Les pubertés précoces

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Les pubertés précoces
Pubertés précoces, rôle
des perturbateurs
Dr Patricia Bartaire
endocriniens.
Pédiatre endocrinologue
Cabinet de pédiatrie spécialisée,
Lambersart
Médecin attaché au CHRU de Lille
Puberté : définition
Le début de la puberté (stade 2 de Tanner)
est marqué par le développement
mammaire chez la fille et l’augmentation
du volume testiculaire chez le garçon.
Puberté : définition
Caractérisée par:
 Développement des caractères sexuels
secondaires
 Modification des organes génitaux
externes et internes
 Accélération de la croissance staturale
 Acquisition de la fonction de reproduction
Dans 95% des cas:
 Entre 9 et 13 ans chez la fille
 Entre 11 et 14 ans chez le garçon
Thélarche
Développement mammaire
physiologique de la petite fille de <2 ans
Mini-puberté à partir de 4-6 semaines:
 Activation de l’axe gonadotrope
 Sécrétion d’oestrogènes ou testostérone
Fluctuations possibles du volume
mammaire jusqu’à 2 ans
Aucun autre signe pubertaire
associé
Surveillance clinique, régression dans
Adrénarche
Sécrétion d’androgènes par la surrénale
Filles surtout
Apparition vers 6-7 ans (peut
précéder la puberté de plusieurs années)
Responsable de
 Pilosité pubienne puis axillaire
 Acné parfois
Rôle dans le déclenchement de la
puberté ?
Favorisé par le surpoids
Vérifier l’absence de bloc enzymatique
surrénalien (test au Synacthène)
Puberté normale des garçons
Le premier signe : augmentation de volume
testiculaire vers l'âge de 11,5 ans : il
devient ≥ 4 ml ou 2,5 cm de grande
longueur.
Stade G2 11.6 ± 1.1 ans,
Pilosité pubienne environ 6 mois après les
modifications testiculaires.
Puberté normale des filles
Développement des glandes mammaires, à
partir de 10,5 -11 ans en moyenne (stade
adulte vers 15 ans).
• Stade S2 11.5 ± 1.1 ans (glande de la taille
d’une olive)
• Stade P2 11.6 ± 1.2 ans
•
Ménarche 13.5 ± 1.1 ans
Croissance pubertaire
 Ralentissement prépubertaire souvent
retrouvé chez le garçon
 Accélération de la croissance de 5 à 7-10 cm
par an:
 Dès S2 chez les filles
 Pic décalé chez les garçons (testo >1ng/ml)
 Pic pubertaire:
 25 +/- 4cm fille (seulement 4 à 8 cm après
les premières règles)
 28 +/- 4cm garçon
 Acquisition du pic de masse osseuse
 Risque de scoliose
Mécanismes de la puberté
La puberté est le
résultat de la sécrétion
pulsatile des gonadotrophines.
LH : sécrétion oestradiol / testostérone (cellules de Leydig)
FSH : fonction de reproduction (maturation folliculaire,
spermatogénèse)
Mécanismes de la puberté
Puberté normale ou
pathologique ?
Est-ce le bon âge ?
Quel est le mécanisme en cause ?
Quelles seront les conséquences pour
la santé physique et psychique ?
-De plus en plus de démarrages pubertaires précoces sont
observés par les médecins impliqués auprès de la population
pédiatrique. (Sorensen K. Horm ResPaediatr 2012; 77(3):13745).
- Etude épidémiologique de l'Institut Nationale de Veille
Sanitaire en cours.
- L’influence de l’environnement est fortement suspectée dans
le déclenchement de ces pubertés précoces. (Euling SY,
Puberté normale ou pathologique?
• Chez la fille, l’âge du démarrage pubertaire s’est
modifié dans les dernières décades : aux ÉtatsUnis et en Europe, avance de environ 1 an du
stade S2.
• Age ménarches (Suède) en 1890 : 16 ans /
en 1970 : 13 ans
• Concernant le développement de la pilosité, la
tendance existe mais paraît moins nette.
• Chez le garçon, l’évolution est plus discutée et les
données sont contradictoires.
Puberté normale ou pathologique?
L’âge considéré comme normal des
pubertés doit-il être modifié? Certaines
équipes ont formulé cette question….. MAIS :
 Stade S2 chez les petites filles potelées?
 Stade G2 des garçons pas facile à dater précisément .
 L’influence ethnique très nette (aux États-Unis,
développement pubertaire plus précoce chez les filles
noires ou, de manière moins prononcée, chez les
hispaniques) .
 L’âge d’apparition des premières règles (ménarche)
continue à diminuer mais moins rapidement depuis
la 2eme partie du XIXème siècle, rôle des
conditions de vie et alimentaires?
Définition des Pubertés précoces
En conséquence, la définition de la puberté précoce
n’a pas été
modifiée : c’est le développement des seins avant 8
ans chez la fille
et l’augmentation du volume testiculaire avant 9 ans
chez le garçon
Ces signes s’accompagnent :
• d’une accélération de la vitesse de croissance,
• d’une maturation des organes génitaux internes
d’une avance de l’âge osseux
Quand aucun des signes accompagnateurs
Epidémiologie des pubertés
précoces
• Peu de chiffres !!!
• Essentiellement chez la fille : sex ratio
garçon/fille est de 6/1.
• Teilmann retrouve une incidence de 80/100000 PP
chez des fillettes danoises.
• Cette incidence varie en fonction des origines
géographiques et ethniques.
• Une fréquence particulièrement élevée de PP est
retrouvée parmi des fillettes originaires de pays
en voie de développement et adoptées en
Belgique et au Danemark.
Moyens d’évaluation de la
puberté
Age osseux:
 Radio de la main et du poignet gauche
 Interprétation de l’état des cartilages de
croissance (Greulich et Pyle)
Echographie pelvienne:
 Ovaires de 3 à 10cm3 multifolliculaires
(<15mm)
 Augmentation progressive du volume
utérin jusqu’à 5-8cm, ligne de vacuité,
renflement fondique
Moyens d’évaluation de la
puberté
• Test au LHRH
A la puberté
Pic de LH < pic de FSH
Pic de LH > pic de FSH
Maman réglée à 12 ans
Jumelles nées à 32 SA limite RCIU
Poussée mammaire à 7 ans pour l’une et 7 ans 9 mois pour l’autre
IRM cérébrales : normales
S2 à 7 ans 9 mois
Ttt freinateur
PN 1,700 kg, TN 41 cm,
S2 à 7 ans
Ttt freinateur
PN 1,360 kg, TN 39,5 cm,
Céline
 Poussées mammaires régressives à
5 ans ½ et 7 ans 4/12
S2 bilatéral à 8 ans:
 Test au LH-RH:
LH 0.8 à 19UI/l - FSH 0.9 à 7.3
Oestradiol <10pg/ml
 Age osseux 10 ans
 Echo pelvienne: utérus 37mm,
ovaires normaux
 IRM cérébrale normale
Traitement freinateur
pendant 2 ans
Romain
 Pilosité pubienne à 1
an, troubles du
comportement
 Accélération de la
vitesse de croissance
 Bilan à 19 mois:
 Testicules 30x20mm,
verge 75mm
 Testostérone 4ng/ml
 Test au LH-RH:
 LH 4.5 à 28 UI/l
 FSH 1.4 à 2.4 UI/l
 Traitement freinateur
Dg
Ttt
Début des signes
Romain: étiologie
HAMARTOME
-> Puberté précoce centrale tumorale
Etiologies des pubertés
précoces centrales
Idiopathiques: 70% des filles
Tumorales: 70% garçons
→ Imagerie cérébrale
systématique pour tous
Etiologies:







Gliome des voies optiques (NF1)
Hamartome hypothalamique
Hydrocéphalie
Kyste arachnoïdien
Irradiation cérébrale
Traumatisme crânien
Hypothyroïdie
Traitement des pubertés
précoces centrales
Analogue de la LHRH: (Décapeptyl®,
Gonapeptyl®, Enantone®)




Suppression de la pulsatilité de LH et FSH
Chute des taux d’oestradiol / testostérone
Croissance redevient prépubertaire
Ralentissement de la progression de l’AO
Arrêt du traitement à l’âge normal de
puberté (10 ans / 11 ans)
 Progression rapide des signes pubertaires
 Pic de croissance post-traitement limité
 Taille finale améliorée mais inférieure à
prédiction
Puberté précoce
périphérique
Test au LHRH plat avec
oestradiol/testostérone élevés
significatifs
Etiologies:







Tumeur ovarienne (granulosa)
Kyste ovarien (oestradiol)
Syndrome de Mac Cune Albright
Tumeur surrénalienne
Tumeur testiculaire
Testotoxicose
(Hyperplasie congénitale des
Mélanie
5 ans, poussée mammaire depuis 2-3 mois, S2S3 vulve
oestrogénéisée, leucorrhées abondantes, pas d'anomalies
orthopédiques ni cutanées, croissance régulière à la
moyenne, AO 5 ans
TGO (94 UI/L) -TGP (84UI/L) 2-3 fois la normale, E2 : 125 pg/ml,
Test au LHRH non activé (et même freiné):
LH base inf 0.5 pas de pic (max 0.5 UI/L),
FSH base inf 0.5 pic 0.7 mUI/L
Echo pelvienne : utérus 37*23*13mm avec écho cavitaire médian,
ovaires droit 19*10*8 mm avec volume 0.752 cm3
ovaire gauche 30*16*10mm avec une plage liquidienne de 16
mm*12mm d'épaisseur et topographie plutôt centro-ovarienne.
Normalisation clinique, biologique et échographique 2
mois plus tard. Poursuite de la surveillance
Pubertés précoces centrales
idiopathiques
(+ de 70 % des filles), quelles causes ?
• Causes génétiques ou organiques non connues ?
• Facteurs environnementaux ? Pesticides?
Sucre? BPA, Phtalates? Additifs
alimentaires?
•
Facteurs influençant l’âge de la
puberté ?
Facteurs génétiques influencent l'âge de la puberté
(Concordance de l'âge des premières règles chez des
jumelles monozygotes )
• Le poids de naissance et l'IMC (indice de masse corporelle)
pré-pubertaire
• Le degré d'insulino-résistance sont également
fortement corrélés avec l'âge d'apparition des règles
• L'amélioration des conditions de vie (habitudes
alimentaires), jusqu'au milieu du XXème siècle, pouvait
expliquer l'avance séculaire de la ménarche.
Depuis, malgré une situation économique
stable, l'avance persiste et l'incidence des
pubertés précoces féminines augmente, le
Perturbateurs endocriniens
• En 1991, à Wingspread (Etats-Unis) :
Existence de nombreux composés libérés
dans l'environnement par les activités
humaines capables de dérégler le système
endocrinien des animaux et de l'homme.
Lient les R naturels des hormones (œstrogènes,
androgènes, thyroïdiennes) et d’autres récepteurs
membranaires et nucléaires (ncmER, ERR, AhR, G proteincoupled 30, PPAR, RXR…) ou des protéines intracellulaires
(protéines de transport, enzymes)
• Miment ou bloquent l’action des hormones et interfèrent
avec leur métabolisme (synthèse, élimination, transport) de
manière illicite (espace et temps) = leurres hormonaux
Hormone Récepteur cellulaire PE Daprès DiamantiKandarakis, E. et al. Endocr Rev 2009
Effets des PEE ?
• Périphériques, par exemple œstrogènesmimétiques.
• Centraux, effet de maturation des neurones à
GnRH (hormone hypothalamique régulant les
gonadotrophines responsables de l'activité
œstrogènes),
• Agoniste (imitant l'action de l'hormone naturelle
en se fixant sur son récepteur)
• ou Antagoniste (en empêchant la fixation de
l'hormone sur le récepteur).
Action oestrogénique des
PEE
• La biosynthèse des estrogènes a lieu dans
l'ovaire, ou éventuellement dans le placenta, à
partir des androgènes, eux-mêmes issus de la
transformation du cholestérol
• La conversion des androgènes en
estrogènes dépend d'un complexe
enzymatique, l'aromatase (foie, peau, tissu
adipeux, cerveau…)Elle implique trois
hydroxylations qui permettent la conversion du
cycle A de l'androgène en cycle aromatique avec
PEE et perturbation de l’activité
oestrogénique ?
- E2 naturels retrouvés dans
l’environnement
- Obésité, insuline et E2
- E2 utilisés comme médicaments
- Xéno-oestrogènes, polluants
PEE et perturbation de l’activité
oestrogénique ?
E2 naturels
Les œstrogènes naturels comme les phytoœstrogènes : dans de nombreux fruits et légumes, en
particulier les isoflavones dans le soja
→ De nombreux aliments industriels contiennent des
dérivés du soja à notre insu.
Obésité, insuline et E2
Tissu adipeux : zone de régulation de l’activité de
l’insuline et de sécrétion des E2 endogènes.
Obésité et PEE
Sucres rapides omniprésents, hyperinsulinisme pré
Adiposité abdominale, insulino-résistance
Insuline et dysfonction ovarienne
E2 et insulino-resistance : données contradictoires
Obésité et PEE
Convention passé en janvier 2014 entre
CEDUS (groupement des industriels du
sucre) et Education Nationale : le
CEDUS se voit confié l’éducation
nutritionnelle dans les écoles.
En juillet 2014, cette convention a été
partiellement modifiée en raison du tollé
soulevé mais les dispositions scellant le partenariat
avec l’enseignement professionnel sont toujours
valables.
Des dégustations de petits-déjeuners avec
« céréales infantiles » semblent néanmoins avoir
PEE et perturbation de l’activité
oestrogénique ?
E2 utilisés comme médicaments
• Les œstrogènes synthétiques (contraceptifs,
traitements substitutifs de la ménopause…)
retrouvés dans les eaux usées et les rivières
• Cas du diéthylstilbestrol (distilbène)
suspendu depuis 1970 (prescrit pour traiter les
menaces d'accouchement prématuré, il entrainait
chez la jeune fille exposée in utero des cancers
du vagin). Des effets trans-générationnels
sont suspectés, comme par exemple pour
l’hypospadias, par le biais de modifications
épigénétiques PEE et perturbation de l’activité
oestrogénique ?
Xéno-œstrogènes
- les pesticides tels que le DDT et son métabolite le
DDE, Ils se dégradent très lentement,
- les polluants : bisphénol A mais aussi
d’autres bisphénols, les PCB (interdits depuis
1980), les dioxines (produit de combustion), les
phtalates.
Différents types de xéno-oestrogènes
Quels effets sur la santé?
Les effets des PEE sont multiples :
• Malformations génitales du garçon
(micropénis, cryptorchidie, hypospadias),
• Obésité,
• Cancer du sein et du testicule,
• Infertilité masculine,
• Fonction intestinale (l'épithélium intestinal
est œstrogènes-dépendant) .
PEE et puberté précoce
De nombreuses études ont relevé une
association entre les PP chez les filles et
l'exposition à certains PEE.
• Phtalates et "épidémie" de poussée
mammaire à Puerto Rico. Colon I et al (2000)
Identification of phtalate esters in the serum of young Puerto
Rican girls with premature breast development, Environ Health
Perspect 108 (9): 895-900
• Ménarche plus précoce chez des filles
américaines exposées au DDT/DDE pendant
la vie fœtale. Vasiliu O (2004) In utero exposure to
organochlorines and age at menarche. Human Reproduction
(Oxford, England) 19 (7): 1506-12.
• Les fillettes adoptées arrivées en Belgique
ont un risque de PP 80 fois > aux enfants
PEE et puberté précoce
• Une équipe turque : taux de bisphénol A urinaire
significativement plus élevé chez des filles avec
puberté précoce centrale idiopathique
comparativement à une population contrôle.
Durmaz E (2014) Urinary Bisphenol A levels in girls with idiopathic
central precocious puberty, J Clin Res Pediatr Endocrinol 2014,
6(1): 16-21.
• L’équipe de F. Paris et C. Sultan (CHU de
Montpellier) : en 2013, la bioactivité totale
œstrogénique mesurée dans le sérum de 15
fillettes présentant une prémature thélarche
était > chez 9 d’entre-elles que chez les
témoins ( exposition précoce aux Paris
PEE avec
F
activité œstrogénique?) . Paris F. Increased serum
PEE et puberté précoce
Ministère de l'écologie, Avril 2014 « la
stratégie nationale sur les perturbateurs
endocriniens»
• Demande d’interdiction des PEE au niveau européen
dont la dangerosité est avérée,
• Développer activement la recherche scientifique sur les
autres PEE présumés
• Informer et former les professionnels de la santé et les
industriels au risque chimique des PEE, et
• Enfin surveiller l’utilisation des substances qui seront
utilisées en substitution des PEE.
• Le contrôles sur la présence de phtalates dans les jouets
sont déjà renforcés ; Le bisphénol A est banni en 2013
des objets destinés aux enfants de moins de 3 ans
En pratique, que dire aux
parents ?
• Le diagnostic de PP soulève de
nombreuses questions : il faut la
confirmer, rechercher une cause
organique et ensuite étudier au cas par
cas l’indication d’un traitement
freinateur par agoniste de la GnRH.
• Celle-ci tiendra compte de l’âge de début
des signes pubertaires, de leur rapidité
d’évolution, de la maturité psychique de
l’enfant, du pronostic statural et enfin de
l’avis des parents.
En pratique, que dire aux
parents ?
Informer les parents sur la
responsabilité très probable de
facteurs environnementaux
• Contrôler le poids, en particulier contrôler les apports en
sucres rapides et augmenter fortement l’activité
physique (et donc l’hyperinsulinisme latent)
• Limiter l’exposition de l’enfant et sa fratrie aux PEE
pourra peut-être en ralentir l’évolution et limiter
l’apparition d’autres dysfonctionnements
endocriniens.
• Le médecin peut aider les parents à mettre en place des
stratégies individuelles afin de modifier le mode
de vie et l’environnement de l’enfant
progressivement, en attendant que les stratégies
Prévention…..
Pesticides? Sucre? BPA, Phtalates?
Additifs alimentaires?
Merci pour votre attent