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Société / Social / Emploi
INTERVIEW
Brigitte Touzeau conservatrice des bibliothèques
de Pointe-à-Pitre : « La Guadeloupe m'a tout
appris »
Propos recueillis par Emmanuelle LERONDEAU
France-Antilles Guadeloupe
30.07.2009
Après 28 ans dans le département, Brigitte Touzeau, quitte la
Guadeloupe
Si ce n'est pas indiscret, pourquoi quitter la Guadeloupe,
aujourd'hui, après 28 ans dans ce département ?
Contrairement à ce que certains pensent, cela n'a rien à voir avec le mouvement social du début d'année. Ma
décision a été motivée par ma volonté de me rapprocher de ma famille. Depuis quelques mois déjà, j'étais
attentive aux propositions de postes dans le Bordelais, ma région d'origine. La Ville de Lormont, près de
Bordeaux, recherchait un conservateur de bibliothèque, avec une ouverture sur l'action culturelle. J'ai postulé,
j'ai passé trois entretiens et j'ai été retenue. Ce poste m'a intéressé car il s'agit de diriger l'action culturelle d'une
ville socialiste, qui rencontre un peu les mêmes problématiques que Pointe-à-Pitre et a des projets similaires. Elle
va ouvrir, courant 2010, une médiathèque.
Vous êtes conservateur des bibliothèques de Pointe-à-Pitre
depuis mai 1982. N'y avait-il pas non plus une certaine usure ?
Pas du tout. Lorsque je suis arrivée, tout était à faire. Il fallait structurer et former l'équipe en place, créer les
fichiers, organiser... Et puis nous avons très tôt parlé d'une médiathèque. Si sa gestation a duré vingt ans, elle
m'a beaucoup occupé. J'ai également organisé, pendant 15 ans, le Salon du livre, qui affichait un certain
dynamisme. Depuis 1990, j'assurais la gestion du centre culturel Rémy-Nainsouta, ce qui m'a permis de
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rencontrer de nombreux artistes. Avec l'inauguration de la médiathèque que le maire m'a demandé d'organiser,
je me suis ouverte à l'action culturelle. J'ai ensuite organisé l'inauguration de la place de la Mairie. Ma carrière a
donc été jalonnée de moments forts, mon travail sans cesse renouvelé. Je n'ai jamais senti l'usure.
Quel bilan en tirez-vous ?
J'ai tout appris ici. La Guadeloupe m'a tout appris, tant au niveau professionnel que personnel, de ma vie de
femme et de mère. Je ne connaissais rien de ce pays. J'y ai suivi celui qui allait devenir mon mari que j'avais
rencontré à l'IUT de journalisme de Bordeaux. Je n'ai pas beaucoup réfléchi, je suis parti comme ça, sur un coup
de tête. J'ai abordé la Guadeloupe avec naïveté et fraîcheur. J'ai pris tout ce que je recevais comme un buvard.
Le fait d'être dans une famille guadeloupéenne m'a beaucoup aidé, a facilité la compréhension de ce pays. Ma
proximité avec Henri Bangou, maire de l'époque, et son épouse, aussi. Pour l'écriture de ses livres, il avait besoin
de documentation. Il m'a obligée à avoir une démarche de recherche qui m'a permis d'apprendre. Nos échanges
ont été passionnants. Je suis issue d'une famille immigrée, ma mère est Ukrainienne. Je ne me suis jamais sentie
française à 100%. La part slave qui est en moi est importante. Elle m'a permis de m'ouvrir aux autres, de
développer ma perception.
À vous entendre, vous avez appris aussi à aimer profondément la
Guadeloupe. Est-ce difficile de la quitter ?
Extrêmement difficile. Je ne pensais pas que ce départ serait aussi difficile à vivre (les larmes lui viennent aux
yeux, mais elle se reprend très vite). Je laisse des personnes qui comptent énormément pour moi. Je tiens à
remercier aussi toutes celles qui m'ont accompagnée. Ce n'est pas un départ définitif. Je suis persuadée que je
reviendrai, ne serait-ce qu'en vacances.
Quel regard portez-vous sur la Guadeloupe que vous avez vu
évoluer pendant plus de vingt ans ?
J'ai toujours de la peine à voir des pelleteuses raser des mornes pour y bâtir de nouvelles constructions. Je ne
suis pas contre l'urbanisation, elle est nécessaire, mais la Guadeloupe a changé trop vite et y a perdu de son
authenticité. Le mouvement social mené par le LKP en début d'année a apporté une prise de conscience de la
nécessité pour ce pays de prendre en main son destin et de ne plus vivre sous perfusion. Mais je crains qu'il ne
se ferme, qu'en voulant se recentrer sur son avenir, il refuse tout apport extérieur. Connaître sa culture et la
revendiquer, c'est bien, mais pas au détriment de ce qui se passe ailleurs.
De quoi êtes-vous la plus fière ?
(Elle réfléchit) Je n'ai pas de fierté à avoir, j'ai fait mon travail. En revanche, ce que j'ai aimé faire, c'est amener
aux livres des personnes qui s'en étaient éloignées. Lorsque, lors d'un Salon du livre, Admiral T a fait sa première
scène avec son groupe Karukéra sound system, au Centre des arts, et qu'il a entraîné dans son sillage des
adolescents qui n'étaient jamais venus, nous avons marqué des points. Nous avons réussi à les réconcilier avec
la lecture et l'écriture.
Avez-vous des regrets ?
Je n'ai aucun regret parce que j'ai eu beaucoup de chance. J'ai eu la confiance d'une équipe municipale qui m'a
laissé faire ce dont j'avais envie. En revanche, il y a certains projets que j'aimerais voir aboutir : le pacte d'amitié
avec Bélem au Brésil qui mériterait d'être réactivé, et le fond photographique caribéen. Il s'agit de numériser les
photos anciennes de la Caraïbe et de les mettre en ligne, ce qui permettrait de préserver les collections et de les
valoriser en les rendant visibles à tous sans manipulation. Actuellement, elles sont dispersées et peu ou mal
conservées. Ce projet est long à démarrer car il nécessite des fonds européens.
Un message à ceux qui restent ?
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Je remercie tous ceux avec qui j'ai travaillé : les artistes, les libraires, les bibliothécaires... Ils m'ont beaucoup
appris. Surtout les artistes avec leur vision différente du monde. Moi qui n'ai pas de talent artistique, l'échange
avec eux m'est indispensable. Grâce à eux, j'ai conservé ma part de rêve (elle marque une pause). Ah si, j'ai tout
de même un regret à formuler : celui de ne pas parler créole. Je le comprends parfaitement, mais j'ai toujours
eu peur de me lancer.
- Parcours express
Brigitte Touzeau est arrivée en Guadeloupe, en septembre 1981. Quinze jours après, elle était embauchée à
la Librairie antillaise où elle a fait la connaissance d'un universitaire, adjoint au maire de Pointe-à-Pitre. Elle a
occupé ensuite un poste à la bibliothèque universitaire, avant de prendre la direction des bibliothèques de
Pointe-à-Pitre, en mai 1982.
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