I. Pourquoi étudier Le Cid en classe de Quatrième

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I. Pourquoi étudier Le Cid en classe de Quatrième
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XVIIe SIÈCLE
Une pièce de théâtre
Nouvelle édition
à paraître en août 2008
CORNEILLE
Le Cid (1637)
(ISBN : 9782081208209 – 2,70 €)
I. Pourquoi étudier Le Cid
en classe de Quatrième ?
L’étude du genre théâtral figure dans les programmes officiels
du cycle central. En cinquième, « on lit une pièce de théâtre
brève du Moyen Âge, farce ou comédie (La Farce de maître
Pathelin, La Farce du Cuvier, etc.) que l’on peut mettre en
relation avec un mystère. On peut préférer une comédie du
XVIIe siècle. » En Quatrième, les textes officiels invitent à lire
« une pièce de Molière, et éventuellement une autre pièce du
XVIIe siècle. On peut aborder la tragédie, afin de faire ressortir
par confrontation les traits de la comédie. Cette étude s’ouvre
aussi au travail comparatif : rapprochant une pièce de Molière et
une comédie d’Aristophane ». Le Cid figure dans les documents
d’accompagnement pour la classe de Quatrième, seule pièce inscrite au côté des comédies de Molière. Il s’agit d’une reconnaissance de fait : la pièce de Corneille plaît aux enseignants et aux
élèves. La construction de l’intrigue y est sans doute pour beaucoup. Sa relative simplicité, malgré les intrigues secondaires,
permet de surmonter aisément les difficultés de compréhension
liées à la langue et à l’usage de l’alexandrin. Les annotations de
l’édition « Étonnants Classiques » privilégient l’explicitation du
sens et la paraphrase plutôt que des développements trop longs
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et fastidieux sur l’étymologie. La compréhension du texte et
l’autonomie des élèves dans leur lecture sont un des enjeux de la
séquence. Au début, l’enseignant prend en charge la lecture et
l’explicitation du sens, puis les élèves sont amenés à lire une ou
deux scènes, voire un acte, et à répondre à un questionnaire destiné à expliciter le sens.
Les thèmes développés dans l’œuvre, tels l’honneur, la
famille, le respect de l’autorité, sont à même de captiver un lectorat adolescent demeuré très sensible à ces valeurs, quoi qu’on
dise à ce sujet. De plus les valeurs « chevaleresques » mises en
scène dans Le Cid permettent une habile liaison avec le programme de Cinquième où elles ont été plus longuement
abordées.
La pièce se prête à des approches diverses. D’un point de vue
historique, son étude est l’occasion de voir ou de revoir avec les
élèves une période souvent méconnue de l’histoire de France.
Le contexte politique et militaire est très prégnant dans l’œuvre
et pourra être l’occasion d’un travail interdisciplinaire intéressant avec le professeur d’histoire (et peut-être d’espagnol, si les
élèves ont fait le choix de cette langue). Du point de vue de
l’histoire littéraire, Le Cid marque un tournant intéressant entre
le « baroque dompté » et le classicisme naissant. La version du
Cid choisie pour l’étude est celle de 1637, antérieure à la querelle du Cid et aux modifications apportées par Corneille, elle
reflète au mieux les enjeux de la pièce. C’est ici l’occasion de
voir ou revoir avec les élèves les codes du théâtre classique qui
seront fréquemment réinvestis tout au long de leurs études.
Du point de vue de l’analyse littéraire et de l’étude des
formes du discours, on ne peut que constater l’extrême diversité
du Cid. Son étude est l’occasion d’approfondir la connaissance
du dialogue et d’initier les élèves à l’argumentation. Elle permet
aussi de revoir les connaissances liées à la narration (voir notamment le récit de Don Rodrigue) et de parfaire la maîtrise de la
métrique. La pièce de Corneille est riche en morceaux de bravoure et d’anthologie qui se prêtent notamment à l’exercice de
la récitation et à la mise en scène en classe.
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II. Tableau synoptique de la séquence
Séances
1
Scène d’exposition
(version 1637)
2
Un morceau de bravoure
Supports
Objectifs
Acte I, scènes 1-3
Étudier une scène
d’exposition
Acte I, scène 5 : le
monologue de Don Diègue
Lire et réciter l’alexandrin
3
Rédaction
— Évaluer la
compréhension du texte
— Changer de point de vue
4
Études des personnages
L’ensemble de la pièce
Établir, lire et étudier un
tableau de présence
scénique
5
La figure du Roi dans Le
Cid
L’ensemble de la pièce
Étudier le contexte
historique
Acte III, scène 4
— Initier les élèves à
l’argumentation
— Exprimer la supposition
Acte IV, scène 3 (v. 12671339)
Étudier un récit épique
6
Duel d’amour
7
Le récit de Rodrigue,
la naissance d’un héros
8
Les conditions de
représentation
9
Un dénouement obscur
10
Corneille et les règles,
la querelle du Cid
Décrire une salle de
spectacle au XVIIe siècle
Acte V, scène 7
Étudier une scène de
dénouement au théâtre
L’ensemble de la pièce
Connaître et étudier les
règles du théâtre classique
III. Déroulement de la séquence
Séance no 1 : la scène d’exposition
Objectif → Étudier une scène d’exposition.
Supports → Acte I, scènes 1-3.
La scène d’exposition a une triple fonction : informative, incitative et générique.
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Fonction informative : la scène d’exposition a pour but de
fournir au spectateur et au lecteur les principales informations
nécessaires à la compréhension de l’histoire (personnages principaux, cadre spatio-temporel, premiers éléments de l’intrigue).
Fonction incitative : la scène d’exposition doit mettre en
place les premiers éléments de l’intrigue afin de susciter l’intérêt
et la curiosité du spectateur.
Fonction générique : dès la scène d’exposition, le spectateur comprend, s’il n’était prévenu, le genre dramatique du spectacle auquel il va assister (comédie, farce, tragédie...).
Sur combien de scènes s’étend la scène d’exposition ?
Quels personnages sont évoqués dans la scène d’exposition ?
Grâce à la liste des personnages et après avoir lu les textes,
précisez la nature des relations entre les personnages en distinguant les relations familiales, sociales et amoureuses.
Quels premiers éléments de l’intrigue sont mis en place ? À
quels développements s’attend le spectateur ?
Reportez-vous à la page de titre. Quel genre figure sous le
titre ? Cherchez dans un dictionnaire la définition du genre et
indiquez ce à quoi le spectateur doit s’attendre.
La tragi-comédie est un genre à la mode au moment où Le
Cid est joué pour la première fois sur scène. Elle se caractérise
par « une action souvent complexe, volontiers spectaculaire, parfois détendue par des intermèdes plaisants, où des personnages
de rang princier voient leur amour ou leur raison de vivre mis
en péril par des obstacles qui disparaîtront heureusement au
dénouement ». On se reportera pour plus de détails à l’ouvrage
de Roger Guichemerre (La Tragi-comédie, PUF, 1981).
■ Lecture du texte
Demandez aux élèves de lire seuls la scène 4 de l’acte I et de
répondre aux questions suivantes :
Quel lien unit le Comte et Don Diègue ? Quel poste convoitaient-ils tous deux ? Qui a finalement obtenu ce poste ? Comment
chacun d’eux explique ce résultat ? Observez l’évolution de la longueur des répliques. À quoi correspond la brièveté des répliques
à la fin de la scène ? Relevez les deux didascalies. Qu’annoncentelles ? Comment s’achève l’affrontement ?
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NB : il pourra être utile de rappeler aux élèves les définitions
de « réplique » et « didascalie ».
Séance no 2 : un morceau de bravoure
Objectif → Lire et réciter l’alexandrin.
Support → Acte I, scène 5.
Ce texte est probablement l’un des plus célèbres du Cid. Il
sera l’occasion de revoir avec les élèves les règles de la métrique,
peut-être déjà étudiées en Cinquième, et d’évaluer leur connaissance et leur compréhension du texte par le biais de la récitation. Même si l’exercice a parfois été critiqué en raison de sa
systématicité et même s’il suscite souvent des réactions hostiles
de la part des élèves, il apparaît qu’il valorise ces derniers lorsqu’ils sont en difficulté ; en outre, il participe à l’acquisition
d’une culture littéraire.
■ Connaissance de la scène
— Combien de personnages sont présents sur scène ?
Don Diègue est seul sur scène et seul à parler. On distingue
au théâtre le monologue où le personnage parle seul sur scène
et la tirade où un personnage monopolise la parole alors que
d’autres personnages sont sur scène.
— Qu’est-ce qui justifie que Don Diègue se retrouve seul ?
— De quelle « infamie » (v. 2) est-il question ?
— Expliquez le désespoir de Don Diègue.
Le véritable défi est bien sûr pour l’acteur qui doit rendre crédible le monologue, retenir l’attention du spectateur et l’émouvoir à lui seul. Il est ici guidé dans son interprétation par le fait
que la pièce est écrite en vers.
■ Les règles de la métrique
La poésie obéit jusqu’au XIXe siècle à des règles strictes qui
commandent son écriture. Dans la tradition française, le vers se
définit par une majuscule initiale non justifiée par la ponctuation, un nombre déterminé de syllabes et la présence de la rime
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qui unit plusieurs vers entre eux. Pour évaluer le nombre de
syllabes d’un vers (généralement un nombre pair compris
entre 8 et 12), il faut prendre en compte les e à la fin des mots.
Il existe trois règles : lorsque le mot qui suit commence par une
voyelle, le e ne se prononce pas, on dit qu’il est « muet »
(exemple : « Ô rage, ô désespoir ! ») ; lorsque le mot qui suit
commence par une consonne, le e se prononce, on dit qu’il est
« sonore » (exemple : « toute l’Espagne admire ») ; enfin, lorsque
le e se trouve à la fin du vers, il est toujours muet. Ces règles ne
concernent pas les mots d’une seule syllabe.
Indiquez les e muets et les e sonores dans les huit premiers vers
du monologue de Don Diègue. Combien de syllabes compte
chaque vers ?
Chaque vers compte douze syllabes, on nomme ce vers
l’alexandrin en souvenir d’un poème du Moyen Âge composé
en l’honneur de l’empereur Alexandre. C’est le vers le plus long
et le plus proche de la prose. L’alexandrin possède un rythme
particulier créé par une courte pose après la sixième syllabe, que
l’on nomme césure et qui délimite deux moitiés de vers appelées
hémistiches.
Situez l’hémistiche dans chacun des huit premiers vers.
■ L’interprétation
Tout l’art de l’acteur consiste à respecter les règles de la
métrique, c’est-à-dire à faire entendre les e sonores, à ne pas
prononcer les e muets, à marquer une courte pause à la césure...
tout en respectant le sens du texte. Le rythme de l’alexandrin
peut très vite devenir mécanique, si l’on n’y prend garde, et faire
ainsi perdre l’émotion que le dramaturge a voulu exprimer dans
ses vers.
Pour la séance prochaine apprenez par cœur les vers 1 à 14.
Vous serez évalués sur votre connaissance du texte, votre respect
des règles de la métrique et votre interprétation du texte.
On met au point avec les élèves une grille d’autoévaluation
qui récapitule les trois axes – connaissance de la scène, métrique
et interprétation – et rappelle les règles de la métrique à respecter.
Selon le calendrier des séances, on pourra ramener cet exercice
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à une simple lecture du texte et laisser un délai supplémentaire
pour l’apprentissage.
■ Lecture du texte
Demander aux élèves de lire les scènes 6 et 7 (acte I) et de
répondre aux questions suivantes :
Que demande Don Diègue à son fils ? Cherchez dans un dictionnaire le sens du mot « dilemme ». Face à quel dilemme se
trouve Don Rodrigue ? Relevez, dans la scène 7, le champ lexical
du sentiment et du cœur. Par quels sentiments passe Don Rodrigue ? Quelle est sa décision finale ?
On profitera de la correction de ces questions (simples) pour
comparer le monologue de Don Rodrigue avec celui de
Don Diègue préalablement étudié en classe. On fera constater
aux élèves l’hétérométrie (hexasyllabe, octosyllabe, alexandrin),
occasion d’apprendre ou de réapprendre le nom de certains vers
fixes et l’importance de l’expression des sentiments et du lexique
du cœur qui tous deux définissent les stances. On pourra réinvestir ces connaissances lors de l’étude de l’acte V (V, 2 : stances
de l’Infante).
Séance no 3 : rédaction
Objectifs → Vérifier la lecture et la compréhension du texte.
→ Changer de point de vue.
→ Respecter les codes du texte théâtral.
Sujet de rédaction : Vous imaginerez que Léonor (la suivante de l’Infante) a pu assister au duel entre Rodrigue et le
Comte et que, au moment où elle va en annoncer l’issue à la
princesse, elle rencontre Don Diègue. Elle fait alors au père de
Rodrigue le récit du combat. Rédigez le dialogue qui s’ensuit en
respectant la présentation du texte théâtral mais en utilisant la
prose.
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Séance no 4 : étude des personnages
Objectif → Établir, lire et étudier un tableau de présence scénique.
Support → L’ensemble de la pièce.
Il peut paraître un peu prématuré d’apprendre à des élèves de
collège à établir et analyser un tableau de présence scénique.
Toutefois, il présente un triple intérêt. D’une part, il permet de
vérifier l’aptitude des élèves à respecter une méthode. La réalisation du tableau de présence scénique sur une feuille A4 ou A3,
à l’aide de l’édition du texte, d’une règle et de crayons est l’occasion de découvrir chez certains élèves des blocages que l’on ne
soupçonnait pas et dont on peut discuter avec eux. D’autre part,
il permet aux élèves de réaliser combien au théâtre la présence
d’un personnage fonde son existence. Le personnage de théâtre,
à la différence du personnage de roman dont l’existence est souvent médiatisée par le narrateur, existe parce qu’il parle ou agit
sur scène. Quitter l’espace scénique c’est déjà mourir un peu.
Enfin, l’étude du tableau permet d’introduire les élèves à la
notion d’analyse. Même s’il ne s’agit pas d’arriver à une analyse
littéraire aboutie, au moins peut-on faire comprendre aux élèves
qu’analyser, c’est observer et produire du sens à partir d’une
observation grâce à des outils (en l’occurrence le tableau).
■ Réalisation du tableau de présence scénique
Prendre une feuille blanche, si possible non perforée, format A4, dans le sens de la largeur.
Dessiner un tableau à double entrée. Indiquer verticalement
le nom des personnages tels qu’ils apparaissent au début de la
pièce dans la liste des personnages. Indiquer horizontalement
les scènes numérotées (chaque acte est séparé par un double
trait).
NB : il est important (chose que réalisent rarement les élèves)
de compter le nombre total de scènes afin de prévoir la taille
des colonnes.
Réserver une ultime colonne à la fin du tableau que vous intitulerez « total ».
Griser chaque scène où apparaissent les personnages.
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■ Étude du tableau de présence scénique
L’étude se déroule en deux temps : l’étude quantitative et
l’étude relative. La première consiste à évaluer la présence totale
des personnages dans la pièce et à distinguer les personnages
principaux des personnages secondaires. La seconde consiste à
étudier la présence des personnages en fonction des autres personnages et, donc, de mieux comprendre les relations qu’ils
entretiennent et les enjeux dramatiques liés à ces relations.
Étude quantitative
Additionner le nombre de scènes par personnage et indiquer
le résultat dans la dernière colonne.
NB : on pourra pousser le raffinement jusqu’à calculer le
pourcentage pour chaque personnage et avoir recours au professeur de mathématiques.
Quel personnage totalise le plus de scènes ?
La première surprise vient de la supériorité numérique de
Chimène par rapport à Don Rodrigue qui n’arrive qu’en troisième position après Don Diègue. Elvire totalise elle aussi
quinze apparitions qui sont à mettre au compte de sa fonction
de suivante de Chimène. Cette disproportion, justifiée par le
respect de la vraisemblance, s’explique, en partie, par les
absences répétées de Don Rodrigue. Impossible de représenter
sur scène le duel et la mort du Comte. De même, pour le combat
contre les Maures. En fait, Chimène et Don Rodrigue partagent
le même conflit intérieur entre l’amour qu’ils se portent et l’honneur qu’ils doivent à leur famille (Chimène le doit à son père
tué par Rodrigue, et ce dernier à Don Diègue qui lui a réclamé
vengeance). La présence scénique majoritaire de Chimène met
aussi en valeur l’importance de la parole. La femme ne peut
avoir recours aux armes pour défendre son honneur ; c’est par
la parole qu’elle doit le faire. Qu’il s’agisse d’un dialogue délibératif avec soi-même, d’une plaidoirie devant le Roi ou d’une
joute oratoire avec son amant, Chimène use de toutes les ressources du langage. De ce point de vue, on peut la rapprocher
du personnage de l’Infante qui combat son amour « déshonorant » par la parole. Elvire et Léonor, conformément à la tradition, jouent ici le rôle de catalyseur de la parole de leur maître.
Elles justifient et permettent la libération de la parole. Constat
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similaire pour Don Diègue, que l’âge a privé du secours des
armes. Pour lui aussi la parole est une arme face au Comte, face
à son fils, face au Roi. Pour Chimène, l’Infante et Don Diègue,
la parole est un enjeu d’honneur. Elle obéit aux codes de
l’honneur. Elle est directe, franche et sans dissimulation. De ce
point de vue, on pourra l’opposer à la parole agressive du
Comte ou fourbe de Don Sanche.
Étude relative
Il s’agit d’étudier ici la coprésence des personnages, c’est-àdire d’observer les personnages qui sont systématiquement présents en même temps, ceux qui se rencontrent, ceux qui s’évitent
et ceux qui se cherchent.
■ Maîtres et valets
Léonor et Elvire totalisent à peu près le même nombre de
scènes que leurs maîtresses. À la différence de la comédie, où
le personnage du valet acquiert une certaine indépendance par
rapport à son maître, ce qui est une source inépuisable d’effets
comiques, dans la tragédie le domestique est un suivant chargé
de recueillir la parole du maître et d’encourager ses confidences.
On remarquera toutefois ici les libertés prises par Corneille dans
la version de 1637 à l’égard de la tragédie. Acte I, scène 1, le
Comte discute avec Elvire, suivante de Chimène, ce qui parut
bien peu crédible. Plus loin, au début de l’acte III (scène 1) elle
fustige Rodrigue. L’Infante est présente une fois de plus que sa
suivante Léonor (voir les stances de l’Infante, V, 2, pendant
féminin de celles de Rodrigue ; elles prolongent le débat entre
l’amour et l’honneur, ici lié à la condition de l’Infante, femme
et épouse du monarque).
■ Duos d’amour
Hormis le couple formé par l’Infante et Don Fernand, questionné par l’amour que celle-ci porte à Rodrigue, la pièce ne
met aucun autre couple constitué en scène. La pièce commence
par l’hésitation entre deux hommes – Don Sanche et
Don Rodrigue – qu’Elvire prête à Chimène. Très vite le spectateur connaît la préférence de la jeune femme. Pourtant les deux
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amants ne se rencontrent sur scène qu’au troisième acte, alors
que Rodrigue a tué le père de Chimène et qu’il ne semble plus
possible à cette dernière de lui accorder son amour. Cette scène
(III, 4) se trouve au centre de la pièce et s’apparente à un duel
plus qu’à un duo d’amour. Rodrigue développe un long argumentaire afin de faire fléchir Chimène. Seule la présence du Roi
et de sa cour permettra de les rassembler deux nouvelles fois, à
la fin de l’acte IV et à la fin de l’acte V. La pièce s’achève sur
l’annonce de leur union, mais jamais les deux amoureux n’auront échangé sur scène leurs vœux. Il en va de même pour l’Infante qui doit taire son amour et qui, tout au long de la pièce,
doit éviter la présence de Rodrigue. Elle recherche au contraire
la présence de Chimène comme substitut à la présence de
l’être aimé. Elle ajoute à la douleur de renoncer à son amour
celui d’encourager et d’aider sa « rivale » dans la réalisation de
son union. Ce n’est qu’en présence du Roi et lorsque ce dernier a
définitivement rendu son jugement que l’Infante paraît sur scène
en même temps que Rodrigue. Lorsque sur scène l’amour est
avoué, il n’est pas partagé (voir Don Sanche).
Travail préparatoire de recherches documentaires : en vous
aidant de la présentation et de la chronologie de l’édition, de
dictionnaires et d’encyclopédies, répondez aux questions suivantes. Quelles sont les dates de naissance et de mort de Corneille ? Quel était le régime politique en France à cette époque ? Qui
était à la tête de la France du vivant de Corneille ? Que désigne
dans l’histoire de France « la Fronde » ? Qu’est-ce que « la guerre
de Trente Ans » ?
Séance no 5 : la figure du Roi dans Le Cid,
enjeux politiques de la pièce
Objectif → Étudier le contexte historique.
Support → L’ensemble de la pièce.
Il s’agit ici de remettre en contexte la pièce de Corneille et
d’étudier le caractère politique autant qu’amoureux de l’intrigue.
L’histoire, notamment politique, de la première moitié du
XVIIe siècle est souvent méconnue des élèves qui ne retiennent du
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Grand Siècle que la figure de Louis XIV. Ce travail sera l’occasion, en interdisciplinarité avec le professeur d’histoire, de donner
des repères historiques aux élèves et d’ouvrir sur une autre
interprétation de la pièce.
Quels points communs pouvez-vous établir entre la situation
politique de la France en 1637 et l’intrigue du Cid ?
■ La situation extérieure de la France
La pièce a pour cadre l’Espagne. Or, en 1636, un an avant la
première représentation du Cid à Paris, la France avait déclaré
la guerre à ce pays et, après avoir perdu Corbie, venait de la
reprendre. L’ennemi était aux portes de Paris, et l’on peut raisonnablement penser que les vers de Corneille résonnaient
d’une troublante actualité pour le public de l’époque : « La flotte
qu’on craignait dans ce grand fleuve entrée/Vient surprendre la
ville et piller la contrée,/[...] La Cour est en désordre et le peuple
en alarmes » (III, 6). La tirade de Rodrigue racontant sa victoire
contre les Maures est l’occasion d’exalter le sentiment de fierté
nationale du public.
■ La situation intérieure de la France
La pièce de Corneille se fait aussi l’écho de la situation intérieure de la France. Devenu chef du Conseil du Roi en 1624, le
cardinal Richelieu s’attache à rabaisser la superbe des grands
seigneurs et à consolider la monarchie. Il n’hésite pas à recourir
à des exécutions exemplaires : Montmorency fut exécuté en
1632, et Gaston d’Orléans en 1636. Dans Le Cid, le pouvoir
du Roi est remis en question par le Comte, mais aussi par
Rodrigue qui part combattre les Maures sans recours à l’autorité
royale et par Chimène qui refuse le jugement du Roi et prétend
se faire justice elle-même. L’interdiction par Richelieu des duels
était un autre moyen de maîtriser la fougue aristocratique. Ne
pouvant faire justice eux-mêmes, c’est au Roi qu’ils devaient
s’en remettre. Là encore, la pièce de Corneille est d’actualité
puisqu’elle met en scène plusieurs duels et développe des arguments pour et contre le maintien de cette ancienne coutume.
En vous référant au tableau de présence scénique et en adoptant la méthode vue en cours, étudiez le personnage du Roi dans
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Le personnage du Roi, Don Fernand, apparaît à sept reprises
dans la pièce. Il intervient pour la première fois à la fin de
l’acte II (scènes 6 et 7). Il est significatif que sa première apparition sur scène corresponde à la remise en cause de son autorité
par le Comte, rapportée par Don Arias, et que le jugement
rendu à la scène 7 n’aboutisse pas à l’acte suivant. Ces autres
apparitions se trouvent systématiquement à la fin des actes et en
présence de sa cour, plus pour enregistrer les actes des personnages que pour les initier.
Séance no 6 : duel d’amour
Objectif → Étudier et exprimer la supposition.
Support → Acte III, scène 4.
Chimène a-t-elle revu Don Rodrigue depuis le meurtre du
Comte ? Quelle est sa première réaction en découvrant son ancien
amant ? Que vient lui offrir Rodrigue ? Comment réagit-elle à
cette offre ? Étudiez la rigueur avec laquelle s’enchaînent ses
idées, v. 905-932. Montrez que Chimène fait preuve de lucidité
et de fermeté. À partir de quel moment semble-t-elle fléchir ?
Comment ce changement d’attitude se manifeste-t-il dans le
texte ? Comment la scène se clôt-elle ?
Chimène revoit Rodrigue pour la première fois, ce qui
explique sa surprise. Réalisant qu’elle doit faire face à son destin
et résoudre le dilemme qui se présente à elle, elle exprime le
désespoir puis l’indignation et le reproche. Rodrigue a entendu
la dernière réplique de sa maîtresse dans la scène précédente
(« Pour conserver ma gloire, et finir mon ennui,/Le poursuivre,
le perdre, et mourir après lui »). Il est certain de l’amour de
Chimène mais reprend sa proposition et lui offre sa vie. On peut
se demander s’il y a, de la part de l’amant malheureux, calcul
ou habile dialectique. En fait, c’est surtout un moyen pour
Corneille d’accroître l’intensité dramatique de la situation de
Chimène. Alors que Rodrigue a accompli une partie de son
devoir (il a satisfait son honneur), Chimène est toujours partagée entre deux devoirs également impérieux. C’est, ici, le rôle
de Chimène qui concentre l’intensité dramatique de la scène.
La lucidité et la dignité de sa réponse renforcent ce sentiment.
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L’insistance de Rodrigue à lui offrir sa vie semble la faire fléchir.
La stichomythie du vers 973 en porte la trace, comme celles qui
suivent dans le reste de la scène. S’y expriment les regrets éternels et surtout l’amour infini. Le duel est devenu duo d’amour.
Les deux amants se quittent sans que le dilemme de Chimène
ait été résolu.
Les deux héros semblent dans une situation inextricable.
Rodrigue aime Chimène, mais a finalement dû se résoudre à
sauver l’honneur de son père. Pour Chimène, le dilemme reste
entier puisqu’elle peut encore choisir entre son amour pour
Rodrigue et l’honneur familial. Tous deux multiplient les suppositions comme s’ils voulaient réécrire l’histoire et pouvoir vivre
leur amour.
Relevez dans le texte les tournures qui expriment une
supposition.
— « Je le ferais encor, si j’avais à le faire » (v. 888).
— « Et ta beauté sans doute emportait la balance,/Si je
n’eusse opposé contre tous tes appas/Qu’un homme sans
honneur ne te méritait pas,/Qu’après m’avoir chéri quand je
vivais sans blâme/Qui m’aima généreux, me haïrait infâme,/
Qu’écouter ton amour, obéir à sa voix,/ C’était m’en rendre
indigne et diffamer ton choix » (v. 896-902).
— « Si quelque autre malheur m’avait ravi mon père,/Mon
âme aurait trouvé dans le bien de te voir/L’unique allégement
qu’elle eût pu recevoir,/Et contre ma douleur j’aurais senti des
charmes/Quand une main si chère eût essuyé mes larmes »
(v. 928-932).
— « Si tu m’offres ta tête, est-ce à moi de la prendre ? »
(v. 951).
— « Si l’on te voit sortir, mon honneur court hasard »
(v. 986).
— « Si j’en obtiens l’effet, je te donne ma foi/De ne respirer
pas un moment après toi » (v. 1005-1006).
La majorité des suppositions sont exprimées dans le texte par
le biais d’une subordonnée conjonctive introduite par « si ».
Identifiez les temps dans la proposition subordonnée conjonctive et la proposition principale.
On observe quatre cas :
— cas no 1 : si + présent de l’indicatif, présent de l’indicatif
(la condition est considérée comme réalisée) ;
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— cas no 2 : si + imparfait de l’indicatif, conditionnel présent
(l’action est incertaine, mais réalisable – potentiel) ;
— cas no 3 : si + plus-que-parfait de l’indicatif, conditionnel
passé (condition non réalisée dans le passé – irréel du passé) ;
— cas no 4 : si + subjonctif passé, imparfait de l’indicatif
(même valeur que précédemment). Il existe deux autres combinaisons possibles : si + présent, futur (condition réalisable dans
le futur et réalisation certaine), et si + présent ou imparfait,
conditionnel présent (condition non réalisée dans le présent
– irréel du présent).
Exercice no 1 : complétez les phrases hypothétiques suivantes.
Attention à la concordance des temps.
Si tu m’offrais ta tête, [être] à moi de la prendre ?
Si j’en avais obtenu l’effet, je te [donner] ma foi.
Si j’ai à le faire, je le [faire] encore.
Si je n’avais pas opposé toutes ces raisons, ta beauté [emporter] la balance.
Exercice no 2 : conjuguez les verbes entre crochets en respectant
la nuance de sens demandée.
Si ton père [ne pas offenser] le mien, je ne [devoir] venger
mon honneur (irréel du passé).
Si tu [me le demander], je me [tuer] (condition considérée
comme réalisée).
Si tu [me le demander], je me [tuer] (condition réalisable dans
le futur).
Si tu [me l’ordonner], je [t’obéir] (irréel du présent).
Séance no 7 : le récit de Rodrigue,
la naissance d’un héros
Objectif → Étudier un récit épique.
Support → Acte IV, scène 3 (v. 1267-1339).
La séance a pour but d’étudier le récit épique. L’épopée a très
souvent été abordée par les élèves en Cinquième. On pourra
donc prendre appui sur les connaissances des élèves tout en leur
fournissant de nouveaux outils, notamment stylistiques, qui
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leur permettront de structurer leur réponse. Ce texte pourra être
l’occasion d’un nouvel exercice de récitation (v. 1266-1286).
■ Un récit dramatisé
Identifiez la composition du récit.
La bataille contre les Maures ne peut pas être représentée sur la
scène du théâtre. Corneille a donc soin de faire de la bataille un
récit détaillé. Le récit des préparatifs est réalisé en trois étapes :
la marche des combattants (v. 1267-1272), l’arrivée au port et la
mise en place du stratagème, et enfin l’arrivée des Maures.
Quels éléments dans le texte permettent de dramatiser la
scène ?
La progression chronologique est soulignée par la mise en
valeur des connecteurs temporels « aussitôt » et « enfin ». Les
verbes d’action sont très nombreux et animent la narration.
L’expression des sentiments des différentes parties permet de
dramatiser le récit.
Par quels procédés le narrateur réussit-il à rendre son récit
plus vivant ?
Le narrateur anime son récit par le recours à de très nombreux
verbes d’action et à l’hypotypose qui permet aux spectateurs de
vivre la scène : passage du passé simple au présent de narration,
succession rapide des actions, sentiment de vivacité grâce au
champ lexical de la rapidité (« prompt », « aussitôt », « impatience », « courent »), accélération du rythme notamment à partir
du vers 21, où les propositions sont simplement juxtaposées et
de plus en plus brèves. Le récit crée ainsi le suspens et accroît
l’intensité dramatique.
■ Un récit épique
Qu’est-ce qu’une épopée ?
Le mot « épique » vient du grec epos. L’épopée est le récit
d’une grande action, mettant en jeu ou symbolisant les grands
intérêts d’un peuple. Il met en scène un héros confronté à des
forces qui le dépassent. Il a souvent une signification symbolique.
Montrez que le récit de la bataille oppose nettement deux camps.
Le contexte guerrier est clairement mis en valeur par le champ
lexical de la guerre. De nombreuses figures d’amplification et
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d’opposition servent à souligner le statut de héros de Rodrigue
et renforcent une opposition manichéenne entre les Maures et
les Espagnols.
Relevez les procédés d’insistance.
Figures d’insistance : hyperboles (pluriel, grands nombres,
superlatif) – « Nous partîmes cinq cents, [...] nous nous vîmes
trois mille » ; répétitions (anaphores) – « Point de soldats au port,
point aux murs de la ville », « Nous les pressons sur l’eau, nous les
pressons sur terre », « Ô combien d’actions, combien d’exploits
célèbres ».
Relevez les procédés qui consistent à amplifier la scène.
Figures de construction qui servent l’amplification : énumération – « Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port » ; parallélismes – « Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur
terre », « Le flux les apporta, le reflux les remporte », « Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient » ; amplification du
rythme – « Et la terre, et le fleuve et leur flotte et le port/Sont
des champs de carnages où triomphe la mort ».
Relevez les figures d’opposition.
Figures d’opposition : antithèses – « flux »/« reflux », « épouvanté »/« courage », « impatience »/« demeure », « le silence »/
« mes cris » ; oxymore – « cette obscure clarté ».
Quel est l’effet produit par l’utilisation conjointe des figures
d’insistance, d’amplification et d’opposition ?
Séance no 8 : les conditions de représentation
Objectif → Connaître les conditions de représentation au début
du XVIIe siècle
→ Décrire une représentation.
La première partie de la séance pourra prendre la forme d’un
cours magistral et donner lieu à une initiation à la prise de note.
Dans ce cas, les élèves pourront être conduits à compléter un
texte à trou afin d’évaluer leur compréhension.
Une pièce de théâtre est écrite pour être représentée sur une
scène de théâtre devant un public. Elle est pensée en fonction
des conditions de représentation de l’époque.
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■ Les comédiens
Au début du XVIIe siècle, le comédien fait encore l’objet de
vives critiques de la part de l’Église catholique. Le diocèse de
Paris les menace même d’excommunication. Il faudra attendre
le 16 avril 1641 pour que Louis XIII les relève de cette
déchéance : « Nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne
puisse leur être imputé à blâme, ni préjudice à leur réputation
dans le commerce public. »
Quatre troupes d’acteurs dominent le monde du théâtre au
XVIIe siècle : la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, à laquelle
Louis XIII accorde le titre de « Troupe royale » et une pension
de 12 000 livres ; la troupe du théâtre du Marais, qui créa les
premières pièces de Corneille ; la troupe des Italiens, qui travaillent sur le modèle de la commedia dell’arte ; la troupe de
Molière qui s’installera à Paris à partir de 1658, d’abord au
Petit-Bourbon, puis au Palais-Royal (elle devient troupe du roi
en 1665).
■ Les salles
Les salles comprennent des galeries ou loges, pour les gens
de qualité et un parterre où le public s’entasse debout. À partir
de 1637, date de la première représentation du Cid, des banquettes sont installées sur la scène pour un public de privilégiés qui, à défaut de bien voir la pièce, se fait voir de la salle.
■ Les représentations
Le spectacle commençait souvent à 4 ou 5 heures de l’aprèsmidi. Le décor était constitué par des toiles peintes qui représentaient un carrefour où se situaient les maisons des principaux
personnages. Plus tard, pour la tragédie, le décor ne représentera plus qu’« un palais à volonté ». Les costumes ne prétendent
à aucune vérité historique. Il y a un rideau sur scène, mais on
ne le baisse pas à la fin de chaque acte.
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■ Sujet de rédaction
Vous avez été invité à assister à une représentation du Cid et
vous êtes assis sur une banquette sur la scène face à la salle.
Décrivez ce que vous voyez. Vous décrirez notamment la salle
(organisation, ambiance...) et les acteurs sur scène (costume,
apparence...).
Séance no 9 : un dénouement obscur
Objectif → Étudier une scène de dénouement au théâtre.
Support → Acte V, scène 7.
Les scènes 6 et 7 de l’acte V constituent le dénouement de la
pièce.
— La scène de dénouement a pour but de mettre fin aux
diverses intrigues. Chimène a-t-elle finalement résolu son
dilemme ?
Chimène croit avoir résolu son dilemme. La scène 5 s’est terminée sur un extraordinaire quiproquo. Chimène a vu dans le
geste de Don Sanche qui lui tendait son épée l’aveu du meurtre
de Rodrigue. Dès lors, son dilemme n’a plus de raison d’être et
elle peut exprimer librement son amour pour le Cid. Elle est
immédiatement détrompée par le Roi et Don Sanche. Don
Fernand, avec bienveillance et autorité, l’invite à obéir à sa loi
et à épouser Rodrigue.
— Quel aveu Chimène fait-elle au Roi au début de l’acte VI ?
Montrez le ton pathétique de cet aveu.
— Comment le Roi et l’Infante tentent-ils de fléchir la volonté
de Chimène ?
— Don Rodrigue n’est pas réapparu depuis la scène 1 de
l’acte V. Où est-il ?
— Quel est, à son retour, son statut aux yeux du Roi ? aux
yeux de l’Infante ? aux yeux de Chimène ?
— Comment réagit-il en présence de Chimène ?
— Montrez que le ton de sa réplique passe de la fougue juvénile à une tristesse grave.
— Quelle solution propose le Roi pour que Chimène puisse
accepter cette union tout en ayant le sentiment de conserver son
honneur ?
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La solution est obscure. Il invite Chimène à attendre un an et
enjoint Rodrigue de combattre pour lui pendant cette période.
La scène se clôt sur l’espoir d’une union : « Sire, ce m’est trop
d’heur de pouvoir espérer » (v. 1862) et « Espère en ton courage,
espère en ma promesse » (v. 1863).
La pièce finit-elle bien ?
Séance no 10 : Corneille et les règles,
la querelle du Cid
Objectif → Connaître et étudier les règles du théâtre classique.
Support → L’ensemble de la pièce.
L’écriture d’une pièce de théâtre obéit dès le début du XVIIe siècle
à des règles précises qui prendront force de lois à l’apogée du classicisme dans la seconde moitié du Grand Siècle. Corneille se
réserve le droit de prendre certaines libertés. Il préfère toujours le
jugement du public à celui des doctes, qui le lui rendront bien lors
de la querelle du Cid où ils lui reprochent son mépris des règles.
— La première de ces règles est celle des trois unités – de lieu,
de temps et d’action –, ainsi formulée par Boileau : « Qu’en un
lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli/Tienne jusqu’à la fin
le théâtre rempli. »
À la lumière de votre lecture du Cid, indiquez si Corneille a
respecté la règle des trois unités ?
Aucune des trois unités n’est vraiment respectée.
Tout d’abord, l’unité de lieu. L’action doit se dérouler en un
seul lieu. L’intrigue se déroule à Séville, mais les changements
de lieu se multiplient : demeure de Chimène, appartement de
l’Infante, salle du Conseil royal.
L’action doit se dérouler en vingt-quatre heures. On a du mal à
imaginer que Rodrigue ait pu, après son duel, se rendre au
combat et remporter la victoire dans un laps de temps si court.
L’unité d’action voudrait qu’il n’y ait qu’une seule intrigue
principale. Or, il y a deux intrigues amoureuses (Chimène/
Rodrigue et l’Infante/Rodrigue) auxquelles il faut ajouter la
menace d’une invasion barbare.
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— La seconde règle est la vraisemblance. Le poète tragique
s’interdit de représenter sur scène des faits qui ne présentent pas
un caractère de vérité pour le public.
L’action du Cid respecte-t-elle cette règle ?
Les opposants du dramaturge ont eu tôt fait de relever l’invraisemblance du dénouement de la pièce qui annonce le mariage de
Chimène avec le meurtrier de son père. Corneille oppose à la vraisemblance la vérité du fait historique et se retranche derrière sa
source (Mariana, Historia de Espana, livre IX, chapitre V). On lui
reproche aussi sa scène d’exposition qui met en scène une servante (Elvire) discutant avec un grand seigneur (le Comte). Corneille supprimera cette scène en 1660 (voir dossier de l’édition).
— La troisième règle est la bienséance. Les paroles et les actes
des personnages ne doivent pas heurter la morale. Toute référence à la sexualité, le spectacle de la violence, les propos qui
contreviendraient aux principes de la foi chrétienne sont donc
proscrits.
Est-ce le cas dans Le Cid ?
Dans la version de 1637, Corneille contrevient, à de nombreuses reprises, à la règle de la bienséance. Acte V, scène 7,
Chimène parle du « lit » qu’elle doit partager avec Rodrigue.
Acte IV, scène 4, le Roi conseille à Don Diègue : « Contrefaites
le triste. » Procédé qui n’est pas exactement digne de sa fonction.
Le dénouement qui annonce l’union de Chimène avec le meurtrier de son père achève de bafouer la bienveillance.
Évaluation finale
Traitez au choix un des deux sujets de rédaction suivants :
Sujet no 1. Expliquez cette maxime : « Fais ce que dois,
advienne que pourra. » Montrez par des exemples comment la
conduite des héros de Corneille est l’application de cette maxime.
Sujet no 2. Le directeur d’un théâtre environnant décide de
monter Le Cid. Il souhaite transposer l’action à l’époque actuelle.
Quelles propositions de mise en scène (lieu, costumes, rang social
des personnages, professions...) lui feriez-vous ? Vous essaierez
de justifier vos choix par votre connaissance du texte.
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IV. Orientations bibliographiques
Éditions du Cid
CORNEILLE, Pierre, Le Cid, 1637-1660, éd. Georges Forestier,
Société des textes français modernes, 1992.
CORNEILLE, Pierre, Le Cid, avec un choix de documents sur la querelle du Cid, éd. Boris Donné, GF-Flammarion, 2002.
Ouvrages généraux
BÉNICHOU, Paul, Morales du Grand Siècle, Gallimard, 1988.
FORESTIER, Georges, Introduction à l’analyse des textes classiques,
Nathan, 1993.
GUICHEMERRE, Roger, La Tragi-comédie, PUF, 1981.
KIBEDI-VARGA, Aron, Le Classicisme, Seuil, 1998.
MESNARD, Jean, La Culture du XVIIe siècle, PUF, 1992.
SCHERER, Jacques, La Dramaturgie classique en France, PUF, 1997.
Études sur Corneille
COUTON, Georges, Corneille et la tragédie politique, PUF, 1984.
FORESTIER, Georges, Corneille, le sens d’une dramaturgie, SEDES,
1998.
SWEETSER, Marie-Odile, La Dramaturgie de Corneille, Droz, 1977.
Études sur Le Cid
COUPRIE, Alain, Pierre Corneille, « Le Cid », PUF, 1989.
FORESTIER, Georges, Corneille, « Le Cid », Nathan, 1991.
GASTÉ, Armand, La Querelle du « Cid », Slatkine, 1970.
MOLINIÉ, Georges, « Le Cid baroque », L’Information grammaticale,
no 39, 1988.
Filmographie
MANN, Anthony, Le Cid, (1961), Les films de ma vie, 2007.
FONTAN, Didier, Le Cid, Alpa Media/Janus diffusion, 2000.
Discographie
MASSENET, Jules, Le Cid (1885), Sony, 1989.
Frédéric MAGET.