Limites et inconvénients des méthodes traditionnelles de
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Limites et inconvénients des méthodes traditionnelles de préparation des squelettes Limits and Disadvantages of Degreasing Traditional Methods for Skeletons Gwenaël LEMOINE Conservatrice-restauratrice, Conservator Arc’Antique, 26 rue de la Haute Forêt, 44 300 Nantes, France [email protected] Résumé : Aujourd’hui les méthodes de préparation des squelettes les plus courantes sont l’enfouissement, le compostage, les dermestes, la macération dans l’eau, la cuisson, les macérations chimiques (détergents, bases) ou enzymatiques. Le nettoyage des os peut être suivi d’un dégraissage aux solvants organiques (éthanol, acétone, solvants chlorés). Dans le cas des squelettes gras, tels que ceux des cétacés, et des collections anciennes pour lesquelles les graisses sont oxydées, le dégraissage des os ne s’avère pas toujours efficace. Ces méthodes de préparation ne sont pas sans effet sur l’os : elles peuvent entraîner une altération de ses constituants qui compromet sa conservation et fausse toute étude scientifique ultérieure, ainsi que des déformations qui rendent difficile le remontage du squelette. Abstract: Today the current preparation methods for skeletons are burial, dermestid beetles, maceration in water, cooking, chemical maceration (detergents, bases) or enzymatic maceration. Cleaning of the bones can be followed by degreasing with organic solvents (ethanol, acetone, chlorinated solvents). In the case of fatty skeletons, like Cetacea’s ones, and the old bones in which greases are oxidized, the degreasing is not always effective. These preparation methods have an impact on the bone: they can involve a deterioration of its components which compromise its conservation and any later scientific study, as well as deformations which make difficult the skeleton articulation. Mots-clés : Préparation ostéologique, dégraissage, squelette, conservation. Keywords : Osteological preparation, degreasing, skeleton, conservation. 1. Introduction Dans le cadre d’une recherche sur la conservation des squelettes gras et les méthodes de dégraissage1, Arc’Antique s’est documenté sur les méthodes de préparation des squelettes. Les sources bibliographiques ont été complétées par un questionnaire envoyé par Arc’Antique en 2007 auprès de préparateurs en ostéologie, taxidermistes et conservateurs confrontés à cette problématique de squelettes gras. Parmi les différentes méthodes de préparation ostéologiques citées, il est parfois difficile de dissocier les phases de nettoyage ou élimination des tissus, des phases de dégraissage ou encore de blanchiment des os. En ce qui concerne le dégraissage, les méthodes employées 1 Programme national de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel (PNRCC 2009-2012) du ministère de la Culture et de la Communication, partenariat entre Arc’Antique, le Muséum d’histoire naturelle de Nantes, la société Archimex et l’I.U.T. de Laval. 1 pour les os frais ne sont pas forcément efficaces dans le cas de collections anciennes pour lesquelles les graisses sont dégradées. Nous présenterons ici un récapitulatif des méthodes de préparation (écharnage, dégraissage et blanchiment) des squelettes, avant de constater leurs limites en terme d’efficacité et leurs inconvénients en terme de conservation de l’os, de sécurité et d’hygiène pour le manipulateur. 2. Méthodes de préparation des squelettes Sur les os frais, les méthodes naturelles telles que l’enfouissement, le compostage végétal ou animal (excréments de vache ou d’éléphant par exemple), les dermestes (larves), sont aujourd’hui pratiquées. Il s’agit là de méthodes de nettoyage ou élimination des tissus (écharnage), qui n’ont qu’une action limitée de dégraissage. La technique la plus courante pour les spécimens frais reste la macération en solution aqueuse, dont l’efficacité est due à l’action des bactéries, qui décomposent la chair et les tissus mous. La macération se fait en eau froide, ou pour accélérer le processus, en eau chaude (le plus souvent entre 37 et 45°C, parfois jusqu’à 80°C). Avec la cuisson (ébullition, incubation ou micro-ondes), ce n’est plus l’action bactérienne qui entre en jeu, mais les hautes températures qui agissent plus efficacement sur la décomposition des tissus mous et la liquéfaction des graisses ; la cuisson permet également de stopper l’activité bactérienne après une macération ou la putréfaction. Lorsque des additifs sont ajoutés aux solutions aqueuses, on parle de macération chimique : - Les détergents sont des tensioactifs favorisant la dissolution des graisses. - Les enzymes ajoutées à l’eau accélèrent remarquablement le nettoyage des os et éliminent les odeurs associées à la macération traditionnelle. Les enzymes citées sont principalement des protéases telles que la papaïne 2, la neutrase3 ou la trypsine 4, elles influencent peu le dégraissage car elles interviennent sur les protéines (étape d’écharnage) et non sur les graisses5. La pancréatine est une combinaison de trois enzymes : alpha-amylase ou amylopsine, qui agit sur les polysaccharides ; steapsine (lipase pancréatique), qui agit sur les graisses, et trypsine (protéase), qui agit sur les protéines (Shelton & Buckley, 1990). Pour un dégraissage, les enzymes utilisées sont des lipases, beaucoup moins citées, qui catalysent l'hydrolyse des triglycérides en glycérols et acides gras. 2 La papaïne est une enzyme présente dans le latex de la papaye ainsi que dans l'ananas. Elle a la propriété de fragmenter les protéines. La papaïne a une activité optimale à des pH de 6-7 et à 60-70 °C. 3 La Neutrase est une protéase bactérienne (issue du Bacillus amyloliquefaciens) neutre avec une activité optimale à un pH de 5,5-7,5 et à 45-55 °C, plus efficace liquide qu’en poudre. 4 La trypsine est une enzyme digestive synthétisée par le pancréas ; elle transforme les chaînes polypeptides en chaînes protéiques plus courtes pour permettre la digestion. 5 Des lessives à base de protéases sont également utilisées, telles que Ariel® ou Persil®. En plus des enzymes, elles contiennent divers produits, notamment des tensioactifs ou détergents ((alkylbenzène-sulfonate, savon, laurylsulfate, dodécylbenzène-sulfonate, etc.), des sequestrants (ou chélatants, complexants, anticalcaires) comme les phosphates, les zéolites (silico-aluminates synthétiques de sodium), l'EDTA, les gluconates, les acides organophosphoniques, les citrates et les polycarboxylates ; des dispersants ou agents d’antiredéposition comme l'amidon, le carboxyméthyl-cellulose et les polyphosphates ; des agents de blanchiment comme le perborate de sodium, le percarbonate de sodium, le peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée), les hypochlorites ; et des azurants optiques. 2 - La soude (NaOH), la potasse (KOH), ou l’ammoniaque (NH4OH)6 sont des bases, elles saponifient les graisses et décomposent les protéines, qui deviennent ainsi solubles dans l’eau. Lorsque le nettoyage est insuffisant pour dégraisser les os, ce qui est le cas pour les squelettes gras tels que celui des cétacés, le dégraissage est réalisé dans des bains de solvants organiques. Les solvants utilisés sont des alcools (méthanol CH3OH, éthanol C2H5OH), des cétones (acétone CH3-C(=O)-CH3, méthyléthylcétone C2H-C5(=O)-CH3) et des solvants chlorés (trichlorométhane ou chloroforme CHCl3, trichloréthylène C2HCl3, tétrachloroéthylène ou perchloréthylène C2Cl4, tétrachlorure de carbone CCl4). En effet, les lipides ont une solubilité nulle ou faible dans l’eau mais élevée dans les solvants organiques peu polaires. Enfin, le péroxyde d’hydrogène (H2O2), l’hyperchlorite de sodium (NaClO ou eau de Javel) et le perborate de sodium hydraté (NaBO3.4H20) sont des oxydants qui permettent de désinfecter et de blanchir les os. 3. Défauts et limites des méthodes de préparation Les méthodes de préparation des squelettes sont nombreuses. Entre le manque d’efficacité, les inconvénients en termes de sécurité et d’hygiène pour le manipulateur, il n’existe pas de recette idéale. De plus, ces méthodes ne sont pas sans effet sur l’os : elles peuvent entraîner une altération de ses constituants (Williams 1999, Fernandez-Jalvo & Monfort 2008). L’enfouissement L’enfouissement du squelette dans le sol est une méthode longue et hasardeuse. On risque de perdre des os, et le squelette est exposé aux rongeurs. Les os seraient altérés par les racines uniquement lorsqu’ils sont abandonnés depuis longtemps, mais pas lorsqu’ils sont enfouis frais. Les racines de végétaux mettent deux ans à devenir actifs sur l’os, or moins de deux ans seraient nécessaires à la préparation du squelette (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Si le sol d’enfouissement est acide il y a un risque d’altération de la partie minérale de l’os 7 ; s’il est basique, c’est la partie organique qui est exposée. On préfèrera donc un sol neutre, et sableux pour permettre le drainage des eaux de pluie ; avec l’argile, le sol risque d’être innondé, et les os présentent souvent une coloration grise. Sur les squelettes préparés par enfouissement, on observe une perte de collagène et d’ADN. La porosité de l’os augmente, l’os est fragilisé en surface (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008 ; Smith & al., 2002). Le compostage S. Davis et S. Payne (1992) recommandent le compostage végétal pour les animaux de grande taille : les os sont recouverts de feuilles en décomposition, le tout exposé à la pluie. Les risques sont les mêmes que pour l’enfouissement, attaque par les rongeurs et autres vertébrés, développement de racines, en plus d’une attaque acide si les feuilles sont trop fraîches. 6 L’ammoniaque, ou hydroxyde d'ammonium, est une solution aqueuse formée à partir du gaz ammoniac (NH3). 7 L’os est constitué d’une partie organique, matrice de fibres de collagène rigidifiée par un remplissage serré de cristaux d’hydroxylapatite, la partie minérale. Tandis que l’apatite assure la tenue mécanique, le collagène apporte à l’os sa flexibilité ; en son absence, l’os devient friable. La préservation de ces deux constituants est donc indispensable pour la conservation à long terme de l’os. 3 Les dermestes Cette méthode est généralement utilisée sur les quelettes de petites taille. Les dermestes laissent des empreintes de mandibules, des trous aux bords irréguliers visibles au Microscope Electronique à Balayage. Ces marques empêchent toute étude histologique de la surface. Il est de plus très difficile d’éradiquer les dermestes en fin de traitement (aspiration, anoxie, températures extrêmes, bains d’alcool ou quarantaine) pour éviter toute infestation ultérieure. La macération La macération en eau froide (ou température ambiante) est une méthode très longue et très odorante. Elle est considérée comme étant la moins néfaste pour les os comme pour les utilisateurs. Cependant une macération prolongée peut conduire à une dégradation hydrolytique des protéines (collagène) et à la dissolution des parties inorganiques (Williams, 1999). Des craquelures et une desquamation de la surface de l’os peuvent apparaître suite à une immersion prolongée. La surface est altérée par les bactéries qui pénètrent l’os et il est très difficile de les éliminer au rinçage. Des cristaux minéraux (sels de chlorure de potassium, bismuth, chlore, silice et fer) sont susceptibles de se former à la surface de l’os pendant la macération dans une eau polluée (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Pointons le fait que les traitements en milieux aqueux ont une efficacité limitée sur les graisses à cause de la faible solubilité de celles-ci dans l’eau. La macération en eau chaude est plus efficace sur la décomposition des chairs et l’extraction des graisses. Mais une température élevée est nuisible à la bonne conservation du collagène de l’os (voir ci-dessous). La cuisson Lors de la cuisson la graisse se redépose à la surface de l’os. Le chauffage du bain favorise la diffusion de la graisse dans la microstructure de l’os. La cuisson entraîne une perte de poids et des changements dimensionnels, un gauchissement, du fait de l’altération du collagène qui fond et se gélatinise à haute température ; la porosité augmente (Williams & Smith, 1995, Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Les altérations de la surface sont microscopiques mais irréversibles, la surface paraît ondulée et grumeleuse. L’os devient mou et flexible, puis fragile et cassant, et finalement des craquelures (micro et macroscopiques) apparaissent ; l’ADN est dénaturé (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008)8. Les détergents Les mélanges de composants agressifs présents dans les lessives peuvent altérer l’os : décalcification, ramollissement, transparence (Simonsen & al., 2011). Des cristaux se forment si les specimens ne sont pas correctement rincés. Le problème avec l’utilisation d’un produit commercial est que la composition et la concentration du mélange sont souvent inconnues et susceptibles de changer (Shelton & Buckley, 1990). Les enzymes Les enzymes généralement ajoutées à la macération (papaïne, neutrase) influencent peu le dégraissage car il s’agit de protéases qui agissent sur les protéines (étape d’écharnage) et non sur les lipides. Avec les protéases les effets sont similaires à la digestion par jus gastrique : l’attaque acide s’ajoute à l’action enzymatique et altère la fraction minérale de l’os. Lorsque la durée du traitement est excessive, et la température élevée, les résultats sont désastreux : os 8 S. Williams (1999) note l’effet désastreux des températures élevées : au-delà de 45°C, les fibres de collagène sont dégradées. Cette température est à relativiser, car le collagène intégré dans la structure d’apatite pourrait supporter des températures plus élevées, comme c’est le cas pour la dentine, dans laquelle le collagène se dégrade à partir de 100 °C (Lim J.J., Liboff A.R., 1973. « Thermogravimetric Analysis of Dentin », Journal of Dental Research, 51, p. 509-514). 4 mou, plastiquement déformable tant qu’il est humide, fragile quand il est sec (FernandezJalvo et Monfort, 2008). On observe sous microscope polarisant des craquelures sur la surface, des angles érodés, la perte de nombreux détails caractéristiques. Si les enzymes ne sont pas dénaturées, la digestion enzymatique continue et altère le collagène de l’os, qui devient alors cassant (Shelton & Buckley, 1990). L’action enzymatique doit être absolument désactivée chimiquement ou par de hautes températures, ce qui, nous l’avons vu, risque de dénaturer le collagène. Considérées comme plus respectueuses de l’environnement, les enzymes sont cependant relativement nocives pour l’homme dans la mesure où elles présentent des risques allergiques. Leur manipulation implique des normes de sécurité précises à respecter. Les bases (soude, potasse ou ammoniaque) Les milieux basiques (à un pH supérieur à 9) favorisent la dégradation des graisses (par saponification) mais dénaturent également les protéines : elles ont un impact dommageable sur le collagène de l’os, juqu’à un effet destructeur lorsque le temps d’exposition est excessif (Williams & Smith, 1995). On observe parfois à la surface des os ainsi traités des craquelures et fissures, une dessiccation de la surface, du retrait. Cependant les analyses biomoléculaires montrent que l’ADN est préservé (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Les solutions basiques sont contraignantes à utiliser, du fait des risques d’irritations et de brûlures par contact avec la peau ou les yeux. Le gaz libéré par les solutions ammoniaquées est également extrêmement irritant pour les voies respiratoires. Les solvants organiques Plus ou moins efficaces pour le retrait des chairs et des graisses, ces produits causent des dommages sur les os non négligeables. Certains altèrent la fraction organique, en particulier protéinique. Les altérations observées avec l'éthanol et l'acétone sont une déshydratation et un dessèchement, des fissures et des craquelures. La surface est modifiée et l’étude histologique devient impossible (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Les solvants chlorés tels le trichloréthane et le trichloréthylène, lorsqu’ils sont chauffés, en présence d’humidité et exposés à la lumière du jour, se dégradent en acide chlorhydrique, source supplémentaire d’altération de la partie minérale des os. Ces solvants présentent des risques chimiques exacerbés lors des traitements des squelettes de grandes dimensions : inflammabilité du produit (acétone, éthanol), nocivité pour l’homme, causant irritations et brûlures par contact avec la peau ou les yeux (acétone), toxicité par inhalation (trichloréthane, trichloréthylène) voire effet cancérogène (trichloréthylène). Ils ont également un impact néfaste sur l’environnement (solvants chlorés en particulier), ce qui implique une prise en compte de leur recyclage lors de leur utilisation ; la réglementation sur les solvants chlorés s’est d’ailleurs fortement durcie ces dernières années. Les agents blanchissants Le péroxyde d’hydrogène est un agent dégraissant et blanchissant très efficace, au moins en surface. Mais les dégradations sont importantes : surface corticale altérée, angles saillants érodés, os crayeux (Fernandez-Jalvo & Monfort, 2008). Les solutions de péroxyde d’hydrogène sont en effet basiques et ont un fort pouvoir oxydant, elles peuvent donc altérer le collagène de l’os. L’hyperchlorite de sodium ou l’eau de Javel est encore plus corrosive, mais avec une tendance acide, d’où une action sur la partie minérale de l’os. 5 4. Effets des fluctuations d’humidité et de la température Hygroscopicité et déformations anisotropes Les os sont hygroscopiques et changent de masse et de dimensions avec les variations d’humidité interne et environnante, que ce soit de façon drastique suite aux traitements par immersion, ou par des variations climatiques (Williams & Smith, 1995). Ces déformations reliées aux changements d’humidité interne contribueraient à un stress qui peut occasionner une fracturation s’il excède la force de tension (élasticité) de l’os. L’os est par ailleurs susceptible d’être touché par un phénomène de fatigue : il est sujet à rupture avec la répétition du stress, minime, induit par des fluctuations cycliques d’humidité relative (Williams, 1999). En deçà de 45% d’humidité relative (HR), on peut s’attendre à une dessiccation et un craquèlement de l’os. Au-delà de 65% d’HR, le risque de développement de microorganismes attaquant la fraction organique est important. Température Selon Williams, au-delà de 45°C, on assiste à un début de dégradation des lipides mais aussi des protéines. Si l’augmentation de la température favorise la fluidification des lipides et leur migration vers la surface, elle provoque aussi des dommages irréversibles sur le collagène (Williams, 1999). A l’inverse, la congélation des os (dans un but de conservation temporaire) peut provoquer une oxydation des lipides et donc la création de radicaux libres et la dénaturation des protéines, en plus du risque de prise de volume et des tensions induites sur l’os. Les extrêmes de température sont donc un facteur non négligeable de dégradation de l’os gras. 5. Conclusion L’efficacité de ces traitements de préparation ostéologique est variable mais tous ces procédés ont en commun de dégrader la matière osseuse de façon conséquente. Ils peuvent entraîner une altération des constituants de l’os (modifications des protéines mais aussi de la fraction minérale) qui fausse toute étude scientifique ultérieure (anatomie comparée, taxonomie, analyse d’A.D.N., pathologie, taphonomie, histologie …) et des déformations qui rendent difficile le remontage du squelette. Les causes de ces dégradations sont variées : - attaques chimiques ou biologiques, - dissolution de constituants structurant le matériel osseux, - déshydratation. Par ailleurs, il faut souligner que ces produits généralement utilisés avec plus ou moins de succès pour l’écharnage et le dégraissage lors de la préparation ostéologique initiale, ne conviennent pas nécessairement pour l’élimination plus avant des graisses résiduelles dégradées. Cela s’explique par la nature physico-chimique des graisses susceptible d’évoluer au cours du temps en fonction des conditions de conservation de l’os. Les graisses fraîches (majoritairement des triglycérides) sont insolubles dans les solvants polaires tels que l’eau et l’éthanol. Mais dans le cas de graisses altérées par oxydation (oxygène de l’air) et hydrolyse (traitement aqueux et action des bactéries ou enzymes), les acides gras formés évoluent chimiquement pour former un film d’huile polymérisée en surface des os ; ces acides gras sont alors solubles dans les solvants polaires (communication de Gordon Turner-Walker à cette table ronde, « The Removal of Fatty Residues from a Collection of Historic Whale Skeletons in Bergen: An Aqueous Approach to Degreasing »). 6 La pratique du dégraissage de squelettes requiert donc une connaissance précise des propriétés physico-chimiques du substrat à traiter, l’os gorgé de graisse, de son état de conservation (qui peut être différent en surface et à cœur), mais il est également primordial de comprendre les interactions entre l’os et les produits de dégraissage employés, et les effets des paramètres de traitement. Pour le cas particulier des baleines ou autres animaux aux os de grandes dimensions ou très gras, il faut s’interroger sur l’efficacité du traitement choisi à cœur, et envisager l’éventualité d’un nouveau traitement, en mesurant les risques que cette intervention représente pour la conservation du squelette. Bibliographie Carter D. et Walker A., (1992), “Osteological preparation techniques”, in Care & Conservation of natural history collections, Oxford, Butterworth-Heinemann, p. 9-14. Davis S., Payne S., “101 ways to deal with a dead hedgehog: notes on the preparation of disarticulated skeletons for zoo-archaeological use”, Circaea, 8 (2), p. 95-104. Fernàndez-Jalvo Y., Monfort M.D.M., (2008), “Experimental taphonomy in museums: Preparation protocols for skeletons and fossil vertebrates under the scanning electron microscopy”, Geobios, 41, p. 157-181. Shelton S.Y. , Buckley J.S., (1990), “Observation on enzyme preparation effects on skeletal material”, Collection forum, 6 (2), p. 76-81. Simonsen K.P., Rasmussen A.R., Mathisen P., Petersen H., Borup F., (2011), “A Fast Preparation of Skeletal Materials using Enzyme Maceration”, Journal of Forensic Sciences, 56 (2), p. 480-484. Smith C. I., Nielsen–Marsh C. M., Jans M. M. E., Arthur P., Nord A. G., Collins M. J., (2002), “The strange case of Apigliano: early ‘fossilization’ of medieval bone in southern Italy”, Archaeometry, 44, p. 405-415. Williams S.L., (1999), Destructive preservation: a Review of the Effect of Standard Preservation Practices on the Future Use of Natural History Collections, Göteborg Studies in conservation 6, Acta Universitatis Gothoburgensis, 206 p. Williams S.L., Smith H.C., (1995), “Effect of osteological processing treatments on dimensions and moisture absorption potential of rodent skulls”, Collection forum, 11 (2), p. 46-57. Remerciements Nous remercions Claire MUSSO (Master de Conservation-Restauration des Biens Culturels, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne), pour l’énorme travail de documentation et de synthèse qu’elle a réalisé lors de son stage à Arc’Antique. Nous sommes reconnaissants aux nombreux professionnels qui n’ont pas hésité à nous consacrer du temps et à partager leur expérience et réflexions sur le sujet, et surtout : Willy Dabin du Centre de Recherche sur les Mammifères Marins (La Rochelle), Eric Pellé et 7 Laurent Défendini du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, Pierre-Henry Fontaine (spécialiste québécois des cétacés), Clayton Kenedy du Musée Canadien de la Nature (Ottawa) et Ulrich E. Schneppat du Bündner Naturmuseum (Chur, Suisse). 8 9