Le Safir francophone
Transcription
Le Safir francophone
SUPPLÉMENT MENSUEL PARUTION LE 1ER LUNDI DU MOIS AOÛT 2016 LE SAFIR FRANCOPHONE Ambassadeur de la pensée politique et culturelle arabe Bahgory, « Oum Kalthoum avec trois mains », 2008. S. Mansour, Jérusalem. Inji Efflatoun, 1973. ÉDITORIAL Talal Salman On m’accuse d’être un rêveur de l’arabisme I. Al Chater, XXème siècle. Les noms et les expressions politiques qui ont prévalu tout au long du siècle écoulé, depuis l’accord Sykes-Picot (1916) et la Déclaration Balfour (1917), n’ont plus les connotations prestigieuses qu’ils avaient jadis. Nous voilà errant dans ce chaos sanglant où nous vivons désormais. Autrefois quand vous disiez le mot « Arabes », toute une géographie se dessinait dans votre esprit, une carte qui déployait la dimension de vos rêves, du Golfe à l’océan mugissant. Mais aujourd’hui vous devez admettre, à contrecœur, le chancellement de l’identité unificatrice, pire, celle-ci est devenue si lourde à porter que certains se sont mis à la renier. Parmi vos camarades et vos anciens amis, il s’en trouve même qui n’hésitent pas à vous accuser de vivre un rêve irréaliste, mythique, infondé, ou d’errer parmi les poètes dans le désert de votre imagination. « Vous êtes en dehors de votre époque », disent-ils. « Vous vivez dans les légendes du passé pour échapper aux réalités du présent, que vous refusez de reconnaître à cause de leur dureté, vous avez peur d’admettre avoir été vaincu… » « Vous fuyez votre réalité amère vers la subtilité de la poésie qui enchante ses auditeurs, et pourtant vous êtes conscient qu’il ne s’agit que d’illusions… » « Vous considérez que la réalité insulte votre humanité, qu’elle brise vos ambitions, vous vous obstinez à poursuivre votre voyage imaginaire au cœur du mirage, en vous référant à la poésie ou aux contes anciens, à quelque patrimoine religieux ou à des histoires dérivées des Mille et Une Nuits, aux romans de Jerji Zaidan, ou même aux écrits des penseurs pionniers qui ont recréé l’arabisme en se basant sur des vérités partielles, trop éloignées d’un contexte historique pourtant incontournable et indéniable… » Il est difficile en ce moment de dessiner une carte pour le rêve de la nation arabe. L’identité arabe a été anéantie par les accords coloniaux, ceux de SykesPicot et la Déclaration Balfour pour la création d’une entité sioniste sur nos terres. Les « Etats » arabes, auxquels les desseins coloniaux avaient donné naissance par césarienne, se sont avérés à long terme des entités non viables, aujourd’hui déchirées dans la plupart des régions du Machrek, mais aussi dans certains pays du Maghreb (pour ne pas oublier la Libye). Trop de pays ont perdu toute notion d’unité à l’intérieur de frontières pourtant bien enracinées, si bien que dans un même Etat il y a maintenant plusieurs peuples et non un seul, des communautés multiples qu’aucun patriotisme ne relie plus. La spécificité du peuple arabe est menacée de disparition… Seule demeure cette image d’un Orient arabe lugubre, qui laisse présager de sérieux dangers pour son présent et son futur, tandis que son sort est laissé entre les mains de forces capables de le reformuler à leur manière, dont Israël en premier lieu… Israël dont la chute arabe a fortifié l’alliance avec les Etats-Unis, jusqu’à presque communier en un destin unique, Israël qui amorce dans le même temps une excellente coopération avec la Fédération de Russie. Israël qui, pendant que les Arabes s’entretuent, re-judaïse ceux qui avaient délaissé leur identité religieuse, les accueillant comme colons et confisquant en parallèle ce qui reste des terres palestiniennes… ■ Ali Hamdan Mohammad, XXème siècle. Rédacteur en chef : Talal Salman Directrice de la publication : Leila Barakat Contributeurs : Nasri Al-Sayegh, Zeina Berjaoui Correctrice : Anne van Kakerken Maquettiste : Ahmed Berjaoui Le Safir francophone est fondé par Leila Barakat. Publié grâce au soutien des éditions [liR]. Adresse : Le Safir francophone As-Safir - Rue Mneimné - Beyrouth - Liban Courriel : [email protected] www.facebook.com/safir.francophone Site web : www.assafir.com 2 DOSSIER DU MOIS : PÉDOPHILIE ET VIOLS D’ENFANTS DANS LE MONDE ARABE - UN TABOU Pédophilie et viols : ce que les enfants ne racontent pas Leila Barakat O n n’en parle pas, on n’en prononce pas le nom : pédophilie. Un sujet encore tabou dans le monde arabe. On n’écrit pas, on ne traduit pas ce mot d’origine grecque dans les dictionnaires arabes : notre lexique ne le reconnaît pas. On n’en cite pas les cas, on n’en rapporte pas les abus : le nombre de viols réellement perpétrés sur les enfants est sans commune mesure avec celui des cas officiellement enregistrés. On n’en discute pas, ni en public ni en privé : victimes et parents se terrent dans un effroyable silence, établissements éducatifs, institutions de protection sociale et services de police pratiquent la même omerta ; quant aux médias, pourtant toujours prêts à attiser les conflits de la région du matin au soir, ils survolent à peine le sujet, livrant quelques informations éparses, promptes et irrégulières. Le Liban, guère plus loquace, ne se singularise pas en la matière. Il arrive qu’on lise de temps en temps, comme un fait divers sans lendemain, que dans une région pauvre et périphérique, un homme a attiré quelque garçonnet pour un assaut sexuel en échange de cinq mille livres libanaises (3,32 dollars) – et cela s’arrête là. Ni suites judiciaires fiables, ni analyses, ni plongée dans les méandres de la psychologie humaine : l’interdit s’en empare. Sait-on qu’un enfant violé risque de devenir un futur violeur ? Cette politique de l’autruche, on aurait tort de continuer à la pratiquer, car les statistiques éloquentes ne sauraient cacher l’augmentation dramatique, dans le monde arabe comme ailleurs, du nombre de viols d’enfants. Il est grand temps, aussi, de déconstruire les évidences : les enfants abusés sont d’abord des victimes, certes, mais ils sont aussi, surtout lorsqu’on les oblige à se taire, de potentiels futurs violeurs. Et, au-delà de notre solidarité naturelle avec la victime, qui doit nous amener à reconnaître sa blessure et l’aider à en guérir, une approche scientifique est à adopter : des recherches menées depuis plusieurs décennies ont démontré que les abus sexuels sur enfants sont perpétrés selon des cycles, lorsque les victimes se transforment en bourreaux. Mettant ces conclusions en évidence, d’éminents spécialistes qui se sont penchés sur l’examen de la dynamique de la personnalité des agresseurs, ont pu identifier parmi les facteurs qui prédisposent à passer à l’acte, le fait d’avoir été soi-même l’objet d’une telle agression dans l’enfance. Cela arrive d’autant plus si l’enfant abusé n’a été ni reconnu ni entendu, et alors le violeur ressemble à un virus venu se dupliquer dans sa proie : tandis que le premier violeur court toujours, un second, auquel nul ne prête attention, est possiblement en train de se former. La dignité et les droits humains de toute une tranche d’âge sont en jeu, mais c’est aussi la société entière qui s’empoisonne. Dans l’attente de la genèse d’une véritable conscience sociale face à ce danger, il est important de signaler que le viol des enfants ne se termine pas avec l’éloignement de l’agresseur. Le terrorisme a détrôné les vieux vices du monde, mettons à l’ordre du jour le combat contre la pédophilie : protégeons l’enfance S’il est des résistances, elles sont faites pour être brisées. Le pédophile l’a compris. Il va pêcher dans les lieux d’extrême dénuement. Et nul besoin alors d’agression physique pour exercer son attraction sur un enfant. Avec une somme modique les pédophiles séduisent les gamins des rues sans le sou, qui consentent alors sans comprendre à quoi ils s’exposent. Récemment j’ai été poursuivie par un garçon syrien très insistant qui demandait l’aumône. Il m’a dit, curieuse offre formulée par un imaginaire déjà bien déformé par la soumission, qu’il était prêt à me baiser les pieds si je lui donnais mille livres (0,66 $). Sachant que, en plus de produire leurs propres pauvres, le Liban et les pays environnants abritent des millions de réfugiés démunis, syriens ou autres, on envisage la facilité avec laquelle le pédophile vient à bout de résistances déjà bien affaiblies. S’il vit au-dessus de la condition de la multitude, le criminel peut aisément financer son crime, quand la victime n’a plus depuis longtemps les moyens de financer sa dignité. Autre aubaine pour le pédophile : la vedette du crime moderne est le terroriste. Or cela ne doit pas nous faire oublier que le danger est intrinsèque, et qu’il est à éradiquer. Comment ? Premièrement, par l’amendement et le durcissement des lois qui sanctionnent le viol des mineurs dans les pays arabes. Deuxièmement, par la protection physique des bambins, ce devoir maternel semi-oublié, l’abus sexuel des enfants étant, d’après les études réalisées, rendu possible notamment par l’absence d’« inhibiteurs externes » comme les lois ou la présence d’adultes protecteurs, manque qui conduit l’agresseur à passer plus facilement à l’acte. Elles se trompent gravement, toutes ces dames de la haute société arabe trop contentes de laisser leur progéniture entre les mains du personnel de maison, comme pour s’en débarrasser. Troisièmement, par l’éducation – le plus délicat des sujets. Education des enfants sur le sujet de la sexualité, pour qu’ils comprennent mieux ce qui est anormal et qu’ils ont le droit de défendre leur intimité, mais aussi parce que, bien que plus rarement, ce sont parfois de tout jeunes gens qui violent des enfants, ou même, loin de tout stéréotype sur la pureté des enfants, ceux-ci qui s’acharnent sur leurs cadets. Quatrièmement, et quoique le processus soit long et difficile, par l’instauration progressive de normes culturelles qui désavouent massivement la pédophilie. Cela n’a pas toujours été le cas : dans l’antiquité par exemple, à Athènes, les hommes aisés acquéraient un petit esclave pour leur plaisir sexuel, et s’adonnaient âprement à leurs fantasmes devant les yeux de leurs propres enfants nés libres. Plus proche de nous, il était de bon ton dans les années soixante, dans certains milieux littéraires, d’afficher son goût pour les jeunes garçons – nous pensons à Gide ou Montherlant, pour ne citer qu’eux. Et aujourd’hui, n’en déplaise à toute hypocrisie culturelle qui ne voudrait pas l’admettre, on peut douter que dans les coins et recoins de l’espace géographique arabe la pédophilie soit réellement condamnable, la priorité étant de protéger l’honneur au féminin. Cinquièmement, par le recours à la thérapie des agresseurs. Punir et soigner. La psychologie sociale, la criminologie, la sociologie, la psychiatrie, La pédophilie dans l’Orient arabe peinte par Jean-Léon Gérôme (1880). l’assistance sociale, qui essaient de se pencher sur la question de la pédophilie et du viol des enfants, ont, dans les pays les plus avancés, toutes reconnu qu’un pédophile est un être qui a besoin d’être soigné. Sixièmement, par une détermination à écorner les tabous. Briser le silence est un impératif, ce silence des médias, des parents, des écoles, etc., qui tisse ses toiles visqueuses pour envenimer… la victime elle-même. Ce silence est d’autant plus dangereux qu’il constitue, toujours d’après les études sur le sujet, un facteur de prolongation du crime, l’agresseur continuant à entretenir des relations avec les enfants, étant donné qu’il n’est condamné par personne. Ce silence, collectif, coupable, n’a que trop duré, c’est lui qui constitue, en sourdine, le meilleur allié de la pédophilie. ■ • Michael Gordon, The Family Environment of sexual Abuse: a comparison of natal and stepfather abuse, Child Abuse & Neglect 13, 121-130, 1989. • H. Licht, Sexual Life in Ancient Greece, Westport, CT: Greenwood Press, 1975. • Dennis Howitt, Paedophiles and sexual Offences against Children, New York: John Wiley & Sons, 1995. • Roger J. R. Levesque, Sexual Abuse of Children: a human rights perspective, Bloomington: Indiana University Press, 1999. • L. De Mause, The History of Childhood: the evolution of parent-child relationships as a factor in history, London: Souvenir Press, 1976. • Gordon C. Nagayama Hall, Prediction of sexual Aggression, Clinical Psychology Review 10, 229-245, 1990. • John Monahan & Henry J. Steadman (1994), Violence and mental Disorder: developments in risk assessment, Chicago: University of Chicago Press, 1994. Picasso, « Femme et enfant au bord de la mer », 1921. SUPPLÉMENT MENSUEL - AOÛT 2016 DOSSIER DU MOIS : PÉDOPHILIE ET VIOLS D’ENFANTS DANS LE MONDE ARABE - UN TABOU 3 Le traitement du sujet par la presse Viols d’enfants au Liban Un sit-in pour exiger le contrôle des institutions de protection sociale pour enfants Zeina Berjaoui As-Safir Un certain nombre de victimes ont brisé le silence sur les abus qu’elles ont subis dans les institutions de protection sociale où elles avaient été placées. Elles refusent de renoncer à leurs droits et insistent pour ouvrir le débat sur la nécessité de contrôler les institutions en question, afin de protéger les plus de vingt mille enfants enlevés à leurs familles pour y vivre. Les victimes, qui ont subi des mauvais traitements pouvant aller jusqu’au viol, ont saisi l’occasion de l’iftar (repas de rupture du jeûne) organisé par Dar al-aytam al-islamiya (institution de protection sociale de l’Orphelinat islamique) au BIEL, pour exprimer leur colère devant la chape de silence qui recouvre leurs droits et ceux des autres enfants. Ce n’est pas un hasard si l’iftar du Dar al-aytam al-islamiya a été choisi par les manifestants : l’Orphelinat islamique a justement été attaqué en justice par un jeune homme de vingt-trois ans, Tarek Mallah, pour les viols qu’il a subis durant les cinq années de son séjour dans l’institution. Tarek Mallah et nombre de victimes de ces viols ont participé au sit-in, dans l’objectif d’envoyer le message suivant aux invités de l’iftar : « Ne contribuez pas au viol des enfants. » A sept heures du soir, avant l’arrivée des manifestants, les forces de sécurité se sont mises en état d’alerte à l’entrée du BIEL, bientôt suivies par une brigade anti-émeute, soucieuses d’éviter toute échauffourée, d’autant que la plupart des invités étaient des personnalités politiques. Il est remarquable que les manifestants, qui s’égosillaient à clamer leur colère chaque fois qu’un invité passait devant eux dans sa voiture, n’aient pas faibli de toute la soirée. Ils ont persévéré et se sont tenus à l’affût, de quelque côté qu’arrivaient les convives. On a vu un député tenter vainement de les contourner. Même les assistantes sociales n’ont pu leur échapper, elles ont dû faire face aux remontrances des manifestants, qui leur ont rappelé leur responsabilité dans la protection des enfants. Les victimes exprimaient leur révolte à chaque défilé de voitures aux vitres fumées, s’en approchant pour dévisager leurs occupants et dressant haut devant elles leurs bannières, au mépris des forces de sécurité. Tarek Mallah a d’ailleurs assuré que les manifestants allaient multiplier leurs actions de protestation si les responsables ne s’attaquaient pas au problème, et que d’autres manifestations suivraient bientôt, parce que des enfants étaient toujours victimes des mêmes abus, au moment même de ce sit-in, derrière les murs des Picasso, « Enfant avec institutions de protection sociale, dont colombe », 1901. celle de l’Orphelinat islamique. Viols d’enfants en Egypte Les parents des élèves sollicitent l’aide du président après les abus sexuels à la Futures British School Salwa Al Zoghbi Al Watan « Un jugement pour la fermeture de la Futures British School pour viols d’enfants » et « Exécution du violeur d’enfants » sont deux « hachtags » qui ont envahi Facebook, depuis que la mère de l’un des enfants abusés a publié un communiqué expliquant que son fils et plusieurs de ses camarades avaient été violés par l’un des employés de l’école. Le communiqué précise qu’après que la mère s’est plainte auprès de l’école, celle-ci a exigé d’elle le silence sur la question. Les parents ont prié le président de la République Abdel Fattah al-Sissi d’intervenir. Ils ont appelé à un sit-in devant le bâtiment administratif de l’école, pour protester contre ces viols. Gazbia Sirry, 1955. Viols d’enfants en Arabie Saoudite Le viol des enfants et la clémence des jugements Abdulaziz Samari Al Jazeera J’éprouve une grande difficulté à comprendre la position indulgente des tribunaux légaux issus de la loi islamique sur la question du viol des enfants. Je suis frappé par la clémence des jugements rendus (qui se résument à quelques années de prison, parfois même quelques mois seulement, et à un certain nombre de coups de fouet), en comparaison avec les condamnations à mort dans le cas de viols sur jeunes filles mineures. Pourquoi cette différence, a-t-elle à voir avec la culture collective ? Dans un pays laïque comme la Turquie, un jugement rendu en 2016 dans la ville de Karaman, contre un enseignant accusé d’avoir violé au moins dix enfants, a été de 508 ans de prison. En comparaison, un tribunal saoudien a condamné un jeune homme de dix-neuf ans à seulement dix mois de prison et 80 coups de fouet pour avoir violé un mineur de quatorze ans. Le père de la victime a signalé que le jeune homme avait attiré son fils alors qu’il était près de sa maison, puis qu’il l’avait violé… Ce genre de jugements pose beaucoup de questions sur le dictat d’une compréhension rigide et littérale de la loi islamique par le législateur indulgent, alors que le cadre législatif des pays occidentaux considère ces crimes odieux contre la dignité et les droits des mineurs, comme de la plus haute gravité… (…) Notre crise réside dans l’environnement du cerveau législateur. Les questions d’honneur et de chasteté se réduisent aux péchés des femmes, elles ont trait à leurs vêtements et leur pudeur, à la culture de la honte, toute violation de l’honneur d’une femme étant considérée comme une violation de l’honneur de la famille et de la tribu, tandis que le viol des enfants mâles fait partie des jugements relatifs aux « petits défauts », et est pratiquement passé sous silence. Or, comme pour le viol des mineures, les jugements devraient être sévères et dissuasifs contre un tel comportement criminel, et le juge ne devrait plus montrer aucune clémence face aux Etienne Dinet, 1905. violeurs d’enfants de sexe masculin. Pédophilie en Afrique du Nord Révolutions arabes et tourisme sexuel Pierre Vermeren L’express (…) Il est utile de rappeler le lien entre des événements qui n’ont, a priori, rien à voir : le printemps arabe et le tourisme sexuel. Pourtant, un fil ténu les unit. Le printemps arabe est une insurrection contre le mépris et l’humiliation, la fameuse hogra maghrébine. Le soulèvement démocratique observé d’un bout à l’autre du monde arabe dénonce la violence contre les faibles, l’injustice, le mépris, la corruption, le népotisme. Or c’est en Egypte et en Tunisie, les deux plus grandes destinations touristiques de la région, qu’il a été à la fois le plus précoce et le plus abouti. Et c’est à Marrakech qu’un attentat a délibérément ciblé en avril des touristes européens. Est-ce fortuit ? Ces pays sont classés par l’ONU sur la liste des destinations du tourisme sexuel. Dès l’époque coloniale, l’Afrique du Nord était terre d’élection pour les amours viriles, alors criminalisées en Europe ; de nos jours, certains Occidentaux et de riches émirs du Golfe profitent de cet espace de tolérance. (…) Bien avant Luc Ferry, de nombreux livres et échos de presse ont rapporté les frasques d’hommes politiques français. La passion nationale pour les riads marocains et les villas tunisiennes n’est pas due qu’à l’amour du tagine et des bricks. Tout cela est discrètement su et tu. Or, avec la pédophilie, c’est de crime dont il s’agit. (…) Il serait détestable que l’Afrique du Nord demeure un lieu de quiétude pour le tourisme sexuel. Carl Werner, 1863. « Les traductions publiées dans cette revue dans le cadre du Programme d’Aide à la Publication Georges SCHEHADE, bénéficient du soutien du ministère des Affaires étrangères et du Développement international et du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France au Liban. » 4 DOSSIER DU MOIS : PÉDOPHILIE ET VIOLS D’ENFANTS DANS LE MONDE ARABE - UN TABOU Pédophilie en Tunisie Avril 2016 : 14 abus sexuels dont 10 contre des enfants Mosaïque FM (Web radio) En avril 2016, le nombre d’actions protestataires enregistrées sur ce sujet s’élevait à 987. Kairouan est le gouvernorat le plus touché avec 105 mouvements protestataires, suivi par Gafsa (102) et Sfax (68). (…) Par ailleurs, le rapport mensuel du Forum tunisien des droits économiques et sociaux rappelle que 14 cas d’abus sexuels ont été constatés en avril 2016, dont 10 ont été commis contre des enfants de moins de 15 ans. George Seurat, 1888. Menaces de viol pour les enfants palestiniens Israël maltraiterait systématiquement les enfants palestiniens Le Point (Source : AFP) Les forces de sécurité israéliennes maltraitent de façon « systématique » des enfants palestiniens, affirme une ONG basée en Cisjordanie occupée dans un rapport rendu public. Ces accusations lancées par Military Court Watch (MCW), qui surveille notamment la manière dont les enfants sont traités par les tribunaux militaires israéliens, ont été catégoriquement rejetées par l’armée. MCW estime que depuis l’occupation de la Cisjordanie après la guerre de juin 1967, jusqu’à 95 000 enfants palestiniens ont été détenus par les forces israéliennes. Le rapport, qui a été transmis à l’ONU, détaille 200 cas de détention de mineurs survenus depuis 2013. Dans ses conclusions, l’ONG affirme que malgré de récents développements dans le système de détention militaire, « les mauvais traitements sont fréquents, systématiques et institutionnalisés ». Citant des témoins, le rapport indique que 187 mineurs ont eu les mains liées durant les 24 premières heures de leur détention, 165 ont eu les yeux bandés et 124 ont subi des mauvais traitements physiques. « Des conduites agressives, des menaces sont utilisées parfois durant les interrogatoires, y compris des menaces de coups, de viol, de détention dans des cellules d’isolement, d’électrocution, ou de tirs », déplore le rapport. Seuls 8 mineurs sur 200 ont eu accès à un avocat avant d’être interrogés et seuls 7 ont eu un Ismaïl Shammout, 1998. parent présent durant les interrogatoires. Viols d’enfants syriens réfugiés Soupçon de viols d’enfants syriens dans un camp de réfugiés en Turquie Le Parisien La Turquie a été secouée par la révélation d’une série d’abus sexuels présumés commis sur des enfants syriens dans un camp de réfugiés pourtant présenté comme exemplaire par les autorités. Un agent d’entretien du camp de Nizip, situé dans la province de Gaziantep, au sud-est du pays, près de la frontière syrienne, est accusé d’avoir violé au moins huit enfants syriens âgés de 8 à 12 ans l’année dernière, a rapporté l’agence de presse Dogan. L’agence du gouvernement turc en charge des situations d’urgence (AFAD), qui gère ce camp de tentes accueillant 10 800 réfugiés, a indiqué dans un communiqué suivre de près cette affaire. (…) Le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation d’opposition, a demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire. Selon le quotidien Birgün, l’agent d’entretien, arrêté en septembre, est soupçonné d’avoir violé une trentaine d’enfants, mais la plupart des familles n’ont pas porté plainte de peur d’être expulsées. Le procureur réclame contre lui 289 ans de prison. Il est accusé d’avoir attiré ses victimes présumées dans des toilettes, où il les aurait violées contre des sommes d’argent comprises entre 1,5 et 5 livres turques, selon Dogan. (…) Hassan Ballan, XXème siècle. Viols d’enfants au Maroc Maroc : Un violeur ne pourra plus échapper à la prison en épousant sa victime Radio France Internationale Les députés marocains ont voté, mercredi Réforme du code pénal Mohamed Chaoui L’économiste Un peu plus d’un an après le coup de pouce royal à la réforme sur la réglementation de 22 janvier 2014 au soir, en faveur d’un amendement du code pénal afin qu’un violeur ne puisse plus échapper à des poursuites judiciaires en épousant sa victime. L’amendement a été approuvé à l’unanimité des parlementaires présents. Ce vote a eu lieu deux ans après le suicide de la jeune Amina El Filali, contrainte d’épouser son violeur. Un fait divers qui avait suscité un vif émoi dans le pays et au-delà. l’avortement, Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, vient de livrer sa copie (en mai 2016) en vue de la refonte du code pénal. (…) Ce projet de code pénal a renforcé les peines relatives au viol. Lorsque celui-ci est commis avec violence, il est puni de 5 à 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams. Si la victime est mineure de moins de 18 ans ou handicapée, la peine peut aller jusqu’à 20 ans et l’amende de 50.000 à 500.000 DH. Ludwig Deutsch, 1886. Sara Shamma, 2013. Les cinq pays qui ont le plus haut taux d’abus sexuels sur mineurs Ludovica Iaccino International Business Times Des millions d’enfants dans le monde sont victimes d’abus sexuels chaque année. Fondant ses travaux de recherche sur les statistiques et les rapports officiels, International Business Times s’est penché en février 2014 sur cinq pays qui présentaient le taux le plus élevé d’abus sexuels sur mineurs, nommément : l’Afrique du Sud, l’Inde, le Zimbabwe, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Afrique du Sud Un enfant est violé en Afrique du Sud toutes les trois minutes, selon un rapport établi en 2009 par Trade Union Solidarity Helping Hand. Une enquête menée par le Conseil de recherches médicales du pays a révélé qu’un homme sur quatre admet avoir violé quelqu’un, que 62% des garçons de plus de onze ans croient que le fait de forcer quelqu’un à avoir des relations sexuelles ne constitue pas un acte de violence, et qu’un tiers d’entre eux pense que les filles jouissent pendant le viol. Beaucoup de gens en Afrique du Sud sont persuadés qu’avoir des rapports sexuels avec une vierge peut guérir du sida, ce qui constitue aussi un motif de viol. Selon The Telegraph, certaines des victimes n’avaient que six mois, et beaucoup n’ont pas survécu à leurs blessures, tandis que d’autres ont contracté le sida. Inde Dans son rapport de 2013 intitulé Les Portes de l’enfer en Inde : les agressions sexuelles contre les enfants dans les centres de détention pour mineurs, le Centre asiatique pour les droits de l’homme a déclaré que les abus sexuels contre les enfants en Inde avaient atteint des proportions endémiques et que l’Inde avait connu une augmentation de 336% des cas de viol sur enfant entre 2001 et 2011. (…) Royaume-Uni En 2000 The Telegraph a rapporté que 250 000 Britanniques étaient pédophiles – soit plus d’un adulte sur 200 –, d’après les chiffres publiés par Scotland Yard. Selon la Société nationale pour la prévention de la cruauté envers les enfants, un enfant sur vingt a été abusé sexuellement au Royaume-Uni, et plus de 90% des enfants qui ont subi des abus sexuels, ont été abusés par quelqu’un qu’ils connaissaient. (…) Etats-Unis Le Centre d’études sur les enfants a évalué que parmi les bébés nés aux ÉtatsUnis en 2014, 500 000 seront victimes d’abus sexuels avant d’atteindre l’âge de dix-huit ans si rien n’est fait pour l’empêcher. (…) Des études rétrospectives sur les adultes montrent qu’une femme sur quatre et un homme sur six ont été abusés sexuellement avant l’âge de dixhuit ans. Cela signifie qu’aux États-Unis, plus de quarante-deux millions d’adultes sont des survivants d’abus sexuels subis durant l’enfance… Rudolf le Jeune, 1886. ESSAIS NUCLÉAIRES SUPPLÉMENT MENSUEL - AOÛT 2016 5 29 août : Journée internationale contre les essais nucléaires Les impensables du nucléaire Anne van Kakerken A ux pays détenteurs de l’arme atomique, l’ONU rappelle qu’il existe un Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, que beaucoup ont ratifié, mais curieusement, parmi ceux qui rechignent, la plupart possèdent un arsenal considérable (la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Pakistan, Israël ou la Corée du Nord). Tentons donc d’aider l’ONU à les convaincre. Cherchons quel argument ferait mouche. Nous pourrions par exemple leur dire : ne vous inquiétez pas, la technologie moderne présente de si merveilleux avantages que vous pouvez désormais tester la fiabilité de vos armes sans effectuer le moindre essai, et continuer ainsi à nourrir vos rêves de destruction massive ! Mais voilà qu’ils grognent déjà et nous répondent que nous n’y comprenons rien, qu’il s’agit de « dissuasion » – et ils font résonner très fort ce mot à nos oreilles – ; ils affirment avoir particulièrement peur de leurs voisins et prétendent que la paix ne peut être maintenue qu’à ce prix. Ah ! pardon, nous voulons bien entendre ce raisonnement, mais depuis 1945, le nombre de bombes étant passé de 3 à plus de 17 000, si la paix s’était développée proportionnellement à l’augmentation des armes en votre possession, nous serions tous en état de béatitude ! Ils nous répètent pourtant que les progrès sont majeurs : regardez ! trois pays dotés de l’arme nucléaire ont ratifié le traité en question, la Russie, le RoyaumeUni et la France. Oui, enfin… ne croyez-vous pas que ces trois-là se sont suffisamment illustrés ? Ils gagnent à se montrer conciliants maintenant qu’ils n’ont plus de terres « accueillantes » pour leurs essais : les steppes du Kazakhstan pour la Russie, le bush australien pour le Royaume-Uni, et pour la France, le désert algérien et les atolls polynésiens. Partout en ces lieux des populations tenues pour négligeables ont été largement irradiées, parce qu’il en allait de la puissance d’un pays et de sa « grandeur ». Allons ! Ne dîtes pas que l’arme nucléaire n’est pas, déjà, une arme de crime de masse, un instrument de génocide dans le plein sens du terme, puisqu’elle a semé la destruction dans le génome humain, répandant les cancers, les malformations congénitales pour des générations, et que sa force dévastatrice a anéanti pour des centaines d’années les capacités nourricières des terres et des mers où elle s’est accrochée. Ils plissent leurs yeux myopes : les siècles futurs ne seront pas les nôtres, et la mémoire se perd aisément ! Et puis, assurent-ils, ces armes que nous bichonnons tant, nous n’avons pas l’intention de les utiliser, nous savons qu’elles sont des milliers de fois plus puissantes que les « petites bombes » que nous avons larguées à Hiroshima et Nagasaki, nous ne sommes pas inconscients tout de même ! Comment ? Que dites-vous ? Vous affirmez que vous n’envisagez pas comme une possibilité réelle d’exterminer la population, non seulement de toute une ville comme au Japon, mais de régions voire de pays entiers, ni d’y répandre la désolation la plus totale, et que pourtant vous consacrez chaque année à l’entretien de vos bombes, des milliards de vos Source : Internet « L’arme nucléaire, c’est la fin acceptée de l’humanité. » (Théodore Monod) monnaies respectives ? Excusez-moi, mais il me semble que dans ce cas, votre attitude relève quelque peu de la maladie mentale… Depuis 1945, 2055 bombes nucléaires ont explosé sur la planète, dont 520 étaient aériennes. Nous vivons donc, définitivement, dans un monde nucléaire, assaisonné de particules invisibles capables de nous ronger jusqu’à la moelle. Et là ils nous disent : mais pourquoi montrez-vous une telle véhémence ? L’Occident est suffisamment protégé !… Détrompezvous, parce que là où nous sommes assis, sur cette belle terre de France par exemple, nous sommes environnés de dizaines de réacteurs nucléaires en fin de vie, poussifs, gagnés par la rouille, rafistolés tant bien que mal, et chaque semaine, oui, chaque semaine, des incidents ont lieu dans nos centrales, si bien que l’on peut dire objectivement que la catastrophe est tout simplement imminente. Et cela n’est pas différent pour le « parc nucléaire » des autres pays. Les médias s’attardent peu sur le sujet, mais en la matière n’importe quel Etat « démocratique » retrouve des réflexes totalitaires et ment à pleine bouche – le Japon a géré Fukushima avec une nullité absolue, et comme à Tchernobyl, les populations ont été maintenues dans l’ignorance ; les conséquences de ces deux catastrophes toujours en cours sont largement minimisées. Comment séparer le nucléaire civil du militaire, alors qu’il présente la même dangerosité et est traité avec la même opacité ? Depuis les mines d’uranium jusqu’aux déchets innombrables pour lesquels rien n’est prévu, chaque étape du maniement de cette énergie redoutable empoisonne un peu plus nos chairs et nos terres. La mort est bien armée, le nucléaire est à son service. Cela devrait-il susciter en nous autre chose que de la colère ? ■ Source : Internet 6 POLITIQUE Daech est contre tous. Mais qui est contre lui ? Nasri Al-Sayegh Mars 2015. Qui ment ? Daech ou l’alliance internationale censée le combattre ? Que devonsnous croire ? Les champs de bataille livrés aux flammes et les opérations militaires, ou les déclarations des dirigeants et des généraux, les porte-parole des autorités ? Neuf mois après le déclenchement de la plus récente des vagues de conquête de Daech, et après des confrontations, des batailles et des raids, le résultat semble sans appel : chacun fait du surplace, avec un volume de pertes sans précédent pour toutes les parties. On ne peut accorder aucun crédit au torrent de déclarations qui nous assourdit, d’autant que, comme le dit le poète Abu Tammam, « les nouvelles apportées par l’épée sont plus sincères que celles des livres ». Et Daech, en tant que superpuissance régionale, qui passe outre les frontières, les nations et les entités, est encore capable, malgré toutes les pertes subies, de protéger ses positions dans les grandes villes, au cœur des cités et dans les zones stratégiques ; il peut toujours ranimer le flot de ses invasions, diversifier les moyens de son terrorisme et ses méthodes d’intimidation brutale, nourrir sans fin les racines de sa terreur et de sa lutte suicidaire. Et ce que montrent les actes, non le gaspillage des mots, c’est qu’il n’y a pas de guerre internationale contre le terrorisme. Pas de guerre régionale contre Daech, les seules guerres sérieuses étant celles qui se déroulent entre les sunnites et les chiites, entre les Houthis et les autres, entre les régimes et leurs peuples, entre l’Amérique et ses ennemis, et ainsi de suite. Ils nous mentent. La guerre contre le terrorisme est associée à des guerres contre nous. (…) Par conséquent, Daech seul demeure toujours plus fort que la somme de ses ennemis, occupés d’abord par leurs autres guerres dévastatrices. Ce torrent de mensonges s’arrêtera-t-il ? Août 2016. Quelle relation y a-t-il entre le village d’El-Kaa au Liban, Orlando l’américaine, la banlieue sud de Beyrouth, Charlie Hebdo en France, l’aéroport Atatürk à Istanbul, l’aéroport de Bruxelles, capitale de l’Union européenne, Bagdad, Samarra et les autres villes d’Irak, entre le massacre du théâtre du Bataclan à Paris, Palmyre et les cités syriennes prises pour cibles à plusieurs reprises, entre les frontières et les portes de l’exil en Jordanie, les rues du Caire et les rives qui enserrent le Sinaï, la ville de Zliten en Libye, la cité de Maiduguri aux mains de Boko Haram, la mosquée de Mahassen en Arabie Saoudite, le musée du Bardo en Tunisie, Jakarta la capitale indonésienne et son quartier des ambassadeurs, l’enlèvement d’un citoyen australien bientôt égorgé ? Quelle relation y a-t-il entre le village d’El-Kaa et ces cinq continents ? Le lien entre ces lieux éloignés les uns des autres est Daech, l’organisation mondiale de l’État islamique, un impérialisme religieux mondialisé. Le sousestimer est pathétique, et constitue une preuve de stupidité politique. Les opérations successives ont prouvé que Daech est un Etat tentaculaire, avec des camps militaires aux quatre coins du monde, et qu’il est en mesure de livrer des batailles sur de véritables fronts, de mener des guerres de conquête ainsi que des guerres de défense au sein de la « terre du califat en Irak et au Levant », mais aussi sur les cinq continents, et tout cela à la fois... Inégalé dans l’utilisation de la violence, le génie de la tuerie et ses arts divers et innovants, Daech n’a de compétiteur que l’enfer. Ce qui a frappé El-Kaa a une spécificité libanaise, mais l’Etat de Daech le conçoit sous l’angle de sa bataille cosmique. Daech n’a besoin de s’allier à personne, il prétend avoir pour unique allié Allah, sa référence et son chef. Sous-estimer Daech est très dangereux. Ajourner la confrontation mondiale, c’est manquer à un devoir élémentaire de porter secours. Daech est seul contre tous, contre tous ceux qui ne sont pas dans ses rangs. Le monde entier est à découvert devant lui, il constitue sa cible, là où il vise il atteint son but. Chaque perte est encore une victoire, et un triomphe divin. Les pertes ne comptent pas pour lui. Ceux qui, à travers le monde, viennent rejoindre ses rangs, lui fournissent des réserves humaines inépuisables, et une foi barbare qui ne connaît pas de limites à la sauvagerie. Le suicide est pour lui une victoire. Ses huit terroristes morts à ElKaa sont des leaders célestes – et beaucoup d’autres suivront. Et la peur de Daech est un crime encore plus grand. Cette peur est l’arme qu’il laisse derrière lui après chaque massacre. L’intimidation est une doctrine de terrain qui paralyse l’ennemi. Cela est arrivé à plusieurs reprises. Il y a pourtant des remèdes contre la peur, mais ils sont le fruit des champs de bataille et des confrontations : Palmyre et Fallujah en sont des modèles. La force de Daech est qu’il constitue, pour de nombreux Etats, gouvernements, organisations et coalitions, le dernier, et non le premier ennemi. Sa force vient du fait que les autres ennemis sont considérés comme prioritaires, et c’est ce qui le protège le mieux de la défaite. La Turquie ne le considère pas comme son premier ennemi. Ses relations avec lui sont de fait ambiguës. Elle l’a soutenu et a facilité le passage vers la Syrie de hordes d’adeptes arrivées du monde entier. La Turquie est considérée comme leur passeur le plus sûr. Aujourd’hui elle en paie le prix. Parce que le Parti des travailleurs du Kurdistan a la priorité sur Daech, tout comme le régime syrien, que la Turquie cherche à faire tomber en soutenant les oppositions islamistes armées. Le régime syrien ne traite pas non plus Daech comme son premier ennemi. Les guerres de terrain lui imposent de livrer bataille à tout ce qui lève les armes contre lui, et surtout le reste de l’opposition, qui n’appartient pas à Daech. Quant à l’Arabie Saoudite, elle a failli hurler de dépit après la libération de Fallujah. Il est vrai que Daech la considère comme son ennemie, tout comme les autres régimes, accusés d’athéisme, mais l’Arabie Saoudite a d’autres cibles prioritaires, l’Iran, le régime syrien et leurs alliés. Les Libanais, qui craignent Daech, ont compris combien celui-ci est nuisible à leur patrie ; mais s’ils se sentent menacés et savent pertinemment qu’il s’est implanté en lisière de la Békaa du Nord, visant la mer Méditerranée à travers des régions vulnérables du Nord, ils sont divisés face au rôle du Hezbollah en Syrie, lequel contribue à plusieurs batailles, dont celles contre Daech et Al-Nosra. Ainsi c’est parfois le Hezbollah qui occupe la première position en tant qu’ennemi, avant Daech – quant à Al-Nosra, il arrive loin derrière. Sunnites et chiites ne sont pas unis dans la bataille contre Daech. La guerre entre les deux axes, l’iranien et le saoudien, n’a pas cessé. Daech vit de cette discorde, qui fait rage du Yémen au Bahreïn, de l’Irak à la Syrie. Daech n’est qu’une contingence, laquelle ne constitue pas un élément essentiel dans ce conflit. (…) Hier, ce fut le village d’El-Kaa, mais ce n’est probablement pas le dernier. Eliminer Daech prendra beaucoup de retard. ■ Source : Internet Istanbul. Orlando. Paris. Bruxelles. Nangarhâr. Al Mabraz. Zliten. Hadramout. Maiduguri. Charlie Hebdo (Paris). Baghdad. Dacca. Le Caire. Boston. El-Kaa. MÉMOIRE TROUBLE SUPPLÉMENT MENSUEL - AOÛT 2016 7 J’aurais souhaité que ce passé ne fût pas le mien Leila Barakat Au cours du déjeuner, je prévoyais une discussion légère entrecoupée par quelque compliment de la part de mon interlocuteur issu d’une aristocratie qui dédaigne les mots crus, quelque chose dans le genre « Vous avez de beaux yeux noirs… ». Mais il m’assena soudain, loin de l’image distinguée qu’il aimait à cultiver : « Si j’en avais la possibilité, j’égorgerais de ma propre main le dernier enfant palestinien survivant au Liban. » Un homme libre est un homme sans passé. Telle une chaîne qui relie par le cou les esclaves les uns aux autres, le passé nous empêche de rejoindre un futur qui se profile au loin avec un visage de liberté. Et pourtant : la tendance à extirper le passé pour déstabiliser ses adversaires en rappelant publiquement leurs crimes, est un trait constant des sphères dirigeantes au Liban. Oui, nous avons jadis pris les armes les uns contre les autres, c’est un fait où notre histoire se trouve piégée, incarnée malgré nous par dix-huit communautés enfermées dans des contextes sociaux-culturels différents. Ces jeunes miliciens de dix-sept ans, à travers quel prisme de préjugés percevaient-ils « les autres » qu’ils voulaient absolument éliminer ? Quelle cause étaient-ils convaincus de défendre, quelle foi armait leurs bras ? A cette question, seuls leurs dieux d’alors pourraient éventuellement répondre. Dans un pays stable, déjà, le passé venimeux peut parfois rester tapi dans l’arrière-fond de la mémoire, lourd à porter, douloureux à ruminer. Mais c’est bien pire dans un pays qui sort d’une guerre civile ; le passé y présente d’odieux effets de miroir qu’on peut difficilement affronter sans être pris par la tentation de briser la glace. Pouvons-nous prétendre que nous sommes toujours fiers de notre passé ? N’avez-vous pas simplement envie de dire : « J’aurais souhaité que ce passé – le passé collectif, commun, ensanglanté – ne fût pas le mien » ? Le passé est blessure. A charge pour le futur de le cicatriser. Mais ce passé, devons-nous en être poursuivis indéfiniment, au point de sentir que le chemin qui nous fait face n’en est qu’une prolongation ? N’est-il pas grand temps que nous devenions simplement un projet en gestation, qui se ressource sur les rives d’un avenir véritable ? Les combats pouvant s’enorgueillir de créer leur vocabulaire, il est des expressions propres à la guerre, dont les termes relatifs aux zones « Est » et « Ouest » qui ont longtemps « enrichi » notre lexique quotidien. Les forces chrétiennes, prédominantes dans la première zone, et les forces musulmanes alliées aux Palestiniens, influentes dans la seconde, s’écharpaient allègrement ̶ bien que la cartographie de la guerre ait été bien évidemment plus complexe. Depuis lors, les politiciens libanais de tous bords se permettent constamment de se dresser en juges pour criminaliser le passé des autres ; qui leur faudra-t-il pour siéger au tribunal de leur arrogance, un jury de l’Est ou de l’Ouest ? Les vérités sont relatives – quel philosophe ne nous l’a répété ? – et les criminels des uns sont les héros des autres. Achille est un héros pour les Grecs, un assassin pour les Troyens. Le monstre en lui se nourrit de la lueur de votre regard Il n’y a pas d’école plus difficile que celle de l’oubli forcé. Rien de plus troublant que de croiser, dans quelque espace public, un monstre qui vous faisait jadis trembler au barrage et qui, pour vous laisser passer, vous extorquait volontiers une partie de votre fortune personnelle – et de votre dignité. Rien de plus troublant en effet, mais le monstre en lui, qui a survécu jusqu’à ce jour, se nourrit de la lueur de votre regard, et si ce regard ne lui fait pas sentir que vous vous souvenez qu’il fut un monstre, celui-ci agonise. Il y va de votre salut, du sien, et de celui du « vivre ensemble » qui constitue le pari libanais. Je croyais que mes compatriotes étaient déterminés à ne pas s’enliser dans les marécages du passé, puisqu’on ne dit plus ni « Est » ni « Ouest », mais Achrafieh et Beyrouth – ainsi les villes, jadis déshumanisées, aux identités noyées, ont retrouvé leur nom. Je croyais que ce conflit était démodé face aux rivalités entre sunnites et chiites qui prédominent aujourd’hui. Je le croyais… jusqu’à ce que des phrases d’une grande violence, entendues dans des lieux solennels et raffinés avec lesquels elles semblaient bien peu en accord, me secouent dans mes croyances béates. En vérité cet article aurait dû paraître en avril, lorsque tous les journaux se font un devoir de commémorer la date de déclenchement de la guerre. Mais j’ai essayé en vain, pour pouvoir l’écrire à temps, de pactiser avec ma mémoire, rétive à réouvrir des cicatrices de guerre. Quelques paroles malheureuses, désagrégeant les dernières résistances, allaient pourtant suffire à libérer ma plume. C’était au cours d’une réunion de personnes haut placées à laquelle j’avais été conviée. La discussion roula sur la corruption, et j’ai mis en avant le soutien que j’avais reçu d’un politicien ex-chef de brigades dans ma lutte contre les malversations dans le secteur culturel. A peine avais-je terminé ma phrase que la consternation se répandit sur tous les visages – comme si j’avais blasphémé. « Aurais-tu oublié qu’il est entré tout armé avec ses hommes pour pisser à l’intérieur de la mosquée d’un village musulman conquis ? » rugirent-ils d’une seule voix. La réunion se tenait à « l’Ouest », un terme qui a peut-être disparu de notre langage, mais dont les connotations de divisions sont manifestement toujours vives dans notre mémoire meurtrie. De même je déjeunais un jour avec un homme politique issu d’une aristocratie qui a le dédain des mots crus, ses gestes et ses paroles scrupuleusement coulés dans le moule protocolaire des mondanités. Je prévoyais une discussion légère entrecoupée par quelque compliment de la part de mon interlocuteur aux manières policées – les hommes affirment complimenter le beau sexe pour répondre courtoisement à l’inconscient des femmes – quelque chose dans le genre « Vous avez de beaux yeux noirs… ». Mais il m’assena soudain, pour me reprocher mon soutien à la cause palestinienne et loin de l’image distinguée qu’il aimait à cultiver : « Si j’en avais la possibilité, j’égorgerais de ma propre main le dernier enfant palestinien survivant au Liban ». Depuis que j’ai touché au journalisme et abandonné ma vocation de romancière, la réalité me fournit parfois des phrases que mon imagination romanesque n’aurait jamais osé effleurer. Et face à mon mutisme et ma stupéfaction, l’homme renchérit : « Aurais-tu oublié ce qu’ils ont fait à Zahlé, ces Palestiniens que nous avons hébergés ? Notre voisine avait un fils unique, ils l’ont flingué et jeté son cadavre près de la rivière. » Le déjeuner avait lieu à « l’Est » ; apparemment les pages de la guerre y ont été tout aussi mal tournées, et les âmes y saignent toujours. Alors, ai-je oublié le registre criminel des uns et des autres ? Certaines questions laissent songeur. S’il semble difficile d’autoriser l’oubli à s’emparer de nos maux dévastateurs, doit-on pour autant se livrer à un usage forcené de la mémoire, afin d’exacerber sans fin nos divisions ? Ne peut-on espérer une phase transitoire, dépouillée de violence verbale, une phase de discipline lexicale, si j’ose dire, où chaque mot serait pesé à la balance de la cohabitation ? A défaut de pardon, prévaudrait un langage qui ne fourragerait pas sans arrêt dans les souvenirs de guerre, pour instaurer une nécessaire et indispensable qualité de vie en commun, une vie avec les adversaires d’hier. Bref, que prévale au moins une forme d’hypocrisie. Parce que la question n’est pas de savoir si j’ai oublié, mais si l’oubli, dans notre contexte fragile et malade, se fait grief ou vertu. ■ Guerre absurde du Liban, guerre absurde des insectes (André Masson, « La bataille des insectes », 1934). 8 CULTURE ET URBANISME Réédition d’un livre de référence sur le territoire urbain politique de Rafic Hariri Le livre Architecture, Power and Religion in Lebanon : Rafic Hariri and the Politics of Sacred Space in Beirut (Pouvoir et religion au Liban : Rafic Hariri et la politique de l’espace sacré à Beyrouth) vient d’être réédité aux éditions Brill. Ward Vloeberghs, son auteur, est de nationalité belge et enseigne les sciences politiques à l’université Erasme de Rotterdam. Il explore dans cet ouvrage le patronage de Rafic Hariri et son héritage posthume pour démontrer comment l’architecture religieuse est devenue un espace pour les luttes de pouvoir dans la ville contemporaine de Beyrouth. Le livre étudie notamment comment Rafic Hariri a « sponsorisé » la Mosquée Mohammed al-Amin – principale mosquée sunnite de la ville –, analysant la façon dont l’architecture religieuse sert des objectifs politiques dans le Liban d’aujourd’hui. En retraçant cent cinquante ans d’histoire autour de la Mosquée Mohammed al-Amin, et en s’attardant sur le développement ultérieur du site, devenu lieu de commémoration, cet ouvrage est une brillante illustration des liens entre architecture, religion et pouvoir, une démonstration sans appel de la manière dont ils s’enchevêtrent et se donnent à voir dans le paysage urbain. Démontant les travers d’une société multiconfessionnelle marquée par les inégalités sociales et la fragmentation politique, cette étude interdisciplinaire dénonce également comment les choix en matière d’architecture et de reconfiguration urbaine, révèlent un culte naissant de la personnalité et contribuent à la consolidation du territoire politique. Selon Ward Vloeberghs, Rafic Hariri, en fin politicien, n’a conçu la construction de la plus grande mosquée du Liban qu’à des fins d’ambition personnelle, indépendamment de sa pertinence, dans une tentative de renforcer sa propre légitimité et son capital symbolique. Le dirigeant érige un monument pour qu’en retour le monument assoie le souverain. Comme le rappelle l’auteur de cette étude, la dimension politique a souvent accompagné les transformations urbaines à Beyrouth – pas seulement dans le domaine des lieux de culte – mais cette dynamique toujours en cours a été particulièrement utile dans la création et la préservation du territoire politique de Hariri dans le centre de Beyrouth. Un chapitre particulièrement audacieux (intitulé Hariri’s Political Economy : Business as Usual) démystifie les objectifs de Solidere comme centre international attractif pour les industries financières, culturelles et touristiques, en expliquant par le menu, et en se basant sur de solides références, qu’il s’agissait d’un projet d’affaires sur mesure pour Rafic Hariri, et que les dizaines de milliers de propriétaires des terrains de l’ancien centre-ville ruiné ont été lésés, Solidere s’étant approprié leurs biens en les dévaluant. Le livre relaie les critiques des planificateurs urbains, architectes et urbanistes sur Solidere, Société libanaise de développement et de reconstruction, qui bien loin de l’altruisme évoqué par son homophone « solidaire », porte essentiellement sur la maximisation du profit pour ses actionnaires. Rafic Hariri est démystifié : « Compte tenu de son empressement à mettre ses intérêts commerciaux au service de ses visées politiques et, à l’inverse, à protéger ses intérêts commerciaux grâce à une influence politique accrue, Hariri étendait de facto son royaume dans le processus de reconstruction. » Un ouvrage à lire impérativement, pour nous aider à déchiffrer le politique à travers le paysage urbain. ■ Promofair, l’immobilier de luxe : Dream or inaccessible dream ? La rencontre annuelle « Dream, Development & Real Estate » (Rêve, développement et immobilier) s’est tenue du 11 au 14 juillet au Pavillon Biel, pendant que nombre d’expatriés et de touristes arabes étaient au Liban pour les vacances de l’Aïd El Fitr. Cet événement a été présenté sur le site web de Promofair comme « The Real Estate culture and fair » (La foire et la culture de l’immobilier) et comme « The most luxurious real estate exhibition held in Beirut » (Le salon de l’immobilier le plus luxueux tenu à Beyrouth) ; son but est de permettre aux grands investisseurs et aux entreprises internationales d’étendre leurs réseaux et de se créer de nouvelles occasions de faire des affaires. Suivant le Rapport sur l’économie libanaise de la Banque Audi, dont les statistiques, publiées dans la brochure du salon (1), concernent les années 2013 et 2014, le nombre de transactions immobilières a augmenté de 2,8% (passant de 169 506 en 2013 à 174 174 en 2014) ; les nouveaux permis de construire ont été délivrés pour une superficie totale de 13 546 m2 en 2014 contre 12 925 m2 en 2013. Cela représente des milliers et des milliers de tonnes de ciment en livraison continue, et la répartition par mouhafazah (gouvernorat) montre que le Mont-Liban, encore une fois, a remporté la majorité des permis de construire en 2014. Mais que disent ces chiffres dont les promoteurs et les courtiers sont si fiers ? Que l’urbanisation galopante s’est accrue, que nous aurons encore et encore du béton, et que là où il ravage le plus notre paysage, c’est au Mont-Liban vert… En vain ce salon paradoxal a-t-il peaufiné son image en mettant en relief les milliers de nouveaux petits appartements construits pour s’adapter au budget des jeunes couples. En réalité, alors que les jeunes couples attendent désespérément que les prix baissent pour pouvoir se marier (rappelons que les prix ont augmenté vertigineusement depuis une décennie, édifiant quelques fortunes privées colossales (2) et engendrant une véritable crise sociale), la brochure du salon rapporte que « la période de ralentissement dans le secteur de l’immobilier n’a pas affecté les prix, qui ont résisté la plupart du temps, ce qui prouve que le secteur dans son ensemble est destiné à un avenir prospère ». Les malheurs des uns font le bonheur des autres : jamais ce proverbe ne s’est trouvé aussi bien adapté à une situation. Nous pouvons certes reconnaître que la construction de tout nouvel immeuble alimente les caisses de l’Etat par les taxes générées, et par le fait que ses nouveaux habitants « de luxe » seront des consommateurs d’autres produits de luxe, entre restauration, loisirs et habillement, et que tout cela dynamise d’une certaine manière le cycle économique ; mais rappelons que cette urbanisation anarchique s’est faite sans plan d’aménagement global du territoire, c’est-à-dire au détriment du paysage et du peu de verdure qui nous reste, et que, tout luxueux qu’il est, le béton n’en reste pas moins du béton. Nous sommes également en droit de rappeler que, pendant que s’élèvent ces gratte-ciel qui flirtent avec les nuages, le sort de cent quatre-vingt mille familles d’anciens locataires est ignoré ; la loi d’avril 2014, votée puis aussitôt décriée par toutes les composantes de la classe politique (à commencer par le chef du législatif) n’a fait que semer la perplexité et le désordre. Bien que cette loi reste très largement inappliquée, à cause de l’invalidation de deux de ses articles par le Conseil constitutionnel, elle a permis aux anciens propriétaires de s’adonner en public à de véhémentes demandes d’expulsion de leurs anciens locataires encombrants. En bref, le salon de l’immobilier de luxe est un interdit à l’écrasante majorité des Libanais, marginalisés sur leur propre territoire. Dream or inaccessible dream ? Marina Tower (Source : Internet). Broummana (Source : Internet). (1) Preuve d’une faible communication, les slogans vides de Promofair n’ont même pas eu la décence de se faire illustrer par une brochure mise à jour. (2) Un constructeur nous a affirmé avoir fait un profit net de quarante millions de dollars dans deux immeubles de luxe construits à Tallet-el-Khayat.