Cour de cassation de Belgique Arrêt
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Cour de cassation de Belgique Arrêt
22 MARS 2007 C.02.0185.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N° C.02.0185.F ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du contrôleur en chef du premier ressort de l’office de contrôle de la T.V.A., dont les bureaux sont établis à Verviers, rue de Dison, 134, demandeur en cassation, représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l’Athénée, 9, où il est fait élection de domicile, contre RECOLTA RECYCLING, société privée à responsabilité limitée dont le siège social est établi à Anderlecht, rue du Prétoire, 30, défenderesse en cassation, représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile. 22 MARS 2007 I. C.02.0185.F/2 La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2001 par la cour d’appel de Liège. Par un arrêt du 7 octobre 2004, la Cour a posé à la Cour de justice des Communautés européennes des questions préjudicielles auxquelles celle-ci a répondu par un arrêt du 6 juillet 2006. Le président de section Claude Parmentier a fait rapport. L’avocat général André Henkes a conclu. II. Les moyens de cassation Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants : Premier moyen Dispositions légales violées - articles 1317, 1319 et 1320 du Code civil ; - article 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale ; - articles 23, 26 et 27 du Code judiciaire. Décisions et motifs critiqués L'arrêt attaqué dit l'appel du demandeur non fondé, confirme le jugement entrepris qui avait dit pour droit que la contrainte décernée le 26 octobre 1989 par le demandeur à charge de la défenderesse pour un montant de 14.561.700 francs, à majorer d'intérêts, est sans fondement légal et est dès lors nulle et de nul effet et qui avait ordonné au demandeur de donner mainlevée de cette contrainte et dit pour droit que le jugement en tiendrait lieu à défaut d'exécution dans les quarante-huit heures de sa signification, et condamne le demandeur aux dépens des deux instances, soit la somme de 39.884 francs, aux motifs que : « l'administration fait valoir que (la défenderesse) ne remplit pas les conditions légales pour l'exercice du droit à la déduction au motif que les 22 MARS 2007 C.02.0185.F/3 contrats servant de base aux factures sont frappés de nullité absolue en raison de ce que le mobile déterminant qui a conduit le sieur A. à contracter avec (la défenderesse) était la réalisation d'opérations de carrousel à la T.V.A. contraires au mécanisme légal de la T.V.A. ; que les opérations litigieuses seraient affectées d'une cause illicite visée à l'article 1131 du Code civil, cause qui permettrait de considérer que les conditions nécessaires pour l'existence du droit à déduction et notamment l'existence de livraisons de biens au sens du code (article 10), à savoir la mise à disposition de biens au bénéfice de l'acquéreur ou du cessionnaire en vertu de contrats à titre onéreux, ne seraient pas remplies ; que pour étayer sa démonstration, l'administration fait état de différentes décisions rendues par le tribunal correctionnel et la cour d'appel de Bruxelles condamnant le sieur A. (et d'autres prévenus) pour diverses infractions pénales dont de fausses factures ; que l'administration fait grand cas de l'arrêt du 17 avril 1997 de la cour d'appel de Bruxelles condamnant le prévenu A. pour deux fausses factures qu'elle cite dans ses conclusions principales (page 9) ; néanmoins, outre le fait que le gérant de la (défenderesse) n'a pas été poursuivi et n'a donc pas pu s'exprimer devant les juridictions de fond, ce qui est manifestement susceptible de poser problème au niveau des droits de la défense (...), la cour [d’appel] ne peut que constater que l'administration commet manifestement une erreur en indiquant que le prévenu A. a été condamné pour les préventions relatives aux fausses factures adressées à la société Auto Mail alors qu'il en a été acquitté (voir pièce 11.2, pages 4 et 18 du dossier [du demandeur]) ; que la cour [d’appel] n'aperçoit dès lors pas sur quelles bases l'administration peut soutenir que (la défenderesse) aurait participé à un carrousel T.V.A. alors qu'elle ne conteste pas qu'il y a eu mise à disposition des biens par le vendeur, des factures d'achat et de vente apparemment régulières ; que l'affirmation (du demandeur) suivant laquelle toutes les factures litigieuses sont fictives dans le chef d'au moins un des protagonistes ne repose pour ce qui concerne (la défenderesse) sur aucune base sérieuse et démontrée et procède d'un véritable amalgame avec une série de prévenus qui ont effectivement été condamnés au pénal ». 22 MARS 2007 C.02.0185.F/4 Griefs Pour soutenir que les achats et les ventes réalisés par la défenderesse étaient nuls parce que contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs, dès lors que leur cause était illicite, le vendeur A., seul fournisseur de la défenderesse, de même que l'acquéreur Auto Mail, ayant organisé, au moyen de ces ventes et de ces achats, un vaste réseau de fraude à la T.V.A., le demandeur avait fait valoir que le sieur A. avait été condamné, par l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 17 avril 1997, du chef de fausses factures de vente à la défenderesse et de fausses factures de vente à la société Auto Mail. L'arrêt attaqué prétend que le sieur A. a été acquitté de ces préventions par l'arrêt du 17 avril 1997, en sorte qu'il n'est pas permis de prétendre que la défenderesse aurait été impliquée dans le trafic frauduleux institué pour frauder les droits du Trésor, les factures d'achat et de vente correspondant à des conventions dont la cause n'était pas illicite. Il résulte de l'arrêt de la quatorzième chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bruxelles du 17 avril 1997 que le sieur A. avait été poursuivi du chef de « A. avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, avoir commis des faux en écritures (...) de commerce (...) II. 9 trente-trois factures de vente de la s.p.r.l. Auto Mail adressées à G. A. (...) ; A III 17 notamment : a) une fausse facture n° 59 du 10 juin 1989 à en-tête de A. G. adressée à la (défenderesse) attestant de la vente d'un véhicule Mercédès 190 E, n° de châssis WDB201.0244107535 pour le prix de 440.000 francs et 110.000 francs de T.V.A., alors que cette vente est totalement fictive ; b) une fausse facture n° 730 du 11 juin 1988 à en-tête de la (défenderesse) adressée à la s.p.r.l. Auto Mail attestant de la vente d'un véhicule Mercédès 190 E, n° de châssis WDB20102441075435 pour le prix de 470.000 francs en exonération de T.V.A. alors que cette vente est totalement fictive, la s.p.r.l. Auto Mail n'ayant jamais acheté ce véhicule à la (défenderesse) (...) » et de « B. en contravention aux articles 73, 73bis , 73quinquies, 73sexies, 73septies et 74 du Code T.V.A., avoir commis des faux en écriture ou avoir fait usage de tels faux dans l'intention (...) notamment de tromper l'administration de la T.V.A. et notamment de détourner à (son) profit des montants de T.V.A. et de taxes de luxe perçus, soit à l'occasion de la facturation d'opérations imposables, soit à 22 MARS 2007 C.02.0185.F/5 l'occasion du remboursement de crédits de T.V.A. et de taxes de luxe obtenus frauduleusement, avoir établi ou fait établir un très grand nombre de faux documents, en l'espèce notamment (...) (A.) B II 8 les fausses factures faisant l'objet de l'inculpation A II 9 (...) ; B III (...) 17 (A.) notamment les fausses factures faisant l'objet de l'inculpation A III 17 a et b (...) ». Et, s'il est exact que le jugement du 15 juin 1995 de la quaranteneuvième chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Bruxelles avait acquitté le prévenu A., notamment des préventions A II 9 et A III 17 a et b, déclarant cependant établies notamment « les préventions B II 8, B III 16 à 19 (...) » et le condamnant de ce chef à un emprisonnement de trois ans et à une amende de 100.000 francs, l'arrêt de la quatorzième chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bruxelles du 17 avril 1997 a réformé ledit jugement en ce qu'il avait acquitté le sieur A. notamment des préventions A II 9 et A III 17 a et b. Il confirme, en effet, le jugement entrepris « sous les seules émendations qu'à l'unanimité les préventions A II 9, A III 16 a et b, A III 17 a et b, A III 18 a et b, A III 19 a et b, A III 21 a à d, A III 23 a et b, A III 27 a et b de la cause I mises à charge de A. G. sont établies » et le condamne pour l'ensemble des préventions qu'avait admises le premier juge et celles déclarées établies par la cour d'appel, et pour lesquelles il avait été acquitté par le jugement a quo, à une peine d'emprisonnement de trois ans et à une amende de 100.000 francs. Il s’ensuit qu'en décidant que, le prévenu A., vendeur des véhicules revendus par la défenderesse à la s.p.r.l. Auto Mail en exonération de la T.V.A., n'ayant pas été condamné pour les préventions relatives aux fausses factures adressées à la s.p.r.l. Auto Mail, la défenderesse n'a pu être impliquée dans le carrousel T.V.A. litigieux et que les factures en vertu desquelles la déduction de la taxe était réclamée par la défenderesse n'étaient pas fictives dans le chef d'au moins un des protagonistes, en sorte que la défenderesse était en droit d'exiger cette déduction, l'arrêt attaqué viole l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt prononcé par la quatorzième chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bruxelles du 17 avril 1997 qui a déclaré ces infractions établies dans le chef de G. A. (violation des articles 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et, pour autant 22 MARS 2007 C.02.0185.F/6 que de besoin, 23, 26 et 27 du Code judiciaire) et méconnaît la foi qui lui est due, lui attribuant une décision d'acquittement qu'il ne contient pas (violation des articles 1317, 1319 et 1320 du Code civil). Second moyen Dispositions légales violées - articles 6, 1108, 1131, 1315, 1604, 1606, 1609, 1614 et 1615 du Code civil ; - article 870 du Code judiciaire ; - articles 4, 15, 43, 45, 59 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, avant sa modification par la loi du 28 décembre 1992 ; - articles 4, spécialement §§ 1er et 2, 17, spécialement § 2, a, 18, 20 et 22 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur les chiffres d'affaires ; - article 1er, spécialement alinéa 1er, 2° et 3°, de l'arrêté royal n° 1 du 23 juillet 1969 relatif aux mesures tendant au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, avant sa modification par l'arrêté royal du 29 décembre 1992 ; - article 3, § 1er, 1°, de l'arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969 relatif aux déductions par application de la taxe sur la valeur ajoutée, avant sa modification par l'arrêté royal du 29 décembre 1992. Décisions et motifs critiqués L'arrêt attaqué, après avoir relevé que « (la défenderesse) ne conteste pas avoir acheté à un sieur A., seize véhicules dits haut de gamme, véhicules que l'intéressé avait achetés à une société Auto Mail, ces premiers achats n'ayant donné lieu à aucune T.V.A. au profit du Trésor public », que « le sieur A. n'a pas davantage reversé (au demandeur) la taxe payée par (la défenderesse) et que (celle-ci) a revendu les véhicules en exemption de taxe à la société Auto Mail sous le couvert d'une autorisation de vente délivrée par 22 MARS 2007 C.02.0185.F/7 l'administration en application de l'article 43 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée », décide, par confirmation du jugement entrepris, que la contrainte décernée par le demandeur le 26 octobre 1989 est nulle et sans effet, que le demandeur doit en donner mainlevée dans les quarante-huit heures de la signification du jugement qui, à défaut, en tiendra lieu, et condamne le demandeur au paiement des dépens de la défenderesse dans les deux instances, aux motifs que : « (le demandeur) ne prétend plus aujourd'hui que (la défenderesse) aurait agi 'sciemment' pour participer à un carrousel T.V.A. (...) » ; que « la cour [d’appel] ne peut que constater que l'administration commet manifestement une erreur en indiquant que le prévenu A. a été condamné pour une prévention relative aux fausses factures adressées à la société Auto Mail alors qu'il en a été acquitté (...) ; que la cour [d’appel] n'aperçoit dès lors pas sur quelles bases l'administration peut soutenir que la société en cause aurait participé à un carrousel T.V.A. alors qu'elle ne conteste pas qu'il y a eu mise à disposition de biens par le vendeur, des factures d'achat et de vente apparemment régulières ; que l'affirmation (du demandeur) suivant laquelle toutes les factures litigieuses sont fictives dans le chef d'au moins un des protagonistes ne repose pour ce qui concerne (la défenderesse) sur aucune base sérieuse et démontrée et procède d'un véritable amalgame avec une série de prévenus qui ont effectivement été condamnés au pénal » et que « (le demandeur) invoque en vain l'arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2000 qui ne peut être transposé au cas d'espèce, la Cour de cassation ayant relevé, dans l'hypothèse visée, que, par adoption des motifs du premier juge, l'arrêt de la cour d'appel constate que la défenderesse a été mêlée à des opérations frauduleuses appelées 'carrousel T.V.A.' à savoir que la défenderesse n'aurait jamais reçu la livraison des véhicules qu’elle avait prétendument acquis, que certaines des voitures n'avaient pas d'existence physique et que les autres voitures se trouvaient déjà en possession des acquéreurs définitifs (voir l'argumentation des parties développée par l'Etat dans la première partie de l'arrêt) ; qu'il en résulte que les conditions constituant les prémisses du raisonnement de la Cour de cassation sont différentes du cas présentement soumis à la cour [d’appel]». 22 MARS 2007 C.02.0185.F/8 Griefs Première branche L'arrêt attaqué, qui constate que la défenderesse a été mêlée à une opération frauduleuse, appelée « carrousel T.V.A. », relative à la vente de voitures et que, dans le chef de ceux qui lui ont vendu et acheté des voitures, le but poursuivi était de bénéficier, au préjudice du Trésor, d'un remboursement indéfini de la T.V.A., mais que, d'autre part, la défenderesse n'avait pas connaissance de cette fraude organisée et était de bonne foi, tandis qu'elle avait reçu livraison des véhicules et les avait elle-même livrés à son tour au destinataire bénéficiant d'une exemption de T.V.A. et que les factures étaient apparemment régulières, décide que les conventions de vente entre le vendeur, complice d'Auto Mail, et la défenderesse, n'étaient pas nulles du chef de contrariété à l'ordre public, en sorte que la défenderesse était tenue au paiement de la T.V.A. en raison de ces conventions et, partant, pouvait en exiger la déduction et la restitution au demandeur, conformément à l'article 45 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée. Les dispositions du Code de la taxe sur la valeur ajoutée sont d'ordre public car elles touchent aux intérêts essentiels de l'Etat et de la collectivité. Or, toute convention dont l'objet ou la cause est contraire à l'ordre public est nulle, de nullité absolue, l'article 1131 du Code civil disposant que « l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ». La cause d'une convention synallagmatique constitue le ou les mobiles qui ont déterminé une partie à contracter ; et, si le mobile déterminant doit entrer dans le champ contractuel, il n'est nullement requis qu'il soit commun à toutes les parties à la convention. Lorsque la cause d'une convention est contraire à l'ordre public et que sa nullité, et en tout cas son inopposabilité, est poursuivie par un tiers en fraude aux droits duquel la convention a été conclue, il suffit, s'agissant de l'intérêt général, que le mobile déterminant de l'une des parties soit illicite, sans qu'il soit nécessaire que cette fin soit connue du co-contractant ou partagée par lui. 22 MARS 2007 C.02.0185.F/9 Il est aussi indifférent, lorsque la convention illicite est une vente, que la chose vendue existe ou non et qu’elle ait été livrée ou non, la nullité de la convention découlant de l'illicéité de la cause. L'arrêt attaqué, qui constate que le vendeur initial, la s.p.r.l. Auto Mail, le vendeur intermédiaire A. et l'acquéreur final, la s.p.r.l. Auto Mail, avaient organisé un trafic frauduleux de voitures, au détriment, notamment, du demandeur, dont les droits sont protégés par des dispositions d'ordre public, trafic qui a constitué dans leur chef le mobile déterminant des conventions de vente, n'a pu légalement décider que les conventions intervenues entre le vendeur et la défenderesse étaient valables, en sorte que la contrainte délivrée par le demandeur était nulle, parce que la défenderesse était de bonne foi, n'avait pas connaissance de la fraude « carrousel » organisée par ses cocontractants et que les ventes et les achats avaient fait l'objet de livraisons effectives et de factures apparemment régulières (violation des articles 6, 1108, 1131, 1604, 1615 du Code civil, 2, 4, 10, 15, 40 et 45 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, avant sa modification par la loi du 28 décembre 1992). Seconde branche L'article 2, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée. prévoit que « sont soumises à la taxe, lorsqu'elles ont lieu dans le pays : 1° les livraisons de biens et les prestations de services faites par un assujetti dans l'exercice de son activité professionnelle (...) ». L'article 10 du code définit la livraison comme étant « la mise d'un bien à la disposition de l'acquéreur ou du cessionnaire en exécution du contrat à titre onéreux translatif ou déclaratif de propriété ou d'usufruit » ; les livraisons de biens, telles qu’elles sont définies par cette disposition, ne sont soumises à la T.V.A. que si elles sont effectuées par un assujetti, c'est-à-dire, selon l'article 4 du code, « toute personne dont l'activité consiste à effectuer, d'une manière habituelle et indépendante, à titre principal ou à titre d'appoint, avec ou sans esprit de lucre, des livraisons de biens ou des prestations de services (...) », l'article 15, § 1er, du code précisant que « la livraison s'opère au moment où le bien est mis à la disposition de l'acquéreur ou du cessionnaire ». 22 MARS 2007 C.02.0185.F/10 L'article 45, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée n’autorise l'assujetti, au sens de l'article 4, à déduire de la taxe pour les livraisons de biens qu'il a effectuées, que les taxes des biens qui lui ont été effectivement et valablement livrés et qu'il a utilisés, de manière réelle et licite, pour réaliser des opérations soit soumises à la taxe soit exonérées en vertu des articles 39 à 43 du code. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un assujetti ne peut prétendre bénéficier de la déduction de la taxe que dans la mesure où il y a eu livraison de biens au sens de l'article 10 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui ne saurait être le cas lorsque la livraison, fût-elle matériellement réalisée, est effectuée en vertu d'un contrat dont la cause est illicite, parce que contraire à l'ordre public, et qui ne peut, partant, produire aucun effet, la bonne foi de l'assujetti étant indifférente et la circonstance que les opérations ont donné lieu à l'émission de factures d'achat répondant aux exigences de forme de l'arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969 et de l'arrêté royal n° 1 du 23 juillet 1969 étant, à cet égard, dépourvue d'incidence. Et il incombe à l'assujetti qui veut faire valoir un droit à déduction de démontrer que la taxe, dont il prétend obtenir la restitution en tout ou en partie, a grevé des livraisons de biens ou des prestations de services qui lui ont été effectivement et licitement fournis et qu'il a utilisés pour effectuer des opérations licites visées par l'article 45, § 1er, 1° ou 2°, du code. Il s’ensuit que l'arrêt attaqué n'a pu décider légalement que la défenderesse était en droit d'opérer la déduction de la taxe qu'elle avait payée à son cocontractant en raison des contrats de vente illicites et que, partant, la contrainte délivrée par le demandeur était nulle, parce que la défenderesse était de bonne foi, qu'elle ignorait que les achats et les ventes participaient d'un trafic frauduleux et que les biens vendus avaient été matériellement délivrés, tandis que des factures apparemment régulières avaient été confectionnées (violation de toutes les dispositions visées au moyen). 22 MARS 2007 III. C.02.0185.F/11 La décision de la Cour Sur le second moyen : Quant aux deux branches réunies : Répondant aux questions préjudicielles qui lui étaient posées par l’arrêt précité du 9 novembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que : « Lorsqu’une livraison est effectuée à un assujetti qui ne savait pas et n’aurait pas pu savoir que l’opération concernée était impliquée dans une fraude commise par le vendeur, l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de droit national selon laquelle l’annulation du contrat de vente, en vertu d’une disposition de droit civil, qui frappe ce contrat de nullité absolue comme contraire à l’ordre public pour une cause illicite dans le chef du vendeur, entraîne la perte du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par ledit assujetti. Est sans pertinence à cet égard la question de savoir si ladite nullité résulte d’une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d’autres fraudes. En revanche, lorsqu’il est établi, au vu des éléments objectifs, que la livraison est effectuée à un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à la juridiction nationale de refuser audit assujetti le bénéfice du droit à déduction ». Il se déduit de ces réponses que la cour d’appel, qui a considéré que la défenderesse n’avait pas eu connaissance de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, à laquelle elle avait été mêlée à son insu, a décidé légalement que celle-ci était en droit de déduire les taxes payées à son vendeur et qu’en conséquence, la contrainte décernée par le demandeur était nulle. Le moyen ne peut être accueilli. 22 MARS 2007 C.02.0185.F/12 Sur le premier moyen : Il résulte de la réponse au second moyen que le moyen critique des motifs surabondants de l’arrêt. Dénué d’intérêt, le moyen est, comme le fait valoir la défenderesse, irrecevable. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens. Les dépens taxés à la somme de cent cinquante-deux euros soixante-neuf centimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux cent quarantehuit euros nonante-quatre centimes envers la partie défenderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du vingt-deux mars deux mille sept par le président de section Claude Parmentier, en présence de l’avocat général André Henkes, avec l’assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.