Losanges - construction et ornement

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Losanges - construction et ornement
Construire en acier
Documentation du Centre suisse de la construction métallique
02/04
steeldoc
Losanges –
construction et
ornement
Table des matières
Editorial
3
Losanges – entre structure et ornement
par Alois Diethelm
4
Swiss Re Londres
Nœuds intelligents
10
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
Hiérarchie cachée
18
Impressum
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Compétence en construction métallique
Le Centre suisse de la construction métallique SZS est
une organisation professionnelle qui réunit les entreprises
de construction métallique, les fournisseurs et soustraitants et les bureaux d'études les plus importants de
Suisse. Avec ses actions, les SZS atteint un large public
de concepteurs, institutions et décideurs. Le SZS informe
ses membres et le public de l'évolution dans la construction métallique et offre un forum pour les échanges et
la collaboration. Le SZS met à disposition les informations
techniques, encourage la recherche et la formation des
professionnels et s'engage dans la collaboration au-delà
des frontières. Ses membres profitent d'une vaste palette
de prestations.
www.szs.ch
Centre suisse de la construction métallique
Stahlbau Zentrum Schweiz
Centrale svizzera per le costruzioni in acciaio
Editorial
Le losange – ou rhombe – nous rappelle les souvenirs des
leçons de géométrie : c’est un quadrilatère dont les quatre côtés
ont la même longueur, formant deux angles aigus et deux
angles obtus. On pourrait aussi parler d’un carré déformé.
Dans ce numéro de « steeldoc », il s’agit de structures composées de barres en diagonale, apparentes en façade où elles ont
certes un rôle de raidisseurs mais contribuent également, et
de façon déterminante, à l’aspect des bâtiments.
A cette occasion, «steeldoc» s’est assuré de la collaboration d’un
auteur qui ne se limite pas à l’étude technique de ces constructions mais examine également leur rapport avec l’histoire
et la création architecturale contemporaine. Alois Diethelm
est architecte, il a été assistant du professeur Andrea Deplazes à l’EPFZ, et il est un critique résolu – comme nos lecteurs
pourront s’en rendre compte. Sa plume habile et son idée de
comparer deux bâtiments actuels à la structure de façade
apparentée, nous ont paru une raison suffisante pour en faire
le sujet de ce deuxième numéro de « steeldoc » et donner carte
blanche à l’auteur pour développer son analyse.
Les anciens abonnés et lecteurs de «Construire en acier»
seront certainement étonnés par le nouveau style choisi par
« steeldoc ». La documentation que le Centre suisse de la
construction métallique consacre aux réalisations récentes
doit en effet offrir davantage que par le passé. Cette option
doit être perceptible non seulement par l’ampleur de la publication mais aussi par la qualité de son contenu rédactionnel.
Les détails de construction constituent toujours le centre
de l’attention, mais ils seront mis en perspective par l’explication des conceptions et leur traduction dans les faits ; ce qui
est, en définitif, caractéristique de la construction en acier et
déterminant en dernier lieu.
La construction métallique vit grâce à l’intelligence constructive. Comme celle-ci est étroitement liée à la statique, elle pose
des exigences conceptuelles particulièrement élevées aux
architectes et conduit souvent à une collaboration – plus ou
moins facile – avec les ingénieurs qui, à leur tour, devront
comprendre et soutenir les intentions créatrices des architectes. L’ambition de steeldoc est de fournir les bases d’une
meilleure compréhension de la construction métallique et
d’inciter architectes et ingénieurs à concevoir des constructions
en acier encore meilleures et encore plus intelligentes et à
mieux exploiter les possibilités offertes par ce matériau.
A nos lecteurs – anciens et nouveaux – nous souhaitons une
lecture agréable et enrichissante de ce nouveau numéro de
« steeldoc ».
Evelyn C. Frisch
3
Essai
Losanges – entre structure et ornement
par Alois Diethelm
Les appuis inclinés sont de nouveau à la mode. Ils constituent des structures
qui sont justifiées par leur fonction, présentant en même temps des qualités
ornementales. Les barres diagonales comprimées, disposées de façon croisée
dessinent des losanges. Cette forme impressionnante fait souvent oublier
que, du point de vue statique, il s’agit de triangles.
On demande à toute construction de résister aux vents
et aux tremblements de terre. Mais les conséquences
de cette exigence au niveau de l’expression architectonique sont variables. Dans le cas de constructions
massives, les dalles et les pans de mur, même percés
de nombreuses ouvertures, constituent des plaques et
remplissent par là des fonctions de raidisseur. Par
contre, le raidissement horizontal des structures composées de barres nécessite des mesures supplémentaires. L’élément raidisseur le plus fréquent et le plus
visible d’une ossature est la diagonale. Associée à un
appui et à une poutre, elle constitue un triangle rigide
jouant le rôle d’une plaque, tout en offrant un maximum de transparence et en utilisant un minimum de
matériaux.
Une ossature compte – par étage et par façade – au
moins un champ raidi par une diagonale, tantôt masquée par un revêtement, tantôt laissée apparente.
Comparés aux autres champs, ils donnent l’impression
d’une exception voire de quelque chose de surajouté.
Si l’on veut éliminer cet effet, deux possibilités s’offrent : éliminer l’exception en rendant les nœuds entre
poteaux et poutres rigides (effet Virendeel) ou ériger
l’exception en règle. Il ne s’agit pas de munir tous les
champs de diagonales statiquement superflues, mais
de rendre les diagonales aptes à reprendre les charges
verticales et éliminer ainsi les poteaux. Un regard
sur l’histoire de l’architecture montrera que ceci n’est
pas un idée nouvelle. Cependant une série de réali-
sations récentes ou encore en cours d’exécution illustrent le retour dans l’actualité du poteau incliné ou de
la diagonale.
Renaissance de la diagonale
Le moment de la redécouverte de la diagonale ne paraît pas fortuit. Après le minimalisme restrictif des
années quatre-vingt-dix et un sursaut dans la direction de l’opulence tendant à l’arbitraire, les structures
non orthogonales réunissent à parts égales justification objective et joie renouvelée de l’ornement. Jadis,
les assemblages rivetés des structures métalliques –
parce que techniquement nécessaires – était acceptés
comme esthétiques même par les puristes. En ce
début du XXIe siècle, la construction en acier et l’ornement se retrouvent de nouveau associés. Cependant, ce ne sont plus les assemblages qui sont au centre de l’attention mais les structures elles-mêmes, qui
écartent la primauté de l’angle droit et – pour des
raisons statiques, économiques et/ou architectoniques
(élancement) – sont réalisées principalement en
acier. Ces structures ne doivent pas nécessairement
avoir un caractère ornemental à l’état de gros œuvre,
mais peuvent se prêter à l’élaboration des détails
de l’aménagement ultérieur. On entend par là la saisie
d’une forme conditionnée par sa fonction structurale
laquelle, transformée dans ses dimensions et répétée,
sera perçue comme un ornement. Alors que la répétition de rectangles nécessite une variation dans les
couleurs, les textures ou les matériaux pour nous
donner l’idée de décoration ou d’ornement, nous attribuons déjà une qualité ornementale à la simple répétition de figures s’écartant du rectangle (triangles,
nids d’abeille, trapèzes ou losanges). Cette différence
nous est peut-être suggérée par notre connaissance
de l’ornementation artisanale ou des pierres précieuses
taillées à facettes.
Fabrique de chocolat Menier à
Noisiel (Seine-et-Marne, France),
1873, Jules Saulnier architecte.
Les appuis sont cachés derrière
le mur de la façade, les diagonales servent comme raidisseurs
seulement.
4
steeldoc 02/04
Losange ou triangle ?
Dans ce cahier, nous allons présenter deux ouvrages
dont les façades ont des ouvertures en forme de
losange et dont la structure porteuse est constituées
d’appuis inclinés. Si, de façon identique à première
vue, l’articulation serrée de la façade du magasin Epicentre de Prada correspond à la trame de la structure
porteuse derrière elle, dans le cas de la tour de Swiss
Re, il s’agit en fait d’une démultiplication de cette
trame. Dans le premier cas, un étage comprend deux
losanges en hauteur ; dans le second cas, un losange
mesure quatre niveaux du bâtiment. Il y a encore
d’autres différences entre ces deux constructions, mais
elles ont en commun le fait de faire apparaître des
losanges alors qu’en réalité il s’agit de triangles. Si
Norman Foster, l’architecte de la tour de Swiss Re à
Londres (2004), recourt à la couleur noire pour faire
reculer à l’arrière-plan les éléments horizontaux par
rapport aux diagonales blanches, les architectes
Herzog & de Meuron placent les tirants horizontaux
dans le plan des dalles de l’Epicentre de Prada à Tokyo
(2003). Dans les deux cas, on a donc cherché une
différenciation, ici par la couleur, là par la disposition
dans l’espace.
Déjà Jules Saulnier, architecte de la fabrique de chocolat Menier à Noisiel (Seine-et-Marne, France, 1873),
dissimulait certains membres de l’ossature métallique
en faisant apparaître les diagonales – qui n’ont ici
qu’une fonction de raidisseur – comme des losanges.
A se fier aux plans de cette construction à colombage,
celle-ci comprend davantage de poteaux que ne laisse
deviner le remplissage en maçonnerie. L’emplacement varié des profilés dans la façade et le remplissage, basé sur le principe de revêtement extérieur et
intérieur, rendent floue la conception statique. Non
seulement certains poteaux sont cachés mais encore
Tour IBM à Pittsburgh (EtatsUnis), 1963, Curtis & Davis,
architectes.
Une des premières façades de
bâtiments à étages multiples,
sans appuis verticaux.
La façade de la tour IBM est
constituée d’éléments de 4 m
sur 8 m.
5
Essai
l’emplacement des dalles reste invisible. Bien que
l’usine chocolatière de Noisiel, construite sur quatre
niveaux, constitue le premier exemple d’une ossature
à étages multiples et comme telle soit souvent citée,
son architecte n’a pas échappé aux critiques en raison
précisément de l’absence de lien entre sa structure et
son expression architectonique. Ainsi, déjà en 1878,
l’architecte Konstantin Lipsius a pu remarquer, dans
une conférence tenue à l’association allemande des
architectes et ingénieurs, que la structure en fer
apparaît ici comme le renforcement d’une maçonnerie
endommagée.
Direction générale de la Swiss
Re à Londres (Royaume-Uni),
2004, Foster & Partners.
La structure porteuse de la façade trouve son prolongement
à la base de l‘immeuble dont
l‘affectation diffère pourtant.
Les barres comprimées en diagonale sont peintes en blanc
alors que les membres horizontaux, tendus, le sont en noir.
6
Du temps de Saulnier, c’était encore une question de
priorités. Mais un siècle plus tard, en 1963, les architectes Curtis & Davis ont construit les bureaux d’IBM
à Pittsburgh (Etats-Unis) : un des premiers bâtiments
à étages multiples avec des façades porteuses sans
appuis verticaux. Les innombrables diagonales qui se
croisent en angle obtus forment une grille de losanges
laquelle assure non seulement le raidissement mais
porte aussi, en conjonction avec le noyau de l’immeuble, les dalles de 16 m de portée. Munie d’un revêtement de façade en relief et en acier inoxydable –
lequel a pour fonction de limiter la taille des fenêtres
et de leur donner de l’ombre, pour des raisons techniques de climatisation – la construction en cornières
affiche un élancement qui rappelle, de façon inattendue, l’ouvrage de Saulnier. Alors que la structure
porteuse de la façade de Swiss Re est basée sur des
tubes ronds réunis dans les noeuds spécialement conçus, et que la construction de Prada l’est sur des
diagonales avec des pièces soudées, la façade de la
tour IBM est subdivisée en losanges de 8 m de haut et
4 m de large. Les éléments joints à la mi-hauteur des
étages réunissent huit losanges et disposent encore
de deux tirants horizontaux auxquels sont fixés les
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poutres des dalles – ici encore : des triangles ! Une
autre particularité de l’époque a été le recours à cinq
différentes sortes d’acier. Au lieu de varier l’épaisseur de la paroi des profilés (Swiss Re et Prada), on a
utilisé des aciers de qualité différente qu’on appelle
« la quatrième dimension de la construction en acier ».
Parmi celles-ci se trouvait aussi le type d’acier
USS T-1 lequel a trouvé une première application
dans une structure principale dans le cas de la tour
IBM. En comparaison avec une construction conventionnelle, quelque 200 tonnes d’acier ont pu être
économisées.
Le rez-de-chaussée entre rupture et continuité
Par son importance pour la vie de la cité et comme
accès aux utilisateurs des étages supérieurs, le
rez-de-chaussée doit souvent répondre à des exigences particulières. Abritant des magasins et des restaurants, lesquels demandent à être vus, au niveau de
la rue, on souhaite qu’il dispose de façades plus
transparentes. La trame serrée des appuis, bien adaptée aux niveaux des bureaux, apparaît ici plutôt
comme un obstacle à une ouverture généreuse. Dans
de tels cas, il est habituel d’introduire une modification de la structure porteuse. La division du volume en
deux parties qui en découle est souvent bien assumée
– elle est soit mise en valeur par une construction
en forme de table, soit atténuée pour obtenir une impression de flottement.
Quant à l’utilisation différente du rez-de-chaussée, les
constructions en losanges de Norman Foster et de
Curtis & Davis présentent des solutions qu’il est difficile d’interpréter dans le cadre des notions de « continuité » et « abandon », mais qui ont néanmoins un
dénominateur commun. Ainsi, dans le cas de la tour
IBM, les façades reposent sur deux pylônes dont la
forme résulte du prolongement des diagonales. Sur la
façade allongée, ces pylônes se succèdent à des intervalles serrés, alors que sur la façade étroite ils sont répartis de façon régulière. Les angles du bâtiment
restent libres, ce qui, souligné encore par les vitres
transparents du rez-de-chaussée, prête aux niveaux
supérieurs une tension ambivalente. Par là, le volume
principal du bâtiment apparaît autant comme un
volume autonome que reposant sur le sol. Si l’on considère les pylônes de Pittsburgh comme des éléments
de façade nés de l’abandon de parties inutiles, les
différences avec la tour de Swiss Re à Londres paraissent moins grandes. Bien que, ici, la structure porteuse ne subisse pas de modification – car ses mailles
larges avec des appuis distants de 9 m sont suffisamment transparentes – on a quand même appliqué le
principe de la suppression. En effet, la façade rideau,
laquelle est enfilée comme un bas sur le bâtiment, ne
touche le sol que ponctuellement. Un zigzag de triangles supprimés orne le bord, lequel, dans la zone de
l’entrée, est relevé de la hauteur d’un losange et permet de saisir la structure dans l’espace.
Losange et forme du bâtiment
Outre le comportement statique des structures diagonales, on peut s’interroger sur leur importance pour
la volumétrie du bâtiment. Si l’on s’en tient aux exemples énumérés jusqu’ici, seule la tour de Swiss Re
présente un rapport entre structure et forme. L’immeuble IBM est un parallélépipède, et, dans le cas de
l’Epicentre de Prada, si on néglige le fait que le toit
suit l’inclinaison de l’alignement des losanges, les diagonales n’ont pas d’influence sur la géométrie du
bâtiment. Avec la grille de losanges qui recouvre la
totalité de l’Epicentre de Prada, le choix s’est porté
sur une structure qui rétablit une continuité formelle
entre les surfaces brisées du volume prismatique.
Tour IBM à Pittsburgh (EtatsUnis), 1963, Curtis & Davis,
architectes.
Alternance de la structure
porteuse à la base de l’immeuble – les pylônes naissent du
prolongement des diagonales.
7
Essai
Si une arête du bâtiment ne suit pas une ligne parallèle
à la trame des fenêtres, cet écart n’est guère remarqué en raison de l’enveloppe dominée de toute façon
par des lignes obliques. Dans le cas de divisions orthogonales, les champs ne sont considérés que dans
leurs relations horizontales et verticales. Il en va tout
autrement avec les losanges, même alignés verticalement ou horizontalement, puisqu’ils constituent
des bandes obliques lesquelles rendent difficile
l’attribution d’une direction claire. La structure en
grille de l’Epicentre de Prada apparaît à tel point dépourvue de hiérarchie qu’elle n’entre jamais en conflit avec la disposition du volume du bâtiment.
Conséquences pour l’espace intérieur
Dans le cas de la tour de Swiss Re de Norman Foster,
on devine que la structure en losanges a été retenue
comme moyen de construire un ellipsoïde de révolution avec des barres droites. A première vue, on peut
comparer cette structure à la maison en verre que
Bruno Taut a réalisée pour l’exposition du «Werkbund »
allemand à Cologne en 1914. Sa coupole présente
un réseau composé uniquement de diagonales, à l’exclusion des méridiens et des parallèles. Toutefois, à
Londres, il y a des anneaux qui apparaissent comme
des arêtes pour pouvoir revêtir la façade avec des
panneaux de verre plans. Les sommets horizontaux
des losanges sont en effet plus éloignés du centre que
les sommets de base et de tête. Disposés en hauteur
de la dalle les joints horizontaux servent non seulement à laisser entrer l’air frais mais ils divisent aussi
en deux la moitié des losanges pour des raisons
géométriques. L’effet de spirale que produit la formation déjà mentionnée de bandes, ne constitue pas
une interruption, ne serait-ce que parce que les diagonales de la structure primaire sont plus marquantes.
Si Bruno Taut laisse au spectateur de décider s’il veut
Epicentre de Prada Aoyama
à Tokyo (Japon), 2003,
Herzog & de Meuron.
Les losanges constituent des
bandes inclinées ; du côté de
l‘entrée, le bord du toit suit
l‘inclinaison des bandes.
Le coude au coin droit du bâtiment ne se remarque guère.
Direction générale de Swiss
Re à Londres (Royaume-Uni),
2004, Foster & Partners.
Le mouvement de rotation est
souligné par les verres foncés
des « Lightwells ».
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steeldoc 02/04
y voir un mouvement de rotation à gauche ou à droite,
Norman Foster ne laisse pas de choix : les verres
foncés indiquent une rotation dans le sens des aiguilles
d’une montre. Celui qui n’y verrait qu’un choix
arbitraire se trompe. Derrière ces verres foncés se
trouvent des zones s’étendant sur plusieurs niveaux,
des « Lightwells », créées par des découpes en forme
de coin des dalles. Suivant l’inclinaison des appuis, ces
découpes sont décalées de 5° par étage. Ainsi le
squelette triangulaire n’est pas seulement en rapport
avec l’apparence extérieure du bâtiment, mais les
appuis inclinés fournissent également des critères pour
générer des formes à l’intérieur (il faut noter ici que
le sommet de la tour a une structure différente).
Ce potentiel n’a pas été exploité dans le cas du bâtiment IBM. Dans le cas de l’Epicentre de Prada, on retrouve l’interdépendance de l’intérieur et de l’extérieur dans les «Tubes » dont la section correspond à
la jonction de quatre losanges.
blement ; d’autres déformations conduisent à des
parallélogrammes ou à des trapèzes. Dans cette catégorie, l’angle droit est l’exception et l’angle aigu la
règle – un vocabulaire de formes où les triangles
trouvent aussi facilement leur place : les triangles qui
représentent une réalité statique ou une fonction
stéréométrique.
A la fin, on peut se demander pourquoi les architectes créent des losanges plutôt que des triangles ?
Comme dans le cas des structures orthogonales,
c’est une question de hiérarchie : qui doit dominer :
les horizontales ou les verticales, les dalles ou les
poteaux ?
La déformation comme potentialité
Des structures que l’on ne peut pas appliquer sur tout
le bâtiment, des losanges qui se révèlent être des
triangles, et des hiérarchies cachées : toutes ces observations n’étaient pas nécessaires dans le cas de la
maison en verre de Taut – pense-t-on – puisque la coupole est formée de panneaux de verre en forme de
losanges tenus par une grille en béton armé. Pas tout
à fait : car vers le sommet, les losanges ont la forme
de « cerfs-volants »! Le losange « pur » ne paraît alors
pas vraiment bien adapté ni comme revêtement,
ni comme structure porteuse. Du point de vue des
mathématiques, le losange appartient à la famille des
quadrilatères et son potentiel se trouve dans sa déformabilité. Partant d’un carré placé sur un de ses
sommets, par extension et compression de ses diagonales, ses proportions varient presque impercepti-
Maison de verre à l’exposition
du Werkbund à Cologne
(Allemagne), 1914, Bruno Taut.
Spirales à gauche ou à droite ?
La coupole a été conçue
en fer mais réalisée en béton
armé.
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Swiss Re Londres
Nœuds intelligents
Maître de l’ouvrage
Swiss Re Investments Ltd, Londres
Architectes
Foster & Partners, Londres
Conception de la structure porteuse
Ove Arup & Partners, Londres
Chantier
2000–2004
Norman Foster a construit au cœur de la City de Londres une tour, la deuxième
en hauteur de toute la ville. En raison de sa forme inhabituelle, le siège de
Swiss Re Londres est aussi surnommé « concombre érotique » par la population.
Cette forme est cependant plus que le fruit de la fantaisie exubérante d’architectes ou de l’ambition d’en imposer du maître d’ouvrage.
L’intérêt de la compagnie suisse de réassurance pour
une bonne architecture s’est déjà avéré plusieurs fois.
Cela n’a pas commencé avec le bâtiment pour séminaires de Meili & Peter à Rüschlikon (2000) ; que
l’on se rappelle les immeubles du Mythenquai à Zurich,
ou le club-house de Hans Hofmann (1958), ou encore
le complexe de bureaux de Werner Stücheli (1969).
En la personne de Norman Foster, la tour de 180 m de
hauteur a un architecte dont la figure et l’œuvre sont
marqués par l’intérêt pour des nouvelles technologies
et des solutions écologiques. Ainsi, avec la tour de
Swiss Re, Foster compte rester à 25 kWh/m2 en dessous
de la valeur de la recommandation britannique pour
des bureaux à consommation d’énergie réduite, laquelle est de 175 kWh/m2. La forme du bâtiment y contribue également.
Espaces en hauteur dans une tour
Dans le tissu urbain dense du centre de Londres, la
tour de 40 étages donne l’impression de ne vouloir
s’appuyer que sur la pointe du pied. Le diamètre, 56 m
à l’endroit le plus large, se réduit à 49 m au rez-dechaussée, où la façade en verre accentue encore la
transparence par de larges baies. La place nouvellement créée, au centre de laquelle se dresse la tour, doit
être aussi lumineuse et spacieuse que possible. Des
magasins attestent que l’espace est public et le mobilier pour s’asseoir invite à s’y attarder. Le séjour y est
d’autant plus agréable – plus que devant d’autres
immeubles tours – que la forme aérodynamique de la
tour non seulement diminue la surface que la façade
oppose aux vents – ce qui a un effet très positif sur le
dimensionnement de la structure en acier et de la
façade rideau – mais elle diminue aussi les courants
d’air verticaux. A l’intérieur, des puits hauts de six
10
niveaux profitent de la forme en pomme de pin de
l’immeuble et apparaissent sur la façade sous forme
de bandes en spirale. Les « Lightwells », composantes
essentielles dans la gestion de l’énergie, ne servent
pas uniquement à un meilleur éclairage des bureaux
mais fonctionnent aussi comme des poumons de
l’immeuble. Les différences de pression sur la façade
contribuent à la circulation naturelle de l’air dans ces
puits munis de fenêtres basculantes. Les bureaux
adjacents en profitent également. Un système d’aération mécanique est néanmoins aussi disponible ; son
élément central se trouve dans la façade servant à
l’évacuation de l’air usé.
Les « Lightwells » concentrent en eux les aspects spatiaux, écologiques, fonctionnels et constructifs du
bâtiment comme aucun autre élément. Les surfaces
de bureaux, divisées en zones de 16 x 11 m permettant
une bonne vue d’ensemble, utilisent les découpes des
dalles comme des balcons et permettent d’établir ainsi
des liaisons visuelles entre les niveaux. Dans d’autres
immeubles tours, la hauteur est une dimension qui
n’est perceptible qu’en regardant par les fenêtres, donc
par rapport aux constructions voisines. Ici, des espaces intérieurs mesurant jusqu’à 24 m de haut ouvrent
d’autres possibilités. De l’extérieur, les « Lightwells »
apparaissent comme des rubans foncés qui s’enroulent
en spirale autour du bâtiment et correspondent à l’inclinaison des barres diagonales comprimées.
Corset rigide et plans libres d’appuis
Les appuis diagonaux de la façade avec des tirants horizontaux constituent un corset rigide – baptisé
« Diagrid » – de telle façon que le noyau du bâtiment
n’est sollicité que par des charges verticales. La dimension généreuse de la structure porteuse – les cadres
de la façade en forme de « A » s’étendent sur deux
niveaux et ont un écartement de 9 m – déploie aussi
ses effets sur la construction des dalles. Appuyés
sur des poutres à larges ailes disposées radialement,
les profilés hauts de 54 cm ont une portée de 14 m
steeldoc 02/04
11
Swiss Re Londres
sans appui intermédiaire. Les poutres sont disposées
dans le plan avec un décalage de 10° de telle manière
que sur la façade, les champs des dalles affichent une
portée maximale de 4,50 m. Cette dimension ne correspond à la position des appuis qu’à un étage sur
deux ; au niveau des nœuds, la distance en est le double de telle sorte qu’une poutre tangentielle devait y
être ajoutée.
Les nœuds méritent une attention particulière. Comme les barres comprimées sont droites, tout changement de direction – que ce soit dans le plan ou
dans l’élévation – y est concentré. Les nœuds sont
constitués de tôles d’acier disposées en facettes et assemblées par soudage avec des connexions préparées
pour la fixation par boulons des éléments adjacents
de la structure porteuse : des barres comprimées
en tube, des tirants en profilés creux rectangulaires et
des poutres des dalles en profilés en double té à larges
ailes. Ces dernières reposent sur des nœuds par des
appuis glissants et sont limitées dans leur extension
par des barres filetées. Lors du montage, ces barres
ont servi de moyens auxiliaires pour maintenir
constante la distance par rapport au centre et pour
régler les déformations en fonction de l’augmentation
du poids propre.
Le sommet du bâtiment est conçu tout différemment.
En plus de locaux techniques, on y trouve un restaurant panoramique. La coupole constitue une struc-
ture autonome, séparée des dalles, une structure en
grille sans nœuds distincts. A leur croisement, les
profilés creux rectangulaires (section de 110 x 150 mm)
sont soudés bout à bout. Le vitrage est posé directement sur les profilés et maintenu par serrage sous
des baguettes comme dans le cas d’une construction
composée de montants et de traverses.
Façade double
Du niveau zéro au niveau 38, le vitrage est formé
d’éléments qui ont la hauteur d’un étage, fixés au
squelette en acier par des consoles. Les panneaux de
verre hauts de 4 m ont un cadre en profilé d’aluminium thermiquement isolé. Ils sont dimensionnés de
telle sorte qu’ils n’ont besoin d’être tenus que par leur
sommets inférieur et supérieur. Les points de fixation
réunissent quatre éléments dont les triangles joints
aux panneaux en losange par des raidisseurs glissés.
Derrière les joints horizontaux, des appuis en forme
d’entonnoirs sont disposés pour l’aspiration d’air frais
traité et diffusé dans les bureaux à travers les plafonds suspendus. Un pan de verre disposé à l’intérieur des « Diagrids », qui ne peut être ouvert que pour
le nettoyage, complète le revêtement du bâtiment
et le transforme en façade ventilée. Sur son chemin
vers la centrale d’aération, l’air usé des bureaux passe
par cet espace où l’air chauffé par les rayons du
soleil sera aspiré. Dans les « Lightwells », le vitrage intérieur est remplacé par du verre teinté et protégeant
du soleil.
Plan
Echelle 1: 600
Derrière les bandes en spirale
se trouvent les « Lightwells» –
des zones qui s’étendent sur
plusieurs niveaux et servent à
l’éclairage supplémentaire et à
l’aération naturelle des surfaces de bureaux.
12
steeldoc 02/04
Alors que, dans la partie supérieure du bâtiment, le montage
de la structure en acier suivait
encore son cours, la façade
était déjà montée dans sa partie inférieure.
13
Swiss Re Londres
1
3
8
2
6
7
5
4
1
4
3
8
7
2
Axonométrie
Echelle 1: 50
1 appuis diagonaux
2 nœuds
3 tirants
4 poutre de la dalle avec
appui glissant
5 barres filetées pour le réglage de la dilatation radiale
6 plaques pour la fixation
tangentielle des poutres
7 poutre de dalle secondaire
8 supports pour le vitrage
14
steeldoc 02/04
Revêtement neutralisant
Dans le cas de l’Epicentre de Prada de Herzog & de
Meuron, la section de la structure portant la façade
reste constante car le revêtement de protection contre
le feu l’enveloppe comme une peau. Dans le cas de
Swiss Re, on a procédé de façon inverse : le revêtement
en tôle d’aluminium laquée au feu définit un volume
creux où les éléments de la structure porteuse, de
formes différentes, trouvent leur place tout comme
les éléments servant à la protection contre le feu ou
les installations techniques. Le résultat est cependant
le même dans les deux cas : la construction ne peut
qu’être devinée. (ad)
Nœud de transition entre
une dalle et l’espace d’aération
d’un « Lightwell »
A chaque support, quatre éléments de fenêtre sont fixés.
Les losanges, hauts d’un
étage, sont fixés en haut et en
bas ; les triangles contigus
sont attachés par des pièces
glissées qui les raidissent en
même temps.
15
Swiss Re Londres
Lieu 30 St Mary Axe, Londres
Maître de l’ouvrage Swiss Re Investments Ltd, Londres
Architectes Foster & Partners, Londres
Enterprise générale Sanska Construction UK Ltd, Londres
Conception de la structure porteuse Ove Arup & Partners,
Londres
Conception de la façade Emmer Pfenninger Partner AG,
Münchenstein
Construction métallique Victor Buyck-Hollandia Joint Venture
Ltd, Wraysbury
Façade Schmidlin AG, Fassadentechnologie, Aesch
Coupole Waagner Biro, Vienne (Autriche)
Construction structure porteuse : façade porteuse (« Diagrid »)
en tubes ronds, vissés à des nœuds à facettes ; noyau en profilé
à larges ailes (charges verticales uniquement) ; dalles en construction mixte acier-béton.
façade rideau (Curtain wall) : éléments en verre dans des cadres
en aluminium isolés thermiquement, fixations ponctuelles à la
structure en acier.
Quantités d’acier 8’358 t ; dont 29% pour « Diagrid », 24% pour
le noyau et 47% pour les poutres des dalles
Surface utile 46’450 m 2
Chantier décembre 2000 – mai 2004
H
V
V
H
Détail de la façade
Echelle 1:100
9
C
5
4
A
2
10
D
B
Coupe verticale
Echelle 1: 25
16
steeldoc 02/04
1
3
8
Coupe horizontale
Echelle 1: 25
1 Appuis diagonaux : tube
d’acier Ø 508/40 mm –
Ø 273/12,5 mm
2 Tirants : profilé creux
rectangulaire 300/250 mm
3 Poutre radiale :
540/300 mm
4 Poutre tangentielle :
540/300 mm
5 Dalle mixte, béton : 160 mm
6 Support pour les éléments
en verre
7 Elément triangulaire en verre avec cadre en aluminium,
thermiquement isolé (verre :
ESG 10 mm, SZR 16 mm,
VSG 2 x 5 mm) ;
8 Idem, en forme de losange
9 Fenêtre à glissières (verre :
VSG 2 x 5 mm)
10 Revêtement en aluminium :
tôle de 3 mm
A Air frais, introduit par étage
B Amenée d’air aux bureaux
par le plancher
C Evacuation de l’air usé des
bureaux par le seuil
D Evacuation de l’air usé des
espaces intermédiaires
(façade d’aération)
7
2
4
9
6
17
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
Hiérarchie cachée
Maître de l’ouvrage
Prada Japan Co., Ltd
Architectes
Herzog & de Meuron, Bâle
Conception de la structure porteuse
WGG Schnetzer Puskas, Bâle; Takenaka Corporation, Tokyo
Chantier
2001–2003
La marque italienne de mode Prada s’est fait construire par les architectes
Herzog & de Meuron un « Epicenter Store » à Tokyo. « Epicenters » sont les magasins ouverts dans les villes les plus importantes de la planète : jamais pareils
mais toujours innovants. Une exigence à laquelle l’immeuble répond à tout point
de vue, y compris constructif.
18
nombreux films de James Bond. De même, on pense
plus facilement à un chantier naval pour sous-marins
qu’à un bâtiment en construction. Malgré toutes les
images évoquées par le chantier, l’objet terminé paraît familier ; le gros œuvre et le bâtiment terminé ne
diffèrent que par la texture des surfaces. L’articulation
de l’espace et de la structure porteuse sont une et
même chose. L’aménagement n’est perçu que comme
un habit collant qui suit la forme du corps sous-jacent
en le traduisant presque sans changement.
Situé dans la zone Omotesando, dédiée aux promenades et à la mode, du quartier Aoyama, l’Epicenter
Store de Prada annonce une ère nouvelle dans la culture de consommation même pour Tokyo. Les sens
sont sollicités autant par la configuration spatiale que
par les aménagements, allant d’une combinaison
peu orthodoxe des sols en bois et en pierre, à des revêtements en matériaux synthétiques et en cuir, en
passant par des supports revêtus de fourrure. Les surfaces de vente vitrées de tous côtés et inondées de
lumière contrastent avec des zones plus intimes pour
les cabines d’essayage, les dits «Tubes », lesquels aboutissent sur la surface ouverte comme des tubes horizontaux. Les architectes Herzog & de Meuron parlent
d’un programme de contrastes se mouvant entre
l’« hypernaturel » et l’« hyperartificiel ». Dans le tissu urbain dense de Tokyo, le bâtiment se dresse en solitaire :
il se développe en hauteur pour laisser de l’espace à
une place comme on en rencontre peu à Tokyo. La
forme du bâtiment est perçue – selon les points de vue
où on se place – comme une maison munie de toits en
pente, ou, en raison de son apparence sculpturale,
comme un cristal de roche. La trame en forme de losanges de la façade génère, combinée avec des verres
bombés, des reflets déformés et multiples.
Malgré la frontière mince qui sépare le gros œuvre
de l’aménagement, l’immeuble terminé trahit peu le
comment de sa réalisation ; les traces du travail artisanal, comme celles des particularités tectoniques
sont estompées. Ainsi, la construction apparaît comme une pièce coulée plutôt qu’assemblée de profilés
laminés et de tôles épaisses. Cette « dissimulation » de
la véritable structure porteuse donne d’abord à croire
que la trame élancée de la façade n’est qu’un « Curtain Wall » classique, bien qu’il s’agisse d’un mur porteur. Cette impression est encore renforcée par les
losanges disposés horizontalement plutôt que verticalement. Car une position verticale aurait été plus
adaptée à la transmission des charges. Ainsi, on considérerait l’ossature destinée à supporter le vitrage
plutôt que les dalles. Le spectateur pourrait même penser à une exécution rigide des losanges. Cependant,
comme on le montrera plus loin, ce système de mur
extérieur apparemment sans hiérarchie dispose
d’un ordonnancement inattendu et d’un lien indissoluble avec la structure en son ensemble.
Jeu d’embrouille constructif
En raison des multiples possibilités de le percevoir,
l’immeuble n’apparaît jusqu’ici, dans les publications
architecturales, que de façon marginale. Mais pour
ceux qui ont vu des photographies prises sur le chantier, il est incompréhensible qu’il ne soit pas plus
connu. La cage en acier avec des «Tubes » de couleur
rouille rappelle l’univers de Ken Adam, décorateur de
Mode japonaise
Le risque et l’intensité des tremblements de terre sont
incomparablement plus importants au Japon qu’en
Europe. Cette circonstance n’a cependant pas influencé le projet de l’Epicenter Store : le bâtiment repose
sur des appuis en caoutchouc. De ce fait, il n’est exposé qu’à des charges auxquelles il devrait résister en
Europe aussi. Le choix de la structure en acier aurait
steeldoc 02/04
19
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
Les dalles qui ne s’étendent
pas jusqu’aux façades génèrent
des espaces de grande hauteur. Au rez-de-chaussée, une
balustrade inclinée délimite
l’espace.
même permis de renoncer à ces appuis coûteux –
même au Japon. Cependant, cela aurait entraîné une
augmentation de 5 à 10 cm de la section des profilés,
ce que les architectes ont écarté : le danger était trop
grand de voir l’ossature de la façade devenir une
plaque percée de trous.
Les assemblages de la structure en acier sont presque
tous soudés. Les exigences élevées à l’égard de la
précision de ces assemblages soudés n’aurait pas pu
être respectées partout dans le monde. Cependant, au
Japon, construire en acier est aussi courant qu’en
béton ou en maçonnerie chez nous. Des centaines de
soudures exécutées sur le chantier – dont chacune
occupait un ouvrier pendant une journée – ont été nécessaires. Dès lors, il n’est pas surprenant que l’érection de l’ossature ait pris presque six mois.
Statique complémentaire
Le système statique de l’Epicenter Store a ceci de particulier que certains éléments de la structure porteuse
ne remplissent leur fonction principale qu’en liaison
avec d’autres éléments. La grille de losanges de la
façade montre cela de façon impressionnante : elle ne
peut reprendre les charges verticales qu’en association
avec les dalles et elle bénéficie dans une mesure
importante de l’effet raidisseur des «Tubes » horizon-
20
taux. Ces «Tubes », dont la réalisation en tôle de 6 mm
d’épaisseur avec des nervures à l’intérieur rappelle
la construction navale et ne se rencontre que rarement
dans l’industrie du bâtiment, réduisent la longueur
de flambage des diagonales et servent en même temps
d’appuis pour les dalles. Ces mêmes dalles et les
poutres qui les bordent servent de tirants pour la façade et, en formant des triangles avec les diagonales,
reprennent les composantes horizontales des losanges légèrement inclinés. Pour être liées aux triangles
qui leur sont primordiaux, les diagonales d’une même façade doivent s’étendre d’une dalle à l’autre. Ceci
se produit plus rarement que l’on ne pense, en raison
de l’étroitesse des façades et des espaces à hauteur
double sans raccordement de la dalle. Ainsi, l’entrée
principale réunissant trois losanges et demi en une
seule portée n’aurait pas pu se trouver ailleurs sur la
même façade. Renoncer à la formation de triangles et
donner aux losanges la rigidité nécessaire aurait
conduit à la limite de ce qui est statiquement faisable
et aurait eu pour conséquence l’augmentation de
l’épaisseur des noeuds et un renchérissement considérable de l’ouvrage.
Une fois les travaux terminés, l’appartenance d’une
diagonale à un triangle n’est plus visible et même
avant, elle n’était révélée que par l’épaisseur de la pa-
steeldoc 02/04
1
Coupe A-A
Echelle 1: 300
1 Locaux techniques
2 Surface de vente
3 Dépôt
4 Vestiaires
5 Vente & administration
6 Salle de conférence /
VIP
7 Administration
7
5
6
2
4
2
2
4
2
1
3
2
3
A
A
1
2
Premier étage
Echelle 1: 300
1 Vente
2 Vestiaire
3 Aération
Vue depuis le « tube » vers la
surface de vente située plus
haut, au 4e étage
21
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
Axonométrie
Echelle 1: 50
1 Structure porteuse en
façade : 250/180 mm, livrée
en pièces avec des « bras »
soudés
2 Soudure réalisée sur le
chantier
3 Poutre de bord des dalles
600/400 mm
4 Tôle de liaison entre façade
et dalle
5 Poutre de dalle :
350/175 mm
6 Dalle mixte, béton : 150 mm
7 Revêtement de protection
contre l’incendie : panneau de
silicate de calcium, min. 25
mm (Représentation théorique : fixé aux poutres ultérieurement)
8 Eléments en verre :
3,20/2,00 m ; fixation selon
système « Vario DZ » aux
poteaux, verrouillage en aluminium
3
5
4
2
1
7
6
8
22
steeldoc 02/04
Toit et façade ont la même
structure. Reflets et transparence entre pans de verre
voisins, plans et courbes.
roi des sections. A la fabrication en usine, les diagonales d’une même direction – partant depuis en bas à
gauche vers le haut à droite, par exemple – sont
divisées en sections, lesquelles forment, avec les poutres continues de la direction opposée, une série
d’angles obtus. Aux cas de charge différents, dus notamment au poids propre réduit aux niveaux supérieurs, on n’a pas réagi par la réduction de la hauteur
des sections mais uniquement par la diminution de
l’épaisseur des âmes et des ailes – cela, en premier
lieu, non pas pour réduire la consommation d’acier
mais pour diminuer les surfaces de soudure. Ce
principe des sections invariables a nécessité, dans les
angles du bâtiment, l’emploi de nœuds particulièrement sollicités et réalisés en fonte.
La réalisation exigeante d’une façade porteuse avec
des losanges à l’orientation horizontale a produit,
comme effet secondaire, une cage rigide laquelle est
à même de reprendre les forces horizontales dues
au vent ou aux tremblements de terre et de libérer, par
là, le petit noyau de toute fonction de raidisseur. (ad)
23
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
Façades mises à plat
Echelle 1: 500
Pour reprendre les forces
horizontales des losanges, les
diagonales à l’intérieur de
chaque façade doivent relier
les dalles et forment des triangles (lignes noires). Pour répondre à des sollicitations plus
importantes, ces poutres ont
une parois plus épaisse.
Aux arêtes du bâtiment, des
pièces en fonte reprennent
des charges plus importantes.
Grâce à l’effet raidisseur des
façades, le noyau du bâtiment
peut se passer de raidisseurs.
24
steeldoc 02/04
Une scène d’un film de James
Bond. La cloison en tôle des
«Tubes » aux fonctions statiques
est entièrement soudée. Les
goujons ne servent qu’à la
fixation temporaire des tôles.
Lieu 5-2-6 Minami-Aoyama, Minato-ku, Tokyo
Maître d’ouvrage Prada Japan Co., Ltd
Architectes Herzog & de Meuron, Bâle
Architectes associés/Enterprise générale Takenaka
Corporation, Japon
Conception de la structure porteuse WGG Schnetzer Puskas,
Bâle; Takenaka Corporation, Japon
Conception de la façade Emmer Pfenninger Partner AG,
Münchenstein
Construction métallique Kawada Industries, Japon
Façades Josef Gartner GmbH, Japon
Construction structure porteuse : façade porteuse en poutres à
larges ailes, tous les assemblages soudés ; noyau : en tubes ronds
(charges verticales uniquement) ; «Tubes » comme supports des
dalles et raidisseurs supplémentaire des façades contre le flambage en tôle d’acier avec des nervures de renforcement ; dalle mixte
acier-béton. Façade rideau : verrouillage des poteaux en aluminium ; vitrage selon système « Vario DZ ».
Surface utile brute 2’860 m 2
Chantier avril 2001 – avril 2003
25
Prada Aoyama Epicenter, Tokyo
26
steeldoc 02/04
Impressum
steeldoc 02/04, juin 2004
Construire en acier
Documentation du Centre suisse de la construction métallique
Editeur :
SZS Centre suisse de la construction métallique, Zurich
Evelyn C. Frisch, Directrice
Conception graphique :
Gabriele Fackler, Reflexivity AG, Zürich
Rédaction et mise en page :
Alois Diethelm (ad)
Photos :
Couverture, p. 8 (à gauche), 19, 20 , 21, 23, 26 : Christian Richters,
Münster
p. 3, 10 : Grant Smith (Bell-Pottinger, Londres)
p. 4 : Kurt Ackermann (édit.), Industriebau, Stuttgart 1994
p. 5, 7: Carnegie Library, Pittsburgh (USA)
p. 6, 12, 15 (en bas): Schmidlin AG, Aesch
p. 8 (en bas), 13, 15 (en haut) : Victor Buyck – Hollandia Joint
Venture Ltd, Wraysbury
p. 9 : Akademie der Künste (édit.), Bruno Taut 1880–1938,
Berlin 1980
p. 11: Nigel Young (Bell-Pottinger), Londres
p. 24, 25 : Takenaka Corporation, Tokyo
Administration :
Andreas Hartmann, SZS
Impression :
Kalt-Zehnder-Druck AG, Zoug
ISSN 0255-3104
Abonnement annuel CHF 40.–
Numéros isolés CHF 15.–
Changements de tarif réservé
Construire en acier / steeldoc © est la documentation d'architecture du SZS Centre suisse de la construction métallique et paraît
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Toute publication des ouvrages implique l'accord des architectes,
le copyright des photos est réservé aux photographes. Une
reproduction et traduction même partielle de cette édition n’est
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27
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