Surnommée «Belle et Bonne» par Voltaire
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Surnommée «Belle et Bonne» par Voltaire
Reine-Philiberte Rouph de Varicourt Marquise de Vilette Surnommée «Belle et Bonne» par Voltaire (1757- 1822) Hagiographie de «Belle et Bonne» Réalisée par René Blanchon Avec la collaboration de la bibliothèque municipale de Pont-Sainte-Maxence. Bibliographie : Belle et Bonne : une fervente amie de Voltaire / Jean Stern - Librairie Hachette, 1938. Œuvres complètes de Voltaire - Ed. Garnier, 1777. Lettres choisies sur les principaux évènemens* de la Révolution / Charles Villette - Marchands de nouveautés, 1792. *«évènemens» sans «t» dans le texte Reine-Philiberte Rouph de Varicourt Marquise de Vilette N i è c e a d o p t i ve d e Vo l t a i r e surnomée Belle et Bonne née le 3 juin 1757 à Pougny dans l’Ain mariée le 19 novembre 1777 au Marquis Charles de Villette décédée le 14 novembre 1822 à Paris enterrée au Domaine de Villette à Pont-Sainte-Maxence r Reine-Philiberte Rouph de Varicourt est la troisième d’une famille peu fortunée de dix enfants : les garçons étaient prêtres ou soldats ; quant aux filles si elles ne se mariaient pas, elles entraient en religion. A dix-huit ans, Reine-Philiberte qu’on appelait déjà la jeune religieuse se préparait donc à rentrer au cloître. « » Voltaire avait aidé financièrement la famille Varicourt ; il avait vu grandir la jeune fille et ne pouvait supporter que Reine-Philiberte soit ravie au monde ; il décide de l’accueillir pour qu’elle lui tienne compagnie (fin janvier 1776). Il se prend d’affection pour sa protégée et la considère bientôt comme sa fille adoptive et lui donne le surnom de Belle et Bonne . « » La jeune fille a su conquérir l’entourage du patriarche ; elle aide Madame Denis, nièce de Voltaire, à faire les honneurs de Ferney, cette auberge de l’Europe dans l’Ain. « » En septembre 1776, le Marquis de Villette arrive à Ferney (Ain) où il trouve refuge auprès du philosophe. Il a une détestable réputation après une aventure fâcheuse qui l’a obligé à quitter Paris mais il a une tournure agréable, de l’aisance et de l’esprit. Mademoiselle de Varicourt se sent attirée vers ce prince charmant et le marquis de Villette est séduit par la grâce juvénile de Reine-Philiberte. « » (p4) r Le Marquis de Villette écrit : «Belle et Bonne c’est votre nom ; C’est le nom que vous donne un sage : Il peint vos traits, votre raison, Votre cœur et votre visage. » «C’est l’ange gardien du patriarche, elle est devenue nécessaire à son existence… Les soins et les caresses qu’elle lui prodigue, l’air pénétré dont il baise les mains de cette jolie gouvernante, vous ne sauriez imaginer combien ce tableau est touchant. » «Elle est grande et bien faite, elle a le maintien le plus noble et le plus décent.» «C’est la parure du Sallon 1 Sans embarras elle sait faire Et le rôle de ménagère Et les honneurs de la maison Aussi fraîche que la nature Aussi simple que ses attraits Vous la prendriez je vous jure Pour la fille de Périclès, Ou pour la nièce d’Epicure… » (Extraits de l’œuvre du Marquis de Villette) b (p5) 1- Ecrit avec deux «l» dans le texte Charles Michel de Villette est né à Paris le 1er décembre 1734. De santé délicate, il passe ses premières années au manoir du Plessis. En mai 1737, il tombe gravement malade et le sieur de Lignac chirurgien et apothicaire de Pont-Sainte-Maxence est appelé à son chevet… « » En 1746, il entre au collège Louis Le Grand dirigé par les jésuites. Il montre une intelligence précoce et fait d’excellentes études. Reçu bachelier il obtient le 28 août 1754 le diplôme de licencié in utroque jure . « » Dans la soirée du 4 octobre 1777, le Marquis de Villette séduit par la grâce de Mademoiselle de Varicourt lui demande sa main… Malgré sa mauvaise réputation, Voltaire intervient pour ce gentilhomme titré, brigadier des armées et possesseur de près de cinquante mille écus de rente ! A 8 3 a n s , Vo l t a i r e é c r i t : «Je meurs content si je peux avoir contribué au bonheur de deux personnes dont l’un est plein d’esprit et d’agréments et un des plus agréables hommes du monde dans la société, n’ayant jamais eu à se reprocher que des faiblesses pardonnables et dont l’autre est l’innocence elle-même, la vertu, la prudence et la bonté fondues ensemble. » (p6) Au comte d ’ Argental, le «vieux ma l a d e d e Fe rn ey » confiait son bonheur : «… Notre chaumière de Ferney n’est pas faite pour garder des filles. En voilà trois que nous avons mariées : Melle Corneille, Melle Dupuits, et Melle de Varicourt que Mr de Villette nous enlève. Elle n’a pas un denier et son mari fait un excellent marché. Il épouse de l’innocence, de la vertu, de la prudence, du goût pour tout ce qui est bon, une égalité d’âme inaltérable, avec de la sensibilité ; le tout orné de l’éclat de la jeunesse et de la beauté. » (Extrait des Œuvres complètes de Voltaire - Ed. Garnier) Le Marquis de Villette écrit : «J’épouse au château de Ferney une jeune personne adoptée par Voltaire. Elle m’apporte pour dot un visage charmant, une belle taille, un cœur tout neuf et l’esprit qui plaît. J’ai préféré tout cela à un million tout sec que je trouvais à Genève. y » Le contrat de mariage est signé le 12 novembre 1777 dans la chambre de Voltaire. Cette demoiselle n’a d’autre dot que sa beauté et sa sagesse. (p7) Le mariage est célébré le 19 novembre 1777 à minuit dans la chapelle de Ferney (Ain). «J’ai épousé non pas une Babylonienne mais la Bergère des Alpes.» Voltaire : «J’ai fait faire à M. de Villette le meilleur marché qu’on puisse jamais conclure. Il a épousé dans ma chaumière de Ferney une fille qui n’a pas un sou et dont la dot est la vertu, de la philosophie, de la candeur, de la sensibilité, une extrême beauté, l’air le plus noble, le tout à dix-neuf ans. » «Les nouveaux mariés s’occupent jour et nuit à me faire un petit philosophe.» b (p8) En février 1778, Voltaire décide d’aller à Paris pour défendre sa pièce «Irène» contre les «intrigues du tripot». Il a 84 ans. e Le Marquis et la Marquise de Villette préparent le logement du patriarche à l’angle du quai des Théatins et de la rue de Beaune, au premier étage. Le logement comprend une antichambre, une chambre, une alcôve, deux petits cabinets, une garde robe, et une sortie de dégagement. Le 10 février 1778, Belle et Bonne et Mme Denis accueillent le patriarche éprouvé par cinq jours de voyage sur le seuil de l’Hôtel de Villette, à Paris. Malgré sa fatigue Voltaire ne veut pas se soustraire à l’empressement des nombreux visiteurs. Villette est le grand ordonnateur de ses réceptions. Le 11 mai 1778 Voltaire doit s’aliter. Belle et Bonne ne quitte plus la chambre de son bienfaiteur. Elle écoute les diagnostics contradictoires puis reprend place au chevet du malade. Elle fait intervenir les prêtres. Voltaire meurt le 30 mai 1778. La pauvre Belle et Bonne évoquant les craintes du patriarche se demande avec angoisse si son corps n’allait pas être jeté à la voirie. Dans la nuit du 30 au 31 mai 1778, il est procédé à l’embaumement hâtif du cadavre. Un chirurgien ouvre le crâne pour en extraire la cervelle. Charles de Villette s’attribue le cœur2. (p9) (Notes : 2 - voir page 18) q Voltaire est enterré à l’Abbaye de Scellières, près de Romilly dans l’Aube. Villette, fils spirituel du patriarche, revendique à ce titre le privilège de prendre soin de sa gloire. Belle et Bonne, par pitié pour son bienfaiteur, l’aidera dans sa tâche. Lors de la réunion solennelle de la loge des neuf soeurs, Villette déclare en parlant de Belle et Bonne : «… nos hommages, notre reconnaissance, nos regrets avec celle qui sut embellir ses jours par les charmes de l’amitié, qui les prolongea si longtemps par les plus tendres soins ; qui augmentait ses plaisirs, diminuait ses peines et qui en était si digne par son esprit et son cœur. » En juillet 1781, Belle et Bonne et son mari s’installent au château de Villette à Pont-Sainte-Maxence dans l’Oise. (p10) q Le Marquis de Villette profite de ce séjour pour aménager la propriété au goût du jour. Il transforme le parc en jardin anglais, l’agrémente de vastes pelouses, de sentiers sinueux, de ponts rustiques traversant la rivière avec ça et là des îles et ombrages. On y reçoit de nombreux visiteurs dont Mme Vigée-Lebrun, peintre célèbre de l’époque. Villette déclare : «C’est ici que l’on est dans sa maison des champs.» «Plus j’observe ces lieux et plus je les admire.» b Voltaire est mort depuis dix ans, son esprit est toujours vivant. A la veille de la convocation des Etats généraux en 1789, Villette se lance résolument dans la politique pour soutenir les idées du philosophe. En 1789, chargé de rédiger les «cahiers» du baillage de Senlis, Charles de Villette s’acquitte de cette tâche en exposant des idées neuves et originales. Dans son ouvrage Lettres choisies , il se déclare partisan du divorce, du mariage des prêtres, de la protection des enfants naturels, des routes à péages… « (p11) » Par amour de l’égalité, le marquis aspire à devenir un simple citoyen. Il abandonne sa particule et se fait appeler Charles Villette tout court. Il soutient les revendications du peuple avec ferveur lui causant parfois de grands tourments. Le frère de Belle et Bonne, François de Varicourt, en voulant s’opposer à la ruée de la foule vers les appartements de la reine Marie-Antoinette, a le corps criblé de blessures, la tête détachée du tronc et plantée sur une pique. La mort de ce frère a été un cruel épisode dans la vie de Reine-Philiberte. Nous sommes dans la nuit du 5 au 6 octobre 17893. Il faut à Belle et Bonne s’armer de courage et lutter aux côtés de son mari pour assurer le triomphe des principes qu’ils défendent. Villette renonce à ses privilèges (lettre au notaire de Pont-Sainte-Maxence du 17 février 1790). Le frontispice de l’orangerie du domaine de Villette a gardé la trace de cette nuit tragique. Voir illustration ci-dessus : l’indication «8bre» correspond au mois d’octobre.) (p12) Le 18 mars 1790, les biens ecclésiastiques étant mis à la disposition de la nation, l’Abbaye de Scellières (Aube) où est enterré Voltaire est vendue. Le corps de Voltaire deviendra la proie du plus offrant. Villette demandera la translation des cendres de Voltaire à Paris. Le 14 juillet 1790, Villette se rend au Champ de Mars avec Belle et Bonne pour la fête de la Fédération où ils rencontrent les disciples de Voltaire, défenseurs de la liberté. w b Charles Villette est élu député à la Convention nationale le 4 septembre 1792. (p13) La Convention dont le premier geste est d’abolir la royauté s’occupe d’instruire le procès de Louis XVI. Néanmoins Villette cherche à le sauver et le 20 janvier 1793, il se rend à l’Assemblée pour voter contre la mort du roi. Le 9 juillet 1793, Charles Villette rend le dernier soupir, il échappe ainsi à la guillotine. «Le marquis sans culotte avait prodigué sa verve étincelante et sa spirituelle fantaisie.» b La «citoyenne Villette» est incarcérée le 10 novembre 1793 le jour même où les hébertistes4 font célébrer à Notre Dame la fête de la Liberté et de la Raison. En apprenant l’arrestation de Belle et Bonne les habitants de Pont-Sainte-Maxence s’émeuvent. Ils signent une pétition pour demander qu’on libère leur bienfaitrice. Sa fille, la petite Charlotte, qui n’a pas voulu se séparer de sa mère partage sa captivité. Rappelons que Belle et Bonne, courageuse et loyale, avait trouvé le moyen de se rendre en secret auprès de la reine Marie-Antoinette à la Conciergerie. (Note 4 - Hébertiste : partisan du révolutionnaire Jacques Hébert, publiciste, homme politique et journaliste, qui mena une lutte acharnée contre les Girondins, défenseurs d’une bourgeoisie éclairée (p14) Les portes des prisons s’ouvrent après la chute de Robespierre. Le Comité révolutionnaire s’empresse d’établir des certificats de civisme en faveur de la «citoyenne Voltaire Villette». Le 9 Thermidor an II (8 août 1794), le comité de Sûreté Générale décide de la libérer sur le champ et de lever les scellés apposés à son domicile. Belle et Bonne, dont la fortune est réduite, grevée d’impôts écrasants, de réquisitions en tous genres, s’impose de dures privations et de lourds sacrifices pour assurer l’avenir de ses enfants : Charlotte (Aimable-Prosper-CharlottePhiliberte-Marie) et Charles (Voltaire-Charles) ; les deux autres enfants de Reine-Philiberte sont décédés avant l’âge d’un an. Voltaire-Charles construit l’Orangerie sur le domaine de Villette. (p15) Le frère de Reine-Philiberte, Claude Gabriel, s’installe au Plessis Villette, administre le domaine, surveille la réfection du château pendant que Belle et Bonne visite les familles indigentes et leur distribue des secours. Elle fait restaurer une chapelle sur les ruines de l’église du Plessis Longueau qui avait été détruite pendant la Révolution. Sa fille Charlotte, d’une intelligence précoce, aurait été demandée en mariage par Louis Bonaparte après une rencontre à Mortefontaine. Elle meurt le 22 Ventôse An X (19 mars 1802) à la fleur de l’âge à 15 ans et 3 mois. b Belle et Bonne rentre à Paris, se retire du monde ; elle vit à l’ombre du patriarche. Son salon est peuplé de souvenirs dans son intérieur voltairien. En 1819, elle consent, dans une intention charitable, à être nommée «Grande maîtresse» d’une nouvelle loge écossaise d’adoption, loge féminine de Francs-maçons, associée à celle des Amis des lettres et des arts. « » « Le but de cette association est d’améliorer l’instruction populaire par des encouragements spéciaux donnés à la composition et à la publication d’ouvrages d’un genre élémentaire moraux et instructifs, solides et agréables et également propres à former le jugement et la raison, l’esprit et le cœur, pour l’usage de l’enfance et de la jeunesse dans les classes pauvres et industrieuses. » (p16) Le 9 février 1819, dans son discours à la présidence elle déclare : «Les femmes sont des anges de paix et d’union sur la terre ; elles sont les fleurs de l’humanité et comme une seconde providence pour l’homme. Que notre mission soit d’inspirer l’amour du bien et d’en offrir l’exemple. » Prêtresse de Voltaire, elle entretient le culte de ses ancêtres. Belle et Bonne meurt le 14 novembre 1822. Elle repose dans le parc du château de Villette dans un caveau avec sept membres de la famille Villette. En cette demeure paisible repose celle qui fut Belle et Bonne. «Elle eut Voltaire pour parrain. Belle et Bonne est le nom que lui donna Voltaire. Et ce nom, mieux que le burin Peint sa grâce et son caractère. » . Le Marquis de Villette (sous le portrait d’A. Pujol gravé par Mme Linguée) (p17) 17-02-1700 1750 18ème siècle 26-09-1757 21-12-1758 (18) (p18) Louise de FOUILLEUSE de FLAVACOURT Achat des 1ère terres 19-02-1737 à Dame 09-07-1793 (58) 1800 13-03-1702 (15) Mariage le 21-10-1830 Voltaire puis Charles de VILLETTE en 1805 Seigneurie avec terres environnantes (10 000 arpents soit 5 170 hectares) 1850 19ème siècle 03-06-1759 (65) 20-05-1874 Vente au Baron Léon de MONTREUIL 01-12-1900 Vente par le Baron Alfred de MONTREUIL à M. Edgard STERN 21-11-1865 Fille morte en 1835 Céleste - Adélaïde - Pauline MARGERIN de LONGTIERS 14-11-1822 (65) Aimable - Prospère - Charlotte - Philiberte - Marie 03-11-1792 23-11-1786 Charles - Marie - Juste - François Renée - Prospère - Charlotte 06-07-1784 05-07-1785 (1) 13-06-1781 07-07-1781 Reine - Philiberte ROUPH de VARICOURT (Belle et Bonne) 03-1763 Seigneurie de Vilette érigée en Marquisat sous le nom de PLESSIS - VILLETTE Charles - Michel de Villette 03-06-1757 Charles - Antoine (jumeau de Charles - Michel) 01-12-1734 01-12-1734 (ne survécut pas) Louise - Camille - Victoire Geneviève - Renée - Charlotte 20-05-1740 Mariage le 19-11-1777 27-04-1765 (65) Thérèse - Charlotte CORDIER de LAUNAY 07-04-1731 28-02-1755 (23) Mariage le 26-06-1730 Pierre - Charles de VILLETTE 1700 Chronologie du Marquisat de Villette Collection JOB Jean-Pierre 60700 - Pont-St-Maxence L e c œ u r d e Vo l t a i r e Le cœur de Voltaire, le plus noble de tous les organes humains, est récupéré par le Marquis de Villette à son domicile à Paris lors de la mort du patriarche le 30 mai 1778 et placé dans une urne portant cette inscription : SON ESPRIT EST PARTOUT ET SON CŒUR EST ICI Son cœur est ensuite déposé à Ferney dans l’Ain puis au château de Villette à Pont-Sainte-Maxence où il y reste un certain temps. Plus tard, il est remis par les héritiers de Villette à Napoléon III qui le fait déposer à la Bibliothèque Nationale où il est conservé actuellement. Voltaire vivant ne vint pas à Pont-Sainte-Maxence mais son coeur y séjourna. ( Imprimé en France sur papier recyclé www.sequences-com.com - Coordination : AJC Communication Bourg-en-Bresse - Collection Musée de Brou