Orchestrer les flux des fournisseurs pour améliorer la réactivité
Transcription
Orchestrer les flux des fournisseurs pour améliorer la réactivité
Logistique & Management Orchestrer les flux des fournisseurs pour améliorer la réactivité Intervention de François KOESSLER Directeur logistique de Smart Colloque ISLI 2001 La société MCC, Micro Compact Car, est implantée en Lorraine, sur un terrain d’environ 70 hectares. Nous y assemblons pour l’instant le City coupé Smart, en versions traditionnelle et cabriolet, avec motorisation essence ou diesel. Dès l’an prochain, nous démarrerons les pré-séries du prochain modèle, le roadster. Deux mille personnes travailleront sur le site d’ici à la fin de l’année, en intégrant les équipementiers et MCC. l Panopa Logistik gère les remorques et les moyens de transport de pièces. Huit heures sont aujourd’hui nécessaires pour construire et livrer un véhicule, de la première pièce de la carrosserie brute, jusqu’à la remise au réseau de distribution. Dans ces huit heures, le temps nécessaire à MCC n’est que de quatre heures et demie. C’est l’un des temps les plus courts pour assembler un véhicule. Le parc industriel Les partenaires présents sur le site Les partenaires intervenant directement dans la production du véhicule sont en charge de fonctions que les constructeurs traditionnels se réservent. Chez MCC, elles sont externalisées. Ainsi, nous externalisons notamment la réalisation de la carrosserie, des portes et du hayon, la mise en peinture, l’assemblage et le montage du cockpit, la fabrication des pièces extérieures en matière plastique, le module arrière, et la décoration de surfaces de pièces en plastique. Les partenaires logistiques sont au nombre de quatre : l Schenker-BTL gère le stock avancé ; l TNT gère les pièces de rechange ; l MLT gère la distribution des véhicules aux Smart Centers. Vol. 9 – N°1, 2001 103 Logistique & Management Toute la logistique opérationnelle est externalisée. La logistique MCC se charge de piloter l’ensemble du site. Le fonctionnement du site Comme vous venez de le voir, nous avons un certain nombre de partenaires logistiques et équipementiers. Pour instaurer une étroite coopération entre ces entreprises juridiquement distinctes, nous avons mis en place un outil de pilotage, le forum, dans lequel se retrouvent les directions de toutes les entreprises. C’est notamment dans ce forum que le programme de production pour l’année et les embauches futures sont décidés. Ces décisions sont ensuite répercutées par entités, et se déclinent en termes de politique sociale, de communication, de production, de logistique et de qualité. Pourquoi un parc industriel ? La volonté de créer une usine adaptative L’un des objectifs de MCC était de créer une usine adaptative. Dans le secteur automobile existent de nombreux facteurs d’influence, comme la saisonnalité ou les pronostics des ventes. De plus, les process définis ne sont souvent ni respectés ni adaptés. Or comme toute entreprise, nous avons un souci de rentabilité et surtout de satisfaction du client. L’usine adaptative est dans cette perspective une solution optimale. Le besoin de compétence Le site de production est à Hambach, en Lorraine. C’est un bassin minier qui n’est pas forcément un bassin de prédilection pour la construction automobile. Nous avons donc fait appel aux équipementiers pour qu’ils s’installent sur le site. Le besoin d’innovation L’existence d’un parc industriel permet de développer plus facilement des innovations, grâce à la synergie ainsi créée. Les objectifs Des flux simplifiés Traditionnellement, 4 000 références sont nécessaires pour assembler un véhicule. Nous en gérons pour notre part 1 316. Sur ces 1 316 références, la moitié arrive en modules. Les 104 Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management flux de pièces s’en trouvent considérablement simplifiés. La standardisation des process Le concept majeur est la “différenciation retardée”. Chez MCC, on trouve seulement deux variantes de carrosserie : City coupé et cabriolet ; et deux couleurs : gris et noir. Nous avons presque atteint l’objectif de Ford : “ le client peut avoir toutes les couleurs, à condition qu’il veuille du noir. ” La différenciation retardée a deux avantages : d’une part, elle permet de créer la file d’attente 4 jours avant le montage, tandis que chez les autres constructeurs elle est créée en moyenne sept voire dix ou douze jours auparavant; d’autre part, elle permet ensuite au client de modifier sa commande quatre jour avant l’assemblage. On distingue quatre process standard. Tout nouveau produit passe forcément par ces quatre process : les équipementiers livrant un module l sur site Ils sont responsables du développement, de l’achat approvisionnement, de la production ; et livrent en synchrone sur la chaîne de montage MCC. l les équipementiers implantés chargés du montage La logistique MCC se charge de l’approvisionnement des pièces et les met à la disposition de ces équipementiers. l les remorques On retrouve ici le fameux principe de gestion et management des moyens de transport. Les fournisseurs se mettent eux mêmes à quai. Ici, ce n’est pas la logistique qui pilote le flux, mais c’est le fournisseur qui se pilote lui-même. Un seul impératif existe : il ne doit pas y avoir de rupture de chaîne. l le stock avancé Tout ce qui se trouve dans ce stock avancé est géré par un prestataire logistique, en l’occurrence Schenker-BTL. Le fournisseur est propriétaire des pièces du stock avancé. Lorsque nous avons lancé le projet de parc industriel, nous n’avions que trente fournisseurs à gérer sur le site. Mais pour le prochain véhicule, nous en aurons 120. De même, alors que nous gérions 400 articles au démarrage, nous en gérerons l’année prochaine 5 000. Vol. 9 – N°1, 2001 105 Logistique & Management Mais il est nécessaire que les fournisseurs et les équipementiers suivent. Leurs responsabilités sont importantes : ils doivent d’une part approvisionner le stock, et d’autre part faire toute la trésorerie. Un temps d’adaptation doit donc leur être laissé. Jean DAMIENS Comment maîtrisez-vous l’après-vente et la gestion de pièces de rechange ? François KOESSLER Les équipementiers approvisionnent le stock centralisé de pièces de rechange. La gestion de ce stock se fait de façon centrale au sein du groupe Daimler-Chrysler. Une entité gère pour l’ensemble de l’Europe et à travers le monde toutes les pièces de rechange. De la salle Cela montre la flexibilité et la réactivité du système. Comment gérez-vous d’éventuels mouvements sociaux ? Le transfert de propriété François KOESSLER Le transfert de propriété s’opère seulement lorsque le véhicule est entièrement terminé. La gestion des conflits est du ressort du forum, outil de pilotage du site que j’ai déjà évoqué. Par exemple, le forum arrête chaque année une période pour les négociations ayant trait aux augmentations salariales. Ainsi les négociations se font dans le même temps pour tous les partenaires. Cela évite, en cas de conflit, des grèves sporadiques. Le système d’information Le système d’information est complètement dématérialisé. Nous transmettons par EDI les entrées en stock, les sorties et les consommations chez MCC. Ainsi le fournisseur pilote lui-même son stock. Il n’y a donc ni BL ni factures fournisseurs. MCC annonce lui-même au fournisseur ce qu’il lui paiera dans trente jours. Débat Jean DAMIENS Vous êtes, en tant que jeune constructeur, en train de mettre en œuvre des réflexions que les autres constructeurs conduisent depuis un certain nombre d’années. Les stocks sont supprimés, les approvisionnements sont pilotés par les fournisseurs, mais vous conservez le pilotage de la logistique. Le constructeur, qui délègue de plus en plus l’assemblage, ne pourra-t-il pas bientôt le sous-traiter ? Pensez-vous que l’évolution se fera dans ce sens ? 106 De la salle A l’origine, il était prévu de livrer des Smart complètement standardisées aux concessionnaires, qui se seraient ensuite chargés de les personnaliser au dernier moment. Ce projet a été abandonné et vous livrez aujourd’hui des Smart totalement finalisées. Pouvez-vous nous dire pour quelles raisons ? François KOESSLER Nous n’avons pas totalement abandonné ce projet. Nous avions prévu d’assembler certaines options, telles que l’autoradio ou le lecteur de CD, au dernier moment dans les Smart centers, et nous le faisons. Le problème est que le client s’attendait à un choix plus étendu en termes de couleurs ou d’équipement intérieur. On trouve d’ailleurs très peu de modèles dans les tours. Cela est regrettable, mais reflète aussi une certaine réalité du marché. François KOESSLER De la salle Aujourd’hui, MCC développe, assemble et construit des véhicules. En revanche, nous n’assemblons pas de carrosseries. Je ne pense pas que nous changerons de stratégie. Vous dites ne pas avoir de stocks. Mais vos fournisseurs doivent en avoir pour pouvoir répondre à court terme à vos besoins. N’y a-t-il pas de ce fait un risque d’augmentation des coûts ? Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management François KOESSLER C’est à ce niveau que le transfert d’information prend toute son importance. Notre réseau commercial nous informe des volontés du client, du programme de production. Nous répercutons ces informations auprès de nos équipementiers afin qu’ils bénéficient de cette synergie et puissent avoir un minimum de stocks. Environ un an avant le début de la production, nous discutons du futur programme avec les équipementiers pour qu’ils ajustent leurs approvisionnements. De la salle Comment, lors de la conception, avez-vous intégré les besoins tant au niveau achat qu’au Vol. 9 – N°1, 2001 niveau des équipementiers, ou encore au niveau développement, production, qualité, logistique, et attente du client ? François KOESSLER La conception est le résultat de l’ingénierie simultanée. Ensemble, tous autour de la table, nous avons développé le véhicule. En ce qui concerne l’intégration de la demande, de l’attente client, je ne peux vous répondre, puisqu’il s’agit d’un concept nouveau. Nous n’avons donc aucune étude de marché sur laquelle nous appuyer lors de la conception du véhicule. 107