Le théâtre se déniche aux puces

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Le théâtre se déniche aux puces
Le Soir Mardi 6 janvier 2015
34 LACULTURE
LESBRÈVES
MUSIQUE
© DR.
Décès de Pino Daniele…
On n’ose imaginer les scènes
de pleurs et de désespoir à
l’annonce du décès du chanteur napolitain Pino Daniele,
survenu dans la nuit de dimanche à lundi des suites d’un
infarctus, à l’âge de 59 ans.
C’est dans sa villa de Toscane
qu’il a été terrassé par une
crise cardiaque, avant d’être
emmené dans un hôpital romain, où il s’est éteint. « Pino
Daniele est mort, mais sa musique est éternelle » a écrit sur
Twitter Luigi de Magistris, le
maire de Naples, en annonçant
une journée de deuil dans la
ville le jour des funérailles du
chanteur et guitariste demain
mercredi, dans un grand sanctuaire au sud de Rome. « Pino
Daniele a été un personnage
fondamental de la musique et de
la culture italiennes, symbole et
icône artistique » a réagi le club
de football de Naples, promettant un hommage au stade San
Paolo.
… la star napolitaine
Né à Naples le 19 mars 1955
dans une famille (très) modeste et aîné d’une fratrie de 6
enfants, Pino Daniele apprend
la guitare en autodidacte. Fan
de musique au sens large, il est
autant influencé par Elvis que
par Armstrong. C’est d’ailleurs
cet amour des genres et styles
qui lui permet de se démarquer de ses contemporains à
travers un répertoire très varié.
Père d’un nouveau style musical, la « taramblu », mélange
de tarentelle, de rumba et de
blues, Pino Daniele a sorti une
trentaine d’albums entre 1977
et 2014.
(ph.mn. avec afp)
Le théâtre se déniche aux puces
SCÈNES « Les
Misérables » et « Ressacs », l’essor du théâtre d’objets
Jouer « Les Misérables » avec des santons et des boîtes de
biscuits, c’est le fabuleux
défi des Karyatides.
Chez Agnès Limbos,
papesse du théâtre
d’objets, d’autres fonds
de tiroirs racontent
le monde en crise.
Et si ce théâtre chiné
était l’antidote à la société du toujours plus ?
« RESSACS »
Agnès Limbos,
à l’origine
de la vague
par la police pour avoir volé une
couque. Aujourd’hui encore,
comme Valjean, on risque gros
pour une bouchée de pain. »
Quoi de mieux que cet univers
de « petits riens » pour raconter
le destin de ces « misérables » ?
A une époque qui se rebelle enfin
contre le règne de la surconsommation, le théâtre d’objets apparaît comme le porte-drapeau
d’un art en résistance, plus
contemporain que jamais, qui
est à la culture ce que le recyclage ou le slow food sont à nos
modes de vie : un modeste et
grandiose pas de côté. ■
Aujourd’hui, tout le monde
veut faire du théâtre d’objets. Le théâtre jeune public
lui fait des yeux doux et
goulus, et même le Théâtre
national lui ouvre tout
grand ses portes. Pourtant,
le théâtre d’objets existe en
Belgique depuis 30 ans,
sous la houlette d’Agnès
Limbos notamment. Tout en
transmettant son savoirfaire aux jeunes générations, la papesse du théâtre
d’objets continue de créer
des spectacles insolites,
dont le prochain Ressacs,
métaphore d’un couple et
d’une société en crise.
« Chaque spectacle part d’un
objet, explique l’artiste. Je
vois un petit rafiot et je
pense à un couple en perdition. Je vois un palmier et je
pense à une île déserte. Des
conserves vides m’évoquent
une usine. C’est un univers
très proche du langage cinématographique. Ça se voit
dans les mots que j’utilise sur
le plateau : “gros plan, zoom,
plan large, travelling. Dans
Les Misérables (dont elle a
assuré la mise en scène,
NDLR), on a travaillé en
cinémascope, en imaginant
un spectateur qui change de
focus perpétuellement. » Pour
elle, le théâtre d’objets,
c’est le reflet d’une mouvance qui « s’exprime sur
notre société de consommation avec des objets récupérés qui ont un sens et jouent
sur la poésie ».
CATHERINE MAKEREEL
C.MA.
Du 11 au 16 janvier au Théâtre de Liège.
Du 24 février au 7 mars au Théâtre
national, Bruxelles. www.karyatides.net/
Du 13 au 18 janvier au Théâtre
national, Bruxelles. Du 21 au 23
janvier au Théâtre de Namur. Les 21
et 22 mai à l’Ancre, Charleroi.
C
’est l’histoire d’un théâtre
qui naît dans les marchés
aux puces et les brocantes. Un théâtre qui ne se
construit pas dans de grands ateliers de décors mais se fomente
autour d’une table où figurines,
vieux jouets, fourchettes et
autres objets chinés sont retapés,
au scalpel, pour donner chair à
des légendes comme Carmen ou
Madame Bovary. Et même carrément aux Misérables, dernière
création de la compagnie Karyatides, qui réussit l’exploit d’incarner les 2.000 pages du roman-fleuve de Victor Hugo avec
une table transformée en champ
de bataille, une boîte de biscuits
muée en auberge des Thénardier, des santons métamorphosés en peuple aux abois sur fond
de révolution, une reliure de
livre ancien déroulant l’exil de
Jean Valjean et Cosette, des tableaux convoquant les paysages
pastoraux de courses-poursuites
sans fin.
Ces Misérables vont faire le
bonheur de tous les professeurs
de français désireux d’aborder
Hugo avec leurs élèves (dès 10
ans), mais aussi celui des adultes
adeptes d’un univers romanesque et décalé dans son emballage fabuleusement recyclé.
Entre les tournées, Karine Birgé
Gavroche, Valjean, Cosette, Fantine, le peuple aux barricades,... : tous se retrouvent dans cette version
théâtre d’objets des « Misérables », portée par la compagnie Karyatides. © D.R.
et Marie Delaye, actrices et têtes
pensantes
de
Karyatides,
écument les puces ou les Petits
Riens. « Les santons qui sont au
cœur des Misérables, nous les
avons trouvés sur la place du Jeu
de Balle, précise Karine Birgé. Ce
sont des objets qui font référence
à l’imaginaire collectif. Chacun
une armée de petites mains qui
s’attelle à armer les santons de
minuscules fourches et pelles,
évoquant les barricades qui s’élevèrent dans Paris en 1832.
Il s’agit aussi de repeindre certaines figurines, comme celles de
Cosette et Marius, pour les
rendre plus visibles de loin. Il
Une armée de petites mains s’attelle à armer les santons
de minuscules fourches évoquant les barricades
en a vu chez une grand-mère ou
une vieille tante. On ne s’intéresse pas à la valeur marchande
des objets, mais à leur plastique,
leur esthétique, leur matière.
Pour Jean Valjean par exemple,
on savait qu’il ne pouvait pas
être en plastique. Il est taillé
dans le bois. » Puis, c’est toute
aura fallu deux ans et demi et
une dizaine de collaborateurs
pour accomplir cet ingénieux
bricolage, sur un thème plus que
jamais d’actualité : l’injustice et
l’inégalité sociale. « Il y a
quelques jours au Delhaize, j’ai
vu un homme qui avait l’air bien
mal en point, se faire embarquer
© D.R.
WEDNESDAYSHOT série photographique de Philippe Graton 2/6
Fils de Jean Graton, le père du célèbre
coureur automobile Michel Vaillant,
Philippe Graton, est à la fois reporter,
scénariste de bande dessinée et photographe. L’artiste pose chaque mercredi
un regard personnel sur une rencontre
insolite ou un fait d’actualité à travers
son blog, « Wednesday Shot ». Un court
récit dédicacé met l’image en perspective. En l’espace de quelques mois, des
milliers de curieux ont choisi de partager ce rendez-vous poétique hebdomadaire avec Philippe Graton. Par la spontanéité des clichés et la générosité de la
démarche, ces Wednesday Shots
captent l’émotion du quotidien. Le photographe français, né et installé en
Belgique, fait le pari de nous intéresser
aux instants de la vie comme à l’histoire
en marche. Des cinéastes, des acteurs,
des chanteurs, des sportifs croisent
parfois son objectif. Le Wednesday Shot
est un cadeau touchant à l’internaute. Il
n’est pas à vendre. A l’arrivée, il offre
des parenthèses d’action, d’humour,
d’amour, de sensualité. Tout au long de
cette semaine, vous retrouverez l’un
d’eux dans nos pages Culture, juste
pour le plaisir des yeux.
DANIEL COUVREUR
Découvrez chaque mercredi un nouveau Wednesday Shot sur www.thewednesdayshot.com
« “Dick Annegarn.” Voix de montagne, montagne aux pieds nus, montagne qui tangue, Dick Annegarn se dresse en No Land, frontière imaginaire entre
Hollande, Belgique, Maroc et France. L’homme remplit l’Olympia quand ça lui plaît puis tourne le dos au succès, retourne à la rue où il se sent chez lui. Souchon, Bashung, Bénabar, Arno lui rendent hommage ; ça n’offre pas pour autant une famille au bébé éléphant. Comme son accent, son talent n’appartient
qu’à lui, il n’a pas de compte à rendre. Il revient, solitaire et entier ; nous emmène en tournée sur ses notes fêlées, loin de ce qu’on connaît. » © PHILIPPE GRATON.
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