LA VACCINATION DES MIGRANTS EN FRANCE
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LA VACCINATION DES MIGRANTS EN FRANCE
Cours International Francophone de Vaccinologie Diplôme Universitaire de Vaccinologie 2011-2012 LA VACCINATION DES MIGRANTS EN FRANCE Présenté par Mme ESQUERRE Blandine Née le 11/03/1961 Résumé Ils sont environ 5 millions de migrants qui vivent en France, et l’on pourrait résumer leur situation vis à vis des maladies à prévention vaccinales ainsi : risque supérieur et moindre couverture vaccinale que les français. Plus ou moins bien vaccinées dans leur pays d’origine, ces personnes doivent souvent bénéficier d’une mise à jour selon le calendrier vaccinal français. Mais leurs conditions de vie en France les exposant souvent davantage (hépatite B, tuberculose), ainsi que les voyages « au pays » (notamment vis à vis de l’hépatite A pour les enfants nés en France), ils font aussi l’objet de recommandations vaccinales particulières, liées à ces risques spécifiques. Souvent mouvante, cette population est difficile à vacciner malgré une bonne acceptation de la vaccination, parce qu’elle connaît mal les vaccins recommandés, leur prise en charge et les lieux de vaccination, d’ailleurs assez peu nombreux. Quant aux vaccins du voyage, non obligatoires, ils restent largement sous-utilisés pour des raisons financières. Une meilleure information des migrants mais aussi du corps de santé, une organisation plus claire de l’offre vaccinale et une simplification des protocoles pourraient améliorer leur couverture vaccinale. A ce titre, le carnet de vaccination électronique se présente comme un outil très pratique. Abstract They are around 5 millions migrants living in France and we could sum up their situation towards vaccinal prevention diseases like this: higher risk and less vaccination than French population. More or less vaccinated in their country of origin those people often have to benefit of an updated according to the French vaccinal calendar. But their way of life in France often displaying them more (hepatitis B, tuberculosis) and also travels to home country (especially opposite with hepatitis A for children born in France), moreover they are the object of particular immunization recommendations connected with those specific risks. Often in motion, this population is a hard target for vaccination despite a good acceptance of it, because they barely know the recommended vaccines, how and where they can get vaccinated. About travel immunization, it remains actually unused for many reasons. Better information of migrants but also of the clinics, a clearer organization of the vaccinal offer and more simple protocols could improve the vaccinal coverage. Along these lines, electronic immunisation record seems to be a very useful implement. 1 Plan de l’EXPOSE PAGES GLOSSAIRE……………………………………………………………………………… 3 INTRODUCTION ENJEUX ………………………………………………………………………… 4 POPULATION CONCERNEE …………………………………………………. 5 DEFINITIONS…………………………………………………………………… 6 1- AVANT L’ARRIVEE EN FRANCE LES MALADIES A PREVENTION VACCINALE DANS LES PVD…………. 7 VACCINATION DANS LES PVD - PEV - GAVI…………………………….. 8 2- L’ARRIVEE EN FRANCE RISQUES PARTICULIERS : HEPATITE B, TUBERCULOSE………………. 10 LE RATTRAPAGE VACCINAL ……………………………………………….. 13 3- LA VIE EN FRANCE L’ENFANT NE EN FRANCE recommandations particulières …………………. 19 LA COUVERTURE VACCINALE DES MIGRANTS…………………………… 20 LES ROMS…………………………………………………………………………. 22 4- LE VOYAGE VISITE AU PAYS………………………………………………………………… 23 PELERINAGE A LA MECQUE……………………………. …………………… 29 5- COMMENT AMELIORER LA PROTECTION VACCINALE DES MIGRANTS ? LES ACTEURS DE LA POLITIQUE VACCINALE EN FRANCE ……………. 30 PISTES D’AMELIORATION …………………………………………………….. 32 LE CARNET DE VACCINATION ELECTRONIQUE…………….34 CONCLUSION………………………………………………………………………….… 35 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………… 36 2 GLOSSAIRE AME : aide médicale d’Etat ANAEM : Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations (maintenant OFII) BEH : Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire CADA Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile CDAG : Centre de Dépistage Anonyme et Gratuit CDC : Center for Disease Control and prevention CIDDIST : Centre d’Information de Dépistage et de Diagnostic des IST CMU : couverture maladie universelle CMUc : (id) complémentaire CPAM : caisse primaire d’assurance maladie COMEDE : COmité MEDical pour les Exilés CV : centre de vaccination CVI : Centre de Vaccinations Internationales DDV : Dispositif Départemental de Vaccination DDLAT : dispositif départemental de lutte anti-tuberculeuse GAVI : Global Alliance for Vaccines and Immunisation HB : hépatite B HBC : hépatite B chronique INPES : Institut National de Prévention et d’Education pour la santé INVS : Institut National de Veille Sanitaire IST : Infections Sexuellement Transmissibles MDM : Médecins Du Monde OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (ex ANAEM) OMS : Organisation Mondiale de la Santé (WHO en anglais) OPV : vaccin polio oral OQTF : Obligation de Quitter le Territoire Français) PASS : Permanence d’Accès aux Soins de Santé PEV : Programme Elargi de Vaccination PMI : Protection Maternelle et Infantile (conseil général) PVD : pays en voie de développement ROR : rougeole oreillons rubéole VFR : Visiting Friends and Relatives WHO = OMS 3 INTRODUCTION En 2012, plus de 5 millions d’immigrés habitent en France, où ils ne sont pas nés mais qui souvent a vu naître leurs enfants. La plupart sont en « séjour régulier », définitif ou non, certains par contre font partie de ceux que l’on appelle les « sans papiers ». Du bébé né en France de parents ivoiriens au vieux magrébin venu construire les cités-dortoirs abritant aujourd’hui d’autres générations de personnes attirées par l’image encore rayonnante de la France, en passant par le petit rom, tous ont, outre la résidence en France, un point commun : le voyage. Celui qu’ils firent, font ou ferons et qui détermine en quelque sorte leur « statut » de migrant. ENJEUX : Pourquoi vacciner les migrants ? « La santé des migrants est un élément diagnostique et pronostique de la santé de la société française » Anne-Marie Moulin CNRS UMR 7219, Paris VII L'atteinte et le maintien d'une couverture vaccinale élevée à tous les âges de la vie constituent l'un des objectifs de la politique française de santé publique. Il s'agit en effet d'un enjeu sanitaire majeur dans la mesure où l'état vaccinal des individus peut avoir un impact important sur la transmission des agents infectieux et la protection de l'ensemble de la population. L'institut de veille sanitaire recommande en France de renforcer la vaccination des personnes âgées de 9 mois à 30 ans, en insistant sur les populations les plus précaires, notamment migrants et roms. (1) L’objectif des vaccinations est de protéger les personnes susceptibles, c’est-à-dire celles qui n’ont pas fait les maladies d’enfance habituelles, celles qui n’ont pas reçu les vaccinations de routine du plan élargi de vaccination de l’OMS (PEV, voir plus loin) ou celles qui n’ont pas reçu le nombre requis d’injections pour une immunisation de base complète. Pour les migrants il faut aussi prendre en compte le risque supérieur à la population générale de contracter certaines maladies infectieuses (hépatites, tuberculose, rougeole). On vaccine donc : pour protéger les migrants et leur famille (conditions de vie, risque lié au voyage) pour protéger la communauté d’accueil (éviter les épidémies et leurs conséquences sanitaires et économiques), voire la population mondiale (en vue d’une éradication). 4 POPULATION CONCERNEE Fig 1 Population d’étrangers et immigrés résidant en France (document COMEDE) La grande majorité des migrants français viennent du continent africain : Maghreb, Afrique subsaharienne anciennement française. Le flux migratoire d’Afrique subsaharienne est en augmentation, mais les chiffres ne comptabilisent pas l’immigration clandestine (fig2). Fig 2 Flux migratoire en France ( CEU médecine des voyages Marseille 2011- D.Andriamanantena Hôpital Bégin) Maghreb Afrique sub-saharienne anciennement française Autres Cas particuliers : Guyane et Mayotte : Dans ces départements français, le taux d’immigrés dans les villes est très important, dont beaucoup en situation irrégulière (respectivement 77,5% et 43,6% à Saint-Laurent du Maroni –Guyane). D’autre part, les ressortissants de ces départements sont souvent considérés comme population à risque comme les migrants et relèvent d’un calendrier vaccinal particulier (1, 2, 6). 5 DEFINITIONS ■ Étranger : personne résidant en France et qui n’a pas la nationalité française ■ Emigré : personne ayant quitté son pays d’origine pour vivre ailleurs (travail ou définitif) ■ Immigré (INSEE) : personne vivant en France, née étrangère dans un pays étranger. Un immigré peut être étranger, ou avoir acquis la nationalité française ; la (ou les) générations issues de l’immigration (et né(s) en France) sont souvent inclues. C’est ce que nous ferons dans ce travail pour les personnes originaires de pays en voie de développement (PVD). ■ Migrant : ce mot désigne la synthèse des deux précédents : notions de départ d’une société d’origine et d’arrivée dans une société d’accueil. ■ Exilés : personnes résidant en France et contraintes de vivre hors de leur pays d’origine, parfois expulsées, le plus souvent ayant fui la persécution. (COMEDE) ■ Demandeurs d’asile : étrangers entrés en France, en séjour régulier dans l’attente de la réponse à leur demande de statut de réfugié. ■ Réfugiés : sont réfugiés « statutaires » les demandeurs d’asile à qui l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) ou la CRR (Commission de Recours des Réfugiés) a reconnu la qualité de réfugié ; les autres sont « sans papiers ». (3) 6 1- AVANT L’ARRIVEE EN FRANCE La prise en charge vaccinale des migrants arrivant en France nécessite des notions d’épidémiologie des maladies à prévention vaccinale dans le pays d’origine (et de passage), si possible du programme vaccinal du pays d’origine ainsi que les risques particuliers pour ces personnes en France. o MALADIES A PREVENTION VACCINALE DANS LES PVD : Tendances globales (disponibles http://www.who.int/topics/epidemiology/fr/ sur les sites ou de l’OMS du CDC http://wwwnc.cdc.gov/travel/pdf/yellowbook-2012-map) Tétanos : la maladie est très présente dans les PVD ; le tétanos néo-natal est en nette diminution car les mères sont de mieux en mieux vaccinées. Diphtérie : encore présente dans de nombreux pays dans le monde (fig 3). Polio : foyers dans le sous-continent indien, et l’Afrique (Pakistan, Inde, Nigeria surtout). Coqueluche : moins active chez l’enfant dans les populations vaccinées (dans les pays industrialisés où la bactérie circule peu on voit une recrudescence de cas chez les adultes). Rougeole : encore présente et dangereuse dans les pays pauvres (mais aussi chez nous…) Pneumocoque : nombreux sérotypes, pathologies respiratoires très souvent mortelles. Rotavirus : très présent (comme en France) mais mortalité très grande dans les pays pauvres. Rubéole : Toujours la cause d’atteintes fœtales et d’affections néo-natales dans les PVD Varicelle : primo-infection beaucoup moins fréquente dans les tropiques qu’en France. Haemophilus influenzae de type b (Hib) : responsable de méningites et pneumonies dans les PVD, les nourrissons âgés de 4 à 18 mois étant particulièrement vulnérables. Méningococcie : épidémies dans la « ceinture » de la méningite, surtout dues à la souche A ; En France on vaccine contre la souche C Hépatite B : très présente : séroprévalence importante dans les PVD (fig 5). Tuberculose : très présente dans de nombreux PVD (chapitre « enfant » fig 8) Hépatite A : très présente : les adultes sont souvent immuns à l’arrivée (fig 9,10). Typhoïde : toujours présente dans les pays (ou zones) dont l’hygiène est précaire (fig 11) Rage : présente dans la plupart des PVD, risque principal pour les enfants. Encéphalite japonaise : touche certaines zones rurales de l’Asie de l’est (fig 12) Cholera : épidémies locales après catastrophes ou conflits (2012 : Sierra Leone, RDC). 7 Fig 3 : Tableau des pays où la diphtérie est endémique : Exemple de document disponible sur le site CDC (notamment yellowbook) : REGION COUNTRIES Africa Algeria, Angola, Egypt, Eritrea, Ethiopia, Guinea, Niger, Nigeria, Sudan, Zambia, and other sub- Saharan countries Americas Bolivia, Brazil, Colombia, Dominican Republic, Ecuador, Haiti, and Paraguay Asia/Sou Bangladesh, Bhutan, Burma (Myanmar), Cambodia, China, India, Indonesia, Laos, th Pacific Malaysia, Mongolia, Nepal, Pakistan, Papua New Guinea, Philippines, Thailand, and Vietnam Middle Afghanistan, Iran, Iraq, Saudi Arabia, Syria, Turkey, and Yemen East Europe Albania, Armenia, Azerbaijan, Belarus, Estonia, Georgia, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Latvia, Lithuania, Moldova, Russia, Tajikistan, Turkmenistan, Ukraine, and Uzbekistan o VACCINATION DANS LES PVD : Le programme élargi de vaccination (PEV) Après le succès total de la vaccination contre la variole, qui démontrait la possibilité de protéger par vaccination toute la population mondiale, la vaccination dans les pays en voie de développement s’est développée sous l’impulsion de l’OMS. Le PEV est né dans les années 70, pour rendre accessible à tout enfant dans le monde, la vaccination contre les six maladies les plus meurtrières : la tuberculose, la poliomyélite, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la rougeole. C’est à cette époque que Charles Mérieux et Jonas Salk, très impliqués dans ce projet, créent le terme de « vaccinologie ». Puis, de nouveaux vaccins ont été ajoutés à la liste : hépatite B, fièvre jaune en zones endémiques, vaccin conjugué contre Haemophilus influenzae de type b (Hib) pour les pays à forte prévalence. Ce plan ne cesse d’évoluer et ces objectifs actuels sont : - assurer l’immunisation totale des enfants de moins de un an dans le monde, - éradiquer globalement la poliomyélite, - réduire le tétanos maternel et néonatal - diminuer de moitié le nombre de décès liés à la rougeole par rapport à 1999, - étendre tous les nouveaux vaccins et les interventions de santé préventive pour les enfants dans toutes les régions du monde. 8 La fondation GAVI Mais les moyens ne suivent pas toujours, et les vaccins arrivent trop lentement dans ces pays. Pour remédier à l’inégalité de vaccination et atteindre les buts du PEV, la fondation GAVI Global Alliance for Vaccines and Immunisation*- a été créée en 2000 à Davos, associant la fondation Bill et Melinda Gates, l’OMS, l’UNICEF, la Banque Mondiale, des laboratoires et de nombreux mécènes. Basé à Genève, ce dispositif cofinance l’achat de vaccins, pousse les industriels à réduire les délais, incite financièrement les pays à des efforts de recherche ou de production. Ainsi le transfert de technologies avec production sur place et moins chère a permis au Sérum Institute of India de devenir le premier producteur de vaccins du GAVI.. Les objectifs 2006-2015 incluent la vaccination contre le pneumocoque (Ghana 2012), le rotavirus (Rwanda 2012), le méningocoque A conjugué, la rubéole, le HPV. Une relance de 10 millions de dollars a été faite pour la décade 2010-2020, avec en attente des vaccins contre la typhoïde (conjugué), la dengue, ou encore le paludisme. *http://www.gavialliance.org Mais il est encore difficile de passer de la mise à disposition à l’utilisation : on estime que 19 millions d’enfants ne sont toujours pas vaccinés avec 3 doses de dTCoq (fig 4) Fig. 4 Pourcentages estimés de population africaine vaccinée, par antigènes 2010 2009 2008 2007 (estimations OMS-UNICEF) BCG 85 83 81 79 DTP1 85 85 82 80 DTP3 77 76 72 70 HepB3 76 75 67 66 Hib3 62 62 39 31 MCV* 76 73 70 68 * rougeole pab ** 80 81 78 76 ** protection antitétanique à la naissance TT2plus*** 64 63 68 64 *** 2è dose tétanique et plus PCV3**** 4 0 - - **** pneumocoque 3 doses Pol3 79 76 73 72 YFV 45 44 39 39 fièvre jaune WHO vaccine-preventable disease monitoring system, 2011 global 9 2- L’ARRIVEE EN FRANCE RISQUES PARTICULIERS : HEPATITE B, TUBERCULOSE La tuberculose et l’hépatite B sont, à côté du VIH, surreprésentées dans les populations récemment immigrées. La moitié des cas de tuberculose en 2009 concernaient des étrangers en France. La part de l’Afrique subsaharienne était importante, puisque 70% des migrants découvrant leur séropositivité VIH, 54% de ceux pris en charge pour une HB chronique et un tiers de ceux déclarés pour une tuberculose étaient nés dans cette partie du monde. Certaines de ces maladies évoluent depuis le pays d’origine, mais leur diagnostic est effectué en France dans une très forte majorité des cas (95 % pour les infections virales chroniques). Les conditions de vie en France favorisent la transmission de ces infections, (précarité sociale, promiscuité, groupe à risque comme les personnes se prostituant) (4). Hépatite B : Entre janvier 2008 et décembre 2009, 1 715 patients naïfs de traitement antiviral ont été nouvellement pris en charge dans les pôles de référence pour une hépatite B chronique. Les trois-quarts étaient nés à l’étranger, dont plus de la moitié en Afrique subsaharienne, principalement au Sénégal, Congo, Guinée, Cameroun et Mali (4). Le Comede rapporte que, sur 415 patients exilés atteints d’ HBC, seulement 6% des diagnostics étaient connus au pays (principalement Afrique de l’Ouest, d’Asie centrale, d’Asie de l’Est et d’Afrique centrale)(3), Les personnes originaires d’Afrique subsaharienne présentent une prévalence élevée de portage de l’antigène HBs (5,3%). Seules 17,4% des porteurs en auraient connaissance. Selon une étude qualitative réalisée auprès de 41 personnes originaires d’Afrique subsaharienne en Ile de France en 2008 pour évaluer les connaissances, perceptions et attitudes vis-à-vis de l’hépatite B et de sa prévention. « Bien que l’hépatite B fasse partie des préoccupations de santé des migrants, la plupart d’entre eux ne se sent pas personnellement exposé. S’ils savent que l’hépatite B est une maladie virale qui touche le foie, ils ignorent qu’elle peut entraîner une cirrhose et un cancer du foie. La transmission sanguine est connue et la transmission salivaire évoquée. Les voies sexuelles, de la mère à l’enfant et suite à un contact avec une personne infectée sont rarement connues. Une minorité connaît l’existence d’une vaccination contre le VHB et la plupart ignorent leur statut vaccinal ». (5) 10 Fig 5 Prévalence de l’hépatite B chronique dans le monde : Yellowbook-2012 – prévalence -chronic –infection- hépatitis B CDC Tuberculose : L’ANAEM notait en 2006 une prévalence des cas de tuberculose de 755/1 000 000 chez les migrants (principalement d’Afrique subsaharienne et du Maghreb) surtout entre 30 et 39 ans. En 2009 selon l’étude INVS (6) parmi les 5 276 cas de tuberculose maladie déclarés, la moitié concernait des personnes nées à l’étranger : 36% en Afrique subsaharienne, 29% en Afrique du Nord, 14% en Asie (fig 8). Le risque de tuberculose diminuait au fur et à mesure de l’ancienneté de vie en France. La proportion de cas chez des personnes nées à l’étranger a augmenté. Le taux de déclarations de tuberculose était environ 8 fois supérieur chez les personnes nées à l’étranger (35,1 contre 4,3 pour 100 000 habitants nés en France). On retrouve cette différence dans tous les groupes d’âges mais surtout chez les jeunes adultes, avec un risque plus marqué pour les personnes résidant en collectivité. Comparées aux personnes nées en France, les personnes migrantes présentaient moins souvent de formes pulmonaires de tuberculose qui correspondent aux formes potentiellement contagieuses de la maladie. Les formes multi résistantes de tuberculose étaient plus fréquentes chez les migrants. 11 C’est donc au contact d’autres émigrés (ne se sachant pas forcément malades), que le migrant risque de se contaminer en France pour ces deux maladies à prévention vaccinale. Sur la base de ces éléments, les « primo arrivants » se verront proposer des dépistages et/ou des vaccinations, de façon plus ou moins organisée et efficace en fonction de leur statut officiel ou non (les sans-papiers ne bénéficiant pas de l’accueil par l’OFII). DEPISTAGE, VACCINATION : un « parcours d’orientation » En France les lieux d’accueil premier de l’étranger n’ont souvent pas de vaccins disponibles sur place mais tentent de faire le point et orientent vers les lieux de vaccination : Pour les étrangers en situation régulière admis à séjourner plus de trois mois en France l’OFII accueille et effectue une visite médicale règlementaire et obligatoire. L’arrêté (JO 24 janvier 2006) prévoit notamment : «(…) 2°Un examen radiographique des poumons (..)Les enfants de moins de 15 ans venant de pays à forte prévalence de tuberculose bénéficieront de surcroît d'un test à la tuberculine dans un service, une structure ou auprès d'un professionnel dont les coordonnées seront indiquées au cours de la visite médicale ;3° Une vérification du statut vaccinal qui doit être conforme à la législation et à la réglementation en vigueur (..)Des conseils et des informations sanitaires adaptées ainsi que les adresses des structures de soins et de prévention seront dispensés aux bénéficiaires de ces visites médicales ». l’OFII dispose de livrets d’accueil donnant une information multilingue, notamment sur les vaccinations. Les personnes non vaccinées sont en général orientées vers un centre de vaccination (cela concerne environ 27%), mais le suivi n’est pas prévu (le certificat médical est délivré dans la mesure ou la personne n’est pas contagieuse) ; beaucoup ne seront pas vaccinées correctement. Les demandeurs d’asile admis en Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile, sont également dépistés de façon systématique et des séances de vaccinations sont organisées dans ces CADA. Les dépistages ont lieu en général dans des centres de dépistage d’Etat ou territoriaux, pas toujours géographiquement proches : DDLAT -dispositif départemental de Lutte AntiTuberculeuse, CDAG –centre de dépistage anonymes et gratuits ou CDDIST – centre de dépistage des IST). 12 Les vaccins se font en centres de vaccinations départementaux (DDV -Dispositifs Départementaux de Vaccination) ou municipaux, certains centres de santé notamment communautaires, les services de PMI pour les moins de 6 ans. Pour les migrants sans-papiers, c’est à l’occasion d’une consultation auprès de Médecin du Monde, d’une PASS ou d’un centre de dépistage que leur statut vaccinal va se poser ; ces structures n’ont souvent pas les vaccins sur place et doivent réorienter … A l’idéal c’est le premier médecin rencontré qui devrait vacciner ou orienter s’il y a lieu ; mais comment savoir si l’on est le premier médecin rencontré sur un parcours d’immigration souvent long et qui est passé par d’autres pays ? LE RATTRAPAGE VACCINAL Selon le pays d’origine, le degré d’immunité contre les maladies est variable : souvent, les personnes en provenance de régions tropicales auront déjà été exposé au virus d’Epstein Barr, à ceux des hépatites A, B, voire au VIH, mais n’ont pas eu la varicelle, ce qui en fait théoriquement une population à risque. La plupart du temps, les personnes ont reçu des vaccinations de base, notamment concernant le tétanos, la poliomyélite et la diphtérie, par contre la couverture vaccinale de la rougeole et de la rubéole est souvent moins bonne. Pour l'Haemophilus influenzae et l'Hépatite B, les migrants n'ont pratiquement jamais reçu de primo vaccination. Cette situation peut éventuellement se modifier dans le futur avec l'application plus générale du programme étendu de vaccination. Des sérologies vaccinales (tétanos, hépatite B) permettent d’orienter le schémas des vaccinations ; cependant les difficultés sociales et de compréhension de la langue et du système de santé à l’arrivée en France incite à simplifier leurs démarches (d’autant que faire une sérologie a un coût, et l’aide médicale d’état n’est obtenu qu’après 3 mois de séjour) : on est souvent amené à vacciner sans connaître le statut immunologique. Le pays d’origine bien sûr, mais aussi les conditions de vie, de départ et de voyage sont à considérer. Les populations de migrants proviennent de pays divers où les services de santé, notamment les vaccinations, sont souvent adéquats. -du moins avant la période de conflit pour ceux qui proviennent de pays en guerre. On peut se faire une idée de la couverture vaccinale sur les cartes de l’OMS (fig.). 13 Fig. 6 : Couverture vaccinale polio 3 doses) (Exemple de documents disponibles sur le site de l’OMS) http://www.who.int/immunization_monitoring/diseases/Polio_coverage_map.jpg Comment ? (6) Pour les personnes déjà vaccinées, il n'est jamais nécessaire de recommencer une vaccination de base, même s'il existe un intervalle de temps considérable depuis la dernière injection administrée. Le schéma est repris au temps où il a été abandonné. Il est rarement délétère de laisser un espace de temps supérieur à celui qui est recommandé ; par contre, il est déconseillé de raccourcir l'intervalle de temps entre deux injections. La connaissance des calendriers vaccinaux par pays peut être une aide. On peut retrouver ces calendriers sur le site de l’OMS http://apps.who.int/immunization_monitoring/en/globalsummary/countryprofileselect.cfm ou encore pour l’Europe le site ecdc.europa.eu. Attention : la vaccination Diphtérie/Tétanos/Coqueluche, est appelée DTP en pays anglophone (P pour « pertussis »). Théoriquement, les sujets au statut vaccinal inconnu sont considérés comme non vaccinés et doivent donc recevoir une vaccination de base complète. En pratique, la situation est souvent complexe et incite à la prudence : le risque de présenter des effets secondaires étant directement proportionnel au taux d'anticorps circulants, il s'avère hasardeux de pratiquer à nouveau une vaccination de base (3 injection avec dosage fort pour la diphtérie = D). Une cicatrice de vaccination de BCG peut être recherchée pour savoir si la personne a été en contact avec un service médical qui aurait opéré d'autres vaccinations à la même occasion. 14 Souvent, les adultes se rappellent avoir été vaccinés mais ne peuvent préciser ni la nature du vaccin ni le nombre d'injections, se souvenant parfois d’avoir reçu un vaccin oral « dans la rue » lors de campagne de vaccination contre la polio. Dans ces cas, il est raisonnable de faire une injection de rappel pour les vaccinations de routine (diphtérie tétanos polio voire ROR). A l'occasion de ces injections, les personnes devraient être observées et, suivant l'intensité des effets secondaires, une nouvelle injection peut être proposée ou le schéma interrompu. (7) Tableau_de_rattrapage_des_vaccinations_recommandees_de_base_pour_les_enfants_ a_partir_d_un_an_les_adolescents_et_les_adultes_jamais_vaccines.pdf 15 Il n’y a pas d’inconvénient à administrer un vaccin rougeole-oreillons-rubéole, Hib, hépatite B ou polio à une personne éventuellement déjà immune pour l’une ou l’autre des maladies, mais toujours tenir compte des contre-indications (ROR et grossesse par exemple). Tuberculose Les centres de dépistage effectuent pour les primo arrivants une IDR et si besoin vaccinent les personnes négatives. Cette IDR devrait être proposée aux sans-papiers par le premier médecin rencontré (orientation en centre spécialisé car ce n’est pas de la pratique courante). Rougeole Les personnes venues des PVD peuvent avoir eu la rougeole dans l’enfance. Les sujets vaccinés n’ont pas eu les deux injections de ROR préconisées aujourd’hui en France. Diphtérie, tétanos, polio, coqueluche Quand le statut vaccinal est inconnu, on administre une première dose de vaccin et on titre ensuite, 4 à 6 semaines plus tard, les anticorps tétaniques. Le test ELISA est considéré par l'Organisation Mondiale de la Santé comme la référence pour juger de l’état d’immunisation contre le tétanos, avec un seuil de 0.1 IU/ml, un seuil 10 fois plus élevé que le niveau sérique d'antitoxine considéré comme protecteur. La sérologie pour la polio n’a pas d’intérêt : elle est peu fiable, chère et peu utile ; la vaccination polio est faite en général très tôt dans les PVD, habituellement en polio oral (OPV). 16 Interprétation de la sérologie tétanos post vaccination chez l’enfant : n’a probablement jamais été appliquer inférieure à 0,1 UI/ml * entre 0,1 et 1 UI/ml la primo pas le programme vacciné complet de rattrapage. taux entre 0.1 et 0.5 UI/ml refaire deux doses en plus à vaccination n’a certainement Antitoxine tétanique : 2 et 6 mois été taux entre 0.5 et 1 UI/ml refaire une dose complète 6 mois après la précédente supérieure à 1 UI/ml a sûrement été vacciné Son schéma vaccinal peut de type anamnestique auparavant le plus souvent être avec un vaccin DTCoq considéré comme complet. D’après Infovac 18/07/2011 Pour les adolescents, il est préférable d’utiliser, en cas de doute sur une vaccination antérieure, un vaccin combiné diphtérie- tétanos-polio sous dosé en anatoxine diphtérique. Chez l’adulte ayant eu un schéma vaccinal complet et dont la dernière vaccination, remonte à plus de 20 ans, on réalisera deux injections à 6 mois d’intervalle, dont une avec la valence coqueluche. NB : il existe maintenant des tests rapides pratiqués dans les services d’urgences afin de connaitre le statut sérologique anti-tétanique d’un patient blessé ; Ils indiquent si le taux d’anticorps est en dessus ou en dessous de 0.1UI/ml. Hépatite B : recommandé pour les personnes à risque, dont les migrants Sans anamnèse, faire une sérologie initiale avant toute vaccination ; une sérologie complète permet si besoin de dépister une éventuelle maladie : Ag HB, Ac antiHBc, Ac antiHBs - c’est ce dernier qui reflète l’immunité vaccinale. Interprétation de l’immunité vaccinale selon le taux d’Ac Anti HBs : > 100 mUI/ml protégé par vaccination 10 et 100 mUI/ml protégé à long terme si son âge ok ou en cas de doute : est compatible ok une une dose supplémentaire à avec vaccination ancienne (> 10ans) < 10 mUI/ml injection tout de suite 6 mois et Suivant les résultats : contrôler les Ac anti HBs 4 à 6 Nouvelle injection ou non semaines après. D’après Infovac 18/07/2011 17 NB : les résultats des tests effectués en centre de dépistage ne renseignent pas toujours sur l’état immunitaire du sujet : la séronégativité vis à vis de l’antigène ne permet pas de savoir s’il est protégé ou non par une vaccination antérieure ou une hépatite B aigue guérie. Particularités : Varicelle En France, la vaccination est recommandée pour : -Les adolescents de 12 à 18 ans n’ayant pas d’antécédent clinique de varicelle (ou douteux) ; -Les femmes en âge de procréer, surtout si projet de grossesse, sans antécédent de varicelle ; -Les femmes n’ayant pas d’antécédent clinique de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse) dans les suites d’une première grossesse (6, 7). En l’absence d’anamnèse un contrôle sérologique préalable à la vaccination peut être pratiqué. Il n’y a pas de recommandation vaccinale particulière en France pour les migrants. Mais la primo-infection y étant beaucoup moins fréquente qu’en France, les immigrants des régions tropicales seraient particulièrement à risque. Or la varicelle n’étant pas à déclaration obligatoire (mais surveillée par le réseau sentinelle) on ne peut guère savoir si elle touche davantage une population qu’une autre ; cependant une récente épidémie de varicelle chez des immigrés africains arrivés en Italie illustre ce propos. Extrêmement contagieuse, elle le plus souvent bénigne mais entraîne tout de même chaque année dans l’Hexagone 3 000 hospitalisations et 20 décès (dont 70% ont plus de 10 ans). Méningocoque C Fig. 7 : Ceinture de la méningite L’enfant dont les parents ont pour origine un pays de la ceinture africaine de la méningite (fig 7)) pose un problème particulier car il ne va pas être uniquement exposé au types B ou C de méningocoque en France mais aussi au type A ou W s’il voyage dans ce pays (intérêt du vaccin A+C et bientôt Nimenrix° voir chapitre voyage). (7, 12). Document Edisan 18 3- LA VIE EN FRANCE o L’ENFANT NE EN FRANCE : Recommandations particulières (6, 7) La vaccination contre l’hépatite A est recommandée pour les enfants, à partir de l’âge de un an, nés de familles dont l’un des membres (au moins) est originaire d’un pays de haute endémicité et qui sont susceptibles d’y séjourner. Les recommandations indiquent une vaccination des plus jeunes (plus à risque avant l’âge de la propreté). L’âge maximum n’est pas précisé, or la maladie est plus dangereuse avec l’âge ; cette recommandation n’est pas assortie d’une prise en charge par l’assurance maladie. Certaines structures proposent ces vaccins gratuitement, mais il s’agit de volontés locales. La vaccination contre la tuberculose Elle n’est plus obligatoire en France depuis 2007 mais le BCG par IDR est recommandé dès la naissance pour : - les enfants nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse ; - dont au moins l'un des parents est originaire de l’un de ces pays ; - devant séjourner au moins un mois d’affilée dans l’un de ces pays ; - ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs) ; - résidant en Île-de-France, en Guyane ou à Mayotte ; Et dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux notamment enfants vivant dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) ou socio-économiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, CMUc, AME) ou en contact régulier avec des adultes originaires d’un pays de forte endémie. Ces situations concernent beaucoup de migrants. Les nourrissons de moins de 3 mois sont vaccinés sans test tuberculinique préalable. Chez les enfants à risque non vaccinés, la vaccination peut être réalisée jusqu'à l'âge de 15 ans. L’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine préalable à la vaccination doit être réalisée à partir de l’âge de 3 mois pour éviter de vacciner un enfant qui aurait été contaminé. La vaccination ne s’applique qu’aux personnes ayant une intradermoréaction à la tuberculine négative. Seule la forme intradermique du BCG est disponible en France. 19 Fig 8 : Zones géographiques à forte incidence tuberculeuse : - Continent africain dans son ensemble - Continent asiatique dans son ensemble, y compris les pays du Proche et Moyen-Orient - Amérique Centrale et du Sud - Pays d’Europe Centrale et de l’Est y compris les pays de l’ex URSS - Dans l’Union européenne : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie. Document Edisan selon les estimations de l’OMS Qui vaccine ? Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, dans son avis du 09 mars 2007, recommande que lors de la consultation de prévention du 4ème mois de grossesse, l’évaluation du risque de tuberculose et l’indication de la vaccination BCG soient systématiquement abordés avec les parents, et que lors de la consultation du 8ème jour après la naissance, une discussion sur l’indication du BCG ait lieu avec mention de la décision dans le carnet de santé. Cependant la vaccination du nourrisson par IDR nécessitant une bonne maîtrise de la technique, certains médecins libéraux ou même de PMI vont éluder la question et la couverture vaccinale sera meilleure dans les départements où cette technique a été adoptée rapidement après la loi, et les médecins bien formés. o LA COUVERTURE VACCINALE DES MIGRANTS Peu de données La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) estime, dans son rapport sur l’état de santé de la population (2009-2010), que plus de 50 % des adultes n’ont aucun document sur lequel seraient reportées leurs vaccinations. On imagine aisément que ce pourcentage augmente chez les migrants. Il en résulte des risques de sous- ou de sur- vaccination néfaste à leur santé. « Si les immigrés déclarent globalement se faire plus fréquemment vacciner que les Français avec les mêmes besoins de soins et situations économique et sociale, ils reportent en revanche 20 moins fréquemment un vaccin contre l’hépatite B (...) Les taux de vaccination contre la poliomyélite et le tétanos sont également plus faibles parmi la population immigrée ibérique et maghrébine que parmi la population française. En revanche, on ne retrouve pas de différence significative dans les taux de vaccination contre la grippe, à l’exception des hommes immigrés maghrébins qui sont plus souvent vaccinés que les hommes français » (8). (Prévalence supérieure du diabète ? Vaccin fait pour le Hadj ? ) . On peut noter que les sans papiers et les Roms ne doivent être que rarement inclus dans ces études ; pour l’enfant par exemple, les données de couverture vaccinale de l’INVS viennent de l’étude des certificats de santé du 24è mois chez des enfants scolarisés. Une population difficile à vacciner ? Non a priori car : - Elle souhaite se protéger (ont vu les dégâts dans leur pays, ont une bonne image de la vaccination) et surtout protéger ses enfants, - elle est confiante dans le conseil du médecin et le système de santé français, - elle est rarement réticente à l’acte vaccinal, - L’accès existe : les centres de vaccinations couvrent tout le territoire français. Oui parce que les migrants : - Ne connaissent pas les recommandations vaccinales françaises, - ne connaissent pas bien leurs droits, ni le système de santé français, - ont d’autres préoccupations (administratives, logement, nourriture etc.), - bougent souvent (hébergement, logement, voire expulsions, OQTF, nomadisme des Roms), - perdent les carnets de vaccination (plus encore que les non migrants…), - n’ont pas la couverture sociale ou le budget (sérologies, hépatite A, vaccins du voyage) – à noter que l’AME ne concerne que les personnes qui sont depuis 3 mois sur le territoire. Selon Médecins Du Monde, les freins à l’accès à la santé sont surtout pour 26 % la barrière linguistique, pour 60% la peur de l’arrestation. Les expulsions et la sectorisation des services de PMI grèvent également beaucoup les campagnes de vaccination humanitaire (9). Le oui l’emporte sur le non surtout du fait notamment d’un système de santé français qui s’organise difficilement autour de la vaccination. 21 o LES ROMS (tsiganes, gens du voyage) L’Union européenne utilise le terme de Roms (ou Roma en anglais), qui signifie «homme» en hindi en «référence à divers groupes d'individus qui se décrivent eux-mêmes comme Roms, Gitans, Gens du voyage, Manouches, Ashkali, Sinti, etc.» et qui ont en commun une origine et la langue romani. Déportés au XIe siècle de la vallée du Gange, en Inde, cette population a migré progressivement à travers l’Asie occidentale puis l’Europe jusqu’au début du XXe siècle. Les premiers Roms sont arrivés en France autour du XVe siècle. Si l’on accepte cette définition, il y aurait actuellement en France entre 350.000 à 500.000 Roms, dont la quasi totalité est de nationalité française, sur un total de 10 à 12 millions dans l’Union européenne. Une idée reçue répandue voudrait que les Roms soient des nomades, pourtant seulement 2% d’entre eux sont du voyage en Europe. Les termes «Roms» au sens de l’Union européenne ou «Tsigane» ne sont pas utilisés par les autorités françaises, justement parce qu’il qualifie une population sur des bases ethniques, ce qui est contraire à la constitution. «Gens du voyage» est le terme juridique et administratif qui désigne une catégorie de personnes dans le droit français. 10% d’entre eux en France sont des roumains ; les Roms au sens français du terme, sont majoritairement roumains et bulgares, arrivés pour la plupart en France après la chute du Mur de Berlin. (10). Couverture vaccinale des roms : Elle est difficile à évaluer car les carnets de vaccination sont souvent inexistants, les enfants roms souvent absents de l’école le jour de l’enquête, et l’épidémiologie française n’intègre pas de caractéristiques « ethniques ». Selon MDM il s’agit d’une population dont la couverture vaccinale n'est que de 10 à 20% pour l'ensemble des vaccins obligatoires et dont les conditions de vie précaires impliquent des risques particuliers : les cas d’hépatite A ou de rougeole sont plus fréquents et graves et à risque d’extension épidémique dans la communauté du fait de la grande proximité. Dans l’enquête 2010-2011 conduite par MDM auprès de 281 personnes roms de moins de 30 ans (10), seules 38% des personnes rencontrées avaient un carnet de santé (30% parmi les personnes nées en Roumanie, 83% parmi celles nées en France). Chez les enfants de moins de 2 ans disposant d’un carnet, seuls 71% étaient vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, pourtant obligatoires (en 1998, selon les certificats de santé du 24ème mois, 97% des enfants français étaient à jour des trois injections DTP). 22 Enfin, seul un quart des enfants roms âgés de un an avait eu la vaccination ROR (contre 88% des enfants de 12-18 mois dans une enquête CPAM parisienne conduite en 2009). Cette très faible couverture chez les migrants Roms s’explique bien sûr par la culture et notamment le nomadisme (volontaire ou non) par une plus grande précarité, des expulsions à répétition (lorsqu’il n’y a pas de terrains d’accueil légal pour elles), et des OQTF, avec une grande méfiance à la fréquentation des institutions, mêmes celles qui du fait d’une action humanitaire médicale, pourraient les accueillir sans risque. Pourtant lorsque son intérêt est expliqué, la vaccination est souvent très bien acceptée. Les professionnels de santé qui rencontrent les roms (souvent aux urgences, mais aussi dans les pharmacies) devraient aborder avec eux la vaccination, notamment à côté du DTP, le vaccin ROR, voire contre l’hépatite A selon les conditions d’hygiène. 4 - LE VOYAGE VISITE AU PAYS : QUELS VACCINS ? Le VFR : un voyageur pas comme les autres Beaucoup de migrants vivant en France depuis (et pour) plusieurs années font une ou des visites au pays pour des raisons familiales, et si c’est le cas, présenter leurs enfants nés en France. La médecine des voyage les intègre dans une catégorie de voyageurs appelés VFR : Visiting Friends and Relatives. Les VFR, et spécialement les jeunes, sont reconnus comme un groupe de voyageurs à haut risque. Le CDC (11) note pour eux une incidence supérieure d’infections comme le paludisme, la fièvre typhoïde, la tuberculose, l’hépatite A et les maladies sexuellement transmissibles. La vaccination participe à la prévention de quelques-unes de ces maladies, en attendant les vaccins annoncés contre la dengue, le paludisme… 23 Pourquoi plus de risques que les autres voyageurs ? Les raisons sont multiples : Manque d’information sur les risques (ou certitude d’être immunisés par leur vie là-bas), barrières financières et de la langue, destinations plus à risque avec services médicaux sur place souvent insuffisants, mode de vie « local » avec pression culturelle et sociale (difficulté de refuser des plats offerts par les hôtes), enfin ces VFR partent souvent dans des zones à risque avec des enfants petits et même parfois très petits (et sont très difficiles à dissuader !). La consultation de conseil au voyage (quand elle est accessible) n’est pas forcément jugée nécessaire et il faut adapter les messages de sensibilisation, utiliser si besoin des traducteurs ou des documents en plusieurs langues. Deux cas de figure se présentent concernant le VFR : Il n’y a pas d’obligation vaccinale pour le voyage : les personnes ne vont pas forcément consulter leur médecin traitant avant de partir, a fortiori une consultation de médecine des voyages, ce qui sera dommageable pour la prévention vaccinale (mais aussi souvent celle du paludisme ou des diarrhées). Les médecins traitants consultés ne sont pas forcément au fait des conseils vaccinaux qui sont complexes et en évolution constante. Le pays visité est à obligation vaccinale de fièvre jaune : la visite est obligatoire en centre de vaccinations internationales (CVI) pour les personnes non vaccinées et si le vaccin date de plus de 10 ans : c’est l’occasion de mettre à jour les vaccinations du calendrier vaccinal français, et de conseiller d’autres vaccins du voyage. Mais le budget, généralement très serré, ne motive pas à dépenser pour vacciner, d’autant que les risques pour leur enfant né en France ne leur sont pas trop connus. Souvent les familles arrivent avec l’argent calculé pour la vaccination obligatoire (fièvre jaune) et l’on ne peut rien envisager d’autre en vaccin du voyage, c’est à dire payant. Notons que les personnes fragiles et notamment immunodéprimées, (diabète, infection VIH et VHB plus fréquentes chez les migrants), doivent pouvoir être vaccinées car leur risque de faire des infections graves est plus important. 24 Les Vaccins principaux (12) : Fièvre jaune : souvent obligatoire (en CVI) Cette vaccination concerne l’Afrique sub-saharienne et les pays d’Amérique du sud et (la France est concernée par son département guyanais : vaccin obligatoire). On distingue obligations et recommandations vaccinales : les premières sont nécessaire à l’obtention du visa, alors que les recommandations sont liées au risque encouru et elles déterminent le conseil vaccinal. Le vaccin antiamarile est un vaccin vivant atténué : il est contre-indiqué en cas de grossesse, d’immunodépression, avant l’âge de 9 mois, pendant l’allaitement, et doit être administré à distance d’un autre vaccin vivant (ROR). Cependant, comme pour tout acte médical, il faut considérer le bénéfice/risque et si une personne doit partir en urgence dans une zone endémique, ces conditions peuvent parfois être assouplies et la vaccination effectuée. Hépatite A : Le virus de l’hépatite A est extrêmement répandu dans le monde. La plupart des migrants ont été en contact avec lui, même s’ils n’ont pas fait de manifestation clinique bruyante comme la « jaunisse », et sont donc immuns, (fig. 9,10) : Ils ne nécessitent pas de vaccination lors du retour au pays. Fig. 9. Séroprévalence hépatite A selon l’origine % ORIGINE 90 Afrique sub-saharienne 82,6 Proche et Moyen Orient 81,2 Afrique du nord 68,4 Asie 56,9 Amérique latine 50 Europe de l’est Pourcentage de séroprévalence hépatite A sur 646 migrants étudiés à l’Institut pasteur en 2008-2010. A.E. Gergely, S. Bechet, A. Le Simons de Fanti, A-S. Le Guern, C. Goujon, M. Pelicot, G. Benabdelmoumen, P-H. Consigny. Hepatitis A Séroprevalence in a Population of Immigrants at a French Vaccination Center : J Travel Med 2011; 18: 126–129). 25 Fig. 10 Prévalence mondiale du virus de l’hépatite A: Yellowbook-2012 estimated prévalence hépatitis A (CDC) Cependant, les personnes qui ont quitté leur pays jeunes peuvent ne pas être immunisées : dans cette même étude, 75% des séronégatifs avaient moins de 36 ans. L’équipe recommandait d’étendre la recherche d’immunité et en cas de manque le temps pour la sérologie, de proposer la vaccination aux moins de 36 ans. Le CDC recommande aussi une sérologie de hépatite A pour les jeunes adultes avant le voyage (11). Typhoïde : protéger l’enfant surtout. Le vaccin est recommandé en cas séjour en zone d’endémie, long ou dans de mauvaises conditions d’hygiène. Cette infection bactérienne liée à l’eau contaminée, comme l’hépatite A, est plus fréquente et grave chez l’enfant VFR : la vaccination doit être proposée. Le conseil est délicat cependant car ce vaccin, polyosidique, ne protège que 3 ans et perd beaucoup de son efficacité après plusieurs injections. Or les africains le demandent souvent car ils connaissent la maladie. Pourtant, pour certains séjours courts en Afrique, où il n’y a pas (ou très peu) de résistance à l’antibiothérapie, la vaccination n’est pas indispensable à l’adulte. Pour l’Inde ou l’Asie du sud-est, en revanche, elle est fortement recommandée. 26 Le CDC a révisé ses recommandations en retirant 26 pays de la liste : ce sont les pays d’Europe de l’est dont on estime que l’état sanitaire s’est nettement amélioré : Fig. 11 : Typhoïde : zones de recommandations vaccinales Méningococcémies : Alors qu’en France les cas (sporadiques en général, très vite jugulés) sont dus au méningocoques B ou C, certains pays d’Afrique subsaharienne, dits pays de la « ceinture de la méningite » zones de savane et Sahel, d’Ouest en Est, du Sénégal à l’Éthiopie (fig. 7), sont le lieu d’épidémies de méningite dues principalement au groupe A (mais aussi, et en proportion croissante, au groupe W135, voire Y). Ces épidémies ont lieu au moment de la saison sèche, favorable à la transmission du méningocoque (habituellement hiver et printemps) ou dans toute autre zone où sévit une épidémie, dans des conditions de contact étroit et prolongé avec la population locale et sont surveillées de près par l’OMS (25 pays concernés). L’importance et la mortalité des épidémies de méningite à méningocoque A dans la ceinture africaine ont conduit à la mise au point d’un vaccin anti-méningocoque conjugué utilisable chez le jeune enfant, procurant une immunité de longue durée et diminuant le portage (immunité de groupe si la couverture vaccinale est suffisante), le MenAfriVac°. 27 Une vaccination de masse débute dans ces pays, qui ciblera les 1 à 29 ans, puis le vaccin sera intégré aux programmes de routine. Burkina Faso, Niger et Mali, jugés les plus vulnérables, ont été prioritaires, et la méningite à méningocoque a quasiment disparu des régions vaccinées, laissant la place au méningocoque non A, dont le W135 : Le vaccin est indiqué aux voyageurs qui se rendent pendant la saison sèche dans cette région et qui se trouveront au contact étroit avec la population locale, ou en cas d’épidémie. Dans un avis du 12 juillet 2012 (13), le HCSP (Haut Conseil de santé publique) recommande de privilégier l'utilisation des vaccins tétravalents méningococciques conjugués dès l'âge autorisé par leurs AMM (autorisations de mise sur le marché) et au dépens des vaccins méningococciques non conjugués (Mencevax° cf. chapitre Pèlerinage) . Parmi les vaccins tétravalents méningococciques conjugués, MENVEO° est autorisé chez les enfants à partir de 2 ans, NIMENRIX° est autorisé chez l'enfant à partir de 1 an (disponible en France début 2013). Cependant, en l'absence d'AMM pour les vaccins méningococciques tétravalents conjugués avant l'âge de 1 an, seul le vaccin bivalent non conjugué A+C peut être actuellement utilisé entre 6 mois et 1 an dans l'unique objectif d'une protection contre les infections invasives à méningocoque du groupe A. L'avantage de cette vaccination précoce doit être pesé au regard des risques théoriques liés à l'induction d'une hypo réactivité lors de vaccinations ultérieures, notamment contre le méningocoque C. D’autres vaccins du voyage : Rage : La vaccination contre la rage est recommandée pour les voyageurs dont le séjour est prolongé ou aventureux et en situation d’isolement dans des zones à haut risque (Asie, Afrique dont Afrique du Nord, Amérique du Sud). Elle est recommandée en particulier chez les jeunes enfants dès l’âge de la marche. En effet, ceux-ci ont un risque plus élevé d’exposition par morsure ou par contact mineur passé inaperçu (léchage sur peau excoriée, griffure...). 28 Encéphalite japonaise : elle concerne l’Asie du sud-est : fig. 12 : Aperçu de la zone de prévalence de l’encéphalite japonaise Le VFR en zone rurale humide sur une durée prolongée est plus à risque, notamment les enfants, que le touriste européen qui estime faire un voyage « aventurier ». Malheureusement il décline souvent le conseil vaccinal pour des raisons économiques évidentes (à l’heure actuelle les deux injections coûtent autour de 170 euros !). PELERINAGE A LA MECQUE : LE HADJ (14). Obligation vaccinale : Suite plusieurs épisodes épidémiques de méningite pendant le pèlerinage, les autorités saoudiennes ont rendu obligatoire pour les pèlerins la vaccination contre les méningocoques par un vaccin tétravalent (A, C, Y, W 135). Le vaccin méningocoque A+C n’est pas adapté et ne permet pas l’obtention du visa. Vaccins disponibles actuellement : Menvéo* est un vaccin conjugué, très efficace et de longue durée, il évite le portage (côté altruiste) mais il est plus cher et peu connu. Mencevax*, vaccin polyosidique, est moins efficace, ne dure que 3 ans et n’évite pas le portage, mais étant moins cher il reste préféré de nombreux pèlerins qui répondent ainsi à moindre frais à l’obligation vaccinale. (Vaccin réservé aux CVI). Du fait de la grande promiscuité, et surtout pour les plus fragiles (le diabète est fréquent dans la population maghrébine, le Hadj a souvent lieu tard dans la vie) : la vaccination contre la grippe saisonnière est conseillée, la vaccination anti-pneumococcique souvent souhaitable. Peuvent également être conseillées les vaccinations contre la typhoïde, l’hépatite A, voire l’hépatite B (rasage de la tête pour les hommes). 29 Toutes les vaccinations, sauf le Mencevax° peuvent être pratiquées par le médecin traitant. Et c’est l’occasion de mettre à jour le carnet vaccinal : rappel dTP, avec ou sans valence coqueluche. Il n’est pas rare de recevoir en CVI de vieux maghrébins vivant depuis des décennies en France, venus sans carnet de vaccination, qui n’ont aucune idée de leur situation vaccinale. Le monsieur a souvent été vacciné par son travail, la dame ne se souvient pas d’avoir été vaccinée en France. 5 - COMMENT AMELIORER LA COUVERTURE VACCINALE DES MIGRANTS ? Les acteurs de la politique vaccinale en France La vaccination est le plus important moyen de Santé Publique. L'atteinte et le maintien d'une couverture vaccinale élevée à tous les âges de la vie constituent l'un des 100 objectifs du rapport annexé à la loi du 09 août 2004 relative à la politique de santé publique. - L’InVS: contribue à l’expertise menée, notamment dans le domaine des maladies infectieuses, dont les maladies à prévention vaccinale. De plus, l’InVS a pour mission de suivre et d’évaluer la CV en France ; Il publie les BEH. - La HAS (Haute autorité de santé) transmet aux autorités décisionnaires un avis sur la prise en charge des médicaments par la sécurité sociale et/ou pour leur utilisation par les collectivités publiques. - Le HCSP : haut conseil de la santé publique est une instance d’expertise qui contribue à la définition des objectifs nationaux de santé publique, en émettant avis et rapports www.hcsp.fr - Le Comité Technique des Vaccinations (CTV), comité permanent rattaché au HCSP, élabore les recommandations dans le domaine de la vaccination et met à jour le calendrier vaccinal. Il regroupe des experts de différentes disciplines (infectiologie, pédiatrie, microbiologie, immunologie, épidémiologie, pharmaco épidémiologie, médecine générale...). - l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation à la santé) développe les éléments et outils d’informations nécessaires aux programmes de prévention et d’éducation pour la santé, pour le grand public et pour les professionnels de santé ; il élabore notamment des calendriers vaccinaux dans de nombreuses langues. 30 - Depuis 2004 les compétences en matière de vaccinations ont été transférées à l’Etat mais l’organisation n’est pas identique partout : La loi prévoit que les collectivités territoriales (départements, communes) aient la possibilité de conserver leurs prérogatives par le biais d’une convention avec l’État. Les vaccinations jusqu’à l’âge de 6 ans restent de la compétence des départements (services de PMI des Conseils généraux), et la compétence déléguée est étendue pour les personnes au-delà de l’âge de 6 ans. Source : Vade-mecum recentralisation, Direction générale de la santé (DGS) Les CV participent à l’information (voire à la formation) des professionnels de santé. Aujourd’hui chaque structure (CV, PMI…) possède son propre logiciel d’enregistrement et la personne qui change de ville (ou de pays) ne peut pas (ou très difficilement) retrouver trace de ses vaccinations antérieures. Or quel impact sur la santé peut avoir une revaccination régulière des personnes qui perdent leurs certificats de vaccination ? - Les médecins, généralistes et pédiatres surtout, mais aussi médecins du travail par exemple, sont les acteurs désignés de la prévention, chargés de l’information, du conseil, de la vaccination de leurs patients et de son suivi. Aujourd’hui cette prévention n’est pas tout à fait satisfaisante, les médecins manquent d’information, parfois de motivation à l’acte, voire même pour quelques-uns au conseil vaccinal. - Les autres acteurs de prévention vaccinale : . Sages-femmes : la grossesse est aussi l’occasion de vacciner les proches . Pharmaciens : ce sont les acteurs au quotidien de la santé des personnes . Biologistes : on constate, pour les sérologies les plus fréquemment demandées, de grandes disparités selon les laboratoires, tant dans les examens effectués (Ac totaux, Ig G, etc.) que dans leur interprétation. - Les acteurs associatifs, souvent motivés, ne possèdent que très rarement les vaccins sur place ; or il doivent « parer au plus urgent » et la prévention n’en fait pas partie. 31 Quelques pistes d’amélioration 1. Auprès du public migrant : - Ne pas perdre une occasion Pour des personnes en situation d’exclusion et/ou de grande précarité, la consultation médicale représente une opportunité rare d’échange autour des questions de prévention. Aussi, quel que soit le motif de la consultation, il est fondamental que la prévention soit abordée en toute occasion non seulement dans les dispositifs de santé publique mais également dans les dispositifs de soins auxquels les migrants ont recours : cabinets médicaux, centres de santé, services hospitaliers (notamment les urgences pour les Roms) et PASS, ces dernières étant très souvent en contact avec les personnes migrantes précaires. En effet, seul le droit commun peut garantir une prise en charge suivie à long terme. Cela implique une gestion volontariste de la prévention, reflet de la qualité de l’organisation de la santé publique (5). Une organisation incluant la première vaccination dès l’accueil avec fiche navette ou tout support centralisé où sont consignés les tests, sérologies et les vaccins, relais prévu auprès des médecins de libéraux, et ce quelque soit l’entrée du migrant : officielle ou clandestine. - Traduire informations et conseils dans des documents en plusieurs langues, voire faire intervenir des traducteurs (pour beaucoup, dont les roms, l’écrit n’est pas utilisable). - Utiliser des supports communautaires Pour avoir un minimum d’impact, comme pour toute population, les actions de prévention doivent tenir compte du contexte global de l’individu : culture du pays d’origine et du pays d’asile, contexte de l’exil, de la précarité. L’étude citée page 11 concernant l’hépatite B auprès de migrants venus d’Afrique subsaharienne (5) notait qu’« Une minorité connaît l’existence d’une vaccination contre le VHB et la plupart ignorent leur statut vaccinal. Si peu de participants ont déjà réalisé un dépistage de l’hépatite B par manque d’information, ils seraient favorables à sa réalisation par l’intermédiaire de leur médecin traitant. Les femmes ignorent que le dépistage de l’hépatite B est obligatoire pendant la grossesse. Les participants sont plutôt réceptifs aux messages d’informations qui leur ont été présentés et apprécient les supports de communication communautaires. ». 32 - Hépatite B : Dépistage et/ou vaccination ? Mieux articuler les dispositifs dépistage/prévention pour l’hépatite B : les centres de santé CPAM, les CDAG et CIDDIST effectuent des dépistages de la maladie par la recherche de l’antigène HBs, mais il n’y a pas systématiquement de recherche d’anticorps : si le patient est négatif on ne sait pas s’il est protégé ou non par une vaccination antérieure ou une hépatite B aigue guérie. Le développement des TROD (tests rapide d’orientation diagnostique) va dans le même sens : il semble que l’amélioration du dépistage ne favorisera pas la prévention. Inciter à la prescription de la sérologie totale (Ag HBs, Ac HBc et HBs) et favoriser l’accès aux vaccins sur place. Pour les moins de 35 ans il serait licite de prescrire aussi la sérologie hépatite A en prévision d’un futur voyage au pays. 2. Côté professionnels : - Rapprocher géographiquement les « pôles » pour simplifier les démarches : OFFI, centres de dépistage, centres de vaccination, centres de santé associatifs ou institutionnels. - Enseigner la vaccinologie dans des facultés de médecine, pharmacie, aux sages-femmes et infirmiers. - Parler de la vaccination dans les modules concernant les migrants. - Uniformiser les prescriptions de sérologie pour l’hépatite B : la recherche des marqueurs Ac anti-HBc et Ac anti-HBs (correspondant au contrôle avant vaccination dans la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM)) devrait être conjointe à la recherche de l’Ag HBs lors du dépistage. - Harmoniser les résultats et interprétations de sérologies par les laboratoires d’analyse. - Unifier les recommandations vaccinales (européennes, pour commencer) - Former et informer en continu les professionnels par des moyens facilement accessibles. 33 Le carnet de vaccination électronique Cet outil, créé par le GPV (Groupe d’étude en préventologie), association à but non lucratif créée dans un seul objectif de santé publique (indépendant des laboratoires pharmaceutiques et sans publicité ni exploitation commerciale des données de santé), est actuellement intégré au site « mesvaccins.net » qui propose d’autre part au public et aux professionnels de santé des informations et données exhaustives et actualisées concernant vaccins (recommandés ou du voyage), maladies à prévention vaccinales et voyage. Il permet aux patients de créer un carnet qui pourra être officiellement validé par un médecin (de façon sécurisée), et de recevoir des recommandations vaccinales très personnalisées (selon l’âge, le sexe, ou encore le métier). Ce logiciel inclut dans son questionnaire les items concernant l’origine de la personne ou de ses parents s’il s’agit d’un enfant ; Les recommandations vaccinales concernant les migrants y sont donc parfaitement intégrées. Il peut tout à fait être utilisé par une personne « aidante » qui accompagne le migrant. Il permet également au médecin de créer et/ou valider le carnet de ses patients, de suivre leur état vaccinal, et d’être au courant des recommandations de façon très actualisée. Le Haut Conseil de la Santé Publique dans son rapport du 25 mai 2012 relatif au programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 propose des actions visant entre autre à accélérer le processus de simplification du calendrier vaccinal et simplifier l’accès aux données du carnet de vaccination notamment dans un carnet de vaccination partagé avec les professionnels de santé, intégré à un dossier médical informatisé. Le Carnet de vaccination électronique est un des projets retenus par ce rapport ; il pourrait être intégré au futur dossier médical partagé DMP (15). 34 CONCLUSION Lors de leur arrivée en France, les migrants ne sont pas toujours les parents pauvres en terme de vaccinations : ils ont souvent reçu une vaccination complète dans leur pays d'origine, voire les pays de passage, et ceci surtout pour les vaccinations de routine (diphtérie tétanos coqueluche polio). Pour les autres c’est plus aléatoire et le rattrapage complexe. Cette population reste mal vaccinée (trop ou trop peu -notamment lorsqu’elle doit voyager) L’application des recommandations vaccinales est souvent facilitée par l’attitude positive des migrants en ce qui concerne les vaccins. L’expérience vécue des ravages potentiels de ces maladies dans leur pays d’origine les incite à accepter les nombreuses injections qu’ils voient comme un moyen de diminuer leurs souffrances et celles de leur famille. Le problème est plutôt la barrière de la langue et l’accès au système de soin pour ces personnes, notamment les « sans papiers » qui n’osent pas trop se déplacer surtout s’ils risquent l’expulsion, et l’information des professionnels de la santé notamment sur les recommandations particulières. Une meilleure organisation pour une action concertée entre les différents intervenants est nécessaire, et la généralisation du carnet de vaccination électronique faciliterait grandement le suivi vaccinal des populations les plus fragiles. Adapté aux personnes en mouvement, cet outil devrait avoir une évolution européenne voire internationale. « La science n’a pas de patrie » Louis Pasteur Discours d’inauguration de l’institut Pasteur le 14 novembre 1888. 35 Bibliographie : 1. www.invs.sante.fr 2. C. Wihtol de Wenden : Tendances récentes des migrations en France, Santé et recours aux soins des Migrants en France. BEH 17 janvier 2012/p 15. Invs. 3. Prise en charge médico-psycho-sociale des migrants/étrangers en situation précaire COMEDE : Guide pratique 2008. www.comede.org. 4. F. Lot, D. Antoine, C. Pioche, C. Larsen, D. Che, F. Cazein, C. Semaille, C. Saura : Trois pathologies infectieuses fréquemment rencontrées chez les migrants en France : le VIH, la tuberculose et l’hépatite B. Santé et recours aux soins des migrants en France ; BEH 2-34/17 janvier 2012/p25. Invs. 5. L'hépatite B chez les migrants originaires d'Afrique subsaharienne vivant en France. État des lieux et Étude de leur perception de la maladie. N. Vignier, thèse pour le doctorat en médecine -santé publique et médecine sociale, Octobre 2009 n° 2009PA06S079 6. Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2012 ; BEH n°14- 15 10 avril 2012. Invs. 7. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Calendrier_vaccinal__Recommandations_2012.pdf 8. C. Berchet, F. Jusot : Etat de santé et recours aux soins des immigrés en France : une revue de la littérature. BEH 2-3-4/17 janvier 2012/p17. Invs. 9. 2011 10. Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France – Médecins du Monde octobre www.medecinsdumonde.org/En.../Observatoire-de-l-acces-aux-soins Promouvoir la santé et les droits d’une minorité en détresse Projet Romeurope, Médecins du Monde. Colloque Roms, Sinte, Kale, Tsiganes en Europe., Paris, 19-20/10/2000 11. Jay S. Keystone Immigrants Returning Home to Visit Friends & Relatives (VFRs) chap 8 – 2012 Yellow book – travelers’health-CDC 12. Recommandations sanitaires pour les voyageurs INVS : BEH n°20-21 29 mai 2012 13. www.hcsp.fr 14. Weekly Epidemiological Record No. 30, 2012, 87, 277–288 http://www.who.int/wer 15. Rapport relatif au programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012- 2017 25 mai 2012 : www.hcsp.fr/explore.cgi/hcspr20120525_ameriopolvaccinale.pdf Remerciements aux organisateurs et enseignants de cette passionnante formation où la rencontre multiculturelle était au rendez-vous. 36