Gare au krach: les obligations sont menacées!

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Gare au krach: les obligations sont menacées!
(https://www.ipmstore.be/lalibre/offre/QUO­01863­G4Q0Q8)
Gare au krach: les obligations sont menacées!
ABONNÉS PATRICK VAN CAMPENHOUT Publié le jeudi 21 mai 2015 à 05h40 ­ Mis à jour le jeudi 21 mai 2015 à 07h43
Si vous possédez des obligations en dollars (surtout) ou en euros (c’est moins urgent), assorties d’échéances longues (de 5 à 10 ans et plus), il est
peut­être temps d’en discuter avec votre conseiller financier. C’est vrai aussi pour les sicav qui contiennent des obligations "longues", pour l’essentiel ou même
pour partie (sicav mixtes actions/obligations).
PLACEMENTS
Il y a en effet un danger bien réel de voir ces actifs souffrir de la remontée des taux d’intérêt qui a déjà débuté aux Etats­Unis et qui est programmée pour
l’automne 2016 en ce qui concerne la zone euro. Ce risque est mesurable par un outil nommé "duration", qui permet d’évaluer la sensibilité d’une obligation à 1 %
de remontée des taux d’intérêt du marché (lire notre lexique ci­contre). Et cette sensibilité est d’autant plus grande qu’aujourd’hui, les taux d’intérêt ou le
rendement des produits dits "sans risque" sont proches de zéro.
Adaptation des cours
Logique ? Oui. Mécaniquement, les cours des obligations (ou des produits semblables comme les bons de caisse, ou d’actifs dont le prix est déterminé par le
rendement annuel) s’adaptent aux taux du marché. Lorsque les taux baissent, on paie plus cher des obligations qui offrent un coupon annuel élevé. La hausse du
prix de l’obligation réduit le rendement du coupon payé. La même mécanique s’exerce également dans l’autre sens : lorsque les taux de marché montent, les prix
des obligations existantes reculent. Evidemment, les investisseurs qui sont satisfaits du rendement des obligations détenues en portefeuille, et qui comptent les
conserver jusqu’à l’échéance, toucheront leurs coupons et seront remboursés à la fin de la vie de leurs titres. Mais, pour les autres, le choc peut être très violent
en cas de remontée rapide des taux de marché.
Si on prend l’exemple (voir graphiques ci­contre) des obligations d’Etat à 10 ans, qui sont la référence en matière obligataire, on observe pour l’Allemagne et la
Belgique des durations de 9,5 environ, ce qui signifie qu’en cas de hausse d’1% des taux de marché, la valeur des obligations à long terme reculerait de
pratiquement 10 % ! Cela signifierait aussi pour un investisseur qui a acheté de telles obligations il y a quelques mois, avec un rendement ridicule d’un demi­pour­
cent, et qui souhaiterait les revendre, une perte de 10 bons pour­cent. Pour un amateur de sécurité, c’est une catastrophe ! Théoriquement, toutes choses restant
égales par ailleurs, une remontée de 2 % des rendements exigés sur la dette belge aurait un impact d’environ 20 % sur les cours des obligations à 10 ans… Il
suffirait donc d’une crise politique, comme celle qui poussa, en novembre 2011, le Premier ministre du gouvernement "en affaires courantes" Yves Leterme à
lancer un emprunt d’Etat sur 5 ans assorti d’un taux de 4 %. On n’en est pas là, mais…
Premier avertissement
Les réactions imprévisibles des marchés ne sont pas rares, nous rappelle Xavier Servais (Société de Bourse Delande & Cie), qui évoque à cet égard la toute
récente remontée des rendements aux Etats­Unis et en Europe, décorrélée de toute actualité. En trois semaines, les rendements des obligations de référence ­
les "bunds" allemands à 10 ans sont passés de 0,3 % à 0,6 %, faisant reculer les cours de ces obligations de 5 %. "Le marché s’est calmé depuis, mais il y a eu
un impact sur les marchés boursiers", explique Xavier Servais.
Quid d’un krach obligataire, suivi d’un effet dévastateur sur les marchés boursiers ? Rien n’est à écarter mais, pour Xavier Servais, "si un alignement des cours
des obligations est inévitable, rien ne permet d’imaginer que cela se fera brutalement. Et la santé des entreprises cotées en Bourse, ainsi que l’amélioration de
leurs résultats, compensera sans doute la pression de la hausse des taux d’intérêt. Stratégiquement, les gestionnaires et les particuliers ont avantage à diminuer
la ‘duration’ de leurs lignes en obligations parce que, même en zone euro, ces postes devront s’adapter à la remontée des taux, rapidement aux Etats­Unis, et
plus tard en Europe."
Quand Bernanke déclencha la tempête
Parler d’un éventuel krach obligataire, et de son impact sur les Bourses, ne relève pas de la recherche d’un effet sensationnel. De tels événements se produisent
vraiment, même si les particuliers n’en voient pas toujours les conséquences immédiatement. Pour se faire une idée de ce qui se passe réellement, il suffit de
remonter à l’été 2013, ce qui n’est pas si loin. Depuis 2008, les Etats­Unis vivaient avec des taux proches de zéro pour­cent, la Réserve fédérale américaine
(Fed) se servant de cet outil pour soutenir son secteur financier, relancer les investissements des entreprises et, enfin, la consommation intérieure. Et… ça
fonctionna d’autant mieux que la Fed maintint la pression sur les taux d’intérêt à court terme et à long terme en achetant à tour de bras des obligations sur le
marché secondaire (la demande étant forte, les cours grimpent et, mécaniquement, les taux baissent ou restent faibles). C’est la technique dite de "quantitative
easing", utilisée actuellement par la Banque centrale européenne.
Mais toutes les choses ont une fin et ces taux zéro sont "anormaux". Pour coller à la réalité économique et au redressement progressif de l’activité économique
aux Etats­Unis, il fallut réduire la perfusion financière orchestrée par la Fed. Et son patron, Ben Bernanke, sait qu’il ne faut pas choquer les marchés. A la fin du
mois de mai 2013, il avertit en douceur les opérateurs et les gestionnaires : "le quantitative easing va se terminer un jour ou l’autre…". Il vient en fait de
déclencher une tempête imprévue, qui va se solder par une remontée des taux du marché de 0,8 % à 2,45 % en un mois. En conséquence, les obligations
reculèrent de 5 à 10 % selon les échéances. Ce fut un mini­krach obligataire. La Bourse américaine aussi fut secouée.
Vocabulaire décrypté
Duration. C’est l’outil (complexe) de mesure de la sensibilité du prix d’une obligation à l’évolution des taux d’intérêt du marché. Lorsque les taux montent, les
cours des obligations existantes s’adaptent à la baisse, et inversement. La sensibilité aux variations des taux est plus forte sur les obligations à long terme
puisque les obligations à court terme sont rapidement remboursées au prix d’émission (100 %), sauf exception. La duration, outil de mesure du risque, tient donc
aussi compte de la durée de vie restante des obligations considérées.
Obligation. Pour rappel, une obligation est un titre de créance liant un emprunteur à un prêteur, "obligeant" le premier à payer un intérêt au second et à lui
rembourser son emprunt (l’obligation) à terme. Exemple : j’émets une obligation à 5 ans d’un million d’euros assortie d’un taux annuel de 3 %. Contre ce prêt, je
paie chaque année un coupon de 3 % et, au terme des cinq années, je rembourse le capital d’un million.
Marchés primaire et secondaire. Lors d’une émission d’obligations, les Etats ou les entreprises passent par le système financier pour vendre leurs titres. C’est
le marché primaire. Ensuite, les titres peuvent être négociés sur le marché secondaire. A ce moment, les prix sont adaptés en fonction des taux exigés par le
marché.
Cours. Les prix des obligations traitées sur le marché secondaire ne sont pas affichés en devises. Comme les "coupures" n’ont pas toutes la même valeur ­ on
peut en acheter pour 1 000, 10 000 ou par million ­, on évoque leur prix sous forme de pourcentage. Dans la plupart des cas, la valeur faciale est de 100 et le
niveau de remboursement de 100. On a donc coutume de traiter en pour­cent. Il faut savoir qu’une obligation achetée à 98 % sera remboursée à 100 % à
l’échéance, mais que son coupon est plus rentable puisqu’à terme, l’acheteur récupère 2 % (100 ­ 98) sur le prix d’achat.
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