LA RÉCEPTION DE L`ŒUVRE DE MARGUERITE

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LA RÉCEPTION DE L`ŒUVRE DE MARGUERITE
LA RÉCEPTION DE L’ŒUVRE
DE MARGUERITE YOURCENAR
EN GRÈCE
par Triantafyllia KADOGLOU
(Université de la Macédoine Occidentale)
Marguerite Yourcenar jouit d’une réception universelle avec la parution
des Mémoires d’Hadrien1 en 1951. Pourtant un peu avant la Seconde Guerre
Mondiale, de 1932 à 1939, sa vie et son activité littéraire – jeune écrivaine à
l’époque, profondément helléniste à cause de ses études classiques,
inhérentes à la conception humaniste grecque – se focalisent sur la Grèce.
Durant cette période, Marguerite Yourcenar effectue de longs séjours en
Grèce où elle fait la connaissance du poète et psychanalyste Andréas
Embiricos, du jeune intellectuel Constantin Dimaras et de tant d’autres amis,
« “tous plus ou moins poètes” »2. Il apparaît que Marguerite Yourcenar et
son œuvre jusqu’à cette époque sont d’abord reconnues dans ces milieux
fermés grecs. En effet, peu après sa mort, Constantin Dimaras, étant à
l’époque de sa rencontre avec Marguerite Yourcenar « l’auteur récent d’un
petit art poétique intitulé Sept Chapitres sur la poésie […] »3, se rappelle :
1
Mémoires d’Hadrien parut en décembre 1951, chez Plon.
Radioscopie Marguerite Yourcenar, entretiens avec Jacques CHANCEL (1979),
Monaco, Éditions du Rocher France Inter, 1999, p. 113, cité par Achmy HALLEY,
« Marguerite Yourcenar, Grecque par-delà la Grèce », Le Lien Desmos, nº 15, 2004, p. 17.
3
Cf. André TOURNEUX, « Présentation Critique de Constantin Cavafy (Gallimard,
1958). Genèse et réception d’une œuvre de Marguerite Yourcenar » dans le dossier du
Bulletin de la SIEY, nº 27, décembre 2006, p. 121.
2
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Triantafyllia Kadoglou
[…]. Nous avions sensiblement le même âge, mais je respectais chez elle une
autorité d’aînée, qui lui était naturelle ; d’ailleurs, elle portait déjà dans son
bagage littéraire plusieurs volumes d’œuvres originales4.
En outre, dans un « petit cercle d’initiés »5, réunis autour d’André Gide,
de passage en Grèce, C. Dimaras fait référence à Marguerite Yourcenar –
jeune auteure non reconnue amplement à l’époque – qui, d’après les
commentaires chaleureux d’André Gide concernant « ses exceptionnelles
capacités d’écrivain »6, commence à jouir d’une grande considération de la
part de ses homologues. Il est de notoriété publique que C. Dimaras fait
connaître à Marguerite Yourcenar le poète gréco-alexandrin Cavafy avec
lequel elle se passionne tellement que de l’été 1936, le projet d’une
traduction française en commun devient pour eux le début d’une
collaboration future. Dans ce travail commun, Marguerite Yourcenar « reste
cependant le maître d’œuvre, imposant son style et son interprétation »7.
Or, elle publie, en premier lieu, diverses parties de cette co-traduction
dans la revue Mesures en 1940 et dans la revue Fontaine en 1944. En second
lieu, elle conçoit l’idée d’une édition d’ensemble complétée par des notes
concernant la vie et l’œuvre du poète. Cette idée née en 1953 finit par se
réaliser en 1958 avec la publication de l’ouvrage, portant le titre,
Présentation critique de Constantin Cavafy 1863-1933, suivie d’une
traduction intégrale de ses Poèmes par Marguerite Yourcenar et Constantin
Dimaras8. En dernier lieu, presque quarante ans après sa conception initiale,
l’ouvrage paraît à nouveau en 1978 avec sa préface « légèrement retouchée
et […] augmentée d’une “Note sur les Poèmes inédits de Constantin Cavafy”
[…] »9.
Au niveau de la réception de l’ouvrage en question, la première critique
s’effectue en 1936 par Constantin Dimaras lui-même dont la vision de la
traduction est différente de celle de Marguerite Yourcenar. Celui-ci « n’aime
pas l’idée des “belles infidèles” »10, se ralliant plutôt à l’avis de ceux qui sont
4
Constantin DIMARAS, « À la barre du témoin », Cahiers Marguerite Yourcenar, nº 3,
1988, p. 28-29, cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 122. Souligné par nous.
5
Ibid., p. 124.
6
Ibid., p. 125.
7
André TOURNEUX, op. cit., p. 114.
8
Cet ouvrage parut successivement chez Gallimard en 1958 et en 1978.
9
Pour plusieurs détails, cf. André TOURNEUX, op. cit., passim.
10
Témoignage de Constantin DIMARAS rapporté par Josyane SAVIGNEAU, Marguerite
124
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
pour une traduction exacte, mot à mot. Marguerite Yourcenar refuse aussi
les « belles infidèles », mais elle souhaite, d’après Constantin Dimaras,
« faire du style en français »11. Il finit sa critique de la sorte :
[…]. Il existe d’autres traductions, en français, qui sont plus fidèles, mais qui
sont loin d’avoir la même valeur littéraire. Cela dit, cette traduction de
Marguerite Yourcenar ne donne pas vraiment le climat particulier de la poésie
de Cavafy. À mes yeux, elle demeure plutôt l’œuvre d’une grande styliste
française que l’œuvre d’un poète grec.12
Aussi, peu après la mort de Marguerite Yourcenar, Constantin Dimaras
dépose-t-il à nouveau son témoignage sur cette collaboration en mettant
encore l’accent sur la dimension de leurs points de vue concernant la
traduction : « elle, pour la qualité du discours contre [s]on seul souci, en ce
cas-là, la fidélité à l’original »13. Il finit par répéter son respect pour
Marguerite Yourcenar portant – à l’époque et en comparaison avec lui-même
– « dans son bagage littéraire plusieurs volumes d’œuvres originales »14.
Marguerite Yourcenar elle-même n’est pas en général contente de la
critique et de la réception de son ouvrage dont la parution en 1958 coïncide
avec les événements d’Algérie et la présence dynamique de Charles de
Gaulle qui semblent monopoliser à l’époque l’actualité française. En
communiquant l’année suivante à Constantin Dimaras la liste des comptes
rendus parus à la sortie de Présentation critique de Constantin Cavafy,
Marguerite Yourcenar exprime sa déception : « un “peu de critiques, et
presque aucune significative” »15.
Parmi les critiques qu’elle excepte considérée comme importante, se
trouve celle d’un journaliste grec, spécialisé sur des sujets littéraires, né à
Trieste et installé avec ses parents à Genève quelques années avant la
Yourcenar. L’invention d’une vie, Paris, Gallimard, 1990, p. 118-119, cité par
André TOURNEUX, op. cit., p. 121.
11
Ibid.
12
Ibid.
13
Constantin DIMARAS, « À la barre du témoin », Cahiers Marguerite Yourcenar,
op. cit., cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 122.
14
Ibid.
15
Lettre à Constantin DIMARAS, du 7 octobre 1959, correspondance inédite, bMS
Fr372.2 (4459), cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 115, 166.
125
Triantafyllia Kadoglou
Seconde Guerre Mondiale. Il s’agit de Démètre Ioakimidis16 qui apprécie la
traduction de Marguerite Yourcenar et de Constantin Dimaras témoignant,
d’après lui, «d ’un profond respect de l’œuvre originale […] » ; pour aboutir
en disant que « grâce à cet ouvrage, une image fidèle et complète de
[l’]œuvre [de Cavafy] est offerte pour la première fois au lecteur de langue
française »17. Quant à la préface de l’œuvre en question, il la caractérise
comme « une pénétrante analyse de l’auteur et de son œuvre »18.
À travers une présentation critique des points de vue concernant la fidélité
ou les désavantages d’une traduction en prose des poèmes de Cavafy, Hélène
Ioannidi fait, beaucoup plus tard, en 1972, dans une étude plus recherchée et
raffinée, une approche positive de l’effort traductif de Marguerite Yourcenar
et de Constantin Dimaras. Leur travail, signale-t-elle, « permet de
comprendre ce que la traduction en prose, aussi intelligente et respectueuse
qu’elle soit, ne peut manquer de détruire dans une œuvre poétique »19. Mais
elle finit par constater :
[…]. Traduire en prose présente l’avantage de permettre la traduction d’une
œuvre poétique, dans son intégralité ; […]. Quant à la qualité du travail fait
par M. Yourcenar et C. Dimaras, elle est ce qu’on peut espérer de mieux20.
Le même type de réflexion concernant l’évaluation de la traduction des
poèmes de Cavafy par Marguerite Yourcenar est exprimée Christiane Odile
Papadopoulos dans un colloque assez récent, organisé à Tours en 1997, sous
le titre, Marguerite Yourcenar. Écriture, réécriture, traduction21. En
comparant la traduction yourcenarienne à d’autres traductions, Christiane
Odile Papadopoulos considère qu’« aucune traduction ne peut être dite
parfaite, et [que] la prose de Marguerite Yourcenar paraît parfois loin du
16
Pour plusieurs détails, voir André TOURNEUX, op. cit., p. 166, 193.
Démètre IOAKIMIDIS, La Tribune de Genève, 22-23 novembre 1958, nº 274, cité par
André TOURNEUX, op. cit., p. 194.
18
Ibid., p. 193.
19
Hélène IOANNIDI, Critique (Paris), avril 1972, 25e ann., t. 28, nº 299, p. 364-368, cité
par André Tourneux, op. cit., p. 210.
20
Ibid.
21
Christiane Odile PAPADOPOULOS, « Les poèmes de Cavafy traduits par Marguerite
Yourcenar », dans Marguerite Yourcenar. Écriture, réécriture, traduction. Actes du
colloque de Tours, 20-22 novembre 1997, Rémy POIGNAULT et Jean-Pierre
CASTELLANI éd., Tours, SIEY, 2000, p. 343-362.
17
126
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
poème en prose »22. Mais elle aboutit elle aussi à un jugement positif en
estimant que « “Marguerite Yourcenar a réussi à rendre dans une partie de
ses traductions la voix de Cavafy qui diffère tellement de la sienne, mais qui
parle de sensations et d’émerveillements qui étaient également les siens” »23.
En participant au même colloque, Maria Orphanidou-Fréris24 met
l’accent sur le fait que Marguerite Yourcenar, se fondant sur un texte lu et
adapté par C. Dimaras et ne pouvant reconstituer le texte original, a été
finalement amenée « à une nouvelle imagination ou plutôt à une
réimagination des poèmes de l’écrivain grec »25. De toute façon, Marguerite
Yourcenar est justifiée, selon Maria Orphanidou-Fréris, par quelques
théoriciens du langage, tels André Lefevere et Henri Meschonnic, qui
estiment que la poétique de la traduction se fonde sur le renouvellement et
non sur un mot à mot.
La même chercheuse grecque développe encore plus ses réflexions à
propos de l’activité traductrice de Marguerite Yourcenar, d’un côté, dans un
colloque plus récent encore se tenant à Thessalonique en 2000 et, de l’autre,
dans un article figurant dans le dossier de la revue Le Lien Desmos consacré
à Marguerite Yourcenar à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort.
Dans sa communication, portant le titre, « Marguerite Yourcenar, traductrice
de Cavafy du XXIe siècle ? »26, Maria Orphanidou-Fréris renforce encore
plus le point de vue que la conception traductrice de Marguerite Yourcenar
telle qu’elle apparaît à travers les poèmes de Cavafy est en avance sur son
temps. Car la traduction yourcenarienne étant « sous le signe du sémiotisme
qui efface le littéralisme »27, remplit du point de vue esthétique tout en
respectant la poétique herméneutique cavafienne, « le rôle de ce que
Jakobson entendait par “fonction poétique” »28.
22
André TOURNEUX, op. cit., p. 224.
Christiane Odile PAPADOPOULOS, op. cit., p. 361, cité par André TOURNEUX,
op. cit., p. 224.
24
Maria ORPHANIDOU-FRÉRIS, « Traduire ou réimaginer Cavafy ? », Marguerite
Yourcenar. Écriture, réécriture, traduction, op. cit., 2000, p. 333-342.
25
Ibid., p. 341, cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 225.
26
Maria ORPHANIDOU-FRÉRIS, « Marguerite Yourcenar, traductrice de Cavafy du
XXIe siècle ? », Marguerite Yourcenar. Écrivain du XIXe siècle ? Actes du colloque
international de Thessalonique, Université Aristote (2-4 novembre 2000), Georges
FRÉRIS et Rémy POIGNAULT éd., Clermont-Ferrand, SIEY, 2004, p. 307-316.
27
Ibid., p. 314.
28
Ibid., p. 316.
23
127
Triantafyllia Kadoglou
Dans l’opposition de Marguerite Yourcenar au littéralisme de son époque
exigeant une traduction mot à mot et un respect de la forme et de la
spécificité du style, dans le refus de celle-ci d’introduire des éléments
étrangers dans sa propre langue, Maria Orphanidou-Fréris reconnaît une
novatrice qui « attirera des lecteurs même au XXIe siècle, puisque sa création
herméneutique ne vise pas uniquement à transmettre une information sur une
expérience référentielle »29.
Aussi, dans son article, sous le titre, « Yourcenar traductrice du grec »30,
Maria Orphanidou-Fréris donne-t-elle à voir cet art de traduire yourcenarien,
illustré à nouveau à travers la traduction des poèmes de C. Cavafy mais aussi
à travers celle des grands poètes grecs anciens, présentée dans La Couronne
et la Lyre (1979) : « anthologie proposant un voyage à travers la production
lyrique grecque de l’époque d’Homère aux premiers temps de l’Empire
byzantin »31. En soulignant encore la nouveauté remarquable de la
conception traductrice de Marguerite Yourcenar opposée à toute traduction
ethnocentrique de son temps, Maria Orphanidou-Fréris conclut que « ses
traductions grecques ont été classées parmi les traductions qui font date,
comme des créations à part entière […] »32.
Du fait que Mémoires d’Hadrien paraît en 1951 et que peu après, en
1953, Marguerite Yourcenar conçoit l’idée d’une édition d’ensemble des
poèmes de Cavafy, il y a parfois de la part des critiques une corrélation entre
Cavafy et Hadrien. Toujours est-il que dans une lettre adressée à Robert
Levesque, critique élogieux d’Hadrien, en février 1953, Marguerite
Yourcenar fait ce rapprochement : « […]. Et j’avoue qu’en imaginant, un peu
arbitrairement, une rencontre d’Hadrien et de Straton, je pensais à Cavafy et
à ce qu’eût été une conversation entre l’auteur d’Animula et l’auteur des
Jours de 1903 ou Les dieux désertent Antoine. En dépit des siècles qui les
séparent, ces deux hommes se seraient, je pense, assez bien compris »33.
29
Ibid.
Maria ORPHANIDOU-FRÉRIS, « Yourcenar traductrice du grec », Le Lien Desmos,
nº 25, 2007, p. 31-33.
31
Ibid., p. 31.
32
Ibid., p. 33.
33
Lettre à Robert LEVESQUE du février 1953, dans D’Hadrien à Zénon, t. 1, p. 226-227,
cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 142.
30
128
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
Dans sa communication portant le titre Décadence et conception de
l’histoire de Cavafy dans Mémoires d’Hadrien34 au colloque de Tours
(1997), Georges Fréris donne à voir tous ces rapprochements possibles entre
Mémoires d’Hadrien et Cavafy. Par de nombreuses questions concernant
l’intérêt et les raisons de cet intérêt de la part de Marguerite Yourcenar pour
le poète grec, Georges Fréris remarque : « “Yourcenar découvre chez Cavafy
que l’abaissement et la défaite des mythes s’inscrivent dans la trajectoire
transhistorique du temps, qu’ils ne résultent pas de l’ère contemporaine” »35.
Ce qu’elle cherche à trouver, signale-t-il, par l’écriture poétique et le voyage
dans l’espace-temps, ce sont le sens et l’expérience de vie tout comme une
sorte d’humanisme universel qui lui permettront de « “comprendre le monde,
[de] s’ouvrir à toutes formes de cultures” »36 et de civilisations. Et dans cette
perspective, « la ville d’Alexandrie “cité grecque, romaine et égyptienne,
voire orientale” est tout à fait symbolique »37.
Actuellement le nom de Marguerite Yourcenar figure dans la presse
hellénique comme point de référence à d’autres traductions38 des poèmes de
Cavafy faites très récemment en français, en allemand et en anglais. Un
article de Marie Papayiannidou39 paraît dans ΤΟ ΒΗΜΑ en novembre 1999 à
l’occasion de la publication, la même année, de la traduction de Cavafy de
34
Georges FRÉRIS, « Décadence et conception de l’histoire de Cavafy dans Mémoires
d’Hadrien », Marguerite Yourcenar. Écriture, réécriture, traduction, op. cit., 2000, p. 6575.
35
Ibid., p. 69, cité par André TOURNEUX, op. cit., p. 228.
36
Ibid., p. 73, cité par André TOURNEUX, op. cit.
37
Ibid., cité par André TOURNEUX, op. cit.
38
Les traductions moins récentes de Cavafy en français sont les suivantes : Constantin
CAVAFY, Poèmes. Traduits du grec par Théodore GRIVA précédés d’une étude
d’Edmond JALOUX et avant-propos de Mario MEUNIER. Lausanne, Abbaye du Livre,
1947 ; Poèmes de Cavafy, traduits par Robert LEVESQUE, Cahiers du sud, 1948 (il
s’agit des traductions partielles). C. P. Cavafy, Poèmes. Traduits par Georges
PAPOUTSAKIS. Préface d’André MIRABEL, Paris, Les Belles Lettres, 1958 (Publié un
mois avant la parution de l’ouvrage de Marguerite Yourcenar et de Constantin Dimaras),
réédition 1979 ; Poèmes anciens ou retrouvés, traduction de Gilles ORLIEB et Pierre
LEYRIS, Seguers, 1978 ; Œuvres Poétiques, traduits par Socrate ZERVOS et Patricia
PORTIER, éd. de l’Imprimerie Nationale, 1992.
39
Μαρία ΠΑΠΑΓΙΑΝΝΙΔΟΥ, «Γέννηση στον Gallimard», To BHMA online, Κυριακή
28 Νοεµβρίου 1999, code de l’article : Β127715061, ID : 193522, p. S06. C’est moi qui
traduis.
129
Triantafyllia Kadoglou
Dominique Grandmont40. En soulignant la réception chaleureuse de
l’ouvrage, Maria Papayiannidou se réfère aux critiques faites par le Soir et la
Quinzaine Littéraire qui caractérisent successivement la traduction de
Dominique Grandmont comme supérieure à celle de Marguerite Yourcenar.
Aussi résume-t-elle la conception traductrice de Dominique Grandmont sans
se rapporter à celle de Marguerite Yourcenar.
À l’occasion d’une nouvelle traduction de Cavafy en allemand faite par
Joerg Schaefer41 en 2003, Spyros Moskovou42, traducteur et directeur du
programme hellénique de Deutsche Welle, donne à voir, dans le même
journal, en mars 2004, à travers une révision traductrice, l’acception
allemande de la poésie cavafienne. Dans cette tentative, il aboutit à la
conclusion que les traductions cavafiennes suivent deux tendances
fondamentales. La première est la traduction en prose telle que Marguerite
Yourcenar la tente en français et Robert Elsie en allemand. Cette espèce de
traduction, conclut-il, permet au poète grec de parler simplement et
clairement comme parlerait un monsieur cultivé, méditatif et parfois mordant
en buvant son thé dans la pâtisserie Pastroudi d’Alexandrie. La seconde est
la transposition « poétique » qui est plutôt vouée à l’échec parce qu’elle
méconnaît des paramètres essentiels du style cavafien. Spyros Moskovou
considère comme valable la traduction de Joerg Schaefer qui cherche, selon
lui, à garder, entre les deux tendances, un juste milieu mais sas aboutir
définitivement.
Enfin, en 2004, une nouvelle traduction de Cavafy43 en anglais, réalisée
par Stratis Chaviaras, précédée d’une préface de Seamus Heaney et d’une
introduction de Manolis Savidis, est le motif du dernier article paru en mai
2004, dans Καθηµερινή. Dionysis Kapsalis44 se réfère ici aux points de vue
40
Constantin CAVAFIS, Poèmes. Préface, traduction et notes de Dominique
GRANDMONT, Gallimard, 1999.
41
Konstantin KaAVAFIS, Das Hauptwerk. Uebersetzt und kommentiert von Joerg
Schaefer, Heidenburg, Winter, 2003.
42
Σπύρος ΜΟΣΚΟΒΟΥ, «Από την εποχή του χαλκού στην καβαφική Αλεξάνδρεια», To
BHMA online, Κυριακή 21 Νοεµβρίου 2004, code de l’article : Β141215071, ID :
261691, p. S07.
43
C. P. CAVAFY : « THE CANON ». Préface of Seamus HEANEY. Introduction of
Manolis SAVIDIS. Hermes, 2004.
44
Διονύσης ΚΑΨΑΛΗΣ, «Ο Κ.Π. Καβάφης σε ξένη γλώσσα – µια νέα µετάφραση στα
αγγλικά του έργου του Αλεξανδρινού ποιητή από τον Στρατή Χαβιάρα», Καθηµερινή,
Τρίτη 25 Μαΐου 2004, news.Kathimerini.gr/4dcgi/warticles civ 623032 25/05/2004
130
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
des deux nobelistes Seamus Heaney et Joseph Brodsky qui confirment tous
les deux que les poèmes de Cavafy persuadent tellement qu’ils résisteraient
même à une traduction en prose. Dionysis Kapsalis mentionne la traduction
en prose de Marguerite Yourcenar et de Constantin Dimaras en soutenant,
tout comme Seamus Heaney, qu’elle sauve une partie importante du charme
cavafien.
Il existe deux traductions en grec de Présentation critique de Constantin
Cavafy, celle de Michel Pieridis en 1963 et celle de J. P. Savidis en 198345.
Ioanna Hadjinikoli, la traductrice principale en grec et éditrice de Marguerite
Yourcenar, a fait connaître son œuvre en Grèce. Fascinée par « la réception
de la Grèce dont témoigne [l’œuvre] de Marguerite Yourcenar […] »46
lorsqu’elle a découvert Mémoires d’Hadrien, Ioanna Hadjinikoli traduit
successivement ses livres en admirant chez elle « “son regard qui avec la
plus pénétrante clarté se pose sur la vie, enveloppant avec la plus vaste
compassion les choses humaines” », en respectant aussi chez elle toujours et
« “constamment le rythme de sa voix” »47. À l’exception de son rôle de
traductrice et d’éditrice, Ioanna Hadjinikoli devient et demeure à vie une très
bonne amie de Marguerite Yourcenar qui finit par inscrire son nom parmi
« “les gens de bonne volonté rencontrés en route” »48. Elle constitue
d’ailleurs « la compagnie apaisante »49 de l’académicienne pendant son
dernier voyage en Grèce en 1983, qui ne lui rappelle plus rien de la Grèce
d’antan où elle a vécu, près d’un demi-siècle plus tôt.
Outre Ioanna Hadjinikoli qui est la traductrice essentielle de l’œuvre
yourcenarienne, à la maison d’édition qui porte son nom, on citera aussi
104757.
45
ΓΙΟΥΡΣΕΝΑΡ Μαργαρίτα, Κριτική Παρουσίαση του Κωνσταντίνου Καβάφη, Ανέκδοτα
πεζά κείµενα. Εισαγωγή και µετάφραση Μιχάλη ΠΙΕΡΙΔΗ, Αθήνα, Φέξης, 1963.
ΓΙΟΥΡΣΕΝΑΡ Μαργαρίτα, Κριτική Παρουσίαση του Κωνσταντίνου Καβάφη. Μετάφραση
Γ.Π. ΣΑΒΒΙΔΗΣ, Αθήνα, Χατζηνικολή, 1983.
46
Bérangère DEPREZ, « “Ces souvenirs qui sont miens” – Traces grecques de soi dans
Mémoires d’Hadrien », Le Lien Desmos, nº 25, 2007, p. 21.
47
Achmy HALLEY, « Yourcenar et la Grèce », ibid., p. 12.
48
Achmy HALLEY, « Marguerite Yourcenar, Grecque par-delà la Grèce », op. cit., 2004,
p. 26.
49
Voir « Le Livre d’adresse ». Les Trente-trois noms de Dieu, édition établie et présentée
par Achmy HALLEY, Montpellier, Fata Morgana, 2003, p. 21-26, cité par Achmy
HALLEY, « Marguerite Yourcenar, Grecque par-delà la Grèce », op. cit.
131
Triantafyllia Kadoglou
Catherine Zarakosta50 qui a traduit en 1980 Le Coup de grâce (réédition en
2000) et Thérèse St. Panayiotou51 qui a traduit en 2002 Denier du rêve et en
2006 le premier tome du Théâtre qui comprend : a) Rendre à César (Τα του
Καίσαρος τω Καίσαρι), b) La Petite sirène (Η Μικρή γοργόνα) c) Le
Dialogue dans le marécage (Διάλογος στο βάλτο). La traduction du
deuxième tome qui comprend : a) Électre ou la Chute des masques (Ηλέκτρα
ή η πτώση των προσωπείων), b) Le Mystère d’Alceste (Tο Μυστήριο της
Άλκηστης), c) Qui n’a pas son Minotaure ? (Ποιος δεν έχει το µινώταυρό
του;), est effectuée par Ioanna Hadjinikoli. Il s’agit de la publication la plus
récente des Éditions Hadjinikoli concernant Marguerite Yourcenar. De plus
celle-ci figure dans une œuvre collective parue encore plus récemment en
2007 aux Éditions Ermias52.
La traduction en grec, d’une manière progressive, presque de
l’ensemble de l’œuvre yourcenarienne prouve que cette auteure, Grecque
par-delà la Grèce53, touche de plus en plus, non seulement le cœur des
lecteurs avertis mais aussi du grand public grec54. En outre, des théâtres
grecs montent des pièces de Marguerite Yourcenar ou des pièces
inspirées par celle-ci. En effet, en 1987 le Centre Culturel Théâtre Libre
(Πολιτιστικό Κέντρο Ελεύθερο Θέατρο/ΠΟ.Κ.Ε.Θ.) monte la
présentation « Pièces en un acte » jouant, entre autres, Clytemnestre de
Marguerite Yourcenar – texte théâtralisé par Marie Bakopoulou.
Th. Espiritou met en scène, en 1992, La Petite sirène de Marguerite
50
YOURCENAR Marguerite (1980), Η χαριστική βολή, Αθήνα, Χατζηνικολή,
Μετάφραση Κατερίνα ΖΑΡΟΚΩΣΤΑ, 1980, rééd. 2000.
51
YOURCENAR Marguerite, Ο Οβολός του ονείρου, Αθήνα, Χατζηνικολή, Μετάφραση
Τερέζα Στ. ΠΑΝΑΓΙΩΤΟΥ; 2002. Marguerite YOURCENAR, Θέατρο (Τόµος 1),
Αθήνα, Χατζηνικολή, Μετάφραση Τερέζα Στ. ΠΑΝΑΓΙΩΤΟΥ, 2006.
52
Συλλογικό έργο, FRANCE Anatole, ARAGON Louis, BALZAC Honoré de, BLEYS
Olivier, CASANOVA Giacomo, CHATEAUBRIAND François René de, COLETTE
SIDONIE Gabrielle, DUMAS Alexandre 1802-1870, FLAUBERT Gustave, GAUTIER
Théophile, GIONO Jean, MALLARMÉ Stéphane, MAUROIS André, MÉRIMÉE
Prosper, NERVAL Gérard de, PROUST Marcel, SADE Louis Aldonze Donatien Comte
de, TOURNIER Michel, VOLTAIRE, YOURCENAR Marguerite, ZOLA Émile, κ.ά., Οι
γεύσεις στη λογοτεχνία : Γαλλία, Αθήνα, Ερµείας, 2007.
53
Achmy HALLEY, « Marguerite Yourcenar, Grecque par-delà la Grèce », op. cit., p. 9.
54
J’ai été agréablement étonnée quand en feuilletant un de ces magazines consacrés à
l’actualité, j’ai lu à la question posée, quels livres accompagneront-ils vos vacances ?, la
réponse d’un des lecteurs qui disait qu’il voudrait compléter ses lectures concernant
l’œuvre de Marguerite Yourcenar avec l’essai Mishima ou la Vision du vide.
132
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
Yourcenar, une pièce montée par le Théâtre de Mars et subventionnée
par le Ministère de la Civilisation. Cette même pièce mise en scène par
Th. Espiritou et sous l’égide des Théâtres Municipaux de Kozani et de
Naoussa, est également jouée dans ces villes en 1997 et en 1998
respectivement .
En 2002, dans le cadre de l’Olympiade culturelle, le metteur en scène
Peter Stein interprète également le monologue de Marguerite Yourcenar
montant à Épidaure Clytemnestre. D’autre part, en 2003, l’adaptation
théâtrale de Mémoires d’Hadrien – un spectacle « conçu au printemps
1989 par Maurizio Scaparro, alors directeur du Teatro di Roma, en
collaboration avec Jean Launay et représenté pour la première fois le 31
juillet à la Villa Adriana, où il est repris chaque été depuis 2003 »55 – est
présentée à Athènes à l’odéon d’Hérode Atticus. Un article de Vassilis
Angelikopoulos sur ce spectacle paraît dans Kathimerini (en version
anglaise), sous le titre «''Mémoires d’Hadrien'' on stage»56. En outre, une
adaptation théâtrale en grec de Feux est organisée et présentée, la même
année, à Mycènes, par Nikos Sakalidis.57
Encore plus récemment en octobre 2006 et en mars 2007, le groupe
théâtral KINITIRAS monte Clytemnestre invisible (Κλυταιµνήστρα Αόρατη).
Antigone Gyra qui signe la mise en scène de ce choréspectacle, crée sa
propre Clytemnestre dont l’attitude face à la vie repose sur des textes de
Marguerite Yourcenar, de J. Ritsos, de C. Cavafy, de J. Kampanelis, de
D. Zagora et sur des témoignages anonymes de femmes avec l’autorisation
d’Amnesty International. Il y a d’autres chercheurs ou écrivains grecs
contemporains inspirés par Marguerite Yourcenar et son œuvre.
En effet, l’auteur Kostas Akrivos publie en 2003 un recueil de neuf
nouvelles sous le titre Balle sur le sein58 (Σφαίρα στο βυζί). Dans son effort
de dépister la relation profonde entre l’amour et l’écriture, il y décrit
certaines des plus grandes personnalités de la mythologie, de l’histoire et de
la littérature, parlant à la première personne de leur vie sexuelle secrète,
55
François BONALIFIQUET, Réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar – Essai de
bibliographie chronologique (1995-2006), Clermont-Ferrand, SIEY, 2007, p. 7.
56
Vassilis ANGELIKOPOULOS, « “Mémoires d’Hadrien” on stage », Kathimerini (version
anglaise-Greece), 27/3/2003.
57
Fires, compagnie Argolis cultural and sports organisation, par Nikos SAKALIDIS,
Mycenes, 4 septembre 2003.
58
Κώστας ΑΚΡΙΒΟΣ, Σφαίρα στο βυζί, Αθήνα, Κέδρος, 2003.
133
Triantafyllia Kadoglou
s’autoanalysant à travers un discours direct et intrinsèque lié absolument à
l’époque de chacun. Parmi les grands monstres sacrés de la littérature,
l’auteur grec choisit entre autres Marguerite Yourcenar, faisant émerger à
travers un discours fabuleux, la disposition poétique suggestive
yourcenarienne, dépliée à travers le rôle que l’homosexualité et la
bissexualité ont joué dans la vie et l’œuvre de l’académicienne.
En outre, le 23 novembre 2007, à Paris, Unesco Culture Heritage and
Diversity attribue le Prix International à la chercheuse grecque Barbara
Douka pour son travail théorique et pratique à la fois sur l’anthropologie
théâtrale et spécialement sur la Lamentation et la Tragédie Grecque. Plus
précisément sa dernière recherche, sous le titre, Tradition Grecque et
Lamentation – Ritual Lament and Greek Tragedy – commencée en 1999 et
appliquée aux extraits des tragédies sur la scène de plusieurs théâtres, aux
séminaires internationaux ou aux programmes européens, sur Internet et
ailleurs – est basée sur des textes de Marguerite Yourcenar, de J. Ritsos, de J.
Kampanelis et autres.
D’autre part, dans la presse journalistique hellénique, il y a très souvent
des références témoignant de la grande réception de Mémoires d’Hadrien en
Grèce. Le professeur d’Ethnomusicologie de l’Université d’Athènes et
directeur du Musée d’Instruments de Musique Traditionnels Grecs, Labros
Liavas59 présentant dans un article les modèles helléniques de l’art musical,
emprunte, par exemple, aux paroles d’Hadrien : à la place des livres qui
représentaient pour celui-ci ses « premières patries »60 (MH, p. 43), il met
mutatis mutandis les disques, ces livres sonores comme il les appelle, où
l’univocité des mots est rebaptisée dans la polysémie de la musique pour
accepter de multiples lectures-auditions. Aussi, à partir de la phrase
d’Hadrien, « presque tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en
grec » (MH, p. 45), il renvoie à l’étymologie grecque du mot musique,
passant successivement dans plusieurs langues du monde.
En présentant également le dernier livre, portant le titre Les Cimetières de
la Grèce (Ελλάδος Κοιµητήρια) du folkloriste grec Elias Petropoulos61,
59
Λάµπρος ΛΙΑΒΑΣ, «Τα ελληνικά πρότυπα της µουσικής τέχνης», Στυξ, 10 Αυγούστου
2007.
60
Toutes les citations de Mémoires d’Hadrien renvoient à l’éd. Gallimard, coll. Folio,
1988.
61
Ηλίας ΠΕΤΡΌΠΟΥΛΟΣ, Ελλάδος κοιµητήρια, Αθήνα, Κέδρος, 2005.
134
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
Démosthène Kourtovik62 le compare à Hadrien. Car, d’après lui, concentrant
durant quatre décennies des informations à propos de la culture grecque de la
mort, étant également malade lui-même, cet Hérodote du folklore
contemporain hellénique se prépare pour le voyage dans la mort, tout comme
Hadrien : « Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts… » (MH, p. 316).
Outre les articles concernant l’activité traductive yourcenarienne
mentionnés ci-dessus, il y a ceux qui informent le public grec sur des livres
ou des biographies de Marguerite Yourcenar traduits en grec. Lory Keza63
signe deux articles consacrés à Marguerite Yourcenar, l’un sur son livre
autobiographique Quoi ? L’Éternité ?, et l’autre sur la publication de sa
biographie par Josyane Savigneau64 traduite aussi en grec par Ioanna
Hadjinikoli. Aristomenis Kalkavouras65 consacre également un article à la
mémoire de Marguerite Yourcenar à l’occasion du centenaire de sa
naissance. Aussi y mentionne-t-il la publication d’honneur à propos de cet
anniversaire aux éditions Gallimard : Marguerite Yourcenar, Du Mont-Noir
aux Monts-Déserts66. Dès la parution de la traduction en grec de Denier du
rêve, aux Éditions Hadjinikoli, Ar. Ellinoudi67 saisit l’occasion pour donner
la dimension politique de cet ouvrage caractérisé comme le premier roman
anti-fasciste dans l’Europe occidentale, comme une allégorie caustique qui
donne à voir l’absurdité tragique du fascisme.
Du côté des interprétations critiques, il y a dans les milieux universitaires
des chercheurs grecs en Grèce ou à l’étranger qui étudient l’œuvre de
Marguerite Yourcenar. À l’exception des critiques rapportées ci-dessus
concernant la traduction, leurs analyses, comparatives dans leur ensemble,
62
Δηµοσθένης ΚOYΡΤΟΒΙΚ, «Ρέκβιεµ για τον Ηρόδοτο της λαογραφίας», ΤΑ ΝΕΑ,
13/5/2006.
63
Λώρη ΚEΖΑ, «ΜΑΡΓΚΕΡΙΤ ΓΙΟΥΡΣΕΝΑΡ – Το κενό και το αιώνιο», ΤΟ ΒΗΜΑ
online, Κυριακή 2η Αυγούστου 1997, code de l’article : Β124435161, ID : 28894, p. S16 ;
Λώρη ΚΕΖΑ, «Βιβλιογραφίες ή αδιακρισίες;», ibid., Κυριακή 4 Αυγούστου 1996, code
de l’article : Β12388Β021, ID : S17, p. B02.
64
Josyane SAVIGNEAU, op. cit. Josyane SAVIGNEAU, Μαργκερίτ Γιουρσενάρ, Η
επινόηση µιας ζωής, Αθήνα, Χατζηνικολή, Μετάφραση Ιωάννα Χατζηνικολή.
65
Αριστοµένης ΚΑΛΚΑΒΟΎΡΑΣ, «Επέτειος – Στην τροχιά της Αθανασίας», ΤΟ ΒΗΜΑ
online, Κυριακή 24 Αυγούστου 2003, code de l’article : Β13946S051, ID : 257276,
p. S05.
66
Marguerite YOURCENAR, Du Mont-noir aux Monts-Déserts, Paris, Gallimard, 2003.
67
Αρ.
ΕΛΛΗΝΟΥΔΗ
«Η
τραγική
γελοιότητα
του
φασισµού»,
www2.rizospastis.gr/column Page.do? publDate=31/8/2003&columnld=81.
135
Triantafyllia Kadoglou
font voir l’universalité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, inhérente soit
à son esprit diachronique soit à sa conception humaniste helléniste. En effet,
lors d’un récent colloque (Thessalonique, 2000), Z. I. Siaflekis68 révèle une
autre dimension de l’universalité yourcenarienne localisée dans les mythes et
l’histoire enfin dans la culture. À travers une lecture comparée entre
Marguerite Yourcenar et Alexandre Papadiamandis, il projette l’actualisation
du fantastique, émergeant d’une « écriture qui articule la conscience
individuelle et la tradition collective »69.
Dionysis Kapsaskis montre en comparaison avec Tomas Mann, Honoré
de Balzac et Marcel Proust tout comme avec les courants littéraires et
critiques de son temps, le réalisme de Marguerite Yourcenar qui refuse « de
traiter le problème de la représentation comme problème épistémologique et
continue la recherche d’une solution qui rende compte de l’“essentiel” – d’où
son intérêt constant pour la cause humaniste »70. Au cours du même colloque
Christian Papas fait également émerger le réalisme visionnaire très postmoderne de Marguerite Yourcenar, emprunté aux peintres visionnaires
réalistes et appliqué par celle-ci dans son Labyrinthe du monde en nous
transmettant ainsi « une vision à la fois grandiose et pessimiste du monde,
dans son sens large, c’est-à-dire comprenant le règne végétal, animal et
humain »71.
Plus récemment encore (Cluj, Arcalia, Sibiu, 2003), Dionysis Kapsakis72
tente une approche philosophique de l’œuvre yourcenarienne parallèlement à
celle de Heidegger, en montrant que « tous les deux adoptent instinctivement
68
Z. I. SIAFLEKIS, « Marguerite Yourcenar dans le sillage du conte fantastique :
l’homme qui a aimé les Néréides, Notre-Dame-des-Hirondelles et sous le chêne royal
d’Alexandre Papadiamandis (1851-1911) », dans Marguerite Yourcenar. Écrivain du XIXe
siècle ?, op. cit., 2004, p. 375-388.
69
Ibid., p. 388.
70
Dionysis KAPSASKIS, « Réalisme et limites de la représentation dans la pensée
critique de Marguerite Yourcenar », dans Marguerite Yourcenar. Écrivain du XIXe
siècle ?, op. cit., p. 255.
71
Christian PAPAS, « Yourcenar, écrivain post-moderne ? », ibid., p. 317.
72
Dionysis KAPSASKIS, « Remarques préliminaires au sujet du cosmopolitisme dans la
pensée “antimoderniste” de Marguerite Yourcenar », Marguerite Yourcenar. Citoyenne
du monde. Actes du colloque international de Cluj, Arcalia, Sibiu, 8-12 mai 2003, Maria
VODA CAPUSAN, Maurice DELCROIX et Rémy POIGNAULT éd., Clermont-Ferrand,
SIEY, 2006, p. 183-190.
136
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
un point de vue anti-moderniste et conservateur »73 à la fois. Mais il
remarque que l’opposition entre la tradition et le cosmopolitisme, le fait de
« distinguer ontologiquement entre les deux, comme le faisait Heidegger
c’est retomber dans l’erreur de la métaphysique »74. Par contre, chez
Yourcenar « au cœur de la tradition métaphysique nous trouverons ce qui la
fait éclater : le sujet fragmenté, l’homme cosmopolite »75.
À travers une présentation critique comparative entre Marguerite
Yourcenar et Selma Lagerlöf, une auteure suédoise que Yourcenar a admirée
toute sa vie, Ioanna Konstandulaki-Chantzou (Thessalonique 2000) conclut
que ces deux femmes écrivains, distinguées pour leur humanisme et leur
universalité, honorent « les lettres européennes en rappelant la notion et la
valeur de l’esprit européen authentique que l’on a quelque peu tendance à
oublier aujourd’hui »76. Par un rapprochement entre Marguerite Yourcenar et
Rimbaud, Hélène Skoura (Thessalonique 2000) fait aussi émerger « les
réseaux ésotériques qui unissent ces deux créatures, lesquelles pendant deux
périodes différentes ont réussi à poétiser leur réalité quotidienne »77.
Les analyses de Christiane Papadopoulos78 (Tenerife 1993) et de Georges
Fréris (Thessalonique 2000) ne suivent pas une méthode critique
comparative. En effet, Christiane Papadopoulos dépiste « la présentation de
la Grèce à différentes époques » dans les textes de Yourcenar sur Pindare et
Cavafy, se proposant également de montrer « si et jusqu’à quel point l’image
de la Grèce de Yourcenar est influencée par des préjugés […] »79. Elle
aboutit à l’idée que « la présentation des poèmes de Cavafy comporte
quelques jugements assez sévères, qui […] sont proches de préjugés » ; ce
73
Ibid., p. 190.
Ibid., p. 188.
75
Ibid., p. 190.
76
Ioanna KONSTADULAKI-CHANTZOY, « Selma Lagerlöf-Marguerite Yourcenar : un
diptyque européen », Marguerite Yourcenar, Écrivain du XIXe siècle ?, op. cit.,
2004, p. 106.
77
Hélène SKOURA, « Arthur Rimbaud – Marguerite Yourcenar : affinités électives »,
ibid., p. 389.
78
Christiane PAPADOPOULOS, « L’image de la Grèce dans les présentations de Pindare
et de Kavafis de Marguerite Yourcenar : jugements ou préjugés ? », L’Universalité dans
l’œuvre de Marguerite Yourcenar (volume 2), Actes du colloque international de Tenerife
(novembre 1993), Maria José VÁZQUEZ DE PARGA et Rémy POIGNAULT éd., Tours,
SIEY, 1995, p. 59-69.
79
Ibid., p. 60.
74
137
Triantafyllia Kadoglou
qui est dû au fait que « la Grèce moderne est quasiment absente de son essai
et que les années trente grecques de Yourcenar n’y ont pas laissé de trace,
tout ceci indice d’un certain malaise de l’auteur devant cette période de sa
vie »80.
Georges Fréris de son côté se basant sur l’esthétique de la réception de
Hans Robert Jauss, montre, à travers Mémoires d’Hadrien, que « le “moi”
devient à son tour dépositaire d’une mémoire collective »81. Dans cette
perspective, il donne à voir la valeur universelle de cette œuvre, faisant
émerger de « ce quiproquo continuel du “je” narrateur, d’Hadrien, acteur de
l’Histoire et de Marguerite Yourcenar, écrivain du récit »82, un discours
autocritique, bref « le discours sur l’histoire universelle que le narrateur
déploie de façon permanente tout au long du récit »83.
Dans un article paru tout dernièrement dans la revue franco-hellénique Le
Lien Desmos84, Georges Fréris revient à ce même sujet étudié antérieurement
par Christiane Papadopoulos : « l’image que se fait un écrivain étranger de la
Grèce, d’après son expérience personnelle, ses relations, ses lectures »85.
Celui-ci, contrairement à Christiane Papadopoulos, localise des éléments de
la tradition néo-hellénique dans trois des dix nouvelles du recueil qui se
rapportent à la Grèce contemporaine : L’Homme qui a aimé les Néréides,
Notre-Dame-des-Hirondelles et La Veuve Aphrodissia. Et même il y décèle
« l’influence d’Embiricos dont les théories psychanalytiques font discerner
derrière chaque mythe l’écho d’un état d’âme, le comportement naturel de
l’homme primitif loin de la logique imposée par la société »86. Dans cette
catégorie non comparative s’inscrit aussi ma propre étude critique sur
Alexis87 qui élabore la relation de Marguerite Yourcenar avec la
psychanalyse et fait émerger, à travers différentes théories psychanalytiques
80
Ibid., p. 69.
Georges FRÉRIS, « L’esprit décadent du XIXe siècle et l’angoisse du XXIe siècle dans
Mémoires d’Hadrien », Marguerite Yourcenar. Écrivain du XIXe siècle ?, op. cit., 2004,
p. 183.
82
Ibid., p. 190.
83
Ibid., p. 191.
84
Dans la dernière édition de cette revue, il y a un dossier dirigé par Achmy HALLEY,
sous le titre Yourcenar et la Grèce, Le Lien Desmos, op. cit., p. 7-44.
85
Ibid., p. 27.
86
Ibid., p. 28.
87
Cf. Triantafyllia KADOGLOU, « Alexis ou Le Traité du vain combat : la projection de
l’archétype maternel », Bulletin de la SIEY, nº 26, 2005, p. 19-36.
81
138
La réception de l’œuvre de Marguerite Yourcenar en Grèce
de Freud, de Jung, de Lacan, des femmes-analystes…, la projection de
l’archétype maternel repéré, du point de vue psychologique, à l’origine de
l’homosexualité du héros.
Au niveau des recherches-rencontres, il faut noter trois colloques, le
premier, organisé à Thessalonique en 2000 par le Laboratoire de Littérature
Comparée de l’Université Aristote de Thessalonique et la Société
Internationale d’Études Yourcenariennes et dont les communications ont été
publiées sous le titre, Marguerite Yourcenar. Écrivain du XIXe siècle ? Actes
du colloque international de Thessalonique, Université Aristote (2-4
novembre 2000), éd. Georges FRÉRIS et Rémy POIGNAULT, ClermontFerrand, SIEY, 2004 ; le deuxième, organisé à l’Université d’Athènes en
2003 à l’occasion de l’anniversaire du centenaire de la naissance de
Marguerite Yourcenar ; le troisième, à Andros en 2004, à propos de la revue
touristico-littéraire Le Voyage en Grèce, organisé par l’École française
d’Athènes et dont les communications ont été éditées sous le titre, Le Voyage
en Grèce (1934-1946). Actes du colloque international de l’École française
d’Athènes, 23-26 septembre 2004, Athènes, École française d’Athènes 2006.
Dans le cadre de ce colloque, Marguerite Yourcenar est référée parmi les
auteurs qui ont collaboré avec la revue ci-dessus, édifiant une arche
incomparable en hommage à la civilisation hellénique, de l’Antiquité à
l’époque contemporaine. En décembre 2007, à Athènes, une table ronde a été
organisée par l’Institut Français d’Athènes et la revue Desmos : La Grèce,
l’autre patrie de Marguerite Yourcenar. Il y a, en outre, au moins à ma
connaissance, un Mémoire de D. E. A. sur Alexis ou Le Traité du vain
combat présenté à l’Université Aristote de Thessalonique88.
Enfin, il faut également noter qu’actuellement, Marguerite Yourcenar,
même si elle est la première femme élue à l’Académie française, est très peu
étudiée dans l’Université française. Car les critiques littéraires d’aujourd’hui
« ne veulent voir dans les écrivains du XXe siècle que ceux qui reflètent le
progrès et la modernité et ceux qui ont mis l’accent sur la rupture avec le
XIXe siècle »89. Dans cette perspective, Marguerite Yourcenar est « souvent
88
Fotini TILIAKOU, L’Espace intérieur et le monde dans Alexis ou le Traité du vain
combat de Marguerite Yourcenar : être et faire, Janvier 2000, Mémoire de D. E. A.,
Université Aristote de Thessalonique.
89
Christian PAPAS, « Yourcenar, écrivain post-moderne ? », Marguerite Yourcenar.
Écrivain du XIXe siècle ?, op. cit., 2004, p. 317.
139
Triantafyllia Kadoglou
liquidée dans les anthologies du XXe siècle en quelques lignes à propos des
Mémoires d’Hadrien, signalant son classicisme et son académisme »90.
Contrairement à cette tendance existant dans les universités françaises,
Marguerite Yourcenar est actuellement étudiée dans les universités grecques.
Elle est enseignée au département français de l’Université d’Athènes et
même des textes intégraux de celle-ci. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’elle
est enseignée au département français de l’Université Aristote de
Thessalonique dans le cadre d’un cours optionnel intitulé Le Nouveau
Roman examinant les romans français après la Deuxième Guerre Mondiale,
ainsi que les courants sociaux, politiques et littéraires qui ont influencé sa
production. Malgré son opposition ou son mépris même « vis-à-vis des
expériences quelque peu stériles du Nouveau Roman […] »91, Marguerite
Yourcenar y est enseignée côte à côte avec Queneau, Robbe-Grillet, Pinget,
Sollers, Le Clezio, Tournier… Cela montre que Marguerite Yourcenar a
commencé à être révisée et classée, comme il a d’ailleurs été prouvé par
plusieurs chercheurs au colloque de Thessalonique, parmi les écrivains
modernes, et que « par ses procédés d’écriture elle se révèle très novatrice et
annonce peut-être le post-modernisme culturel du XXIe siècle »92. Dans cette
optique, elle est également enseignée à la Faculté des Lettres de l’Université
de Crète. Dans le cadre d’un cours intitulé Les aspects du roman historique
dans la littérature hellénique et européenne du XXe siècle, est dépistée, à
travers Mémoires d’Hadrien, la proposition réformiste de Marguerite
Yourcenar.
Or, il est indéniable que Marguerite Yourcenar, étant au fond, comme le
disait son amie et traductrice en Grèce, Ioanna Hadjinikoli, « une grande
poétesse grecque qui écrivait en français »93, traverse le temps, touchant de
plus en plus non seulement le cœur des lecteurs avertis mais aussi du grand
public grec.
90
Ibid.
Ibid.
92
Ibid., p. 323.
93
Bérangère DEPREZ, « Traces grecques de soi dans Mémoires d’Hadrien », Le Lien
Desmos, op. cit., 2007, p. 24.
91
140