Hermès révèle le projet de son premier yacht pour milliardaires

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Hermès révèle le projet de son premier yacht pour
milliardaires écoresponsables
LE MONDE | 17.10.09 | 17h07 • Mis à jour le 17.10.09 | 17h07
Ancône (Italie) Envoyé spécial
'invitation ressemble à des préparatifs militaires secrets. Il faut d'abord embarquer à bord
d'un avion charter vers une destination inconnue, quelque part en Europe. Il est spécifié :
"Feuille de route ci-jointe, penser à se munir de chaussures costaudes". Le carton indique
également : "43° 37 Nord, 13° et des poussières". La longitude et la latitude qui marquent notre
destination. L'objectif du voyage est baptisé "WHY", "pourquoi" en anglais.
La puissance invitante est la société de luxe Hermès, qui est restée indépendante et familiale,
jadis sellier et devenue une maison florissante et éclectique. Pour preuve, elle s'intéresse
désormais aux yachts pour milliardaires. On l'apprend en fin de matinée une fois parvenu à
Ancône, sur la côte Adriatique, devant un vaste chantier naval.
On apprend aussi, enfin, ce que signifie vraiment "WHY" : W pour Wally, H pour Hermès, Y pour
Yachts. Va pour le "H" et le "Y". Mais Wally ? C'est en fait le nom d'une firme fondée en 1989 par
Luca Bassani, aventurier solitaire de la construction maritime, pour lancer "sur les mers, son
premier prédateur du commerce de luxe, le Wallygator". Luca Bassani explique cette histoire
d'amour : "Hermès-sur-Terre, Wally-sur-Mer... Nos chemins devaient inévitablement se croiser".
Hermès ne pensait à la mer qu'en termes de vareuses, tuniques ou carrés inspirés. Pierre-Alexis
Dumas, patron de la marque, est convaincu qu'il faut se jeter à l'eau et songer à un nouveau type
de bateau pour milliardaires rêveurs et peu pressés. Des bateaux sur mesure, il va sans dire, et
dont la construction peut prendre deux ans.
Pierre-Alexis Dumas voyage et ne s'interdit aucune curiosité tandis que Luca Bassani rêve d'un
navire plus classique, un supertanker de 100 mètres de long "avec court de tennis et palmiers". La
forme et la structure trouveront finalement leur modèle dans les navires câbliers qui passaient les
lignes téléphoniques à travers l'Atlantique jusqu'à ce que les satellites les remplacent. Le dessin
final sera conçu par Dumas et Bassani, avec le designer Gabriele Pezzini (Hermès), et l'architecte
naval Mauro Sculli. Luca Bassani trouvera son modèle de coque avec le constructeur naval
norvégien Roar Ramde de Ranform.
Lorsque le rideau se lève dans la halle du chantier naval, un animal étrange apparaît, vu de
l'arrière, et solidement maintenu par une résille de charpente métallique : 38 mètres de large, 58
mètres de long. Un yacht énorme et pas vraiment effilé. Mais il ne s'agit que d'une maquette
grandeur nature, promettant tout le luxe de la plus immobile des villas.
A chaque client d'aménager ce yacht d'un genre nouveau selon ses goûts : Hermès ou Roméo,
Faubourg-Saint-Honoré ou Faubourg-Saint-Antoine, l'architecte Christian de Portzamparc ou le
décorateur Jacques Garcia, réserve ou ostentation.
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2009/10/17
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Un film en trois dimensions donne une idée assez précise de ce que sera le futur navire sur l'eau :
l'engin est élégant, propice à la paresse, suprêmement avachi en proue. De sa plage arrière, on
peut se glisser à l'eau sans effort tant les deux niveaux sont proches. Il faudra s'habituer à ce drôle
d'animal, un peu tatou, un peu tamanoir.
Les transats s'y agiteront peu car sa vitesse est limitée à quatorze noeuds. Mais ce n'est pas, non
plus, un bateau pour jouer au bridge. Il fait plutôt penser aux navires chargés d'étudier les séismes,
de jouer les brise-glace, voire les remorqueurs. La surface habitable de 3 400 m2 est sur trois
niveaux, peut accueillir 12 passagers et 20 hommes d'équipage ou de service, comprend une
piscine de 25 mètres de long et, à l'avant, une plate-forme d'hélicoptère. "On peut l'imaginer en
plus petit ou plus grand, explique Patrick Thomas, administrateur d'Hermès. Celui que nous
présentons coûte 150 millions d'euros. Une version de luxe, certes, mais moins chère que des
yachts classiques plus longs. On peut le redessiner pour trente personnes, voire imaginer une
formule hôtel, avec des contraintes de sécurité différentes."
Il n'y a pas de hublot, par exemple, mais 300 m2 de fenêtres qui donnent à l'engin une allure
James Bond et un sourire de crocodile en fin de digestion. Trois patios, trois cours intérieures
conduisent la lumière naturelle au plus profond de la coque.
Le pont supérieur est recouvert de 900 m2 de panneaux solaires thermovoltaïques, assurant une
consommation de fioul inférieure de moitié à celle d'un yacht similaire. WHY prévoit la mise en
place d'une voile de propulsion géante fonctionnant comme un cerf-volant (le Skysail mis au point
par une firme allemande).
Une seule promesse de vente du bateau Hermès rendrait viable l'aventure de ce bijou
d'architecture motorisée, comparable par son prix à un ou deux Rafale. "Arrivant au creux de la
vague financière, s'interroge Patrick Thomas, rien ne nous dit que nous trouverons des clients,
même si l'on sait que les grandes fortunes, même réduites, restent des grandes fortunes." Mais
l'administrateur d'Hermès ne perd pas de vue la crâne utopie du projet : "Si nous n'en vendons
pas parce que la forme s'avère trop en rupture avec le modèle traditionnel du yacht, nous aurons
au moins fait avancer la réflexion sur ce que peut être un bateau de plaisance."
Frédéric Edelmann
Article paru dans l'édition du 18.10.09
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2009/10/17