Portrait de poste #7 Tcheque Rep charté

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Portrait de poste #7 Tcheque Rep charté
Portrait de poste # 7
République tchèque
Yohann Le Tallec dirige le pôle Livre et Savoir de l’Institut français de Prague, dont il a
bien voulu, même à distance, nous ouvrir les portes.
Qu’est-ce qui fait la spécificité historique de l’Institut français de Prague, et en quoi a-til joué un rôle politique si important ?
L’IFP - pour Institut Français de Prague -, parfois nommé tout simplement Štěpánská, du
nom de la rue où il se situe, a été fondé en 1920 par Ernest Denis, historien spécialiste de
la Bohême qui soutint activement la relation franco-tchèque et la fondation de la République
tchécoslovaque en 1918. Conçu comme une véritable antenne universitaire, l’Institut français
de Prague développait, autour des cours de langue, une gamme diversifiée de formations
littéraires, juridiques, scientifiques et culturelles pour un public d’apprenants de français et
de francophones confirmés.
L’établissement a vécu au rythme des vicissitudes de l’histoire tchèque. Avec la
répression du Printemps de Prague (août 1968) et la normalisation, nombre de Praguois le
fréquentaient pour consulter ouvrages et presse indisponibles ailleurs. Après la révolution
de velours (novembre 1989), les présidents Václav Havel et François Mitterrand inaugurèrent
le 9 décembre 1993 des locaux réaménagés afin d’accueillir un public en quête d’échanges,
d’outils et de références pédagogiques. Ce développement de l’Institut français a été
soutenu par le très important investissement des institutions françaises dans la préparation
à l’intégration européenne des pays d’Europe centrale et orientale.
Aujourd’hui comme avant, la vocation de l’Institut Français de Prague est de promouvoir
la langue et la culture françaises, les projets et les échanges entre les deux pays. Vingt ans
après sa seconde inauguration, l’IFP est investi d’une mission essentielle de passage de
relais pour aller au-devant de publics peu ou non avertis de la création contemporaine
française et pourtant ouverts à des partenariats d’avenir soutenables.
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Pendant l’entre-deux guerres, l’Institut était un grand centre universitaire. A-t-il
gardé, de cette époque, une vocation transdisciplinaire, qui dépasse le simple cadre d’un
institut français, pour se rapprocher d’une université ?
Au-delà de la présence du CEFRES (le Centre français de recherches en sciences sociales
de Prague), dont c’est la raison d’être, l’Institut conserve des liens très étroits avec le milieu
académique, soit dans le cadre de la coopération universitaire et scientifique, soit par le biais
du débat d’idées relevant du Bureau du livre.
Quelles sont les caractéristiques du programme F.X. Salda d’aide à la publication ?
Quels ont été les derniers auteurs français traduits en tchèque à avoir bénéficié de cette
aide ?
Le programme F.X. Salda d’aide à la publication est un outil connu et apprécié des
éditeurs tchèques. Ces derniers bénéficiant d’un dispositif d’aide qui dépend du Ministère de
la culture tchèque et qui est destiné à soutenir des projets éditoriaux patrimoniaux, le
programme F.X. Salda a été réorienté vers un soutien à la création contemporaine, et ce
dans tous les domaines de la connaissance.
Parmi les derniers auteurs traduits témoignant de cette inflexion vers la promotion de
l’actualité éditoriale d’expression française : Alain Mabanckou, Sorj Chalandon, Kamel
Daoud, Hédi Kaddour, le philosophe Etienne Balibar ou encore l’historien François Hartog.
Quels ont été les derniers auteurs français à avoir été lus et découverts en République
Tchèque ?
Un exemple me vient à l’esprit : la venue de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou,
à l’occasion de la Nuit de la littérature et de la Foire du livre de Prague du 11 au 15 mai
derniers, a suscité un engouement manifeste (1 200 personnes ont écouté les lectures
d’extraits de Verre cassé pendant la seule soirée du 11 mai). L’invitation de l’écrivain
Abnousse Shalmani dans le cadre de la promotion du débat d’idées au mois de mars dernier
a également rencontré un très fort écho public et médiatique. Je me dois également de
souligner l’intérêt porté à la fois par les éditeurs et le public tchèques au polar français
(Bernard Minier et Olivier Truc tout particulièrement).
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Les Tchèques apprennent-ils encore largement le français ? Quel est, d’une manière
générale, l’intérêt de la République Tchèque pour les scènes littéraire, artistique et
cinématographique françaises ?
Nous vivons un moment très paradoxal. En effet, le français occupe désormais la
quatrième place parmi les langues étrangères apprises (après respectivement l’anglais,
l’allemand et le russe). Au titre de l’année 2014-2015, la langue française concerne 43 000
apprenants (du primaire à l’université). Tout l’enjeu de la coopération linguistique est de
promouvoir le français en lien avec la présence significative des entreprises hexagonales en
République tchèque (500 entreprises, 10 000 emplois).
L’attrait pour les scènes littéraire, artistique et cinématographique françaises demeure
particulièrement fort. Ce tropisme est sensible à travers le succès remporté par le Festival
du film français, l’intérêt porté à la venue d’experts français dans le cadre du fonds
d’Alembert 2016 consacré aux questions migratoires, de frontières et d’identités en Europe
centrale ou bien encore à la très forte présence des programmes français dans les chaînes
de télévision tchèque.
Dans quelle situation se trouve le marché du livre en République Tchèque ? Et comment
se porte la scène littéraire ?
La République tchèque se distingue par un réseau très dense de librairies, une
atomisation extrême du milieu éditorial et un nombre très important de titres publiés chaque
année. Le marché du livre y est donc extrêmement dynamique mais fragile.
Autre élément singulier, le rôle très important des villes de province (et parfois de très
petite taille) dans la tenue de festivals littéraires.
Par tradition, le théâtre et la poésie bénéficient également d’une très forte notoriété.
Quel rôle joue l’Institut français dans le monde littéraire de Prague ?
Parmi les instituts étrangers, l’Institut français est le seul, avec le Goethe Institut, à avoir
une réelle présence dans ce domaine. Celle-ci s’articule autour de son dispositif d’aide à la
publication, à l’invitation régulière d’auteurs de premier plan (entre 8 et 10 chaque année)
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mais aussi grâce à ses liens privilégiés entretenus avec des revues très prescriptrices
(comme i-literatura) et les départements d’études francophones des principales universités
tchèques.
Pourriez-vous nous parler de cet événement qui aura lieu le 11 mai prochain : La Nuit
de la littérature ?
La Nuit de la littérature est un des événements majeurs du calendrier culturel praguois et
se traduit par des lectures données, au cours de la nuit précédant la Foire du livre, d’une
œuvre traduite d’un écrivain étranger.
La présence de l’auteur est au cœur de la stratégie de l’Institut français afin de
promouvoir, non seulement le livre retenu, mais aussi l’actualité éditoriale de langue
française.
Quelle est la place des cours de français dans l’offre culturelle proposée par l’Institut
français ?
Les cours de français sont naturellement au cœur de la stratégie de l’établissement. Il
est à noter que les apprenants (1 700) fréquentent régulièrement les autres services de
l’Institut : la médiathèque (tout particulièrement la bibliothèque de l’apprenant), le cinéma
mais aussi les invitations d’auteurs et les rencontres/conférences données dans le cadre de
la promotion du débat d’idées.
Pourriez-vous nous parler des évolutions récentes dans la médiathèque de l’Institut
français de Prague, qui s’est notamment dotée de deux nouveaux espaces dédiées à la
médiation numérique ?
Ce projet de médiation numérique est au cœur de la stratégie de l’établissement et part
d’un
double constat : la France est le pays au monde qui a investi le plus dans le
développement de contenus numériques libres de droit et ces contenus ont vocation à
intégrer la programmation culturelle d’un Institut. Et, par bien des égards, ils modifient en
profondeur la notion même de programmation culturelle.
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Ce projet s’est d’abord traduit par l’installation d’équipements multimédias de pointe :
écrans interactifs d’informations, vidéoprojecteur interactif et smart TV (ces deux derniers
équipements faisant l’objet d’une programmation spécifique : documentaires, danses
contemporaines, expositions, concerts qui donnent à voir la vitalité des principaux festivals
et des grandes institutions culturelles françaises).
Il est à noter qu’en 2016 deux smart TV ont été déployées dans deux alliances françaises
en région. En parallèle à la création d’un catalogue commun des ressources francophones
disponibles en République tchèque, elles sont le relais de cette programmation d’un genre
nouveau et entrent dans la stratégie d’une mise en réseau à l’échelle du territoire des
ressources francophones.
Quels seront les moments forts de la programmation de l’Institut français de Prague
pour l’année 2016-2017 ? Le cinéma y occupe, semble-t-il, une place centrale.
Le cinéma occupe traditionnellement une place importante dans la programmation : à la
fois au moment du festival du film français qui se déroule la dernière semaine du mois de
novembre, mais aussi au moment du festival international du film de Karlovy Vary.
L’année 2016 est d’autre part placée sous le signe du débat d’idées : le 16 juin prochain se
tiendra la première Nuit de la philosophie d’Europe centrale (avec des personnalités
françaises, tchèques, polonaises, slovaques et hongroises de premier plan autour du thème
Images, sciences et politique) ; d’autre part, le fonds d’Alembert 2016 consacré à « Migrations,
Frontières et Identités », décliné à l’échelle régionale (République tchèque, Autriche et
Hongrie) en Europe centrale – un sujet particulièrement sensible depuis la crise des
migrants de l’été 2015 –, se traduit par le venue d’intellectuels et d’universitaires de chacun
des pays concernés.
Pourriez-vous, pour finir, retracer rapidement pour nous votre parcours personnel
avant d’arriver à l’Institut français de Prague ?
J’ai occupé, de 2008 à 2010, la fonction de chargé de programmation à la Villa Médicis, un
établissement à la programmation très éclectique et très en prise avec les domaines des
pensionnaires de cette académie (histoire de l’art, littérature, commissariats d’expositions
mais aussi cuisine ou tapisserie d’art). J’ai ensuite occupé les fonctions de directeur-adjoint
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du service numérisation à la bibliothèque nationale de France. Avec 1 million de pages
numérisées par mois destinées à Gallica - la seconde plus grande bibliothèque numérique
au monde - la direction d’une équipe d’ingénieurs dédiée à des projets internationaux de
recherches dans le domaine des nouvelles technologies (notamment la reconnaissance
optique de caractères) et la responsabilité de la coopération européenne dans le domaine du
numérique, cette expérience très riche me permet aujourd’hui de mettre en œuvre, au
service du réseau, des projets à forte dimension technique nécessitant une connaissance
approfondie des usages nés de ce qu’il est convenu d’appeler la révolution numérique.
Propos recueillis par Pierre Ducrozet
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