barèmes à l`ancienneté un modèle à revoir

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barèmes à l`ancienneté un modèle à revoir
barèmes à l’ancienneté
un modèle à revoir ?
Catherine Stevens 2015

« Les associations [d’Éducation permanente] jouent un rôle essentiel dans l’accès à la citoyenneté de nombreux publics (…)
Il s’agit d’un pilier essentiel qui favorise l’analyse critique de la
société et l’adoption d’initiatives démocratiques citoyennes 1. »
« Actuellement, quelque 280 asbl sont reconnues dans le cadre
du décret Éducation permanente de 2003, et occupent environ
2 300 travailleurs équivalent temps plein 2. » Ces organisations
1
Interpellation du 04 décembre 2014, lors de la session de la Commission de la Culture et de l’Enfance du Parlement de la Communauté
française, de Mme Hélène Ryckmans à Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance, intitulée
« Inquiétudes du secteur de l’Éducation permanente sur son financement et l’emploi », (Article 76 du règlement, CRIc n° 45-Cult6 (20142015), p. 3.
2
www.educationpermanente.cfwb.be
2  barricade  2015
sont financées par le budget alloué au secteur du non marchand de la
Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le 18 décembre 2014, la députée Hélène Ryckmans (écolo) interpellait la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
Joëlle Milquet, à propos de l’inquiétude du secteur de l’Éducation
permanente quant à son financement et donc quant à l’emploi 3. Cette
inquiétude repose, notamment, sur l’accroissement des montants salariaux auxquels font face les associations et qui représentent 80 % du
budget moyen des associations d’Éducation permanente 4. En raison
d’un subventionnement déjà réduit 5, et aussi de ce mécanisme que
l’on croit avoir toujours connu, l’ancienneté, l’avenir de nombres d’associations est pour le moins sombre. Le montant salarial global augmente, notamment pour les équipes de salariés stables, au contraire
des subsides forfaitaires prévus par le décret Éducation permanente
qui, eux, n’évoluent pas ; nul besoin d’être mathématicien pour prévoir l’étranglement budgétaire qui s’annonce.
Vu l’aspect critique de la situation, la course aux solutions s’accélère,
et les méninges tournent à plein régime. Mais il n’en résulte que des
solutions provisoires, des rentrées ponctuelles dans le meilleur des cas.
Y a-t-il des solutions structurelles ? La réponse à cette question est
avant tout politique. Il s’agit de choix et de priorités. Subventionner
de manière appropriée un secteur d’une telle importance, aussi bien
3
Interpellation de Mme Hélène Ryckmans à Mme Joëlle Milquet, op. cit.
4
Ibidem.
5
« Le financement des activités et des emplois du secteur n’est assuré que de
manière partielle. Il couvrirait 91 % des frais de fonctionnement et 94,4 % des
emplois permanents. (…) Les exigences de volumes d’activités inscrites dans le
décret restent pourtant fixées à 100 %. » Ibidem.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 3

qualitative – il s’agit de citoyenneté – que quantitative – le nombre
d’emplois – nous semble tout sauf secondaire. Mais la route et la discussion promettent d’être animées, si toutefois elles voient le jour…
à défaut d’espérer à court terme une réponse adéquate des pouvoirs
subsidiants, que reste-t-il ? Se tourner vers soi, et envisager des techniques ou des bricolages forcément douloureux. Dans ce cadre étroit,
il est opportun de réfléchir au mécanisme de l’ancienneté lui-même
d’autant plus à l’heure où le gouvernement fédéral souhaite lui substituer la notion de mérite pour déterminer les salaires.
Finalement, d’où vient ce mécanisme ? En quoi consiste-il ? Faut-il et
est-il approprié de le remettre en question ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, un retour sur l’historique et l’évolution de la concertation sociale est nécessaire. Nous analyserons ensuite des propositions de modifications de ce mécanisme d’ancienneté
et nous en tirerons les conclusions.
base juridique et historique de la concertation sociale
En Belgique, ce sont les employeurs et les syndicats du secteur privé
qui déterminent ensemble les conditions de travail et les conditions
salariales minimales. « [Ils] sont habilités à produire des textes contraignants en droit, dans certaines conditions : les conventions collectives
de travail (CCT) 6. »
6
CESSoc, Recueil commenté des conventions collectives signées à la commission
paritaire pour le secteur socioculturel, avril 1995, p. 1.
www.interfede.be/dmdocuments/DOCS/recueil_cct.pdf
4  barricade  2015
On parle de concertation sociale. Celle-ci se déroule de façon échelonnée. Les conditions de travail et salariales collectives sont négociées
au niveau national au sein du Conseil national du Travail (Accord interprofessionnel), au niveau sectoriel au sein des commissions paritaires 7,
et dans certains cas au niveau de l’entreprise. Chaque échelon applique
les conditions décidées par l’échelon supérieur; l’entreprise respecte
celles du niveau sectoriel, le niveau sectoriel celles du niveau national.
« [C’est] au lendemain de la guerre 1914-1918 [que] débute la mise
en pratique des conventions collectives 8 » et des commissions paritaires, mais elles n’auront un statut légal qu’avec la Loi du 5 décembre
1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires.
Cette loi marque l’institutionnalisation de la concertation sociale.
Dans son livre, Le Rôle du gouvernement dans le dialogue social en
Belgique (1944-1981), Gregory Vercauteren estime que « l’État (…)
crée le cadre juridique de la concertation, détermine les organisations
appelées à y participer 9 ». Il ajoute que « les relations de pouvoir entre
interlocuteurs sociaux, et entre ceux-ci et les pouvoirs publics, ne sont
nullement fixées une fois pour toutes : elles varient en fonction du
contexte politique et socio-économique et des affinités idéologiques
entre les coalitions gouvernementales et les interlocuteurs sociaux 10. »
7
La Commission paritaire est le lieu où se déroulent les négociations entre les
organisations syndicales et patronales d’une même branche d’activité du secteur
privé. www.cne-gnc.be/index.php?c=1317
8
www.vocabulairepolitique.be/convention-collective-de-travail-cct
9
Gregory Vercauteren cité par Michel Capron, in « État et concertation sociale
en Belgique entre 1944 et 1981 », La Revue Nouvelle, septembre 2008, p. 84.
10
Ibidem.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 5

Ainsi le principe initial de la concertation sociale était que l’indépendance des partenaires sociaux (employeurs et syndicats) prévalait, mais
l’interventionnisme politique dans le dialogue social s’est développé
avec le premier choc pétrolier au milieu des années 70 et la progression
de la mondialisation, principalement au niveau fédéral et européen,
tant en matière de politique des revenus (modération salariale) que de
politique « structurelle » de l’emploi 11.
Toujours selon Gregory Vercauteren, « cette tendance s’est accentuée (…). Le rapport de forces entre interlocuteurs sociaux et gouvernement a ainsi basculé, les préoccupations économiques relatives au
redressement des finances publiques et à la compétitivité des entreprises ayant pris le dessus sur les questions d’emploi et de salaire 12 ».
On voit notamment apparaître la Loi du 26 juillet 1996 13 sur la
« norme salariale 14 » qui fixe la marge d’augmentation des salaires du
secteur privé tous les deux ans 15. à titre d’exemple, pour la période
2013-2014, « pour pallier à notre manque de compétitivité salariale
face aux pays voisins le gouvernement fédéral a figé les salaires 16 ». Les
11
Bureau fédéral du Plan, « La loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de
l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité – Quelques éléments
de réflexion sur la “norme salariale” », janvier 2012, p. 12.
www.plan.be/admin/uploaded/201202091214030.wp201202.pdf
12
Gregory Vercauteren cité par Michel Capron, op. cit., p. 86.
13
Loi relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité.
14
Norme salariale qui est déterminée en fonction de l’évolution prévue des salaires dans les trois pays de référence : l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.
15
www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=14406
16
www.jobat.be/fr/articles/comment-obtenir-une-augmentation-malgre-le-geldes-salaires
6  barricade  2015
augmentations salariales hors indexation automatique et augmentation barémique ne sont en théorie plus autorisées.
Voyons de plus près ce que sous-entend l’augmentation barémique
et plus largement comment sont fixés les salaires aujourd’hui.
fixation des salaires - barème salarial et ancienneté
Les barèmes salariaux permettent de déterminer le salaire d’un employé. Le choix de l’échelle barémique (= catégorie) appliquée à un
travailleur dépendra de la fonction exercée et / ou du diplôme tandis
que la position dans l’échelle choisie dépendra de son ancienneté.
Le salaire de l’employé progresse alors selon le barème choisi.
Les barèmes sont établis dans des conventions collectives de travail
lors de concertations sociales entre syndicats et employeur(s). Les barèmes salariaux, et donc les salaires, varient d’une commission paritaire à l’autre car ils sont déterminés en fonction des salaires en vigueur dans le secteur d’activités concerné ou encore en fonction de la
situation économique générale et / ou sectorielle (voire de l’entreprise).
Il n’existe cependant pas de « critères précis quant à la fixation des
salaires dépassant [l’indexation automatique] à l’évolution des prix de
détail 17 ».
Les barèmes sont contraignants, l’employeur ne peut donc pas attribuer une rémunération inférieure à celle fixée par ces derniers. Il reste
17
Commission des communautés européennes, « Critères à la base de la fixation des salaires et problèmes qui y sont liés pour une politique des salaires et
des revenus », Série politique sociale,1967, p. 22.
http://aei.pitt.edu/37377/1/A3313.pdf
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 7

libre d’octroyer une rémunération supérieure ou des avantages supplémentaires comme des chèques-repas ou une assurance hospitalisation.
Parallèlement, « certaines fonctions sont “non barémisées” car elles
sont considérées par l’employeur comme des fonctions de “cadre”.
L’employeur peut, dès lors, déterminer le salaire de ces fonctions de
manière autonome 18 », en dehors des conventions collectives de travail.
Origine des barèmes à l’ancienneté
Avant l’apparition des barèmes au début du xxe siècle, la fixation des
salaires dépendait d’une entente entre employeur et employé.
En effet, le statut du travailleur salarié a connu une évolution et un
développement importants grâce à la lutte menée par le mouvement
ouvrier, l’apparition du statut d’employé et l’avènement de la sécurité
sociale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Jean Verly nous
rappelle que : « Dans le cadre de la négociation collective, on aboutit
à ce que les salaires soient établis sur base de la fonction et non plus
sur base des performances individuelles ; on élimine ainsi l’arbitraire
qui existait dans l’appréciation des performances individuelles mais,
en conséquence, on s’éloigne, par le fait même, d’un principe de l’économie libérale selon lequel le salaire doit refléter la productivité du
travailleur pris individuellement 19 ». Ainsi, « le salaire est de moins
en moins directement lié au travail quantitativement effectué pour
s’étendre à la notion de sécurité d’existence du travailleur en finançant
18
www.cne-gnc.be/cmsfiles/file/CPNAE/ConditionsTravail%20218%20-%20
Avril%202012%20-12i.pdf
19
Jean Verly, Formation des salaires et concertation sociale, vol. 1, Ciaco, 1984, p. 120.
8  barricade  2015
le système légal de sécurité sociale ainsi que des régimes de sécurité
d’existence conventionnels 20 » 21. Le salaire paie ainsi une contrepartie
d’un travail presté, mais permet aussi de garantir un certain pouvoir
d’achat via l’indexation des salaires sur les prix à la consommation.
Le salaire minimum ne repose pas sur la qualification professionnelle mais sur celle de la satisfaction des besoins. On est alors dans un
contexte d’après-guerre (la Seconde Guerre mondiale) où l’optique
est la redistribution équitable des fruits de la croissance (ou gain de
productivité) entre toutes et tous, à travers la négociation salariale et le
développement de la Sécurité sociale.
Les premiers barèmes instaurés pour fixer le salaire des employés
étaient des barèmes à l’âge et non des barèmes à l’ancienneté. Selon
Jacques Wels, les barèmes à l’âge reposaient sur le principe suivant :
« Vous serez mal payés quand vous serez jeunes et vous serez surpayés
quand vous serez âgés avec, au final et en moyenne, une rémunération
juste 22 ». La position dans l’échelon barémique était alors fixée sur base
20
Les Fonds de sécurité d’existence sont des personnes morales qui sont instituées
dans un secteur à la libre initiative des partenaires sociaux au moyen d’une
convention collective de travail rendue obligatoire afin de remplir, à l’aide des
cotisations patronales perçues, des tâches d’utilité sociale. Ces fonds ont pour
objectif :
ÌÌ le financement, l’octroi et le versement d’avantages sociaux ;
ÌÌ le financement et l’organisation de la formation professionnelle des travailleurs et des jeunes ;
ÌÌ le financement et l’assurance de la sécurité et de la santé des travailleurs en
général.
Les Fonds Maribel social pour le secteur non-marchand privé en sont des
exemples. www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=519
21
Jean Verly, op. cit., p. 119.
22
www.references.be/carriere/salaires/Anciennete-quelle-experience-pour-quel-salaire
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 9

de l’âge du travailleur, postulant que l’expérience et l’expertise augmentent avec les années.
D’après José Marotte, « il semblerait que les traitements et les égards
particuliers dont faisaient l’objet les personnes les plus âgées dans les
plus vieilles civilisations sont à la base de cette notion. L’ancienneté
telle qu’on la connaît aujourd’hui serait ainsi une adaptation industrielle de cette réalité qui donnait la priorité aux aînés » 23.
Cependant, dans les années 2000, l’Europe 24 a jugé que l’âge était
un critère discriminant « au même titre que le sexe, la religion ou
l’origine ethnique 25 ». « Les barèmes existants restent inchangés, mais
l’évolution (annuités) dans ces barèmes est désormais basée sur le critère “expérience professionnelle utile” [autrement dit l’ancienneté] en
lieu et place du critère de l’âge 26. » L’ancienneté permet à l’employé,
pour un même travail, de voir son salaire augmenter progressivement
(tous les ans ou tous les deux ans en général).
État des lieux du système barémique actuel
à première vue, le système barémique basé sur l’ancienneté présente
l’avantage d’être objectif et identique pour tous les employés. Mais à
y regarder de plus près, il apparaît plus arbitraire que l’ancien système
23
Josée Marotte, « Le Principe d’ancienneté dans les conventions collectives au
Québec », Revue Reg@rds sur le travail, vol. 3, n° 2, p. 2.
24
La loi belge du 10 mai 2007 a transposé la Directive européenne 2000 / 78 portant sur la non-discrimination barémique sur base du critère de l’âge.
25
www.references.be/carriere/salaires/Anciennete-quelle-experience-pour-quel-salaire
26
www.groups.be/1_38391.htm
10  barricade  2015
basé sur l’âge. En effet, l’ancienneté, qui n’est pas définie légalement,
est une notion très souple. Selon la commission paritaire et le poids
des différents acteurs, la définition de l’expérience peut être très large (prise en compte de la qualification, du service militaire, des périodes
de chômage, de l’expérience dans d’autres entreprises, secteurs, …)
ou très limitée. D’après Jacques Wels, sociologue à l’ULB, « Ce qui
est prévisible, c’est que moins les syndicats seront présents dans ces
commissions, plus la définition de l’expérience sera restreinte 27 ».
Par ailleurs, la Centrale Nationale des Employés 28 (CNE) note à juste
titre que « Les femmes et les jeunes accumulent moins d’ancienneté,
les intérimaires 29 et les contrats à durée déterminée (CDD) ne parviennent pas toujours à faire valoriser leur expérience professionnelle
antérieure quand ils sont embauchés, etc. 30 » Les employés au parcours
professionnel plus fluctuant peuvent être amenés à percevoir un salaire
moindre sur l’ensemble de leur carrière que des employés qui restent
dans la même entreprise, un type de carrière qui a par ailleurs tendance à se raréfier.
27
www.references.be/carriere/salaires/Anciennete-quelle-experience-pour-quel-salaire
28
Affiliée à la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC) de Belgique.
29
Il est intéressant de noter que la Commission paritaire du travail intérimaire
(CP-322) ne prévoit pas d’augmentation barémique liée à l’ancienneté, ni pour
les ouvriers, ni pour les employés.
30
www.cne-gnc.be/--%20le%20droit/LeDroitJanv09Textes/bareme.doc
Suppression des barèmes à l’âge.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 11

conséquences du système barémique à l’ancienneté pour
le secteur socio-culturel et propositions
La Commission paritaire 329 du secteur socioculturel 31, dont dépend
le secteur de l’Éducation permanente, a été mise sur pied au milieu
des années 1990 et prévoit, via les conventions collectives de travail,
des indexations de salaires et des augmentations barémiques. Pour les
associations subventionnées, cela a mis fin à l’ancien système « je reçois
autant de subside pour l’emploi donc je paie autant les travailleurs 32 ».
Si l’évolution est positive pour les salariés de ce secteur qui reçoivent
un salaire moins précaire, les pouvoirs publics n’ont cependant pas
adapté leurs subventions en conséquence. Dès lors, une tension s’est
installée entre l’évolution des moyens de subventions et les salaires.
C’est la situation à laquelle sont confrontées certaines des associations
du secteur socio-culturel et donc également celles du secteur de l’Éducation permanente aujourd’hui. Des subsides stables pour une équipe
dont la stabilité implique des salaires en hausse, avec à la clé un trou
budgétaire à combler pour ces associations.
Pour rééquilibrer les comptes, plusieurs « solutions » pourraient être
envisagées :
ÌÌ licencier les anciens pour engager des plus jeunes dont le salaire
est moins élevé. Adopter cette option, qui permet effectivement
de diminuer les montants salariaux, signifie également la perte
31
Elle comprend : Ateliers de production, Bibliothèques, Centres culturels, Centre
de jeunes, Éducation permanente, Fédérations sportives, La Médiathèque, Organisations de jeunesse, Télévisions locales.
32
Laure Van Ranst, « De la particularité de la Commission paritaire du secteur
socio-culturel », CESEP asbl, décembre 2007, p. 30.
www.cesep.be/etudes/politique/la%20particularite%20de%20la%20CP%20329.pdf
12  barricade  2015
de connaissances, d’expérience, de réseau, l’anonymisation de la
structure… ;
ÌÌ diminuer le temps de travail des travailleurs et par là-même leur
salaire est une autre option, mais elle implique aussi de fournir la
même charge de travail pour un temps de travail réduit ;
ÌÌ devenir « subsidiologue » et aller à la pêche aux subsides pour
combler le déficit. En général, les subsides ponctuels sont octroyés pour financer de nouveaux projets. Cela signifie une augmentation de la charge de travail et une réorientation constante:
le temps passé à constituer le dossier, à le mettre en œuvre et à
justifier sa réalisation auprès de l’administration. Cela a pour
conséquence principale de détourner les associations de leur objet social ;
ÌÌ geler l’ancienneté est une piste qui pourrait permettre de stabiliser le montant salarial global, mais cette solution n’est pas
autorisée par les CCT et elle désavantagerait fortement le salarié.
Les différentes options explorées ci-dessus ne sont donc pas efficaces,
elles reviennent à appliquer un emplâtre sur une jambe de bois. Pour
trouver des solutions plus structurelles, moins bancales, la problématique doit bien sûr être envisagée à un niveau plus global : adapter
les subsides au système barémique de la Commission paritaire 329
basé sur l’ancienneté ou à l’inverse, et avec tous les risques que cela
comporte, repenser les barèmes pour qu’ils s’adaptent aux modes de
subventionnement.
Poursuivons donc cette dernière option et voyons s’il est envisageable et surtout souhaitable de faire évoluer les barèmes.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 13

L’accord gouvernemental adopté en 2014 33 prévoit de mettre en
place des barèmes non plus liés à l’ancienneté, mais d’introduire (progressivement) un système d’évolution basé sur la compétence et la productivité.
L’argument principal pour remettre en cause le système actuel
consiste à dire qu’il découragerait l’engagement des travailleurs âgés
ou expérimentés, considérés comme plus coûteux, mais pas forcément
plus productifs. Si l’on suit l’« avis sur la relation entre salaire et ancienneté 34 » émis par le Conseil supérieur de l’Emploi en octobre 2014,
ce raisonnement est à relativiser : « La présente analyse a montré que
cette dérive salariale ne constituait pas, à l’heure actuelle, la cause principale de la faible participation à l’emploi des travailleurs âgés de plus
de 55 ans. Les possibilités de sortie anticipée (…), l’insuffisance de la
formation professionnelle continue et la faible mobilité fonctionnelle,
par exemple, sont des facteurs plus importants 35 ». Cela veut dire que
la problématique des hausses de salaire liées à l’ancienneté ne peut être
ignorée, mais qu’elle n’est pas le facteur prépondérant pour expliquer
le faible taux d’emploi des travailleurs âgés. Par ailleurs et selon le
SETCa, il n’est pas établi que la productivité diminuerait à partir d’un
certain âge 36.
33
En août 2015, la presse communiquait que l’Open Vld avait l’intention de
déposer un texte de loi allant dans ce sens à la rentrée.
34
Conseil supérieur de l’emploi, « Avis sur la relation entre salaire et ancienneté », octobre 2014, p. 48.
www.emploi.belgique.be/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=42052
35
Ibidem, p. 16.
36
www.setca.org/News/Pages/Salairesanciennete.aspx
14  barricade  2015
Derrière cet argument habituel se cachent d’autres motifs qui sont
moins mis en évidence :
ÌÌ la volonté pour les employeurs d’avoir plus de liberté quant à la
manière de payer les travailleurs individuellement 37 ;
ÌÌ la volonté de recourir à des formes de travail les moins coûteuses
possibles 38 ;
ÌÌ la volonté de pouvoir faire évoluer les salaires en fonction des
conditions économiques des entreprises 39 ;
ÌÌ la volonté d’avoir une meilleure adéquation entre salaires et productivité.
En d’autres mots, le souhait est de tendre à une plus grande libéralisation dans la fixation des salaires. Tendance qui s’inscrit parfaitement
dans l’orientation (néo)libérale du gouvernement actuel et dans les
mesures de détricotement du système social belge.
Déterminer les salaires en fonction de la productivité, des compétences « réelles » du travailleur quel que soient son âge et son degré
d’expérience ferait face à plusieurs écueils 40 :
37
www.setca.org/News/Pages/Salairesanciennete.aspx
38
Jean Verly, op. cit.
39
Conseil supérieur de l’emploi, op. cit., p. 12.
40
Dont le moindre n’étant pas l’oubli des arguments développés et déjà convaincants lors des luttes sociales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 15

ÌÌ la progression salariale ne serait plus automatique, mais individualisée. Ce qui aurait comme conséquences une concurrence
entre les travailleurs, la perte du sens du travail collectif avec au
final une solidarité abîmée. Par ailleurs, « la moyenne salariale
va peut-être rester la même pour une tranche d’âge, explique
Jacques Wels, mais on va se retrouver avec des valeurs minimales
et maximales très éloignées de cette moyenne. Une évolution qui
laisse craindre de nombreuses disparités 41 » ;
ÌÌ la productivité est difficile à mesurer individuellement. En effet,
des facteurs aléatoires / externes peuvent intervenir dans le succès
ou l’échec d’une tâche et la productivité ne tient pas compte de
l’expérience. La porte est ainsi ouverte pour l’arbitraire, le favoritisme et l’augmentation de la pression vers plus de flexibilité et
de productivité ;
ÌÌ le danger d’effritement d’un statut laborieusement acquis et le
retour vers une logique de laisser-faire qui était de mise au 19e
siècle. Le travailleur était alors soumis à la loi de l’offre et de la
demande avec à la clé un salaire fluctuant selon la bonne santé
financière et les besoins de l’employeur. C’est le travailleur qui
supporterait le risque lié aux fluctuations de l’activité.
Au-delà des ces conséquences négatives, l’objectif du gouvernement
est d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs plus âgés. Si le système basé sur les compétences pourrait effectivement aller dans ce
sens, l’hypothèse la plus probable est que ces travailleurs âgés auraient
alors l’obligation de brader leur force de travail. Le moins exigeant
l’emporterait.
41
www.references.be/carriere/salaires/Anciennete-quelle-experience-pour-quel-salaire
16  barricade  2015
On peut également noter l’intrusion du gouvernement dans la
concertation sociale qui est historiquement la prérogative des syndicats et des employeurs. De plus, « une norme uniforme serait d’ailleurs
sans fondement étant donné la grande diversité des fonctions et des
spécificités des branches 42 ». à ce stade, le constat est clair, il n’est
pas souhaitable de prôner une solution globale, libérale et simpliste à
une problématique complexe. « La rémunération à la performance ne
peut pas constituer la composante principale de la rémunération du
salarié 43. »
Ce système apparaît pour le moins peu souhaitable, explorons dès
lors une autre piste.
évacuer l’ancienneté ?
Ne pourrait-on envisager pour le secteur socio-culturel un système
où chaque salarié percevrait un salaire identique quelle que soit son
ancienneté ? Cette situation est déjà vécue par la plupart des ouvriers.
En effet, ils reçoivent, en général, un salaire identique pour une même
fonction tout au long de leur carrière.
Le salaire, au lieu de croître au fil des années, serait alors lissé sur
la durée de la carrière. Ce lissage pourrait être envisagé à condition
qu’il ne se fasse pas au détriment de l’employé. Ainsi, une moyenne
des différentes échelles barémiques serait réalisée. Par exemple, une
échelle barémique qui propose un salaire de départ de 2000 € brut et
un salaire de 3000 € brut après 20 ans d’ancienneté se transformerait
42
Conseil supérieur de l’emploi, op. cit., p. 14.
43
Conseil supérieur de l’emploi, op. cit., p. 42.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 17

en un salaire de 2500 € brut tout au long de la carrière. Le principe
d’ancienneté serait donc supprimé et seule la fonction resterait un déterminant possible du salaire.
Ce mode de rémunération permettrait aux associations d’avoir des
montants salariaux constants qui s’ajusteraient aux subsides constants
qu’elles perçoivent.
Pour les employés, des avantages émergent également :
ÌÌ la reconnaissance de l’ancienneté ne serait plus un enjeu lors
d’un changement d’employeur, à tout le moins, dans le même
secteur ou à condition que les changements se fassent dans toutes
les commissions paritaires ;
ÌÌ le montant de la rémunération des travailleurs plus âgés ne pourrait plus être utilisé comme argument en leur défaveur ;
ÌÌ un salaire qui n’est plus différé durant la carrière (un salaire plus
faible au début et un salaire plus élevé à la fin de carrière) permettrait aux jeunes employés de pouvoir faire face plus facilement à
des dépenses – installation, charges de familles – auxquelles les
travailleurs âgés ne sont peut-être plus astreints.
Une telle modification peut paraître séduisante au premier abord,
mais ce n’est évidemment pas si simple :
ÌÌ ce modèle bouscule les mentalités et remet en cause un système
où les aînés ont plus de privilèges et où la valorisation de l’expérience est considérée comme normale / acquise ;
18  barricade  2015
ÌÌ l’augmentation salariale peut être par ailleurs un levier d’action
pour préserver la motivation au travail et la « fidélité » auprès
d’un employeur même si dans certaines associations du secteur
socioculturel les principales motivations sont autres : objet social, contexte de travail, etc.
ÌÌ la mise en place d’un tel système augmenterait, dans un premier
temps, le volume salarial. Les travailleurs à l’ancienneté élevée
devraient continuer à suivre l’ancien système barémique sous
peine d’être pénalisés financièrement en retombant au salaire
moyen défini dans les nouveaux barèmes, tandis que les plus
jeunes auraient un salaire d’emblée plus élevé ;
ÌÌ on peut également se demander si ce système, qui pourrait
convenir à certaines asbl du secteur socio-culturel, conviendrait
également à d’autres. En effet, le secteur est extrêmement hétérogène.
conclusion
Via l’analyse de ces deux options 44 : salaire au mérite ou salaire constant,
on voit que développer une alternative valable au salaire basé sur l’ancienneté n’est ni simple, ni souhaitable. Tout changement dans le système basé sur l’ancienneté, certes imparfait, aura des conséquences
potentielles sur le niveau de rémunération des employés, et proba44
Il y en a d’autres :
ÌÌ rendements décroissants de l’accumulation de l’expérience au sein d’une
fonction donnée, ce qui justifierait un plafonnement de l’ancienneté.
ÌÌ salaire fixe + partie aux résultats. Part variable dans la rémunération des
travailleurs.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 19

blement sur leur qualité de vie au travail. En effet, dans le contexte
politique libéral actuel, enlever ou bouger une pièce ou des pièces du
système sans stratégie globale de remplacement serait hasardeux.
« Bénéficier d’un salaire juste, adapté au coût de la vie, est un acquis
social important du siècle dernier, comme le revenu garanti en cas de
maladie, de chômage ou de vieillesse. Mais ces conquêtes sociales sont
toujours à défendre 45. » Le travail syndical d’aujourd’hui consisterait
dès lors à lutter pour maintenir ce qui a été conquis et éviter ainsi une
précarisation du travailleur (même si elle est déjà en marche), tout en
ne s’interdisant pas de nouvelles luttes (réduction du temps de travail,
etc). Il ne s’agit donc pas d’une mentalité conservatrice, comme aime
à le qualifier une certaine droite, mais préservatrice.
Dès lors s’il n’est ni souhaitable, ni possible de toucher aux barèmes,
la boucle se boucle, et nous voilà renvoyés vers le politique, et les pouvoirs subsidiants. Il s’agit donc de revendiquer auprès de ceux-ci un
financement tenant compte de l’ancienneté pour le secteur de l’Éducation permanente et plus largement pour le secteur socio-culturel.
Nous sommes là au cœur du problème.
Catherine Stevens, décembre 2015
45
www.csc-en-ligne.be/csc-en-ligne/La-CSC/Qui-nous-sommes/Histoire/
conquetes-du-mouvement-ouvrier/histoire-du-salaire/histoire-du-salaire-1/histoire-du-salaire-1.html
20  barricade  2015
pour aller plus loin
Pour illustrer l’impact des différents modes de rémunération, nous
vous proposons un exemple fictif 46. à cette fin, nous avons imaginé
une association d’Éducation permanente, bien éloignée des missions
et de la dynamique de Barricade pour éviter toute confusion.
En appliquant les différents systèmes salariaux (âge, ancienneté,
mérite, fixe), nous verrons les conséquences pour nos salariés fictifs.
Le trait est grossier et le mode de fonctionnement d’une association
d’Éducation permanente n’est pas représentatif du monde du travail
actuel dans sa globalité. La réalité d’une usine de confection n’est pas
celle d’une école qui n’est pas celle d’une start-up, etc. Mais nous pensons que cet exemple vous permettra de mieux conceptualiser notre
propos et de le transposer à d’autres cadres.
L’association
Reconnue pour former des animateur-trices socio-culturels, l’association FormAnim’Action occupe quatre employé-es. Si une part
de leur temps de travail est consacrée aux tâches administratives,
comptables et organisationnelles, l’essentiel de leur activité est centré sur la formation d’animateur-trices. Ces formations s’organisent
dans une logique de co-construction des savoirs et d’émancipation
collective.
46
Réalisé avec l’aide de Jérôme Becuwe.
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 21

Les quatre employé-es
Jeanne
âgée de 60 ans, salariée de l’association depuis 10 ans, elle n’avait
pas d’expérience valorisable avant son embauche.
Jeanne est très impliquée dans l’élaboration des formations. Nouvelles approches, développement méthodologique, maîtrise des attentes et des conditions de l’éducation permanente, souci de la
co-construction des savoirs, autant de réflexions de fond qui garantissent à l’association la qualité et la conformité de son travail.
Bonne formatrice également, elle pêche néanmoins par un manque
d’assurance lors des réunions d’équipe et parvient difficilement à
se faire entendre sur la légitimité de sa désignation pour la prise
en charge de formations. Ceci-dit, elle n’a plus la même énergie
qu’à ses 20 ans et la prise en charge de trop nombreuses formations
s’avérerait éreintante.
Dimitri
âgé de 45 ans, salarié de l’association depuis 20 ans, il a participé à
sa création et à son développement.
Dimitri est certes très expérimenté mais aussi fort peu enclin au
changement, à la remise en question. Arguant une longue pratique
(bien réelle) formative, il ne laisse que peu de place à ses collègues
pour l’attribution des formations. Il est, de son point de vue, plus
prudent de lui laisser les plus sollicitées, à l’audience la plus large.
Lors des réunions d’équipe, il accapare l’essentiel du temps de parole, ne tient guère compte de l’avis de ses collègues, et impose
22  barricade  2015
tacitement ses vues. Plutôt dirigiste, il se pose comme le garant de
la stabilité du projet et du respect de ses missions.
Suzanne
âgée de 30 ans, salariée de l’association depuis 5 ans, elle a rejoint
l’équipe grâce à ses qualités indéniables de formatrice.
Suzanne est très efficace et appréciée des animateur-trices formé-es. Si elle brille en exercice, la réflexion sur le fond même de
son travail l’indiffère complètement. Elle connait bien les enjeux
et attentes de l’éducation permanente mais à titre de cadres administratifs, méthodologiques. Les objectifs émancipateurs du projet sont bien éloignés de ses préoccupations. C’est une travailleuse
énergique qui apprécie la routine et ne veut pas s’embarrasser de
questions existentielles. En équipe, elle s’exprime peu sauf lorsqu’il
s’agit de la prise en charge de formations. Dimitri & Suzanne assument la majeure partie des formations et délèguent certaines tâches
moins stimulantes à leurs collègues.
Nicolas
âgé de 25 ans, Nicolas vient juste d’être embauché. C’est son premier emploi rémunéré à temps plein.
Nicolas pâtit encore de son inexpérience pratique. S’il a bien les
bases théoriques, les formations qu’il assure manquent de rythme
et de souplesse. Mais tout le monde est passé par là et l’équipe lui
laisse le temps de faire ses armes et de s’affirmer. Par contre, c’est
un bosseur et il a rapidement initié la production de supports pédagogiques ou méthodologiques fort utiles pour l’ensemble des for-
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 23

mateur-trices : PowerPoint, carnets d’exercices, grilles d’évaluation,
plannings, etc. En équipe, il a du mal à s’affirmer sauf lorsqu’il
s’agit des outils qu’il développe. Encore en rodage, il assume les
formations les moins complexes, les moins suivies.
Voici un tableau récapitulant âges, ancienneté et salaires bruts mensuels selon le barème envisagé suivi d’illustrations de leur application.
Pour info, l’échelle barémique 4.1 de la Commission paritaire 329 est
appliquée.
âge
Ancienneté
Salaire
au mérite
Barème
à l’âge
Barème à
l’ancienneté
Barème
identique
Jeanne
60
10 ans
2.737
4.047
3.174
3.437
Dimitri
45
20 ans
3.853
3.853
3.659
3.437
Suzanne
30
5 ans
3.028
3.125
2.931
3.437
Nicolas
25
0
2.604
2.834
2.604
3.437
Salaire brut mensuel exprimé en euros.
Salaire au mérite
Considérant que le mérite est objectivable, l’association opte pour
un ratio formations / participant-es afin de déterminer qui aura
« assumé » le volume de travail valorisable le plus important. Dans
notre exemple, il s’agit de Dimitri & Suzanne. Le travail de consolidation et de réflexion de Jeanne, l’emploi des supports nombreux développés par Nicolas ne sont pas considérés dans le calcul.
De même, l’accaparement (conscient ou non) des formations les
plus suivies relève aussi d’un problème de dynamique d’équipe
dont le calcul au mérite n’a cure. Les tâches administratives, comptables, logistiques sont délaissées par les formateurs principaux qui
réduisent ainsi d’autant le volume potentiel de formations réalisées
par le reste de l’équipe. La disparité salariale ne reflète pas, dans
24  barricade  2015
notre exemple, l’implication professionnelle voire personnelle, ni
même la charge de travail.
Salaire à l’âge
Jeanne perçoit le salaire le plus élevé. Plus élevé que celui de Dimitri
qui a pourtant le double d’expérience. Dimitri dont le salaire est plus
élevé que celui de Suzanne qui assure presque autant de formations.
Suzanne qui perçoit un meilleur salaire que Nicolas qui pourtant ne
ménage pas sa peine et qui se sent plus impliqué que sa collègue.
Salaire à l’ancienneté (celui en vigueur)
Seule l’expérience valorisable est prise en compte. Dimitri est le
salarié le plus ancien de l’association et non le plus âgé. Il peut
donc se prévaloir d’une expérience plus longue et plus forte. Mais
Jeanne, bien que plus récente au sein de l’équipe, a rapidement pris
le pas et réalise un important travail de réflexion et de consolidation du projet que n’assume plus Dimitri. De même, si Suzanne a
plus d’expérience que Nicolas fraîchement arrivé, il est évident que
Nicolas impulse une dynamique plus forte et plus en adéquation
avec les objectifs de l’association que cette dernière. Suzanne ne
remet guère en question la différence salariale avec Dimitri. S’ils
abattent quasi le même travail au niveau des formations, Dimitri
maîtrise mieux les enjeux de l’association.
Barème identique
Tout l’équipe perçoit le même salaire, peu importe la nature ou la
charge de travail. Situation qui peut déplaire à Dimitri & Suzanne
qui assument quasi la majorité des formations, à Jeanne & Nicolas
qui se sentent bien plus impliqués que Suzanne, à Suzanne qui a
Barèmes à l’ancienneté, un modèle à revoir ? 25

tout de même 5 ans de plus au compteur que Nicolas etc. Il s’agira
donc de veiller qu’à salaire égal, le travail le soit aussi dans sa répartition. Et comme pour l’approche au mérite, de la nécessité de
réfléchir à la quantification des tâches, de leur charge, de distinguer
ce qui relève parfois d’une hiérarchisation construite (tâche noble /
tâche ingrate, travail intellectuel / travail manuel).
◊◊◊
Et quelques lectures
L’article « État et concertation sociale en Belgique entre 1944 et 1981 »,
La Revue Nouvelle, septembre 2008, p. 84-88.
Michel Capron y fait un résumé du livre de Gregory Vercauteren, Rôle du gouvernement dans le dialogue social en Belgique (19441981), qui permet d’avoir un aperçu du rôle que l’état a joué dans
la concertation sociale après la seconde guerre mondiale.
Disponible sur internet à l’adresse suivante :
www.revuenouvelle.be/IMG/pdf/084-088_Article_Capron.pdf
L’utilisation des contrats à zéro heure (Zero Hour Contracts) OutreManche est un exemple parlant de dérive amenée par une « dérégularisation » à outrance du système de fixation des salaires. Lire notamment
l’article « Au Royaume-Uni, les damnés des Zero Hour Contracts » disponible sur internet : http://alencontre.org/europe/grande-bretagne/
royaume-uni-les-damnes-des-zero-hour-contracts.html.
26  barricade  2015
Autres analyses disponibles sur notre site :
2015
–– Prostitution – Qu’apporte la réflexion féministe ?
–– Dévoiler la vertu des femmes – Ou comment mettre sur la place publique les
gestes qui en sont exclus.
–– Permaculture et maraîchage biologique – Un choix économiquement intéressant ?
–– La Permaculture, le nouveau graal agricole ? – Ou la permaculture peut-elle
nourrir l’humanité ?
–– Sous les jupes de l’école.
–– Penser en milieu consensuel (à quoi consentons-nous ?).
–– Coopératives et démocratie – Un état des lieux de la question pour encourager
la vitalité démocratique des coopératives.
–– Entreprises démocratiques et changement social – Quelles perspectives ?
2014
–– Le Capitalisme numérique – En route vers un e-avenir radieux ? [étude]
–– Les Compagnons de la terre – Réinventer l’agriculture en Wallonie.
–– Le Nucléaire pour l’après-pétrole ?
–– C’est dans votre intérêt ! – Crédits, intérêts et concentration des richesses.
–– Le Chemin vers une société solidaire sera multiforme.
–– Et toi, tu as des enfants ?
–– Avoir un enfant ou interrompre sa grossesse, deux choix responsables.
–– Faut-il moraliser l’économie sociale ?
–– Sortir de la double servitude d’un métier et d’une protection masculine –
Pour une réflexion féministe sur le revenu de base.
–– Alors, ça vient ? – Pourquoi la transition se fait attendre.
–– Sainte-Croissance, priez pour nous !
–– L’Accord sur le commerce des services.
–– Accords multilatéraux de libre-échange.
publications précédentes barricade 27


–– La Responsabilité sociale de l’entreprise.
–– Entreprise, changement social & démocratie – Quel rapport ?
–– Démocratie en entreprise – Les bonnes intentions ne suffisent pas.
–– L’évolution des initiatives de Transition [2] – Leur rapport au territoire.
2013
–– L’innovation marchande – Une politique hautement toxique [étude].
–– La Consommation critique comme action collective.
–– La Désobéissance civile – Un vecteur de changement social ?
–– Masculinisme, antiféminisme – Banalisation d’une pensée réactionnaire.
–– Revenu garanti et monde associatif.
–– L’évolution des initiatives de Transition [1] –
Des ambitions économiques et entrepreneuriales plus affirmées.
–– Universel patriarcat & légendaire matriarcat.
–– Groupements d’achats alimentaires –
De la diversité des pratiques à un cadre commun ?
–– De la prétendue neutralité des outils - Le benchmarking et les services publics.
–– Ma civilisation est-elle meilleure que la tienne ? (notre civilisation est-elle meilleure
que la leur).
–– Résilience en temps de catastrophe.
–– Le care - Penser une nouvelle citoyenneté ?
–– La transparence dans le service public. Une exigence plus opaque qu’il n’y paraît.
–– L’anthropocène. L’ère de l’incertitude.
–– Anti-extractivisme et Transition. Croiser les perspectives.
–– Quelles alliances stratégiques pour le mouvement de la transition ?
–– Poésie & transition. Pour une Poétique du changement.
–– ...
Lieu d’émancipation collective et de création d’alternatives, Barricade expérimente
dans les domaines culturels, sociaux et économiques depuis 1996.
Barricade est engagée dans différents mouvements sociaux et citoyens ainsi que
dans le développement de projets économiques alternatifs dont la visée commune
est de promouvoir l’égalité et la justice sociale.
Depuis 2010, nos publications s’inscrivent dans ce contexte et sont le fruit d’une
démarche de recherche-action, d’une implication de terrain dans la transformation de la société. Barricade
est également un espace public de débat permettant la rencontre des paroles citoyennes, militantes,
syndicales, associatives, académiques & politiques. Enfin Barricade constitue un lieu d’accueil pour de
nombreux collectifs et associations, et tout simplement un lieu d’échanges et de convivialité. C’est tout
ça Barricade. Toutes les analyses sur : www.barricade.be