Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents
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Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents
Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents vasculaires cérébraux M. Le Fort et J.-J. Labat La gravité de l’hémiplégie et le caractère massif du déficit sont des éléments pronostiques significatifs de la survenue de troubles fonctionnels vésico-sphintériens et anorectaux. À l’inverse, les troubles de la continence constituent des facteurs pronostiques importants après la survenue de l’accident neurologique : après six mois de suivi, 63 % des patients incontinents étaient décédés contre 7 % des patients continents. Le retour à domicile est organisable chez 46 % des patients survivants incontinents contre 79 % des patients continents. INTRODUCTION Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent une cause majeure de handicap chez l’adulte. Du fait de leur fréquence (8 pour 1 000 à 65 ans ; 19,4 pour 1 000 à 75 ans), c’est même la première cause d’invalidité d’origine non traumatique (1). Le terme générique d’accident vasculaire recouvre des entités très disparates selon le mécanisme (hémorragique ou ischémique), selon le terrain (malformation vasculaire, hypertension, cardiopathie, artériosclérose), selon l’âge, selon la topographie lésionnelle et la symptomatologie qui en découle, enfin et surtout selon la gravité et les handicaps séquellaires. La survenue de troubles sphinctériens (urinaires et anorectaux) est banale à une phase initiale ; ils sont parfois associés à des troubles de la vigilance. Leur persistance à une phase avancée de la rééducation, associée aux déficiences motrices, sensitives et cognitives va majorer de façon importante les difficultés de réinsertion familiale et sociale. L’hémiplégie survient à un âge où les troubles vésico-sphinctériens peuvent avoir d’autres causes banales : hypertrophie prostatique chez l’homme, troubles de la statique périnéale et incontinence chez la femme qui seront donc souvent intriqués. L’existence de troubles urinaires et fécaux chez l’hémiplégique est connue de longue date. Mais la neurologie, discipline éminemment cli- nique, a longtemps limité la description de ces troubles en « troubles urinaires », « fécaux » ou « sphinctériens » sans autre analyse clinique ou physiopathologique. La première étude clinique spécifique de ces troubles date d’une quarantaine d’années (2). La préservation de l’automatisme sphinctérien mais avec une perte de son contrôle volontaire explique la symptomatologie habituelle de la désinhibition vésicale ou fécale et, contrairement aux lésions médullaires, l’absence de complication au niveau du haut appareil urinaire. ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’INCONTINENCE APRÈS UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL Des études sur de grandes populations de patients montrent une prévalence de l’incontinence urinaire de l’ordre de 40 à 50 % lors de leur admission et de 10 à 20 % à 6 mois (3). L’incidence de l’incontinence urinaire au cours des AVC est évaluée à 29/1 000/mois (4). Le taux d’incidence de récupération de l’incontinence urinaire est de 146/1 000/mois, avec un délai moyen de 46,6 jours ; l’amélioration qui s’effectue de 14 à 93 jours varie selon les auteurs, 518 Pelvi-périnéologie notamment en fonction des constatations urodynamiques. Thomas et al. (5) trouvent les prévalences d’incontinence urinaire de 11,6 % chez les femmes et de 6,9 % chez les hommes de plus de soixante-cinq ans dans la population générale, ce qui permet de rattacher une large part de la fréquence de l’incontinence urinaire à l’accident vasculaire cérébral, au moins pour les incontinences urinaires lors de l’admission ; à distance de celle-ci en revanche, il ne doit plus rester beaucoup d’incontinence exclusivement liée à l’ictus. Une incontinence urinaire préexistante est retrouvée chez 51 % des patients dans la semaine précédant l’accident vasculaire lorsque celui-ci était mortel (6). Des études sur de grandes populations de patients montrent une prévalence de l’incontinence anale de l’ordre de 30 à 40 % lors de leur admission du patient hémiplégique et de 5 à 10 % à six mois (3, 7). Une incontinence fécale est retrouvée chez 31 % des patients dans la semaine précédant l’accident vasculaire quand celui-ci était mortel. DONNÉES CLINIQUES DES INCAPACITÉS SPHINCTÉRIENNES APRÈS UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL Dès la phase initiale, la symptomatologie la plus habituelle est celle de la fuite urinaire par impériosité, mais la rétention n’est pas exceptionnelle. À la phase de rééducation, les troubles persistants sont du même type, la pollakiurie, volontiers nocturne (8, 9), et l’incontinence sont retrouvées dans 75 % des cas, la dysurie et la rétention dans 25 % (10-15). L’incontinence urinaire peut être totale ou partielle, précédée d’un besoin impérieux ou purement réflexe, parfois vécue en toute indifférence. La pollakiurie isolée est rare. En fait, l’impériosité et la pollakiurie sont la plupart du temps associées à l’incontinence (16). La rétention avec miction ou fuites par regorgement représente de 17 % des troubles vésicosphinctériens (15) à 56,4 % (17), selon le délai post-AVC et la valeur admise du résidu post-mictionnel. On retrouve volontiers une association de syndromes irritatifs et de syndromes obstructifs, dans 53 % des cas (8). Des phénomènes de rétention similaires ont été montrés dans des atteintes frontales droites entre le bras et la jambe de l’homonculus de Penfield (représentation somatotopique corticale de la motricité) lors d’atteintes diverses et notamment de tumeurs. Des atteintes pontiques, notamment bilatérales, conduisent aussi à des phénomènes rétentionnistes (18). La rétention urinaire est liée de façon significative (1) à une atteinte cognitive, une aphasie, un diabète et un bas niveau fonctionnel évalué par l’indice de Barthel. La constipation est très souvent associée ; sa fréquence globale est la même que celle de l’incontinence urinaire (15 % à 17 % (10)), et on connaît les interférences entre fécalome et troubles vésico-sphinctériens (rétention ou incontinence). L’incontinence anale est moins étudiée, elle ne survient jamais isolément mais existe initialement dans pratiquement un cas sur deux d’incontinence urinaire (1). L’examen clinique est peu spécifique. Dans 84 % des cas (10), il existe un trouble de la commande périnéale, mais celui-ci est également retrouvé chez un tiers des hémiplégiques sans trouble sphinctérien (19). L’examen recherchera une pathologie associée notamment d’ordre prostatique. Il ne faut pas non plus négliger de rechercher une hydrocéphalie à pression normale chez des patients dont la triade caractéristique (détérioration intellectuelle, troubles de l’équilibre, incontinence urinaire) peut ne pas être détectée (20). DONNÉES URODYNAMIQUES DES INCONTINENCES URINAIRES POST-ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL Les explorations urodynamiques permettent d’apprécier l’équilibre vésico-sphinctérien qui est fonction de l’état antérieur modifié par la survenue de l’ictus (21). L’aspect cystomanométrique le plus habituel est celui de la désinhibition, c’est-à-dire de l’hy- Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents vasculaires cérébraux peractivité vésicale retrouvée dans environ 75 % des cas de troubles vésico-sphinctériens (8, 11, 13-15, 18, 22, 23) et dans plus de 80 % des cas, en cas d’incontinence (22, 23). Cette hyperactivité vésicale explique la réduction de capacité vésicale fonctionnelle inférieure ou égale à 250 ml (14). Dans les autres cas, on retrouve à part égale normoactivité et hypoactivité (13 %). Cette hypoactivité vésicale s’exprime par un premier besoin tardif, une capacité vésicale fonctionnelle élevée et une contraction de faible amplitude, voire même absente. L’analyse fine de la perception du besoin est toujours relativement subjective et surtout d’une très grande variabilité. Parfois, un besoin précoce et difficilement inhibé existe en dehors de toute hyperactivité vésicale : c’est l’instabilité sensitive (14). Les valeurs de pression urétrale apparaissent peu différentes de celles de la population normale ou hémiplégique sans trouble vésicosphinctérien (12, 14). L’enregistrement de l’activité électromyographique du sphincter strié urétral, peut parfois retrouver un défaut de relaxation sphinctérienne pendant la contraction vésicale, mais jamais de dyssynergie franche comme chez le paraplégique post-traumatique (24). Force est de constater que l’évolution des troubles vésico-sphinctériens chez l’hémiplégique ne se fait jamais vers le passage à la vessie de lutte, la stase urétérale, le reflux ou l’hydronéphrose, complications tant redoutées de la véritable dyssynergie (25). L’électromyogramme n’est pas indispensable à l’affirmation d’un défaut de commande centrale du périnée, mais il le visualise de façon plus spectaculaire que le simple examen clinique, avec une dissociation entre une contraction périnéale réflexe riche et une absence d’enrichissement des tracés lors des tentatives de contractions volontaires (13, 22). Ce défaut de contraction sphinctérienne majore les conséquences de l’hyperactivité vésicale favorisant le passage du stade d’impériosité mictionnelle à celui d’incontinence. La corrélation entre les données de la clinique et celle de la cystomanométrie est bonne : dans 90 % des cas l’incontinence est corrélée à l’hyperactivité vésicale, la rétention à l’hypoactivité vésicale. Dans 10 % des cas seulement, il existe une discordance, la dysurie peut s’associer à l’hyperactivité vésicale et doit alors faire rechercher 519 un obstacle sous-vésical. L’incontinence associée à une hypoactivité vésicale est plus étonnante, mais peut faire discuter l’intervention d’une défaillance sphinctérienne préexistante ou de troubles de la perception du besoin. PRONOSTIC Facteurs prédictifs d’incontinence Incontinence urinaire Facteurs généraux Dans une étude par régression logistique multiple, Nakayama et coll. (3) trouvent certains facteurs comme prédictifs de l’incontinence urinaire post-AVC : âge, sévérité de l’ictus, diabète, hypertension artérielle, comorbidités invalidantes. La plupart des études univariées (1, 2) ne retrouvent pas de différence significative selon l’âge et le sexe, mais la population de patients suivis en service de rééducation est sans doute plus jeune que celle de l’ensemble des hémiplégiques. Barer (26) estime quant à lui que la proportion de patients incontinents six mois après un ictus est plus grande après soixante-dix ans. Topographie lésionnelle Bien que l’on connaisse les centres corticaux (lobe frontal, cortex limbique), sous-corticaux et du tronc cérébral (hypothalamus postérieur, pont, tegmentum latéral) impliqués dans le contrôle de l’automatisme vésico-sphinctérien, il n’y a pas de correspondance anatomoclinique stricte entre les données lésionnelles (16), qu’elles soient appréciées par la clinique ou par l’imagerie (11, 13). L’appréciation de la lésion par son étendue, est plus significative que sa localisation (28), du moins dans la genèse de l’incontinence par hyperactivité vésicale. Ainsi, le côté de l’hémiplégie, la topographie du déficit moteur (type sylvien superficiel, cérébral antérieur), n’influencent pas la survenue et le type de troubles vésico-sphinctériens après une hémiplégie (10, 14, 15, 23, 26), seule la survenue d’une rétention semble plus fréquente au cours des accidents sylviens profonds (23). Selon Arena et al. (29), les dysfonctions mictionnelles semblent survenir plus volontiers en cas d’infarctus 520 Pelvi-périnéologie cérébraux multiples et d’atrophie cérébrale, en particulier en cas de lésions bilatérales. Gravité du handicap neurologique La plupart des études concernant l’incontinence urinaire secondaire s’intéressent essentiellement aux AVC ischémiques, excluant souvent les accidents hémorragiques. L’étude chinoise de Sze et al. (30) ne montre pas de corrélation entre l’origine hémorragique d’un AVC et l’importance des incapacités à la sortie de rééducation. Si la présence de troubles neuro-psychologiques n’influence pas la survenue de troubles vésico-sphinctériens (15), l’existence d’une détérioration intellectuelle est significativement plus importante (23, 31). Paolucci et al. (27) trouvent une plus grande fréquence d’incontinence urinaire à la sortie de la rééducation fonctionnelle chez les patients présentant un syndrome d’héminégligence (20,5 % contre 4,9 %). La gravité de l’hémiplégie, le caractère massif du déficit sont des éléments pronostiques significatifs de la survenue de troubles vésico-sphinctériens (13, 26, 34). Incontinence anale L’étude multivariée de Nakayama et al. (3) retrouve l’âge, le diabète, la sévérité de l’accident vasculaire et les comorbidités invalidantes comme facteurs de risque d’une incontinence fécale. Les analyses univariées trouvent comme facteurs prédictifs l’âge et le diabète. Facteurs pronostiques Incontinence urinaire La gravité de l’hémiplégie, le caractère massif du déficit sont des éléments pronostiques significatifs de la survenue de troubles vésico-sphinctériens (7, 10, 31), même si l’incontinence urinaire n’est pas significativement corrélée au trouble de la conscience initiale (7, 19). Pronostic vital Le taux de décès à la phase initiale est nettement plus élevé chez les patients incontinents (32, 33). Dans l’étude de Nakayama et al. (3), 52 % des patients présentant une incontinence urinaire complète sont décédés dès leur prise en charge initiale contre 2 % de ceux qui étaient continents. À six mois de suivi, 60 % des patients complètement incontinents sont décédés contre 7 % des patients continents. Par la suite, c’est également dans ce groupe que le pronostic de récupération neurologique est le plus mauvais (15, 33). Wang et al. (34) évaluent que le risque de décès dans l’année suivant un AVC ischémique est 9 fois plus important en cas d’incontinence urinaire lors de l’admission initiale ; de plus un score supérieur ou égal à 10 points définit un groupe à risque avec 76 % de mortalité à un an contre 8 % dans le groupe à faible risque (avec une valeur de 9 points pour l’incontinence urinaire). Pronostic fonctionnel L’existence de troubles vésico-sphinctériens est en corrélation avec le devenir fonctionnel. À distance de l’ictus, il existe une relation entre autonomie et continence (15, 35). La notion de « continence urinaire » est utilisée dans les scores utilisés dans l’évaluation fonctionnelle, par exemple, les items « vessie », « selles », « utilisation des toilettes » représentent 30 points sur 100 pour l’indice de Barthel et 21 points sur 126 dans la mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF). Ces tests ont fait la preuve de leur valeur prédictive (36). On retrouve une relation significative entre l’incontinence urinaire et la durée d’hospitalisation, la mobilité et les circonstances de sortie de rééducation (4, 7). La récupération d’une continence urinaire est accompagnée d’une amélioration de tous les items de la MIF sauf l’item « communication » (37). Les incapacités lors de la sortie du centre de rééducation sont essentiellement corrélées aux incapacités à l’entrée et notamment l’incontinence urinaire (30, 38). Le retour à domicile est organisable chez 46 % des patients survivants incontinents contre 79 % des patients continents (39). L’arbre décisionnel de Falconer et al. (40), prédictif des possibilités de sortie satisfaisante de rééducation, comporte quatre items dont la gestion vésicale. Incontinence anale L’existence de troubles anorectaux lors de la survenue d’une hémiplégie est un facteur de gravité. Les continences urinaire et fécale sont parmi les principaux facteurs prédictifs d’évolution favorable après un AVC (41, 42). La majorité des patients dont le score MIF est supérieur à 37 à l’entrée en rééducation sont autonomes pour les fonctions urinaires et fécales lors de la sortie (43). Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents vasculaires cérébraux L’étude de Harari et al. (44) montre une augmentation du taux d’admission dans un service de long séjour en cas de persistance d’une incontinence fécale à trois mois. Cette même étude rapproche de façon significative le problème de l’incontinence anale et les incapacités de transfert sur les toilettes. Dans l’étude de Nakayama et al. (3), 53 % des patients présentant une incontinence fécale complète sont décédés dès leur prise en charge initiale contre 3 % de ceux qui sont continents. À six mois de suivi, 63 % des patients complètement incontinents étaient décédés contre 7 % des patients continents. En incluant les patients à partit du 7e jour post-AVC, Harrari et al. montrent aussi une différence significative de décès à un an chez les patients incontinents fécaux (20 %) et continents (8 %) (44). Néanmoins, l’étude australienne de Wang et al. n’intègre pas l’incontinence fécale en tant qu’élément significatif dans leur modèle prédictif de mortalité à un an d’un AVC ischémique (34). 521 Chez le patient neurologique, l’incontinence anale doit dans un premier temps faire rechercher un fécalome par l’examen clinique et la réalisation d’un abdomen sans préparation. Rééducation CONDUITE À TENIR Elle s’intègre dans la prise en charge rééducative globale (45), visant à assurer les transferts du fauteuil au WC, la réalisation de la toilette, la reprise de la marche. Comme au cours de tout alitement, certains patients ne peuvent déclencher une miction en position couchée alors qu’ils y arriveront naturellement en station assise. La rééducation comportementale (31) vise à limiter les fuites par impériosité. La normalisation du rythme mictionnel s’établit en règle en quelques jours, en fonction du besoin ou par miction programmée toutes les deux ou trois heures, en cas d’émoussement de celui-ci ou en cas de détérioration intellectuelle. Les techniques en biofeedback peuvent être efficacement adaptées (46). Les techniques comportementales associées au traitement médical de l’incontinence anale sont particulièrement importantes en cas de déficit intellectuel ou de difficulté d’apprentissage (47). Bilan Pharmacologie Dans un premier temps, il convient de faire l’expertise des aptitudes physiques du patient, de ses possibilités d’autonomie urinaire, des fonctions neuropsychologiques et surtout de la possibilité de détérioration intellectuelle. La recherche de facteurs non spécifiques de l’hémiplégie permettra déjà un premier traitement: dépistage d’un fécalome, d’une infection urinaire, appréciation des antécédents urologiques et de l’équilibre vésico-sphinctérien antérieur, diminution des traitements ayant des effets secondaires sur le bas appareil urinaire. L’appréciation plus précise du déséquilibre vésico-sphinctérien justifie la pratique d’une échographie de l’appareil urinaire et d’un cliché sans préparation pour éliminer l’existence d’une lithiase, apprécier le volume prostatique et un éventuel résidu post-mictionnel, et surtout d’un bilan urodynamique dans les situations où l’incontinence persiste aux mesures simples (après ablation de sonde ou d’étui pénien, traitement de l’infection urinaire, présentation aux toilettes de façon régulière) ou en cas de rétention durable. Dans les cas d’incontinence secondaire à une hyperactivité vésicale, un traitement anticholinergique à doses progressivement croissantes pourra être mis en route, en se méfiant en particulier du risque de syndrome confusionnel chez la personne âgée faisant préférer l’utilisation d’anticholinergiques d’action purement périphériques (chlorure de trospium). Le traitement d’un fécalome peut associer des laxatifs, des suppositoires, des lavements évacuateurs, une irrigation colique (ascendante ou descendante par le biais d’une cæcostomie). Les mucilages et le son ne sont pas recommandés chez les sujets alités. La prévention de la rechute d’un fécalome est fondée sur les moyens physiques facilités, osmotiques, voire irritants dans un contexte chronique (48), les suppositoires et/ou les petits lavements. Indications chirurgicales La persistance d’une dysurie conduit à la pratique d’un bilan urodynamique, celui-ci rattache 522 Pelvi-périnéologie 6 8 24 Lobule paracentral 3 Gyrus cingulaire 2 5 10 11 1 Encéphale 9 Sillon central = scissure de Rolando 4 7 12 Thalamus Hypothalamus Pallidum Noyau Rouge S Aqueduc de Sylvius T P L A M L Cervelet Tronc cérébral P LC et Cervelet Locus Niger G Fig. 1 – Les centres du tronc cérébral Ce sont les expériences de section étagée ou de stimulations électrophysiologiques (1, 2) qui ont permis de localiser des centres mictionnels bulbo-protubérantiels. Ces centres situés dans le tegmentum pontin latéral (TPL) sont de deux ordres (3) : – un centre médian (zone M), dorsal, activateur de la miction ; ce centre est proche et synergique du locus cœruleus (LC), structure nucléaire complexe de la partie dorsale de la jonction ponto-mésencéphalique, qui joue un rôle dans les processus attentionnels par ses projections ascendantes, et sur le contrôle de la douleur, du tonus musculaire et des réflexes, notamment sphinctéro-détrusoriens par ses voies descendantes sur les colonnes intermédio-ventrales sacrées ; – un centre topographiquement plus diffus (zone L), antérolatéral, sous la dépendance du centre précédent pour une action inhibitrice ou au contraire facilitatrice sur la vessie et le sphincter strié. Les centres encéphaliques (1, 3) a) Les aires motrices interconnectées aux aires sensitivo-sensorielles : Aire 4 de Brodmann : aire motrice primaire située dans le gyrus (circonvolution) pré-central, elle reçoit des afférences depuis : – les aires 1 et 2 de Brodmann : aires somato-psychiques de perception du gyrus post- central : les informations somatiques et viscérales physiologiques y deviennent conscientes et enregistrées en terme de besoin ; – le noyau ventral latéral du thalamus sur lequel se projettent les noyaux cérébelleux. Aire 6 de Brodmann : latérale « prémotrice » et médiale « motrice supplémentaire », elle reçoit des afférences depuis : – les aires 5 et 7 de Brodmann : aires somato-gnosiques de reconnaissance du gyrus pariétal, « cortex associatif » qui intervient dans le stockage d’une mémoire culturelle après réception et perception d’un certains nombre d’archétypes qui interviennent par exemple dans la connaissance du schéma corporel ou « somatognosie » ; – le noyau ventral latéral du thalamus ; – le cortex pré-frontal. Aire 8 de Brodmann : cortex pré-frontal connecté d’une part aux systèmes moteur cortico-strié et sensitivo-sensoriel mais aussi au système limbique. Aire 9 de Brodmann : cortex frontal pré-moteur b) La substance grise péri-acqueducale (SGPA) : située dans la région médiane mésencéphalique autour de l’aqueduc de Sylvius, elle est impliquée par ses connexions dans différentes fonctions végétatives, notamment à partir des ses afférences sacrées, servant sans doute d’interface entre les bras afférents et efférents du contrôle vésico-sphinctérien (3, 4). c) Le système limbique : L’aire 24 de Brodmann est une partie antérieure du gyrus cingulaire, part du cortex limbique qui peut intervenir dans une symptomatologie comportementale. Sur un plan physiologique, les efférences de l’aire motrice primaire sont sélectionnées et activées depuis un programme moteur élaboré par les aires pré-motrice et motrice supplémentaire et par le cortex pré-frontal à partir de l’analyse des stimuli sensitivo-sensoriels (3). Les neuromédiateurs (1) Au niveau du tronc cérébral, les médiateurs chimiques peuvent activer le réflexe mictionnel (noradrénaline, biculline, enképhalines, naloxone, GABA) ou l’inhiber (GABA, dopamine, enképhalines, carbocholine), un même médiateur pouvant présenter un mode d’action contraire notamment sur des structures proches et physiologiquement synergiques comme le centre activateur médian et le locus cœruleus. Au niveau encéphalique, des tests pharmacologiques employant l’apomorphine, la desmopressine, la dopamine montrent une réduction de l’activité vésicale. Incapacités périnéo-sphinctériennes au cours des accidents vasculaires cérébraux 523 Fig. 2 – La perception du besoin Le besoin d’uriner vient d’une stimulation des tensorécepteurs détrusoriens, proportionnelle au remplissage de la vessie (2). L’information est projetée vers le cortex par les faisceaux + spino-thalamiques alors que le besoin douloureux, signant une distension vésicale, passe + NDM par les cordons postérieurs (1). NVA NVL Des études par PET scanner corrélées aux constatations urodynamiques objectives et subjectives ont permis d’associer l’augmentation du volume vésical, sans urgence mictionnelle, à un accroissement d’activité au niveau de la substance grise péri-aqueducale, de la région centro-pontique, du cortex cingulaire, + des lobes frontaux et des lobes latéraux du cervelet, de façon bilatérale, des lobes pariétaux et du gyrus frontal inférieur droit. T + Le besoin urgent est, lui, corrélé à des phénoP L mènes de désactivation en région hypothala+ mique droite et au niveau des aires prémo+ trices et du gyrus cingulaire, de façon bilatérale (4). Le passage de la sensation de remplissage à une urgence mictionnelle est associé à une désactivation bilatérale du cortex sensitivomoteur (4). A partir des noyaux thalamiques, un dernier neurone se projette alors sur le cortex pariétal, à rôle gnosique. L’intégration de cette information en une sensation spécifique, subtile, fonctionnelle, parmi l’ensemble des informations sensorielles, « est un processus mental qui fait intervenir l’ensemble de la corticalité » (2). L’individu va alors inhiber la miction ou au contraire déclencher volontairement la miction. Sillon central = scissure de Rolando Encéphale Tronc cérébral et Cervelet Le contrôle de la continence Le contrôle volontaire de la miction se limite à la possibilité de refuser (ou d’accepter) le déclenchement de l’automatisme vésico-sphinctérien. Il existe un contrôle direct des centres du tronc cérébral (3) : la zone L exerce un effet excitateur continu sur le noyau d’Onuf, conduisant à une inhibition uréthrale et à une contraction détrusorienne, et serait progressivement impliquée au fur et à mesure du remplissage vésical (4). Au fur et à mesure de la maturation du système nerveux, avec passage d’un réflexe segmentaire sacré à point de départ cutanéo-muqueux à un réflexe supramédullaire spino-pontique lié aux tensorécepteurs détrusoriens, il existe une baisse d’activité des neurones parasympathiques pré-ganglionnaires, conséquence du développement de l’inhibition encéphalique (1). Les études par PET scanner montrent que les lobes frontaux sont impliqués dans la phase de remplissage de la vessie, peut-être par l’intermédiaire d’interactions avec la substance grise péri-acqueducale (4). Le gyrus cingulaire a un rôle complexe : il intègre les informations venues de la vessie et, par ses connexions avec la substance grise péri-aqueducale et les cortex moteurs, influence la perception de l’urgence mictionnelle et augmente la capacité de la vessie à se remplir (4, 5). Le contrôle de la miction La miction dépend d’un réflexe spino-ponto-spinal. À partir des centres corticaux ou sous-corticaux, des voies motrices descendant vers les centres médullaires sacrés empruntent le système pyramidal pour l’innervation somatique, le réseau extra-pyramidal pour l’innervation végétative (2). Le cortex frontal peut avoir un rôle activateur de la contraction vésicale. Au cours des lésions frontales (4), on rapporte un syndrome d’urgences mictionnelles, de pollakiurie et d’incontinence par impériosité mictionnelle, avec une « perte de la sensation progressive de distension de la vessie » (4) ; des études (5, 6) ont aussi montré une activation des régions frontales droites chez des patients droitiers, aussi bien pendant la miction que lors d’essais infructueux pour uriner. En plus d’un probable rôle moteur pendant le remplissage vésical, le cervelet joue sans doute aussi un rôle pendant la phase mictionnelle (4). Enfin, une diminution de l’activité des gyrus post-centraux serait liée à la perception d’une urgence mictionnelle à faible volume de remplissage (4). 524 Pelvi-périnéologie le trouble soit à un défaut de contraction vésicale, soit à une obstruction quand la contraction vésicale est forte. C’est dans ce dernier cas que se discute le traitement chirurgical de l’obstacle sous-vésical. Dans un nombre de cas non négligeable, cette chirurgie a un mauvais résultat du fait d’une incontinence secondaire (dans 27 % des cas selon Moisey (49)), chiffre sans doute élevé mais constaté chez des patients lourdement handicapés et qui est sûrement moins élevé grâce à l’urodynamique. Actuellement, l’utilisation de prothèses endourétrales peut permettre de voir ce que deviennent ensuite la continence et l’hyperactivité vésicale. Un mauvais résultat malgré un traitement anticholinergique laisse la possibilité de réversibilité par ablation de la prothèse. Si une incontinence anale persiste malgré un traitement médical bien mené, il peut être souhaitable d’évaluer précisément le mécanisme de l’incontinence anale pour choisir éventuellement une technique chirurgicale permettant des lavements antérogrades (troubles du transit) ou une technique de renforcement des moyens de continence. CONCLUSION Les troubles périnéo-sphinctériens surviennent de façon préférentielle au cours des hémiplégies graves, sans qu’il y ait de corrélation anatomoclinique précise. Ils majorent les problèmes d’acquisition de l’autonomie en phase de rééducation. Les troubles vésico-sphinctériens dans ce contexte ont été plus étudiés que les déficiences anorectales. Seule l’exploration urodynamique permet de préciser le mécanisme de l’impériosité et de l’incontinence ou de la rétention, et le rôle d’une pathologie urologique sous-jacente. Le traitement est symptomatique faisant appel à une rééducation comportementale urinaire et anorectale, et à des mesures plus spécifiquement neuro-urologiques. L’équilibre thérapeutique initial nécessite une réévaluation fréquente basée sur les catalogues mictionnels et d’exonération, et la tolérance du patient au traitement. Avec le temps et des mesures thérapeutiques adaptées, la très grande majorité des troubles disparaissent dans les mois qui suivent l’hémiplégie pour retrouver au bout d’un an un taux superposable à celui d’une population normale du même âge. Références 1. Trebinjac S, Buljina A, Radoje R (1990) Fréquence des troubles vésico-sphinctériens dans la phase avancée de la rééducation à la suite d’un accident vasculaire cérébral. J Réadapt Méd 10: 5-8 2. Lorenze EJ, Simon HB, Lienden JL et al. (1959) Urologic problems in rehabilitation of hemiplegic patients. JAMA 169: 1042-6 3. Nakayama H, Jorgensen HS, Pedersen PM et al. 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