arts d`hier et d`aujourd`hui

Transcription

arts d`hier et d`aujourd`hui
66
44 rue Alexis Lepère 93100 MONTREUIL
Tél. 01 42 87 44 34
Fax 01 48 58 46 88
[email protected]
www.aafv.org
Revue trimestrielle de l’association d’amitié franco-vietnamienne • Juillet 2008 • 4 €
p. 2
p. 3
p. 4 à 6
p. 17
p. 18-19
p. 20
p. 21
p. 22
p. 23
p. 24
Hommage à Vo Van Kiet
Les activités de l’AAFV
DOSSIER
p. 9
à 16
Editorial
arts d’hier et
d’aujourd’hui au Vietnam
Le Festival de Hué
En suivant la piste des hommes
18e Sommet Mondial des Femmes
Ce Vietnam que nous aimons
Nécrologies
Notes de lecture
Conférences de l’AAFV
Une campagne originale
Editorial
Après le XIIIe Congrès de l’AAFV
J’ai été impressionnée par la qualité de la discussion, des échanges parfois vifs qui sont la preuve d’une vie
démocratique saine. Elle a permis d’aboutir à un rapport d’orientation pour le développement de notre association.
Le principal : faire découvrir les réalités complexes actuelles du Vietnam, ce beau pays de riche culture avec un peuple
chaleureux, courageux, innovant.
Même si la vie s’y améliore d’année en année, nous poursuivrons et élargirons nos actions de solidarité. Nous
continuerons à réclamer justice au plan international pour faire reconnaître la responsabilité des Etats-Unis dans la guerre
chimique et aider à vivre les victimes de l’agent orange. Et cela en relation avec les associations nationales et internationales.
Nous avons décidé de franchir une nouvelle étape pour développer l’information, l’analyse de la situation au Vietnam
avec ses contradictions, même si cela doit donner lieu à des discussions – par exemple à propos de son adhésion à l’OMC –,
où chacun pourra exposer sa vision personnelle du Vietnam.
L’importance donnée à la culture du riz, à l’agriculture, par le
gouvernement du Vietnam est un point très positif dans ce pays encore
pauvre, malgré la hausse des prix des céréales et des matières premières
à cause des spéculations des pays riches.
Nous voulons donc développer le débat en particulier avec
“Perspectives”, très apprécié et les conférences-débats, les actions, faire
appel à l’esprit d’initiative de nos comités qu’il faut multiplier, servir de lien
pour la coopération décentralisée avec les groupes d’amitié
parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Hélène Luc et Jacques Maître
La visite du Président de l’Assemblée nationale du Vietnam a
constitué une nouvelle étape de nos relations d’amitié et de coopération.
Une action enthousiasmante en perspective, propre à intéresser les jeunes générations sensibles aux injustices créées
par la colonisation et la guerre qui sont loin d’être éliminées.
Vous m’avez fait l’honneur et la confiance de me confier la présidence de notre Association. Bien sûr je suis une amie
fervente de longue date du Vietnam. J’ai commencé ma vie militante contre la guerre d’Indochine aux côtés d’Henri Martin
et de Raymonde Dien, d’Alban Liechti, en collectant pour le bateau du Vietnam. Avec le maire de Choisy, j’ai contribué de
toutes mes forces à aider la délégation vietnamienne conduite par le ministre Xuan Thuy, matériellement et pour développer
la solidarité autour d’elle. Cela restera pour moi un moment riche et inoubliable. Puis j’ai continué au Sénat à travailler dans
le groupe d’amitié France-Vietnam avec M. Poncelet, M. Oudin et actuellement M. Miquel et à préparer le colloque du Sénat
sur l’agent orange. Je veux en féliciter les initiateurs. J’ai tout à fait conscience que la réussite de l’étape que nous entreprenons
repose sur la direction collective élue par le congrès avec tous ceux qui
oeuvrent pour l’amitié avec le Vietnam.
Je veux rendre un hommage partagé par tous j’en suis sûre à
Jacques Maître, notre ancien Président, chercheur émérite, directeur de
recherche au CNRS qui a su rassembler toutes les énergies pour
développer l’amitié entre nos deux peuples.
Revue trimestrielle de l’association d’amitié franco-vietnamienne
Juillet 2008 • 4 € • Commission paritaire n° 0404 G82984
Il a demandé à être libéré de ses fonctions pour mieux travailler à
notre noble cause en reprenant ses recherches avec de jeunes chercheurs
vietnamiens sur l’agent orange donc il ne nous quitte pas.
Avec Patrice Jorland notre secrétaire général lui aussi un ami de
longue date du Vietnam, journaliste en Asie, ancien conseiller culturel à
l’ambassade de France à Hanoi, avec les vice Présidents, le bureau, le
comité national élus au congrès, je suis consciente de la responsabilité
qui m’incombe pour faire bouillonner notre AAFV avec Perspectives, outil
essentiel et nos activités.
44 rue Alexis Lepère 93100 MONTREUIL
Tél. : 01 42 87 44 34 Fax : 01 48 58 46 88
[email protected] • www.aafv.org
Directeur de la publication : Jacques Maître
Bon travail à toutes et à tous !
Hélène Luc
Rédacteur en chef : Dominique De Miscault
Comité de Rédaction : Etienne Adjimah, Jean-Pierre Archambault,
Michel Dreux, Alain Dussarps, Anne Hugot-Le Goff, Marie-Hélène Lavallard
AXIOM GRAPHIC 95830 CORMEILLES-EN-VEXIN
2
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Vo Van
Kiet
Vo Va n K i e t ,
ancien Premier
ministre de la
RSV (19911997),
est
décédé le 11 juin
à l’âge de 86 ans.
Des funérailles nationales à Ho Chi Minh-Ville
accompagnées d’un deuil de deux jours ont
marqué l’hommage de la nation à l’un de ses
plus éminents hommes d’Etat. Des cérémonies
ont eu lieu aussi à Hanoi et à Vinh Long, sa ville
natale. Un registre de condoléances était ouvert
à l’ambassade du Vietnam à Paris. Le Secrétaire
Général de l’ONU, de nombreux chefs d’Etat et
ambassadeurs ont envoyé des condoléances ou
ont participé aux cérémonies.
De famille modeste, originaire du Sud, Vo Van
Kiet s’est engagé dans la Résistance contre l’occupation française à l’âge de 16 ans. Il a ensuite
participé activement à la lutte contre la guerre
américaine. Lors de la réunification, il a été
nommé Président du Comité populaire d’Ho
Chi Minh-Ville, puis responsable local du parti
communiste vietnamien. A ce poste délicat, il a
œuvré pour des mesures d’apaisement, ce qui
lui a parfois valu des critiques. En 1982, il est
devenu membre du Bureau Politique et il a été
plusieurs fois député.
Il a joué un rôle décisif dans le domaine diplomatique, pour l’entrée du Vietnam à l’ASEAN et
pour la normalisation des relations avec les
Etats-Unis après la levée de l’embargo (1995).
Mais c’est surtout en temps que " père du Doi
Moi " qu’il est connu et estimé des Vietnamiens.
Son ouverture d’esprit, son audace réfléchie, sa
pugnacité et sa persévérance, jointes à l’expérience qu’il avait acquise dans sa gestion d’Ho
Chi Minh-Ville, ont été déterminantes dans la
mise en œuvre de la politique de renouveau,
comme le soulignent les déclarations du président de la République et du Secrétaire Général
du PCV à l’occasion de ses obsèques.
Il avait un caractère affirmé, un franc-parler et
aussi un humour qui retenaient l’attention.
Le Vietnam a perdu l’un de ses meilleurs fils.
MHL
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Hélène
Luc
à
l’honneur
A peine élue présidente de notre association Hélène Luc
s’est retrouvée sous
les feux de la rampe.
Le 10 juin, au cours
d’une cérémonie
aussi chaleureuse
qu’émouvante à la
salle Royale de Choisy, André Lajoinie lui a remis les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Dans son discours d’accueil, Daniel Davisse, Maire de Choisy, a
retracé la vie politique d’Hélène dans sa ville et, plus largement, ses
activités militantes, ses engagements multiples pour la justice, le droit
des peuples, la solidarité, la paix.
Raymond Aubrac, à son tour, a évoqué leur amitié de longue date née
dans les combats communs passés et actuels, notamment pour le futur
Musée de la Résistance et a fait un vif éloge de sa personnalité, de sa
pugnacité, de sa droiture, avant de conclure : “Vous me faites penser à
Lucie”.
Enfin André Lajoinie, avant de la décorer, a mis l’accent sur son rôle au
Sénat, dont Christian Poncelet avait fait aussi un éloge remarqué
lorsque Hélène a pris sa retraite de sénatrice.
Hélène, très émue, a répondu en évoquant son parcours, depuis son
enfance à Saint-Etienne dans sa famille avec ses six sœurs, son père
mineur anti-fasciste italien immigré, sa mère née à Sienne. Elle aurait
voulu devenir institutrice mais c’était impossible. Elle a débuté en
travaillant comme ouvrière du textile et en reste fière. Puis sont venues
la Résistance, les luttes contre les guerres coloniales, l’engagement
dans la vie parlementaire. Citant son mari Louis, maire de Choisy lors
du séjour de la délégation vietnamienne aux discussions qui devaient
aboutir aux Accords de Paris, elle déclare : “Une de mes plus grandes
satisfactions, c’est d’avoir réussi à mener une activité intense, très
prenante, tout en créant une vie familiale qui s’est développée
harmonieusement au fil du temps.” Et de conclure : “C’est l’amour des
autres qui permet d’être heureux soi-même et si on est plus heureux,
on est plus fort, plus joyeux.”
La nombreuse assistance a applaudi cette leçon d’art de vivre
couronnant l’évocation d’un parcours qui force le respect. On notait la
présence des Ambassadeurs de Cuba et d’Arménie, d’un représentant
de la Palestine, de parlementaires, d’élus des collectivités territoriales,
du Préfet Bergougnoux et de très nombreux amis d’Hélène parmi
lesquels Jacques Maître et d’autres membres de l’AAFV.
3
Activités
Le Bureau national s’est réuni le 17 mai, pour les
ultimes préparatifs du Congrès et le 3 juin, pour une
première analyse de ses résultats, jugés très
encourageants en particulier pour la franchise,
l’intérêt et la bonne atmosphère du débat
d’orientation. La méthode est à retenir (voir encart
joint). Le BN du 3 juin a mis en place les nouvelles
instances et organisé le travail de l’été.
Le 28 mai Jacques Maître et Marie-Hélène Lavallard
ont rencontré M. Chaize, maire-adjoint de Montreuil
chargé de la culture et M. Tuaillon, maire-adjoint
chargé des associations et des relations
internationales et ont présenté l’AAFV nationale et le
comité Ile de France. La rencontre a été cordiale et
laisse bien augurer des relations à venir.
de
l’AAFV
Les lieux de la solidarité
Les bilans annuels rendent compte fidèlement des actions de solidarité mais pour beaucoup d’entre nous les noms des lieux cités
n’évoquent rien de précis. Il serait intéressant de rendre les choses
plus vivantes par des informations sur les régions et leurs habitants, des nouvelles de nos amis de là-bas, des anecdotes, des
souvenirs. Que tous les voyageurs qui visitent nos réalisations fassent part de leurs impressions en écrivant à la rédaction de la
revue (1).
Alain Dussarps ouvre la rubrique en disant son enthousiasme
pour la province d’Ha Giang.
La rédaction
Le Congrès a eu lieu les 31 mai et
encart joint).
1er
juin (voir
(1) Perspectives France-Vietnam, AAFV, 44 rue Alexis Lepère, 93100 Montreuil
[email protected]
Le 5 juin, M. Vuong Toan, vice-président de l’AAVF,
accompagné de Mme Nguyen Thanh Thao nous a
rendu visite à Montreuil.
Le 10 juin a eu lieu à Choisy le Roi une cérémonie
en l’honneur d’Hélène Luc qui a reçu les insignes de
Chevalier de la Légion d’Honneur.
Le 24 juin, l’AAFV a été conviée à accueillir à Orly
le président de l’Assemblée nationale du Vietnam,
M. Nguyen Phu Trong, et à assister l’après-midi au
dépôt d’une gerbe au parc Montreau, devant la
statue d’Ho Chi Minh. A cette occasion, M. Tuallion,
maire adjoint, a démenti les rumeurs qui ont circulé et
affirmé l’attachement de la municipalité à la mémoire
du Président Ho Chi Minh, et aux souvenirs qu’en
conserve la ville.
Le lendemain, une délégation de l’AAFV conduite par
Patrice Jorland, en l’absence d’Hélène Luc, a été reçue
en audience par M. Nguyen Phu Trong.
Cycle Connaissance du Vietnam :
Le 17 mai, à la demande d’Anne Hugot le Goff, un
groupe de travail a été constitué pour s’en occuper. Il
comprend, outre Anne elle-même qui en est
responsable, Annie-Rose Israël, Patrice Jorland,
Jacques Maître et Pierre Vermeulin. Rendez-vous est
pris pour une réunion le 9 septembre, en vue de
définir les activités pour 2008-2009.
Les conférences prévues ont eu lieu, le 20 mai celle du
Dr Luong Can Liem et le 17 juin celle de Philippe
Delalande.
La prochaine conférence est fixée au 23 septembre
(voir p. 24). Le calendrier ultérieur sera communiqué
après la réunion du groupe de travail du 9 septembre.
4
Ha Giang la magnifique
J’ai eu le privilège, grâce à Mme Hoi, de séjourner dans toutes les provinces
du Vietnam, ce très beau pays. Ma préférence va à la province de Ha Giang
qui recèle les paysages les plus grandioses, les plus exceptionnels du Vietnam. Peu de gens connaissent cette province montagneuse frontalière de la
Chine. Par sa superbe nature et la présence de nombreuses ethnies cette
province n’est comparable à aucune autre. Les amoureux de la montagne
doivent consacrer au moins quatre jours à sa visite. Après avoir obtenu l’autorisation de circuler dans les districts frontaliers je vous recommande d’aller à Quang Ba situé à 40 km de Ha Giang. Impossible d’oublier la vue
magnifique des « pains de sucre » calcaires au milieu des rizières en terrasses lorsqu’on débouche au sommet du col qui domine la ville. Ensuite
route pour Yenh Minh, village situé au milieu de montagnes d’environ
1700 mètres. Il est fréquenté les jours de marchés par diverses ethnies aux
très beaux costumes colorés surtout ceux des femmes.
La maison du roi Mong
Pour vous rendre à
Dong Van vous traverserez des paysages
dantesques. Parmi les
chaos de bloc de
pierres sur le plateau
vous pourrez rencontrer diverses ethnies
qui réussissent à cultiver du maïs sur le peu
de terre existante
entre les énormes
ro c h e r s , v é r i t a b l e
La maison du roi Mong
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Activités
de
l’AAFV
forêt de pierres noircies par le temps et la
pluie.
Marché Mong
A 12 km de Dong Van vous visiterez la maison de Vuong Chi Sinh, l’ancien roi Mong,
qui se trouve près d’un marché fréquenté
par les H’Mongs. Après le passage de deux
cols, une descente mène à un passage en
corniche débouchant sur des panoramas
magnifiques. Vous arriverez à un petit
cirque où se niche Méo Vac. Le retour à Yen
Minh se fait par une petite route au milieu
des falaises calcaires et des vallons.
Le plus beau des villages Tay
Si vous avez le temps, dans le
district de Hoang Su Phi, allez
voir sûrement les plus belles
rizières en terrasse du Vietnam, vertes au moment du
repiquage et jaune or pour la
moisson et dans le district de
Xin Mn le site archéologique
de Nâm Dân ; descendez en
radeau de bambou le fleuve
Chay . Grâce à la Présidente
Maison Tay
de la Croix Rouge provinciale
j’ai eu la chance de visiter la coopérative H’Mong de tissage de lin de Hop Tien et le
hameau de Tim Thang commune de Phuong Thien, situé à 5 km de la capitale Ha Giang.
Il s’agit d’un très beau village à l’architecture traditionnelle Tay. Les belles maisons sur
pilotis et aux toits de chaume encadrent un ruisseau au fort débit. Il existe quinze autres
villages culturels où se développent les activités traditionnelles des ethnies.
Solidarités multiples
L’AAFV a participé au financement de six projets dans la province : le comité Gard
Cévennes en 2003 à la réalisation des puits, commune Phong Quang district de Vi
Xuyen ; Montpellier, élevage de vaches et chèvres en 2003 ; Montpellier et Gard, puits,
commune de Bang Hanh district de Bac Quang en 2005 ; Montpellier, puits commune
de Bang Lang district de Bac Quang en 2006 ; Franche Comté, adduction eau et puits,
commune de Dong Ninh district
Quang Ba
de Yen Ninh en 2007 et Ile de
France, élevage de vaches district
de Dong Van et Meo Vac en
2008. Grâce à la solidarité, l’eau
propre est arrivée dans ces villages
habités par les H’Mongs bariolés
et les Dao ; des familles
comprenant des victimes de
l’agent orange ont vu leur vie
quotidienne s’améliorer.
Alain Dussarps
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Brèves
(Anne Hugot-Le Goff)
ECONOMIE
Le Viet Nam exporte ses fruits et
légumes, principalement en Chine (60% des
exportations), au Japon, à Taïwan, en Russie et
aux États-Unis ; en 2008, les exportations
devraient atteindre 350 millions de dollars, soit
une hausse de 17% en un an. Pour l’Europe, la
qualité instable des produits reste un frein et des
coopérations pour améliorer cette qualité ont été
établies avec les Pays-Bas et l’Allemagne.
La province de Tiên Giang (Sud) se lance dans le
bio. Cette province recense plus de 68 000 ha
d'arbres fruitiers, soit un quart de la superficie arboricole du delta du Mékong et produit
annuellement près d'un million de tonnes de
fruits : mangue, durian, avocat, pamplemousse,
ananas, cerise et fruit du dragon. Cho Gao... Ces
fruits sont aussi appréciés à l'étranger. Certains
d'entre eux ont leur propre label. Les techniques
de production répondent aux normes GAP (Good
Agriculture Pratices), mais pour pénétrer le marché européen, il faudra appliquer des normes
plus sévères (EurepGAP).
La
stratégie de développement du delta du
Mékong implique l’implantation de centrales
électriques thermiques. Deux centrales à Cà
Mau fournissent une puissance totale de
1 500 MW. A Ô Môn, quatre centrales délivreront
2 640 MW. À Soc Trang, un projet réunit quatre
groupes de turboalternateurs de 600 MW chacun,
un ensemble d'entrepôts et des quais capables
d'accueillir de grands navires ; une usine du
même type, d'une capacité d'environ 1 000 MW,
est prévue à Trà Vinh. L’EDF doit investir dans la
province de Hâu Giang avec la construction
d'une centrale à charbon de 3 600 MW. Ces équipements devraient utiliser essentiellement dans le
futur du charbon importé, d'où l'importance de
l’aménagement des ports.
Sur
les cinq premiers mois de l'année, le chiffre
d'affaires total des entreprises à capital
étranger est évalué à 12 milliards de dollars,
soit une hausse de 20% par rapport à l’année précédente. Ces entreprises ont créé 25.000 emplois
pendant cette période, portant leur nombre
d'employés à 1,2 million. Elles utilisent des technologies avancées dans des secteurs-clés : télécommunications, immobilier, gestion urbaine,
production industrielle. Imprimantes, motos,
appareils électroniques, postes de télévision, sont
maintenant recherchés sur les marchés étrangers.
5
>>>
>>>
Activités
de
l’AAFV
Nos comités locaux
Gard-Cévennes
Montpellier
Vendredi 6 juin 2008
Exceptionnellement
le traditionnel dîner
dansant de printemps
organisé par l'AAFV
se déroulait dans une
des salles du Château
de Grammont.
Une cérémonie solennelle et amicale a eu lieu à
Danang le 22 mai 2008 : la remise des quarante truies
offertes par le comité, avec la contribution de la CCAS
de l’EDF, à des familles de victimes de l’Agent orange.
C’est un nouveau cas de micro-crédit en nature. Cette
action a été réalisée en partenariat avec la VAVA de
Danang, qui a saisi l’occasion du passage d’un voyage
solidaire de la CCAS pour la distribution, en présence
de Mme Nguyen Thi Hoi et de Jean Cabane, membre
"expatrié" du comité Gard-Cévennes.
Bien à l’abri dans leurs paniers à salade, les bêtes ont
ensuite rejoint leurs porcheries toutes neuves, où il
faudra les élever plus longtemps que d’habitude avant
qu’elles ne soient aptes à procréer : l’inflation a fait
grimper les prix et obligé à acheter de jeunes bêtes.
Les membres de l'Association n'avaient
pas ménagé leur
p e i n e, p o u r q u e
l'apéritif pris dans le
jardin du domaine de Grammont soit le plus chaleureux et accueillant possible.
Rendons un vif hommage au Président Christian Courty, au Président d'Honneur Robert
Szabo, ainsi qu'à Dominique Giordan (le maître d’œuvre de la soirée).
Dans le cadre idyllique du château, la soirée s'est déroulée parfaitement. Tout le monde a
apprécié l'agréable dîner élaboré par le restaurant “La Baie d'Halong”.
L'ambiance était à la fois vietnamienne (grâce à de belles dames vêtues de costumes
traditionnels chantant les mélodies de leur pays) et locale aussi grâce à Bernard, l'animateur,
qui a su mener cette soirée. Tous styles de musiques confondus, les danseurs se sont éclatés
jusqu'au bout.
On souhaite la même réussite pour ces soirées dans les années à venir.
Merci de tout cœur, à tous les participants et surtout aux membres bénévoles, ainsi qu'à la
Municipalité de Montpellier, qui nous a permis de faire la fête dans ce très beau cadre.
Catherine RAMEAU
Plein succès au nouvel élevage !
Ile-de-France
Le 17 mai a eu lieu la visite du fond vietnamien de la
Bibliothèque Nationale de France, sous la houlette de
Denis Gazquez. Les participants ont pu voir des
documents rares et les coulisses du département.
Merci à Denis et à Annie-Rose Israel, l’organisatrice
de cette visite.
Le 21 juin nous avons tenu un stand à la fête de
Montreuil, dont le thème était "Mai 68". Nous avons
présenté une petite exposition intitulée "Vietnam,
mai 68 : arrivée des délégations vietnamiennes de la
RDV et du FNL aux entretiens de Paris". De
nombreuses photographies retraçaient ces moments.
Les spectacles ont attiré un public plus nombreux que
jamais mais désargenté : le bénéfice de nos ventes est
symbolique.
La Rochelle
Le Comité de La Rochelle a, cette année encore, célébré le Nouvel An viêtnamien par un repas
dansant qui a rassemblé environ 80 participants. La soirée a été organisée avec un peu de retard
sur le calendrier officiel puisqu’elle s’est tenue le samedi 1er mars 2008 de façon à ce que le plus
grand nombre de membres de notre Association et d’invités soient présents et que nous
puissions disposer à la fois d’une grande salle bien équipée (prêtée par la mairie de La Rochelle)
et de l’excellent orchestre qui avait déjà contribué au succès de notre soirée l’an dernier. Les
bénéfices réalisés à l’occasion de cette soirée nous permettrons de poursuivre le financement
des bourses pour des enfants de familles très défavorisées de Cu Chi…
Par ailleurs, une relation amicale ayant pu être nouée avec la Médiathèque de Lagord (agréable
commune résidentielle de la proche banlieue de La Rochelle) l’an dernier, celle-ci nous a
accueillis le samedi 7 juin dans son vaste auditorium où nous avons pu projeter le film de Leslie
Wiener “Agent orange, une guerre sans fin” que cette réalisatrice amie a bien voulu nous prêter.
La Médiathèque de Lagord a également accepté d’abriter notre exposition de costumes et de
photos concernant les minorités ethniques du Viêt Nam durant les semaines qui ont précédé la
projection du film.
Quelques nouveaux adhérents nous ont rejoints ces derniers temps, mais nous ne parvenons
cependant pas encore à atteindre la taille “critique” d’une trentaine de membres actifs qui serait
souhaitable…
Patrice COSAERT, Président du Comité local de La Rochelle
6
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Brèves
Parrainage
Aller à l’école : vous pouvez y aider
un enfant en parrainant sa famille
45 euros par trimestre (le paiement par trimestre permettra de réduire
les frais bancaires, très élevés, 75 % déductibles des impôts dans la limite
de 470 euros).
A côté de familles dont les enfants souffrent d’un handicap majeur et
invalidant, la Croix Rouge souhaite aussi aider des familles dont les
enfant, moins gravement atteints, pourraient fréquenter l’école grâce
à vous. Ce sera pour eux non seulement un moyen de s’instruire mais
aussi de se lier avec des enfants de leur âge et de s’insérer mieux
dans la vie du village. C’est la condition pour qu’ils puissent, plus
tard, recevoir une formation professionnelle adaptée, comme celles
que nous soutenons en divers lieux, gagnant ainsi leur autonomie
économique et soulageant leurs parents du souci lancinant de leur
avenir.
EDUCATION
Le Vice-Premier ministre et ministre de
l'Éducation et de la Formation, Nguyên Thiên
Nhân et la ministre française de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, se
sont rencontrés le 12 juin à Hanoi et se sont
engagés à renforcer leur coopération dans le
domaine de l'éducation. La France propose
d'accueillir 2000 doctorants, à partir d’un
protocole (sélection des étudiants vietnamiens et
des universités d'accueil, formation linguistique
et méthodologique, financement et gestion de
programme) élaboré en commun. La France
s'engage à participer à l'offre de formation au
Vietnam par des formations délocalisées.
Actuellement, sont en place les programmes
PFIEV (Programme franco-vietnamien de
formation d'ingénieurs d'excellence au
Vietnam), PUF (Pôles universitaires français) et
CFVG (Centre franco-vietnamien de formation à
la gestion). Par ailleurs, l'accueil de jeunes
Vietnamiens dans les universités et grandes
écoles françaises fait de l'Hexagone la quatrième
destination des étudiants vietnamiens à
l'étranger. La France continuera à apporter un
soutien financier et pédagogique à
l'enseignement de la langue française, et le
Vietnam pourrait mettre en place un continuum
de formation à la langue française de
l'enseignement primaire jusqu'au l’université.
Cinq
jeunes architectes ont obtenu le 4 juin à
Hanoi le "Diplôme des écoles d'architecture en
Asie du Sud-Est". Ces Vietnamiens francophones
ont suivi pendant deux ans la formation postuniversitaire en "Projet urbain, patrimoine et
développement durable", organisée par
l'Université d'architecture de Hanoi, dans le
cadre de la coopération avec l'École
nationale supérieure d'architecture de
Toulouse. Depuis 2001, année de création du
programme, 63 architectes francophones ont
obtenu ce diplôme post-universitaire.
Les
Si vous êtes intéressés, prenez contact avec :
AAFV Gard-Cévennes
214 route de la Préfecture, 30900 NÎMES
[email protected]
qui vous fera parvenir un engagement de parrainage
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
programmes d'enseignement, les
manuels ainsi que le nombre d’heures de cours
devraient être radicalement changés à partir de
2010. Beaucoup d’incohérences sont dénoncées
dans le système actuel. Les modalités d'examen
seront révisées pour privilégier la réflexion des
élèves. Le niveau professionnel de certains
enseignants est également remis en cause.
SOCIÉTÉ
Vietnam compte actuellement environ
700 000 foyers démunis qui vivent dans des
habitations en piteux état et certains n'ont
pas de toit (suite p. 19).
Le
7
Alain Richard faisait partie de la délégation du comité français aux cérémonies du
dixième anniversaire du Village de Van Canh. Il fait part ici des ses impressions.
Village de l’Amitié : déjà dix ans !
Déclaration européenne
de soutien à la VAVA
(voir Perspectives n° 65, avril 2008, p. 6-7)
Plus que jamais la Solidarité
Deuxième liste :
Le 18 mars 2008 a été fêté le dixième anniversaire de l’arrivée des premiers enfants au village de l’Amitié de Van Canh, en présence des
dirigeants de l’Association des Vétérans du
Vietnam, de la Vice-Présidente de la République Socialiste du Vietnam et des membres
du Comité International pour le Village de
l’Amitié.
Le programme de construction lancé en 1993
arrive à sa fin ; mais les tâches d’accueil, de
soins et de rééducation restent toujours aussi
importantes car quarante ans après la fin de la
guerre arrivent encore des enfants qui, après
trois générations, sont victimes de l’Agent
Orange répandu par l’aviation américaine.
Chaque année sont accueillis entre 150 et 200
enfants et vétérans pour un premier diagnostic, des soins, un appareillage approprié. De
nombreux enfants suivent un enseignement
spécialisé dans cinq classes adaptées : enseignement général, apprentissage dans des
métiers manuels, des classes de broderie et de
couture, de fabrication de fleurs de soie ; l’informatique s’est révélé un merveilleux instrument pour le développement intellectuel des
enfants.
Dans les premières années le village s’est
consacré aux taches les plus urgentes puis il
s’est progressivement ouvert ; l’expérience
acquise par les praticiens et les éducateurs du
village de Van Canh a été mise au service
d’autres enfants ; cela a permis aussi de développer des méthodes spécifiques fondées sur
les traditions médicales séculaires, l’utilisation
de la pharmacopée vietnamienne, l’adaptation
des techniques d’acupuncture.
Des liens étroits ont été développés avec les
centres hospitaliers spécialisés de la région
d’Hanoi ; les affections graves des enfants et
des vétérans sont désormais traitées dans ces
hôpitaux ; de grands progrès ont été réalisés en
matière de chirurgie orthopédique. Les maladies mentales et les maladies spécifiques peuvent être suivies sur place avec l’aide de praticiens venant de l’extérieur. Des formations de
personnel médical spécialisé ont été faites au
profit de dispensaires de la région. Le village de
Van Canh est maintenant un élément reconnu
dans les soins à donner à toutes les affections
causées par l’Agent Orange.
Sur le plan scolaire la même ouverture s’est
développée ; des enfants poursuivent leurs
études dans des établissements scolaires extérieurs ; les professeurs d’établissements qui ont
des sections d’études spécialisées échangent
régulièrement leurs expériences avec les professeurs de Van Canh ; de futurs professeurs de
l’Université d’Hanoi viennent faire des stages
au village.
Le Village de Van Canh a développé ses activités de centre de recherches et a reçu l’an dernier un millier de visiteurs étrangers ; des étudiants provenant d’universités étrangères sont
venus ; ils ont apporté leurs compétences dans
des enseignements spécialisés.
Toutes ces activités nouvelles ont accru les
besoins financiers du Village ; le Village a développé des activités économiques importantes,
des cultures nouvelles, de l’élevage, une pisciculture mais une participation extérieure est
toujours nécessaire ; c’est l’activité des différents comités nationaux du village qui permet
de collecter des fonds pour assurer le développement de cette œuvre généreuse qui vient
atténuer les souffrances du peuple vietnamien
qui subit encore les séquelles d’une guerre
cruelle et dévastatrice.
Alain Richard, membre du CN
ALLEMAGNE
- Terre des Hommes – Deutschland (Terre des
hommes – Allemagne)
- Das Friedendorf Oberhausen (le Village de la Paix,
Oberhausen)
- Die Nüremberger Organisation Mang Non
Bambusssprossen (l’organisation Mang Non /
Pousses de bambous, Nüremberg)
- Die Vietnamesische Interkulturelle Frauen und
Jugend Initiative in Deutschland (l’Initiative
interculturelle vietnamienne des femmes et des
jeunes d’Allemagne)
- Die Kinderhilfe Hy Vong, Berlin (L’aide aux enfants /
Hy Vong, Berlin)
- Die Aktion Partnerschaft 3.Welt, Ludwigsburg
(l’association Action Tiers Monde, Ludwigsburg)
- Die studentische Vereinigung der Vietnamesen in
Karlsruhe (SVVNKA) (l’ Union étudiante des
Vietnamiens, Karlsruhe)
- Das International Committee for the Vietnam
Frienship Village (Dorf des Freundsschaft) (le
Comité international du Village de l’Amitié, Van
Canh)
- Das Viet Trade Center Ltd. Frankfurt (le Centre
Commercial vietnamien Ltd, Frankfort)
- Solidaritätsdienst international (SODI) Berlin (le
Service de Solidarité international, Berlin) qui a
lancé en grand la collecte de signatures et se propose
d’en réunir 100 000 d’ici l’automne.
Des personnalités se sont jointes à l’action :
- Mme Waltraud Drygalla, Brême, cofondatrice et
militante de longue date du Solidaritätsbasar
Bremen (Bazar de la Solidarité de Brême)
- Dr Ernst Busche, Brême, supporteur du
Solidaritätsbasar Bremen (Bazar de la Solidarité de
Brême)
- Six députés au Bundestag, membres du parti Die
Linke et de nombreux collaborateurs de ce groupe
parlementaire
BELGIQUE
- Dialogue des peuples, Bruxelles
Adressez vos dons au
Comité pour le Village
de l’Amitié
N° compte 08131993A
CFCVAV BNP-Parisbas,
Louis Aragon, Villejuif
2, place du Méridien,
94807 VILLEJUIF CEDEX
8
- Soutien aux initiatives des mouvements actifs au
Kivu (Congo), Bruxelles
Quatre associations de la ville de Braine-le-Château :
- Association Mathilde Madia
- Cercle Julien Lahaut
- Groupe local CNCD
- Magazin du monde-Oxfam
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
arts d’hier
et d’aujourd’hui
DOSSIER
Le Thanh Khoï
Introduction à l’étude des arts
du Vietnam
Les arts du Vietnam sont multiples comme le
pays lui-même. À côté des Viet ou Kinh qui
représentent 86 % de la population, leurs voisins des plaines (Chams, Khmers et Hoa) et
des montagnes du Nord et du Centre ont,
comme eux, une longue histoire et des caractéristiques culturelles propres.
Le premier art des Viet est celui de Dong
Son (VIIe siècle avant J.C.-Ier siècle) qui faisait
partie d’une vaste civilisation du bronze étendue du Sud du Yangzi à l’archipel indonésien.
Au IIIe millénaire avant J.C., la « Chine »
n’était pas encore la Chine mais un ensemble
de six grandes cultures, trois au Nord et trois
au Sud du Yangzi ; les premières cultivant le
millet et le blé, les secondes, le riz. Les Han,
établis dans le bassin moyen du fleuve Jaune,
feront la conquête progressive du territoire
grâce à leur supériorité dans trois domaines
essentiels :
- un état centralisé,
- une armée dotée d’armes en fer et de
chevaux,
- la possession de l’écriture.
Seuls des Cent Yue, des Viet du Sud reconquerreront leur indépendance pour former
l’actuel Vietnam.
L’objet caractéristique de Dong Son est le
Tambour de Bronze dont on a découvert
de nombreux spécimens au Vietnam et en
Chine du Sud (au Guangxi voisin notamment), au Laos, en Thailande, en Indonésie.
Ils voisinent avec des jarres, des bassins, des
To Ngoc Van 1906-1954, 60x45, 1943
situles, des armes et des parures. Au Vietnam,
les similitudes des décors géométriques avec
ceux des sites préhistoriques, notamment de
Phung Nguyen, attestent une continuité d’évolution sur place (et non des importations
comme certains l’ont écrit) qui a même
influencé l’art chinois. Il s’agit des toîts aux
extrémités incurvées qu’on voit sur les Tambours de Bronze. Les monuments Han
avaient des toits rectilignes. C’est sous les
Tang (VIIe-Xe siècle) qu’apparaît en Chine du
Sud la forme recourbée qui se répandra
ensuite dans le Nord.
L’architecture est le premier des arts viêt. A la
différence de la chinoise qui s’impose par la
grandeur, la pompe et la solennité, la vietnamienne se caractérise par la grâce, le
charme, l’élégance. Il suffit à cet égard de
comparer les cités et les tombeaux impériaux
de Pékin et de Hué. Les seconds se sont inspirés des premiers, mais s’en distinguent par
leur cachet et leur fusion avec le paysage, les
collines, les arbres et les eaux. Il en est de
même des temples bouddhistes, confucéens
(le Van Mieu de Hanoi) et communaux
(dinh).
A l’architecture est étroitement liée la
sculpture, généralement en bois. Les
pagodes en sont de véritables musées, car
elles renferment les statues des Bouddhas et
des bodhisattvas, ainsi que des patriarches et
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
même des divinités locales que le bouddhisme a intégré (telles les Mères du Ciel, de
la Terre, des Eaux, des Monts et des Forêts).
Rien n’est moins intolérant que le bouddhisme viêt : toute pagode a une salle réservée aux Mères, tout temple des Mères une
salle réservée à Bouddha.
La céramique n’a pas la perfection de celle
des Song, des Yuan ou des Ming, mais se distingue, surtout sous les Ly et les Trân (XIeXIVe siècle) par la vie et le mouvement de son
décor. Sous les Lê (XVe-XVIIe siècle), les bleu
et blanc sont renommés : on a longtemps
attribué aux Chinois un vase du Topkapi d’Istanbul daté de 1450.
La peinture, elle, est surtout connue par
son développement récent. De l’Ecole des
Beaux Arts de Hanoi, créée en 1925, sont
sortis des artistes qui ont su harmoniser des
apports de l’Occidents et leurs « âme » vietnamienne, tandis qu’aujourd’hui les
recherches vont dans tous les sens.
À côté des Viet proprement dits, il faut citer
les Chams aux remarquables tours en brique
et aux sculpture pleine de vigueur, les
temples Khmer du delta du Mékong, enfin les
peuples montagnards qui se distinguent, au
Nord par leurs textiles éclatants, au Centre
par leurs émouvantes sculptures tombales de
« pleureurs » assis, la tête entre les mains, les
coudes et les genoux.
9
DOSSIER
arts d’hier et d’aujourd’hui
Ave c l e s p l a s t i c i e n s d u Vi e t n a m
Lorsque je suis arrivé à Hanoi, le
30 septembre 1983, on ne pouvait traverser le fleuve Rouge que par le vieux
« pont Doumer » rafistolé. Les habitants
de la capitale ne disposaient au mieux
que de quelques heures d’électricité et
d’eau courante par jour, l’approvisionnement était réduit aux rations, les rues
ne bruissaient que du bruit des cyclistes
et, dès la nuit tombée, on ne voyait plus
que les lucioles des lampes à huile et,
par moments, l’œil de Cyclope des
camions. Comme les autres représentations étrangères, l’ambassade de France
vivait à part, avec son groupe électrogène et son ravitaillement par avion de
ligne, mais ses membres – il n’y avait
alors aucune ONG à demeure et seulement une poignée d’expatriés en service de coopération – tombaient régulièrement amoureux de la ville et du
pays.
Un poste difficile
Le Vietnam était réputé « poste difficile », à cause des conditions matérielles
qui étaient les siennes et du fait que les
déplacements hors de la capitale
devaient être préalablement agréés. De
toute façon, l’infrastructure hôtelière
était telle que toute escapade relevait,
sinon de l’aventure, du moins de
l’épreuve spartiate. En tant que
conseiller culturel, scientifique et de
coopération technique, le travail ne
manquait cependant pas. Les programmes, validés par les commissions
mixtes, étaient passionnants mais leur
mise en œuvre longue et complexe, qui
se heurtait aux lourdeurs bilatérales
conjuguées, à l’impossibilité de communiquer avec Paris autrement que par le
chiffre, à la lenteur extrême de la poste
vietnamienne et aux incertitudes du
téléphone. Autrement dit, le temps libre
manquait, réduit encore par les déplacements de travail à Ho Chi Minh-Ville
et sur les sites des projets de coopération. Ne restaient que les promenades
vélocipédiques en ville et, le rite fut établi au bout de quelques mois, la visite
dominicale des quelques galeries existant alors.
10
Visites aux artistes
me souviens ainsi avoir rapporté d’un
voyage de travail à Paris de la toile et
des tubes de peinture pour Nguyen
Sang, qui ne possédait littéralement
rien, mais il était parti rejoindre sa
famille au Sud quelques jours avant
mon retour. La règle que j’ai vite adoptée était de ne jamais discuter le prix –
si bas pour un étranger – et, peut-être à
tort, de ne pas être élitiste.
J’ignorais alors tout de l’art vietnamien
contemporain. C’est uniquement par
tâtonnements, et grâce aux conseils de
certains des responsables des galeries,
que j’ai pu commencer à me repérer. De
façon très incomplète car, pour dépasser
l’amateurisme, il aurait fallu disposer du
temps indispensable et de la documentation nécessaire. À cette époque déjà,
les plasticiens disposaient du privilège
de pouvoir recevoir des étrangers dans
Les débuts difficiles
leurs ateliers, ou plus exactement à leurs
de la coopération
domiciles, puisqu’ils étaient autorisés à
La coopération bilatérale ne s’étendait
vendre directement leurs œuvres. J’ai pu
guère à l’art. Des programmes furent
ainsi rendre visite à
Bui Xuan Phai, Tran
Nguyen Sang, 1923-1988, 60x55 cm, 1984
Luu Hau, au laqueur
Hoang Tich Chu, à
Mme Dang Thi Khue
et, dans une grande
villa coloniale transformée en Ruche, à
certains des artistes
qui y habitaient,
Nguyen Sang, Nguyen
Tu Nghiem, Tran Duc
Luong, Mai Van Hien
( Buu Chi lorsqu’il
était de passage dans
la capitale et Luu
Cong Nhan, à Ho Chi
Minh-ville où il résidait alors), mais j’en ai
raté bien d’autres. Je
hantais aussi les
musées des BeauxArts et d’Histoire, où je
montés dans les domaines du cinéma,
me retrouvais souvent l’unique visiteur,
du théâtre et de la musique, mais s’agiscomme lors d’une vaste exposition, qui
sant des arts plastiques, le seul projet
participait il est vrai davantage de l’accuimportant, qui était de monter au musée
mulation, où je vis soudain surgir à mes
Guimet une exposition patrimoniale,
côtés Le Duan en personne.
n’a pu se réaliser, les autorités vietnamiennes ayant refusé d’envoyer les originaux. Il fut néanmoins possible d’orDes créateurs bien démunis
ganiser le séjour en France de Tran Van
Les créateurs, quel que fût leur
Can, que j’ai tenté en vain de prolonger
domaine, écrivains, poètes, cinéastes,
avec celui, groupé, de trois des
plasticiens, hommes de théâtre, musi« piliers », Phai, Sang et Nghiem, sortis
ciens, formaient alors une communauté
de la même promotion de l’Ecole des
dont je ne pouvais savoir si elle était
Beaux-Arts de l’Indochine. Des contacts
unanime, mais dont les membres se
furent établis avec l’Ecole des Beauxconnaissaient intimement de longue
Arts du Vietnam, qui avait succédé à
date et partageaient, avec l’ensemble de
celle-ci à la Libération, et avec l’Union
la population, un même dénuement. Je
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
arts d’hier et d’aujourd’hui
Coup d’œil sur Hanoi
Bùi Xuân Phài,1920-1988, 33,5x24,5 cm, 1984
des artistes plasticiens, animée alors par
Nguyen Quan, dont les locaux jouxtaient l’ambassade. Ils se limitèrent à la
remise, utile me semblait-il, de collections de livres d’art et, plus tard, les
directeurs de l’Ecole (Nguyen Thu et
Mme Giang Huong) purent se rendre à
Paris afin d’y rencontrer leurs homologues français. Pour être franc, très
rares étaient ceux qui, au MAE, manifestaient alors quelque intérêt pour la
culture vietnamienne vivante – exception notable, la première tournée des
marionnettes sur l’eau et un festival du
film vietnamien à Paris, auxquels l’ambassade contribua activement – et, à
Hanoi, la circonspection restait encore
vive. Pourtant, c’est lors de mon séjour,
qui devait se prolonger jusqu’en août
1987, que furent montées, dans la capitale vietnamienne, les grandes expositions personnelles de Sang, Phai et
Nghiem, prémisses des changements
qui suivirent et de l’éclosion d’une nouvelle génération de plasticiens. Persiste
encore la rumeur excessive selon
laquelle j’ai été, pendant ces quatre
années, le bienfaiteur des artistes vietnamiens et un collectionneur avisé,
comme l’évolution des cotes pourrait le
laisser accroire. Si mon plaisir reste vif,
le regret l’est aussi de n’avoir pu qu’effleurer les choses. Le temps est passé
qui, en la matière, ne reviendra pas et,
avec lui, tant d’amis chers.
Patrice Jorland,
secrétaire général de l’AAFV
Maintenant quand nous sillonnons Hanoi nous sommes bien loin d’une ville en état
de survie, celle des années de guerre ou de la période qui a précédé le Doi Moi. En
effet durant cette trop longue guerre dont les effets se sont prolongés jusqu’à la levée
de l’embargo américain, la vie artistique vietnamienne était réduite à seulement un
noyau dur composé d’artistes de plusieurs générations. Une figure emblématique de
cette période est sûrement Natacha Kraevskaia, arrivée à Hanoi à la fin des années 80,
qui rassemblait autour d’elle ces mêmes artistes de toutes générations qui aspiraient à
une vie meilleure et en rêvaient. Elle-même s’est mariée à Van Dan Tan, reconnu
aujourd’hui. De ce vivier à l’origine de la nouvelle vague vietnamienne va naître
Le Salon Natacha qui s’ouvre au public en 1992. C’est la première galerie privée de
Hanoi. Natacha possède aujourd’hui l’une des collections vietnamiennes les plus
authentiques : dons ou oublis des amis de l’époque. Il y a quelques années Natacha
a dû enterrer sa jeunesse en fermant le Salon de sa maison du 30 Hàng Bông ouverte
sur la rue. La poussée du marché a été telle qu’une nouvelle donne a vu le jour et
s’est concrétisée avec l’arrivée au Vietnam d’une américaine, Suzanne Lecht.
De quoi et comment vivent les artistes vietnamiens ?
Ou les vietnamo-folies !
Avec l’ouverture à tout vent d’une économie encore balbutiante, la galerie de Suzanne
Lecht, Art Vietnam Galery, vient de déménager au 7 Nguyen Khac Nhu où elle se
déploie sur quatre niveaux. Suzanne Lecht a raflé la mise en quelques années et a
littéralement jeté la jeune peinture vietnamienne sur le marché de l’art international.
Elle fait le va et vient entre sa galerie des Etats-Unis et Hanoi. Toutes les tendances y
sont présentes. Le tout Hanoi court à ses vernissages d’expositions passées sous les
fourches caudines du marché de l’art planétaire, celui du bon goût et des tendances.
Un moindre mal mercantile et ça marche. Même des étrangers à la retraite au Vietnam
arrivent à vivre de leur art dans ce contexte très spécifique ; c’est le cas de Jim Goodall
ou d’autres qui finissent par confondre passe-temps et art.
Les courants se croisent
Mylinh Nguyen navigue entre la France
et le Vietnam. Depuis son enfance elle
a vécu au sein des décisions culturelles
vietnamiennes. Elle réalise des
documentaires pour une chaîne
culturelle de la télévision de Hanoi. En
mars dernier sa première information a
été de nous signaler le projet d’une
maison de la culture vietnamienne qui
va enfin se réaliser à Paris en 2009. Un
immeuble a été acheté dans le
septième arrondissement, mais il faut le
restaurer, le décorer, établir des programmes et trouver les bons statuts pour cette
nouvelle Institution. Avec son regard européanisé, elle est consciente de la situation
et connaît bien ceux qui ont été au cœur du décollage vietnamien.
Une génération nombreuse et florissante directement née de l’après 75 forme
aujourd’hui le gros d’une masse « artistique ». Dans un pays de près de 86 millions
d’habitants dont 65 % de moins de 25 ans, l’industrialisation n’ayant pas encore atteint
un développement suffisant, le Renouveau vietnamien a pris une forme bien à lui.
Peut-on dire que nous assistons à un développement artistique à deux vitesses ? D’une
part des galeries florissantes et d’autre part une voie qui se veut d’avant-garde sous la
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
>>>>
11
DOSSIER
>>>>
arts d’hier et d’aujourd’hui
houlette de ses pères, ceux -là mêmes qui entouraient
Natacha : ces détenteurs de la tradition et de l’ouverture
sur l’occident avec « toutes » ses nouvelles tendances ?
Depuis 1995, on a assisté à
une véritable explosion,
surtout à Hanoi.
Ceci dit le marché de l’art à
l’intérieur du Vietnam reste
pratiquement nul, même si
quelques nouveaux riches
très rares semblent y porter
attention.
La population n’est pas
encore assez riche et les prix
calqués sur un prétendu
marcher international entretiennent la confusion. Certains
spéculent mais ce sont les mêmes dans le monde entier
et en général ils ne prennent pas de risques inconsidérés,
ce sont les lois du marché qui priment et rien d’autre. Le
décalage est trop grand entre la connaissance d’un public
qui n’est même plus capable de reconnaître l’authenticité
d’un art populaire et de prétendues recherches diffusées
largement et enseignées dans des Ecoles.
Tran Thi Huynh Nga
Ils sont très peu
nombreux, ceux dont
l’œil
peut
saisir
l’authenticité
d’une
nouvelle perspectives
ou
d’un
regard
authentique sur le
monde. La guerre avait
laminé et seul l’artiste
dont la production était
sa vie avait résisté à
tous les avatars.
May Lan dans son atelier avec son petit-fils et sa belle-fille
L’atelier
de Madame May Lan
En décembre 1981, j’ai été invitée à donner des cours à l’Institut
des Sciences Pédagogiques de Hanoi. Un jeune physicien
vietnamien, en thèse à Paris dans le laboratoire où travaillait mon
mari, m’avait dit : « Vas voir l’atelier de ma mère. C’est la seule
galerie ouverte aux étrangers. Et puis, tu verras mon fils. Rapportemoi des photos. »
A la recherche de l’atelier
Van Anh, ou comment créer
une nouvelle galerie à Hanoi
Dominique de Miscault
Ho Chi Minh Ville a vécu sa propre trajectoire et
ce, depuis les années 20. Même si les relations restent étroites entre
les deux pôles vietnamiens dans la mesure où les initiatives en la
matière sont le plus souvent entre les mains de compatriotes
descendus du nord, les fidèles qui se sont battus pour la
réunification il y a plus ou moins longtemps. A Saigon trois écoles,
création des Beaux Arts en 1908 :
Après mon cours, je cherche l’atelier de Madame May Lan, 12 bis
rue Hai Ba Trung C’est facile, m’a-t-on dit, en m’indiquant la
direction. Facile… Il n’y a pas de plaques au coin des rues, je me
dirige au jugé. Je pense être rue Hai Ba Trung. Je cherche la
maison. 20, 18, 16, 14, j’y suis ? Non. Ensuite c’est le 12. Je pousse
un peu plus loin ; je reviens en arrière. Rien qui ressemble à une
galerie d’art : de petits jardins où l’on cultive des légumes ; dans
l’un un bananier, dans l’autre un hibiscus. Le jour baisse. Intriguée
sans doute par mon manège, une dame âgée sort de chez elle. Je
me hasarde à demander : « Bâ May Lan ? » J’ai dû dire autre chose
car la dame se lance dans un discours volubile qui attire d’autres
voisines. On m’interroge mais je ne comprends pas. L’agitation
augmente. Finalement, un homme me fait signe de m’en aller.
J’obéis et je m’éloigne à la lueur de ma lampe de poche (surtout,
emporte des piles, m’a dit Duong !) Je reviendrai au grand jour.
- Ecole des arts décoratifs à Thue dau mot (Binh Duong)
Les voisines ont parlé
- Dong Nai à Bien Hoa (1922)
Voilà, j’y suis. C’était facile. Il fallait prendre le petit sentier qui court
entre le jardin du 12 et celui du 14. À l’entrée, une toute petite
palette de peintre, dessinée sur le mur, sert de signe de piste.
Merveille, Madame May Lan parle un joli français, appris chez les
religieuses. Je n’ai pas le temps de me présenter, elle m’attendait.
Les voisines ont parlé, son fils l’avait avertie il y a six mois, la
déduction s’imposait. Je lui donne toutes les nouvelles possibles,
elle m’offre du thé. Puis vient la visite de son atelier, comme elle
l’appelle – en fait la galerie dont elle est gérante. Je ne connais pas
- L’Ecole des beaux arts à Ho Chi Minh Ville
Ou encore une initiative de Tran Thi Huynh Nga femme du peintre
Tran Trung Tin qui en 1997 a ouvert Blue Space Contemporary Arts
Centre, à Ho Chi Minh Ville, à l’intention des jeunes peintres
vietnamiens. Depuis d’autres initiatives ont été proposées avec
succès mais n’oublions pas la magnifique galerie de Tuan, le
principal collectionneur de Bui Xuan Phai (1920-1988).
Ho Chi Minh fera l’objet d’un article ultérieur.
12
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
arts d’hier et d’aujourd’hui
l’art vietnamien, je suis un peu perdue. Elle m’aide, commente les
œuvres. Il y en a de toutes sortes : peintures, dessins, laques, gravures
au burin, estampes, terres cuites, sculptures en pierre…, certaines
contemporaines, d’autres plus anciennes mises en vente par leurs
propriétaires impécunieux. Autant que je comprenne, le système est
proche de ce que nous appelons le dépôt-vente. May Lan m’explique
qu’elle est la seule à avoir le droit de vendre à des étrangers, contre
des devises (des dollars, de préférence) : le propriétaire en a obtenu
l’autorisation, mais je ne saurai pas comment.
Une admirable bataille
Je regarde de tous mes yeux. Certaines œuvres sont de grande
qualité, autant que je puisse en juger, d’autres sont plus ordinaires,
surtout celles qui ne paraissent pas récentes. May Lan dit en souriant
« plutôt pour les touristes ». Les touristes ? Nous sommes trois, dans
mon grand hôtel. Elle me montre une merveille qu’elle sort d’un
cartonnier : un dessin de bataille, à la plume, format double Raisin,
couvert de centaines, peut-être de milliers de petits personnages de
la taille d’une allumette, avec des chevaux, des éléphants, des chars,
un tourbillon de combattants. Hélas, je n’ai que des francs, et si peu :
le prix du voyage a épuisé mes ressources. Pourtant le prix est
dérisoire pour une telle oeuvre. Quel regret ! Je jette mon dévolu sur
une petite boîte en laque rouge et or, plus abordable pour moi. Non,
dit May Lan, non, non. Pourquoi ? Non, non, pas cela. C’est très
vieux, on n’a pas le droit de le sortir du Vietnam. J’emporterai une
estampe, un bouquet de fleurs un peu Matisse. J’emporte aussi des
photos, pour Duong. Merci, May Lan !
Hanoi, 1981
Je rentre à l’hôtel par des rues quasi désertes. Quelques vélos, des
chars à bœufs, une voiture. Plus tard je ferai la connaissance du
tramway de Limoges qui continue à grincer depuis le temps des
Français. Les trottoirs sont pleins de chausse-trappes. Dans une des
rues, les trous-abris datant de l’époque des bombardements ont été
remplis de terre. Des buissons de lauriers-roses s’y épanouissent.
M.-H.
Lavallard
Chances et défis
de l’ouverture
La levée de l’embargo a été déterminante. Tous les
espoirs étaient permis à l’intérieur du pays et à l’extérieur
les souhaits des étrangers étaient au-delà des possibilités
du Vietnam. La confusion a été totale entre l’aspiration
des lettrés à une ouverture et une fausse analyse de l’état
du pays : marché, mieux vivre et recherche artistique…
Dans leur souci de progrès les vietnamiens, souvent
poussés par les Viet kieus, se sont introduits sur le
marché de l’art international. En jetant un regard en
arrière on peut considérer le chemin parcouru et le
revisiter en discernant ceux qui en ont été les maîtres
d’œuvre.
Pham Viet
Hông Lam a
peint son
père
Effectivement la vente à bas prix ou la spéculation sont
un moyen de vivre pour des artistes qui dans la foulée
de la politique socialiste bénéficiaient, dans leur majorité,
d’un vrai statut social et d’une aide. Les moyens
d’exposer et de vendre étaient organisés par l’Association
des artistes vietnamiens entre autres. Mais cette
conception élaborée par la politique se lézarde face à
une économie à tous vents qui n’est pas sans séduction.
Le Vietnam n’a pas encore atteint le niveau de
développement suffisant pour satisfaire ses besoins. Là
où il n’y avait que quelques échoppes plus ou moins
achalandées, nous assistons depuis peu à une débauche
de lieux de vente qui va en s’accélérant. Il y a plusieurs
vernissages à Hanoi chaque jour.
La maison des Expositions, sous l’égide de l’Association
des Beaux Arts du Vietnam, affiche complet avec plus de
quarante-six expositions dans l’année.
Le tramway de
Hanoi
Mais aussi, les apprentis artistes ne partagent plus : on
suit son rêve celui du succès. Un souci pédagogique fait
l’objet de toutes les attentions des anciens mais qu’en estil vraiment ? Nous assistons alors à un débordement de
couleurs. « La peinture vietnamienne se porte très bien. »
Est-ce à dire qu’elle se vend très bien ? Certes oui quand
on compte le nombre de Galeries qui présentent souvent
les mêmes peintres, aux mêmes prix !
Place de l'Opéra
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
13
>>>>
DOSSIER
>>>>
arts d’hier et d’aujourd’hui
Les rues du centre ville de Hanoi sont pleines de galeries
chamarrées… Les couleurs giclent à tout va. Galeries ou
boutiques de sous-vêtements semblent suivrent la même
trajectoire. Le Vietnam se déshabille doucement. En ce qui
concerne l’habillement, pratiquement plus un Ao Daï dans
les rues, seuls les enfants des écoles revêtent encore
l’uniforme et le ruban rouge.
Nombreux sont les joggings qui ont sans doute remplacé les
pyjamas délavés et pratiques d’il y a quelques années. Et
évidemment le jean est partout, uniforme planétaire !
Quelques exemples anecdotiques
Un phénomène, Lê Thiêt Cuong, un peintre qui semblait
d’exception, il y a quelques années, déclare « je suis le
produit de la société ». Il a sa galerie privée au 39A Ly Quôc
Su, tout près de la cathédrale. Son style élégant n’évolue plus
vraiment.
Projet fleuve rouge
Le projet est né d’un voyage en Europe d’une jeune
journaliste du Hanoi Moï, Nguyen Thu Thuy. Barcelone
et l’œuvre d’Antoni Gaudi ont été pour Thuy un
véritable révélateur et revenue à Hanoi, elle imagina
purement et simplement, bravant tous les obstacles
politiques et financiers, un énorme projet décoratif qui
ornementera d’ici trois ans les six kilomètres de la
digue ultra passante du Fleuve Rouge.
Quelques centaines de mètres de long sur plus d’un
mètre vingt de hauteur ont déjà vu le jour. Ils retracent
l’épopée historique du pays. Les artistes de différents
pays sont invités à participer avec des œuvres plus
personnelles.
Thang Long Gallery. Là ce sont d’anciens stagiaires d’URSS à
la technique traditionnelle affirmée qui se sont rassemblés
autour de Tuman,
le russe de Saint
Pétersbourg. Ils ont
exposés ensemble
du 29 mars au
9 avril, recherchant
la période faste en
fonction du calendrier lunaire.
De nombreux cafés
exposent des
œuvres, même si
les motos voisinent
Tuman et Natasha
maintenant avec
les tables, le trottoir ne pouvant plus servir de garage.
Des artistes dits pour touristes ! Duy Thai (photo première
de couverture) né en 1955 à Hai Phong en fait parti : ses
petites œuvres sur papier Do sont plus qu’abordables et
pleines de charme. Duy Thai est visiblement un
professionnel qui cherche à survivre. Il a bénéficié en son
temps de 1974 à 1980 de l’entente avec l’Europe de l’Est et a
fait une partie de ses études en Allemagne. Ses attaches lui
ont permis d’enseigner et d’exposer à Leipzig, au centre
culturel de 1980 à 84. En 1987 il a exposé en Pologne, en
Hollande et à Ho Chi Minh Ville
L’Institut de recherche
des Beaux Arts de Hanoi
a publié en 2005 un
magnifique ouvrage de
400 pages très exhaustif
sur l’Histoire de l’Art au
Vietnam de la fin du
XIXe siècle au début du
Doi Moi. Les auteurs,
Nguyen Luong Tieu
Bach, Bui Nhu Huong,
Pham Trung et Nguyen
Van Chien, distinguent
cinq périodes significatives : 1884-1925 ;
1945-1954 ; 19551975 ; 1975-1985 et
après 1986.
A la Maison des Expositions (16 Ngo Quyen), les expositions
se succèdent au premier et second niveau. Une Indienne est
exposée pour la première fois au Vietnam ; son regard est
simple et ému devant la nature, ce qui est devient rare dans
les galeries vietnamiennes. Les œuvres à l’huile de
Mme Bhavani, « Les murmures du bois », sont traitées comme
des aquarelles.
Dès lors se pose la question : qu’est ce qu’un artiste ?
Est-ce vraiment une profession ?
Est-ce un regard partagé ou proposé ?
DdM
14
Bui Nhu Huong et Nguyen Thu Thuy
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
arts d’hier et d’aujourd’hui
Le renouveau en sculpture est spectaculaire :
nombre d’espaces verts à Hanoi, Ho Chi Minh Ville
ou Hué sont maintenant agrémentés de sculptures
dont la qualité est bonne et souvent audacieuse.
Duong
Tuong,
une belle rencontre,
celle de l’un des derniers
survivants d’une époque
héroïque. Le « touche à
tout et le bon à rien »
comme il se définit luimême avec dérision ne
manque ni de finesse ni
d’envergure. C’est un lettré parfaitement francophone connaissant bien
la situation et la réalité de son pays.
« Dans le temps j’étais journaliste à l’AVI et interprète de la commission d’enquête
des crimes de guerre des impérialistes américains. J’ai quitté l’école à 14 ans pour
me joindre à la Révolution. Après les accords de Genève en 1954, je suis revenu à
Hanoi. J’ai commencé à traduire des textes français et anglais. J’ai aussi pondu des
poèmes et traduit plus de 50 livres, surtout des romans des grands auteurs,Tolstoï,
Camus, « Autant en emporte le vent », Claude Simon… J’ai été critique d’art malgré
moi surtout pour les arts plastiques. Je peins en hobby.
Nous avons vécu un épanouissement sans précédent à la fin des années 90.
La bande des cinq : Dang Xuan Hoa, Tran Huy Sy, Ha tri han, Pham Quang Vinh,
Hong Viet Dung faisaient la une. Ils étaient très jeunes.Aujourd’hui, je crois que la
peinture vietnamienne se porte bien. En partie et surtout à Hanoi parce que les
activités culturelles proposées par les ambassades et leurs centres culturels sont
variées : l’Espace (signalons qu’en 2005 à l’Espace a été organisé une Installation
accompagnée d’une publication… Une médiatisation sans précédent pour ces
héros d’une autre époque), l’Institut Goethe, The British Council… sont des
Dong Ho et aujourd’hui ses deux « vétérans »,
ceux qui ont su faire revivre et redorer le blason
de ces
prestigieuses
et si
typiques
estampes.
soutiens appréciables pour la recherche des jeunes et cela les encourage malgré
les confusions que le commerce véhicule. La réussite rapide et le succès facile en
a brisé plus d’un, grisés qu’ils étaient par l’appât du gain qui les incitaient à se livrer
au commerce pour plaire. Le danger était évident, cela a empiré ces derniers
temps. Par contre il y a Nguyen Minh Than, Nguyen Quang Huy, Ly Tran Quynh
Giang et Dinh Y Nhi qui poursuivent d’authentiques recherches. Ils habitent à
Hanoi. On peut trouver leurs peintures dans les plus grandes galeries
vietnamiennes.
Il y a de plus en plus de jeunes artistes qui se frayent un chemin par eux-mêmes.
Installations et performances se développent ici et là en marge des galeries.
Mais Bui Nhu Huong, de son côté, signale Tran Viet Phu, un jeune peintre naturaliste
Nguyen Huu Qua Dong Ho
et très sensible.
Je m’inscris dans la mouvance du Mouvement des poètes humanistes qui a été
réprimé (parallèlement à la Campagne des cent fleurs en 1957 en Chine) avec
Nguyen Dang Che
entre autres Hoang Cam toujours vivant et le poète Tran Dan maintenant disparu
dont le fils Tran Trong Vu est peintre à Paris. J’ai légué ma Galerie Maï à ma fille et
des peintures de Tran Trong Vu s’y vendent aussi.
Aujourd’hui je suis classé dans les dissidents ».
Est-ce à dire que Duong Tuong a conquis une liberté qu’il ne peut plus lâcher,
se souciant du climat nécessaire à ces jeunes qui pourraient être ses petits
enfants ? L’âge venant Duong Truong ose parler, ose des Installations que la
censure réprouve, il n’a jamais été aussi jeune auprès des jeunes et pour eux !
DdM
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
15
DOSSIER
arts d’hier et d’aujourd’hui
D u n g B u i o u t re i ze a n s a u s e r v i c e
d e l a Pe i n t u re e t d e l ' A r t d u Vi e t n a m
Comment en 1995, présenter au public français un art qui lui était
pratiquement inconnu : L'Art du Vietnam. ? Dung Bui a relevé le défi.
Trente-cinq de ces peintres sont aujourd'hui dans le dictionnaire Bénézit,
reconnus grâce une exposition qui s’est déplacée entre 1996 et 1998 entre
Paris et Nice en passant par Toulouse : « Vietnam : trente ans de peinture,
de la guerre à la paix ». En 1995, à deux pas du carré Saint-Germain, la
galerie Dung Bui s’est installée rue Chomel, près du Bon Marché et du
Conran Shop. Après avoir présentée des peintures expressionnistes, elle est
entrée de plein pied dans l’art contemporain, qui s’ouvre maintenant
pleinement à l’abstraction. Depuis 1997, la Galerie Dung Bui expose des
artistes européens et asiatiques, qu'ils soient peintres confirmés ou de
nouveaux talents.
La peinture vietnamienne a ressurgi d'une période tourmentée de plus d'un
demi-siècle de guerre, neuve et empreinte de fraîcheur. Issue d'un art
traditionnel proprement asiatique, elle a été traversée par l’influence
occidentale. Son point de départ a été donné en 1925 par la création à
Hanoi de l'Ecole Supérieure des Beaux Arts d'Indochine par Victor Tardieu.
Les peintures exposées par Dung Bui proviennent pour la plupart de cette
Ecole qui a promu des peintres tels que To Ngoc Van ou Nguyen Gia Tri,
qui tout en s'inscrivant dans la tradition, gardent dans leurs oeuvres leur
caractère spécifique. Ils ont su s'émanciper du style ancestral pour rejoindre
quelque part l'Occident dans les couleurs, les compositions et l'expression
artistique. Le néant ou vide qui remplissait les espaces des dessins
traditionnels d'Asie, disparaît au profit d’une peinture pleine, compacte et
lumineuse. Plus d'une centaine d'œuvres de trente peintres ont été réunies,
allant de 1965 à 1995.
Elles reflètent la sensibilité du peuple vietnamien et témoignent de l'espoir
et de la joie retrouvés après des années d'épreuves.
On remarquera le peintre Bui Van Quang* qui possède une galerie à Nha
Trang. Il a fait l'Ecole des Beaux Arts de Hué. Bui Van Quang a déjà exposé
deux fois en France mais aussi en Angleterre et en Allemagne. Ces toiles
sobres reprennent les thèmes traditionnels en les revisitant.
Depuis 2008, la galerie Dung Bui s’est installée au centre du vieux village
de Saint Paul de Vence en face de l’Eglise. Dung Bui poursuit son activité
de promotion d’artistes confirmés, connus ou émergeants, asiatiques ou
européens. Parallèlement, elle suit une trentaine d’artistes parisiens et
européens.
Christian Briard
*Des œuvres de Buy Van Quang étaient exposées lors du XIIIe Congrès de l’AAFV, à l’AGECA (NDLR)
Galerie Dung Bui, 1 Place de l’Eglise, SAINT-PAUL DE VENCE
Tél. 04 93 24 22 84 06 11 04 42 42 - Fax 04 93 62 28 71
www.galeriedungbui.com - [email protected]
16
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Pour sa cinquième édition le festival
a vu Hué proclamée « Ville des Festivals »
Vingt-trois pays ont participé au festival
de Hué avec une soixantaine de troupes
qui ont produit des spectacles de danse et
de théâtres en tous genres. Des spectacles de rue et des concerts nombreux
qui se sont prolongés au-delà de la cérémonie de fermeture. La France a beaucoup participé avec sa région PoitouCharentes. Avant même la fermeture un
protocole de coopération a été signé
dans les domaines culturels et artistiques,
de la formation, l’éducation et l’environnement pour 2010 qui sera aussi l’année
des mille ans de Hanoi.
L’AAFV y aura aussi sa place.
Ségolène Royale a reçu une invitation
officille pour le mois de novembre prochain.
Pour ce festival la province de Thua Thien
Hué a fait un effort remarquable pour
augmenter largement le parc hôtelier de
10 000 lits. Deux hôtels de 4 et 5 étoiles
ont été construits depuis 2006. Son vice
Président Ngo Hoa soucieux de donner à
sa ville une envergure nationale et internationale s’adonne directement et personnellement à toutes les tâches pouvant
développer l’aura de Hué, qui dans la
bataille a perdu pratiquement toutes ses
chauves-souris !
Il a été dénombré une augmentation de
participation de 30% de touristes, surtout vietnamiens et asiatiques en ce
début juin même si le Festival a dû partager son audience avec le Mondial de
Football ! Par ailleurs de nombreuses
expositions « in » ou « off » agrémentent
la ville et piquent la curiosité des visiteurs.
Pour ma part j’ai particulièrement apprécié les bois peints de Tô Bich Hai, autant
de figures dressées à la recherche d’un
indescriptible je ne sais quoi. La
Fondation Le Ba Dang trône toujours
aussi blanche et splendide devant la
rivière des parfums à deux pas du fameux
pont de G. Eiffel… Mais en marge et sur
les hauteurs le tombeau de Diem Phung
Thi, cette autre artiste vietkieu, et son
mari (qui comme Le Ba Dang et sa femme
ont vécu l’essentiel de leur vie en région
parisienne) est un lieu de méditation à
recommander et à visiter.
N’étant à Hué que les trois derniers jours
du Festival, bien des spectacles m’ont
échappé mais le défilé des Ao Daï, par
rapport aux précédentes éditions était
particulièrement beau. Les coupes et les
couleurs de chaque tenue étaient remarquablement élaborées et présentées
comme autant de tableaux magnifiques :
le spectacle était complet, la nuit, devant
l’une des portes restaurées à l’est de la
citadelle.
Ce défilé comme la cérémonie de clôture
m’ont impressionnée par la force de
l’identité vietnamienne qu’ils véhiculaient
et j’en ai été tout spécialement émue et
ravie.
Une place particulière avait été reservée
au spectacle de l’UJVF, avec leur vingt
danseurs et leur nouveau président,
Nguyen Minh Man, particulièrement
dynamique. L’Union des jeunes a découvert Hué et son Festival côté coulisse en
participant à six reprises au Festival « off »
et « in » avec son spectacle « 2 ci, 2 là »,
une chorégraphie riche en métissage qui
a même été présentée loin dans la campagne.
J’oubliais l’inévitable Rémi Polack dont je
n’ai pas pu voir le spectacle mais dont les
chevaux suspendus au carrefour de
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
l’Hôtel Morin et du Pont, étaient radieux
de blancheur cette année. Quel rapport
avec le cheval blanc qui orne la plupart
des petits autels à l’entrée des maisons de
la région ?
Hué et sa région s’inscrivent dorénavant
dans les paysages mondiaux à visiter et
surtout au moment de son prestigieux
Festival, qui à chaque édition prend une
tonalité particulière et de plus en plus
vietnamienne. L’AAFV organisera un
voyage pour le prochain festival en 2010.
Dominique de Miscault
CULTURE
La cérémonie du Xa Tac, un rite dédié aux
Génies de la Terre et du Riz, a eu lieu le 10 juin
à Huê, dans le cadre du festival 2008. C'est la
première fois que cette cérémonie datant de la
dynastie des Nguyên (1802-1945) est ainsi
reconstituée. Selon le comité d'organisation,
c’était une manière de rendre hommage aux
valeurs culturelles traditionnelles du pays et à
l'agriculture nationale. La cérémonie a débuté
par une procession allant de la Porte du Midi à
l'esplanade de Xa Tac (construite en 1806) où
se sont déroulés les rites principaux, dont le
Quan tây (le roi se lave les mains), Thuong
huong (présentation de baguettes d'encens),
Nghinh thân (accueil des génies), Hiên tuoc
(présentation d'alcool de riz), etc. Hué soumettra à l'UNESCO le dossier du Dan Xa Tac pour
une reconnaissance comme patrimoine culturel
immatériel de l'humanité.
17
>>>>
>>>>
suite
Festival
de Hué
Eh bien dansez, maintenant !
Ou comment des classes
francophones de Hué
voient la littérature française
Des étudiantes en
troisième année de
la section de Traduction-Interprétation ont récité,
chanté, dansé des
textes d’auteurs
français, dans leur
langue originelle ou
en vietnamien, lors
d’un étonnant spectacle présenté en
marge du festival
de Hué.
Le programme allait
de Jacques Prévert
Nguyen Thu Thu Hien
(Les feuilles mortes)
à Samuel Beckett,
prétexte à une danse Rap illustrant une de ses
pensées : « Parler parce que la bouche est
pleine de mots. Parler c’est s’en vider. Peu
importe le sujet, il n’y a pas de sujet », en passant par les classiques :
• Victor Hugo, en qui les jeunes filles voient un
poète lyrique mais aussi militant pour une
société meilleure, dans le poème intitulé
« Mon enfance »,
• Molière, avec deux scènes d’un Bourgeois
Gentilhomme modernisé et vietnamisé non
sans malice,
• La Fontaine, dont « La cigale et la fourmi »
ont été dansées et mimées en chantant…
l’amour du travail, à la surprise de certains des
spectateurs,
• Apollinaire, d’abord avec Le pont Mirabeau,
puis intégré dans la culture vietnamienne :
presque tous les vietnamiens connaissent la
chanson "Mua thu chet" de Pahm Duy, mais
très rares sont ceux qui savent que cette
chanson est la traduction et la mise en
musique du poème "Automne" de Guillaume
Apollinaire.
Cette soirée a presque été un cours hors les
murs qui a ravi les initiateurs et spectateurs de
la soirée !
Merci à notre amie Nguyen Thu Thu Hien, qui
participe directement à l’organisation du
Festival mais qui est aussi pour beaucoup dans
le renouveau de l’AAVF de Hué, de nous avoir
conviés à une soirée littérature française hors
du commun.
18
En suivant
la piste des hommes
Notes sur le journal de bord
ethnographique du missionnaire
Jacques Dournes au Vietnam
Jérémy Jammes
Ordonné prêtre en 1945, et admis la
même année aux Missions étrangères de
Paris, Jacques Dournes a tout juste vingtquatre ans lorsqu’il rejoint le Vietnam
pour être assigné à la mission de Kala près
de Djiring, en pays srê. De 1946 à 1952, il
suit « la piste des hommes », de village en
village, cheminant à pied comme les indigènes et avec eux, scrutant le Pays Montagnard des populations proto-indochinoises, entre Phan Thiet, Dalat et Kontum.
Une réflexion sur l’œuvre de J. Dournes
(2) doit se porter d’emblée au cœur de ses
travaux pionniers, aller droit à ceux qui
représentent à la fois une des plus audacieuses incursions dans les « jungles
moïs » du centre du Vietnam et un apport
spécifique d’un missionnaire à la connaissance ethnographique de cette région.
Mon propos est ici de revenir sur son premier « terrain », en retenant les traits qui
nous paraissent essentiels, en évoquant
les points qui font de son journal de bord
intitulé En suivant la piste des Hommes
une œuvre majeure, et pourtant peu citée
par les spécialistes, de l’ethnographie du
Centre du Vietnam (3).
Ce livre met son lecteur à l’assaut des
hauteurs du sud-est de l’Annam, nous
partageant l’histoire, la connaissance
botanique, les techniques et les manières
de penser de ses populations montagnardes : chez les Srê qui pratiquent la
culture irriguée du riz, mais aussi chez les
Röglai, Maa et Noup qui exploitent le mir
(champ de montagne sur brûlis). Les
étapes de son périple à pied sont rythmées par des veillées, dans lesquelles
résonnent différents répertoires de gongs
et se sirotent des goûteuses jarres d’alcool
de riz, révélant à Dournes les dimensions
(1)
sensibles, rituelles, symboliques de ces
moments de sociabilité.
Outre le fait de poser les bases d’une ethnographie religieuse de la région, au travers de son observation de l’initiation et
du rôle social des chamanes et sorciers,
ses descriptions rendent compte du degré
d’influence que les Chams d’autrefois ont
exercé sur les Montagnards du sud de
l’Annam : les pistes du sel, les trésors
cham en terre röglai, les légendes des
veillées contant le mariage de Cham avec
des filles montagnardes, les techniques de
labourage et jardinage, la science des
constellations, le rapprochement des
formes dialectales (röglai, churu, jörai et
êdê) avec le cham ont été pour J. Dournes
autant de rappels d’une histoire encore
présente à la mémoire de l’homme des
hauts plateaux, au point de conclure que
« la piste qui remonte l’histoire montagnarde passe par le pays cham »
(p. 180).
Mais la figure de l’ethnographe ne doit
pas dissimuler et faire oublier celle du missionnaire catholique, et le sac de
J. Dournes contient à la fois des médicaments et le nécessaire liturgique pour
célébrer la messe dans les villages avec
des scouts srê. Ses pérégrinations lui donnèrent l’occasion de découvrir que la
théologie, domaine dans lequel il excellait
– et il le prouva au début des années 1960
en étant un des rédacteurs de Vatican II –
et le pouvoir énigmatique et mystérieux
de la parole du Christ pouvaient se retrouver dans la spiritualité et les pratiques animistes (figure de « la vierge à l’enfant »
dans les légendes locales, parallèles entre
les récits bibliques et ceux que les Monta-
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
pas la disposition orographique. Ce qui
importe, c’est ce à
quoi tout cela
conduit : l’homme
intime » (p. 243-244).
Carte des Plateaux du Sud
gnards font de la Genèse, du sacrifice du
buffle, etc.).
À cet égard, J. Dournes partage avec les
grands écrivains catholiques du vingtième
siècle, comme Georges Bernanos et François Mauriac, cette exploration dans la
pratique littéraire d’une vision chrétienne
des choses ; mais il se distingue également de façon radicale de ses illustres
prédécesseurs, par le fait qu’il propose à
la fois une analyse ethnographique de ses
récits, ainsi qu’une forme de christianisme
plus personnelle dans laquelle l’expérience intime de Dieu et de l’Humanité est
considérée comme ayant plus de valeur
que l’adhésion au dogme. Il écrit : « J’ai
d’abord cherché à connaître le Montagnard dans le cadre de sa tradition. Au
terme de ce voyage dans l’âme d’un
peuple, ce qui importe ce n’est pas la
piste de terre, ce n’est pas le nom d’un village ou d’une espèce végétale, ce n’est
De ce journal de bord,
un point de méthode
ethnographique, ou
plutôt un type de
regard sur ces populations montagnardes,
mérite d’être souligné
puisqu’il fait généralement défaut aux différents colonisateurs
et administrateurs de
cette région : « Quant
à ce qui manque pour être vraiment
dedans, on peut le compenser par une
sensibilité toujours en éveil et une sympathie constante. On ne connaît bien que ce
qu’on aime, de cet amour qui suppose le
désir de se rendre semblable à son objet,
d’y pénétrer » (p.13-14).
S’immerger, apprendre la langue, marcher dans les pas des « animistes » : telle
était la démarche missionnaire de Jacques
Dournes, qui fit de lui un incontournable
ethnologue des hauts plateaux du Centre
Vietnam.
(1) L’auteur ([email protected]) est affilié postdoctorant au Groupe Sociétés Religions Laïcités
(CNRS-EPHE).
(2) Saigon : France-Asie, 1950, 281p. Pour une bibliographie de son oeuvre, lire l’article « Jacques
Dournes, son œuvre. Une nouvelle bibliographie », Par Laurent Dartigues et Pierre Le Roux,
Mousson, n° 3, 2001 IRSEA.
(3) J. Dournes, En suivant la piste des hommes sur les
hauts plateaux du Vietnam, Paris, Julliard, 1955,
251 p.
Jacques
Dournes
célébrant
une messe sur
un rocher
tabulaire
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Brèves
SOCIÉTÉ (suite)
Le ministère de la Construction distribue une aide
de 7 millions de dôngs, sur le budget de l’Etat,
pour chaque foyer, sans compter un million de
dôngs destiné au transport des matériaux de
construction. En outre, les foyers démunis seront
prioritaires pour recevoir des emprunts de la
Banque des politiques sociales, d'un montant
maximum de 8 millions de dôngs par foyer au
taux d'intérêt annuel de 3%, pendant dix ans
dont cinq ans de grâce. Il faut ainsi
10 008 milliards de dôngs pour la
construction des habitations.
La construction des logements pour les pauvres
sera réalisée dans l'esprit d'assistance de l'État,
d'aide de la communauté et des bénéficiaires qui
construiront eux-mêmes leurs maisons.
SANTE
L'Assemblée
nationale a discuté en mai des
problèmes posés par l’assurance santé. La
cotisation passerait de 3% à 6% des revenus des
assurés. Mais la plupart des paysans sont
incapables de verser leur cotisation annuelle, et
des dizaines de millions de ruraux vivent
actuellement sans aucune assurance santé.
Certains députés ont demandé que l'État prenne
en charge une partie de la cotisation des paysans.
Par ailleurs, le manque de médecins, d'infirmiers et d'équipements dans le réseau
sanitaire de base reste préoccupant. Des politiques de formation de courte durée sont destinées
à pallier la pénurie d’effectifs. Les diplômés de
médecine, après deux ans de pratique en poste
médical, pourront exercer leur métier de manière
indépendante. Pour les soins de haut standing, la
priorité serait donnée au secteur privé, grâce à des
avantages fiscaux et administratifs.
SCIENCE
Le gouvernement vietnamien avait décidé de faire
des technologies spatiales un des secteurs de
pointe du pays, créant en juin 2006 l'Institut des
technologies spatiales sous la tutelle de
l'Académie des sciences et des technologies du
Vietnam. La première étape de cette stratégie
prévoit la fabrication et la mise en orbite en
l'espace de cinq ans d'un petit satellite de 150 kg.
Pour faciliter les recherches en matière de
technologies satellitaires, l'Institut s'emploie
actuellement à fabriquer un mini -satellite d'un
kilogramme. Plusieurs ingénieurs ont été envoyés
pour stages dans des pays industrialisés. La
concrétisation de ce programme par le
lancement, le 21 avril, du premier satellite à
Kourou, va permettre de désenclaver des régions
reculées du territoire.
19
Brèves
Par
rapport aux autres pays de l'ASEAN, le
Vietnam se classe derrière Singapour, la
Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie et les
Philippines pour le développement des
énergies nouvelles, malgré ses grandes
potentialités de développement des énergies
solaire et éolienne. Si rien n’est fait, le Vietnam
devra importer en 2020 de 12 à 20% de ses besoins
en électricité, or l'énergie solaire n'atteint que
1,5 MW, les biocombustibles sont en cours
d'étude, et la production d'électricité à base de
résidus reste au stade de l’essai. Une centrale
électrique fonctionnant à la balle de paddy est
actuellement en construction. La plantation, en
vue de la production de biodiesel, de jatropha,
une plante oléagineuse qui pousse sur des
terrains ingrats va être développée dans plusieurs
provinces du centre et du nord.
URBANISME
Les travaux de construction de l'autoroute
reliant Hanoi à Hai Phong ont commencé
en mai. Il s'agira de l'autoroute la plus moderne
du pays, construite sous forme de CET
(construction - exploitation - transfert), d'un
investissement de plus de 24 560 milliards de
dôngs.
ENVIRONNEMENT
colloque "Changement climatique et
développement durable au Vietnam"
organisé à Hanoi montre que le Vietnam est un
des cinq pays du monde les plus touchés par le
changement climatique. Les tempêtes tropicales,
plus nombreuses, frappent davantage le Sud, et la
pluviosité diminue dans l'ensemble du pays,
entraînant sécheresse et désertification,
particulièrement dans le Centre. La température
du Vietnam devrait fortement augmenter, de 2°C
en 2050 puis de 2,5°C en 2070. Le niveau des
océans s'élèverait de 35 cm en 2050 jusqu’à 1m
en 2100, touchant en priorité les deltas du fleuve
Rouge et du Mékong. En 2100, 90% du delta du
Mékong serait alors sous les eaux.
Le
La
pollution du lac de l'Épée restituée au
coeur de Hanoi étant devenue préoccupante,
Pham Hùng Phong, manager du site web « vietnamtourisme » propose d’en faire un nettoyage
manuel, par un garçon et une fille en costumes
traditionnels se déplaçant sur le lac en pirogue…
SPORTS
Trois jeunes vietnamiens : Bùi Van Ngoi (25 ans)
et Phan Thanh Nhiên (23 ans), étudiants à
l'École supérieure de l'éducation physique et des
sports ainsi que Nguyên Mâu Linh (31 ans),
boxeur professionnel font depuis le 18 mai partie
du club très fermé des vainqueurs de
l'Everest.
20
Du 5 au 7 juin 2008,
Hanoi a accueilli le 18e Sommet
Mondial des Femmes
Le sommet s’est tenu à l’Hôtel Mélia, lieu
emblématique du nouvel Hanoi.
Hôtel Mélia
La participation vietnamienne était
nombreuse, près des trois quarts de
l’assistance de près de mille personnes. Plus
de soixante pays étaient représentés. La
vice-présidente
de
la
République
Mme Truong My Hoa et le Premier Ministre
Nguyen Tan Dung ont inauguré les
Journées. Ce sommet a été encouragé par
la présence tout au long de ces trois jours
de nombreux officiels vietnamiens. La
figure marquante est sûrement celle de la
Présidente du Sommet, Irène Natividad qui
est aussi coprésidente du Corporate
Women Directors International. Son activité
est large et efficace. Dès 1988 elle était déjà
nommée l’une des « 100 Most Powerful
Women in America ».
Les langues officielles du Sommet mondial étaient l’anglais et le français parlé par de
nombreuses africaines. Par contre la participation française était plus que réduite
puisqu’à ma connaissance seules trois françaises étaient présentes, dont moi : MariaLaura Charles, Directeur
générale de Thales
(35 ans) en Amérique
latine et Nancy V.
Gomez, entrepreneur
mais aussi présidente et
fondatrice de Eveolution fondation*.
La barrière de la langue
a été très fortement ressentie par l’ensemble
des participantes, d’autant que les disparités
Irène Natividad (en blanc)
économiques et sociales
à la soirée organisée par la Chambre de commerce de Hanoi
étaient importantes. Il
n’en demeure pas moins que des contacts se sont noués surtout entre femmes des pays
émergeants. La présence d’une vingtaine de Birmanes, ou des délégations nombreuses
de Mongolie ou de Chine ont été particulièrement saluées.
Le prochain Sommet aura lieu à Santiago du Chili en 2009, organisé par Maria Eugenia
Hirmas Rubio qui préside la Direction Socio-Culturelle de la Présidente de la République
du Chili, militante de la première heure aux côtés de Salvador Allende avec son mari qui
est actuellement ministre.
DdM
* EVE-OLUTION FOUNDATION Inc. est une organisation à but non-lucratif basée à New York. Elle se propose d'aider les femmes
chefs de petites et moyennes entreprises dans les pays émergeants en renforçant leurs capacités face à la mondialisation, grâce
à des "coachings" exercés par des chefs d'entreprises retraités qui ont bien réussi dans le domaine international. Elle vise ainsi à
« contribuer à une Planète plus saine et plus sure pour nos enfants et les enfants de nos enfants ».
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Ce Vietnam que nous aimons
Brèves
Le paradis terrestre existe
Trois
Regardez une carte du Viet Nam. Ou
trouvez vous, ailleurs, un tel rapport
entre la superficie d’un pays et sa
longueur de côtes ? De côtes, plus
précisément de plages, car le littoral
est souvent sableux – et de plages
Hà Tien
vierges. Quelques spots sur la côte
pacifique, mais plutôt destinés à une clientèle locale. Il n’y a guère que Nha Trang qui se
soit dotée d’une série de « resorts » et même là, la clientèle est encore essentiellement
formée de vietnamiens aisés plutôt que de touristes étrangers. Au sud : Vung Tau. Il paraît
(cf. brèves) qu’il existe des projets touristiques d’importance dans ce secteur.
Mais, si on poursuit plus à l’ouest sur le golfe du Siam (golfe du Siam ! Rien que le nom
fait rêver), on arrive au paradis terrestre : Hà Tien et ses deux plages de sable fin, au doux
beige doré, où se
reposent de petites
embarcations de pêche.
A
l’horizon
:
le
Cambodge. La mer est
tiède (et très propre, les
La plage du Cap Nai
grands ports sont loin)
Vous avez soif : tendez le bras, un des habitants du hameau fera tomber une noix de coco
pour la décapiter et vous la donner. Vous avez faim ? Il faut reprendre la route pour aller
à Hòn Chong, sa petite anse gardée par ses deux sentinelles de rocher (le père et le fils),
et dévorer des fruits de mer dans une guinguette à même la plage. Autour, la forêt
tropicale, dense, mystérieuse. Au
large, des îles accessibles, comme
Hon Giang et sa superbe plage.
Autour de Hà Tien il y a de
nombreuses grottes, avec des
Presqu'île de Hon Chong
stalactites où, quelquefois, on a
installé une pagode, comme à Thach
Dong ; une stèle y conserve la mémoire des cent trente habitants massacrés par les
Khmers rouges en 1978. Et puis, il y a les kitchissimes mausolées de la dynastie Mac. Plein
de choses à faire pour se reposer de la plage…
Et cette éternelle question : faut-il que le tourisme se développe pour apporter un peu de
mieux-être à cette région à l’écart des richesses du delta du Mékong ? Ou faut-il surtout
que rien ne bouge pour qu’elle reste l’apanage des touristes un peu curieux ?
AHLG
jeunes coureurs cyclistes vietnamiens
ont été approchés par l’écurie japonaise Asada,
qui cherche à monter une équipe asiatique
puissante pour les épreuves internationales et en
particulier, le Tour de France. Le cas échéant,
nous ne manquerions pas d’aller les applaudir…
En
dépit de l’heure peu propice de la
retransmission des matchs, l’Euro 2008 suscite
un vrai engouement au Vietnam, un écran géant
à même été installé au milieu de l’Université de
HCM-Ville….
TOURISME
n’arrête pas le progrès (hélas...). Un premier
casino serait construit au VietNam, grâce à des
fonds venus d’Amérique du nord. Situé à Xuyen
Moc dans la province de Ba Ria-Vung Tau facilement accessible donc depuis HCM-Ville, le
projet s’accompagne de la construction, pour
commencer, de deux hôtels de 2 300
chambres… Nombre qui serait porté à 10 000 en
2015. Les investisseurs construiraient aussi
routes, gares et terminal d’aéroport pour
acheminer tout le beau monde attendu.
On
Bien
peu de touristes connaissent la province de
Quang Nam (Centre) qui vient d'inaugurer à
Bho Hôông dans le district montagneux de Dông
Giang, un village touristique entièrement
consacré à la culture, basé sur la découverte
d’ethnies minoritaires, de métiers artisanaux
traditionnels et des maisons moong ou guol.
La
grande île de Phu Quôc (là où vivent ces
chiens à crête et pieds palmés, cf « perspectives »
d’avril…) de la province de Kiên Giang veut
développer le tourisme autour des plages (4
terrains de golf, plusieurs centres de loisirs) tout
en protégeant ses forêts et en se renforçant sur le
plan industriel par la création de ports capables
d’accueillir des bateaux de tonnage important.
FAIT DIVERS
avril 2008, les journaux révèlaient qu’il y
avait un réseau mafieu qui dominait
l'exploitation du charbon de Quang Ninh et ces
charbons sont des charbons dits Tho Phi
(illégaux) qui enrichissent très rapidement. En
2004 il y avait un sous-secrétaire du comite
populaire de Quang Ninh qui avait déjà été
menacé ; une grenade avait été lancée dans la
cour de sa maison. Cette année c'est le secrétaire
du Parti de Halong qui s’est directement insurgé
contre les trafiquants du charbon Tho Phi. Il a
utilisé des mesures efficaces qui lui ont attiré des
menaces de mort. Depuis lors, malgré son
téléphone doré, il doit se déplacer en voiture
blindée et sa famille est protégée de près.
En
Notre site
est consultable
à partir du
25 juillet 2008
www.aafv.org
21
Gil
ChaubonCévran
Pierre-Bernard LAFONT
(17 février1926-13 avril 2008)
Pierre-Bernard Lafont
est décédé à Paris le
13 avril 2008 à la suite
d’une longue maladie
qui a fini par venir à
bout de sa robuste et
admirable résistance.
Notre ami Gil
Chaubon-Cévran
nous a quittés, ce
21 juin, dans sa
75e année, c’est-àdire très jeune…
La plupart des militants – sauf les
plus récents – de
l’Association d’Amitié Franco-Vietnamienne l’ont
bien connu. Il a en effet passé de longues années
à y travailler, à apporter dans les discussions,
toujours très modestement, ses contributions, en
particulier sur ses sujets d’intérêt principaux, la
littérature et le cinéma du Vietnam d’aujourd’hui. Il avait été longtemps membre de l’équipe
qui avait procédé à la rénovation du Bulletin,
rebaptisé Perspectives France-Vietnam.
Gil, dont la famille avait vécu naguère dans l’Indochine coloniale (sa grand-mère était vietnamienne) était resté très attaché à la terre de ses
ancêtres. Sa dernière grande joie fut sans doute
sa récente visite au Vietnam avec ses deux
enfants.
Depuis quelques années, Gil ne participait plus à
la vie de l’AAFV. Il jugeait avec une certaine sévérité Perspectives France-Vietnam. Surtout, il
avait très mal vécu la « crise » de l’Association,
dont il jugeait responsable la direction issue de
la rupture. Il avait préféré partir, sur la pointe des
pieds, sans bruit, tout en restant adhérent. Je
peux témoigner, pour l’avoir côtoyé très régulièrement, qu’il avait souffert et souffrait de cette
situation.
Bien avant ladite « crise », d’ailleurs, Gill Chaubon s’était investi dans le CID Vietnam, dont il
était devenu le Secrétaire. Extrêmement présent,
très méticuleux et particulièrement compétent, il
consacrait beaucoup de temps à la recherche et
au recensement des ouvrages nouveaux, puis au
contact avec les éditeurs francophones.
Nul ne soupçonnait, jusqu’à une date récente, la
maladie qui allait le terrasser. Ne pouvant plus se
déplacer, depuis quelques mois, il se tenait toujours informé de notre activité.
Le Vietnam a perdu un ami, fidèle et lucide.
Que son épouse, ses enfants, sa famille trouvent
ici l’expression de nos condoléances attristées.
Alain Ruscio,
membre du Comité nationale de l’AAFV,
président du CID Vietnam
Lafont a fait son droit à
Bordeaux On sait par
ailleurs qu’il obtint un
diplôme d’ethnologie à
l’Ecole Pratique des
Hautes Etudes (Paris,
1951). Est-ce cette
double formation, droit et ethnologie, qui lui permettra d’être recruté à l’Ecole
Française d’Extrême-Orient en 1953 ? Quelle occasion, quelle rencontre, quelle
étincelle conduira P.-B. Lafont vers des rivages qu’il n’avait sans doute pas
imaginés ? Désormais, les trois pays de l’ancienne Indochine, Vietnam, Laos et
Cambodge, seront le théâtre de sa vie professionnelle jusqu’en 1966. C’est dans
cette période qu’il fondera une famille dont deux enfants devaient naître, Olivier et
Dominique.
Professionnellement, P.-B. Lafont se distinguera en particulier par ses recherches sur
deux groupes linguistiques : les populations de langue tay dans le nord du Vietnam
et le nord du Laos, et les populations de langue austronésienne du centre et du sud
du Vietnam, en particulier les Cam. Dans chacun de ses terrains de recherche il
amassera des données et des documents de première main qui donneront lieu à de
nombreuses publications jusqu’à ces dernières années.
Peu après son arrivée à Hanoi en 1953 il est affecté à Lai-Chau, chef-lieu de
l’éphémère Fédération Tay (Notes sur les familles patronymiques tay noires de SonLa et de Nghia-Lo, 1955). Suite à l’évacuation de la partie nord du Vietnam, il est
nommé à Pleiku en plein pays montagnard (Prières Jarai, 1963 ; Toloi Djuat:
coutumier de la tribu Jarai, 1963 ; Lexique français-jaraï-vietnamien, 1968). De 1956
à 1966, il est délégué de l’EFEO à Vientiane. Il prolonge ses premières recherches
sur les Tay du Tonkin par l’étude des Tay lü du nord du Laos (P’ra Lak - P’ra Lam,
P’ommachak…, 1957 ; Le royaume de Jyn Khdn …, 1998). Parallèlement à ces
recherches, P.-B. Lafont mène à terme d’importants travaux documentaires et
bibliographiques. En 1966 il est nommé directeur d’études à la IVe section de
l’Ecole Pratique des Hautes Etudes dans la chaire « Histoire et civilisation de la
Péninsule Indochinoise » qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1994. Il créera en
outre le Centre d’Histoire et Civilisations de la Péninsule Indochinoise, lieu de
rassemblement synergique de chercheurs en sciences humaines sur l’Asie du SudEst. Pendant cette période, il continuera à effectuer des séjours réguliers dans ces
pays, donnant des conférences et organisant des colloques.
Son dernier ouvrage (Le Campa. Géographie, population, histoire, 2007) a été
publié alors que l’implacable maladie commençait à l’affaiblir.
Pierre-Bernard Lafont avait un caractère fort qui forçait les relations et obligeait à
prendre position. On pouvait être pour ou contre lui, mais il ne laissait jamais
indifférent. S’il eu des ennemis, peut-être plus que d’autres, il eut beaucoup d’amis.
Il fut toujours fidèle à ses amis, et ses amis le lui rendirent bien.
Adieu Lafont…
MF
Sources : Notes sur la culture et la religion en péninsule Indochinoise en hommage à Pierre-Bernard
Lafont, Nguyên Thê Anh & Alain Forest éd., Paris, L'Harmattan, 1995, p. 243-249.
http://www.efeo.fr/biographies/cadreindexcherch.htm
22
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
Bibliographie • Notes de lecture • Films
La jeune fille et la guerre
La Marche
des Quatre Directions
Tran Thi Hao, Lettres Asiatiques,
Vietnam, L’Harmattan, 16,50 €
La jeune fille c’était elle ou pas ? Quand on lit
le livre, la question est de savoir s’il est
autobiographique ou non. En posant la
question à l’auteur, nous apprenons que c’est
un vrai roman qui s’appuie sur des
témoignages et aussi ce qu’a vraiment
ressenti Tran Thi Hao. C’est la réalité de la
guerre vécue par les vietnamiens du centre,
au nord du dix-septième parallèle, mais
aussi la réalité de toutes les guerres. Hao a reçu du courrier
de français qui ont été touchés par les similitudes de ce qu’ils ont pu vivre entre 1939
et 1945 et cette période tragique mais victorieuse du Vietnam. L’auteur est soucieuse
de perpétuer et faire connaître aux plus jeunes cette histoire, vue du côté d’une jeune
fille comme tant d’autres, qui a forgé et a été déterminante pour son pays. Tant de
sacrifices consentis ne peuvent pas être oubliés, soufflés par la société de
consommation qui émerge largement partout au Vietnam ces dernières années. Le
choix de la vie ou de la mort était d’une certaine façon plus simple que les stratégies
à trouver aujourd’hui, dans un pays qui émerge avec tout un potentiel.
DdM
« J'ai lu votre manuscrit et je crois
que vous avez atteint le but que vous
exprimiez dans votre lettre
d'accompagnement : "D’un point de
vue vietnamien, je voudrais faire
comprendre la vie des Vietnamiens
du commencement de la guerre
américaine à l'époque d'aprèsguerre..."
par le Docteur Serge Desportes,
Editions du Cosmogone, octobre 2007
(181 pages), 25 €
Ce livre devrait intéresser aussi bien les lecteurs
peu familiarisés avec la tradition chinoise et la
médecine chinoise que ceux qui ont une
pratique de ces exercices considérés comme la
base des arts martiaux.
En effet, dans cet ouvrage d'une lecture aisée,
il est question du T'ai Tchi Tchuan que le
docteur Serge Desportes enseigne depuis plus
de vingt ans.
Le livre comporte deux parties :
La première partie est un exposé général sur l'histoire et la signification du T'ai Tchi
Tchuan. En effet cette discipline fait partie de la médecine chinoise. Toutes les
techniques médicales avaient pour but essentiel « de maintenir l'homme en bonne
santé », soit par l'alimentation, soit par une hygiène de vie, soit encore par certains
exercices comme le T'ai Tchi Tchuan.
Il ne s'agit pas à proprement parler d'une gymnastique car dans la conception
médicale chinoise ancienne on ne sépare pas le corps de l'esprit, car l'organisme
forme un tout en symbiose avec son environnement.
Votre relation de toute cette période à
travers les yeux d'une enfant puis
d'une adolescente qui se souvient des faits, des lieux, des exodes, des bombardements,
des conditions de vie et surtout de survie, et qui n'a pas oublié la couleur du ciel et
l'odeur des saisons, etc., traduit là tout un vécu à la vietnamienne qui ne trompe pas.
Une fois de plus on réalise qu'un peuple aussi héroïque ne pouvait que sortir
vainqueur d'une guerre où l'ennemi n'hésita pas à utiliser, à expérimenter plutôt,
toutes ses armes contre sa force inexpugnable, sa culture.
Dans la deuxième partie l'auteur expose le détail des mouvements rigoureusement
codifiés par les chinois. Le T'ai Tchi Tchuan, bien que mimant un combat rituel, se
pratique comme une danse harmonieuse et douce convenant à tout âge. Il a pour but
de s'opposer à tout ce qui peut nuire à nos fonctions psychosomatiques en renforçant
nos défenses, d'induire un développement harmonieux du corps chez les jeunes, de
stimuler la vitalité de l'adulte, de retarder chez les plus âgés le processus de
sénescence.
Cet exercice fonde un espace orienté dans lequel tout déplacement, tout geste, ont un
retentissement « énergétique » sur l'organisme. Pratiqué chaque jour, il permet de
restaurer un équilibre que notre vie quotidienne met facilement en péril.
Les idéogrammes traduits en français mais aussi grâce aux photos, légendées par
l'auteur, représentent l'exécution des trente et un mouvements du T'ai Tchi Tchuan.
J.D
Le lecteur en est profondément touché-malgré un luxe parfois trop grand de détails,
il suit avec une immense sympathie l'histoire de cette famille dans la tourmente. Il
tremble pour elle, s'afflige de ses épreuves, de ses deuils, il se réjouit de ses joies et de
ses succès, il partage ses espoirs, ses combats et il fait sien l'amour de Ha An et de
Xavier.
Il y a dans votre manuscrit cette fraîcheur des premières oeuvres et j'ai été
particulièrement sensible à la beauté de certaines de vos descriptions de paysages, à
cette nature si prégnante à travers toutes vos pages comme le constant rappel par delà
les moments les plus tragiques, les plus sanglants, de cette grande pulsion du monde,
de cette harmonie si consolante au coeur des hommes et des Vietnamiens en
particulier, (toute votre littérature en rend compte).
Voilà mes impressions générales auxquelles j'ajoute mes compliments pour la qualité
de votre français... »
Yveline Feray
Au bord du petit lac à Hanoi
Revue de l’AAFV • N° 66 • Juillet 2008
23
Pour les victimes
de l’Agent orange :
une campagne originale
Les conférences
de l’Association
d’Amitié francovietnamienne
CONNAISSANCE
DU VIETNAM
Renseignements auprès de l’AAFV,
44 rue Alexis Lepère, 93100 Montreuil
Tél. : 01 42 87 44 34
Fax : 01 48 58 46 88
mail : [email protected]
Au menu : l'écriture d'un article (reportage, enquête, portrait,
souvenirs, commentaires...) traitant de la question de l'agent
orange/dioxine au Vietnam. Il pourra s'agir d'un texte
évoquant la souffrance des victimes et leur combat
quotidien, les efforts du Parti et de l'État dans la lutte contre
ce fléau ou les actions menées par les différentes
organisations nationales et internationales. Les participants pourront également faire part de leur
opinion face à la mauvaise volonté des fabricants du défoliant qui refusent de regarder la réalité en
face.
Vidéos d'entretiens cliniques
dans une minorité
ethnolinguistique victime
de la dioxine (Centre -Vietnam).
Présentation de cas
Les articles devront être envoyés au siège principal du journal Tin Tuc, au 33, rue Lê Thanh Tông, Hanoi,
Vietnam (Email : [email protected] ou [email protected] (09 88 50 29 99 ou
09 14 91 49 99) avant le 15 septembre 2008. Chaque article peut être accompagné de photos mais
ne doit pas dépasser mille cinq cents mots (environ 8000 signes). Autre obligation, l'article doit être
inédit. Un jury sélectionnera les meilleurs travaux, qui seront publiés dans la presse vietnamienne. Des
prix seront donnés (premier prix : 20 millions de dong).
par Bernard
Le concours est ouvert à tous, les textes peuvent être écrits en vietnamien, en français, en espagnol
ou en anglais.
DORAY,
psychiatre, Concepcion DORAY, psychologue
et Jacques
MAITRE, sociologue au CNRS
mardi 23 septembre à 19 h,
mairie du XIIIe, 1 place d’Italie, 75013 Paris
Profitez des vacances pour joindre l’utile à l’agréable : à vos plumes ! Invitez
vos amis à participer : cette campagne est une nouvelles forme de mobilisation,
populaire et sympathique !
Merci de nous envoyer le double de vos textes :
AAFV, 44 rue Alexis Lepère, 93199 MONTREUIL [email protected]
BULLETIN D’ADHESION, D’ABONNEMENT ET DE SOUTIEN
✃
Participation aux frais :
10 € tarif réduit (étudiants…) : 5 €
L’Agence vietnamienne d’information (AVI), le quotidien
Tin Tuc (Nouvelles) et la compagnie Vincom. lancent une
grande campagne de presse sous forme d’un concours
d’écriture.
A re t o u r n e r à l ’ A A F V : 4 4 , r u e A l e x i s L e p è re, 9 3 1 0 0 M O N T R E U I L
NOM ............................................................................................ Prénom ...................................................... Année de naissance ................
Adresse ..............................................................................................................................................................................................................
Un acte à ne pas remettre
au lendemain :
adhérer ou renouveler
votre adhésion
Code postal ....................................................Ville ...................................................................... Pays ............................................................
Tél. : .............................................. Fax : ............................................ Courriel ................................................................................................
J’adhère à l’AAFV (cotisation de base) ............... 25 €
Je m’abonne au bulletin de l’AAFV ....................... 12 €
Total .................................................................... 37 €
J’adhère à l’AAFV (cotisation de soutien) ............ 50 €
Je m’abonne au bulletin de l’AAFV ....................... 12 €
Total .................................................................... 62 €
J’adhère à l’AAFV (personne non imposable) ......... 20 €
Je m’abonne au bulletin de l’AAFV ....................... 12 €
Total .................................................................... 32 €
En outre je fais un don de ................................... €
Ci-joint un chèque de .................... € à l’ordre de l’AAFV
Date : .............................. Signature :
Je souhaite recevoir un reçu fiscal de ma cotisation et de mon don me permettant de déduire 66 % de cette somme de mes impôts 2008 dans
la limite de 20% de mon revenu imposable.
Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978,vous pouvez accéder aux informations vous concernant et demander leur modification en vous adressant à l’AAFV