Fiche du film
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Fiche n° 1357 Le TRESOR de CORNELIU PORUMBOIU Du 9 au 15 MARS 2016 LE TRESOR de CORNELIU PORUMBOIU Sortie nationale : 10 février 2016 Avec Toma Cuzin, Adrian Purcarescu, Corneliu Cozmai Duréehttp://fakeimg.pl/450x600/ :1H 29 Genre : comédie grinçante. “Le Trésor”: un film désopilant et glaçant Une chasse au trésor dans un quartier de la moyenne bourgeoisie roumaine. Une métaphore politique cinglante. Corneliu Porumboiu fut un des hérauts de ce nouveau cinéma roumain qui, au milieu des années 2000, récoltait les prix cannois. Tandis que son premier long métrage, 12 h 08 à l’est de Bucarest, obtenait la Caméra d’or en 2006, Cristi Puiu raflait le prix Un certain regard en 2005 (pour La Mort de Dante Lazarescu), deux ans avant la Palme d’or de Cristian Mungiu (pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours). Porumboiu est probablement celui qui offre les meilleurs gages de filmo durablement intéressante. Après des comédies grinçantes (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif…), des films plus conceptuels (la fiction Métabolisme, le docu Match retour…), Porumboiu confirme son excellence en matière d’humour pince-sansrire, d’ironie grinçante, de proposition formelle forte et de vigueur politique en contrebande. Un étrange deal : Son nouveau héros est Costi, jeune père de famille, cadre plus ou moins dynamique, membre de la nouvelle bourgeoisie urbaine montante de Bucarest. Un soir, son voisin sonne à sa porte pour lui proposer un étrange deal : persuadé qu’un trésor est enfoui au fond du jardin de son père décédé, il veut taper Costi de quelques billets afin d’acheter un détecteur de métaux pour repérer le supposé trésor ; en échange du service, il offre à Costi une part du futur et hypothétique magot. A lire ces prémisses, on voit déjà tout le potentiel tragicomique de la situation, son allumage de toutes les dialectiques éthiques et morales possibles. Le voisin est-il un vulgaire arnaqueur ou un type sincère ? Costi doit-il se lancer dans un investissement aussi improbable qu’un trésor ? Par ailleurs, en admettant que pluie d’or il y ait, on sait ce qu’il advient quand il s’agit de partager un butin, de nombreux films (voire la vie) nous l’ont enseigné : en voulant deux “tu l’auras ” plutôt qu’un “tiens”, on court à l’échec – c’est la morale courante, de L’Ultime Razzia à Mélodie en sous-sol en passant par Quand la ville dort ou No Country for Old Men. Une société contaminée par l’égoïsme. Il faut voir comment Porumboiu filme les négos entre Costi et son épouse, les arrangements avec les supérieurs hiérarchiques pour manquer des journées de boulot et s’occuper de sa chasse au trésor : c’est à la fois désopilant et glaçant, filmé en plans fixes et grisâtres, et ça dépeint en intertexte une société roumaine rongée par l’appât du gain, contaminée par l’égoïsme naissant entre les interstices d’une parano ceaucescuienne toujours prégnante. Et puisqu’on évoque Ceaucescu, le film nous apprend ensuite que de nombreuses familles roumaines avaient planqué leurs économies au moment de l’avènement du régime par crainte de se faire dépouiller au nom de l’avenir radieux du communisme. L’hypothèse du trésor devient donc historiquement crédible ! Grâce et précision L’achat du détecteur de métaux, puis la recherche du graal sous la pelouse avec les bip bip récurrents et agaçants de l’appareil sont d’autres séquences aussi désopilantes qu’intensément narquoises. A la métaphore sociopolitique s’ajoute une observation impitoyable quoiqu’amusée de la nature humaine dans ce qu’elle peut revêtir de glorieux ou de pathétique. Porumboiu imprime à chaque scène un intérêt en soi doublé d’une signification qui l’excède, politiquement ou philosophiquement. Sans déflorer l’issue de ce conte moderne, disons que le mélange de grâce et de précision, d’inspiration humoristique et dramaturgique et de rigueur scénaristique et formelle baigne ce film jusqu’à ses ultimes moments. Il existe des desserts qui marient parfaitement le chaud et le froid : Porumboiu en propose ici l’équivalent cinématographique et ça n’a rien de tiède.Le trésor, c’est ce film. Les Inrocks L «LE TRÉSOR», ENFANTS DE BUTIN par Liberation De la génération dorée de jeunes cinéastes de Bucarest éclose au milieu des années 2000 (les Cristi Puiu, Cristian Mungiu, Radu Muntean et autres Radu Jude), qui avait tout raflé à Cannes (prix d’interprétation ou d’Un certain regard, palme et caméra d’or, notamment) et que l’on s’était alors plu d’affubler à leurs corps défendant du label «Nouvelle Vague», Corneliu Porumboiu apparaît aujourd’hui le plus estimable portedrapeau, le seul dont le parcours emprunte si constamment de nouvelles voies passionnantes. Après avoir signé coup sur coup Métabolisme ou quand le soir tombe sur Bucarest et le parfait ready-made à base de football roumain eighties Match retour, deux propositions d’une aridité conceptuelle de surface qui tranchait avec ses riants débuts (12 h 08 à l’est de Bucarest, caméra d’or 2006), il revient à une forme plus ronde et enjôleuse dans le Trésor. Magot. Dans ce cinquième long métrage en dix ans, le cinéaste renoue avec un registre de douce farce et le recours à de longs plans séquences où les situations anecdotiques qui mettent aux prises deux ou trois personnages se gangrènent à petit feu pour enfler ainsi vers une redoutable densité d’absurdité tragicomique. On découvre les protagonistes de ce beau Trésor sur le seuil du film et de l’appartement du héros, Costi, un soir où l’un de ses voisins, qu’à l’évidence il connaît à peine, vient le trouver pour lui faire part de sa situation d’étranglement financier et solliciter son aide. Accablé de dettes, il cherche à emprunter 800 euros pour s’éviter la banqueroute. Une somme considérable pour Costi, jeune père de famille croupissant dans un boulot ingrat de gestion immobilière, et qui ne saurait la lui avancer. L’autre revient alors à la charge, évoquant un magot de pièces d’or supposément enfoui à la veille de la prise de pouvoir communiste par son grand-père, dans le jardin de la vieille demeure de famille à la campagne. Son offre, limpide, consiste à aller le déterrer et à en partager le bénéfice en compensation d’une avance des frais de voyage et de détecteur de métaux. Evidemment, tout se révèle plus compliqué qu’il n’y paraissait, sans pour autant que le film s’efforce jamais de faire monter la sauce dramaturgique, jouant au contraire de l’inexorable enlisement de ses situations et de la surchauffe des tempéraments en présence qu’elle suscite. Soif d’or. La restitution pan par pan de l’histoire familiale du grand-père et la chasse au trésor dans les abords d’une maison - qui rendit successivement office de forge, de briqueterie, de strip-club et de salles de machines à sous - font prétexte à éplucher strate par strate ces alluvions de l’histoire dont la sédimentation feuilletée aura façonné la Roumanie moderne. Un pays dont Porumboiu se plaît ici encore à délivrer un féroce portrait des apories, de l’ineptie adminitrative avec une éclatante science du gag pointilliste. Lorsqu’au terme d’une journée à s’enliser dans les ténèbres et la soif d’or des personnages, très littéralement et jusqu’au cou, un butin se fait enfin jour, celui-ci ne se révèle tout naturellement pas celui que l’on croyait débusquer. Porteur de l’ironique présage des transformations post-communistes de la société roumaine, il relate une autre histoire qu’attendue, et présente, au regard des représentations de ses trouveurs, la vacance d’un véritable parachèvement de leur quête - sauf à ce que ce fameux trésor, auquel le merveilleux épilogue du film réserve un sort délicieux, il ne leur reste qu’à l’inventer. La semaine prochaine, au Cinémateur : TEMPETE de Samuel Collardey (France) CRACHE COEUR de Julia Kowalski (France, Pologne)