Maria Thun: « Issu d`un sol vivant, le raisin donne un meilleur vin »
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Maria Thun: « Issu d`un sol vivant, le raisin donne un meilleur vin »
ENTRETI EN C’est un témoignage exceptionnel : Maria Thun, la “papesse” de l’agriculture biodynamique, a reçu La RVF chez elle, en Allemagne, à Biedenkopf, au nord de Franl<fort. Là, depuis 54 ans, elle étudie comment utiliser les influences cos miques sur la vie végétale et cherche une alternative aux traitements chimiques. PHOTOS ET PROPOS RECUEILLIS PAR FLORENCE BAL, TRADUCTION JEAN-MICHEL FLORIN Maria Thun: « Issu d’un sol vivant, le raisin donne un meilleur vin » La RVF: Les produits “bio” sont à la mode, mais qu’est-ce que la biodynamie ? M. T. : En 1924, peu après l’apparition de l’agriculture chi mique, le philosophe et pédagogue autrichien Rudolf Stei ner a posé les bases de la culture biodynamique dans un cours donné aux agriculteurs. Il faisait le constat que la terre était malade et avait besoin d’être soignée. Et posait une question : comment développer une agriculture d’avenir ? Lidée de base de Steiner était de comprendre et de respec ter la nature profonde de chaque être vivant et de le relier aux éléments qui l’entourent. Concrètement, il s’agit pour l’agriculteur de stimuler les forces de vie naturellement présentes dans la plante et le sol pour obtenir un meilleur produit. Cette façon de penser proscrit l’emploi des pesticides et engrais de synthèse qui, en tuant micro-organismes et insectes, appauvrissent les sols. La Revue du vin de France: Vous avez collaboré en France avec des vignerons intéressés par la biodynamie? Maria Thun : Tout a commencé dans les années 8o, à leur demande. J’ai donné des séminaires sur la biodynamie chez Nicolas Joly (Clos de la Coulée de Serrant, à Savennières), chez Lalou Bize-Leroy (domaine Leroy, à Vosne-Romanée), chez Michel Chapoutier (à Tain-l’Hermitage). François Bou chet, vigneron puis conseiller et enseignant en biodynamie, a adapté mon travail au vignoble français. La RVF: Comment la biodynamiefonctionne-t-elle? M. T. : La biodynamie tient compte d’effets subtils et de la connaissance des rythmes et influences cosmiques. Rudolf Steiner a préconisé l’emploi de préparations toujours issues de la nature (notamment bouse de corne et silice de corne) et de tisanes de plantes (ortie...). Elles sont apportées soit sur le sol, soit sur la plante, en infimes quantités, un peu comme les catalyseurs en chimie, qui sont actifs à des 110 LA RFvUE DU VIS DE FRANcE Marszooj concentrations très faibles. Dynamisées dans de Deau, ces préparations peuvent avoir une action très puissante. Les plantes et sols qui les reçoivent sont plus réactifs aux influences cosmiques. La RVF : En quoi ces influences cosmiques sont-elles si impor tantes pour la culture de la vigne et la qualité du vin ? M. T. : Les effets des influences et rythmes cosmiques sont connus de tous. C’est, par exemple, l’alternance nuit/jour, les fleurs qui s’ouvrent le matin et se ferment le soir, les marées, la succession des saisons, les tempêtes magnétiques hées aux émptions solaires, etc. Elles agissent constamment sur la vie terrestre et végétale. Pour bien pousser, les plantes ont besoin de l’influence de toutes les planètes, et pas seulement de celles du soleil et de la lune. Par exemple, pour la vigne, les influences de Mercure et de Saturne sont particulièrement importantes. Les meilleurs millésimes et qualités de vin sont obtenus lorsque ces deux planètes sont devant les constellations de feu, ••• I Carte d’identité Prénom et nom: Maria Thun. Né le:24 avril 1922. Profession: a créé un institut de recherche sur l’agriculture biodynamique. Depuis 1953, elle réalise tous les ans avec son fils Matthias le calendrier des semis d’après les données scientifiques astronomiques et les résultats de ses expérimentations. La bible des vignerons en biodynamie. Signe particulier: ne boit pas de vin et porte toujours un chapeau. Sa plus belle bouteille: un vin de Géorqie blanc, 1952. ENTRETI EN “ L’industrie agrochimique n’a aucun intérêt à voir se développer une méthode gratuite, sans brevets, où les produits ne coûtent rien... ••• comme c’est le cas actuellement et pour trois ans. J’ai observé dans mes essais, menés depuis 54 ans, que selon la configuration astrale au moment d’une action humaine [travail du sol, soin de la vigne, vendanges... ndlr], la plante a un comportement différent : elle pousse plus ou moins bien, donne des fruits plus ou moins beaux... Selon la plante, selon le type de travaux à effectuer, certaines périodes dans l’année sont plus ou moins propices pour intervenir en culture. Elles sont précisées dans le calendrier des semis que je réalise tous les ans. La RVF: La vigne doit-elle souffrir pour donner un grand vin? M. T. : Non. Si on veut un vin de qualité, la vigne doit être saine et équilibrée. Elle doit toutefois pousser dans un sol assez maigre. Là, elle ne souffre pas, mais elle est obligée d’aller puiser tous les éléments dont elle a besoin profon dément dans le sol grâce à ses racines. La qualité des raisins et du vin en est accrue. Les pratiques biodynamiques ren forcent l’expression du terroir et du cépage. La RVF: Pourquoi le monde scienufique ne reconnaît-il pas la biodynamie et votre travail? M. T. : La recherche scientifique est aujourd’hui en grande partie financée directement ou non par l’industrie agrochi mique. Cette dernière n’a absolument aucun intérêt à voir se développer une méthode gratuite, sans brevets, où les pro duits ne coûtent rien et qui, par-dessus tout, rend les vigne rons autonomes. Pour le commerce de pesticides et d’engrais et pour tous les gens qui en vivent (techniciens, conseillers, etc.), c’est une menace énorme. La RVF: Bouse maturée dans une corne de vache enterrée six mois, influences cosmiques : vos pratiques peuvent dérou ter. Que répondez-vous à ceux qui parlent de superstitions et de méthode ésotérique? M. T. : La biodynamie s’appuie sur des bases différentes de la vision matérialiste actuelle du monde. Aujourd’hui, dès qu’un phénomène n’entre pas dans les modèles explicatifs déjà exis tants, il est considéré comme inexistant ou farfelu et mis hors du champ de la science. Mais les scientifiques honnêtes admet tent : « On obsene des effets, mais on ne sait pas les expliquer ». La RVF: L’emploi abusif de pesticides a-t-il tué les terroirs? M. T. : Beaucoup de sols sont morts, en effet. Au début de 112 LA RFvuII DU VIN DE FRANCE Mars 2007 ma collaboration en France, les sols des domaines viticoles qui travaillaient en viticulture conventionnelle ressemblaient à du béton, durs et compacts, c’était une catastrophe. La RVF: Est-il possible defaire machine arrière ? M. T. : Oui, en pratiquant la biodynamie et en utilisant les préparations. Mais une cure de choc est nécessaire afin d’éliminer les excédents de pesticides et d’engrais. Atten tion, ce n’est pas en passant une préparation que hop les choses vont s’arranger par miracle. Cinq à sept ans sont nécessaires pour régénérer un sol et ramener à la vie des plantes restées trop longtemps sous perfusion avec des traitements chimiques réguliers. Le vigneron doit changer sa façon de voir les choses. C’est un travail de longue haleine. La RVF : La biodynamie peut-elle limiter les effets nefastes du changement climatique? M. T. : Oui, car la vigne et les sols en biodynamie réagissent beaucoup mieux à la sécheresse. Oui, car ces sols fixent du carbone de l’air par la formation d’humus et parce que leur capacité d’absorption d’eau augmente de 30 40 %. La RVF: Qu’est-ce qui vous motive encore aujourd’hui, à 8 ans? M. T. : Je souhaite que mes travaux servent de manière positive pour la terre et pour l’être humain, qu’ils favori sent une alimentation saine et de qualité. Il est enthou siasmant de voir que des vignerons les utilisent pour respecter la terre et obtenir de meilleurs vins. • Peur en Bavoir plus... Calendrier des semis 2007, à demander auprès du Mouvement de culture bio-dynamique - (té[. :0389243541, e-mail : [email protected]). -Ouvrage Pourquoi un vin en biodynamie 7, par Nicolas Joly, édition El[ebore.