Lire la suite

Transcription

Lire la suite
enquête • les folles idées innovantes des pépites françaises
ELLES FONT LE SHOW à LAS VEGAS
Pourquoi la French
Tech impressionne
son monde
En janvier, les pépites françaises ont une occasion
unique pour s’imposer d’emblée à l’international.
P
as de doute : avec
160.000 visiteurs, 3.500
exposants, 20.000 nouveautés, 185.000 m² de
salon et 5.000 médias,
le CES (Consumer Electronics Show)
de Las Vegas est devenu le salon
D
Le Nîmois Snapkin impose le robot
architecte d’intérieur
epuis sa création en août
2013, cette pépite nîmoise
accumule les récompenses
(MoovJee Innovons ensemble, 101
projets...). Dernier exemple en date,
le concours «Pépite Tremplin pour
l’entrepreneuriat étudiant» du
ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche,
qui a valu aux deux jeunes
fondateurs, Jérémy Guillaume
et Damien Rous, tout juste
sortis de l’école, de déjeuner à
l’Élysée en juin dernier.
En collaboration avec
le Laboratoire de
Génie Informatique
et d’Ingénierie
de Production
(LGI2P) de
l’EMA, le duo a mis au point un outil
permettant d’obtenir le modèle 3D
de l’intérieur d’un habitat et son plan
d’architecte. Une innovation qui devrait
intéresser plusieurs corps de métier,
architectes, géomètres, urbanistes,
agents immobiliers... Un marché
prometteur, d’autant qu’avec
Snapkin, l’aménagement
n’est plus réservé qu’aux
professionnels. «Nous sommes
les premiers à proposer un outil
permettant d’obtenir en quelques
minutes le modèle 3D
et le plan 2D de son
intérieur», se réjouit
Jérémy Guillaume,
et cela en quelques
minutes seulement
sans manipulation
Jérémy Guillaume
64 Entreprendre
incontournable des industries numériques. Chaque année y sont lancées les
dernières nouveautés en électronique,
informatique, télécommunications,
e-santé, objets connectés... autant de
secteurs au cœur de l’innovation. À
côté des entreprises majeures telles
que Qualcomm, Samsung, Withings,
Sony..., les jeunes pousses, regroupées à l’Eureka Park, l’espace dédié
aux start-up, profitent de la vitrine.
L’année dernière, la fourchette connectée Hapifork d’Hapilabs (qui vous aide
à manger mieux et moins vite), la
lampe Holî de FiveFive (lampe bluetooth multicolore contrôlée par smartphone qui s’adapte à vos envies) ou la
brosse à dents connectée de Kolibree
préalable. Finis
les relevés
de mesures
périlleux et
imprécis ainsi
que les dessins
hasardeux.
Le recours à
Snapkin permet de
s’immerger dans
son intérieur tout en
offrant la possibilité
de le réaménager
directement via
Internet. Les deux start-uppers,
pour qui «l’avantage de la création
d’entreprise est de ne jamais faire la
même chose», visent 1 M€ de CA dès
fin 2015 et espèrent une levée de
fonds prochaine.
Le Montpelliérain Voxtok connaît la musique
L
es idées de Joël Reboul,
ex-directeur du pôle R&D
Web technologies de Mstar
Semiconductor (leader mondial
sur le marché des TV) et serial
entrepreneur (Pleyo, devenue
un acteur incontournable de
solutions logicielles pour TV, ou
eProcess, fusionnée depuis avec
une filiale d’un grand groupe),
valent de l’or. Dernièrement, ce
passionné de musique et également
musicien a mis son expérience
de l’électronique au service de
la musique. Et déjà, Voxtok, la
jeune start-up montpelliéraine
qu’il vient de créer, fait beaucoup
parler d’elle. «Nous venons d’être
primés par les organisateurs du
CES avec un CES Innovation Award
Honoree, dans la catégorie High
Performance Home Audio/Video»,
indique fièrement l’entrepreneur
récidiviste qui, avec Voxtok Audio
Capsule, compte bien s’imposer
«sur le marché audio haut de
(qui surveille vos dents contre le tartre,
les caries...) ont fait sensation ! Fait
remarquable : sur les 70 innovations
présentées en ouverture du CES, 10
étaient d’origine française, dont Aura
(Withings), June (Netatmo), Mother
(Sen.se), MiniDrone (Parrot).
Houra à la French Tech
gamme et du multi-room, sujet très
à la mode en ce moment et trusté
principalement par les américains
(Sonos) et les marques japonaises
de l’audio – Denon, Sony...». Cette
innovation permet d’écouter de la
musique dans la meilleure qualité
(haute résolution), de la diffuser
dans les pièces de votre maison
(multi-room), d’accéder à votre
bibliothèque unifiée en mobilité
(plate-forme Voxtok Cloud) et
d’utiliser le système avancé de
recommandation. «Le système est
contrôlé par une application très
simple, à la fois la télécommande
et un lecteur audio autonome.
Voxtok offre une nouvelle vision
de la hi-fi, et change la façon dont
nous accédons et découvrons la
musique». Très au fait, Joël Reboul
a déjà installé le siège social de
sa pépite aux USA, l’essentiel de
la R&D et de la fabrication étant
réalisé en France.
Novitact, le bracelet de
communication tout-terrain
L
e défi de cette pépite
fondée en 2013 à
la Croix-Saint-Ouen
(Oise) par Thibaud Severini et
Vanessa Caignault ? Donner
du sens au toucher ! Son
produit-phare ? Feeltact,
bracelet connecté qui utilise
le sens du toucher pour
communiquer.
«Grâce à sa
conception,
Feeltact
Et oui, la France était le 1 er
exposant de l’espace dédié aux startup en 2014... et ce sera encore le
cas en 2015, avec la présence de
120 start-up tricolores (80 lors de
la dernière édition), sur les 350 de
l’Eureka Park. Une belle reconnaissance pour les pépites de la
French Tech encore en mal
de notoriété ! À la clé, une
Thibaud Severini et
renommée internationale, des
Vanessa Caignault
pré-commandes... ou encore
permet d’émettre des
messages par pression de
boutons et d’en recevoir
sous forme de vibrations
autour du poignet. En jouant
sur l’intensité, la durée et
le rythme des vibrations,
les messages sont
facilement interprétables»,
explique Thibaud Severini,
26 ans. Sur un marché
concurrentiel où œuvrent
des mastodontes comme
Samsung ou Sony, le
duo espère bien faire la
différence en misant sur la
communication sensorielle.
«Nous sommes convaincus
qu’une sensation tactile
telle qu’une vibration ou une
variation de température
peut constituer un message
porteur de sens dans des
domaines aussi variés
que la sécurité, les jeux
vidéo, les communications
interpersonnelles...»,
indique Vanessa
Caignault, 34 ans. De quoi
convaincre professionnels
et particuliers pour qui
communiquer discrètement
est une nécessité. À la clé ?
Un CA de 10 M€ dès 2017.
Entreprendre 65
enquête • les folles idées innovantes des pépites françaises
On va en entendre parler !
La basket ventilée et connectée de Glagla
Innovation française, Glagla est une basket
ventilée spécialement étudiée pour
permettre la libre circulation
de l’air. Au CES, on pourra
découvrir la nouvelle collection,
des chaussures et semelles
pouvant être chauffées depuis un
smartphone et fournissant des
informations sur la distance parcourue, les calories
brûlées, l’altitude... via l’application dédiée. Fondée
à Nancy en 2009 par Karim Oumnia, ingénieur de
formation passionné de sports et d’innovations, Glagla
International (2 M€ de CA) distribue déjà ses produits
dans plus de 50 pays.
La poubelle intelligente
de Green Creative
Après avoir levé 600.000 € en
octobre auprès de business
angels, Scientipole Capital et
Bpifrance, la jeune entreprise
innovante fondée en 2010 à
Lagny-sur-Marne (77) par Lucile
Noury-Soyer et Rémi Gomez, tous
deux ingénieurs, Green Creative
(200.000 € de CA), spécialisée
dans la fabrication de solutions innovantes de tri et
de valorisation des déchets, va présenter sa dernière
innovation, le R3D3, une poubelle design, intelligente
et connectée pour trier et compacter automatiquement
canettes, bouteilles et autres gobelets.
Les lunettes connectées
à réalité augmentée d’Optinvent
Avec ses premiers modèles de lunettes connectées à
réalité augmentée, l’Ora-1 (destinée aux développeurs) et
l’Ora-S (pour le grand public),
la start-up rennaise
Optinvent, fondée
en 2007 par Kayvan
Mirza et Khaled Sarayeddine (respectivement 20 ans
d’expérience dans l’industrie de l’électronique grand
public et l’industrie de l’optique), ne craint pas les géants
comme Google et ses Google Glass. «Comme pour les
smartphones, même s’il y a segmentation, il y a de la
place pour tout le monde», prédit d’ailleurs Kayvan Mirza.
20 millions de lunettes connectées devraient ainsi être
vendues d’ici 2018, pour 10,5 milliards de dollars. Une
place à prendre pour Optinvent avec ses Ora équipées
d’un microprocesseur, d’une caméra et de capteurs,
qui peuvent faire tourner des applications Android
localement, se connecter en Wi-Fi ou via bluetooth...
66 Entreprendre
La TT-Bee de Digital Airways
anticipe vos désirs
D
éjà présente sur
l’Eureka Park l’année
dernière avec BeeWall,
un écran mural interactif pour
la maison, Digital Airways
(50 K€), vieille start-up
fondée en 1998 qui s’est
développée à partir du marché
de la téléphonie et produit des
interfaces utilisateurs pour de
grands industriels (Schneider
Electric, PSA Peugeot Citroën,
Neopost, SEB, Calor), remet
le couvert. Il faut dire que
son premier passage à Las
Vegas, via sa filiale Fundatrix
créée en 2012 par Franck
Lefevre «afin de partager
notre passion pour les
objets connectés, l’Internet
des objets, les interfaces
homme-machine et la
capacité de ces technologies
Franck
à laisser leurs utilisateurs
Lefevre
créer leurs propres produits»,
a permis à l’entreprise installée à
Argentan (Orne) d’augmenter son CA
de 55,26%. Cette année, elle présente
TT-Bee, une «Thing Box» qui met en
relation tous les objets connectés,
quels que soient leurs spécifications
ou leurs standards. Il suffit de brancher
B
la TT-Bee sur sa propre box/
réseau pour rendre disponible
tout type d’application,
d’objet connecté et de
services Internet. Grâce à elle,
l’éclairage de votre bureau
s’adapte à la lumière du jour,
vous recevez un SMS quand
une fuite d’eau est détectée chez vous,
le compte Twitter de votre chat signale
lorsque ce dernier rentre à la maison,
vous commandez votre télévision à la
voix, votre cafetière s’allume dès que
vous sortez de la douche... Le futur est
déjà parmi nous !
Smart Me Up analyse les
asée en banlieue
grenobloise, Smart Me Up,
fondée en 2012 par Loïc
Lecerf, passionné d’intelligence
artificielle, a conçu une technologie
d’analyse de visage en temps réel
capable d’extraire toute une série
d’informations : estimer l’âge, le
sexe, le niveau de sourire ou de
fatigue... et même compter le
nombre de personnes. Son logiciel
d’analyse est en effet capable de
détecter autant de caractéristiques
sur un visage que pourrait le faire
un humain : le genre, l’âge, le
positionnement de la tête et de l’iris,
ou encore les émotions. Après 2 ans
de recherche, la technologie atteint
un niveau de performance parmi les
meilleurs au monde. Les premiers
contrats avec des clients dans des
secteurs très variés,
Sezam, le bracelet
connecté qui vous libère
L
’innovation de Benoît
Pascal et Clément Barbier,
deux jeunes créateurs de
22 ans, a déjà tapé dans l’œil de
Xavier Niel (Free), Marc Simoncini
(Meetic) et Jacques-Antoine
Granjon (vente-privée.com)
puisque Sezam Labs, leur startup, créée en mars 2014 à Ambert
(Puy-de-Dôme), est déjà lauréate
du concours #101 projets. Leur
concept Sezam Event permet de
dématérialiser et d’optimiser la
billetterie grand public pour tous
types d’événements (festivals,
spectacles, manifestations
sportives...). Le duo a imaginé
un bracelet connecté au design
épuré servant à la fois de ticket
d’entrée, de porte-monnaie
et offrant la possibilité de tout
partager sur les réseaux sociaux.
«Nous avons pensé Sezam Event
avec un objectif simple, offrir
aux spectateurs une expérience
nouvelle. Plus de billet à imprimer
et à conserver, pas besoin de
porte-monnaie. Avec le bracelet
Sezam Event, les
spectateurs sont libres
de leur mouvement.
Entrer, consommer, se
déplacer… tout se fait
en un tour de main et
en quelques secondes», Benoît Pascal et Clément Barbier
les organisateurs d’événements
expliquent-ils. En effet, il faut
en tout genre. Avec chaque année
seulement 5 secondes pour
400 millions de spectateurs qui se
régler avec le bracelet Sezam
rendent à un match, un concert,
Event contre 30 secondes pour
un festival... et 200 millions
une transaction en liquide. Une
innovation majeure dans le milieu aux États-Unis, le marché est
immense !
événementiel qui devrait séduire
visages en temps réel
comme les objets connectés, la distribution
de lunettes ou la photographie, signés depuis
début 2014, ne doivent donc rien au
hasard. Rejoint par deux chercheurs
et un polytechnicien depuis début
septembre pour la R&D, Loïc Lecerf
s’est associé à Matthieu Marquenet,
ancien de Parrot et diplômé
d’HEC, en charge du
développement
commercial. Car les
applications sont
nombreuses. Détection
de somnolence
des conducteurs,
vérification de photo d’identité, analyse
d’audience, identification de personnes,
analyse d’émotions. La jeune pousse espère
lever 1 M€ début
2015 auprès
d’investisseurs
impliqués et
expérimentés.
Matthieu Marquenet et Loïc Lecerf
de très belles levées de fonds, à
l’image des 23,5 M€ de Withings,
fondée en 2008 par Éric Carreel et
Cédric Hutchings, qui écoule désormais 90% de ses objets connectés
(pèse-personne, hors de France, dont
50% aux États-Unis). Et elle n’est
pas la seule à avoir profité du CES !
On peut citer Netatmo (fondée en
2011 par Fred Potter, 4,5 M€ levés)
et ses stations météo, ses thermostats... ou Parrot qui renoue avec la
croissance grâce à ses ventes de produits grand public (drones et objets
connectés, +130%), qui représentent
désormais plus de la majorité de son
CA (235 M€). Qui a dit que notre
économie n’avait pas d’atouts ! •
Marie Simonnetti
Entreprendre 67