Pathologie hypophysaire et grossesse

Transcription

Pathologie hypophysaire et grossesse
Article
Pathologie hypophysaire
et grossesse
L
a survenue d’une grossesse chez
une patiente présentant un
adénome hypophysaire sécrétant
ou non sécrétant ou une insuffisance anté- ou post-hypophysaire
est une éventualité de plus en plus
fréquente en pratique clinique.
Quelques revues récentes de la
littérature ont abordé la prise en
charge de ces patientes [1-6].
Philippe Caron
Adénomes
à prolactine
Mots clés :
Grossesse,
prolactinome,
acromégalie,
maladie de Cushing,
adénome thyréotrope,
adénome non sécrétant,
hypopituitarisme,
diabète insipide.
Les prolactinomes sont les plus
fréquents des adénomes hypophysaires et sont une cause d’infertilité
par anovulation. Leur traitement
restaure une fertilité normale chez
80 à 90 % des patientes.
Au cours d’une grossesse
normale, les estrogènes entraînent
une hyperplasie des cellules lactotropes responsable d’une hyperprolactinémie et d’une hypertrophie
hypophysaire à l’IRM.
Une grossesse chez une patiente
présentant un prolactinome pose
plusieurs problèmes [7-10].
Risque tumoral lié aux
modifications du volume
de l’adénome
pendant la grossesse [4]
Pour les microadénomes traités
médicalement ou par une chirurgie
hypophysaire, l’augmentation de
volume au cours de la grossesse est
très peu fréquente avec moins de 5 %
des cas (que ce soit lors d’examens
Service d’Endocrinologie,
Maladies Métaboliques
et Nutrition
Pôle Cardio-Vasculaire
et Métabolique
CHU Rangueil-Larrey
Toulouse
Tél : 05 67 77 17 01
Fax : 05 67 77 17 13
E-mail : caron.p@
chu-toulouse.fr
MICROPROLACTINOMES
Arrêt des agonistes dopaminergiques (DA)
Surveillance clinique trimestrielle
Normale
IRM sans gadolinium
Surveillance
Stable
Augmentation
de l’adénome
Reprise des DA
Allaitement
autorisé
Allaitement
contre-indiqué
Figure 1. Algorithme de surveillance chez les patientes présentant un microprolactinome au cours de la grossesse.
systématiques ou après l’apparition
d’un syndrome tumoral clinique).
Ainsi, on pourra proposer un arrêt
des agonistes dopaminergiques dès
le diagnostic de la grossesse et une
surveillance clinique trimestrielle
à la recherche d’un syndrome
tumoral alors que la surveillance
du taux de la prolactinémie est
inutile (Figure 1). En l’absence de
survenue de syndrome tumoral
clinique pendant la grossesse,
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Syndrome tumoral
(céphalées, troubles visuels)
l’allaitement est autorisé. En cas
d’apparition d’un syndrome tumoral (céphalées, troubles visuels) on
réalisera une IRM sans injection de
gadolinium. Si l’adénome est stable,
il n’y a pas de contre-indication à
l’allaitement maternel. Par contre
en cas d’augmentation significative du volume adénomateux au
cours de la grossesse, il est possible
de reprendre un traitement par
les agonistes dopaminergiques
61
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Article
MACROPROLACTINOME
Extension infra-sellaire
Extension latéro ou supra-sellaire
Arrêt des AD
Continuer
le traitement
par les AD
Chirurgie avant
la grossesse
Risque fœtal lié au traitement
du prolactinome
Arrêt des AD
Surveillance clinique mensuelle
Syndrome tumoral
(céphalées, tr. visuels)
Normale
IRM sans gadolinium
Surveillance
Stable
Augmentation
de l’adénome
DA/Chiurugie
Allaitement
autorisé
Allaitement
discuté
Allaitement
contre-indiqué
Figure 2. Algorithme de surveillance chez les patientes présentant un macroprolactinome au cours
de la grossesse.
et l’allaitement maternel sera alors
contre-indiqué.
Pour les macroadénomes, le risque
tumoral est différent selon la prise en
charge préalable à la grossesse. En cas
de traitement médical (le plus souvent
de moins d’un an avant l’obtention de
la grossesse), le volume de l’adénome
risque d’augmenter dans 20 à 30 %
des cas. En cas de chirurgie préalable,
le risque tumoral est beaucoup moins
fréquent, de l’ordre de 5 %. Ainsi
(Figure 2) :
– Pour les macro-adénomes de
petite taille ou avec une extension
infra-sellaire, la surveillance peut être
comparable à celle du microadénome.
– Pour les macro-adénomes avec une
extension supra-sellaire on discutera
une décompression chirurgicale avant
la grossesse si le traitement médical
est inefficace sur le volume adéno62
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En pratique, une grossesse n’est
pas contre-indiquée chez les patientes
présentant un adénome à prolactine.
Une évaluation neuro-radiologique
est souhaitable avant la grossesse en
particulier pour les macroadénomes.
L’allaitement maternel est le plus
souvent possible.
mateux, avec un arrêt des agonistes
dopaminergiques au cours de la
grossesse et une surveillance clinique
mensuelle. En l’absence d’événement
intercurrent, l’allaitement est le plus
souvent autorisé. En cas d’apparition
d’un syndrome tumoral (céphalées,
troubles visuels) on réalisera une IRM
sans injection de gadolinium. Si l’adénome est stable il n’y a pas de contreindication à l’allaitement, alors qu’en
cas d’augmentation significative du
volume adénomateux on préconisera la
reprise des agonistes dopaminergiques
et on contre-indiquera alors l’allaitement. Pour certains, l’alternative est
la poursuite du traitement médical
par les agonistes dopaminergiques
pendant la grossesse avec un arrêt
éventuel en fin de grossesse pour
autoriser l’allaitement en l’absence
de menace chiasmatique
Chez une patiente désirant une
grossesse, un traitement par le pergolide
et le quinagolide devrait être remplacé
par la bromocriptine ou la cabergoline
pour lesquelles on dispose des données
de pharmacovigilance mettant en
évidence l’absence de risque tératogène [11, 12].
D’autre part, la chirurgie hypophysaire au cours du premier trimestre de la
grossesse augmente le risque de faussecouche spontanée. Pour les agonistes
dopaminergiques les données sur le
risque tératogène sont très nombreuses
pour la bromocriptine et moins importantes pour la cabergoline [2, 12-14].
Ces publications montrent qu’il n’y a
pas d’augmentation des complications
fœtales et néonatales chez les patientes
traitées par les agonistes dopaminergiques. Cependant le traitement par les
agonistes dopaminergiques doit être,
si possible, arrêté dès le diagnostic de
la grossesse. Devant l’apparition d’un
syndrome tumoral, un traitement par
la bromocriptine ou éventuellement
par la cabergoline peut être réinstauré
au cours de la grossesse et poursuivi
jusqu’à l’accouchement.
Retentissement de la grossesse
sur l’histoire naturelle
des adénomes à prolactine
Au décours d’une grossesse, on note
une diminution de l’hyperprolactinémie
chez plus de 50 % des patientes surtout
lorsqu’elles ont un macro-adénome,
une réduction du volume de l’adénome
dans environ 30 % des cas, voire une
guérison chez 10 % des patients. Cette
évolution pourrait être liée à l’effet
des estrogènes qui entraîneraient des
modifications de la vascularisation de
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l’adénome favorisant un remaniement
nécrotique, des hémorragies voire une
apoplexie adénomateuse.
En pratique, un bilan clinique,
hormonal et radiologique doit
être réalisé à distance (environ 6
mois) d’une grossesse chez toute
patiente présentant un adénome
à prolactine.
Adénome somatotrope
Arrêt du traitement médical (AD, SMSa, pegvisomant)
Microadénome
Macroadénome
Surveillance clinique trimestrielle
Adénomes
somatotropes
Surveillance clinique mensuelle
Normale
Un adénome somatotrope peut être
responsable d’une infertilité féminine
par plusieurs mécanismes : une hyperprolactinémie, une insuffisance gonadotrope ou une dystrophie ovarienne.
Le traitement chirurgical ou médical
(agonistes dopaminergiques, analogues
de la somatostatine, antagoniste du
récepteur de la GH) d’une hypersécrétion somatotrope peut restaurer la
fertilité, mais moins de 100 grossesses
ont été rapportées chez des patientes
présentant un adénome somatotrope
responsable d’une acromégalie [15, 16].
Au cours d’une grossesse normale, il
apparaît au cours du 2ème trimestre une
sécrétion placentaire de GH (hpGH)
responsable d’une augmentation de
la concentration plasmatique d’IGF-1
entraînant une diminution de la sécrétion hypophysaire de GH. En conséquence, dans les rares cas de suspicion
d’acromégalie pendant la deuxième
moitié de la grossesse, il faudra distinguer la sécrétion adénomateuse de la
production placentaire physiologique
de GH (hpGH), à condition d’utiliser
des trousses de dosage spécifique.
Une grossesse chez une patiente
présentant une acromégalie pose
plusieurs problèmes [17-19] .
Risque tumoral
hypophysaire
Le plus souvent la grossesse n’aggrave pas un micro-adénome somatotrope préexistant ou un reliquat
adénomateux intra-sellaire postopératoire (Figure 3). Par contre, il
existerait un risque tumoral chez environ 10 % des patientes présentant un
macro-adénome, plus particulièrement
IRM sans gadolinium
Normale
Augmentation
du volume
Stable
Reprise des AD
Allaitement autorisé
Allaitement discuté
Efficace
Echec
AD
Chirurgie
Allaitement contre-indiqué
Figure 3. Algorithme de surveillance chez les patientes présentant un adénome somatotrope au
cours de la grossesse (AD : agonistes dopaminergiques ; SMSa : analogues de somatostatine).
lorsque le diagnostic est fait au cours
de la grossesse.
La surveillance de la concentration
plasmatique de l’IGF-1 n’a pas d’intérêt au cours de la grossesse compte
tenu de la sécrétion placentaire de GH
(hpGH). En l’absence de complication
pendant la grossesse, l’allaitement est
autorisé. En présence d’un syndrome
tumoral clinique, on réalisera une IRM
sans injection de gadolinium. En cas
d’augmentation de volume de l’adénome, on préconise un traitement
dopaminergique et la chirurgie n’est
indiquée qu’en cas d’échec du traitement médical.
Un bilan clinique, hormonal et
radiologique doit être réalisé après
l’accouchement ou après la fin de
l’allaitement chez les patientes
présentant un adénome somatotrope.
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Syndrome tumoral
(céphalées, tr. visuels)
Risque materno-fœtal
L’hypersécrétion de GH entraîne
des complications cardio-vasculaires
(hypertension artérielle, cardiomyopathie, insuffisance coronarienne) et
métaboliques (intolérance aux hydrates
de carbone, diabète sucré). Au cours
de la grossesse, une surveillance des
patientes s’impose afin de dépister
une hypertension gravidique ou un
diabète gestationnel, surtout chez les
patientes dont l’hypersécrétion somatotrope n’était pas contrôlée avant le
début de la grossesse.
Par contre, l’hypersécrétion de
GH n’entraîne pas de malformations
fœtales ou accouchement prématuré,
alors qu’une augmentation du poids
de naissance des enfants a été rapportée [20].
63
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Article
Le traitement par les analogues de
la somatostatine (dans la littérature
15 patientes ont été traitées avec, en
général, un arrêt au début de la grossesse et la poursuite tout au long de
la grossesse chez 3 patientes) n’a pas
entraîné de malformations fœtales ou
de troubles du développement [21-29],
malgré un passage transplacentaire des
analogues de la somatostatine [30]. Le
traitement par l’antagoniste du récepteur de la GH n’a pas été associé à des
complications materno-foétales au cours
d’observations exceptionnelles [31].
En pratique, le traitement médical
par les analogues de la somatostatine
ou l’antagoniste du récepteur de la
GH doit être arrêté dès le diagnostic
de grossesse. Une surveillance doit
être instaurée pour dépister une
hypertension artérielle ou un diabète
gestationnel.
Adénomes
corticotropes
Un adénome corticotrope responsable d’une maladie de Cushing
entraîne une infertilité secondaire à
l’hypercortisolisme et à l’hyperandrogénie.
Au cours d’une grossesse normale
[32], les estrogènes augmentent la
CBG, le placenta secrète de la CRH, de
la POMC et de l’ACTH, responsables
d’une augmentation de la sécrétion
surrénalienne de cortisol, alors que la
progestérone a un effet anti-glucocorticoïde. Ainsi au cours de la grossesse,
il existe un état d’hypercortisolisme
sans hypercorticisme clinique.
Au cours d’une grossesse chez une
patiente ayant un adénome corticotrope, on n’observe pas d’hyper
ou d’hypocortisolisme néonatal car
l’ACTH ne franchit pas le placenta, et
que le placenta inactive le cortisol en
cortisone. De même on n’observe pas
de virilisation fœtale du fait de l’aromatisation placentaire des androgènes
en estrogènes.
Les grossesses chez les patientes
présentant un adénome hypophysaire
à ACTH responsable d’une maladie
de Cushing sont rares, et moins de
50 observations ont été rapportées
64
Article Caron.indd 64
[33-36]. La circonstance de diagnostic la plus fréquente est la découverte
d’une maladie de Cushing au cours de
la grossesse. Le diagnostic est souvent
difficile : les signes cliniques tels
que les vergetures, l’HTA, le diabète
gestationnel ne sont pas spécifiques
et le diagnostic doit alors être évoqué
devant une fragilité capillaire, une
atrophie musculaire proximale et des
troubles psychiques. Le diagnostic sera
fait devant la disparition du rythme
nycthéméral du cortisol, une augmentation du cortisol libre urinaire ou du
cortisol salivaire à 24 heures (mais on
ne dispose pas réellement de normes
établies). Une réponse augmentée du
cortisol au cours du test à la CRH peut
être utile au diagnostic. Le dosage de
l’ACTH (à interpréter en fonction du
contexte), l’IRM hypophysaire (sans
injection de gadolinium) viendront
étayer le diagnostic de maladie de
Cushing.
Les complications materno-fœtales
dépendent de la sévérité de l’hypercorticisme, du stade de développement
de la grossesse et de l’efficacité du
traitement : les complications maternelles sont surtout l’HTA, dans 60 à
75 % des cas, le diabète gestationnel,
dans 25 % des cas, une éclampsie dans
10 % des cas. Les complications fœtales
sont présentes dans 25 à 40 % des cas
(fausse-couche spontanée, accouchement prématuré, retard de croissance
intra-utérin).
Le traitement de l’hypercorticisme
diminue ces complications maternofoetales. Il doit être adapté à la sévérité
de l’hypercorticisme et au stade de
développement de la grossesse. Dans
les formes mineures et peu évolutives
qui sont les plus fréquentes, le traitement symptomatique de l’HTA et du
diabète doit être instauré pendant la
grossesse, alors que le traitement de
l’adénome corticotrope pourra être
envisagé après l’accouchement. Dans
les formes sévères ou évolutives en
début de grossesse, on discutera l’adénomectomie hypophysaire par voie
rhinoseptale voire la surrénalectomie
bilatérale par voie coelioscopique au
cours du second trimestre de gestation
[37-39] car les anticortisoliques sont
tératogènes et donc contre-indiqués.
Dans les formes sévères et évolutives en
fin de grossesse, quelques auteurs ont
rapporté la possibilité d’un traitement
par la métopirone [40] ou le kétoconazole [41] et l’intérêt du déclenchement
d’un accouchement prématuré.
Dans tous les cas, les femmes en
période d’activité génitale présentant
une maladie de Cushing évolutive
ou non contrôlée doivent avoir une
contraception efficace. Dans les cas
de maladie de Cushing préalable à
une grossesse, la fonction corticotrope
doit être évaluée après la grossesse
pour dépister une éventuelle récidive.
Adénomes
thyréotropes
D’exceptionnelles grossesses ont été
rapportées [42-44] chez des patientes
présentant un adénome à TSH. Les
signes cliniques de thyréotoxicose sont
le plus souvent peu importants, mais
l’adénome hypophysaire est susceptible
d’augmenter de volume pendant la
grossesse. Le traitement par les analogues de la somatostatine peut contrôler
la thyréotoxicose TSH-dépendante et
le volume tumoral chez les patientes
présentant un adénome thyréotrope
au cours de la grossesse [43].
Adénomes
gonadotropes
Les adénomes gonadotropes sont
rares chez les femmes en période d’activité génitale. Ils peuvent être responsables d’une infertilité par insuffisance
hypophysaire, hyperprolactinémie
et dysrégulation de la sécrétion des
gonadotrophines. Dans la littérature,
de rares grossesses ont été rapportées
[45-48] : un cas de macroadénome
avec augmentation du volume adénomateux et atteinte chiasmatique,
2 cas de reliquats post chirurgicaux de
macroadénomes stables et un cas de
microadénome stable.
En pratique une grossesse ne
semble pas être contre-indiquée
chez une patiente ayant un adénome
gonadotrope ou non fonctionnel,
en particulier après une chirurgie.
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Une surveillance clinique (champ
visuel) et radiologique (IRM) s’impose pour dépister une augmentation
de l’adénome ou une compression
chiasmatique. L’apparition d’une
complication tumorale peut faire envisager un traitement par les agonistes
dopaminergiques (bromocriptine)
pour diminuer l’hyperplasie lactotrope physiologique de la grossesse
avant de discuter une décompression
chirurgicale.
↑ Synthèse placentaire
Déficit de synthèse
hypothalamique
Excès de vasopressinase
Diminution de la concentration d’ADH
Diminution de la concentration d’ADH
Insuffisance
hypophysaire
Figure 4. Mécanismes physiopathologiques de l’insuffisance post-hypophysaire responsable d’un
diabète insipide au cours de la grossesse.
Insuffisance corticotrope Chez les patientes présentant une
insuffisance corticotrope, il n’est pas
nécessaire de modifier la dose substitutive d’hydrocortisone (20 à 30 mg/j
en 2 prises) au cours d’une grossesse
non compliquée [32]. Par contre
une adaptation est nécessaire en cas
de vomissements ou d’infection et
au cours de l’accouchement (100 à
200 mg/j en IM ou IV). Il n’y a pas de
risque significatif de malformation
fœtale liée au traitement substitutif
glucocorticoïde pendant la grossesse,
et il n’y a pas de contre-indication à
un allaitement maternel.
Insuffisance
thyréotrope On ne dispose pas d’étude dans la
littérature rapportant l’évolution des
besoins en lévothyroxine au cours de
la grossesse chez les patientes présentant une insuffisance thyréotrope. Par
contre il est bien connu qu’au cours de
la grossesse, sont observés une augmentation de la Thyroxine Binding Globuline
(TBG), un passage trans-placentaire de
thyroxine (T4) et une augmentation de
l’activité de la désiodase placentaire de
type III , entraînant une augmentation
des besoins en hormones thyroïdiennes
et donc une stimulation physiologique
de la sécrétion thyroïdienne sous la
dépendance de la TSH. Chez les patientes
présentant une insuffisance thyréotrope
il existerait ainsi un risque d’hypothyroxinémie maternelle en particulier
au cours de la deuxième moitié de la
grossesse car le pic de concentration
d’hCG pourrait stimuler la fonction
thyroïdienne maternelle au cours de
la 1ère moitié de la gestation.
En pratique, il paraît nécessaire d’instaurer une surveillance
mensuelle de la T4l et d’augmenter
la dose de lévothyroxine au cours
de la grossesse (de 30 à 50 % compte
tenu des données rapportées lors des
grossesses chez les femmes ayant
une hypothyroïdie périphérique)
pour maintenir une concentration
plasmatique de T4l dans les valeurs
de la normale. Il n’y a pas de contreindication à l’allaitement chez les
patientes poursuivant un traitement
par lévothyroxine pour une insuffisance thyréotrope [49].
Insuffisance
somatotrope Chez les patientes présentant une
insuffisance somatotrope, les grossesses sont le plus souvent normales
[50]. Cependant, il a été rapporté une
augmentation des complications maternelles et fœtales, corrélée à la sévérité
du déficit somatotrope. Ces données
peuvent poser la question de l’intérêt
d’un traitement substitutif somatotrope pendant le premier trimestre
de la grossesse (avant l’apparition de
la synthèse placentaire de la hpGH).
Quelques observations de traitement
par la GH au cours des 6 premiers
Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 45, Mars-Avril 2010
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↓ Clairance hépatique
mois, voire pendant toute la grossesse,
ont été rapportées [51-53] sans effets
secondaires maternels ou fœtaux, mais
ces résultats préliminaires imposent
des études ultérieures avant toute
généralisation du traitement par la
GH chez les patientes présentant une
insuffisance somatotrope.
Insuffisance
post-hypophysaire
L’apparition d’un diabète insipide est rare au cours de la grossesse
[54-57]. Il s’agit le plus souvent d’un
syndrome polyuro-polydipsique
transitoire apparaissant pendant le
troisième trimestre de grossesse et
disparaissant au cours du premier
mois du post-partum. On l’observera
en cas de grossesse multiple (excès de
synthèse placentaire d’une vasopressinase), chez des patientes présentant
une HTA avec une protéinurie et une
atteinte hépatique (diminution de la
clairance hépatique de la vasopressinase) et enfin chez les patientes ayant
un déficit post-hypophysaire partiel.
Le traitement d’une insuffisance
post-hypophysaire repose sur la
desmopressine (Minirin®) qui n’est pas
détruite par la vasopressinase placentaire [58]. On rappellera la nécessité
d’une réévaluation en post-partum
de la fonction post-hypophysaire
chez les patientes ayant présenté un
diabète insipide gravidique. Enfin, il
n’y a pas de contre-indication à une
65
15/04/10 17:35
Article
grossesse ou à l’allaitement chez les
patientes traitées par la desmopressine
pour une insuffisance post-hypophysaire.
En conclusion
La survenue d’une grossesse ne paraît
pas exceptionnelle chez les patientes
présentant une pathologie hypophysaire. Une collaboration étroite entre
les gynécologues, les obstétriciens, les
endocrinologues et parfois les neurochirurgiens est nécessaire pour une prise en
charge multidisciplinaire d’une grossesse
chez les patientes présentant un adénome
hypophysaire sécrétant ou non sécrétant,
ou une insuffisance anté- ou post-hypophysaire.
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Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 45, Mars-Avril 2010
15/04/10 17:35

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