La pétanque de Newton(1) - Union des Professeurs de Physique et

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La pétanque de Newton(1) - Union des Professeurs de Physique et
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La pétanque de Newton (1)
Partie2
par Julien BARTHES
Lycée Gustave eiffel - 21000 Dijon
[email protected]
RÉSUMÉ
Dans un précédent article [1], nous avons tenté une démonstration expérimentale
du transport par le son des informations de conservation d’énergie cinétique et de quantité de mouvement. Nous montrerons dans cet article comment évoluent déplacement et
surpression lors de l’impact d’une boule du pendule de Newton sur les autres afin de
justifier l’article précédent.
INTRODUCTION
Le pendule de Newton est un dispositif comportant
cinq billes identiques suspendues à des potences. La
résolution physique du phénomène de rebonds des billes
consiste à écrire la conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie cinétique [2]. On obtient alors un
système d’équations à résoudre montrant que si une bille
est lâchée, la dernière rebondit. Toutefois, l’unicité de la
solution n’est pas assurée [5] (considérez un choc avec
une bille à la vitesse V 0 repartant avec une vitesse – V 0 /3
accompagnée de deux billes à la vitesse 2V 0 /3 ). Comment les billes se transmettent elles les informations de
Figure 1 : Pendule de Newton.
quantité de mouvement et d’énergie cinétique ? Comment choisissent-elles la solution des équations de conservation ? Nous tenterons de
répondre à ces questions en étudiant la propagation des ondes acoustiques dans le
pendule.
(1)
NDLR : À l’heure où ces lignes sont écrites, ce projet a reçu un premier prix aux Olympiades de Physique
France. Puis, au concours C-Génial, les élèves ont été primés pour participer au concours international
CASTIC (College of Arts and Sciences Technology Information Center) en août 2010 à Canton en Chine
et MM. BArTheS et LANGLOIS feront parti de la délégation française pour participer au concours européen
Science on stage en avril 2011 à Copenhague au Danemark.
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1. Modélisation du pendule
1.1. Un modèle unidimensionnel
Figure 2 : Modèle du pendule.
Bien que les boules d’un pendule de Newton soient sphériques, nous les considérerons cubiques afin de limiter le problème à une seule dimension… Cette approximation
drastique ne diminue pas la compréhension du phénomène et le lecteur passionné pourra
toujours tenter de résoudre (numériquement) les équations suivantes sur une sphère en
utilisant le modèle de hertz [3].
Pour s’assurer que les boules soient au contact les unes des autres, un léger resserrement vers le centre des points d’attache de chaque boule est effectué à la construction.
Ainsi lorsque toutes les boules sont au contact les unes des autres, on obtient ainsi un
système compact que l’on supposera homogène nous modéliserons le pendule complet
par une barre homogène de longueur L = 5a.
Nous noterons p (x, t) le déplacement par rapport à l’équilibre d’un petit élément de
la barre constituée des cinq cubes et nous intéresserons à la propagation de l’onde résultant du premier choc uniquement.
Figure 3 : Notation de la déformation du système.
1.2. Conditions initiales
Lorsque toutes les billes sont au contact et au repos, le pincement des fils impose
déjà une déformation de l’ensemble. Ainsi, il est possible d’exercer une force infime pour
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lever la boule de gauche et garder l’ensemble des cinq billes en contact.
Figure 4 : Pincement des fils.
Nous en déduisons qu’au moment de l’impact, la première bille possède un décalage vers la gauche par rapport à l’équilibre et que tous ses plans atomiques possèdent
une vitesse dirigée vers la droite.
Sur notre modèle de barre homogène, nous supposerons alors que tous les éléments
du premier cube ont un déplacement négatif noté – e, arbitrairement petit. Ce décalage
n’est pas nécessaire dans un premier temps pour la résolution du déplacement. en revanche,
sa présence nous permettra de faire apparaître visuellement « l’onde de choc ».
Nous noterons u la vitesse du premier cube, au moment de l’impact. Nous poserons
donc égale à u la vitesse de tous les éléments du premier cube. Ainsi, les conditions initiales sont les suivantes :
– f si 0 1 x 1 a
p (x, 0) = )
0 sinon
u si 0 1 x 1 a
2p
(x, 0) = )
2t
0 sinon
2p
F
La « pression » (ou contrainte) est telle que v = S = E 2x , où E est le module
d’Young.
Figure 5 : Conditions initiales.
1.3. Équation d’évolution
Le milieu étant homogène, le déplacement suit donc l’équation de d’Alembert [2] :
2
2
2 p 1 2 p
2 – 2
2 =0
2x
c 2t
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Avec c la célérité des ondes acoustiques dans ce milieu définie par :
c=
E
t
où E est le module d’Young et r la masse volumique du matériau.
1.4. Conditions aux limites et forme de la solution.
Compte tenu des conditions aux limites, nous allons donc chercher une solution sous
la forme d’une superposition d’ondes stationnaires. La solution voulue est à variables
séparables pouvant se décomposer sous la forme d’une série [4] :
3
p (x, t) = a0 + b0 t + / an cos ^kn xh cos ^~n th + bn cos ^kn xh sin ^~n th
n =1
+ cn sin ^kn xh cos ^~n th + dn sin ^kn xh sin ^~n th
Les conditions aux limites de notre système sont dites « conditions aux limites libres » :
le déplacement des extrémités du barreau n’est pas contraint par l’air extérieur. Ceci se
traduit par la continuité de la pression à chaque extrémité [3]. Ainsi, pour tout t :
2p
2p
2x (0, t) = 2x (L, t) = 0
2p
L’équation 2x (0, t) = 0 conduit à une condition sur les coefficients du développement
proposé ci-dessus :
2p
2x (0, t) = 0 ( cn cos ^~n th + dn sin ^~n th = 0
Comme la condition au limite est valable pour tout t, on en déduit que :
2p
2x (0, t) = 0 ( cn = dn = 0
2p
L’équation 2x (L, t) = 0 conduit à la condition suivante :
2p
2x (L, t) = 0 ( an cos ^kn Lh cos ^~n th + bn cos ^kn Lh sin ^~n th = 0
Comme la condition au limite est valable pour tout t, on en déduit que pour obtenir une
solution non nulle, le vecteur d’onde doit vérifier :
2p
2x (L, t) = 0 ( cos ^kn Lh = 0
soit :
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nr
kn = L
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2. RÉSULTATS ET DISCUSSION
2.1. Forme de la solution
La détermination des coefficients de la série de Fourier à l’aide des conditions initiales
donne [4] :
1
a0 = L
1
an = L
et :
#0
L
1
b n ~n = L
#0
a
p^x, th dx = – f L
2f
p (x, t) cos ^kn xh dx = – nr sin ^kn ah
#0
L
u
(x, t) cos ^kn xh dx = nr sin ^kn ah
bn =
soit :
L
2uL
sin ^kn ah
2 2
n r c
2.2. Visualisation de la solution et commentaires
Les graphiques ont été réalisés à l’aide du logiciel Maple et Illustrator avec les
valeurs suivantes :
f = 10
–5
; u = 1 ; c = 1000 ; L = 5a ; xS = 1
Déplacement
p (x, t)
Vitesse
p (x, t)/ u
Surpression
– 1 dp (x, t)
p= x
dx
S
À t = 0, l’onde de choc à l’instant du contact se traduit par une surpression négative
localisée entre la première et la seconde boule.
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t = L /10c
Tandis que la déformation se développe sur la droite, la vitesse de chaque plan atomique est deux fois plus faible que la vitesse des éléments lors de l’impact. enfin, la
surpression se scinde en deux ondes de choc se déplaçant dans des directions opposées.
t = 3L /10c
Le déplacement des éléments situés à gauche de l’onde de choc se stabilise vers une
valeur fixe, le champ des vitesses se résume à un paquet d’ondes de vitesse u/2 et de
largeur 2a, la surpression se réfléchit en changeant de signe sur l’extrémité gauche.
Nous obtenons alors deux ondes séparées de 2a et se déplaçant vers la droite avec la
vitesse c.
t = 9L /10c
La déformation de l’ensemble se poursuit, l’onde de vitesse, parvenue à l’extrémité droite
augmente brutalement. La surpression se réfléchit sur l’extrémité droite et repart à gauche en direction de l’autre onde de choc.
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t = L /c
enfin, la déformation présente une discontinuité au niveau de la jonction entre la
quatrième et la cinquième boule, tous les éléments de la cinquième boule présentent la
même vitesse u et la rencontre des deux ondes de choc se traduit par une surpression
localisée à la jonction entre la quatrième et la cinquième boule.
CONCLUSION
Ainsi, l’explication avancée dans l’article précédent [1] expliquant que l’onde de
choc et l’onde sonore étaient confondues lors d’un impact trouve fondement dans l’existence d’une surpression acoustique. L’onde de choc lors d’un impact est en réalité une
surpression acoustique qui se propage à la vitesse du son dans, elle justifie l’explication
« avec les mains » permettant d’appréhender de façon simple le fonctionnement du
pendule de Newton (cf. article [1]). Il est donc illusoire de penser que l’on pourrait à
l’aide d’un marteau taper la chaîne de boules et choisir, en fonction de la vitesse du
marteau, faire décoller le nombre de boules que l’on veut. Seul un choc constitué d’une
boule peut faire décoller une unique autre boule en fin de chaîne !
REMERCIEMENTS
L’auteur remercie chaleureusement Gérard COLAS DeS FrANCS, Alain CAILLATe,
Catherine JANNOT et Jérôme BACK pour leur aide dans la rédaction de cet article.
BIBLIOGRAPHIE ET NETOGRAPHIE
[1] BArTheS J. et LANGLOIS P. « La pétanque de Newton (partie 1) ». Bull. Un. Prof.
Phys. Chim., juillet-août-septembre 2010, vol. 104, n° 926, p. 869-876.
[2] PÉreZ J.-P. Mécanique, fondements et applications. Paris : Dunod, 6e édition, 2001.
[3] hUTZLer S., DeLANeY G., WeAIre D. et MACLeOD F. « rocking Newton’s cradle ».
Am. J. Phys., 2004, 72 (12), p. 1508-1516.
[4] FerreIrA P. et MAS-GALLIC S. Cours « Équations aux dérivées partielles », décembre 2001.
http://www.maths.univ-evry.fr/pages_perso/masgallic/IUP2_EDP.pdf
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[5] herrMANN F. et SChMÄLZLe P. « Simple explanation of a well-known collision
experiment ». Am. J. Phys., août 1981, vol. 49, p. 761-764.
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