FANGET Annick 1.21
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FANGET Annick 1.21
FANGET ANNICK Directrice IREIS de la LOIRE IREIS 42 rue de la Tour de Varan 42700 Firminy FRANCE [email protected] Texte en vue du congrès international : Intervention sociale et développement, quelles références pour quelles pratiques? Axe 1 Éducateurs spécialisés : La place de la connaissance des politiques sociales dans le cadre de la formation et réalités de la mise en oeuvre sur le terrain professionnel. RESUME : Les référentiels de formation des professions sociales marquent un tournant dans l'approche des politiques sociales. En effet, la dominance dans la manière d'aborder les publics et de conduire un accompagnement était, pour les éducateurs spécialisés, jusqu'à ces dernières années basée sur l'individu : l'enfant, la personne handicapée.... Une mutation est en train de prendre forme dans la réalité quotidienne de ces professionnels. Les éducateurs spécialisés doivent savoir situer leur travail dans le cadre plus large des politiques sociales. Cela implique une réelle évolution du positionnement des professionnels qui doivent mieux connaître les textes originels et leurs mises à jour successives pour maîtriser le contexte dans lequel leurs différentes interventions s'inscrivent. Cet atelier propose de se questionner sur : comment aider d'une part les futurs éducateurs et d'autre part les professionnels aguerris à se (re)saisir des connaissances nécessaires, à approfondir l'analyse de leur propre implication dans l'application de ces politiques sociales? Comment porter un regard critique vis à vis du champ de leurs actions, pouvant aller jusqu'à argumenter face « à la raison gestionnaire et managériale d'esprit libéral » qui s'installe dans l'action sociale? quelles méthodes 1 pédagogiques seraient les plus appropriées pour vaincre une certaine résistance des étudiants pour prendre à bras le corps ces nouvelles donnes? TEXTE POUR COMMUNICATION Introduction Si l'on revisite les textes qui régissent le diplôme d'éducateur spécialisé, on trouve des données qui définitions et cadres qui évoluent. L'arrêté du 6 juillet 1990, réformant le diplôme d'éducateur spécialisé, indiquait dans ses principes généraux : « L'éducation spécialisée concourt à l'éducation d'enfants et d'adolescents ou au soutien d'adultes présentant des déficiences psychiques ou des troubles du comportement ou en difficulté d'insertion, en collaboration avec tous ceux qui participent à l'action éducative, thérapeutique et sociale ». La mission de l'éducateur spécialisé a été définie ainsi dans l'arrêté du 12 mars 2004 : « Par son implication dans une relation socio-éducative de proximité inscrite dans une temporalité, l'éducateur aide des personnes en difficulté dans le développement de leur capacité de socialisation, d'autonomie, d'intégration et d'insertion en fonction de leur histoire et de leurs possibilités psychologiques, physiologiques, affectives, cognitives, sociales et culturelles ». Cette définition donne une orientation particulière au métier d'éducateur : il serait essentiellement centré sur une relation socio-éducative auprès des individus et au développement de leurs compétences. Cette conception du métier d'éducateur n'est évidemment pas neutre et renvoie ce métier et le travail social à une fonction de prise en charge d'individus issus de populations particulières. Le texte de l'arrêté du 20 juin 2007, dernière réforme de la formation au diplôme d'état d'éducateur spécialisé quant à lui précise : « L'éducateur spécialisé, dans le 2 cadre des politiques partenariales de prévention, de protection et d'insertion, aide au développement de la personnalité et à l'épanouissement de la personne ainsi qu'à la mise en œuvre de pratiques d'action collective en direction des groupes et des territoires. » L'éducateur doit donc travailler avec des acteurs locaux « partenaires » à plusieurs niveaux : entre autres celui de l'individu-usager et par ailleurs celui plus global du territoire par une action en collectif. L'éducateur et/avec son institution sont donc invités à s'inscrire dans une logique territoriale avec le souci de construire une ou des réponses avec les acteurs locaux, sous la forme d'un partenariat ou d'un réseau d'acteurs. Cette logique de décloisonnement est précisée : « Son intervention, dans le cadre d'équipes pluriprofessionnelles, s'effectue conformément au projet institutionnel répondant à une commande sociale éducative exprimée par différents donneurs d'ordre et financeurs, en fonction des champs de compétences qui sont les leurs dans un contexte institutionnel ou un territoire [...] » L'éducateur doit pouvoir se positionner dans un réseau d'acteurs locaux en respectant la mission de son institution et les domaines de compétences des autres partenaires. Dans cette présentation, un rapport de dépendance légitime est ici clairement exprimé et il s'agit davantage de s'inscrire dans un partenariat « imposé » par une politique publique ou un dispositif territorialisé. Le texte ajoute encore « L'éducateur spécialisé a un degré d'autonomie et de responsabilité dans ses actes professionnels le mettant en capacité de concevoir, conduire, évaluer des projets personnalisés ou adaptés à des populations identifiées. » Les formes d'intervention et de travail en partenariat et en réseau ne peuvent exister qu'autour d'un projet élaboré collectivement avec des objectifs communs clairement identifiés. De ce fait, même si dans la mise en œuvre, l'éducateur conserve un certain degré d'autonomie, dans un projet social territorial il ne peut participer à la conception, à la conduite du projet qu'au titre de son institution et sous sa responsabilité. « L'éducateur spécialisé développe une fonction de veille et d'expertise qui le conduit à être interlocuteur et force de propositions pour l'analyse des besoins et la définition des orientations des politiques sociales ou éducatives des institutions qui l'emploient. Il est en capacité de s'engager dans interinstitutionnelles et partenariales. » 3 des dynamiques institutionnelles, La fonction de veille évoquée ici relève d'une compétence effective des travailleurs sociaux, pas assez souvent mise en valeur. Cette fonction exige un minimum de méthode. De ce point de vue, la participation des éducateurs à des diagnostics sociaux territoriaux est essentielle pour apporter leur regard et leurs connaissances spécifiques des territoires et des problématiques dans ces territoires. « L'éducateur spécialisé intervient dans une démarche éthique qui contribue à créer les conditions pour que les enfants, adultes, familles et groupes avec lesquels il travaille soient considérés dans leurs droits, aient les moyens d'être acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie. » 1 Les compétences des éducateurs dans le cadre de la prise en charge individuelle. Elles étaient essentiellement basées sur des aspects de prise en charge individuelle. Les éducateurs sont identifiés comme « travaillant avec leur tripes », Même s'il existe des outils support de la relation éducative tel que le projet individuel. Il faut reconnaître que le m étier d''éduquer ne renvoie pas seulement à la maîtrise de compétences techniques mais aussi à l'appropriation de compétences informelles. Et, comme très souvent, celles-ci s'apprennent difficilement . La maîtrise de soi, la capacité d'ouverture à l'autre, de le comprendre, de lui faire confiance et de développer le goût du risque sont des qualités qui s'enracinent dans l'histoire personnelle plus qu'elles ne sont suscitées par une formation. La description de l'acte éducatif dans le cadre d'une prise en charge individuelle, c'est travailler d'abord sur l'acquisition des gestes nécessaires à la construction d'une certaine autonomie (savoir se lever, se faire à manger ou entretenir son linge) mais ces gestes sont conditionnés, c'est-à-dire liés à la personne qui aide à leur acquisition, tant que le principal intéressé ne se les est pas appropriés. C'est-à-dire tant qu'ils ne prennent pas sens dans la vie de la personne. À cet égard, l'éducateur doit par exemple, être en mesure de sentir lorsqu'un individu est en proie à des difficultés psychiques liées à un moment de fragilisation. Il doit être en mesure de l'amener à traduire son malaise par des mots. Éduquer est bien un processus qui vise à transformer l'être dans l'essentiel de ce qu'il est. Il s'agit de toucher au sens de la vie et de la mort par le biais de points aussi sensibles que son origine, ses liens avec sa 4 famille, sa vie affective et amoureuse. Dans ce sens, l'acquisition d'une autonomie maximale participe de la définition du projet individuel d'une personne admise au sein d'un service éducatif, il faut admettre que cela demande de savoir prendre du temps. Il faut amener l'individu à l'émergence de la parole car il n'y a pas de sujet et encore moins d'individus humains sans l'appropriation d'une parole propre. « La mission pivot de l'éducation spécialisée consiste à accompagner la personne dans l'élaboration et la conduite de son projet de vie » rappelle Philippe Gaberan dans son ouvrage « Etre éducateur dans une société en crise , un engagement, un métier »1 Il s'agit de s'appuyer sur les préoccupations et les centres d'intérêt de la personne pour repérer des buts à atteindre. Les jeunes cas sociaux et les adultes déficients intellectuels ont la même difficulté à exprimer leur projet de vie ; ces mêmes difficultés exigent pourtant la mobilisation des mêmes compétences de la part des éducateurs, qu'ils travaillent avec l'une ou l'autre des populations. Mais il ne peut pas détacher sa pratique du contexte social dans lequel elle est appelée à s'exercer. « Au regard de l'histoire, il s'agit là d'une évidence ! Quelle que soit l'idéologie qui préside à l'engagement de l'individu dans cette profession d'éducateur, charismatique, laïque ou associative, celui-ci est fondé sur une représentation claire de la place de l'homme dans le monde, et, immanquablement, de la place de l'homme dans la cité. En clair, l'éducateur ne peut pas se tenir à l'écart du brouhaha du monde sous prétexte, au demeurant fort honorable, de n'avoir à faire qu'à la souffrance de la personne prise en charge »2. 2 Des compétences toujours valides à la prise en compte de nouvelles logiques Les éducateurs se présentent fréquemment comme des « techniciens de la relation » et « l'écoute » de l'autre est souvent une capacité mise en avant. Cette perception de l'identité professionnelle renvoie à des pratiques largement orientées vers une relation éducative individualisée et personnalisée. La logique territoriale et les modes Gaberan Philippe, Être éducateur dans une société en crise , un engagement, 1 un métier, Éditions ESF 1998, p 111, 2 Gaberan Philippe op cit, p 135 5 d'intervention engendrés par les nouvelles données de l'action sociale viennent perturber cette orientation du métier pour l'inscrire dans une dimension plus globale qui exige des compétences spécifiques qui sont évoqués dans le Domaine des Compétences n° 4.du référentiel de formation des éducateurs spécialisés avec la réforme de 2007. Le développement de ces compétences se justifie par le fait que « nombre d'associations, de services et structures (comme la prévention spécialisée) ont eu à renégocier leur place parmi les dispositifs liés à l'insertion, l'hébergement la politique de la ville, etc. Les années quatre-vingt ont été marquées par un développement des formes d'intervention sur les territoires avec leur corollaire, l'apparition de « nouveaux» emplois, de nouveaux professionnels, de « nouvelles » méthodes d'intervention et des façons de travailler avec lesquels les éducateurs ont été amenés à cohabiter, sinon à collaborer1. La question des domaines de compétences des uns et des autres a été de ce fait assez complexe à cerner, mais ce sont aussi les pratiques et les cultures professionnelles qui ont été réinterrogées.»3 En effet, les années quatre-vingt ont vu apparaître « une nouvelle question sociale » avec la « crise économique » et le développement d'une « nouvelle pauvreté », de la précarité et de l'insécurité sociale. De ce fait, le besoin de compréhension des évolutions et des processus en cours a favorisé le développement de multiples réflexions et analyses sur ces questions, sur le travail social et les activités des travailleurs sociaux, dont les éducateurs spécialisés. Des sociologues comme Jacques Ion4 ont interrogé très tôt la pertinence du « colloque singulier » du travailleur social avec la personne « suivie » ou « prise en charge », alors que se mettaient en place un ensemble de dispositifs territorialisés et que la massification du chômage et le développement de la précarité nécessitaient un traitement de la question sociale à une autre échelle. Ces nouvelles donnes et les pratiques attachées au territoire et au développement social local viennent interroger la pertinence d'un travail social classique 3 Chopart Jean Noël Les mutations du travail social, Dunod, 2000, cité par Patrick Dubéchot et Marie Rolland DC4 Implication dans les dynamiques partenariales, institutionnelles et interinstitutionnelles DEES, Editions Vuibert 2008, p 244 4 Ion Jacques Le travail social à l'épreuve du territoire Editions Privat, 1990 6 essentiellement centré sur l'individu au profit d'un travail social interinstitutionnel, d'une approche globale des problématiques identifiées sur un territoire. Cette situation prend en compte « des rapports sociaux d'une autre nature, appelle au changement des pratiques professionnelles, mobilise des compétences nouvelles et réclame des outils et des savoir-faire spécifiques » précise Jean-François Bernoux5 dans son introduction. Le travailleur social de communauté est un agent d'organisation et de coordination en face des réalités sociales, un agent de mobilisation des ressources et des forces locales. Ceci rappelle deux choses. La première concerne les pratiques professionnelles ; les formes de travail collectif ont toujours existé dans le travail social, mais cette forme de travail n'a quasiment pas été développée par les travailleurs sociaux (et parmi eux par les éducateurs), sauf les animateurs sociaux. Cette situation interroge évidemment l'orientation de la formation de ces travailleurs sociaux et des éducateurs en particulier, largement axée sur le travail individualisé, influencé par une grande proximité avec la discipline psychologique. Le deuxième élément à prendre en compte, c'est que le développement social territorial ne constitue pas une nouveauté au sens où les méthodes qui sont mises en œuvre préexistaient depuis des années. Ce sont donc des formes et des méthodes renouvelées, compte tenu d'un contexte très différent, qui sont aujourd'hui préconisées à travers cette forme d'intervention impulsée par les pouvoirs publics. Bien évidemment, tout ceci concerne de manière privilégiée les éducateurs qui travaillent en milieu ouvert, que ce soit en milieu urbain ou rural. Les éducateurs en institution, dans des domaines comme le handicap, peuvent estimer qu'ils sont moins impliqués dans les programmes locaux, mais désormais une territorialisation de la gestion des situations de handicap est mise en place avec par exemple la création des maisons départementales pour les personnes handicapées qui installe ce secteur dans les logiques territoriales Les travailleurs sociaux, et parmi eux les éducateurs, se doivent d'élargir le cercle de la relation individuelle à l'environnement familial, partenarial et aux réseaux d'acteurs pour faire face aux questions sociales (pauvreté, insécurité sociale, entre autres). La 5 Bernoux Jean François Mettre à l'oeuvre le développement social territorial, méthodologie, outils, pratiques Editions DunodDunod, 2005 cité par Patrick Dubéchot et Marie Rolland DC4 Implication dans les dynamiques partenariales, institutionnelles et interinstitutionnelles DEES, Editions Vuibert 2008, p 365 7 décentralisation et les politiques transversales provoquent le décloisonnement et la complémentarité des acteurs. Le partenariat devient un objectif stratégique. Actions collectives, participation des habitants et projets de territoire sont réunis derrière la dénomination de « développement social territorial ». Aux logiques spécialisées et cloisonnées qui ont présidé dans le travail social depuis ses origines, succèdent l'interchangeabilité des compétences et la permutabilité des métiers. Aux compétences principalement psycho-éducatives et psychosociales revendiquées par les professionnels du travail social s'ajoutent des compétences techniques et méthodologiques que nécessite le processus diagnostic-projetdéveloppement-évaluation. Voilà ce que souligne Patrick Dubéchot et Marie Rolland.dans leur ouvrage récent. 3 Les compétences requises en matière d'implication dans les dynamiques institutionnelles et le travail partenarial Les compétences qui permettent l'implication dans les dynamiques institutionnelles sont : 1 Etablir une relation professionnelle avec les partenaires : représenter son service ; savoir accueillir; adapter son mode de communication aux partenaires. 2 Situer son action dans le cadre des missions de l'institution et de son projet : négocier avec les personnes, les institutions ; contribuer à l'élaboration du projet institutionnel ; intégrer son action dans le cadre du projet institutionnel. 3 - S'informer et se former pour faire évoluer ses pratiques (veille professionnelle) : prendre en compte les évolutions des problèmes sociaux ; actualiser ses connaissances professionnelles ; capitaliser les expériences professionnelles ; prendre de la distance par rapport à ses pratiques professionnelles. Les compétences requises en matière de travail en partenariat et en réseau sont les suivantes : 1 - Développer des activités en partenariat et en réseau et contribuer à des pratiques de développement social territorialisé : identifier les partenaires institutionnels de son environnement et connaître leur culture ; établir des relations avec l'ensemble des acteurs ; conduire des actions conjointes avec les partenaires de l'intervention sociale, 8 sanitaire, scolaire et culturelle; argumenter des propositions dans le cadre de l'élaboration de projets territoriaux de politique sociale; animer un réseau de professionnels ; décoder les positionnements et les stratégies de l'ensemble des acteurs. 2 - Développer et transférer ses connaissances professionnelles : conceptualiser ses pratiques professionnelles ; s'auto-évaluer ; appliquer les méthodologies de recherche ; assurer une fonction de tutorat pour la formation des futurs professionnels ; transmettre des valeurs, des connaissances et des méthodes professionnelles et les traduire en pratique. Bien évidemment, la dimension du travail de l'éducateur engendrée par ces compétences n'est certes pas nouvelle. Cependant, la territorialisation des politiques publiques introduit une dimension de contrainte à se former à la construction du travail avec des partenaires, autour de projets communs ; il n'est plus laissé à la seule politique de l'établissement ou du service, à la seule bonne volonté du professionnel de s'intégrer dans cet environnement. Enfin, si « la territorialisation de l'action sociale et médico-sociale confronte les professionnels à la prise en compte de données nouvelles et à leurs connaissances en la matière, c'est dans le cadre d'une nouvelle façon de penser, d'un nouvel état d'esprit qu'ils doivent pouvoir se situer. Les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux et de leurs cadres n'ont pas à faire face seulement à un supplément d'éléments, de partenaires, de contraintes, etc., qui supposerait de leur part un supplément de connaissances, mais à une modification profonde de leurs logiques de travail voire de la culture professionnelle. Ces nouvelles dimensions de l'action sociale et médicosociale renvoient à l'acquisition de nouveaux domaines de compétences des professionnels, des compétences en matière: de diagnostic permettant d'identifier, d'observer et de diagnostiquer les besoins dans un territoire et les stratégies dans lesquelles les différentes réponses possibles seront prises en compte du fait de l'existence du système de jeux de l'ensemble des acteurs (y compris les professionnels de l'établissement ou du service) ; «de méthodologie de projets afin d'élaborer, de formaliser, coordonner, conduire un projet ; de médiation, négociation afin d'établir un partenariat et une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, en interne comme en externe ;d'évaluation des projets mis en œuvre, évaluation du 9 fonctionnement d'un partenariat ou d'un réseau nous précise Patrick Dubéchot et Marie Rolland.6 Il en découle pour les éducateurs de développer [ajoute ces auteurs] «La communication avec les partenaires rend nécessaire la connaissance des institutions intervenant dans le champ de l'action sociale et médico-sociale. Cela signifie la connaissance de leurs missions, de leurs cultures, de leurs langages mais aussi les politiques sociales dans lesquelles elles s'inscrivent de façon plus globale. La participation au projet et aux missions de l'institution implique que l'éducateur se positionne en tant qu'acteur dans l'accompagnement des usagers et dans l'équipe dont il fait partie. Pour ce faire, la connaissance des modalités d'organisation et de fonctionnement de l'institution, la connaissance des droits des usagers et des droits et obligations de l'éducateur salarié d'un établissement ou d'un service apparaissent comme des outils indispensables à ce positionnement. La veille professionnelle renvoie notamment à l'actualisation des connaissances de l'éducateur. Le droit et les politiques sociales sont des domaines en perpétuelle évolution. L'actualisation des connaissances doit se poursuivre tout au long de la carrière professionnelle. Cela nécessite, d'une part, une curiosité d'esprit et un intérêt particulier pour la question sociale et politique en général et, d'autre part, de solides connaissances de base qui permettent de s'approprier et d'analyser au fur et à mesure les changements intervenant dans ce domaine » Si l'on se réfère aux propos de Jean Brichaux7 «l'éducateur est par essence un travailleur de l'immatériel, un travailleur du symbolique [...] dont la condition est finalement d'être à l'intersection de l'explicite et de l'implicite, du manifeste et du latent du dit et du non dit de l'avouable et de l'inavouable ». Devant cette approche, on peut se demander comment combler l'écart entre celle-ci et ce qui est réclamée quelques années plus tard. Cela serait avoir mal compris cet auteur que d'en rester là et d'oublier « qu'il faut voir en lui (l'éducateur) un agent de reliance chargé de de tisser du lien social, de réparer, ou d'aider à réparer ce qui a été mis à mal dans la société Dubéchot Patrick, Rolland Marie op cit 6 7 Brichaux Jean L'éducateur spécialisé en question(s) La professionnalisation de l'activité socio-éducative, Editions ERES, 2001, p 27 10 individualiste.[...] d'être toujours là où apparaissent de nouvelles marginalités, de nouveaux symptômes de dysfonctionnement.» D'après lui, les mutations de la profession se sont succédées et ont produits différents modèles. On est passé de la période caritative jusqu'en 1965 avec le modèle tutélaire substitut parental au modèle technicien dans la période positiviste entre 1965 et 1990. On est aujourd'hui dans le modèle réflexif où l'éducateur est stratège. Il est vu comme un professionnel capable d'identifier un problème, d'y apporter une réponse acceptable sur le plan éthique et adaptée sur le plan conceptuel, ce grâce à un savoir pratique acquis au gré des circonstances et de la réflexion. Le processus d'évolution nous conduit aujourd'hui à percevoir un nouveau profil où l'ancrage dans le territoire prend une importance certaine. Cela laisse présager des efforts à fournir pour mobiliser les connaissances et acquérir les réflexes professionnel en conséquence. Nous devons admettre que l'éducateur spécialisé agit aujourd'hui dans le cadre de politiques territorialisées et partenariales de prévention, de protection de l'enfance, d'insertion. Il participe également à des pratiques d'action collective dans ces territoires en direction des groupes, des populations. Son intervention se place parmi d'autres acteurs professionnels, élus ou bénévoles, qui doivent agir en fonction de leurs compétences sur un territoire. L'éducateur spécialisé doit être en mesure de participer à l'élaboration d'un projet collectif, à la coordination d'un programme d'actions dans une dynamique locale, parmi d'autres intervenants sociaux. Il doit développer une fonction de veille et d'expertise qui le conduit à être un interlocuteur parmi d'autres sur les questions sociales ou problématiques locales. Il doit être capable de faire des propositions pour l'analyse des besoins, la définition d'orientations des actions et des politiques publiques locales. Il doit être enfin en capacité de s'engager dans des dynamiques institutionnelles, interinstitutionnelles et partenariales. L'éducateur doit contribuer à faire en sorte que les enfants, adultes, familles, groupes et habitants, avec lesquels il travaille, soient des acteurs de leur développement, mais aussi du développement social de leur espace social de vie. 4 Comment faire pour permettre l'acquisition des compétences qui sont jugées nécessaires dans ce contexte ? Il s'agit ici d'esquisser quelques pistes de postures formatrices pour prolonger la réflexion afin de parvenir chez les éducateurs spécialisés au développement et à 11 l'acquisition des compétences en lien avec les politiques sociales et leurs déclinaisons sur le territoire. Proposition 1 : La formation des tuteurs terrain « La formation pratique est délivrée sur les sites qualifiants en lien avec la pédagogique de l'établissement de formation. Elle participe à l'acquisition des compétences dans chacun des domaines identifiés au sein du référentiel professionnel, au même titre que la formation théorique, et ne saurait être dissociée de cette dernière »8. On peut alors supposer que l'éducateur en formation devra trouver un site susceptible de lui faire acquérir des compétences du domaine étudié ici. Cela signifie que le stagiaire devra être attentif, avant de s'engager dans un stage, à ce que l'établissement ou le service travaille effectivement avec des partenaires et si possible en réseau. En effet, le terrain de stage devra remplir un formulaire d'évaluation de l'étudiant qui figurera dans le livret de formation. Ce document énonce clairement les critères d'évaluation et donc les compétences à acquérir. Il paraît dès lors évident que le site doit être en capacité de contribuer à l'acquisition de ces compétences. Cela implique l'existence de pratiques qui correspondent et des référents en capacité euxmêmes de conceptualiser leur pratique professionnelle, de transmettre leur expérience en la matière et les méthodes et bien évidemment de le démontrer à travers une pratique effective au-delà d'un partenariat de représentation dans des instances de politiques publiques. Pour obtenir des sites d'accueil de stagiaires qui soient conformes aux besoins, il est nécessaire de faire en amont, un travail d'explicitation des attendus. La participation des tuteurs référents de stages à des formations tutorales est un bon moyen de les informer de ces attendus et de leurs donner un « outillage » pédagogique en conséquence. Ainsi munis, ils devraient y avoir un effet en cascade, tout d'abord sur eux mêmes puis vis à vis de l'accompagnement du stagiaire. Sur eux mêmes : La connaissance des référentiels et de chacun des indicateurs de compétences peut les amener à s'interroger sur leur propre niveau d'atteinte de ces compétences. Vis à vis des stagiaires : Lorsque ces tuteurs auront repéré les circonstances de la mise en oeuvre de ces compétences, il devrait pouvoir transmettre dans le quotidien la 8 Article 7 de l'arrêté du 20 juin 2007 12 déclinaison pratique de leur implication dans les dynamiques institutionnelles et partenariales en lien avec les politiques publiques. Une des modalités qui peut améliorer ce processus d'intégration consiste à engager les formateurs du centre de formation dans la conduite et l'animation de ces formations tutorales afin que les protagonistes de l'histoire chemine ensemble dans un système d'interactions complémentaires. Proposition 2 : Articulation des programmes et conception de la formation L'alternance entre lieux pratiques et lieux de formalisation théorique est une donnée évidente pour la formation des éducateurs spécialisés. Au delà se pose la question de faire pénétrer la pratique au sein du centre de formation lui même par la place qui lui est réservée dans les programmes. Si les savoirs théoriques sont des ressources pour l'action, l'inverse doit être vrai. Il faut admettre que lorsque les savoirs sont enseignés hors du contexte d'action, le risque est pris que leur transfert ou leur mobilisation en situation complexe ne sera pas efficient. «Il y a donc deux facettes à la construction des compétences : d'une part l'acquisition des ressources et d'autre part l'apprentissage de leur mobilisation.9». Cela justifie donc d'alterner des temps d'acquisition de connaissances et des temps d'entraînement à leur mobilisation. Dans l'organisation des programmes, il est nécessaire d'insister pour que les cours théoriques soient suivis de témoignages et d'exercices de réflexions pour permettre aux étudiants de faire les liens théorie/pratique. D'un coté, il doit être possible d'exiger des formateurs d'utiliser un maximum de cas concrets pour illustrer leurs propos. De l'autre côté, il peut être demandé au « témoin » acteur de terrain d'énoncer un minimum de lien avec les connaissances et méthodologies. Proposition 3 : L'acquisition des compétences par la mise à l'épreuve : La formule de la mise à l'épreuve consiste à permettre à l'étudiant de se confronter à des situations de travail des compétences visées en vraie grandeur, mais dans un contexte d'apprentissage tout de même. Par exemple, nous avons fait le choix de l'expérimentation par des petits groupes d'étudiants (5) du travail partenarial. La consigne est : à partir d'une problématique qui 9 Perrenoud Philippe, Développer des compétences : mission centrale ou marginale de l'université, contribution 2005, 13 les intéresse de vérifier la nature de leurs représentations, puis de se mettre à disposition d'un terrain professionnel, ou d'une association afin de leur prêter main forte soit pour s'associer à la réalisation partielle un projet partenarial concret déjà entamé, soit de monter un projet qui pourra être repris à l'issue de la période d'investissement par l'institution ou l'association. 50h du programme sont consacrées à cet « essayage » des relations partenariales. Elles ont l'avantage d'y associer la confrontation concrète de la méthodologie de projet et une grande partie des compétences liées à la communication. Le processus est doublé par des cours théoriques et un suivi de proximité de l'avancée des groupes par des formateurs. Les formateurs sont là pour rappeler l'objectif pédagogique initiale et éviter aux étudiants, dont c'est la tendance naturelle bien compréhensible, de glisser dans l'activisme du projet qui les enthousiasme. En conclusion La discussion reste complètement ouverte aussi bien sur les enjeux que représente la survenue de la notion de compétences dans la manière de former les futurs éducateurs, qu'à propos des moyens pédagogiques à développer pour atteindre les attendus des différents domaines de compétences. Si le développement de compétences, comme celles largement évoquées si avant, permet la mise en valeur du métier d'éducateur spécialisé, il y a éviter le piège du tout méthodologique qui pourrait faire craindre le sens de l'action sociale et éducative. 14 BIBLIOGRAPHIE Barbier Jean Marie (sous la direction) Savoirs théoriques et savoirs d'action, Editions PUF, 1998, Beau Dominique La boîte à outils du formateur, Editions d'organisation, 2008 Bernoux Jean François Mettre à l'oeuvre le développement social territorial, méthodologie, outils, pratiques Éditions DunodDunod, 2005, Brichaux Jean L'éducateur spécialisé en question(s) La professionnalisation de l'activité socio-éducative, Editions ERES, 2001, Chauvière Michel, Trop de gestion, tue le social, Edition La découverte, 2007, 225 pages Chopart Jean Noël Les mutations du travail social, Dunod, 2000, Dubéchot Patrick et Rolland Marie DC4 Implication dans les dynamiques partenariales, institutionnelles et interinstitutionnelles DEES, Editions Vuibert 2008, 15 Dugué E, Les apports de l'université à la logique de compétence, exemple des formations en Travail Social, contribution 2004 Gaberan Philippe, Etre éducateur dans une société en crise , un engagement, un métier, Editions ESF, 1998, Gaberan Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Editions ERES, 2003, Ion Jacques Le travail social à l'épreuve du territoire Editions Privat, 1990 Martin Gérard, la dynamique des politiques sociales, Editions L'Harmattan, 1999 Perrenoud Philippe, Développer des compétences : mission centrale ou marginale de l'université, contribution 2005, Soulet Marc Henry , Les transformations des métiers du social, Editions Universitaires de Fribourg, 1997, 16 17