Présence de Pierre Jean Jouve chez Martine Broda

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Présence de Pierre Jean Jouve chez Martine Broda
Présence de Pierre Jean Jouve chez Martine Broda C’était le 16 octobre 2004, au Salon de la Revue en l’espace des Blancs-­‐Manteaux. La revue Europe publiait un dossier sur Pierre Jean Jouve. Près du stand, je rencontrai Martine Broda qui me parla immédiatement de sa rencontre avec Jouve – sans doute vers 1970 ou 1971, la poète et critique avait alors 24 ans. L’écrivain, m’a-­‐t-­‐elle raconté, était ravi qu’une jeune femme désire travailler sur son œuvre. Il lui a alors livré quelques confidences – ce qui posera divers problèmes aux lecteurs de la critique, j’y reviendrai. Cette rencontre avait eu une conséquence très positive : en 1972, paraissait, sous la direction de Robert Kopp et Dominique de Roux, un Cahier de L’Herne consacré à Jouve : on pouvait y lire deux grands articles de Martine Broda : « Hélène, fonction de la morte » et « Jouve, Pierre et Jean (Juan) » qui allaient renouveler radicalement la lecture des œuvres de l’auteur de La Scène capitale et de Matière céleste. L’entre-deux critique
Martine Broda ne pouvait pas savoir qu’elle était à la charnière de deux époques. Jusque là, les critiques et commentateurs de Jouve étaient des amis de Jouve (je pense à Bernard Groethuysen, à Jean Wahl), ou allaient rapidement le devenir (Gabriel Bounoure, Joë Bousquet, ces grandes plumes de la N.R.F. et des Cahiers du Sud). Les jeunes gens que Jouve rencontre au début de la seconde guerre mondiale et qui allaient jouer un grand rôle dans la diffusion de son œuvre (René Micha, Jean Starobinski), malgré leur connaissance de l’œuvre de jeunesse de l’écrivain, allaient longtemps respecter sa volonté. En effet, Jouve avait rompu avec sa première œuvre (la date frontière : 1925), et il entendait bien que ses commentateurs fassent comme si elle n’avait jamais existé – les jeunes poètes qui l’ont fréquenté en ont témoigné de ses exigences. Il a fallu la mort du poète (1976), la découverte par Daniel Leuwers des archives de Claude Le Maguet sur la jeunesse de Jouve avant Jouve (1984) et la publication par Jean Starobinski et René Micha de textes reniés ou franchement inédits (révélations au début des années 80, grande édition au Mercure de France en 1987), pour qu’apparaisse toute une terra incognita de la vie et l’œuvre de Jouve. Une nouvelle critique peut émerger, qui prend de la distance avec le discours que Jouve avait imposé à ses lecteurs-­‐commentateurs, en particulier depuis 1954, année de la publication d’En miroir, son « Journal sans date », et 1956 – parution de la monographie chez Seghers par René Micha qui a dit que Jouve avait suivi ligne à ligne ce qu’il écrivait. Martine Broda était dans l’entre-­‐
deux. En témoignent : la bibliographie de son grand livre de 1981 (5 ans après la mort de l’écrivain, « Conformément à la volonté de Jouve, cette bibliographie n’inclut pas l’œuvre reniée. ») ; son respect de l’autobiographie de Jouve par Jouve (les livres de 1954 et 1956 que j’ai cités) ; enfin sa fascination pour les confidences qu’elle avait reçues de Jouve (j’en citerai une tout à l’heure) – et pourtant sa lecture ouvre des voies extraordinairement nouvelles. C’est que Martine Broda appartenait à une génération qui détenait de nouveaux outils, et cette géniale lectrice entendait ce qu’elle lisait. Puisque ses premiers articles fondamentaux sur Jouve paraissent dans un volume que l’écrivain avait surveillé de très près (il avait récusé le premier responsable du Cahier de L’Herne suggéré par Dominique de Roux), il est important de se demander quel était le désir de Jouve quand cet ouvrage paraît : Jouve (il a 85 ans) pouvait tout à la fois vouloir faire respecter sa volonté de maintenir enfouie une partie de sa vie et de son œuvre, et simultanément suggérer des aveux tardifs – peut-­‐être était-­‐il heureux que Martine Broda 1/11
dise sur son écriture des choses nouvelles et jusque là cachées. C’est que Jouve fait partie de ces écrivains très importants du XXe siècle qui ont bâti leur œuvre sur une réécriture de leur vie : que l’on songe à Proust, à Céline, ou de façon encore plus précise, à Marguerite Duras, on sait aujourd’hui – les biographes ont travaillé – tout ce qu’il y a de reconstruit et d’imaginaire dans leurs œuvres. Comme le travail du rêve selon Freud, Duras et Jouve condensaient (fusionnaient) et déplaçaient (transposaient). Le couplage entre la vie et l’œuvre chez Jouve est fondamental, et il faut le savoir quand on relit son œuvre – à la première lecture, il faut se laisser aller à une lecture innocente, mais quand on le relit il faut garder les yeux grand ouverts. Pour valider cette affirmation, je citerai deux très grands auteurs qui connaissent parfaitement Jouve et son œuvre. D’abord, Jean Starobinski : « Il n’est pas un seul poème de Jouve qui ne soit riche de toute l’épreuve préalable qui l’a rendu nécessaire, pas un seul poème qui ne laisse deviner derrière lui une expérience antécédente. Expérience liée à la vie personnelle, mais dont on devine (il suffit pour cela de lire En miroir) que les éléments donnés par la circonstance biographique ou historique ont été repris et transformés dans une intense élaboration imaginative. » (1968 et 2012). Ensuite, Yves Bonnefoy : « Mais pourquoi considérer qu’il y a uniquement écriture ? C’est dans le dialogue entre écriture et expérience que se situe une œuvre dans son devenir. » (1995). Enfin, il faut revenir à Jouve lui-­‐même – dans En miroir, l’écrivain a donné des clefs pour lire son œuvre, et ses lecteurs, comme Martine Broda, ont été particulièrement frappés par ce qu’il dit de la création du personnage d’« Hélène de Sannis » l’héroïne du grand récit, « Dans les années profondes » (1935). Le roman de Lisbé
A l’instar de ce qu’avait fait Nerval pour créer la figure d’Aurélia, Jouve a annoncé dans En miroir qu’il y avait fusionné trois personnes de femmes qu’il avait aimées dans sa jeunesse, la « Capitaine Suzanne H… », la « femme maternelle » (deux femmes bien plus âgées que lui) et enfin, surtout, « Lisbé » qu’il avait connue en 1909 (c’est la « Claire Dernault » mise en scène dans son roman renié de 1911, La Rencontre dans le carrefour), et retrouvée par un hasard miraculeux 24 ans plus tard, au printemps 1933. Jouve aurait eu avec « Lisbé » une liaison adultère torride pleine d’exaltation et de culpabilité – il est marié, et il faudra revenir sur cette situation. Jouve nous affirme que cette rencontre allait lui inspirer les héroïnes et les récits de La Scène capitale (Dorothée et « La Victime », Hélène et « Dans les années profondes », 1935) et les poèmes à « Hélène » (1936) de Matière céleste (1937) – ces chefs-­‐
d’œuvre absolus de la littérature française du XXe siècle – où il annonçait la future mort de « Lisbé ». Il ne savait pas que celle-­‐ci était menacée par un cancer du sein gauche – Jouve et « Lisbé » ne communiquent pas de l’été 1934 au printemps 1936. Lisbé est opérée, « en amazone », elle meurt à la noël 1936 après que Jouve lui ait fait lire (printemps 1936) ces proses et ces poèmes (écrits en 1934-­‐1935) qui « annonçaient » sa mort. Hypersensibilité au thème de la rencontre d’ « Éros et Thanatos » ? Prémonitions ? Martine Broda s’empare de cette écriture de l’interpénétration de la vie et l’œuvre de Jouve et elle opère une triple lecture des chefs-­‐d’œuvre des années 1935-­‐1936, en s’appuyant à la fois : sur « L’histoire de « Lisbé » que Jouve a inséré dans son « Journal sans date » en 1954, sur la psychanalyse freudienne et lacanienne, enfin sur la poétique de Meschonnic et la linguistique de Saussure dans une version grâce à Jean Starobinski. Je vais avoir un peu de mal à respecter la chronologie des publications de Martine Broda sur Jouve, car après les deux articles pour le Cahier de L’Herne de 1972, il y a deux articles publiés par 2/11
Action poétique en juin 1976 (« Vers Jouve ») et décembre 1977 (« Pierre Jean Jouve : un poète et son nom ») et en synthèse le grand livre de 1981 (Jouve, à L’Âge d’Homme). Il est plus simple de donner une présentation thématique, en partant de son livre de synthèse, car il reprend les divers angles d’attaque de l’œuvre. Mais c’est la méthode de lecture initiée dès les articles de 1972 qui est la plus originale et la plus porteuse d’avenir. Une lecture psychanalytique Le premier angle est celui de la « lecture psychanalytique ». Martine Broda précise honnêtement sa vraie source, qui est l’Edgar Poe – sa vie – son œuvre – Étude analytique de Marie Bonaparte (1933 et 1958). Aujourd’hui les lectures psychanalytiques des grands écrivains par les fondateurs de la Société Psychanalytique de Paris, ainsi L'échec Baudelaire de Laforgue (1931), ont mauvaise presse chez les théoriciens. Sur France Culture, j’ai entendu récemment Élisabeth Roudinesco régler le cas de Marie Bonaparte en quelques mots, soit en substance : un personnage historiquement important, mais une « mauvaise théoricienne ». Pour savoir ce qu’il faut penser de cette « théoricienne », il ne faut évidemment pas lire les théoriciens de la psychanalyse (ils ont leurs propres thèses à promouvoir), ni les philosophes (Walter Benjamin ou Benjamin Fondane), car ils avaient horreur du principe de la réduction des textes par une science. Il faut lire les critiques littéraires qui éditent concrètement Poe et qui doivent fournir à leurs lecteurs un service en leur donnant des clefs de lecture. Je distingue une première catégorie, les critiques qui éditent les contes non traduits par Baudelaire car ce sont presque tous des contes satiriques qui se moquent volontiers des histoires à la mode de son temps (comme les « contes gothiques ») : depuis Léon Lemonnier, ils sont très opposés à l’interprétation de Poe comme « fou » transposant sa « folie » dans ses contes – Poe étant trop intelligent pour cela. Je laisse les lecteurs interpréter cette interprétation. En revanche, les critiques éditeurs des contes de Poe traduits par Baudelaire, et singulièrement de son roman, Aventures d’Arthur Gordon Pym, citent toujours la lecture de Marie Bonaparte avec respect – Gaston Bachelard par exemple. Quand ils proposent une interprétation des œuvres de Poe, les thèmes qu’ils mettent en avant, ce sont en fait ceux que la lecture de Marie Bonaparte avait distingués. De la lecture de celle-­‐ci, je cite ici les transpositions que Poe fait des « scènes primitives », telles que Freud les a définies et que sa disciple détecte d’une façon qui devient très convaincante quand on relit les textes originaux de l’écrivain américain. Comparant les récits de La Scène capitale de Jouve à ceux de Poe, sur le thème de « l’amour de la morte » (c'est un thème revendiqué par Jouve), Martine Broda écrit : « Après le travail de Marie Bonaparte surtout, qui peut ignorer les particularités du désir de Poë ("I could not love except where Death/ Was mingling His with Beauty’s breath") ? Dans Les années profondes [de Jouve], le rapport érotique à la mort est tout aussi clair ». Visiblement devenue experte dans le décodage de ces thèmes grâce à sa lecture attentive de l’ouvrage de Marie Bonaparte, Martine Broda détecte dans ces récits de Jouve tout un réseau d’images autour de la nécrophilie, des angoisses nées de la tentation de l’inceste avec la mère ou la sœur, des symboles venus tout droit des « théories sexuelles des enfants » selon Freud, des tentations sadiques-­‐anales, des références au phallus, etc. C’est impressionnant, parce que Martine Broda savait lire et elle nous donne à lire. Elle fera encore beaucoup mieux avec sa lecture musicale de Jouve, par quoi je conclurai ce panorama. 3/11
Un Pierre sans Blanche ? Il faut maintenant que je signale que cette première approche a une sérieuse limite, qui est d’ordre biographique. Jouve, on le sait, part toujours d’une émotion et/ou d’une situation vécues, et dans En miroir, il a donné des clefs – tout particulièrement avec « l’histoire de Lisbé » à laquelle Martine Broda est très attachée – et il est certain que Jouve lui en a parlé personnellement. Or, en 1972 (ses premiers articles sous le regard de Jouve) comme en 1981 (son grand livre), elle ne peut avoir pas les bonnes clefs biographiques. Car le livre de Daniel Leuwers n’est pas encore paru (1984). Car Henry Bauchau n’a pas encore publié son Journal (et son roman de 1966, La Déchirure, n’a pas été lu). Le volume Œuvre II (1987), avec le témoignage de Jean Wahl, n’est pas paru. Enfin les lecteurs soupçonneux modernes (surtout des lectrices, Odile Bombarde, Géraldine Lombard, Béatrice Bonhomme, Myriam Watthee-­‐Delmotte, l’auteur anonyme de pages de Wikipédia) n’ont pas encore faire part de leurs doutes anciens et de leurs certitudes nouvelles. Bref, Martine Broda dans ses lectures ignore le rôle réel de Blanche Reverchon – j’ai dû faire un effort pour ne pas citer le nom de l’épouse psychanalyste de Jouve plus tôt. Or, maintenant seulement, je peux recopier la phrase de Martine Broda, dans son texte tardif, « Présence de Jouve » écrit pour un numéro de la revue Critique (2004) consacré à Jean Starobinki. Elle écrit : Jouve s’était établi en Suisse, « car l’épouse à qui il devait sa vita nuova, Blanche Reverchon, médecin et psychanalyste, était suisse ». Non, Blanche Reverchon n’était pas suisse, elle était française, mais à diverses périodes de sa vie, elle a été « genevoise » (je cite Jean Starobinski). Oui, c’est bien à Blanche que Pierre « doit » sa vita nuova qui démarre en 1921, qu’il théorise en 1928 et qui lui permettra d’écrire ses chefs-­‐d’œuvre de la période prodigieuse 1925-­‐1938 qui sont au cœur de la lecture de Martine Broda ; mais celle-­‐ci ignore son rôle au moment ses grandes lectures (1972-­‐1981). Jouve dit avec force ce qu’il doit à Blanche dans En miroir, mais celle-­‐ci voulait de façon délibérée rester dans l’ombre et, après le témoignage posthume de Bauchau (Pierre et Blanche, 2012), on est amené à supposer que c’est elle qui a imposé à Jouve de limiter le nombre de lignes à elle consacrées dans En miroir – je les ai comptées : moins d’une page au total ! Or son rôle a été capital. Je ne peux pas développer ce rôle ici, je résume. Depuis 1909 (pour le moins), Jouve est à la recherche des mots pour dire son « tourment quotidien ». Il est successivement symboliste et néo-­‐classique, puis unanimiste (La Rencontre dans le carrefour, 1911), enfin socialiste et pacifiste activiste parmi les militants exilés en Suisse pendant la première guerre mondiale. La fin de la guerre le trouve épuisé et désespéré, marqué par un intense mal de vivre. C’est alors que Pierre et Blanche se rencontrent au printemps 1921 à Florence. Ils se retrouvent en août à Salzbourg chez Stefan Zweig. Bientôt amants et adultères, ils sont déchirés par le divorce de Jouve qui aimait tendrement sa première épouse Andrée Charpentier, militante féministe et progressiste. En 1922-­‐1923, Blanche traduit (avec l’aide de Bernard Groethuysen) Les trois essais sur la théorie de la sexualité (c’est la première traduction d’un livre de Freud chez un éditeur purement français, Gallimard). Elle soutient sa thèse de médecine en neurologie chez le célèbre Babinski en 1924. Pierre divorce en 1925. Il épouse Blanche. Celle-­‐ci commence une analyse avec Eugénie Sokolnicka. Elle devient adhérente de la Société Psychanalytique de Paris en 1928. Blanche commence une analyse didactique avec Rudolph Loewenstein. En 1932 elle est titularisée à la S.P.P. Ces dates sont parfois des reconstitutions, tant on est ignorant de la vraie vie de Blanche. La séparation de Pierre et Andrée est vécue avec beaucoup de souffrances par le trio, mais ces émotions sont immédiatement exploitées par l’écrivain dans ses trois « premiers » romans hors normes 4/11
(1925-­‐1928), Paulina 1880, Le Monde désert et Hécate. Par la suite Blanche « prendra soin » ou psychanalysera des artistes et écrivains importants : Balthus, Antonin Artaud, David Gascoyne, Giacintgo Scelsi, Henry Bauchau ; elle sera l’amie de Jacques Lacan et Françoise Dolto. Pour nous, lecteurs, de 1921 à 1937, Blanche est en arrière-­‐plan de tout ce qu’écrit Pierre. Elle le conseille, soigne sa « neurasthénie » – Jouve, très « sensible », peut être très dépressif et alors, seule, Blanche le supporte. Cette grande lectrice a dû ramener Jouve à la lecture des poètes symbolistes (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine). Cette psychiatre et psychanalyste l’a initié à la science freudienne. Enfin, cette catholique pratiquante (quoiqu’adultère tout autant pratiquante) l’a ramené au christianisme et lui a fait lire les grands poètes mystiques et stigmatisés (comme Catherine de Sienne) qui n’avaient pas peur des images sanglantes pour décrire leurs relations amoureuses au Christ crucifié. Enfin, non seulement, Blanche instruit Pierre, mais elle est le personnage principal qui hante ses rêves amoureux. Les lecteurs et les lectrices modernes de Jouve le savent : si Pierre est le Comte Michele (Paulina 1880), Luc Pascal (Le Monde désert), Pierre Indemini (Hécate) et Léonide (Dans les années profondes), l’écrivain est aussi Paulina, Baladine et Catherine Crachat – mais Blanche est également, et tout autant, Paulina, Baladine et Luc Pascal, et surtout la « Catherine Crachat » de Vagadu (1931), ce roman expérimental qui évoque ses analyses avec E. Sokolnicka et R. Loewenstein. Jouve crée toujours ses personnages romanesques en fusionnant des « personnages réels », d’abord lui-­‐même, ensuite ses proches et prioritairement Blanche – Jouve a bien expliqué le principe de son travail de condensation et déplacement, mais il omet de donner les vraies clefs et il adore les leurres. Or, pratiquant une psychanalyse de Jouve à travers son œuvre – et elle voit fort bien les « métaphores obsédantes » au sens de Charles Mauron –, Martine Broda ne décèle pas qui se situe prioritairement derrière la figure de la « Mère ». La femme initiatrice est si présente dans les poèmes et les romans de Jouve, mais elle n’est pas prioritairement suscitée par des femmes du passé que Martine Broda ne peut pas connaître – dans la « femme maternelle » dont parle Jouve, il faut deviner sa première belle-­‐mère, Caroline Charpentier (mais ce décodage est récent). Cette figure, avant d’être la Mère des mythes et de Freud, c’est d’abord Blanche – son épouse médecin, psychiatre, psychanalyste, lectrice des grands écrivains et des mystiques, traductrice de l’allemand (Hölderlin) et de l’anglais (Shakespeare), et qui a huit et demie de plus que Pierre. Martine Broda, une lectrice qui invente une lecture musicale Cet « oubli de Blanche », auquel a participé Martine Broda, est-­‐il un obstacle à la lecture de ses analyses ? Pas du tout ! car elle est une prodigieuse lectrice, et elle nous oblige à considérer les mots, la musique et les images de Matière céleste avec une oreille et un œil neufs. Dans « transformés en église » et « la plus pâles des femmes », elle repère avec justesse : « Femme et église apparaissent dans un rapport d’équivalence » ; bien sûr, ensuite, elle cherche à aller « bien au-­‐delà de la symbolique traditionnelle », ce qui signifie qu’elle ne voit pas que cette femme-­‐église, c’est Blanche, l’amante catholique adultère devenue seconde épouse psychanalyste avec laquelle le poète vit un amour qui ressemble étonnamment à « l’amour de transfert » théorisé par Freud, repris par Lacan, et revendiqué par Bauchau dans ses souvenirs sur Pierre et Blanche. Mais Martine Broda a su nous montrer et nous faire entendre l’essentiel, c’est-­‐à-­‐dire la structure profonde. Ses lectures géniales des vers et des phrases de Jouve ont débuté en 1972, avec les grands articles pour le Cahier de 5/11
L’Herne, et elles se poursuivent dans Action poétique. C’est avec elles que je souhaite poursuivre et achever cet hommage. Martine Broda ne partait pas sans outils théoriques. Je pense tout particulièrement à Pour la poétique d’Henri Meschonnic (1970) et aux Cahiers d’Anagrammes de Ferdinand de Saussure que Jean Starobinski avait réédités, et qu’il venait de commenter dans Les Mots sous les mots (1971). Comme je ne connais aucune lecture de Jouve faite auparavant dans cet esprit, je crois pouvoir affirmer que cette lectrice avait eu une intuition géniale en repérant que Jouve écrivait des poèmes où se superposaient plusieurs strates : des images (c’est classique en poésie) ; une musique des mots assez accessible, même pour un lecteur non prévenu (je vais faire semblant de croire que c’est également classique) ; mais aussi toute une palette de mots-­‐symboles : là il faut que le poète ait créé son univers, sa mythologie et qu’il ait trouvé « les mots pour se dire » (Marguerite Duras), c’est déjà plus rare ; enfin, ces images, ces musiques des mots, ces symboles sont liés par un « jeu paragrammatique », c'est-­‐à-­‐dire par des anagrammes dispersés qui font entendre une signification subliminale mêlant musique et sens. Dans son article « Hélène, fonction de la morte », le premier exemple – pris dans le poème « Hélène » de la première section « Hélène » (1936) de Matière céleste (1937) –, est magnifique. Il permet de comprendre tous les autres : Que tu es belle maintenant que tu n’es plus La poussière de la mort t’a déshabillée même de l’âme Je n’imite pas Martine Broda qui fait typographier en italiques les phonèmes signifiants, mais je compte sur la sagacité des lecteurs pour entendre le nom d’Hélène dispersé dans es/elle/e/n’es, avec un écho qui perdure dans le vers suivant : e l/ée/e l. Avec cette trouvaille et toutes celles qu'elle découvre ensuite, elle prouve que Jouve savait traiter des thèmes poétiques par des moyens littéraires poétiques et musicaux très puissants, d’une extrême richesse – mais évidemment, il fallait les déceler ! La lectrice inspirée reprend ensuite chaque vers du poème, montrant que bien des mots, outre leur musique, peuvent être des symboles qui illustrent les « mythes personnels » de Jouve. Ainsi derrière « elle », Martine Broda voit « Hélène », donc « la Morte ». À partir de « belle », elle montre l’existence d’une « chaîne associative », belle – beau – eau – plateau, qui permet d’accéder à une certaine intelligibilité de vers comme : Il fait beau sur les crêtes d’eau de cette terre Il fait beau sur le plateau désastreux, nu et retourné En soi, ces vers sont magnifiques à lire et à entendre, et les lecteurs de poésie sentent intuitivement leur richesse, mais ils sont bien énigmatiques, et leur difficulté à les comprendre explique que le poète Jouve, malgré son génie, ne soit pas assez lu. L’intelligibilité apportée par cette lecture est une clef précieuse pour entrer dans le jardin secret de Jouve. Il faudrait décrire l’extrême précision avec laquelle Martine Broda examine chaque vers du poème : c'est un modèle de lecture au ras de la matérialité du texte ; nous pénétrons ainsi dans l’atelier poétique intime de Jouve. Le deuxième article du Cahier de L'Herne, « Jouve, Pierre et Jean (Juan) », prolonge la lecture du premier : ayant repéré l'art de Jouve à semer ses petits cailloux sonores (les paragrammes et autres anagrammes dispersées) dans ses poèmes, Martine Broda ne se contente plus de repérer la musique Hélène dans un poème explicitement dédié à Hélène. En effet, il faut avoir à l’esprit la limite de cette si puissante méthode : pour détecter les anagrammes il faut choisir quels mots, quels sons il faut chercher, et ensuite lire – dans sa tête ? à haute voix ? Qu'importe, mais il 6/11
faut les entendre : se trouvent-­‐ils effectivement dans le texte comme on l’a initialement supposé ? Martine Broda a eu l'idée de s'inspirer d'une découverte propre à la psychanalyse : l'importance du nom dans la psyché. Elle part ainsi à la recherche des chaînes associatives issues des prénoms de Jouve. La collecte est impressionnante. Je cite ce qu'elle appelle la « chaîne de la perte » : la lettre P – Pierre ou pierre – perd – air – père – perte, qu'elle rattache à la sublimation. Le prénom Jean donne deux séries de développement, l'un rattaché à (saint) Jean de la Croix et l'autre à Don Juan – Jouve connaissait l'opéra de Mozart par les interprétations de Bruno Walter à Salzbourg. Je donne l’exemple d’un beau développement, si signifiant : dans le poème « Tempo di Mozart » de Matière céleste (le dernier de la section « Hélène »), le nom de Don Juan n'apparaît jamais, mais il est suggéré par les paragrammes semés dans le poème, par exemple « Don » est caché dans « La Terre enfoncerait son sein dans la justice », et « Juan » est réparti entre « A changé » et « Le néant est pendu sur le bord de tes yeux ». La lecture de Martine Broda montre que ce thème se rattache au « nada » que Jouve a emprunté aux mystiques espagnols (Thérèse d'Avila et Jean de la Croix ») : « abandon », « nu », perdu ». Plus tard, dans ses articles pour Action poétique, elle élargit son enquête au patronyme de Jouve. En juin 1976 (« Vers Jouve »), elle montre la richesse des chaînes : Jouve – Jouvence– Jean– Juan– Giovanni– Génie – jeunesse – je nie – je nais, et, toujours à partir de « jouvence » : vert et vers (avec ses différentes significations). En décembre 1977 (« Pierre Jean Jouve : un poète et son nom »), elle approfondit les significations inconscientes de la « pierre ». Elle poursuivra en ce sens à Cerisy (publoié en 1981) : « Vert/s Jouve : Le poème comme remords dédié à l’objet ». Martine Broda met ainsi en évidence une « palette de mots-­‐symboles » qui jouent à la fois sur les images et les sonorités. Où la lecture retrouve Blanche Je complète l’histoire de cette riche lecture par celle de Jean Starobinski : dans un vers de « Vrai corps », « Pour marcher sur la magnifique dalle de chagrin », le grand critique avait su entendre le nom de la mère du Christ, « Ma/i/i/a », dans un poème inspiré par l'Ave rerum de Mozart, poème où le nom de Marie n'est pas prononcé. Jean Starobinski retrouve ainsi chez Jouve la leçon de Saussure qui pensait (sans en être sûr) que les poètes latins introduisaient (consciemment ? inconsciemment ?) le nom du dédicataire de leurs poèmes (dieux, mécènes) sous forme de paragrammes cachés. D'abord publiée en 1991, cette très belle analyse est redonnée pour le colloque Jouve Poète, romancier, critique du Collège de France, organisée par Yves Bonnefoy et Odile Bombarde (publié en 1995). A cette occasion, Martine Broda comparait la façon dont les surréalistes et Jouve connaissaient les théories de Freud. Je résume : les surréalistes connaissaient La Science des rêves et Le Mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient ; ils aimaient le « hasard objectif » en tant qu' « expérience heureuse, celle du merveilleux » ; les surréalistes ignoraient le profond pessimisme de Freud, sa « seconde topique » et la « pulsion de mort ». En revanche : « [Jouve a] lu et bien lu Au-­‐
delà du principe du plaisir. Son œuvre est à mon sens la première tentative moderne qui prenne en compte la pulsion de mort ». Dans ce même colloque, Odile Bombarde ouvrait tout un autre pan de la lecture moderne de l’œuvre de Jouve en cherchant à y entendre « La voix de Blanche » dans les œuvres « psychanalytiques » des proches de Blanche Reverchon (Jouve et Bauchau). Dix ans plus tard, dans un poème apparemment consacré à « Juin ou Lisbé », un autre lecteur, informé par Martine Broda et Jean Starobinski sur l'art d'écouter la musique des phonèmes dans l'écriture de Jouve, a su lire dans le dernier vers – « Deux biches allaitaient les serpents et les pierres » –, qu‘il fallait bien sûr repérer « Pierre/pierre » 7/11
comme Martine Broda l’avait expressément recommandé en 1977, mais il fallait également y déceler que c’est Blanche (b/i/ches-­‐a/l/laitaient-­‐serp/en/ts) qui instille sa science à Pierre. Plus généralement, derrière certains mots-­‐symboles – la blancheur, belle et elle (Blanche signait ses lettres : « Bl. » ; Jouve écrivait : « B. »), biche, lait, beau, plateau, le château, la chaleur, le soleil, le rayon, le rocher, l'église, la (mythique) chevelure, la verdure, l’air – se cache le nom de Blanche Reverchon, comme dans ces vers d’« À l'Autre monde » : Qu'il fait beau Sur ces plateaux de désert et de charmille Dans la désolation blessée des antres verts […]D'un ciel gros bleu tout opulent de rayons morts Adorable ruban que la chair se déroule Je laisse les lecteurs de cette chronique entendre « Reverchon », « Blanche » et « Blanche R » dans les phonèmes musicaux dispersés dans ces vers souvent cités, tant leur beauté est sentie par les lecteurs de poésie, mais la connaissance des mythes cachés et des mots-­‐
symboles permet de pénétrer certaines de leurs significations cachées. Les lecteurs devinent que cette chronique est en fait le simple témoignage d’un lecteur qui a lu une lectrice. C’est donc sur la base de mon expérience personnelle que je donne à des syllabes comme « ver » et à des mots comme « elle » d'autres significations que celles proposées par Martine Broda – mais celle-­‐ci avait bien vu-­‐entendu leur importance ! En tant que critique de la période de l'entre-­‐deux, celle-­‐ci avait connu personnellement Jouve et j'ai annoncé très vite que cette situation n'était pas sans problèmes pour les amis-­‐critiques qui commentaient son œuvre. Dans son article sur la Présence de Jouve chez Jean Starobinski (2004), Martine Broda écrit : « Jean Starobinski reconnaît que ses textes des années quarante manquent d'indépendance : Jouve lui liait les mains » – dans les années 40, certes, mais en 1987, l’exécuteur testamentaire et éditeur de Jouve publiait les textes reniés et « retranchés » de l’écrivain, en toute liberté (et en opposition à certains amis de Jouve). On sait aussi que Jouve avait suivi de très près ce qu'écrivait René Micha dans la monographie pour Seghers (1956), et qu'il a surveillé très strictement le contenu du Cahier de L'Herne (1972). Mais Martine Broda ne se rendait pas compte que par les confidences qu'il lui faisait, Jouve lui imposait tout autant une façon de le lire. Ainsi, dans son livre, elle écrit : « Jouve m'a expliqué avoir interverti l'ordre chronologique : La Victime, qui vient en premier dans le roman [La Scène capitale] fut composée longtemps après la mort de Lisbé, après Dans les années profondes ». Or, cette chronologie est en contradiction avec celle imposée par Jouve depuis En miroir – et reprise dans toutes les chronologies des ouvrages de référence consacrés à Jouve : « Lisbé » est morte à la noêl 1936, et La Scène capitale a un achevé d'imprimer daté du 10 octobre 1935. La Victime a peut-­‐être été composée après Dans les années profondes, mais certainement pas « après la mort de Lisbé » – du moins la « Lisbé » mise scène par Jouve. Le reste du livre montre que Martine Broda connaissait parfaitement ces dates, mais en recevant cette confidence, elle n'était plus une critique distanciée, elle devenait un témoin fasciné – ce qui est tout autre chose. Évidemment, je ne sais pas ce Jouve lui a réellement dit : peut-­‐être voulait-­‐il faire passer un message subliminal ? Martine Broda était très attachée à « l'histoire de Lisbé », avec sa rencontre d’Éros et de Thanatos (l'expérience érotique de Jouve avec une femme qui allait mourir), parce qu'elle donnait un substrat biographique au sentiment de « faute » et de « culpabilité » (synthèse d’un concept 8/11
chrétien adopté par Jouve et d’un concept dû à l’athée Freud) qui marque l’œuvre de Jouve à cette époque. Mais je pense que le sentiment de culpabilité de Jouve vient de loin et que dans En miroir, Jouve nous a, en réalité, raconté un roman. « Lisbé », tout autant qu'Hélène, doit être une construction à la fois psychique et littéraire, fusionnant, condensant diverses figures réelles ou imaginaires. Peut-­‐être y a-­‐t-­‐il un enseignement à tirer de la phrase que Martine Broda nous a rapportée. Les lecteurs de Martine Broda, elle-­‐même poète ayant son écoute et son univers personnels, doivent savoir interpréter ses interprétations et ses jugements. Je n’insiste pas ici sur son rejet viscéral de la poésie apocalyptique de Jouve du temps de la seconde guerre mondiale. Épilogue – Martine Broda dans les papiers de Pierre Jean Jouve Mais cet aspect des choses de change rien à l'apport considérable de la lecture de Martine Broda. Elle avait su lire Jouve de façon complètement renouvelée, grâce à des outils venus de la psychanalyse, de la poétique (de Meschonnic) et de la linguistique (Saussure et Starobinski) – et grâce à son génie personnel. Comme j'ai cherché à le montrer, elle était arrivée trop tôt (années 70) pour disposer des informations biographiques (connues plus tard) pour décoder tout ce que Jouve avait caché dans son œuvre. Mais elle nous a donné des outils pour enrichir profondément notre lecture des textes de Jouve, et par delà, de ceux d'autres grands écrivains (mon témoignage personnel : Marguerite Duras). Mon épilogue va faire un pas de côté. Puisque j'ai déjà associé plusieurs fois Martine Broda et Jean Starobinski, outre l'écriture par Martine Broda de l'article sur la Présence de Jouve chez le grand critique suisse pour la revue Critique que j'ai déjà signalé, je veux faire part d'un étonnant « hasard objectif » qui associe intimement Pierre Jean Jouve et Martine Broda. Jean Starobinki a été l'éditeur de deux gros volumes d'Œuvre de Jouve (1987), avec la participation d'Yves Bonnefoy, René Micha et Catherine Jouve. Dans le second volume, ont été publiés des « Derniers écrits » de Jouve à partir des papiers retrouvés après sa mort. Parmi eux, on peut lire deux poèmes, le premier, page 1735 : jours d'été quel tendre brouillard tremble autour du fleuve temps tant de soie déchirée embue la soie du cœur le cœur à vif au bout des doigts tu sens ta perte avec les mains tu promènes au grand jour ce vide en toi comme un enfant *** quel tendre brouillard tremble autour du fleuve temps ce monde est ce monde est paix la mort riant candide. 9/11
et le second, page 1757 : 2 lâche-­‐moi la main dans l'enfer noir et blanc mais l'incandescence bascule le noir le blanc. La découverte par Martine Broda de ces deux poèmes dans l’œuvre officielle de Jouve l'avait horrifiée : elle risquait d'être accusée de plagiat et de s'être inspirée des derniers poèmes de Jouve pour sa propre écriture poétique ! L'éditeur a corrigé cette erreur en glissant une carte dans ce volume. On peut y lire : « Deux poèmes qui figurent dans ce dossier (p. 1735 et p. 1757) sont de Martine Broda dont Jouve avait apprécié la contribution au volume de L'Herne ». Aujourd'hui, des lecteurs-­‐commentateurs lisent ces pages dans des exemplaires qui ont souvent perdu le carton correctif des éditeurs. C'est pourquoi j'ai recopié à mon tour ces poèmes de Martine Broda – poèmes que Jouve avait tellement aimés qu’il les avait recopiés de sa main, et laissés à la postérité sur son bureau. Jean-­‐Paul Louis-­‐Lambert Webmestre du site www.pierrejeanjouve.org 3 Février 2013 Publications de Martine Broda sur Pierre Jean Jouve • « Hélène, fonction de la morte », in Cahier de L’Herne, Pierre Jean Jouve, dirigé par Robert Kopp et Dominique de Roux, octobre 1972, p. 254-­‐265. •
« Jouve, Pierre et Jean (Juan) », in Cahier de L’Herne, op. cit., p. 266-­‐273. •
« Pierre Jean Jouve »/« Vers Jouve », in Action poétique n° 66, juin 1976, p. 144-­‐158. • « Pierre Jean Jouve : un poète et son nom », in Action poétique n° 72, décembre 1977, p. 114-­‐123. •
Jouve, collection « Cistre essais » 11, L’Âge d’Homme, 160 p., novembre 1981. • « Vert/s Jouve : le poème comme remords dédié à l’objet », Colloques Poésie – Cerisy, Bousquet – Jouve – Reverdy, sous la direction de Charles Bachat, Daniel Leuwers, Etienne-­‐
Alain Hubert, 1980, publié par la revue Sud, octobre 1981, p. 258-­‐275. • « En marge de l’Avant-­‐Propos à Sueur de Sang », Colloque de la Fondation Hugot du Collège de France réuni par Yves Bonnefoy. Actes rassemblés par Odile Bombarde, collection Pleine Marge, n° 6, Lachenal & Ritter, 1995, p. 209-­‐215, et débats p.248-­‐249. • « Présence de Jouve », Revue Critique, numéro spécial « Jean Starobinski », août-­‐
septembre 2004, p. 707-­‐715. 10/11
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