Le Quotidien, Ausgabe: Le Quotidien, vom: Dienstag, 24. November
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Le Quotidien, Ausgabe: Le Quotidien, vom: Dienstag, 24. November
3 Les réfugiés? Quels réfugiés? En 2011, les habitants de Bollendorf-Pont avaient dit non à un projet d'accueil de 60 demandeurs d'asile. Quatre ans après, des demandeurs d'asile sont bien là, mais, semble-t-il, dans l'indifférence générale. Nous sommes retournés dans cette section de la commune de Berdorf qui pétitionnait en 2011 contre l'accueil de ces demandeurs d'asile, en invoquant notamment des «différences sociales et culturelles». Les choses se sont pour le moins calmées. De notre journaliste Romain Van Dyck L > De 60 à 20 réfugiés : «On a été entendus» «C'est un hôtel, pas un centre d'accueil. Et puis, on ne sait pas pourquoi ces demandeurs d'asile viennent, la Serbie n'est pas en guerre. Je crois qu'il y a des abus avec les demandes d'asile», déclarait alors Ernest Walerius, le bourgmestre (LSAP) de Berdorf. Une habitante qui manifestait devant l'hôtel : «On n'est pas contre le fait d'aider ces gens, mais pourquoi Bollendorf, alors qu'il y en a déjà à Weilerbach? On a assez avec les 300.» Comprendre les 300 demandeurs d'asile installés dans un centre à 3 km de là, dans cette autre section de Berdorf. Et les conditions n'ont rien à voir, insistait le bourgmestre : «À Weilerbach, ils sont sous contrôle et bien intégrés... Mais ici, il s'agit de loger 60 nouvelles personnes dans un hôtel qui n'a que 20 chambres, et qui donne directement sur la rue, sans sécurisation...» Photo : archives lq/romain van dyck a pétition avait été déposée dans toutes les boîtes aux lettres. On y lisait ceci : «Hébergement de 60 Roms dans un hôtel à Bollendorf-Pont. Des raisons pour ne pas être d'accord : la commune de Bollendorf est touristique, elle veut maintenir cette particularité. La Serbie n'est plus une région instable. Des différences sociales et culturelles sont inévitables (...)» C'était en mars 2011. Quelque 200 des 274 âmes que comptait cette section de Berdorf avaient apposé leur nom sur cette pétition, pour dire non à la décision de l'Office luxembourgeois de l'accueil et de l'intégration (OLAI) de transformer un hôtel de la commune en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Le gérant de l'hôtel, en difficulté financière, avait accepté cette manne inespérée, l'État devant bien sûr payer les chambres. Mais la levée de boucliers des habitants, qui refusaient de voir Bollendorf-Pont grossir d'un cinquième de sa population avec l'arrivée de 60 Serbes et Macédoniens – pas tous roms, d'ailleurs – avait compliqué les choses. «C'est un hôtel, pas un centre d'accueil», plaidait il y a quatre ans le bourgmestre (en costume gris). Le discours a bien changé depuis... Novembre 2015. Quatre ans ont passé. La commune n'a pas beaucoup changé, tout comme le cadre bucolique de cette belle région du Mullerthal. Par contre, du côté de l'hôtel, il y a eu du mouvement. Le gérant a fini par mettre la clé sous la porte, et c'est désormais un cabinet médical qui occupe le rez-de-chaussée, tandis que les étages accueillent bel et bien les fameux réfugiés. Qui ne sont qu'une vingtaine! «Ils voulaient mettre 60 réfugiés, moi j'ai toujours demandé un maximum de 20. Finalement, on a été entendus par le gouvernement», constate Ernest Walerius. Des Serbes, Arméniens, Croates, Irakiens, sont donc arrivés il y a quatre ans. Et la plupart sont restés. «C'était une solution provisoire qui dure encore aujourd'hui. Il y a parfois une famille qui part et qui est remplacée, mais sinon il n'y a pas de gros mouvements.» Quant aux 40 autres promis par l'OLAI, «ils ont été pris en charge à Weilerbach», précise le bourgmestre. Et le «choc culturel» annoncé par la pétition? Le bourgmestre déclare d'emblée : «Aujourd'hui, les gens sont tranquilles. Sincèrement, je n'entends plus rien par rapport à ces réfugiés. Je pense même qu'il y a des habitants qui ne savent pas qu'il y a des réfugiés ici.» Il poursuit : «Ils ont mis des familles tranquilles, ils ont fait attention, et je n'ai plus rien entendu depuis. Ici, à Berdorf, les gens ne les remarquent pas. La seule chose qu'on voit, c'est à la mairie, quand les réfugiés viennent pour faire leurs démarches administratives.» Le reste du temps, les réfugiés font leur vie : «Ils ont une carte de bus, donc ils vont à Weilerbach, à Echternach…» Il y avait aussi la crainte d'un impact sur le tourisme. Là encore, quatre ans après, le pire ne s'est pas produit : «On a renouvelé le camping, on a un nouveau château d'eau avec un point de vue panoramique, des gens viennent toujours faire des trails dans le parc naturel... Le tourisme a évolué plutôt positivement. Par contre, on a un problème avec les hôtels, plusieurs ont fermé, ça ne marche pas fort.» Un problème qui n'est cependant pas propre à cette commune… > «La pétition a servi à quelque chose» Regrette-t-il donc cette pétition? «Non, la pétition a servi a quelque chose, parce que 60, ça aurait été de trop. Et les gens avaient peur, ils craignaient par exemple que ça fasse baisser les valeurs immobiliè- res… J'étais obligé de m'engager en tant que bourgmestre.» Et les habitants? Difficile de se faire une opinion : en cette pluvieuse journée d'automne, il n'y a pas âme qui vive. On croise juste Guy Adehm, un habitant de Berdorf, qui confirme ne pas trop entendre parler des réfugiés : «On ne les voit pas souvent à Berdorf. C'est sûr que l'arrivée de réfugiés peut créer des craintes, mais je ne pense pas que leur intégration pose un grand problème au Grand-Duché.» Du moins, tant qu'elle se fait de façon mesurée, nuance le bourgmestre, qui critique le projet de village de conteneurs à Steinfort : «Il ne faut pas mettre les gens dans des conteneurs comme ça, avec des grillages autour. Ça ne peut pas déboucher sur quelque chose de bien», préditil. On verra si l'avenir lui donne raison. «Prêt à une grève de la faim» «Tout est tranquille» de l'hôtel transÀ l'intérieur formé en centre d'accueil, on Berdorf accueille aussi des réfugiés à Weilerbach. L e foyer de demandeurs d'asile de Weilerbach, l'un des plus grands du pays, est géré par l'OLAI, qui s'occupe de l'accueil, de l'hébergement, du suivi social et du relogement des familles. «À Weilerbach, tout est tranquille», résume là encore le bourgmestre Ernest Walerius. «Bon, il y a quelques réfugiés qui se plai- gnent, ils disent que la nourriture n'est pas bonne, que les toilettes ne sont pas propres, mais c'est une minorité, et ce n'est pas correct, sachant qu'on leur offre la sécurité, la nourriture, de l'argent de poche, des tickets de bus, un toit, le médecin…» Il voit une raison à cette tranquillité : «Au début, à Weilerbach, on Photo : archives lq rencontre l'Irakien Ali al Azzawi photo), qui s'empresse de nous inviter dans son appartement. Ou plutôt la chambre où il vit avec sa femme et sa fille. Il a une formation de comptable, sa femme est ingénieur. Et ils n'en peuvent plus : «J'ai fait la demande d'asile en mars 2014, j'ai donné toutes les preuves, mais on n'a pas de réponse, on n'a toujours pas le statut de réfugiés. Le ministère nous avait pourtant dit qu'il nous répondrait dans les 6 mois.» «En attendant, on ne peut rien faire. J'ai perdu l'espoir de terminer mes études, explique l'homme de 26 ans. Franchement, je désespère du Luxembourg, et je suis prêt à faire une grève de la faim devant le ministère s'il le faut. Car on voudrait bouger, mais j'ai l'impression d'être un prisonnier, on ne peut pas changer de pays tant que le dossier n'avance pas.» À l'étage du dessous, on croise un jeune homme pressé, Alexander. «Je dois aller à Bruxelles pour obtenir mon passeport», explique-t-il. On se présente, et il demande aussitôt : «Le Quotidien? Vous êtes à Esch-sur-Alzette, c'est ça? Je travaille comme livreur, donc je commence à connaître le pays», sourit-il. Car Alexander, qui a fui le conflit serbe avec sa famille, est au Grand-Duché depuis sept ans. «Nous, on a attendu six ans pour avoir nos papiers! On fait partie des premières familles arrivées ici. D'ailleurs, j'étais là il y a quatre ans, lors de l'histoire de la pétition. Maintenant, c'est fini, c'est tranquille. On est bien ici», lance-t-il avant de s'en aller à Bruxelles... Corinne Cahen accueillant les réfugiés syriens, en septembre dernier. avait beaucoup de célibataires ou de jeunes femmes. Or il y a plus de troubles avec ce genre de personnes, il y a eu même de la prostitution. Alors qu'avec les familles, c'est bien plus calme.» En septembre dernier, le foyer Héliar de Weilerbach, qui héberge près de 150 personnes, était au centre de l'actualité, avec l'arrivée d'une cinquantaine de réfugiés syriens, accueillis chaleureusement par la ministre de la Famille et de l'Intégration, Corinne Cahen: «J'espère que vous vous sentirez au Luxembourg comme à la maison», lançait-elle. Aymen, originaire d'Alep, témoignait ainsi dans les colonnes du Quotidien : «J'ai l'impression de renaître à 47 ans. Je suis très optimiste et mes enfants aussi. Ils ont une énergie énorme. Je me dis que ceci est mon pays, que vous êtes mon frère et mon ami. Mon avenir est ici.» Persönlich erstellt für: asbl asti ACCUEIL DES RÉFUGIÉS DOSSIER mardi 24 novembre 2015