreur. Cet article fournit quelques pistes de réflexion à ce sujet. 18 Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET Le problème des moteurs de recherche Il est généralement admis que l’Internet comporte plus de 1.000 milliards de documents. Les moteurs de recherche actuels sont Google (http://www.google. com), Exalead (http://www.exalead.com/ search/) et Bing (http://www.bing.com/). L’un des autres «grands», Ask, vient de jeter l’éponge en cette première semaine de novembre 2010. L’ensemble des documents indexés par ces moteurs (pas par les annuaires) constitue ce que l’on appelle le Web superficiel ou Web visible, ce qui représente une bonne dizaine de milliards de documents. Tout le reste, c’est-à-dire l’immense majorité des documents disponibles, constitue le Web profond ou invisible. Il n’est donc pas possible d’y accéder par le simple biais des moteurs de recherche sans une connaissance approfondie des techniques de recherche. Ce Web «secret» se trouve par exemple dans les bases de données et dans les documents que les moteurs de recherche ne peuvent ou ne veulent pas indexer. Ces notions de base sont importantes et voici pourquoi. Si nous créons aujourd’hui un nouveau site ou un nouveau blog, celui-ci se retrouvera dans le Web profond tant qu’il n’aura pas été indexé par les moteurs de recherche. Pour que les moteurs de recherche acceptent plus facilement de l’indexer, notre site doit correspondre à certains critères: comporter plus de textes que d’images, être constitué de pages statiques et non dynamiques, posséder des liens à par- tir d’autres pages déjà indexées, etc. Et surtout, les moteurs de recherche apprécient les sites actifs (raison pour laquelle la formule blog est tellement prisée) et les sites vers lesquels il y a beaucoup de liens, c’est-à-dire les sites les plus populaires. Le nombre de liens vers une page - par exemple la page d’accueil de votre site - peut être mesuré avec la plupart des moteurs. Ils affichent la liste des «backlinks» vers une page donnée. Un «backlink» étant une page qui propose un lien vers un document donné. Exemple: la requête link:www.brainsfeed.com va fournir la liste des pages Web contenant un lien vers la page d’accueil du site BrainsFeed. Avec Google, la liste des «backlinks» s’obtient avec la syntaxe link: Exemple: pages de résultats des moteurs soient des pages commerciales. Et cela explique aussi pourquoi il n’est pas bon de se contenter de consulter les deux ou trois premières pages. Les professionnels commencent en général à s’intéresser réellement aux résultats affichés à partir de la cinquième ou sixième page. Quand un professionnel de la documentation trouve facilement une information avec un moteur, c’est-à-dire en n’utilisant qu’un ou deux mots-clés (alors que Google, par exemple, permet de créer des requêtes de 32 termes) ou sans utiliser les fonctions avancées de recherche, il se demande toujours prudemment, avant de se réjouir, qui a souhaité qu’il mette la main sur cette information et pourquoi. link:www.brainsfeed.com Pour une raison connue seulement de lui, Google n’affiche qu’un échantillon des «backlinks». Et personne en dehors de lui ne sait selon quelle logique (ou absence de logique) l’échantillon est constitué. Il est également possible d’améliorer le positionnement des pages dans les résultats de recherche des moteurs en faisant appel à des techniques dites de référencement, ce qui représente un coût parfois très élevé et que seules des entreprises commerciales peuvent s’offrir. Tout ceci explique que la majorité des documents trouvés parmi les premières Évaluer l’information L’évaluation de l’information comporte plusieurs volets et il faudra toujours trouver un compromis entre l’espoir de trouver une information stratégique rapidement et avant ses concurrents sans avoir forcément le temps d’attendre qu’elle se confirme officiellement - c’est ce que nous appelons un signal faible - et une information vérifiée et recoupée, provenant de plusieurs sources crédibles mais qui ne donnera plus aucun avantage concurrentiel puisque tous les concurrents la possèdent. Dans le cadre d’une recherche pour un travail académique, la notion de rapidité disparaît, bien évidemment. Ce compromis (ou cette frustration) est plus connu sous le nom de «Loi de Nolan», qui s’exprime comme suit: 19 ATHENA 266 · Décembre 2010 > INTERNET fiable qu’une information commerciale (.com). Pour limiter la recherche à un domaine particulier, Google et Yahoo (moteur) utilisent la même syntaxe (tout en minuscules): site:edu «grippe aviaire» ne ramène que des pages du domaine éducatif contenant l’expression «grippe aviaire» (ces termes sont placés entre guillemets pour indiquer au moteur qu’ils constituent une expression insécable). >Quelle est la popularité du site ? La mesure de la popularité d’un site peut se faire de deux façons. 20 La loi de Nolan postule que la recherche d'information s'effectue dans un contetxte où le chercheur possède 2 flèches pour 3 cibles. Indubitablement, une cible restera vierge... + Astuce ! La plupart des moteurs affichent 10 éléments sur leur page de résultats, ce qui a pour effet de nous obliger à «tourner» les pages. Et psychologiquement, quand on a tourné 3 ou 4 pages on a l’impression de s’être enfoncé dans les résultats alors qu’on n’en a affiché que 30 ou 40. Pour éviter cela, cliquez sur «Recherches avancées», à droite du champ de recherche de la page d’accueil de Google, et demandez (dans le menu déroulant) d’afficher 100 résultats au lieu de 10. Quand vous aurez tourné trois pages, vous aurez vu 300 résultats. nous avons tous trois cibles: nous recherchons une information peu onéreuse (si possible gratuite), disponible tout de suite et de bonne qualité; mais nous ne disposons que de deux flèches, ce qui nous oblige à renoncer à atteindre une des trois cibles; si nous voulons une information pas chère et disponible immédiatement, elle sera probablement de qualité médiocre; si nous voulons une information disponible sur le champ et de bonne qualité, elle risque d’être chère; si nous voulons une information gratuite ou presque et de bonne qualité, nous devrions probablement patienter pour en disposer et elle risque d’être obsolète. Origine de l’information Les premières vérifications devraient porter sur l’origine de l’information, c’est-à-dire sur le site qui la publie. >Dans quel domaine est inscrit ce site ? Une information provenant d’un domaine .edu ou .org est, a priori, plus •Commençons par vérifier combien de fois l’adresse d’un site est citée dans les grands moteurs de recherche. Dans Google par exemple, il suffit de lancer une recherche sur l’adresse d’un site placée entre guillemets pour trouver le nombre et une liste de pages contenant cette adresse. Ainsi, une recherche sur «www.esa.int» nous dit que plus de 1.700.000 pages contiennent l’adresse de l’Agence Spatiale Européenne. •L’autre procédure consiste à savoir combien de pages pointent (c’est-àdire ont un lien) vers une page donnée, par exemple la page d’accueil (cf. supra) Le nombre de liens vers une page constitue un élément d’estimation de l’évaluation, mais on examinera aussi la qualité des liens, c’est-à-dire la crédibilité des pages dont ils émanent. >Qui est l’éditeur ? Les sites crédibles publient généralement un document «About us» ou «Qui sommes-nous ?» expliquant qui ils sont et ce qu’ils font. Vérification du document proprement dit La deuxième vérification devrait porter sur le document: date de publication, date de révision, format. >Quelles sont les dates de création et de révision d’un document ? Le plus simple est évidemment de vérifier si, en tête ou à la fin du document, se trouve une date de rédaction ou de modi- Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET fication. Malheureusement, beaucoup d’auteurs négligent ces indications. Parmi leurs fonctions avancées, les moteurs de recherche proposent de limiter la recherche à une date particulière. En réalité, la date sur laquelle se basent les moteurs n’est pas la date de création du document, mais la date à laquelle celui-ci a été indexé dans leur base de données. S’il s’agit d’un document PDF, les dates de création et de dernière modification figurent dans les propriétés du document, accessibles à partir du menu "Fichier". S’il s’agit d’un document au format HTML, les moteurs de recherche ne peuvent rien pour nous et nous devrons faire appel à des petites applications gratuites appelées bookmarklets. De très nombreux bookmarklets sont disponibles à l’adresse http://www.bookmarklets.com/. Le chemin à suivre pour trouver l’application dont nous avons besoin est le suivant: sur la page d’accueil, cliquer sur «See the bookmarklets», puis «Page data». Sur cette page, nous voyons un bookmarklet appelé «Page freshness» (fraîcheur de la page). Avec des navigateurs récents, c’est très simple: il suffit de faire glisser le lien vers la barre d’outils personnelle en haut de la page. Pour trouver la date de dernière mise à jour d’un document HTML, il suffira de cliquer sur ce favori, ce qui fera apparaître une fenêtre disant: «Le serveur indique que la dernière modification date…». Il n’est donc pas possible de trouver la date de création d’un document HTML, mais uniquement sa date de dernière modification. Malheureusement, de plus en plus de sites font appel à des CMS (Content Management System) qui assemblent divers éléments pour créer la page demandée quand celle-ci est demandée. En d’autres termes, la page est créée à la demande et la date affichée par le bookmarklet sera bien souvent l’heure actuelle. Dans le cas d’informations issues d’un blog, tout est plus simple puisque chaque billet est signé et daté. >Quelle indication peut fournir le format du fichier ? Les moteurs de recherche sont capables de limiter la recherche à un type de fichier: .pdf, .doc (Word), .xls (Excel), .ppt (PowerPoint). Les auteurs «sérieux» proposent en général une rubrique «About me» et/ou une biographie en ligne. Il est également intéressant d’aller voir dans les réseaux sociaux: • est-il présent dans des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn (http://www.linkedin.com/) ou Viadeo (http://www.viadeo.com/) et ses profils sont-ils cohérents ? • publie-t-il de l’information sur un blog personnel ou sur Twitter et quelle est la qualité de l’information publiée ? >L’auteur est-il connu ? Si l’article est signé, il est conseillé de vérifier la crédibilité de son auteur en lançant une recherche sur son nom dans les moteurs généralistes (Google, Yahoo, Ask, Exalead…), puis dans des moteurs spécialisés comme Google Scholar (http:// scholar.google.com/) ou Scirus (http://www. scirus.com/). Avec Google, la syntaxe est filetype:format Conclusion Exemple: filetype:doc génétique Les documents au format PDF sont généralement plus officiels ou plus aboutis que des documents HTML. Les documents au format Word sont plus souvent des documents non finalisés et parfois à caractère confidentiel. Les documents chiffrés sont généralement proposés au format Excel, tandis que les présentations sont fournies au format PowerPoint. Qui est l’auteur ? La troisième vérification devrait porter sur l’auteur lui-même. Quelle est sa notoriété ? Est-il connu du grand public ou plutôt d’un public spécialisé ? >Qui est l’auteur ? Si les articles techniques et scientifiques sont le plus souvent signés, cette pratique n’est pas généralisée pour l’immense majorité des documents disponibles sur Internet. L’absence de signature ne plaide évidemment pas pour la fiabilité d’un document. Trouver de l’information n’est pas difficile sur Internet, mais trouver la bonne information demande de la technique, de l’intuition, de la perspicacité, une bonne connaissance des outils et des sources, du discernement et un esprit critique. + Pour en savoir plus Evaluation of information sources http://bit.ly/XpXHp Bibliography on evaluating web information http://bit.ly/czsoCp Evaluating internet information http://bit.ly/aAUB4Y Evaluating Web Content http://bit.ly/LBzHz 21 ATHENA 266 · Décembre 2010 > SANTÉ la maladie Affection neurologique la plus répandue, la migraine est aussi la plus pauvre sur le plan des crédits accordés à la recherche. Sans doute souffre-t-elle encore de vieux stéréotypes qui en font une «maladie de bonne femme» ou un prétexte derrière lequel se retranchent des personnes soucieuses d’obtenir indûment des jours de congé. Il s’agit pourtant d’une maladie du système nerveux central à prédisposition génétique, dont le coût est énorme pour la société Texte : Philippe LAMBERT [email protected] 22 Photo : Eco-girl (p.24) E n Europe, 41 millions de personnes, dont 75% de femmes, souffriraient de migraine, faisant de cette affection la maladie neuro logique la plus répandue. Une étude publiée en 2005 estime son coût global annuel sur le Vieux Continent à quelque 27 milliards d’euros. Chiffre en adéquation avec les données relatives aux États-Unis. enfance jusqu’à l’âge de 26 ans. Résultat: à l’échelle d’intelligence verbale de Wechsler, les enfants migraineux ou qui le deviendront ont des scores de 2 à 3 points inférieurs à ceux des enfants normaux ou souffrant de céphalées de tension. Et ce désavantage persiste, leur curriculum académique (selon la terminologie américaine) se révélant légèrement, mais significativement, inférieur. L’ensemble des études menées à travers le monde soulignent à quel point les coûts indirects de la migraine sont supérieurs à ses coûts directs. Elles ne reflètent pas non plus les répercussions de la migraine sur le développement intellectuel et psychique des enfants qu’elle peut frapper dès le début de la scolarisation. On sait que nombre de migraineux présentent, entre les crises, une perturbation discrète de certaines fonctions cognitives, en particulier dans les sphères verbales et attentionnelles. Une étude néo-zélandaise nous éclaire sur ce point. Elle consistait à faire passer périodiquement divers tests psychologiques à des individus depuis leur Seuil migraineux Les critères diagnostiques de la migraine sont longtemps restés imprécis. Une première classification internationale des céphalées a été proposée en 1988 par l’International Headache Society. Amendée, sa seconde version (International Classification of Heading Desorders - ICHD-II) a été publiée en 2004. Aux termes de ce document, le diagnostic de migraine s’applique à une céphalée récurrente qui se manifeste par des crises d’une durée de 4 à 72 heures et pour laquelle deux des quatre symptô- mes suivants sont requis: le mal de tête doit être unilatéral, pulsatile, d’intensité modérée à forte, aggravé par une activité physique normale. En outre, il existe des signes associés: des nausées, voire des vomissements, et/ou une intolérance à la lumière (photophobie) et au bruit (phonophobie). Selon les critères de l’ICHD-II, il y a migraine chronique quand le patient souffre de céphalées migraineuses au moins quinze jours par mois. De même, la classification met l’accent sur les céphalées chroniques quotidiennes par surconsommation d’antalgiques. Par ailleurs, il est classique de distinguer deux sous-catégories: les migraines sans aura (1), qui concernent environ 80% des patients, et leurs homologues avec aura. Parmi les 20% de migraineux touchés par les secondes, deux tiers ne connaissent que des crises avec aura, tandis que le tiers restant se plie au jeu d’une certaine variabilité. Cela étant, l’étiologie de la maladie n’est pas bien élucidée, hormis pour un soustype très rare, les migraines hémiplégi- Philippe LAMBERT ·SANTÉ ques familiales (MHF), qui sont monogéniques. En l’occurrence, trois gènes dont une mutation ponctuelle peut être responsable de la maladie ont été identifiés jusqu’à présent: CACN1A (MHF1), ATP1A2 (MHF2), SCN1A (MHF3). Et les migraines communes ? Après plus de dix années de recherches assidues, aucune mutation n’a été trouvée jusqu’ici dans les 3 gènes MHF chez les patients souffrant des formes communes de migraine avec ou sans aura. En revanche, plusieurs sites génétiques identifiés par des marqueurs du génome humain ont été associés aux migraines communes et plusieurs polymorphismes de nucléotide unique de l’ADN sont plus fréquemment retrouvés chez les migraineux. Les migraines communes avec ou sans aura apparaissent dès lors comme des maladies polygéniques complexes où plusieurs gènes de susceptibilité définissent, pour chaque individu, un seuil critique de crise («le seuil migraineux»). Par ailleurs, comme le précise le professeur Schoenen, la charge génétique détermine vraisemblablement la sévérité de la maladie migraineuse ainsi que certaines de ses complications, telle la chronicisation par abus de triptans, actuellement les médicaments les plus efficaces pour abréger une crise, ou par abus d’antalgiques. Le golden standard Le seuil migraineux est modulé par des facteurs endogènes et exogènes, de sorte que plus il est bas, plus les facteurs déclencheurs sont susceptibles d’amorcer une crise. Parmi ces derniers, les plus souvent impliqués sont les variations hormonales de la période prémenstruelle, l’alcool et l’«après-stress». «Les gènes chargent la poudrière, les facteurs hormonaux et environnementaux mettent le feu aux poudres, indique Jean Schoenen. Une fois le seuil migraineux franchi et la mèche allumée, s’instaure une cascade d’activations cellulaires et moléculaires qui embrase le système trigéminovasculaire, seul système d’alarme (c’est-àdire de signalisation d’une douleur) que possède le cerveau.» Il existe des traitements de la crise de migraine et des traitements de fond, mais ils ne sont que symptomatiques. Autrement dit, la maladie n’est pas curable actuellement. Pour l’heure, les triptans demeurent le «golden standard» pour le traitement de la crise de migraine. Toutefois, ils présentent des contre-indications cardiovasculaires. De nouvelles molécules baptisées gépants – il s’agit d’antagonistes des récepteurs au CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide) devraient apparaître prochainement sur le marché, de même que des agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1F. Ils ont en commun d’être d’une efficacité comparable aux triptans, mais sans en avoir les effets vasoconstricteurs. Dans la sphère des traitements préventifs de la migraine, peu d’avancées ont été réalisées récemment. Deux antiépileptiques, le valproate sodique et le topiramate, restent les médicaments les plus performants (scores thérapeutiques de l’ordre de 50 à 60%), mais ils entraînent, chez 30% des patients, des effets secondaires parfois très désagréables. Perception biaisée En fait, la prise en charge des patients migraineux n’est pas optimale. Selon le professeur Jean Schoenen, elle se heurte à des barrières qui se situent à quatre niveaux: le patient, la société, les dispensateurs de soins et la maladie elle-même. Le premier écueil résulte de la manière dont le patient perçoit souvent la migraine: une pathologie sans gravité. La migraine n’est pas mortelle, il est vrai, et aucun signe clinique extérieur ni aucun test diagnostique ne permet d’établir de façon indubitable la présence de la maladie. Prolongeant la vie de stéréotypes éculés, d’aucuns, y compris dans le corps médical, continuent même à parler de la migraine comme d’une «maladie de bonnes femmes insatisfaites». Aussi n’est-il pas étonnant que nombre de patients ne reconnaissent pas à l’affection dont ils souffrent le statut de «véritable» maladie et qu’ils soient habités d’un sentiment de culpabilité doublé de fatalisme - «J’ai la migraine, ma mère l’avait; il n’y a rien à faire, il faut vivre avec.» Se pose également la question du coût des traitements. Jusqu’il y a un an, parmi les triptans, seule la forme injectable de l’Imitrex® (sumatriptan) était partiel lement remboursée en Belgique. Depuis lors, un seul des différents triptans oraux, le générique de l’Imitrex®, bénéficie d’un remboursement. Le problème est comparable pour les traitements prophylactiques. Certains sont remboursés sous condition, comme le topiramate; d’autres, comme le valproate, le sont pour l’épilepsie. De la sorte, les migraineux en profitent «illégalement», alors que des médicaments préventifs de première ligne tels que la riboflavine ou le co-enzyme Q10, qui doivent être donnés à des doses élevées et sont donc coûteux, ne sont pas remboursés. Or on constate que la disposition des migraineux à investir financièrement dans leur maladie est très faible. «Il faut sans doute y voir une autre preuve de la perception que le patient et la société ont de la migraine», estime Jean Schoenen. Eu égard au tableau dressé, faut-il être surpris d’apprendre qu’en Belgique, 68% des migraineux ne consultent pas ? Et étonné du manque de «compliance» (observance des traitements prescrits) des patients ? Cette mauvaise adhésion à la prise en charge se manifeste à l’occasion des traitements de crise, lorsque la personne migraineuse ne respecte pas les consignes qui lui ont été prodiguées, avec notamment pour résultante possible une chronicisation de sa maladie par abus d’antalgiques ou de triptans, mais surtout dans le cadre des traitements de fond. Dans ce cas, il est fréquent que le patient ne soit pas enclin à se plier à un traitement médicamenteux quotidien de longue durée pour tenter de contrecarrer une maladie dont les crises s’avèrent épisodiques. 23 ATHENA 266 · Décembre 2010 > SANTÉ Le regard de la société La deuxième barrière à une prise en charge efficace de la migraine tient aux concepts en vigueur dans la société. Ils rejoignent les stéréotypes dont le patient migraineux est lui-même porteur, puisqu’ils ont largement contribué à les forger. L’affection est jugée sans importance, suscite la suspicion car elle est «invisible» et se voit affublée de tout le poids de la mémoire collective - «maladie de bonne femme», maladie à laquelle il faut se résigner, simulation pour ne pas devoir travailler, etc. En conséquence, la société n’est guère disposée à délier les cordons de la bourse pour cette pathologie, laquelle ne jouit dès lors que d’un intérêt académique très limité. «La migraine se situe en dernière position des affections neurologiques sur le plan des crédits publics accordés à la recherche, regrette Jean Schoenen. Peu d’argent, peu de recherche, peu de progrès...» 24 (1) L’aura recouvre un ensemble de troubles neurologiques susceptibles d’apparaître dans les minutes précédant la douleur migraineuse, avant de s’éteindre, en général, en moins d’une heure. Quels troubles ? Des perturbations temporaires de la vue, telles des taches lumineuses dans le champ de vision, des altérations de la sensibilité (des fourmillements, par exemple), de la parole (difficultés d’élocution, etc.) ou, plus rarement, de la force musculaire. Dans 80% des cas, l’aura n’est cependant que visuelle. La conception que la société a de la migraine déteint sur les dispensateurs de soins. Telle est la troisième barrière à une bonne prise en charge de la maladie. «La première consultation d’un migraineux nécessite 45 minutes à une heure, où 80% du temps est consacré à l’anamnèse et aux explications de la maladie et du traitement proposé, souligne le professeur Schoenen. Pourquoi le médecin consacrerait-il autant de temps à une pathologie décrite comme bénigne, d’autant que l’examen clinique du migraineux est généralement normal ?... Et puisque la maladie est réputée sans gravité, le médecin généraliste n’a pas spontanément tendance à orienter le patient vers un centre spécialisé.» L’affection étant jugée anodine, la formation que le médecin reçoit à son sujet est nettement insuffisante. Il y a quelques années, la Société allemande de la migraine et de la céphalée (German Migraine and Headache Society) avait établi une liste de recommandations thérapeutiques qu’elle avait adressée aux médecins généralistes et aux neurologues. En 2009, une enquête a été menée en Allemagne auprès de 383 cabinets de médecine générale. Au total, 90.540 médicaments contre la migraine avaient été prescrits selon la clé de répartition suivante: 1.492 prescription par homme par an et 2.109 prescrip- tions par femme par an. Il s’avéra que dans 75% des cas, les recommandations n’avaient pas été suivies. Autrement dit, même lorsque des lignes directrices existent, elles ne sont pas respectées. «À côté de toutes les personnes invalidées qui ne consultent pas parce qu’on les a persuadées que c’était inutile, d’autres ne consultent plus parce qu’elles ont été déçues par la prise en charge dont elles ont fait l’objet», précise encore Jean Schoenen. Un tableau complexe Le dernier écueil auquel se heurte le souci d’une prise en charge optimale est la migraine elle-même. Pourquoi ? Premièrement, la maladie est épisodique. Si elle n’est pas chronicisée, elle est exempte de symptômes entre les crises. Des interrogations demeurent d’ailleurs quant au rôle neurobiologique des crises. Comme l’explique le professeur Schoenen, une vieille théorie, proposée par Edward Liveing au 19e siècle, veut en effet qu’elles permettent au cerveau de récupérer un état d’équilibre homéo statique, ce qui ne semble pas dénué de tout fondement. Deuxièmement, sauf dans le cas de sa forme hémiplégique familiale, monogénique, la migraine est une affection neurologique complexe d’origine polygénique, dont les crises peuvent être initiées par de multiples facteurs. Troisième point: la maladie n’est pas curable actuellement et l’efficacité des traitements préventifs ne dépasse pas 50 à 60% - sans doute parce que la physiopathologie est complexe, variant, comme les gènes de susceptibilité, d’un patient à l’autre. De surcroît, l’affection est sujette à un phénomène de chronicisation à cause d’un usage excessif des drogues antimigraineuses (abus de triptans, d’antalgiques, voire d’anti-inflammatoires) ou à cause d’autres facteurs intercurrents, psychologiques ou hormonaux. Un casse-tête finalement, cette migraine ! Valérie BURGUIÈRE · NEUROLOGIE Se mesurer ou coopérer ? Texte: Valérie BURGUIÈRE • [email protected] • Photos: REPORTERS Les interactions entre individus constituent les fondements de la vie en société. Elles sont basées sur le partage de représentations communes constituées dans nos cerveaux respectifs sur tout ce qui bouge autour de nous. Toutefois des investigations par imagerie cérébrale nous indiquent que nous ne mobilisons pas les mêmes ressources lorsque nous nous investissons dans un objectif commun avec nos semblables ou lorsque nous cherchons à faire mieux que nos congénères L es humains sont doués de mouvement et interagissent avec leur environ nement et leurs actions sont généralement dirigées vers un objectif à atteindre. Mais chacun de nous n’évolue pas seul dans son milieu et nous sommes en inter action constante avec nos semblables. La vie sociale implique donc que nous partagions avec nos congénères des perceptions communes sur ce qui nous entoure. De plus, il nous faut être capable de comprendre les actions d’autrui, en se les représentant de façon intérieure, afin de décoder et d’interpréter ses intentions et objectifs, dans le but de produire une réponse adéquate. Observer et décrypter C’est exactement ce que l’on fait dans des situations aussi diverses que lorsqu’on écoute un orateur prononcer un discours dans le but de lui poser des questions à la fin, ou que l’on observe un artisan manipuler un outil dans l’intention de l’imiter et d’apprendre son métier, ou même que l’on écoute un musicien jouer de son instrument préféré dans l’espoir de l’égaler un jour peut-être... Afin de décrypter correctement les intentions des autres, nous construisons une image intériorisée de leurs actions. D’un point de vue neurophysiologique, il est nécessaire que les deux protagonistes, l’acteur et l’observateur, partagent des représentations identiques, communes à la perception du mouvement et à l’action elle-même. Nous pouvons ainsi nous représenter intérieurement les actions des autres comme si nous agissions nous-mêmes. Cette représentation unique des actions de soi et de l’autre rend les interactions entre individus plus efficaces. Des neurophysiologistes italiens ont bien identifié les neurones à l’origine de ces images superposables, en miroir l’une de l’autre (voir encadré p.26). 25 ATHENA 266 · Décembre 2010 > NEUROLOGIE Des Neurones à effet miroir pour observer l’autre … L 26 es neurones «miroirs» ont été découverts dans le cerveau du Singe initialement par Giacomo Rizzolatti et son équipe du laboratoire de neurophysiologie de l’Université de Parme en Italie. S’activant lors de certaines actions spécifiques réalisées par le primate, par exemple «peler une banane», les neurones miroirs déchargeaient également lorsque l’animal observait l’expérimentateur en train de peler le fruit oblong dans l’intention de le manger. Tout se passe comme si ces neurones de l’action très particuliers reflétaient également dans le cerveau du primate tout ce qui se passe dans son environnement et qui est susceptible de présenter un intérêt pour lui. Les études qui ont suivi ces découvertes ont indiqué que les neurones miroirs occupent chez le Singe une aire équivalente à l’aire pré-motrice chez l’Homme (Voir encadré p.27). Toute action engage autour du cortex moteur primaire contrôlant la contraction musculaire, le cortex pré-moteur qui coordonne globalement l’enchaînement des mouvements dans une action dirigée vers un but et le cortex pré-frontal, qui oriente la réaction intentionnelle vers un objectif à atteindre. Dans les interactions entre individus, l’acteur et l’observateur mobilisent des neurones miroirs situés à la fois dans la partie ventrale du cortex pré-moteur et dans le lobule pariétal inférieur, autorisant un partage inconscient des représentations mentales entre l’un et l’autre protagonistes. Coopérer ou rivaliser ? L’évolution a mis en place des mécanismes spécifiques à différents types d’interactions sociales, quand il s’agit par exemple de coopérer ou au contraire d’entrer en compétition avec un congénère. Les deux types de comportement nécessitent à la fois un contrôle de ses propres actions et une reconnaissance de celles de l’autre. Dans les deux situations il faut pouvoir anticiper le comportement du partenaire ou du rival, c’est à dire être capable de comprendre et de prévoir ses actions, en lui attribuant un état mental propre. Cet état mental du moment se définit par des pensées, des croyances, des désirs, des intentions, forcément différents des nôtres. Ces processus sont actifs dans les deux situations, la coopération et la compétition. Toutefois nous mobilisons des ressources différentes lorsque nous coopérons avec quelqu’un dans un but commun et lorsque nous entrons en compétition avec un rival pour atteindre la meilleure position. Ces données sont mises en évidence par la neuro-imagerie fonctionnelle (IRMf ) qui montre que des régions cérébrales différentes s’activent selon le contexte. Dans le cadre d’une compétition entre deux individus, le comportement du rival est plus difficile à prévoir que dans la situation plus paisible où les deux personnes coopèrent et où les actions du partenaire sont plus facilement prévisibles. Adopter une attitude compétitive met par conséquent en œuvre des processus de mentalisation élevés, qui ont lieu dans le cortex préfrontal médial, accaparant une grande partie des moyens intellectuels du sujet, et les résultats d’une tâche à accomplir peuvent s’en trouver diminués. D’autre part, la coopération stimule une petite zone cérébrale frontale qui intervient dans le traitement du conflit social, ce qui apparaît intuitivement logique, et nous aide à aplanir les tensions, à gérer les situations et favorise un climat serein et propice à la collaboration. De plus, les réseaux neuronaux effectuant la distinction entre soi et l’autre restent relativement silencieux lorsque l’on coopère avec un partenaire. Inversement, la compétition entre deux individus n’active pas les zones du traitement des conflits sociaux - ce qui pourrait expliquer quelques dérapages -, mais mobilise en revanche tout particulièrement les circuits permettant de faire la différence entre ses propres actions et celles du rival, indiquant bien qu’on «roule pour soi», et pas pour les autres. Une singulière différence … Coopération, équité et justice Pour finir, on pourrait penser que le plaisir ou la satisfaction sont plus intenses lorsque l’on a fait mieux ou «battu» un collègue ou un rival, mais il semblerait que les résultats obtenus de façon conviviale, en collaboration avec nos semblables, procurent une récompense supérieure dans le cerveau et donc, un plaisir plus intense. À la condition toutefois que les bénéfices à partager soient équitables. En effet, des études comportementales ont bien établi que les humains détestent les traitements injustes. À valeur égale, les offres justes procurent un sentiment de bien-être et activent en IRMf les régions cérébrales de la récompense, ce que ne font pas les offres inéquitables. De plus le fait de rejeter des avantages inéquitables ou de punir un partenaire injuste active les structures qui gèrent habituellement l’apprentissage par récompense. Des études réalisées par IRMf auprès de volontaires et simulant des petites transactions économiques pouvant donner lieu à des gains à garder pour soi ou à partager avec un collaborateur ont donné des résultats intéressants. En premier lieu, les incitations matérielles ne sont pas les moteurs exclusifs des comportements humains en société. Des facteurs motivationnels d’ordre affectif entrent en jeu. Ainsi le bien-être et la satisfaction que l’on éprouve sont supérieurs lorsque l’on s’est investi de façon saine dans une collaboration et que l’on a traité équitablement un collègue ou un partenaire social, tout comme on se sent mieux lorsqu'on a été justement traité, indépendamment du gain matériel. D’un point de vue comportemental, le plaisir d’être traité avec honnêteté va de pair avec l’intention de coopérer, ce que corrobore l’imagerie cérébrale qui montre un recouvrement des circuits neuraux dans les deux situations. De même Valérie BURGUIÈRE · NEUROLOGIE Des zones cérébrales communes pour agir et observer les personnes prêtes à participer, s’investissant facilement, sont les mêmes que celles qui adoptent un comportement équitable envers leurs partenaires. Finalement, les réseaux neuronaux du comportement coopératif sont intriqués avec les circuits traitant le plaisir d’être soimême l’objet d’une attention complice. Il existe donc une triangulation réciproque, confirmée par l’imagerie fonctionnelle qui montre qu’un comportement équitable, un sentiment de justice et une attitude coopérative éveillent les mêmes zones cérébrales de la récompense. Les chercheurs ont observé que les aires traitant l’apprentissage par récompense s’activent à l’IRMf avant même l’obtention d’une gratification matérielle, indice supplémentaire du plaisir qu’il y a à travailler ensemble, indépendamment du profit à venir. Finalement, dans le cerveau, le satisfecit lié au fait de se comporter loyalement et de collaborer se lisait comme le plaisir d’être associé à un travail et d’être traité de façon fair-play. Nous sommes donc plus heureux lorsque nous collaborons dans des projets ou des objectifs communs que lorsque nous agissons en solo, de façon égoïste ou égocentrique. Les fruits à récolter semblent meilleurs. Certains verront peut-être les choses différemment après ça... C lassiquement, l’anatomie du cerveau distinguait, avec Brodmann, des petites zones cérébrales que ce dernier avait désignées par des numéros. Aujourd’hui, la neuro-anatomie fonctionnelle met en correspondance ces mêmes aires cérébrales avec leurs fonctionnalités. Ainsi, toute action, simple ou même complexe, met en jeu un ensemble de territoires plus ou moins spécialisés. Ces différentes zones s’articulent autour du cortex moteur primaire, contrôlant la contraction musculaire et situé dans le cortex frontal (Voir schéma p.26). La représentation des muscles du corps dans le cerveau dessine à la surface du cortex un homoncule appelé gnome de Penfield. Dans le gnome, les différentes parties du corps sont représentées selon leur importance fonctionnelle (par exemple, la surface du pouce est plus grande que celle du petit doigt, lequel nous est bien moins utile dans la vie quotidienne). La réalisation correcte d’une action intentionnelle, orientée vers un objectif à atteindre, nécessite l’intégrité des cortex frontal et pariétal. En effet, autour de la zone primaire, des aires d’intégration motrice orchestrent un contrôle plus global de la séquence motrice totale à accomplir. Ainsi, le cortex frontal pré-moteur, situé immédiatement en avant du cortex moteur primaire, coordonnerait globalement l’enchaînement des mouvements dans une action dirigée vers un but. De même, la zone pariétale inférieure interviendrait pour distinguer ses propres actions des actes et intentions des autres. Action et observation Classiquement, la perception et la motricité sont traitées de façon distincte dans le cerveau. Toutefois, des aires de recoupement ont été mises en évidence lorsque deux personnes entrent en interaction. Des images obtenues grâce aux techniques de la tomographie par émission de positons (TEP) révèlent que le simple fait pour un observateur de regarder passivement une action effectuée par un autre met également en jeu le cortex frontal pré-moteur et la zone pariétale inférieure chez l’observateur. Ces deux zones sont donc actives à la fois chez l’acteur et chez l’observateur passif, selon un effet «miroir» (voir encadré «Des neurones à effet miroir pour observer l’autre …») réalisant des images semblables chez les deux individus. Ce phénomène est un pré-requis nécessaire à la communication sociale non verbale et à toutes les interactions sociales entre les membres au sein d’un groupe, quand il s’agit par exemple de coopérer dans un but commun ou d’entrer en compétition avec un pair. 27 ATHENA 266 · Décembre 2010 > BIOLOGIE Texte : Jean-Michel DEBRY • [email protected] Photos : Maureen/Flickr (p.28), Emily/Flickr (p.28), S.PIRARD (p.29), M. LINDNER (p.29), National Geographic Maps (p.30) Question de souffle 28 Brave chien ! S i le cheval est considéré comme la plus noble conquête de l’homme, le chien est sans contexte son meilleur ami: présent, chaleureux, empathique, fidèle, mais un tantinet intéressé aussi, bien entendu. L’humain s’en est très tôt rendu compte et dès le début, lui a réservé un sort tout à fait particulier. Qu'il soit le dernier - celui qui ouvre les portes du paradis -; celui de la vie et de l'espoir porté par les progrès et découvertes; celui du vent qui, vous le verrez, peut semer très loin; ou encore celui qui défie les lois biologiques; le souffle, puisque c'est bien de lui qu'il s'agit, sera au cœur de votre rubrique "biologie" du mois... En tous, cas, retenez-bien le vôtre, vous risquez encore d'être surpris ! Si cet animal est un des premiers - sinon le premier - à avoir été domestiqué par l’homme, il a aussi été le premier et pendant longtemps, le seul à bénéficier d’une sépulture propre. De nombreuses tombes sont connues pour abriter la dépouille d’un chien, déposé sur le flanc avec égard. 400 sites de ce type ont été répertoriés, contenant les restes de 1.200 animaux. On en a découvert à différents endroits du globe, mais plus particulièrement au sud des États-Unis, dans le nord de l’Europe et au Japon. La plus ancienne de ces sépultures connue à ce jour remonte à 9.000 ans, soit un millénaire après le début de l’Holocène et la fin de la plus récente glaciation. Cette datation a son importance: on pense en effet qu’à partir de cette époque, le chien est devenu un auxiliaire de l’homme à la chasse, rabatteur privilégié pour le moyen, voire le gros gibier. Sa perte constituait par conséquent aussi celle d’un «collègue» de chasse. D’où les égards qui lui étaient réservés. Étrangement, cette bonne disposition s’est éteinte avec la généralisation de l’agriculture et de l’élevage; sans doute parce que le chien-chasseur a perdu du même coup un peu de son importance vitale. Cela ne signifie en aucun cas qu’il ait été moins apprécié. On a simplement moins pris la peine de lui offrir une sépulture unique. Y avait-il des rites mortuaires spécifiquement associés ? C’est un des éléments qu’il reste à découvrir. n Science 2010 ; 329 : 464-1465. Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE SIV et HIV: même évolution ? O n a depuis longtemps établi le lien qui semble exister entre les virus de l’immunodéficience humaine (les HIV1 & 2) et simienne (SIV). On connait les dégâts provoqués par les premiers chez l’humain depuis une trentaine d’années, alors que chez le singe, le SIV semble nettement moins agressif. Des études ont porté sur cette particularité qui a d’autant plus surpris les spécialistes que des évaluations ont fait naître le SIV il y a relativement peu de temps également, quelques siècles au plus. Les singes primates auraientils développé des défenses naturelles plus rapidement que n’est capable de le faire l’humain ? Une équipe de chercheurs a voulu en savoir davantage sur le sujet et s’est livré à une étude permettant de savoir si l’émergence de ce virus animal ne serait pas nettement plus ancienne. Sans entrer dans le détail du protocole expérimental, ils ont recherché des traces de la présence du virus chez 79 singes appartenant à 6 espèces différentes, issus tant du territoire continental africain que de l’île de Bioko qui s’en est détachée il y a 10 à 12.000 ans. Ils ont étudié les séquences géniques concernées ainsi que les différences notées et, mettant un modèle mathématique à profit, ont pu estimer que le virus SIV est bien plus ancien que généralement estimé. Son origine remonterait en effet à 32.000 ans, loin par conséquent des quelques siècles d’existence présumée. Cela change évidemment tout. Cela signifie en particulier que tant le virus SIV que les singes ont pu longuement évoluer, connaissant ce que les spécialistes appellent une coévolution. Résultat: les espèces se sont adaptées au virus, faisant naître des résistances qui donnent à ce dernier une virulence atténuée. La conclusion qu’on peut en tirer pour l’humain et ses propres virus d’immunodéficience, c’est qu’il faudra encore longtemps sans doute avant qu’une adaptation identique n’apparaisse. Autant, par conséquent, miser le plus possible sur l’option thérapeutique, partout où c’est nécessaire ! Science 2010 ; 329 : 1487 29 Entre froid, altitude, Tibétains… et mammouths ! L ’hémoglobine du sang a pour fonction de capter l’oxygène de l’air inspiré dans les poumons et de le transporter dans les différents tissus. Cette fonction métabolique est toutefois réduite par la température, essentiellement quand celle-ci est basse. Cette réalité a forcément quelques implications pour les organismes humains et animaux confrontés au froid et à l’altitude. Pour les mammouths, l’affaire est entendue: rayés de la carte des vivants, ils n’ont plus à réagir aux conditions thermiques de la dernière glaciation. Cela n’a pas empêché des chercheurs très contemporains de vérifier si ces géants disparus, qui ont divergé de leurs cousins éléphants il y a 1,2 à 2 millions d’années, n’avaient pas bénéficié de l’une ou l’autre mutation favorable. Ils ont par conséquent jeté leur dévolu sur les vestiges d’un animal vieux de 43.000 ans. De l’ADN étant encore exploitable, les scientifiques ont plus particulièrement fixé leur attention sur la séquence responsable d’une des chaînes de l’hémoglobine en question. Bien leur en prit puisqu’ils y ont découvert trois mutations dont les éléphants actuels ne disposent pas. On a ensuite pu montrer que ces modifications pouvaient rendre compte d’un meilleur rendement à basse température. Quid des Tibétains qui ajoutent parfois au froid l’effet de l’altitude ? Eux aussi ont fait l’objet d’une étude comparative afin de vérifier s’ils disposent d’adaptations à la raréfaction d’oxygène. Sans entrer dans le détail des examens menés, la réponse est bien entendu positive, sans qu’on sache si les ancêtres ont habité les hauteurs parce qu’ils disposaient déjà d’adaptations spontanées ou si ces dernières sont apparues ensuite de façon opportune. Étrangement, on a observé que ces femmes et ces hommes présentent une concentration artérielle en oxygène plus basse que les peuples chinois voisins - ce qui peut s’expliquer par les conditions locales - mais qu’ils ont aussi une concentration en hémoglobine sanguine plus faible. Là, c’est plus paradoxal. La compensation viendrait de deux autres dispositions: l’absence de constriction des bronches en cas d’hypoxie (réduction forte en oxygène) et un rythme respiratoire au repos plus rapide. On s’est bien entendu livré aussi à des études génomiques qui ont mis en lumière les modifications responsables, perceptibles au niveau de l’ADN. À l’évidence, le froid, l’altitude et la convergence des deux peut mener à des adaptations différentes. Pour le moment, ça fait juste avancer un peu la science. Mais allez savoir si ça ne va pas donner sous peu quelque idée à des managers sportifs en mal de dopage sans EPO ? Science 2010 ; 329 : 72-75; Nature Genetics 2010 ; 42 : 536-540; Médecine/ science 2010 ; 26 : 709-710 ATHENA 266 · Décembre 2010 > BIOLOGIE La question du mois C ombien d’animaux de laboratoire la recherche utilise-t-elle chaque année dans la seule Union européenne ? Réponse: 12 millions… 30 Cette valeur peut apparaître énorme, mais plusieurs réserves sont à apporter. D’abord, «utiliser» ne signifie pas nécessairement sacrifier. Ensuite, l’écrasante majorité des animaux en question sont des souris et non des singes ou des chiens. La valeur rapportée - qui vaut pour 2008 - ne présente plus de croissance depuis plusieurs années. Enfin, les expériences sont planifiées et le nombre d’animaux requis est réduit au minimum; notamment en raison de leur prix: de plus en plus de souris utilisées sont en effet «transgéniques», fruits de manipulations préalables destinées à en faire des modèles d’étude privilégiés de pathologies humaines ou tout simplement du fonctionnement des gènes. La recherche fondamentale reste d’ailleurs le plus important utilisateur avec 38.1% de l’effectif des animaux recensés. Souvent décriés dans le passé, les tests de toxicité se passent dorénavant de plus en plus du recours à l’animal; leur impact global ne vient d’ailleurs plus qu’en 4e position dans le classement des domaines utilisateurs, avec 8,7%. Que cela plaise ou non, qu’on le déplore ou non, l’expérimentation sur l’animal reste une étape obligée dans de nombreux protocoles, notamment dans la perspective d’une recherche clinique. Mais qu’on se rassure: utiliser un animal et surtout le sacrifier n’est jamais sans but pour un scientifique. Jamais un plaisir non plus. Nature 2010 ; 467: 757 L’homme des antipodes S i l’homme moderne - Homo sapiens - a émergé du territoire africain il y a 200.000 ans environ (au moins le pense-t-on), il a assez rapidement colonisé le reste du globe ensuite, preuve de ses aptitudes adaptatives. Il ne faut en effet pas oublier que non seulement il a émigré vers le nord et le sud, mais aussi vers l’ouest et l’est, le tout pendant des périodes glaciaires - celles de la fin du Pléistocène - qui ne devaient pas fondamentalement aider à la progression. Si on date clairement sa présence sur le territoire de notre vieille Europe - l’occupation de la grotte de Lascaux, en Dordogne, remonte par exemple de 32.000 ans - on sait moins que des populations de même souche ont rapidement migré aussi vers l’est jusqu’à atteindre l’actuelle Océanie. À partir de quand ? C’est ce que les paléontologues tentent d’établir, d’un site de fouille à l’autre. Des travaux récemment publiés apportent quelques informations en la matière. Ils relatent le résultat de fouilles menées dans l’est de la Nouvelle Guinée et qui semblent particulièrement éclairantes: l’homme moderne y a laissé des traces de sa présence il y a près de 50.000 ans d’ici. Avant Lascaux, par conséquent. Or, pour arriver sur ce territoire, sapiens a dû naviguer, au moins un peu. À l’époque, soit avant –10.000 ans, le niveau des mers et océans était une centaine de mètres inférieur à ce qu’il est aujourd’hui, une longue période de glaciation aidant. Partant, l’Australie, la Tasmanie et la Nouvelle Guinée formaient un bouclier commun permettant d’accéder de l’un à l’autre à pieds secs. Ce territoire unique, pour l’anecdote, est appelé Sahul. Pour la même raison, il en allait sensiblement de même un peu plus au nord, le Sundar, groupant sur un même socle, la Malaisie, Sumatra, Bornéo et quelques autres. Il restait néanmoins un bras de mer à franchir, heureusement parsemé d’îles (Mali, Lombok, Flores, Dili, etc.) qui ont pu aider les pionniers de la découverte à opérer un cabotage de fortune. Résultat: des hommes ont donc pu mettre le pied sur le territoire océanien il y a bien longtemps. Ils y ont laissé quelques traces de leur présence jusqu'à 2.000 mètres d’altitude; on a en effet trouvé des outils primitifs - c’est classique - mais aussi des traces d’exploitation de l’igname (la patate douce) ainsi que du pandanus, un palmier endémique du Pacifique sud. Voilà donc des ancêtres pionniers qui n’ont pas tardé à voyager loin, mettant à profit leurs dons multiples pour cultiver, naviguer, explorer, s’adapter. Si la culture aborigène en Australie et celle des Papous de Nouvelle Guinée sont les héritières directes de cette lointaine percée humaine exploratoire, il semble qu’elles aient tout de même marqué, depuis, un temps d’arrêt dans leur progression. n Science 2010 ; 330 : 78-81 Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE Après le génome: l’épigénome ! A vec l’identification de l’intégralité des constituants de notre ADN, on croyait pouvoir redéfinir étroitement ce qu’est l’humain. Le «Projet génome humain» est bien entendu à considérer comme une étape importante de la connaissance de l’homme, mais est loin encore de tout déterminer. En quelque sorte, on a défini la succession des notes sur notre partition génétique. Cela ne signifie pas encore qu’on soit à même de comprendre la mélodie à laquelle elles participent. C’est une affaire de spécialistes et il est peu dire qu’ils sont nombreux à être attachés à ce travail de déchiffrage. Mais pouvoir lire une partition et chantonner la mélodie qu’elle définit ne dit rien encore de son interprétation. Elle peut offrir de nombreuses variantes. Bien que disposant des mêmes gènes du début à la fin de notre vie, nous ne les exprimons pas de la même façon dans l’enfance ou à l’âge adulte, si nous sommes malades ou en bonne santé; bref, nos gènes interviennent quand il le faut. Cette variabilité est elle-même programmée par un ensemble de processus de contrôle fins qu’on qualifie d’épigénétiques. Le terme se définit par lui-même: la régulation vient «au-dessus» des gènes; ces derniers ne sont donc pas modifiés; seule leur possibilité de délivrer un message est affectée. Cette régulation est naturelle et nous concerne tous à tout moment. Mais elle peut aussi subir des modifications induites par des substances ou processus externes divers au rang desquels on peut situer des rayonnements, des polluants, des molécules qui agissent comme des hormones (perturbateurs endocriniens), des médicaments, etc. La seconde régulation est assurée par la fixation directe de radicaux méthyles sur des composants de l’ADN (les cytosines). La troisième est due à l’action d’une enzyme - la DNase - là où l’ADN est accessible. La quatrième voie, enfin, est quant à elle indirecte: elle tient à l’évaluation de la quantité d’ARN produite par les gènes, ces molécules (encore appelées transcrits) servant de lien entre le message héréditaire (détenu par les gènes) et la molécule produite. Un important projet américain, baptisé Roadmap Epigenomics Project, doté de 170 millions de dollars d’aide, va prochainement être lancé pour identifier les signes de modification épigénomique dont nos gènes sont naturellement tributaires. On sait d’avance que quatre types de marques vont devoir être débusqués puisque l’épigénétique procède de cette diversité. Tout cela est sans doute complexe et réservé à des spécialistes. Comme pour le «Projet génome» qui l’a précédé, ce «Projet épigénome» ne constituera qu’une première étape. Lorsqu’on aura identifié toutes les sources naturelles de variation d’expression des gènes, on pourra débusquer toutes celles qui sont vraisemblablement liées à des effecteurs externes. Et c’est là qu’en matière sanitaire, la démarche prendra toute son importance. La première tient à la modification chimique de sites particuliers des protéines - les histones - associées à l’ADN. Nature 2010 ; 467 : 646 Miel médecine P our beaucoup de nos contemporains, le miel reste l'un des compagnons préférés des petits déjeuners et, sur un mode plus saisonnier, des tisanes et autres grogs. Pour d’autres, cet aliment d’essence naturelle n’est rien d’autre qu’un supplément trop riche en sucre qui ne trouve pas sa place dans une alimentation diététique. Toutefois, le miel garde bonne presse dans notre culture et conserve même aux yeux de certains, des vertus «médicales» prouvées, notamment dans le traitement des plaies, à défaut de solution antiseptique. Des chercheurs ont une fois de plus voulu en savoir davantage sur le pouvoir bactéricide réel ou prétendu de ce nectar animal. Ils ont commencé par identifier les composants physico-chimiques susceptibles d’avoir cet effet et les ont inhibés sélectivement l’un après l’autre. Ils ont ensuite préparé une solution à partir de chacun des produits d’inhibition et l’ont ajoutée à des cultures de germes parmi les plus résistants: Staphylocoque doré, Escherichia coli et quelques autres. Résultat: le miel conserve un pouvoir bactéricide qui demeure supérieur à une solution sucrée de synthèse, de composition sensiblement équivalente. Plusieurs paramètres semblent devoir être incriminés dans ce pouvoir: le pH (acidité), le peroxyde d’hydrogène, le méthylglyoxal et - sans doute surtout - la défensine-1, produite par les ouvrières et qu’on retrouve surtout dans la gelée royale. Ce que les chercheurs vont tenter de savoir maintenant, c’est dans quelle mesure la combinaison de ces différents éléments peut se montrer diversement efficace dans la lutte contre les germes; avec sans doute l’idée non affirmée de renforcer la concentration de l’un ou l’autre composant et faire du miel produit un alicament réellement efficace. C’est vrai que ces aliments-àusage-sanitaire contribuent aujourd’hui à créer un marché en pleine croissance. Les abeilles mises à la tâche en recevront-elles les dividendes ? Médecine/science 2010, vol.26 : 818 31 ATHENA 266 · Décembre 2010 > MÉDECINE Les dents 32 de... l'athlète D epuis une trentaine d’années environ, on sait qu’un patient souffrant d’une lésion valvulaire risque de connaître un problème cardiaque majeur s’il n’est pas sous antibiotiques au moment où il est appelé à subir un détartrage des dents ou une extraction dentaire. Comment expliquer le phénomène ? En raison du traitement pratiqué par le dentiste, la flore bactérienne peut se délocaliser et provoquer une infection focale. À un niveau moins dramatique, la théorie des infections focales nous enseigne par ailleurs que des caries dentaires, une gingivite ou une paradontite (1) sont de nature à entretenir des inflammations à l’échelon musculaire, tendineux et ostéoarticulaire. Aussi la dentisterie a-t-elle un rôle non négligeable à jouer dans l’univers du sport professionnel. Son intervention y est d’autant plus souhaitable que plusieurs travaux soulignent l’existence d’un lien entre la qualité de l’occlusion dentaire et celle de la posture. «En corrigeant la première, on contribue à corriger la seconde, insiste le dentiste Marc Crespin, membre de l’équipe médicale et paramédicale pluridisciplinaire dont s’est doté le Standard de Liège. Des anomalies au niveau de la fermeture Chez le sportif de haut niveau, il semble que la qualité de l’occlusion dentaire influence la performance. Peut-être la preuve formelle du phénomène nous sera-t-elle apportée par l’équipe médicale et paramédicale pluridisciplinaire dont s’est entouré le Standard de Liège... Texte : Philippe LAMBERT [email protected] Photos : REPORTERS (pp.32 et 33) des mâchoires peuvent être à l’origine de céphalées, d’otalgies, de douleurs du rachis cervical, etc., mais probablement aussi retentir sur le système de l’équilibre avec des conséquences négatives sur les performances sportives.» En effet, certaines observations cliniques et de terrain font état de gains de performance chez des nageurs et des cyclistes dont on avait réharmonisé l’occlusion dentaire par un travail sur les dents ou la pose de gouttières. Un constat similaire a été effectué chez l'un des joueurs du club liégeois dont l’occlusion dentaire laissait initialement à désirer. Dans le cas des nageurs et des cyclistes, une hypothèse explicative de l’amélioration des performances enregistrées est la plus grande rectitude de leurs déplacements, pour les uns dans leur couloir, pour les autres sur les routes. Philippe LAMBERT · MÉDECINE L’os hyoïde est situé au niveau de la jonction du cou et de la tête, il est le seul os du squelette à n’être articulé avec aucun autre Os gyroscopique Peut-on postuler en outre un gain de force ? Le professeur Jean-Louis Croisier, président du Département des sciences de la motricité à la Faculté de médecine de l’Université de Liège (ULg) et proche collaborateur de la commission médicale du Standard, estime qu’il faut rester prudent sur ce point. «Certaines conclusions ont été avancées sans qu’il y ait de réelle évidence scientifique en la matière», dit-il. Or précisément, pour appuyer son opinion, c’est aux résultats d’une étude expérimentale (2) réalisée par son équipe, en collaboration avec le service de dentisterie de l’ULg, qu’il peut se référer. «À l’aide d’un dynamomètre isocinétique (3), nous avons effectué des mesures de la force de plusieurs groupes musculaires (ischio-jambiers, quadriceps...) des membres inférieurs chez des volontaires dont nous avions modifié l’occlusion, soit en y induisant des perturbations, soit en la corrigeant. Il ressort de ces travaux que l’occlusion dentaire influence effectivement les performances musculaires du membre inférieur. Cependant, les pertes ou les gains de force sont faibles, ne concernent que certains groupes musculaires (essentiellement les quadriceps) et uniquement pour le mode de contraction excentrique.» Jean-Louis Croisier précise que, dans l’étude menée sous sa direction, les sujets se voyaient imposer de serrer les mâchoires au cours des tests isocinétiques, sans quoi, en effet, il n’eût pas été pertinent de mesurer l’impact de la qualité de l’occlusion dentaire sur des paramètres de force. S’il existe bien une relation (modérée) entre la qualité de l’occlusion dentaire et la force de certains groupes musculaires, le phénomène ne peut, en toute logique, avoir d’impact que dans les efforts où le sportif serre les dents, comme c’est le cas en haltérophilie par exemple. Or, ainsi que le rappelle le professeur Croisier, l’athlète court avec la bouche mi-ouverte dans nombre de disciplines sportives. Ce qui vaut pour la force ne vaut pas nécessairement pour l’équilibre. «Chaque fois que l’athlète déglutit, il ferme automatiquement les mâchoires, dit Marc Crespin. De la sorte, la statique du corps se trouve modifiée dans le mouvement.» Comment l’expliquer ? Par définition, la fermeture de la bouche influence le positionnement de l’occlusion dentaire, mais aussi, par ricochet, celui de l’os hyoïde, véritable «os gyroscopique» du corps. Si le contrôle de la position de ce dernier est principalement assuré par trois systèmes sensoriels, les systèmes visuel, proprioceptif et vestibulaire (oreille interne), on sait que l’os hyoïde y contribue également. Situé au niveau de la jonction du cou et de la tête, il est le seul os du squelette à n’être articulé avec aucun autre. Relié à plusieurs muscles de la mandibule ainsi qu’à un grand nombre de muscles qui soutiennent et meuvent la langue, le pharynx et le larynx, l’os hyoïde est flottant et censé demeurer de façon adaptative en position horizontale. Mais pour qu’il en soit ainsi, encore faut-il que l’ensemble des chaînes musculaires impliquées dans son positionnement remplissent adéquatement leur rôle. C’est ici qu’intervient notamment la qualité de l’occlusion dentaire. Standard - AC Milan «Un des tests les plus couramment utilisés chez les sportifs de haut niveau pour déceler un éventuel déséquilibre de la posture est le "test du héron", indique Marc Crespin. L’athlète se tient debout sur une jambe, l’autre étant repliée sans qu’il y ait contact entre les deux genoux. La présence d’une fibrillation musculaire dans cette position est le signe d’un déséquilibre postural.» Néanmoins, une approche plus fine nécessite le recours à une plaque de posture, d’autant que, chez le sportif, la performance de haut niveau tient souvent à des variations très discrètes de certains paramètres. La plaque posturale, dont la fonction est d’enregistrer les pressions exercées par la plante des pieds, autorise une analyse multimodale dans la mesure où elle permet d’objectiver scientifiquement l’effet de la variation des différents paramètres influant sur la posture: position des yeux et tension des muscles oculomoteurs, qualité de l’information podale, malformations ou pathologies du système vestibulaire, qualité de l’occlusion dentaire... «L’approche mise en œuvre s’inscrit dans une philosophie plus générale qui consiste à se forger une vue globale du sportif et à le traiter de manière holistique dans le but de le rendre aussi performant que possible», souligne Marc Crespin. 33 ATHENA 266 · Décembre 2010 > MÉDECINE (1) Destruction de l’os de soutien de la dent due à une infection chronique ou aiguë. (2) Unexpected effects of dental occlusion on lower limb muscle strength development, par Croisier J.L., O’Thanh R., Domken O., Forthomme B., Maquet D., Delvaux F., Lamy M., Isokinet Exerc Sci, 2007. 34 (3) Le terme «isocinétisme», qui s’inscrit dans la sphère de la fonction et de la performance musculaires, signifie «mouvement à vitesse constante». La mise en œuvre de ce principe repose sur l’utilisation d’un appareillage spécifique: le dynamomètre isocinétique, lequel adapte instantanément sa résistance à la force développée par le sujet. Plus celle-ci est élevée, plus la machine résiste; moins elle l’est, moins la machine résiste. Les applications ? De deux types: l’évaluation des performances musculaires (force) maximales et la rééducation des groupes musculaires éventuellement déficitaires par un entraînement sur le dynamomètre. Dans le cadre de sa collaboration avec le Standard de Liège, le service de médecine physique dirigé au CHU de Liège par le professeur Jean-Michel Crielaard utilisera sous peu une plaque de posture afin d’étudier sur des bases scientifiques chiffrées les éventuels problèmes posturaux rencontrés par certains joueurs du club. Ce programme sera initié après l’acquisition d’un logiciel développé à l’AC Milan. D’une valeur de 16.000 euros, cet outil informatique est centré sur les besoins spécifiques des footballeurs professionnels. «Les sportifs de haut niveau sont des individus qui possèdent en général une posture exceptionnelle; chez eux, tout se joue donc sur des détails, fait remarquer Marc Crespin. Avec ce programme adapté, il deviendra possible de déceler de très petites anomalies posturales et, s’il s’avère qu’elles trouvent leur origine dans un léger problème d’occlusion dentaire, d’y remédier en apportant des microchangements dans la position des dents ou des mâchoires.» Pour mener à bien cette «mission corrective», l’odontostomatologie dispose de plusieurs armes, telles la pose de gouttières, la rectification de la position des dents ou la chirurgie. Une autre approche intéressante semble être l’ostéopathie. «Le positionnement des vertèbres cervicales C1 et C2 a souvent un rapport direct avec l’occlusion dentaire, précise Marc Crespin. Dans ce contexte, l’ostéopathe a pour objectif principal de corriger la position de ces vertèbres et de libérer la musculature de ses tensions.» Courses hippiques À l’heure actuelle, il n’existe pas d’étude scientifique rigoureuse relative à l’impact de la qualité de l’occlusion dentaire sur la performance du sportif de haut niveau dans l’exercice de sa discipline. En l’absence de certitudes, nous restons au royaume des présomptions, mais des présomptions fortes cependant. Les travaux de recherche projetés par le staff médical du Standard devraient nous apporter des éléments de réponse de nature expérimentale. Dans le sport de haut niveau, la sollicitation du corps est extrême. Aussi la moindre perturbation peut-elle constituer un élément susceptible de nuire à la performance. Pour étayer le propos, Marc Crespin cite l’exemple des pursang. Herbivores, les chevaux usent leurs dents de manière importante. Lors des courses hippiques, des chutes de performance ont été attribuées à une mauvaise occlusion dentaire découlant de cette usure. Une intervention au niveau des zones d’appui par meulage des molaires permet de rééquilibrer les surfaces occlusales et par là même, la posture de l’animal. «Il est apparu sur le terrain que les chevaux concernés couraient mieux et plus vite après une telle intervention, rapporte Marc Crespin. Le problème ne résultait pas d’une perte de force musculaire, mais d’un phénomène de compensation découlant d’une mauvaise posture, ce qui contrariait la justesse du geste produit et induisait une dépense énergétique accrue.» Henri DUPUIS · PHYSIQUE La réussite de l’expérience Alpha signifie que les physiciens ont réalisé un pas important dans le développement des t echniques qui permettront d’étudier l’insaisissable: l’antimatière ! Qu’on se rassure: la bombe à antimatière de Dan Brown reste du domaine de la fiction... S i Dan Brown a situé le début de son roman Anges et Démons au CERN, le Centre européen de recherche nucléaire, ce n’est pas sans raison: l’organisme est une véritable «usine» de production d’antimatière depuis de nombreuses années déjà. Mais l’analogie avec la réalité doit s’arrêter là: on n’y fabrique pas de bombes d’antimatière (c’est d’ailleurs physiquement impossible), l’antimatière ne «sort» pas du LHC (il n’a pas été conçu pour cela)... et les physiciens n’ont nullement l’intention de détruire le Vatican ! Le pape peut dormir sur ses deux oreilles ! L’article publié le 17 novembre dernier dans la revue Nature (1) est sans aucun doute moins captivant que le roman de Dan Brown dans sa formulation (il manque un peu de suspense et l’écriture est sans conteste plus aride !) mais pas dans son intérêt. Car il révèle que les chercheurs sont parvenus à conserver des atomes d’antimatière, ici des atomes Texte : Henri DUPUIS • [email protected] Photo : M. BRICE/CERN (p.36) d’antihydrogène, assez longtemps pour pouvoir être étudiés: le piège Alpha (Antihydrogen Laser Physics Apparatus) a parfaitement fonctionné. La prédiction de Dirac C’est à la fin des années 1920 que le physicien britannique Paul Dirac introduit le concept d’antimatière. Comme souvent, il naît de la résolution d’équations. Dirac cherchait en effet à concilier mécanique quantique et relativité restreinte. Lorsqu’il applique à l’électron les équations auxquelles il était arrivé, il découvre que le système a deux solutions possibles. L’une correspond à l’électron tel qu’on le connaissait, avec une charge électrique négative; l’autre, prédit Dirac, doit correspondre à un électron de charge opposée, donc positive. Il va plus loin en suggérant que toutes les particules devaient avoir leurs antiparticules, combinables entre elles de sorte qu’il devait exister des antiatomes comme il existe des atomes. Beaucoup de scientifiques - Dirac luimême essaie d’autres explications - ne croient pas à cette interprétation... jusqu’en 1932, lorsque Carl Anderson découvre expérimentalement que les rayons cosmiques produisent des électrons mais aussi des particules de même masse mais de charge opposée: Dirac avait vu juste, l’antimatière existe. Ce qui sera confirmé dans les années 1950 lorsqu’on se mettra à produire d’autres antiparticules. Le CERN a rapidement conquis une place de choix dans la production d’antimatière et plus particulièrement des atomes d’antimatière. Car produire des antiparticules séparées est une chose, les assembler pour produire des antiatomes en est une autre. En septembre 1995, le CERN réussit à produire les 9 premiers atomes d’antihydrogène jamais engendrés en laboratoire. Les années 2000 l’ont vu produire de l’antimatière en quantité de plus en plus importante. Et la stocker ? Non, bien sûr et c’est bien à partir d’ici qu’on s’éloigne du roman de Dan Brown. 35 ATHENA 266 · Décembre 2010 > PHYSIQUE Et la bombe ? L a possibilité de garder de l’antimatière confinée pendant un temps «relativement long» signifie-t-elle que les physiciens jouent avec le feu, jetant les bases d’un nouveau moyen de destruction comme Dan Brown le laissait entendre ? Il n’en est rien pour des raisons très simples. 36 Tout d’abord, les techniques actuelles permettent de produire quelques milliers d’atomes à la fois. Cela peut paraître beaucoup mais il en faudrait 1019 fois plus pour remplir un simple ballon. Et même si on parvenait à les stocker au fur et à mesure, au rythme actuel de production, il faudrait plusieurs milliards d’années avant d’avoir atteint ce chiffre ! L’autre raison tient à la quantité d’énergie nécessaire pour les produire. Comme on l’a dit, l’antimatière n’existe pas à l’état de «gisement» dans lequel on pourrait s’approvisionner. Il faut donc la créer, ce qui demande de l’énergie... que la nature utilise très mal: l’énergie disponible dans l’antimatière ne représente qu’un dixième de millionième de l’énergie dépensée pour la créer. Inutile donc d’espérer fabriquer une bombe avec un rendement aussi médiocre. Mieux vaut utiliser le bon vieux TNT ou, pour les plus ambitieux, l’arme nucléaire... Car ces 9 premiers antiatomes produits n’ont subsisté que quarante milliardièmes de seconde avant de s’annihiler au contact de la matière ordinaire. Tel est bien le destin de l’antimatière dans notre monde de matière: disparaître presqu’aussi vite qu’elle est apparue. Il faut sauver l’antimatière! Comment les physiciens s’y prennentils pour créer et sauvegarder de l’antimatière ? Tout d’abord, notons qu’il faut créer des antiparticules. Il n’existe pas de «mine» d’antimatière quelque part dans l’Univers, dans laquelle il suffirait de puiser. Pour créer de l’antihydrogène, les physiciens du CERN utilisent un «décélérateur d’antiprotons» (AD en anglais). L’AD, qui est périphérique par rapport au gigantesque LHC dont nous avons déjà parlé, consiste en un cercle d’environ 188 m de circonférence, en fait une chambre à vide entourée de pompes à vide tant il faut éviter que ne s’y introduise la moindre molécule de matière. Des aimants entourent l’ensemble pour produire des champs qui vont confiner les antiparticules dans le cercle. Celles-ci sont créées à partir d’énergie fournie sous forme de protons qui auront été accélérés dans un accélérateur. Ces protons sont projetés sur une cible de métal, ce qui fait jaillir des particules de matière et d’antimatière à raison d’environ une paire proton-antiproton par million de collisions. Les antiprotons produits se propagent dans toutes les directions. Il faut les confiner dans l’anneau de l’AD et surtout les refroidir, les décélérer dans l’AD pour qu’ils n’atteignent plus qu’environ 10% de la vitesse de la lumière. Tout cela est très rapide, environ une minute. Ils sont ensuite extraits de l’AD vers les lieux d’expérience. Pour créer des antiatomes, une des méthodes consiste à faire traverser un gaz xénon par les antiprotons. Parfois, il se crée alors un électron et un anti-électron (positon) et plus rarement encore, il arrive que la vitesse du positon soit proche de celle de l’antiproton: bingo, les deux antiparticules s’unissent alors pour former un antiatome d’hydrogène (un antiproton et un positon). Cependant, un problème supplémentaire surgit: les atomes d’antihydrogène sont électriquement neutres et sont donc encore plus difficiles à guider et conserver que les antiparticules séparées. Ces antiatomes migrent quasi immédiatement vers les parois où ils s’annihilent. La réussite d’Alpha, c’est d’avoir pu, par des techniques très sophistiquées, retarder ce moment fatidique. L’interaction entre107 antiprotons et 7×108 positons a produit des milliers d’antiatomes... dont 38 ont été piégés suffisamment longtemps (c’est-à-dire un dixième de seconde) pour être étudiés. Lorsque tout a basculé Pourquoi déployer autant d’efforts pour essayer d’étudier le comportement de tels antiatomes ? Parce que nous ne devrions pas être là pour les étudier ! Les théories actuelles de la physique montrent en effet que matière et antimatière doivent avoir été produites en quantité égale lors du Big Bang. Comme les deux s’annihilent, l’aventure aurait dû s’arrêter là. Or il y a de la matière et toute l’antimatière a disparu, du moins nous ne sommes pas parvenus à l’observer. C’est pour retrouver sa trace et comprendre ce qu’il s’est passé que les chercheurs utilisent les antiatomes d’hydrogène. Le but est en effet de déterminer s’il existe une infime différence entre les propriétés de la matière et celles de l’antimatière, différence qui expliquerait pourquoi l’une l’a emporté sur l’autre. Une vue de l’expérience Alpha au CERN. Par rapport au gigantisme du LHC, tout ici est à taille humaine... (1) Trapped antihydrogen, G. B. Andresen et al. Nature advance online publication 17 November 2010 | doi:10.1038/nature09610. Luc SMEESTERS · ESPACE Les radioamateurs sont, par nature, des férus des techno logies associées à leur hobby: l’établissement de transmissions radio. La recherche spatiale fait aussi partie intégrante de leurs préoccupations. Dès 1961, quelques années après le lancement de Spoutnik-1 (1957), le premier satellite dédié aux seules transmissions radioamateurs était en orbite (OSCAR-1 - Orbiting Satellite Carrying Amateur Radio). Depuis, ils ont également investi les engins habités - la station Mir, le Space Shuttle ou l’Iss. En plus de liaisons radio - à la demande des agences spatiales - les radio amateurs ont adjoint une dimension «académique» aux missions spatiales. Par l’intermédiaire de leurs installations, ils permettent à des étudiants du monde entier de communiquer avec les cosmonautes/astronautes et de favoriser de la sorte la découverte des métiers et des expériences scientifiques de l’univers spatial en orbite terrestre L ’AMSAT - Association mondiale des radioamateurs concernés par la conception et l’étude du comportement des satellites radioamateurs - est une organisation éducative constituée en 1969 en prolongement au lancement, en 1961, d’OSCAR-1. Depuis plus de quarante ans, le répertoire des réalisations mentionne 117 expériences spatiales dont 35 sont actuellement toujours opérationnelles. Les différentes sections nationales AMSAT favorisent la découverte, l’information et la formation aux technologies spatiales. En plus d’initiatives spécifiquement dédiées au service de la communauté internationale des radioamateurs, avec l’agrément des agences spatiales impliquées, et des astronautes/cosmonautes à bord des véhicules spatiaux, l’AMSAT orga- 37 Texte : Luc SMEESTERS (ON4ZI) [email protected] Photos : Nasa (pp.37 à 39), Ariss (p.38) nise des manifestations éducatives aux technologies spatiales. L’établissement de communications vocales et/ou numériques a eu cours à bord du vaisseau russe MIR. Avec l’accord de la Nasa, les astronautes à bord du Space Shuttle sont à la base de SAREX (Shuttle Amateur Radio Experiment). Cette structure est à la base de l’actuelle ARISS (Amateur Radio on the Interna tional Space Station), active depuis 2001. Dans un avenir proche, l’Iss accueillera aussi ARCOL (Amateur Radio on Board of Columbus). Pour être complet, il convient de mentionner une autre initiative originale, entreprise par des radio amateurs russes: SuitSat (OSCAR-54), un costume de cosmonaute «récupéré», au sein duquel une station radio installée émettait des radiogrammes enregistrés par des écoliers du monde. Le «Costume Satellite» a été largué en février 2006 lors d’une sortie extravéhiculaire à bord de l’Iss. L’originalité de l’initiative, la ATHENA 266 · Décembre 2010 > ESPACE L’équipement de la station est un appareil multibande multi-modes qui assure la transmission de la voix et lorsqu’elle n’est pas mise en œuvre par un opérateur à bord, la station peut fonctionner de manière automatique (transmission de données numériques par paquets mode AX25, répéteur cross bandes VHF pour Very High Frequency, proche de 145 MHz/UHF pour Ultra High Frequency, dans la bande des 430 MHz, retransmission d’images télévisées à balayage lent SSTV - Slow Scan TeleVision). La station radio sera prochainement déplacée pour être installée dans le module international Columbus. Au cours d'une liaison ARISS, une écolière converse avec un membre de l'équipage à bord de l'ISS 38 La communauté mondiale des radioamateurs est intimement impliquée dans les télécommunications spatiales. Depuis Spoutnic jusqu'à l'ISS, plus d'une centaine d'activités spécifiquement dédiées à ce loisir technique ont été mises en œuvre. Grâce à l'initiative ARISS, les radioamateurs donnent aux étudiants une opportunité de découvrir les expériences et les métiers de l'espace. c ouverture médiatique et l’enthousiasme des adolescents participants ont forgé le succès de l’entreprise. SuitSat (voir photo ci-dessus) a fonctionné durant une quinzaine de jours. Actuellement, une équipe d’amateurs américains travaille à la réalisation d’un second projet de largage manuel (à la «SuitSat»). Il a récemment été baptisé ARISSAT-1. Ce sera un objet techniquement plus élaboré et plus performant qui pourrait potentiellement être largué en octobre prochain. Amateur Radio on International Space Station - ARISS Le montage de l’Iss - la Station Spatiale Internationale - est une collaboration entreprise par les USA, le Canada, la Russie, le Japon et l’ Europe. Elle est quasiment intégralement montée et constamment habitée et pilotée par des équipages qui se relayent. L’équipage peut compter jusqu’à six membres issus des divers pays contributeurs. En dehors des expériences scientifiques et d’un programme d’activités chargé, les astronautes américains, les cosmonautes russes et les scientifiques qui participent aux missions sont souvent titulaires d’une licence radioamateur qui les autorisent à utiliser la station radioamateur actuel lement installée à bord du module de service Zvezda (chronologiquement, c’est le troisième module installé, connecté au module russe Zarya, lui-même connecté à Unity, le module américain initial. La station radio porte divers indicatifs. La version américaine est: «NA1SS», l’indicatif russe est RS0ISS et l’indicatif le plus couramment utilisé: «OR4ISS» est belge ! (Il a été convenu pour des raisons pratiques d’utilisation légale). À la demande des agences spatiales, l’initiative ARISS assure la communication entre les radioamateurs de l’équipage (Franck De Winne, notre commandant à bord de la récente mission OasISS - indicatif radioamateur ON1DWN - est un opérateur motivé qui soutient et participe activement à l’initiative ARISS) et des établissements scolaires qui ont souhaité communiquer avec l’Iss et qui s’y sont activement préparés. ARISS participe également à la promotion de manifestations radioamateurs comme les «Field Day» (24 heures de contacts radio tous azimuts, toutes bandes, tous modes, tous pays) et une participation à des évènements exceptionnels. Les contacts radioamateurs coordonnés par les agences spatiales sont programmés durant les «heures de travail» de l’équipage. Les radioamateurs à bord de la Sation spatiale internationale peuvent y accéder durant leurs heures de loisir et contacter des stations terrestres. Relations scolaires L’initiative ARISS a été demandée par la Nasa et l’Esa. Elle est coordonnée en Europe par Gaston Bertels (ON4WF), radioamateur licencié depuis 1956. Il a tenu les rênes du radioclub de Bruxelles Est avant d’occuper pour dix ans la présidence de l’Union Belge des Amateurs pour devenir ensuite une cheville ouvrière discrète et très active au service d’ARISS. Depuis que Franck Bauer (KA3HDO) a dû, vu sa charge Luc SMEESTERS · ESPACE de travail au sein de la Nasa, abandonner la présidence, c’est ce dernier qui a assuré la fonction ad interim avant d’être officiellement investi dans la fonction. Depuis 2001, 530 établissements scolaires ont eu l’opportunité de poser leurs questions aux occupants de l’Iss et recevoir leurs réponses en direct, via les installations radioamateurs. Le site web d’ARISS Europe (http://www.ariss-eu. org/) relate ces échanges de manière détaillée. Les établissements académiques intéressés doivent présenter un dossier approfondi. Parce que le contact direct s’établit à l’occasion d’un survol de l’Iss aux abords du lieu, un passage qui dure une dizaine de minutes, une organisation précise s’impose. Durant ce court laps de temps, une vingtaine de questions peuvent être posées aux astronautes/cosmonautes par les étudiants sélectionnés qui, tout comme les professeurs impliqués, doivent s’entraîner à l’utilisation pratique d’un micro. Pour établir les contacts radio entre le laboratoire spatial international et les écoles candidates, une station radioamateur - opérée par un radioamateur est (si elle n’est pas disponible) implantée dans l’établissement. Lorsque la liaison radio directe ne peut être établie, une infrastructure Télébridge est mise en place. Cette alternative réalise une liaison par téléphone vers une station radioamateur en mesure de contacter l’Iss. Plusieurs stations Télébridge sont opérationnelles de par le monde (USA, Argentine, Europe, Australie, Afrique du Sud et Hawaï). En Europe, plus particulièrement en Belgique, la station télébridge ON4ISS est opérée par Philippe Van Houte (ON5PV). Le 23 mars dernier, l’initiative ARISS a été honorée. Lors de l’assemblée générale du 8 mai dernier, la station a reçu le prestigieux prix Boselli remis par L’AIR, la société italienne des écouteurs radio, en témoignage de reconnaissance pour l’impact exceptionnel engendré, la diffusion d’informations à propos de la radio et la promotion de thèmes scientifiques liés aux développements spatiaux apportés par ARISS à tant d’étudiants européens et d’ailleurs. La station radioamateur ISS évolue C’est encore à l’initiative de Gaston Bertels, via l’AMSAT Belgium et l’UBA, qu’une collecte de fonds a été organisée au sein de la communauté mondiale des radioamateurs en vue de pourvoir le laboratoire spatial européen Columbus d’antennes d’émission réception en bande L (1260-1270 MHz) et en bande S (2400 - 2450 MHz). Ces antennes ont été réalisées par la Wroclaw Technical University et livrées à l’EADS en vue de leur installation à l’extérieur du laboratoire Columbus. À titre indicatif, compte tenu des exigences techniques pointues, le budget requis pour une telle antenne est de l’ordre de 25.000 euros. Une station de télévision radioamateur (DATV) fonctionnant dans les bandes précitées devrait très prochainement être également installée à bord. Elle devrait permettre à l’initiative ARISS de transmettre tant le dialogue que les images télévisées de la conversation entre l’équipage de l’Iss et les écoles au sol. Ce projet, animé par plusieurs radioamateurs de la section américaine d’ARISS, explique la nouvelle dénomination de l’initiative: ARCOL - Amateur Radio on board of Columbus. De manière à permettre les transmissions dans les bandes VHF et UHF au départ de Columbus - telles qu’actuellement mises en œuvre depuis le module de services - une antenne UHF/VHF a également été montée sur un rail de service du laboratoire spatial. L’évolution constructive de ces initiatives prises par les radioamateurs, l’agrément, le soutien obtenu auprès des autorités de tutelle tant américaines qu’européennes et la collaboration active des équipages à bord du vaisseau spatial international atteste de l’excellente relation qui unit la communauté scientifique internationale et la famille des «OM» (Old Man, abréviation qui désigne un radio amateur). + Pour en savoir plus: AMSAT: pour tout apprendre à propos de l’organisation, des initiatives actuelles et passées, découvrir les techniques permettant la poursuite et la construction de satellites radioamateurs. http://www.amsat.org ESA: le site de l’Agence Spatiale Européenne qui détaille les activités passées, actuelles et futures prises en charge par cet organisme de référence. http://www.esa.int ARISS: le site de référence qui traite de l’évolution, de l’actualité et des initiatives entreprises par ARISS. http://www.ariss-eu.org/ ARISSAT-1: pour tout savoir sur l’évolution du projet d’objet radioamateur largué depuis l’ISS lors d’une sortie extra véhiculaire d’un astronaute/cosmonaute. http://arissat1.org UBA: Parmi les diverses associations des radioamateurs, l'Union Belge des Amateurs représente la communauté belge des radioamateur auprès de l'IBPT (Institut Belge des postes et télécommunications) et de l'IARU (International Amateur Radio Union). http://www.uba.be http://www.iaru.org Gaston Bertels (ON4WF) tend le micro aux participants d'un «space camp» tenu à l'Euro Space center à Redu lors de la mission ISS du 7 juillet 2003. Les enfants rassemblés dans l'auditorium pouvaient converser avec l'astronaute Ed Lu à bord du laboratoire spatial international. 39 ATHENA 266 · Décembre 2010 > ASTRONOMIE À la Une du Cosmos La bande nuageuse de Jupiter qui avait disparu est de retour ! D'abord repérée par un astronome amateur philippin, la chose est désormais confirmée par les télescopes professionnels géants Photo: Nasa Texte : Yaël NAZÉ • [email protected] • http://www.astro.ulg.ac.be/news 40 À gauche: Pluton retrouve son trône... Il y a quelques années, la découverte d'un objet situé au-delà de Neptune et apparemment grand, plus grand que Pluton, avait précipité sa chute de la liste des planètes. Aujourd'hui, l'occultation d'une étoile par l'objet en question - baptisé Eris en l'honneur de la déesse de la discorde - a permis des mesures précises de son diamètre. Elles indiquent qu'il est en fait plus petit (moins de 2400km) que prévu sur base de sa luminosité: Pluton retrouve donc (provisoirement?) son statut de plus gros objet de ceinture de Kuiper. Ces observations, les premières pour un objet aussi lointain, ont été effectuées depuis le Chili par plusieurs équipes, dont le télescope suisso-liégeois Trappist. À droite: Les céphéides sont d'indispensables outils pour l'arpentage céleste. Pourtant, leur structure et leur évolution restent mal connues. L'observation d'un couple stellaire, où la céphéide éclipse son compagnon et vice-versa, a enfin permis de lever un coin du voile en donnant la masse des objets impliqués ! Photos: Eso Deux grosses bulles (25.000 annéeslumière de diamètre pour chacune !) de chaque côté du centre de notre Galaxie, c'est ce qu'a découvert le télescope spatial gamma Fermi. Leur origine reste obscure: sont-ils dus aux jets du trou noir central lorqu'il était actif, ou à l'énorme flot de matière résultant d'une flambée de formation stellaire ? Photo: Nasa Il n'y a pas qu'à Avignon qu'on trouve de jolis ponts. Exemple avec ce pont naturel... sur Mars ! Photo: MRO Yael NAZÉ · ASTRONOMIE Trous noirs insolites... On a peut-être assisté en 1979 à la n aissance d'un trou noir: en effet, à l'endroit de l'explosion, on trouve aujourd'hui une source X qui ressemble fort à ces astres obscurs. En outre, les trous noirs ne seraient pas si gros : une étude de 16 cas indique en effet des masses inférieures à cinq masses solaires... Photo: NASA Une douzaine de systèmes annulaires (jusqu'à cinq anneaux concentriques) auraient été détectés dans le rayonnement de fond cosmologique et seraient liés à des événements «pré-Big Bang», selon l'astronome Roger Penrose et ses collègues. Ces structures remettraient en cause l'idée d'inflation peu après le Big Bang... à confirmer, bien sûr (les résultats n'ont pas encore été publiés officiellement !). Photo: Gurzadyan & Penrose 41 Les jets sont universels: on les trouve près des trous noirs, stellaires ou galactiques, ainsi que près des étoiles à neutrons et des étoiles en formation. La mesure de champs magnétiques faite pour les jets d'une étoile jeune confirme l'idée d'un processus commun dans la formation de ces structures. Photo: NRAO Premiers résultats pour la sonde Epoxi qui a survolé la comète Hartley-2: le dioxyde de carbone, célèbre pour son effet de serre sur Terre, serait responsable des jets cométaires, et donc des queues qui font la réputation de ces astres - l'eau ne jouerait donc pas le premier rôle, comme on le pense souvent. En outre, les zones rugueuses de la comète éjectent de petits blocs de glace - faisant neiger dans le milieu interplanétaire - alors que les zones lisses diffusent simplement de la vapeur d'eau. Photo: Epoxi ATHENA 266 · Décembre 2010 > ESPACE L e 12 avril prochain, on fêtera un demi-siècle de vols habités dans l’espace. Il y a cinquante ans, Moscou a créé la surprise: un jeune officier de l’Armée Rouge effectuait un tour du monde en 108 minutes. Son nom allait entrer dans l’Histoire: Youri Alexeïevitch Gagarine. Son vol à hauts risques dans la capsule sphérique du vaisseau Vostok-1 renforçait la main-mise de l’Union soviétique sur le Cosmos. Cette réussite technologique fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase de la guerre froide que se livraient les USA et l’URSS via une coûteuse course aux armements de plus en plus destructeurs. Réplique de Washington: le Président John Kennedy lança l’audacieux pari d’un aller-retour humain sur la Lune. Aujourd’hui, alors que dans l’Iss (International Space Station), des équipages d’astronautes et cosmonautes se relaient pour l’habiter en permanence depuis dix ans, l’espace s’ouvre à de nouveaux visiteurs: il est question de tourisme spatial pour voyageurs fortunés. (1) Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photo: M. GREENBERG/Virgin Galactic D 42 es séjours touristiques dans l’espace sont donc aujourd’hui réalisables ? Oui, mais… à quel prix ? Quand on sait toute l’énergie qu’il faut consommer pour voyager autour de la Terre, on peut se demander si l’organisation de tels voyages est bien raisonnable. C’est un rêve pratiquement inaccessible en dehors des vols subsidiés par les États: seuls les nouveaux riches, qui font fortune dans les technologies de l’information et de la communication, ont pu s’offrir un séjour d’une semaine (soit dix jours de vol orbital) à bord de l’Iss grâce à l’agence américaine de voyages Space Premier vol plané, le 10 octobre, de l’avion SS2 de tourisme spatial. Il n’est pas équipé de son moteur-fusée. Adventures, avec des vaisseaux russes Soyouz... Prix actuel du ticket - «all inclusive» - pour tourner au-dessus de nos têtes: quelque 25 millions d’euros ! À ce jour, huit vols touristiques, qui néces sitent un entraînement et une formation d’au moins une demi-année en Russie, ont eu lieu de 2001 à 2009. Six hommes - l’un d’eux a même volé à deux reprises - et une femme ont ainsi pu habiter la Station spatiale internationale. L a concurrence semble battre son plein, puisqu’une autre société annonce des vols dans l’espace pour moins de 150.000 d’euros. À quoi est due cette différence ? En fait, ce sont des vols suborbitaux qui permettent de vivre dans l’espace durant quelques minutes d’impesanteur. Il s’agit de «sauts de puce» à plus de 100 km, comme l’ont réalisé les deux premiers astronautes américains en 1961. La Fédération internationale d’astronautique a fixé à 100 km d’altitude la «frontière» entre le domaine spatial et l’environ nement terrestre. Tout qui franchit cette «frontière» est donc allé dans l’espace et obtient ses ailes d’astronaute. C’est ce qui s’est passé avec le pilote d’essais militaire Joe Walker (qui est monté à 107 km en août 1963) à bord de l’avion-fusée X-15, ou les pilotes d’essais civils Mike Melvil (102 km, en septembre 2004) et Brian Binnie (112 km, en octobre 2004) avec l’avion-fusée SpaceShipOne (SS1). L’intérêt du voyage suborbital à plus de 3.500 km/h est qu’il est moins cher qu’un séjour sur orbite à près de 28.000 km/h. Q uelle compagnie paraît la mieux placée pour faire voyager des touristes à plus de 100 km d’altitude ? Virgin Galactic, créée par Richard Branson, commercialise d’ores et déjà des vols suborbitaux avec des appareils en composites. Ils seront réalisés dès 2012 une fois par semaine (pour commencer !), grâce à l’avion-fusée SpaceShipTwo (SS2). Largué par le quadriréacteur WhiteKnightTwo (WK2) à 15.000 m d’altitude, il se propulsera à la verticale pour atteindre la lisière de l’espace. En faisant pivoter sa structure ailée, il culbutera sur lui-même pour amorcer la descente et se poser après avoir évolué comme un planeur. Déjà, ils sont 380 dans le monde à avoir réservé leur périple au 7e ciel, en ayant déposé 10 % du prix du ticket. Les allers-retours réguliers sont annoncés pour 2012. n (1) Athena a déjà consacré des articles au tourisme spatial, notamment dans le n° 226 de décembre 2006. Théo PIRARD · ESPACE Le 18 octobre - une semaine après que l’avion SS2 de la compagnie Virgin Galactic Un jeune ait effectué avec succès son liégeois nuage sur un nuage Texte : Théo PIRARD · Photos: D. ROMEUF, T. PIRARD C e prix d’une valeur de 200.000 dollars (soit quelque 140.000 euros) récompensait sa participation au concours Internet «Regardez, c’est déjà demain» qui était organisé dès le 4 septembre pour le lancement de l’offre numérique de Mobistar Tv. La campagne publicitaire laissait planer un peu de mystère… Elle ne précisait pas l’identité de l’organisateur, mais montrait un avion lancé vers le ciel avec la devise «Je veux voyager vers le futur». Le 16 novembre dernier, au Palais des Congrès de Liège, l’astronaute Frank De Winne donnait une conférence sur sa mission Oasiss de longue durée. Antoine a eu l’occasion de recevoir ses félicitations et encouragements dans la perspective de son vol de courte durée. Ce fut aussi l’occasion d’un bref entretien entre les deux hommes. Qu’est-ce qui vous a poussé à participer à ce concours anonyme et étrange ? J’étais curieux de soulever le coin du voile… Je n’avais rien à perdre. Le site web, qui invitait à s’inscrire et qui fut visité par plus de 130.000 internautes, mettait l’accent sur un demain sous le signe du voyage dans l’espace. J’ai répondu à la question assez facile sur l’environnement spatial et j’ai donné au hasard le nombre des participants. Je les avais estimés à 9.600. Ce chiffre était le bon. Il m’a fait gagner mon vol spatial. Quand j’ai été invité par mail à me rendre chez Mobistar, j’ai cru à une blague… et j’ai même hésité à me rendre à Bruxelles. premier essai plané -, Antoine Lesceux a bien cru que le ciel lui tombait sur la tête. Il fait des études d’assistant social (2e année) à Helmo (Haute École Libre Mosane). Convoqué par la société Mobistar, l’étudiant de 19 ans qui habite Jupille-sur-Meuse (près de Liège) y a reçu une carte d’embarquement pour voler jusqu’à la «frontière» de l’espace. ’assistants sociaux dans une station d spatiale ou sur une base lunaire… De quoi rêver. Mais comme je suis sur un petit nuage… n Quand comptez-vous effectuer ce vol ? Ce sera dans 2 ou 3 ans. Mobistar me tiendra au courant sur l’organisation de mon saut dans l’espace. À bord de quel engin allez-vous voler ? Justement, on ne sait pas encore avec quelle compagnie aura lieu ce vol. L’organisateur du concours a des contacts avec trois compagnies (1) qui préparent des systèmes pour voler à plus de 100 km d’altitude. Il choisira de signer le contrat avec celle qui a un système opérationnel. J’en saurai plus dans les mois à venir. Un entraînement sera-t-il nécessaire ? Le ticket comprend une semaine de tests médicaux et d’épreuves physiques. Comme je devrai subir une accélération brutale jusqu’à 3.500 km/h, il faudra qu’on vérifie ma condition par une sorte de «baptême» en centrifugeuse. Un vol parabolique en avion est prévu pour m’initier aux sensations en impesanteur. Pensiez-vous avoir cette chance de gagner vos ailes d’astronaute ? Quand j’étais petit, je rêvais de devenir pilote. Mais il s’est révélé que je n’étais pas fait pour les mathématiques. Je me suis orienté vers un métier d’assistant social. Peut-être qu’un jour on aura besoin (1) Trois sociétés investissent dans le développement de systèmes pour des vols suborbitaux: • Virgin Galactic et Scaled Composites sont en train de tester un ensemble qui combine un avion porteur et un planeur fusée en matériaux composites. Les vols se feront au Spaceport America de Las Cruces, au Nouveau Mexique. • Xcor Aerospace doit l’an prochain commencer les essais de son avion-fusée Lynx (1 pilote et 1passager). Il s’élancera depuis le sol jusqu’à plus de 100 km d’altitude et reviendra en vol plané. • Blue Origin, l’affaire de Jeff Bezos, poursuit, dans le plus grand secret, la mise au point de sa fusée réutilisable New Shepard. 43 ATHENA 266 · Décembre 2010 44 > ESPACE Comme on l’a souligné durant la Conférence «A new space policy for Europe», qui s’est tenue les 26 et 27 octobre dans l’Hémicycle du Parlement européen à Bruxelles, le spatial européen se trouve à un tournant et dans la tourmente: si le Traité de Lisbonne officialise son statut de compétence partagée au service de l’Union, encore faut-il se doter des moyens à long terme pour mener une politique d’acteur clé dans l’espace. Ces moyens s’appellent la gouvernance et le budget. Ce sont les défis à relever par l’Europe au cours des prochains mois, si elle veut renforcer sa politique industrielle dans un secteur de haute technologie pour des services et produits à grande valeur ajoutée L e Traité de Lisbonne donne une dimension politique au nouveau monde de l’espace. Pour Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Esa (Agence Spatiale européenne), c’est une bonne nouvelle pour le spatial européen: «C’est la récompense de ce que l’Europe fait dans l’espace depuis quarante ans.» Et il est vrai que les Européens, partis dans l’espace après les Russes et les Américains, ont réussi à s’affirmer dans les sciences de l’espace et s’implanter dans le business des applications spatiales. Les politiques ont du mal à comprendre l’efficacité des satellites pour répondre aux besoins européens de stratégie globale et de sécurité publique. N’empêche que l’espace en Europe, avec les lanceurs Ariane, les sondes d’exploration et les observatoires sur orbite, les systèmes de télécommunications, de télévision et de navigation, la partici- L’Union à l’heure spatiale Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photos: Esa pation aux vols habités dans la Station spatiale internationale, est considéré comme un beau fleuron pour l’Union. L’Esa n’est pas peu fière de l’efficacité de ses missions scientifiques: elle vient de prolonger les opérations avec 11 satellites (dans la banlieue terrestre) et sondes (autour de Mars et de Vénus) «made in Europe», qui ont dépassé leur durée de vie nominale sur orbite ! Mais, à l’avenir, qui, de l’Esa ou de la Commission, pilotera l’Europe dans l’espace ? Jean-Jacques Dordain ne voit aucune matière à polémique, tout en précisant que ce sont les États membres qui ont le pouvoir de décider: «L’arrivée de l’Union est une bonne nouvelle sur le plan global. Et l’Union ne vient pas pour remplacer l’Esa. L’important, c’est de faire plus ensemble. On passe plus de temps sur les problèmes de gouvernance que sur les problèmes de contenu. Si on n’a pas de programme d’exploration, on n’aura pas de problème de gouvernance ! C’est d’abord et avant tout un problème de compétences et de ressources.» De son côté, la Ministre Sabine Laruelle, qui a dirigé les conférences spatiales de la Présidence belge de l’Union, a reconnu des différences d’appréciation entre les États membres de l’Union. Au sujet de la symbiose Esa-Commission, elle a parlé de «l’effet d’hétérosis». Ce processus de création en agriculture la Ministre est ingénieur agronome et a, outre les Pme, les indépendants et la Politique scientifique, l’agriculture dans ses responsabilités - est d’associer par hybridation génétique des espèces différentes pour faire naître une souche plus forte. 2011 permettra d’y voir plus clair dans cette gouvernance et dans la politique industrielle du spatial européen. En mai, l’accord-cadre qui régit depuis 2004 les relations entre la Commission et l’Esa en se référant aux direc- Théo PIRARD · ESPACE tives du Conseil européen de l’Espace (Conseil Compétitivité), va être évalué à la lumière du Traité de Lisbonne. L’Union, via le Conseil et la Commission, s’est fixé cinq priorités pour sa stratégie dans l’espace: • la constellation Galileo (satellites de navigation à usage dual, dont la mise en œuvre doit faire face à des surcoûts et retards); • le système Gmes (Global Monitoring for Environment & Security, qui utilise des satellites Sentinel de télédétection); • la sécurité dans l’espace avec le programme Ssa (Space Situational Awareness avec l’étude des débris autour de la Terre et les prévisions de météo spatiale); • le changement climatique et ses effets (grâce aux satellites météo de l’organisation européenne Eumetsat); • une vision de l’exploration à long terme (au-delà du programme d’exploitaiton de la station spatiale) et dans un contexte international. Il faudra y ajouter la problématique de l’accès garanti à l’espace, autour des enjeux que sont le lanceur de la prochaine génération et l’infrastructure au sol (Port spatial de l’Europe en Guyane française). Bien plus qu’un ménage à trois ! Le spatial européen doit désormais s’organiser entre les trois types d’acteurs que sont l’Union, l’Esa et les États membres. Mais l’Union elle-même est gérée par un trio constitué par la Commission, le Conseil (des chefs d’État, des Ministres) et le Parlement. Et il faut tenir compte de l’influence, sur le programme spatial européen, des agences nationales, principalement du Cnes (Centre national d’études spatiales) en France, du Dlr (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) en Allemagne et de l’Asi (Agenzia Spaziale Italiana) en Italie. Yannick d’Escatha, président du Cnes, a regretté «le vide intersidéral» pour les relations entre l’Union et les agences spatiales nationales: «Il n’existe pas d’instrument qui permette à l’Union d’utiliser les capacités qui existent dans les États membres sous la forme de maîtrises d’ouvrage». Quant à Johann-Dietrich Wörner, le président du Dlr, il a mis l’accent sur un rapprochement graduel en vue d’une gouvernance intelligente, basée sur un partage des rôles, l’Esa devenant l’unique fournisseur de services de l’Union. Au nom de la Présidence belge de l’Union, Éric Béka, le Haut Représentant de la Belgique pour la Politique Spatiale, a insisté sur la nécessité de disposer de moyens financiers adaptés: «le rendez-vous avec les prochaines Perspectives Financières de l’Union [en cours de discussions pour la période 2014-2020, avec premières propositions pour juin 2011] sera le moment charnière des activités spatiales en Europe». Du côté des industriels (Thales Alenia Space, Telespazio, Eads Astrium), on réclame la continuité des programmes garantie par une volonté politique, une gouvernance et des budgets - et on met en évidence la qualité des systèmes pour l’espace au prix d’efforts soutenus en R&D et par le biais d’une stratégie de compétitivité. L’activité spatiale conditionne l’indépendance de l’Union, comme puissance influente dans le monde. Pour la renforcer et l’améliorer - face au dynamisme de la Chine et de l’Inde -, il faut de l’argent supplémentaire. Il n’y en a pas et on ne peut attendre les Perspectives financières 2014-2020. Aujourd’hui, la Commission Budget admet son manque de flexibilité pour gérer les surcoûts engendrés par les programmes technologiques. On propose la création de structures indépendantes, sous la forme d’entités spécifiques, avec des financements propres à long terme. On étudie de nouvelles sources comme des prêts de la Bei (Banque européenne d’investissement), le lancement d’eurobonds… Pourtant, il est un domaine d’affaires spatiales dont les politiciens ont à se réjouir. Ce sont les revenus générés par les opérateurs européens de satellites commerciaux de télécommunications (dont 60 à 70% de la capacité sert à la diffusion numérique des chaînes TV). Ces opérateurs, notamment Ses (Société Européenne des Satellites), Eutelsat, Inmarsat et Hispasat - ils représentent plus de la moitié des revenus du segment spatial privé dans le monde - ont fait naître un important marché de services. Regroupés au sein de l’Esoa (European Satellite Operators Association), ils demandent aux instances européennes de leur reconnaître une place aux côtés et en complément des réseaux terrestres, subsidiés et favorisés par leurs administrations nationales. Ils demandent qu’on prenne mieux en considération leur offre de services pour l’Internet haut débit (dans les régions rurales et les zones isolées), pour les communications mobiles avec les trains, bateaux, avions… Astrium Services, propriétaire des sociétés de télédétection spatiale Spot Image (satellites optiques) et Infoterra (satellites radar), souhaite un soutien conséquent des autorités de l’Union sous la forme d’une commande importante d’imagerie satellitaire pour qu’elles puissent mener à bien leurs politiques de gestion et de surveillance. n 45 ATHENA 266 · Décembre 2010 > À LIRE Plusieurs albums documentaires sortis en cette fin d’année 2010 traitent de la biodiversité, ce mot qui ne quitte plus l’actualité et mérite donc d’autant plus d’être clairement expliqué. On trouve aussi des livres sur les animaux, ce sujet inépuisable dont le traitement se renouvelle d’année en année. De quoi bien garnir le pied du sapin ou le manteau de la cheminée, pour le plus grand profit des petits comme des grands. L'être humain 46 Le livre des croc, crunch, slurp ! Texte du Professeur Charles Clark et de son épouse Maureen Clark; illustrations de Sue Shields; traduit de l’anglais par Stéphanie Alglave, Gallimard Jeunesse; 12 pages a nimées; 16 euros. M anger, voilà bien une activité aussi quotidienne que mal connue. Pour y remédier, ce pop-up d’aspect humoristique (des spaghettis en 3D apparaissent déjà en couverture) explique la digestion et indique tout ce qu’on doit savoir pour bien manger. Pages qui se déplient, roues à tourner, rabats, tirettes, toute l’ingénierie papier a été convoquée pour faire passer facilement les informations rigoureusement scientifiques. Les auteurs abordent des questions simples: qu’est-ce que la nourriture ?, d’où vient ce que tu manges ?, bonne digestion, besoin vital et comment bien manger. Mais ils les traitent de manière désopilante, d’autant plus attractive et enrichissante. À partir de 5 ans. À en perdre la tête; texte de Marta Voir le monde d’aujourd’hui en chiffres et en images; texte collectif; DellAngelo et Ludovica Lumer; traduit de l’italien par Jennifer Rossi; Le Pommier, 128 pages, 17 euros. traduit et adapté de l’anglais; Gallimard Jeunesse; 256 pages; 24,95 euros. P C lus pointu et au sujet complètement nouveau, ce livre annonce en soustitre: «Comprendre le cerveau en jouant avec l’art». Aussi intriguant que passionnant, l’ouvrage présente les recherches faites en «neuroesthétique» (relations entre l’art et les neurosciences) en les rendant accessibles aux grands enfants et aux adolescents. Déjà, on est content de revoir, sous une forme scientificoludique, les grands principes du système nerveux au menu de tant de programmes scolaires… Mais on apprend aussi plein de choses. Un cerveau qui ressemble à un chou-fleur et un neurone qui tient graphiquement du fenouil sont des images qui ne s’oublient pas. Ensuite, les auteurs entraînent leurs lecteurs dans un passionnant voyage au pays des sens, tout en proposant plusieurs activités de créativité et en passant en revue le travail de différents artistes célèbres. Un livre foisonnant, déconcertant peut-être au premier abord mais qui se parcourt avec plaisir tant il rend accessibles les secrets du cerveau humain. Pour tous, à partir de 10 ans. et épais documentaire de bon format est sans aucun doute le plus novateur du genre. Du coup, il renvoie tous les autres ouvrages loin en arrière dans la ligne du temps. Car ici tout est expliqué, par série de doubles pages, à l’aide d’infographies séduisantes qui mettent en scène des faits et les chiffres les plus à jour et les plus fiables qui soient. Une dynamique intéressante qui aimante le regard vers ces pages riches en informations visuellement déclinées. 6 chapitres balaient tous les grands sujets du monde: Terre, peuples, pouvoirs, industrie et économie, réseaux et références. Voilà un livre de papier qui répond habilement et intelligemment aux questions que se posent ceux qui surfent habituellement sur Internet. Les images de synthèse permettent d’aborder de façon globale les sujets les plus compliqués comme le cycle de la roche, les profondeurs océaniques ou les populations des villes. Chapeau ! Voilà un ouvrage bien pensé et structuré et pas cher pour tout ce qu’il contient. Pour tous, à partir de 9 ans. Lucie CAUWE · À LIRE À lire... Texte : Lucie CAUWE · [email protected] · Photo: REPORTERS L'Univers, la Terre & la société Le labo des sons et des lumières; Archéologues, les nouveaux aventuriers; texte de Stéphane Compoint; Petit Malabar raconte la lune, la terre et le soleil; texte de Jean Duprat; paroles d’Alain Schuhl; organisation visuelle d’Hélène Maurel; Le Pommier; 96 pages; 18 euros. De la Martinière Jeunesse; 80 pages; 14,50 euros. illustrations de Nelly Blumenthal; Albin Michel Jeunesse; 88 pages; 12,90 euros. L L 3 a musique est une composante essentielle de l’enfance et de la jeunesse. Mais d’où viennent les sons ? Et quel est leur rapport avec la lumière ? Pour comprendre tout cela, nous suivons Sakharine et Sakharose, deux extraterrestres qui nous ouvrent, dans cet album, les portes de l’opéra. Pas besoin de faire demi-tour à cette annonce, nous sommes dans les coulisses de l’opéra et nous allons procéder à plein d’expériences de physique autour du son et de la lumière. Ni les ondes, ni les feux de la rampe, ni l’harmonie des fréquences, ni la lumière des spots, ni le bruit n’auront plus de secret pour vous après avoir parcouru ce livre composé de trois types de doublespages: des expériences à réaliser avec un matériel très simple, les explications de phénomènes physiques et la fabrication de différents instruments de musique (dont une guitare en caoutchouc et une contrebasse). De quoi dépasser largement le téléphone en pots de yaourt ou les essais avec les verres en cristal de la famille pour peut-être arriver à composer du rock ‘n roll. Pour tous, à partir de 8 ans. ’auteur est journaliste et photographe de presse. Il bourlingue depuis qu’il a 18 ans et a collaboré avec les plus grandes agences et les meilleurs magazines. Il réalise aujourd’hui des grands reportages à caractère culturel. Dans ce magnifique documentaire photo, il nous emmène dans l’univers des archéologues, ces chercheurs qui tentent de retrouver des mondes qu’on croyait perdus. Un travail difficile et passionnant qui peut se résumer en la question: trouver ou ne pas trouver. Que de temps investi parfois... Mais quels trésors mis au jour aussi ! L’auteur nous fait découvrir les merveilleuses découvertes au cours de 14 missions archéologiques de la plus grande importance dont, entre autres, Alexandrie, Pompéi, l’île de Pâques, un dinosaure du désert de Gobi, des mosaïques englouties en Turquie, un ours bleu d’Alaska ou encore un trésor du côté du Pôle Nord. Chaque fois, il met l’accent sur le travail effectué pour aboutir à de tels résultats et indique combien connaître le passé permet de mieux nous situer par rapport à l’avenir. À partir de 9 ans. histoires à raconter au coucher qui content respectivement comment sont nés la Lune, la Terre et le Soleil. La preuve qu’avec une histoire, même pleine d’imagination, on comprend parfois mieux des éléments scientifiques qui nous dépassent. S’ouvrant sur une notice scientifique à propos de chacun de ces trois sujets, cet album agréablement illustré de dessins répond avec humour et poésie aux questions que se posent les jeunes enfants. À partir de 5 ans. Le rêve d’Icare; texte de Laurent Audouin et Arnaud Roi; Casterman; 24 pages animées; 19,50 euros. L e rêve d’Icare, c’était bien entendu de voler. Mais ici ce sont mille et une façons de voler, de l’aérostat à la fusée, que nous proposent les auteurs dans un album animé de belle facture, avec une miniature en relief de l’objet présenté. À partir de 6 ans. 47 ATHENA 266 · Décembre 2010 > À LIRE Nature & animaux Le gorille et l’orchidée, il faut sauver la biodiversité; textes de Laurana Serres-Giardi, Stéphane Van Inghelandt et Alain Serres; préface d'Hubert Reeves; images de Zaü; Rue du monde; 92 pages, 23,50 euros. P 48 as de photos dans cet élégant album de grand format carré, qui présente la fabuleuse diversité des animaux aujourd’hui en péril, mais de très beaux portraits à l’encre de Chine faisant admirablement ressortir les particularités de chacune des 140 espèces menacées présentées. Les différents animaux sont classés selon leur habitat: forêts tropicales, terres arides et montagnes, mer et rivières, savanes et prairies, demain; chacun des lieux étant lui-même décliné en diverses localisations géographiques. Chaque fois, une brève notice présente l’animal en question (ainsi que son nom latin). Des textes plus généraux brossent un portrait de la situation de la nature ci ou là et quelques notices à propos de plantes complètent cet hommage au monde animal qui sonne en même temps l’alerte. Pour tous, à partir de 7 ans. Carnaval, les fantaisies infinies de la nature et Cache-cache, les mille manières de se camoufler; texte de éatrice Fontanel; Palette… …nature, B 64 pages; 18 euros chacun. O n connaissait Béatrice Fontanel excellente vulgarisatrice de l’art et de ses techniques, la voici aujourd’hui également passeuse de nature. Et avec le même talent, le même enthousiasme et le même œil pour repérer la beauté. Dans ces deux albums grand format complémentaires, superbement illustrés par de formidables photos en couleurs, elle met en évidence les particularités de certains animaux: les variations incroyables de la nature pour le premier, l’art du camouflage pour le second. Les photos sont belles à couper le souffle, les textes marient informations scientifiques et bonne tenue littéraire. L’ensemble est très réussi et rend formidablement hommage au grand opéra de la nature. On n’a qu’une envie: aller voir ces animaux sur place. L’inconvénient, c’est que c’est souvent loin. Mais on peut se consoler avec ces excellents livres de nature, beaux comme des livres d’art. À partir de 8 ans. Petites moustaches et grandes oreilles; texte de Catherine Deulofeu; d’après une idée générale de Biosphoto; Actes Sud junior; 64 pages;12,50 euros. C et album illustré de belles photos se propose d’examiner toutes les bizarreries que présentent les animaux: cou de la girafe, rayures du zèbre, moustaches du tigre, etc. Si on se doute que c’est pour s’adapter au milieu naturel, on en trouve ici une belle confirmation, assortie d’explications. Les particularités animalières sont classées par genre: oreilles, becs, nez, langues, bois ou cornes, moustaches, dents, queues, membres, pattes,... De quoi apprendre plein de choses et prendre conscience de la formidable diversité de la nature. Prenons en exemple le chapitre des nez: la trompe de l’éléphant est multifonctionnelle, le nez du saïga (petite antilope des steppes d’Asie) abrite des sacs de décongélation pour l’air qu’il respire l’hiver, le museau du fourmilier abrite une longue langue enduite de salive collante, les narines des hippopotames comme celles des crocodiles sont à clapets. Un livre bien fait, reprenant les fondamentaux et présentant aussi des choses moins connues, incitant toujours à l’émerveillement devant l’excellence de l’évolution. À partir de 7 ans. Théo PIRARD · À LIRE À lire... la tête dans les étoiles Explorama, oiseaux exotiques; texte de Nancy Honovich; illustrations de Mark Dando et Ryan Hobson; traduit et adapté de l’anglais par Josette Gontier; Casterman; 32 pages animées; 12,50 euros. U n nouveau titre dans cette belle collection mêlant la découverte par le biais du journal d’un ornithologue des années 1920 et l’expérimentation ludique puisqu’il comporte aussi huit pochettes contenant les pièces d’animaux à assembler. On met ici ses pas dans ceux de l’ornithologue Vivien Lockwood qui a arpenté le Vietnam, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Son journal de bord présente ses découvertes et les détails de ses expéditions scientifiques. De quoi faire la connaissance, par séries de deux doubles pages animées, du kiwi brun (un oiseau néo-zélandais et non un fruit), du casoar à casque, du mal connu jardinier de Newton, du paradisier républicain, du paon vert thaïlandais, du jacana à crête (Bornéo), du milan noir originaire du Vietnam et du grand flamant rose rencontré ici en Inde. Un diorama final permet de disposer ensemble tous les maquettes d’oiseaux. À partir de 8 ans. Texte : Théo PIRARD · [email protected] · Photo: Nasa Dans quelques mois - en mars-avril 2011 -, une nouvelle fusée va faire son apparition au Port spatial de l’Europe, sur la côte de Guyane française. Ni plus ni moins, c’est la «2CV» de l’espace. Il s’agit du Soyouz russe, le doyen des lanceurs spatiaux avec un magnifique palmarès. Depuis 1957, il place autour de la Terre des «bébés-lunes», alias Spoutnik. Il a envoyé les premières sondes vers la Lune, Vénus et Mars. Aujourd’hui encore, il sert à faire voler les cosmonautes autour de la Terre. Dès l’an prochain, il aura l’exclusivité - jusqu’en 2015 - de la desserte de la Station spatiale internationale avec des vaisseaux habités. Les Deux Vies de Soyouz, par Christian Lardier et Stefan Barensky; Éditions Édite; Paris; 416 pages; septembre 2010. L a fabuleuse histoire de ce vénérable système de transport spatial méritait d’être contée, surtout qu’une nouvelle page va être tournée: le lanceur qui a vu le jour dans le contexte de la «guerre froide» entre l’Est communiste et l’Ouest capitaliste, va être mis en œuvre par la société Arianespace aux côtés du puissant lanceur Ariane 5. Au prix d’une enquête minutieuse, deux journalistes français viennent de consacrer un livre à cette fusée emblématique de l’aventure humaine dans l’espace. Christian Lardier, grand connaisseur européen de l’astronautique soviétique, a rédigé la première moitié du livre. Il fait revivre la naissance, le développement et les améliorations du Soyouz, devenu le cheval de bataille de Moscou pour les vols de ses cosmonautes et couramment lancé depuis les cosmodromes de Baïkonour et de Plesetsk. C’est un réel hommage à l’esprit inventif et au travail ingénieux, sous le régime soviétique, des équipes d’ingénieurs et techniciens que dirigeaient de fortes personnalités, surnommées «constructeurs en chef». On notera l’accent mis sur le rôle joué par les pionniers français qui ont osé miser sur la coopération russo-européenne pour le transport des satellites: François Calaque (1940-1998) et JeanYves Le Gall, actuel PDG d’Arianespace et de la société franco-russe Starsem. Stefan Barensky, passionné de longue date du transport spatial, est l’auteur des pages concernant l’exploitation européenne du Soyouz sous les auspices d’Arianespace. Il insiste sur la tentative concurrente de commercialiser des lancements Soyouz depuis le territoire australien (Christmas Island). Mais faute d’investisseurs crédibles, cet audacieux projet tourna court. Assurément, cet ouvrage abondamment illustré est à la fois livre d’histoire et recueil d’histoires (dont certaines inédites) que tout fan de l’aventure spatiale sera intéressé d’avoir sous la main. Son contenu qui se veut complet est le résultat d’une enquête minutieuse. Néanmoins, un double regret. D’abord l’iconographie dont la qualité n’est guère mise en valeur à cause de l'impression de nombreux documents photos - surtout ceux en couleurs - sur un papier économique qui ne convient pas. Ensuite, l’absence malencontreuse d’une explication - on y fait juste allusion p. 181 - sur la principale amélioration, voulue par l’Esa et le Cnes, du lanceur russe Soyouz/ST qui décollera de Guyane. Cet équipement de fabrication belge est réalisé par la société carolorégienne Thales Alenia Space Etca: ce seul boîtier électronique, dit Kse (Kit Sauvegarde Européen) équipe le 1er étage du Soyouz/ST afin de garantir la sécurité des populations lors de son vol dans le ciel guyanais ! 49 ATHENA 266 · Décembre 2010 > AGENDA Sorti de PRESSE Paul Otlet, fondateur du Mundaneum - Architecte du savoir, Artisan de paix Les Impressions nouvelles Collectif P 50 aul Otlet (1868-1944) acquiert peu à peu la notoriété qu’il mérite, même s’il est toujours absent du Petit Larousse. En 2006, paraît une biographie: L’Homme qui voulait classer le Monde – Paul Otlet et le Mundaneum par Françoise Levie. En 2010, un timbre-poste lui est consacré. Mais surtout, le Mundaneum, son projet qui visait à rassembler tous les savoirs du monde, initié en 1910 avec Henri La Fontaine (prix Nobel de la Paix en 1913), trouve enfin un point d’ancrage au cours des années 1990, après de nombreuses années d’errance et d’oubli. Ce qui paraissait encore à la fin de sa vie comme une utopie vouée à l’échec, ressemble en réalité aux prémices des TIC ou technologies de l’information et de la communication en général, d’Internet en particulier. Constatant déjà à la fin du 19e siècle que la documentation devenait trop volumineuse et désordonnée pour pouvoir être exploitée valablement, il estima urgent de trouver de nouvelles méthodes pour la gérer. En 1934, il écrivait: « Les buts de la Documentation organisée consistent à pouvoir offrir […] des informations documentées: 1° universelles quant à leur objet; 2° sûres et vraies; 3° complètes; 4° rapides; 5° mises à jour; 6° faciles à obtenir; 7° réunies d’avance et prêtes à être communiquées; 8° mises à la disposition du plus grand nombre». Paul Otlet vise à rendre possible la diffusion des connaissances et la sélection d’informations, non seulement par les livres, mais aussi par les différents médias de l’époque: radio, téléphone, télévision, photographies, encyclopédies, microfilms et objets muséographiques. En définissant la documentation comme l’ensemble des moyens visant à rassembler, transmettre et diffuser des informations, il pense déjà à des réseaux de diffusion. Il entrevoit en quelque sorte le développement d’Internet avant l’heure et des techniques actuelles de recherche d’informations et de documentations. Prévoyant que chacun pourra non seulement consulter mais aussi enrichir les connaissances rassemblées, il propose des balises pour que l’information reste fiable. On ne peut s’empêcher de penser à Wikipedia, encyclopédie générée par les usagers, et aux tentatives visant à établir des formes d’expertise, comme Citizendium, pour éviter les dérives et les erreurs. Cet ouvrage collectif montre bien que Paul Otlet, figure emblématique de la documentation, est un personnage hors du commun, utopiste et pacifiste (la connaissance serait garante de la paix…), mais surtout visionnaire. Il ne serait sans doute pas dépaysé dans le monde numérique moderne et les nouvelles technologies qui l’accompagnent. Son œuvre principale restera le Mundaneum, gigantesque catalogue contenant des centaines de milliers de fiches. Il est conservé et géré à Mons, où il est intégré dans un Centre d’archives et Espace d’expositions. Texte: Christiane DE CRAECKER-DUSSART [email protected] ...ou sur le NET! Rapport d’activités 2009 de la DG06 Disponible en ligne dès maintenant! L e rapport d’activités 2009 de la DGO 6 (la Direction générale opérationnelle de l’Économie, de l’Emploi et de la Recherche) est désormais disponible sur http://spw.wallonie.be/dgo6/rapports Il est une mine d’informations sur les efforts des pouvoirs publics wallons pour assurer l’avenir de notre Région au travers des secteurs porteurs de l’économie, de l’emploi et de la formation ainsi que de la recherche et des technologies. Profitant de toute l’interactivité du numérique, il met à la disposition de l’internaute une série d’outils: Un sommaire et un index pour un accès direct et rapide; l Un glossaire pour en savoir plus; l Des fonctions «recherche» et «recherche avancée» pour choisir les informations souhaitées par thème; l Une fonction «imprimer mon pdf». l Bonne visite ! Géraldine TRAN · AGENDA À vos AGENDAS ! Biomimétisme et développement durable du 1er octobre 2010 au 18 février 2011 L ’art de s’inspirer de la Nature est la clef de voûte du biomimétisme et le cheval de bataille du biomiméticien ! Ce biomiméticien a le potentiel de révolutionner nos objets, nos habitations et nos modes de vie en appliquant les leçons de durabilité qu’il aura tirées de ses observations des écosystèmes matures: • utiliser les déchets comme ressource; • se diversifier et tisser au maximum des liens de coopération; • récolter et utiliser l’énergie de façon optimale; • optimiser plutôt que maximiser; • utiliser les ressources de façon économe; • ne pas épuiser ses ressources; • ne pas souiller son nid; • acheter local. Pour atteindre ces objectifs remarquables, le biomiméticien pourra pousser ses recherches dans trois voies d’innovation différentes et complémentaires. Il pourra: • Innover dans les formes, par imitation de la morphologie d’organismes vivants • Innover dans les procédés, par imitation de procédés de fabrication au sein du vivant, faibles consommateurs d’énergie • Innover dans les modes d’organisation, par imitation des stratégies mises en place de longue date à travers les écosystèmes. Pour qui ? L’expo est accessible à tous; les ateliers s’adressent aux 2e et 3e degrés de l’enseignement primaire et au 1er degré secondaire. En complément de l’exposition, la Maison de la Science propose trois ateliers sur le thème du développement durable: Téléphone: 04/366.50.04 Courriel: [email protected] Site: www.masc.ulg.ac.be Les technologies de la météo seront passées en revue. Comment se forment les nuages, la pluie ou encore les tornades ? Pourquoi y a-t-il des saisons ? Comment retrouve-t-on la Tarif ? 3,50 €/personne et 2,80 €/personne pour les groupes (Min. 15 personnes - sur réservation). Infos et inscriptions ? 51 Atelier 2: Construire sa propre station météorologique Atelier 3: Sale temps pour le climat ! Où ? Institut d’anatomie - Rue des Pitteurs, 20 à 4020 Liège À Charleroi... du 17 janvier au 27 février 2011 ’Expérimentarium de l’ULB vous invite à une revue générale du climat. Quand ? De 10h à 12h et de 13h30 à 17h. Le premier samedi du mois de 14h à 18h. Atelier 1: Énergies renouvelables et nouvelles technologies Xpo Climat L À Liège... trace des climats anciens ? Qu’est-ce que la pollution atmosphérique ?… Au travers de démonstrations concrètes, vous trouverez quantité de réponses à des questions pas si simples. Des expériences originales sur le rôle du Soleil et l’effet de serre permettront également de poser des éléments de discusion sur le futur climatique de notre planète. Venez donc faire la pluie et le beau temps à Parentville lors de cette exposition surprenante ! Pour qui ? Pour tous. Le mercredi 19 janvier 2011, de 14h30 à 17h00: après-midi spéciale «enseignants». Où ? Centre de Culture Scientifique (ULB-Parentville) - Rue de Villers 227 à 6010 Charleroi (Couillet) Téléphone: 071/600.300 Courriel: [email protected] Site: http://www.ulb.ac.be//ccs Quand ? De 9h30 à 17h30 en semaine et de 10h à 18h le dimanche. Tarif ? Gratuit (moins de 6 ans); 2 euros (moins de 10 ans et groupes scolaires); 3 euros (étudiants, seniors, familles nombreuses et groupes d’adultes); 4 euros (adultes). Infos et inscriptions ? Visitez nos sites : http://athena.wallonie.be http://recherche -technologie.wallonie.be/ http://difst.wallonie.be/ DIRECTION GÉNÉRALE OPÉRATIONNELLE DE L’ÉCONOMIE, DE L’EMPLOI ET DE LA RECHERCHE