automne 1988 - Association des familles KIROUAC
Transcription
automne 1988 - Association des familles KIROUAC
Quelle est ta route? C'est la route du saint, la route du fou, la route d'arc-en-ciel, la route idiote, 1 n importe que 11 e route C'est une route de n'importe 00 pour n' importe qui n'importe comment. e sommazre t\)illill~Sl.~ _e . avant-propos ;04 Pour qui sont ces censeurs qui sifflent sur nos têtes ? -Rémi Ferland Compagnons de route de la mort de Crevel à Kérouac -Jacques Houbart La grande dérive Haïti-Québec -Jean-Maurice Morisset Holding on to Kérouac -Charles Lewis La symbolique du pendu chez William S.Burroughs -Claude Gratton Letters from Jack -Rad Anstee Un Noël, au motel "Diplomate" -Denis Vanier ~ Voyage du Club Jack Kérouac -Josette Bourque e e œ Marie De Claye Gail Grenier Sveet Jack Micheline <Il) CI) Guy Marchamps Yves Boisvert e Katherine Gravel G Josée œ En Serge Wicht e Patrice Desbiens Yvon G)Marlène Maltais Mario Rancourt (I)serge Mongrain ./ vol.2 no . 2 bulletin du club Jack Kérouac 1 1 comité de rédaction Patrice Desbiens Louis Dupont Rémi Ferland Eric Waddell Serge Wicht \ \\ collaborateurs Rod Anstee Yves Boisvert Josette Bourque Jean-René Caron Jean Damecour Marie De Claw Patrice Desbiens Rémi Ferland Claude Gratton Katherine Gravel Gail Grenier Sweet Jacques Houbart Charles Lewis Marlène Maltais Guy Marchamps Jack Micheline Serge Mongrain Jean-Maurice Morisset Mario Rancourt Denis Vanier Serge Wicht Josée Yvon ------------- .. secrétariat et abonnement Louise Brousseau direction artistique Bernard Bélanger n ' importe quelle route 129,Côte de la Montagne , Québec (Québec), G1K-4E6 Paraît trois fois par année, dépot légal : automne 1988 . n'importe quelle route bénéficie du support du Secrétariat permanent des peuples francophones. -~ j ).,- avant-propos ~ - -- Le dernier numéro de "N'importe quelle route" vol. 2, no 1, a valu à son comité de rédaction, par le biais de membres du Club Jack Kérouac, plusieurs témoignages de fél icitation et commentaires critiques quant à la qualité -- forme et fond -- de cette publication . Encouragé par cet élan de sympathie, le Comité de rédaction entend bien continuer dans la même veine et profite de la parution de ce nouveau numéro pour vous remercier de vos remarques , critiques, essais et textes de création. Bien amorcé dans le numéro précédent, par l'orientation faite non seulement sur l'immensité de l'oeuvre de Kérouac , mais surtout vers le devenir de cette terre d'Amérique, le présent bulletin confirme la nouvelle "route littéraire" suivie. Des textes de création tels que Le Bruit de l'Amérique, Blues dans la nuit ainsi que des essais traitant ge la mort, du suicide et de pratiques religieuses diverses, démontrent cette large ouverture d'esprit que la revue s'est donnée comme consigne. De plus, vous trouverez également dans ce numéro, sous la rubrique "Information -- publ icité", le compte rendu du voyage que plusieurs membres du Club ont eu la joie de faire à Lowell, ;" assachusett , à l'occasion de l'inauguration du Jack Kerouac Memorial. Ëgalement, nous invitons tous nos créateurs et créatrices à se servir de nos pages afin de publier et de faire connaître leurs oeuvres. Enfin pour terminer , nous avons le plaisir d'annoncer à nos membres l'organisation prochaine d'une soirée de poésie, possiblement à l ' automne, et la publication des Actes de la Rencontre internationale Jack Kérouac en novembre prochain. Bonne lecture à toutes et à tous , Le Comité de rédaction Pour qui sont ces censeurs qui siffi~nt sur nos tête[7il nd sentinelle de l'esprit. Après Radio-Canada, c'est maintenant l'Uneq qui censure Denis Vanier. En juin dernier, l'émission «Les Belles Heures» nous présentait un Vanier à peu près méconnaissable, dont les propos se limitaient pour l'ensemble à des monosyllabes alanguies et mélancoliques. Une enquête auprès du principal intéressé a révélé que l'entrevue avait été coupée et triturée aux quatre cinquièmes, ce qu'il fut possible de vérifier à l'audition de la version int~grale, généreusement cédée par la société d'Etat. Le produit final, entendu sur les ondes ce triste après-midi de semaine, atteste un instinct sûr dans la technique ou l'art du montage : tout ce qui pouvait déranger quelque escroc que ce soit, dans l'impunité factice mais absolue que lui accordent les lois anglaises, est disparu, c'est-à-dire tout nom de personne, tout nom d'institution et toute affmnation à iceux liée. On comprend dans ces conditions qu'il ne soit resté que quelques fleurettes. entraîne nonobstant aux quatre coins de Montréal, comme naguère le «Déambule» de k, cet onirique poème sur le Chinatown. «Noël au Motel Diplomate» constitue un tour de force et je ne peux me souvenir d'une description- de Montréal aussi échevelée, baroque autant que réaliste, zébrant l'espace comme le temps. Réjean Ducharme dans L'hiver de force? Peut-être, mais avec en plus la surexcitation trépidante, la mouvance gloussante et clignotante d'une bille roulante dans un «flipper» un soir de pluie. On peut comprendre que Radio-Canada soit prudent jusqu'à l'excès. Chat échaudé craint l'eau froide. Depuis que deux braves citoyens ont intenté à cet organisme un procès pour «obscénité», voilà quelques années, suite à la diffusion de J'irai comme un cheval fou d'Arrabal, les téléfilms moralisateurs ont remplacé le cinéma d'avant-garde. Normal, les contribuables Or voilà que l'Uneq, qui pourtant a charge de soutenir et de défendre les écrivains, agit dans le même sens et refuse à Denis Vanier un texte sur Montréal, sous prétexte d'une surabondance de - noms. Comme si une ville ne se définissait d'abord par ceux qui y vivent! Peu . du reste, l'imaginaire vaniérien nous ' Ct rf n'ont pas à payer pour des «cochonneries», même à des heures périphériques et excentriques qui les rendent accessibles à ceux-là seuls qui choisissent d'y avoir accès. Après tout, il faut tolérer l'intolérance de ceux que la tolérance sans quoi angoisserait. Mais l'écrit! Ô Voltaire! Toi pourtant que, va, je n'aime pas! Là aussi, la circonspection tremblante, la «crampe protestante» si honnie de Claudel, est désormais de rigueur. On croit rêver, devant tant de franchise joviale, en r~lisant Léon Bloy ou Barbey d'Aurevilly. Evidemment, ces seuls noms feront hurler les bienpensants. Les normes de ce qu'il faut penser . sont aujourd'hui bien définies, surtout dans les milieux précisément où l'on pense, c'està-dire où l'on fait profession de penser. Je citerai donc plutôt, avec la même cordialité, Jules Vallès et Alfred Jarry. Et qui ici afficherait désormais la même liberté que Valdombre ou Jules Fournier? On craint que l'encre soit trop noire ou trop lustrée. Certes, la mesure a du bon dans l'analyse, mais pour autant qu'elle n'exclue aucune investigation. Or le plus grave est précisément que de plus en plus un interdit pèse sur certains sujets ou sur certaines lectures de certains sujets. Pour ne pas rester dans le vague, je donnerai un exemple récen et bien probant, le scandale journalistique énorme, sans commune mesure avec le fait, suscité par une collaboration bien placide de M. Guy Brouillet au Devoir (7 juin 1988, p. 8). Cet homme honnête et qui me semble aussi l'inverse a eu l'imprudence de parler de l'apartheid en Afrique du Sud autrement que selon le scénario manichéen traditionnel. Sans récuser cette lecture, il a plutôt cherché à voir le profit honteux qu'en tirent les «démocraties» dans leur propagande, celui d'acheter à peu de frais une bonne réputation tout en détournant l'attention internationale de leurs propre's injustices. En somme, une réflexion posée et nuancée, en parallèle du simple constat et de la réaction convenue. L'excommunication pourtant vint aussitôt (Le Devoir, 15 juin 1988, p. 9 et 20 juin 1988, p. 7), unanime et irrévocable, sans nul autre fondement cependant que la disqualification, le procédé de rhétorique le plus bas qui soit parmi les quelques milliers où nous puisons pour nous faire entendre de nos semblables. Pareil ostracisme me rappelle non sans fierté le petit brouhaha que j'avais provoqué naguère comme étudiant, en refusant de prendre position contre l'Espagne franquiste, alors l'objet d'un opprobre universel pour l'exécution de terroristes basques. Les professeurs de la vénérable institution que je fréquentais, voulant peut-être nous éduquer à devenir des bourgeois éclairés qui caressent qui n'est pourtant que le préjugé de demain régulièrement leur bonne conscience, avaient selon le mot de Proust, je crois toujours utile cru opportun de lire au début des classes une d'envisager une question sous un jour protestation «en règle» contre Franco et sa nouveau, c'est-à-dire véritablement comme politique intérieure. Au lieu d'opiner une question. Mais cela n'est parfois gravement, je m'étais levé et avais affirmé possible que sous peine de s'exposer aux trouver singulier qu'un collège catholique gémonies ou, pis encore, à la conspiration condamne avec autant d'empress~ment et du silence. sans examen un régime ami de l'Eglise et que de telles condamnations-ne soient pas Pourtant, la censure n'existe pas, s'il lus quotidiennement, à ce compte, contre faut en croire la revue universitaire Voix et les oppresseurs beaucoup plus infâmes des Images, qui n'en a pas moins, dans son Kurdes, des Arméniens, des Tibétains ou dernier numéro, passé au caviar ma très des Sud-Africains. À distance, ma courte assertion sur le sujet. TI faut dire que· remarque me paraît toujours sensée. Mais il . mes trois pages de texte ont été tripotées en fallait se soumettre à l'opinion du jour, sous plus de quarante endroits, cela dans une peine de passer pour fou . Ça n'a pas revue qui affirme en exergue que «les textes changé, pour la forme, sauf que le credo publiés expriment librement les opinions de tantôt a varié, tantôt a grossi. L'intelligentsia leurs auteurs»! Je ne veux pas ici m'étendre s'est fermée davantage, elle a peaufiné ses i11J.!",~~~ma dogmes. Le plus communément reçu et qui_ 1i les recoupe tous veut que notre nation, jadis et pendant longtemps, ait été plongée dans une grande noirceur. Le clergé, dans son enseignement et dans sa prédication, nous gardait dans l'ignorance. Mais je fegillette L'école canadienne de 1930-1931, une revue pédagogique d'alors, à caractère officiel, et je vois au programme de français, pour la huitième ou neuvième année, Victor Hugo, Théophile Gauthier, Pierre Loti, Romain Rolland. Entre autres. Ce ne pas les premiers venus, ni des «mangeux de balustre». En septième année, on connaît le sens et la conjugaison de verbes comme «gésir», «férir» et «sourdre». Qui dit mieux? Quant à la prédication, il faut lire les lettres pastorales du Cardinal Villeneuve, ridiculisé comme veule et fuyant dans la série Duplessis et après, entre autres «Le fait français en Amérique» et «Devoir et pratique du patriotisme». C'est beaucoup plus frais, plus net, plus décidé que ce qu'on peut entendre ou lire aujourd'hui: RIPE ROT «TI nous faut des clairvoyants et BLACK ROT des forts [ ... J. Peut-être, làTARGET SPOT dessus, faudrait-il cesser de nous lamenter comme des enfants, et prendre notre place comme des hommes, non point seulement dans la Province de Québec, dont .. LES nous sommes, mais dans le Canada au total, dont nous sommes aussi, quel que puisse en jérémiades sur un articulet qui m'importe être l'avenir.» (Devoir et pratique peu et que j'ai écrit en me riant, quoiqu'avec du patriotisme, pp. 20-21) sincérité comme il se doit, mais il est tout de même inquiétant qu'en démocratie, une Mais alors, pourquoi ce parti pris revue qui se présente comme une tribune constant, devenu une lapalissade, d'accuser pour ses intellectuels rature soigneusement le clergé de tous les maux de notre peuple? tout ce qui peut s'inscrire en faux contre les La réponse est toute simple. li fallait là aussi politiques officielles. On a même enlevé une un bouc émissaire, pour que les véritables accusation toute simple et générale à savoir responsables de notre oppression s'en tirent que le pouvoir incite peut-être les à couvert. Qui oserait accuser l'occupant, le francophones à abandonner leur langue. Je militaire, le financier? N'est-ce pas d'eux veux bien croire que la revue est que le pouvoir spirituel dut accepter des subventionnée par le Conseil de recherches ordres? TI est permis d'essayer de répondre à en sciences humaines du Canada, mais tout ces questions autrement que par un lieu de même, les fonctionnaires n'en demandent commun accrédité. Sans viser au paradoxe, pas tant! Cette pudibonderie stupide, FH:Illo1ES EXP~R!~IE:-<T, o FÉD~RA I. ES <<Si j'étais revenu au Canada je n'aurais jamais toléré la moindre provocation d'un nonFrançais du Canada .•.» • Jack Kérouac, Le livre des rêves. p. 146. hypocrite et malveillante, possible surtout dans un régime britannique, n'a d'autre but, en ce qui nous concerne, que de nous empêcher d'affirmer notre identité comme peuple face à un pouvoir qui nous restera toujours étranger et hostile. Si je ne peux en effet, sous peine de sanction, me distinguer en rien du pouvoir et de ce qu'il me propose comme miroir, qui suis-je? Or cette pratique se fait de plus en plus courante, quoique toujours sournoise et dissimulée. Les résultats sont visibles: il est devenu aberrant de parler de nationalisme et Gilles Rhéaume nous paraît un Don Quichotte plus amusant encore que l'original (encore que j'aie toujours détesté ce «chef-d'œuvre», le héros m'en semblait noble et digne, aimable et estimable, et je souffrais que l'auteur se moquât de lui en plat bourgeois). Le pire est qu'il sera désormais difficile de faire marche arrière, indépendamment des questions socio-économiques. Le Québécois est atteint dans son intériorité même, on l'a évidé de son passé et du peu de fierté tremblante qu'il a jamais eu, pour le farcir de culpabilité, ce qui fut facile compte tenu de sa générosité proverbiale. Pour être gentil et évolué, le Québécois doit s'ouvrir aux autres, accepter d'être un parmi d'autres chez lui et trouver ces autres plus intéressants et en définitive mieux que lui, moins ploucs que lui. C'est ainsi désormais qu'on ne fait plus aucune référence à notre Histoire, peut-être sous p~ine de léser ceux qui n'en étaient pas; «Etre issus d'ancêtres qui ont civilisé un continent, qui ont fondé les plus grandes villes américaines, et vivre à la remorque de toutes les minorités en leur propre province, quelle déchéance!» (Hermas Bastien, Conditions de notre destin national, p. 175) Dans de telles conditions, il est impératif de revenir à une plus juste estime de nousmêmes. «Il est grand temps de se prendre pour le nombril du monde», comme l'a si bien dit un poète censuré. Je demande à Reggie Chartrand de reformer l'ordre des Chevaliers de l'Indépendance et je l'en remercie d'avance. Nous aurions eu besoin de pareils compatriotes à Lowell le soir de la Saint-Jean-Baptiste, par exemple Alphonse Ouellet, pour rappeler à l'usurpateur anglosaxon que nous sommes toujours vivants et que nous avons des droits sur ce continent. Aussi longtemps que je vivrai, je reverrai avec une netteté filmique cette scène combien révélatrice: sur le trottoir et dans la nuit froide de Lowell, nous contemplions, les bras ballants et en pauvres, par la vitrine illuminée d'un restaurant de nuit, Ginsberg et ses Beats attablés devant des fruits de mer. Le même Ginsberg qui nous avait empêchés de lire sous prétexte qu'il voulait se coucher tôt. Oui Denis, tu as raison. Malgré les serpents qui sifflent, nous garderons la tête dressée et nous porterons bien haut nos couleurs. J~u.:ques Haubart. Littéraire érudit françai s , auteur de La traduction de On the Raad et des oeuvres de Shakespeare. LA MaRTI CaMPA ~·M · • • " ···,.. .. I......,...... ~ .. ·..... ...... .. , .. • • ~~ . • Un mystère Tout suicide est sui generis: c'est un mystère quels que soient l a mise en scène, les bavardages ou l'abondance des dOCuments épars sur le terrain de l'absence. Or, un mystère n'est pas une chose i ncompréhens i b le (ce qu i serait le non-sens parfait), mais une chose incomprise par ceux qui le subissent, au niveau de la berge ou du lit, quand on se penche sur le cadavre. C'est un objet dont la subjectivité nous échappe. Pour se rapprocher de l'être incompris, quand il ne nous reste que le souvenir des ombres au fond de la caverne, il est bien commode d'enquêter sur des cadavres particulièrement exquis, ceux des célébrités, voire des écrivains, - eux qui ont beaucoup disserté, sur toi et sur soi, sur la vie et l i l mort, et dont le métier justement n'est pas, comme certains modernes l'ont bêtement imaglne, de simuler l'incomprésible mais de frôler l'incompris . Ceci dit, nous croyons devo ir affirmer nettement ici que les ••••••• ~. • • .. . ~ • • ·""='II.~~t .·...... .... .... .·... ~~~~s~~a~_~~·~··.-..... ...," est chasseur vice versa la proie, le sujet et vice versa l'objet. Au terme: l'être privé ~ explose et l'être publ ic implo se , mais il arrive aussi, dan s l'hi stoire des baleines ou des cacha· lots, qu'il n'y ait pas de chasseur apparent. Des troupeaux entiers de ces géantes créatures viennent s'échouer sur un rivage anonyme. On dit qu'elle se suicident. ~ 4Ii .. . . • .,. ~ . ... V .. .. '". ........ ........ ·~ · ····~ ••••••• . . . . . .. .. ......,...... écrivains en question ne constituent en aucune façon des cas privilégiés, des aristocrates du suicide, comme s'il y avait une sorte de "sang bleu" de la mort. Ce sont encore moins des modèles idéologique s. Ce ne sont que des cas cliniques mieux connus et documentés, et don c plus utiles au départ d'une extrapolation, cette manoeuvre hardie que Pierre Sipriot encourage obstinément dans ses Cahiers. Deux hécatombes Depuis que l'homme existe, que sa. stature se dessine à l' intersect i on du corps phys i que et du corps social, un petit nombre de valeurs définit le règne anthropologique: l 'homme issu de Dieu, image de Dieu, ou son prochain qui pour les chrétiens n'est autre que le Christ, est la valeur suprême, et de là découle évidemment le principe essentiel qui doit régir les relations d'homme à homme: "Tu ne tueras point". Ce capital moral de l'humanisme est permanent: ses valeurs originelles ne sont pas des robes qu'un grand couturier comme JeanPaul Sartre - porte-parole grimaçant d'une civilisation décapitéepourrait assaisonner à sa guise. -- individu considéré comme un "salaud" au siècle de Périclès provoque aujourd'hui la même réaction, et, si les morts de l'antiquité pouvaient dialoguer avec nous, leurs morali s tes seraient d'accord avec les nôtres, pour l'essentiel. Ce sont les moeurs qui dérivent dans le temp s , pas la morale. Sinon, comment pourrions-nous comprendre, pratiquer aussi librement le théâtre d'un auteur comme Térence, par exemple, qui écrit trois siècles avant J.-C.? Si les valeur s basiques dérivaient tellement, nous ne pourrions pas comprendre la moindre réaction de ses pe r so nnages après vingt-trois s i èc l es de modernisation! Certes, pendant des mill é nair es, d'innombrables crimin e l s ont bafoué l 'homme et enfreint l'interdit de la religion la plus profonde. Mais le mal était toujours connu comme tel et la valeur essentielle préserv ée . En outre, le partage rigoureux entre Dieu et César, entre la charité et la justice - loi non écrite, sauf dans l'Écriture, mais strictement vécue par les peuples ouvrait, au cours de cette longue suite de siècles, jusqu'à la première génération du XXe, l' espoi r d ' un refuge auprès de l'autel ou du glaive.(l) Après les deux hécatombe s du demi-siècle 14/18 et 39/45cet équilibre humaniste est tragiquement compromis. Il ne s'agit pas seul ement de l'impact des progrès techniques dans le domaine de l'artillerie, de la guerre chimique, puis nucléaire, dans le domaine de l'aéronautique et des missi les qui font de s victimes militaires par millions. o 1 !, Depuis la révolution soviétique de 1917, un monstre froid apparaît sur la scène historique: c'est un nouveau type d'État totalitaire, non seulement parce qu'il concentre tous les pouvoirs, mais parce qu'il nie la légitimité , l'existence même d'un contrepouvoir divin ou religieux, et pratique une féroce politique athéiste. Cette rupture de la vieille dialectique entre Dieu et César est sans doute un des événements les plus dramatiques de l'histoire des hommes . L'effrondrement de toute tran scendance dans un seul pays va se révéler beau coup plus grav e que le s orgies sanglantes des affrontements milit aires. On va s 'apercevoir qu e l'accroi ssement de l a densité éta t ique, san s contrepouvoir spiri tuel, opère.... .comme un véritable "trou noir') dans la c ivilisation planétaire . Très rapid ement, l'être humain se dévalue: famines et de structions des implantations paysannes, déportations des minorités racial es , purge des classes moyennes au fur et à mesure de leur formation, prolifération du goulag et révolution s dites cul turelles vont about i r en que 1ques décenni es au massacre de plusieurs dizaines de millions de personnes. Mais ce n'est pas tout, la maladie est contagieuse: dès les années vingt, un totalitarisme noir se trouve induit par le totalitarisme rouge, s'opposant à lui ou flirtant avec lui selon la conjoncture. De ce fait, encore plusieurs millions de victimes JUlves, russes, sans parler des résistants européens de nombreuses nations viennent alourdir le bilan des sacrifices humains . Des âmes sensibles Dans les nations industrielles, les mieux informées sur le cataclysme militaire, les plus touchées par l a cri se économi que et l a dépression idéologique, les ondes de choc d'une épidémie suicidaire tous les prétextes seront bons: la disparition de Rudolf Valentino ou les poignants accords du disque "sombre dimanche" - vont interférer avec les s pasmes nauséeux du rejet antidémographique. Mais plus graves encore seront les réaction s des "âmes sensibles" arti s tes, écrivains, intellectuels eux ...', ···i· ·~: . ..' , .... .......... . , ~""" """,- . qui fournissent au public des vitrines, des programmes ou de pseudo-mi roi rs où chacun cherche à se trouver. Contr airement à toute hypoth èse hum aniste, le déchaînement inouï des violence s et le mépri S éhonté de l a personne va déchaîn er dans de nombreux cercles où règnent le s "âmes se nsibles" profes s ionne ll es une sorte de sur enchère. Alor s que Cés ar abus e et tire à lui la couverture, l es clercs en grand nombre ne songent pas à sauver la part de Dieu, mais il s en remettent. Ils selai s sent séduire, non pas par la politique, ma i s par les r ecette s et les ru ses du pouvoir cynique. Comme ils ne repré se ntent rien dans le champ de forces, i 1.s vont donc d'emblée constituer des groupes parasitaires, des "compagnons de route" d'une révolution qui d'ailleurs les ren i fl e avec dégoût et s'efforce de leur imposer une discipline rigoureuse . On imagine les contradictions hurlantes, les palinodies, les alternances d'exclusions/adhésions, les séances de paires de claques et de coups de pi ed aux fesses qui ont ponctué l'activité théâtrale de ces histrions du prolétariat. C'est toute l'histoire d'un surréalisme qui a contraint même les plus grands à sombrer dans le ridicule. Louis Aragon, par exemple, qui conchiait le drapeau français dans l es années 20, nous l'avons entendu, au cours d'un conseil de rédact i on des Lettres frança ises, dans les années 50, s'opposer a l a parution d'une critique d'une pièce de Jean Genet, sous préte xte qu'il avait un jour montré un milicien en train de se faire foutre par un SS sur les toits de Paris. Quant à André Breton, il s'était lui aussi rallié à la "décadence", organisant à l a même époque des cocktails speclaux où l'on pouvait, en compagnie d'Alain ' Jouffroy son vassal, glaner des petits fours ou des grains de caviar entre les cuisses d'un e femme nue affalée sur le buffet. Le comble de l'immanence Les "compagnon s de rout e" ont parfois eu l'honneur de mettre en cause cette comédie r évolutionnaire. Saisir par la vérit é dramatique de leur propre personnage il s ont tout s implement enjambé l es feu x de l a r ampe: et ce fut l e suicide, plus ou moin s truqué ou mis en scène, mais un élan pour revenir au vrai. Par le fait, quand on adopte un e morale fondée sur la violence et le meurtre, le suicide est la solution la plus honorable. Dès 1917, avec la révolution russe en arrière-plan, André Breton fit la connaissance -à la première du drame d'Apollinaire "Les Mamelles de Tirésias"d ' un "officier anglais qui menait grand tapage, et qu i revolver au poing, menaçait de tirer à balles sur les spectateurs". (2) C'était Jacques Vaché, auteur de deux textes d'in spiration dadaiste, qui "jugeait l'oeuvre trop littéraire et blâmait fort le procédé des costumes". Heureusement il ne tua personne ce jour-là, mais quelque temps après , on retrouva cet esthète assez frénétique, avec un ami, terrassé par une "overdose" d'opium. C' était le 6 janvier 1919 . "Jacques Vaché, écrit André Breton dans Les pas perdus, s'est suicidé à Nantes que l que temps aprè s l'armistice. Sa mort eut ceci d'admirable qu'elle pas sa pou r accidentelle . Il absorba, je bourg par Breton qui, dans Vu par un écrivain de l'URSS, avaIT insulté les surréalistes. crois, quara'n.t è , s d'opium ... Il est fort·' " le que ses malheureux ignoraient l'usage de et qu'il voulut disparaissant commettre, à leurs dépens, une dern i ère fourberie drôle." Un autre modèle d'André Breton, Arthur Cravan, se présentait lui-même, dès 1914, comme "chevalier d'industrie, marin sur le Pacifique, muletier, cuei lleur d'oranges en Californie, charmeur de serpents, rat d' hôte l, neveu d'Oscar Wilde, bûcheron dans les forêts géantes, ex-champion de France de boxe, petit-fils du chancelier de la reine, chauffeur d'automobile à Berlin, cambrioleur, etc." Arrivé à Paris en 1912, il avait fréquenté les cubistes et publié quelques numéros de la revue Maintenant dont il était "l'unique collaborateur". Antisémite, fasciné par la boxe et la brutalité physique, il méprisait les arts et les lettres. Il eut ce mot admirable: "Quand on a la chance d'être une brute, il faut savoir le rester". Il est probable qu'un jour de pure franch i se, il se prit en dégoût. En 1920, il se trouvait sur un rivage du golfe du Mexique. Il monta en barque, part i t à la rame et ne revint jamais. Le suicide est le comble de l'immanence. Comment ne s' imposera i t-i l pas à un grand poète russe, dans la capitale de la transcendance défunte? Quand on chante l'idéal révolutionnaire, comment peut-on - à moins d'avoir l'échine molle d'un Gorki - supporter la montée du stalinisme, les massacres et la barbarie au jour le jour? Plus grave encore peut-être: Mafakovski, puisque c'est à lui qu'on pense, avait pour compagne cette Lili, soeur d'Elsa Triolet, qui évoluait - 1 1 ~ dans la mouvance de la police secrète. Le 16 mars 1930, la grande pièce de Mafakovski, Les ba i ns, présentée à Moscou, au théâtre de Meyerhold, fut très mal accueillie. Il devait déclarer le 9 avril, à l'Institut Plekhanov d'économie nationale; devant une salle houleuse: "Quand je serai mort, vous lirez mes oeuvres avec attendrissement - certains rient et maintenant, tant que je suis vivant, on dit de moi beaucoup de sottises de toutes sortes, on m'injurie ... " Le 14 avril 1930, Mafakovski se tuait dans son petit logement. Il habitait dans une rue voisine de la Loubianka: on n'eut pas besoin de le transférer. Le baiser de la mort Le baiser de la mort du communisme ne sévissait pas seulement dans la patrie du socialisme. Dans la nuit du 18 au 19 juin 1935, René Crevel, allait fixer à son po i gnet gauche un morceau de carton portant son nom et prénom, et ouvrir le gaz. Homosexuel, communiste, c'était un des surréalistes les plus doués. Lui aussi souffrait intensément de la contradiction entre l'exigence spirituelle du poète et le cynisme brutal du marxisme. Il avait protesté contre l'exclusion d'André Breton qui lui apparaît "plus et mieux que jamais au service de la Révolution". Enfin, il avait été ulcéré par le fait que les surréalistes ne pourraient pas s'exprimer au Congrès des écrivains pour la défense de la culture, alors que les Gide et les Malraux allaient se dandiner "de l'opportunisme journalistique à un révolutionnarisme esthétique opiacé et montparnassien". La cause de cette exclusion: plusieurs souffl ets i nfl i gés à Il ya Ehren- 1 l faut dire que, chez René Crevel, le compagnonnage de la mort - ou l'accouplement de la poésie et du marxisme était depuis des années au centre d'une méditation désespérée. Dès 1924, Daniel, le narrateur de son premier roman, Détours, caresse l'idée d'un suicide au gaz. En 1925, il répond à l'enquête des surréalistes: "Le suicide estil une solution?" "On se suicide, dit-on, par amour, par peur, par vérole. Ce n'est pas vrai. Tout le monde aime ou croit aimer; tout le monde a peur, tout le monde est plus ou moins syphi l itique.Le suicide est un moyen de sélection. Se suicident ceux-là qui n'ont point la quasi universelle lâcheté de lutter contre certaine sensation d'âme si intense qu'il la faut bien prendre, jusqu'à nouvel ordre, pour une sensa t i on de véri té. Seule cette sensation permet d'accepter la plus vraisemblablement juste et définitive des solutions: le suicide". Dans Mon corps et moi, (3) il va encore plus loin, sublimant "l'élan de mort": "Rien ne prévaut contre cette angoisse dont est pétrie notre chair même et qui, nous desséchant d'une soif de vér i té, doucement nous pousse au pays des miroirs absolus: · la mort. Aucun effort ne s'opposera jamais à l'élan mystérieux qui n'est pas l'élan vital, mais son merveilleux contraire, l'élan mortel." Le fond de l'abîme Dès l a fi n de l a deux i ème guerre mondiale, l'épicentre de la crise de consci ence va se dép lacer aux États-Unis.L'engagement important de ce pays dans le conflit, le rôle de la diaspora juive face aux images de l 'holocauste, la responsabilité de Truman dans le lancement de deux bombes atomiques sur le Japon, la poussée des Noirs, qui ont combattu au coude à coude avec les blancs, en faveur de droits civiques, tout cela va provoquer un choc cul turel qui, dans les mi lieux intellectuels, rappelle certains aspects du mouvement surréaliste. Très rapidement, à New York, Chicago, Denver, San Francisco, de petits groupes d'avant-gardistes, que l'on bapti serait bientôt les "beatniks" installent des dépôts d ' explosifs esthétiques , sous le contrôle de s nouveau x maîtres: Wi 11 î am Burroughs, A11 en Ginsberg, Jack Kérouac, Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, Jack Gelber. Il s'agit bien sûr d'insulter l'ignoble bourgeois, de détruire la littérature tout en . en faisant, de pratiquer la fabuleuse écriture automatique et le sous-freudisme: on reconnaîtra des tics de Dada ou des accents d'Antonin Artaud. Mais une dérive impressionnante apparaît. D'abord, le projet grotesque d'un couplage de la classe ouvrière et de l'avant-garde artistique ne saurait prendre corps dans le contexte américain. Au début, Allen Ginsberg essaya bien de répandre la parole marxiste, déclamant sur la religion qui est "l'opium du peuple" ou sur "l'oppression" des Américains qui étaient tous à la fois des capitalistes et des esclaves. Léo, le propre père de Jack Kérouac, d'origine canadiennefrançaise, lui répondit un jour, lui typographe qui joignait difficil ement 1es deux bouts, que le peuple avait le droit de croire ce qu'il voulait, que cette liberté était la base de l'Amérique et que les Américains étaient morts pour la préserver. Il critiquait la plupart des amis de son fils parce que c'était des "types incapables de produire" . En décembre 1960, Fer li nghett i avait été à Cuba et s'était fait dorloter par Fidel Castro, qui sait fort bien comment on manipule l'âme sensible des artistes. Ferlinghetti essaya au retour d'enrôler Kéroua c dans un comité pro-cubain. Mais celui-ci répond it sèchement: "C'est ici précisément que je fais ma propre r évolution, à Northpor t et c'est l a Révolution américaine!" Et il lui dit un autre jour que les révoluti~n naire s "inventent tous les jours de nouve lles raison s pour massacrer les gens". De fait, éta it-c e la résistance des travailleurs (qui souvent à l'aube, les chassaient des bars où ils débarqua i ent ivres et drogué s ) ou l'expérience de la génération d'entre-deux guerres? - les beatniks ,ne se sont guère engagés politiquement, sauf Ginsberg dans certains mouvements pacifistes ou en faveur de la "décriminal isation" de la drogue. Ils devaient toutefois trouver le chemin d'une autre forme d'aliénation. Du crime au suicide Comme nous l'avons évoqué dans un précédent Cah i er, (4) un écrivain mineur, au talent amorti par 1es excès, Wi 11 i am Burroughs, s'est comporté comme une sorte de gourou de la beat generation. Comme tous les drogués "rationnels", il se traîtait à petites doses, mais surtout veillait à s'entourer d'une clientèle d'intoxiqués à laquelle il vendait sa propre "récolte" ou les produits chimiques de ses grossistes. Un bon système ne saurait fonctionner sans idéologie, ce fut celle des blacks angels, des assasins du "syndicat", dont les outils étaient la seringue et le surin. Les jeunes blancsbecs comme Kérouac se mi rent à fréquenter avec un respect horrifié le "milieu" de Times Square, sur lequel ils firent un véritable transfert politique. N'étai è nt-i1s pas les ennemis d'un e injuste société? Eux-mêmes man i aient le couteau: ainsi le jeune Lucien Carr poignarda avec son couteau de boy-scout David Kammerer qui le pour su i va it de ses assiduités, et Kérouac fut même arrêté quelque temps pour non dénonciation du crime. Le ténor de l a beat generation ne cachait pas son admiration pour les héros de ces drames sordides. Ne f allait-il pas en finir avec le vieil homme, comme disait Burroughs? Dans les bars louches où Burroughs les introduisait, la vie d'un homme ne pesait pas lourd. Un soir, un gangster appelé Lucky tomba amoureux de la maîtresse de Kérouac, et, comme un type du bar saluait la jeune femme, le gangster poignarda le type. Kérouac observait fasciné cet univers brutal. Comme l'écrira son biographe, Gerald Nicosia,(5) il se rendait compte que ces gens "avaient perdu foi dans la bonté humaine et qu'ils recherchaient une post-intelligence post-humaine, une post-âme". Et c' éta it Burroughs qu i leur ouvrait ce "nouvel univers", à base d'alcool et de drogues. De même que la criminalité politique engendre une épidémie suicidaire, le mépris de la personne humaine est indivisib1e,de même il arrive à la criminalité "ordinaire" de provoquer un tel syndrome, dans la rue ou dans les prisons. C'est ainsi qu'une crapule nommée Phil White, excellente relation de Burroughs, le mentor de Kérouac, un beau jour se pend i t: ce ne sont pas les marchands de vins et de spiritueux qui s'en plaignirent, car il avait la mauvaise habitude de les abattre en faisant son marché. Néanmoi ns, Kérouac cont inua it à su ivre Burroughs: il se comparait à un des provinciaux de Balzac en train d'explorer "la grande vi lle maléfique", voire même en compagnie d'un autre "Balzac" dans les bas-fonds de Paris! Étrange comparaison. Parmi les "explorateurs" de la beat generation, on ne saurait passer sous silence le cas de Bill Cannastra, un jeune légiste diplômé d'Harvard, qui devint un ami intime de Kérouac en 1948. C' éta it un fanatique de la mort : il lui arrivait parfois d'en menacer autrui - lorsqu'il essaya un jour de brûler un de ses amismais le plus souvent c'était sa propre vie qu'il jetait dans la balance, en précipitant au milieu des voitures, dansant pieds nus sur du verre brisé, plongeant sa tête dans un fourneau à gaz sans l'allumer. Passionné de peinture, d'opéra, de jazz, il se saoulait à mort, mais cela ne l ' empêchai t pas de se livrer à son plaisir favori, le voyeurisme. Ce fut sans doute un des Plus grands voyeurs de tous 1es temps. Il ne se contentait pas d'avoir foré des trous dans sa salle de bains: il escaladait les toits, glissait le long des gouttières, sautait au dessus des buses de ventilation, pour s'informer avec la plus grande preclslon sur la vie privée des gens. Le soi r du 12 octobre 1950, Cannastra et des anfis avaient pris le métro de New York, en sortant d'une réunion. Comme la rame allait sortir de Bleecker Street station, quelqu ' un aperçut une serveuse noire appelé Winnie, et Cannastra bondit par la fenêtre pour aller la rejoindre . Ses amis essayèrent de le retenir, ma i s sa tête se fracassa contre un pylône du tunnel. Suicide ou pas? Comme dans le cas de Jack London, autre modè le de Kérouac, c'est un suicide à peine mystérieux. Moins ponctuelle, la fin de Jack Kérouac ne laisse place à aucune interprétation. Rêvant d'une sainteté ou d'une experlence mystique, il ne devait trouver aucun maître véridique pour lui indiquer le chemin du sacrifice. Il "fit semblapt" de décrocher dans la débauche, l'alcool et la drogue, refusant soins et médicaments. Il ne fit aucun geste contre soi: ce fut un suicide passif. Il l'a expliqué d'ailleurs un jour, avec une sorte d' humour religieux, lorsqu'il confia "qu'étant catholique, il était obligé de prendre l a porte au ra lent i". Il mourut en 1969, à 47 ans. L'École de Guerre du désespoir Serons-nous taxé d'antimilitarisme si nous remarquons simplement que les stratèges de l'École de Guerre prennent moins de risque que ceux des tranchées? Chez les "compagnons de route de la mort", il en est de même . On pouvait lire dans Time du 21 septembre 1987 que les anciens combattants de la beat generationles survivants - s'étaient réunis à Lawrence, dans le Kansas. Les maîtres à penser étaient au complet: William Burroughs, 73 ans, Allen Ginsberg, 61 ans (écrit: "J'ai vu les meilleurs esprits de ma génération disloqués par la folie".), de même que le vieux gourou cal ifornien Timothy Leary qui a poussé tant de jeunes gens dans l'enfer de la drogue. La plupart des autres, l'infanterie {(Les textes de Vanier tiennent du cristal de roche . Rarement cette fin de siecle aura donné une parole aussi méticuleusement gigantesque.» Françoise Favretto. 25 (Belgique) I~ e nsuel du génie, sont morts . Burroughs et Ginsberg sont maintenant membres de l'American Institute of Arts and L"':'e7t:':te:':':r::':s-.~~~~::":"':~~ Un des derniers "compagnons de route de la mort" qui se soit suicidé - avec sa troisième femme, Cynthia - c ' est Arthur Koestler, à Londres, le 3 mars 1983. L'auteur du Zéro et l'infini, écoeuré par le communisme qui l ' avait longtemps empoigné, s'était orienté vers une théorie de l'invention scientifique et de la création esthétique. Il semblait fasciné par l'étude des tendances suicidaires de l'espèce humaine, et poursuivait la recherche d'une spiritualité nouvelle. Lui et sa femme étaient membres de la Société d'Euthanasie volontaire. Il a légué avant son suicide plusieurs centaines de milliers de livres à une université anglaise afin qu'elle mène des recherches de parapsychologie. Pour la découverte d'une transcendance, c'est trop ou pas assez. ( 1) A notre époque où le partage n'existe plus, l'idée de "grâce" devient inintelligible et César jette le glaive après la cognée. (2) L'aventure des surréalistes, de Jean-Jacques Brochier, Stock, 1971 . (3) Jean-Jacques Pauvert, roman, 1974 . (4) No 3 - S. Freud et la drogue. "Au delà des beatniks, la génération du suicide". (5) Memory Babe, 1983. -- - LA GRANDE DÉRIVE HAïTI-QUÉBEC Jean en plus obèses. Dubois et Dorsinville sont implacablement condamnés. r~i norita ires mi norisés dans les sables mouvants où le ciment précontraint du "melting pot" ne leur laisse aucune chance: ce sont d'éternel s "boat people" sans quai à la merci d'éternels "underdogs" déracinés. Sous le titre géologique de Dérive continental e (Continental Drift), Russell 3anks Vlent d'ecrlre l'un des très grands romans de la Franco-Améri que. "Voilà, lit-on sur la jaquette, l 'histoire de Bob Dubois, un jeune collet bleu avec deux fi 11 es, deux femmes, trop de dettes, et qui décide par une nuit enneigée du temps des fêtes qu'il déteste sa vie. Parti se débattre en Floride à la recherche du rêve américain, il n'y rencontrera qu'un univers de cauchemar (et mourra assasiné)." Voilà, faut-il s'empresser d'ajouter, 1 'histoire de Vanise Dorsinville, une jeune femme contrainte par la famine et la répression de quitter Haïti avec son bébé et son jeune neveu. Seule survivante d'un convoi de "boat people", partie désespérément à la recherche de l'espoir et de la liberté par la Floride, elle sombrera dans la folie. Ce roman hyper-réaliste, où une violence extrême vient hanter à chaque page l'épopée maganée des Ëtats-Unis de l'envers du triomphe, met donc en sèène deux personnages à l'accent autant mythi que que déri soi re Le French-Canadien franco-américain et la SlackHaïti enne franco-créal e. Hap pés par ce chancre monstrueux nommé ~1i ami qui doi t dévorer de plus en plus de l'ethnique issu des quatre coins des Amériques pour nourrir ses palmeraies synthétiques aux tissus de plus Au-delà des combats interethniques incessants que se 1ivre 1 'Améri que sous-waspe pour savoir quel minoritaire réussira le plus rapidement et le plus goulûment possible à se conformer à l'image du "Big Brother" millionnaire, débonnaire, philanthrope et raciste, ce livre dévoile une réalité que seul peut-être un "NewEnglander" tel Russell Banks pouvait révéler sans doute son ampl eur. Ai nsi, Conti nental Drift se présente-t-ll comme le roman de la non-rencontre Québec-Haïti a travers l'empire yanqui. Morisset Qu ' il. me soit permis de dédier ce t ext e à Berthe Monsset, don.t i~ e s t dit lI. Za page cinquant e et un : "une ferrvne du village (d 'AUanchéJ qui Ut les Le ttres pour le monde". . sont en anglais (Pissed, Making a Kill ing, Sell ing out). Cependant, tous les chapitres, quels qu'ils soient, offrent, en guise d'exergue, un dessin, un vét i ver ca rac téri st i que qu'on trace sur le sol durant les cérémonies vaudoues. La dédicace du livre est d'ailleurs écri te en créole : "Yun seul dwet pas capab' mangé gombo" (Un seul doi gt ne peut pas pel er une pomme - tradu ction libre). On peut donc affirmer sans hésitation que ce livre s'inscrit sous le double signe du vaudou et la présence spirituelle des Loas. Je crois qu'il importe au départ de dire quelques mots de la structure et de la présentation formelles du livre. Entre les deux chapi tres d'introduction et de con clusion, intitulés respective ment Invocation et Envoi où l'auteur nous parle, se parle, allant jusqu'à s'adresser directement à ses L'auteur nous indique clairepersonnages, se profile une ment d'ailleurs de quel côté double trame. Tandis qu'un penche son invocation . "Ce premi er chapitre se déroul e n'est pas, écrit-il, une mémoiNouvelle-Angleterre re qu' il nous faut pour racondans la d'un ex-franco, le second cha- ter cette histoire... pour pitre prend place en Haïti. raconter la triste histoire de ~ais le lecteur se voit aussiRobert-Raymond Dubois. Ce tôt ramené en Amérique blanche n'est pas une mémoire qu'il au troisième chapitre pour se nous faut, c'est une vieille et retrouver ensuite en Haïti, et sainte colère, c'est une comainsi de suite en al ternance. passion grande ouverte et cet Cette double trame, procédant amour pour le soleil que peut d'un double espace géographique éprouver un homme du nord. Car -- le nord et le sud -- et d'un il s'agit d'une homme blanc et doubl e espace ethna-hi stori que chrétien obsédé par la race et -- mi-franco, mi-yanqui -- mi- le sexe, obsédé par l a hon te franco -- mi-créol e -- se con- qu'éprouve l 'Améri ca in moyen j ugue peu à peu en une seul e pour l' histoire de son pays . dimension : l'espace Miami. Ceci est une histoire américaine de la fin du vingtième sièLes titres des "chapitres haï- cle et nul n'a besoin d'une tiens" sont toujours en créole muse pour la raconter. C'est (Battérie Macconique, Grand pl utôt quel que chose comme un Chemin, Gan Malice O!), les loa, ou un "mouth-man" dont a ti tres des "chapi tres yanqui" beso in, quelque chose comme une voix qui fait se tenir la parole devant et non pas derri ère (p. 1-2)". Une quête face à une fuite La quête de Robert-Raymond rJubois (né à Catamount, /Jouvel-Hampshire et dont le nom se prononce DouBoyze pour mieux incarner le tri omphe de l a quintessence waspe), 1a quête de Franco qui ne sait pas et ne sa ura jamais ce qu'il cherche à travers une mort qui ne lui aura rien appris sur la vie ... l a quête de ce nouveau Jack ~érouac n'a d'égale que la fuite de Vanise Dorsinville. Née à All anché, Port-de-Pai x, au nord d'Haïti, Vanise Dor sinvi 11 e est une étrange pers onne sur le sol doré de la Nord- Amérique. Il s'agit d'une nouvelle venue dont le nom n'a même pas encore atteint le niveau de co nscience phonétique susceptible de lui mériter un surnom de la part de l'Anglo-Amérique et de ses assimilés. "Crisse d' Haïtiens, y peuvent même pa s parler anglais. Hay tee (Haïti)" [p. 141]. "y vivent comme des chiens, on peut pas dealer avec eux comme avec des gens normaux" [p. 21 8]. "On peut jamais se fier aux Ha ïti ens de la façon dont on se fi e à tous les autres gens. Ils sont diffé rents, en que lque sorte. On dirait des fois qu'il s const ituent presque une au tre espèce, avec leurs grands yeux i nnocents, leurs mouvements pru- ~ sait qu'il existe mais il ne se fie pas à Lui pour quoi que ce soit. Rooert-Raymond Dubois a ime sa femme et ses enfants. Il a une petite amie. Il a horreur de sa vie." [ ... ] "Il est en vie mais sa vie est morte." [p. 14] Pas la peine d'insister davantage, RobertRaymond Dubois est le prototype même du bi g-white-ass imil ateda11-american en instance de macoutisme par rapport à luimême. -. - . - -- - ------- . - ~ \. . '. .. Quant à Vanise Dorsinville, ell e souffre pour sa part d'une déformation congénitale encore plus grave, pour ne pas dire d'une maladie incurable. El1 e est atteinte d' haïtianité. Frenchée, créole, noire, anal phabète et vaudouï sante, son existence est une menace même à la stabilité démocratique de l'Amérique chrétienne . dents, leur étrange parler." [p. 330] façon de Dubois n'est pas différent ni étrange lui. Duboi s est un homme normal. Un homme qui parle anglais, lui, et ne parle même que cela. Il est devenu yanqui à plein temps, même si ses grands-parents ne parlaient pas un traître mot d'anglais avec de qu i tter le Canada. Dubois parle anglais, lui, et n'arrive qu'à crier "Bienvenu (sic) au Belinda Blue" à la cargaison de "boat people" qui se retrouve dans son bureau au large de Moray Key. "Comprendez English?" C'est tout ce qu'il peut dire avec la "demidouzaine de mots et de phrases" of "Québécois qu'il a appris par accident lorsqu'il était jeune, malgré la stricte interdi cti on de parl er frança i s qu'avait émise son pêre." [p. 348] Deveni r "Ameri can French Cana dian" pour mieux oublier toute cette ségrégation et ce cauchemar des "facteries" et des "petits Canada", et pouvoir enfin renvoyer l a monnaie de leur pièce à ceux qui sont restés derri ère. Descend en Floride, lui avait dit son frère, et "j e vai s mettre au travail dès demain ton beau cul franco (l' 1·1 put your French ass to work tomorrow)". [ •.. ] Tu te souv i en sà l'époque, le hockey, quand on jouait tous l es deux dans l'équipe du 8ishop Grenier . Les frères Dubois. The Les fuck i ng Duboi s Brothers. Patins de Granite qu'on nous appel ait dans l es journaux de Boston. Les Dubois 30ys. Descend en Floride, on va refaire les frères Dubois COl11l1e dans l ' temps, sau f que ma i ntenant, ce sera au milieu des palmiers et de tous ces beaux culs bronzés et en bikini." [p.35-37] La bell e affaire! Sauf qu'une fois rendu en Floride, le bikini disparaît rapidement sous le désenchantement. Deveni r "exCanadien-Français" et se faire demander par sa femme d'aller à la plage un dimanche après midi, en plein été de i1iami, "alors qu'à cette époque de l'année, les plages sont encombrées de tous ces Canuques pleins de bruit qui n'ont pas pu se payer le voyage en j anvier ou février. Dieu me sauve des Franchés. C'est la même sorte qui nous rendait fou au mois de juillet à Old Orchard, dans le Maine." [p. 93] Indeed! Robert-Raymond Dubois parle anglais et il est blanc. Il a donc absol ument tout ce qu'il faut pour réuss i r dans la Terres de la Réussite . Mais que se passe-t-l1 au Juste dans sa tête? Pourquoi ce malaise si profond et cette fuite éperdue? "Robert-Raymond Dubois vote démocrate, tout comme son père votait démocrate, il se rend à l a messe avec sa femme et ses enfants de temps à autre et il croit en Di eu comme il croit au x politiciens il Prise en étau entre le macoute et le "Big Brother" il ne lui reste plus que la fuite ... et l'espoir incertain qu'un loa ou un loup-garou l'emportera un jour jusqu'au paradis dans sa chasse-galerie. Il Y a quelque chose de pathétiquement dérisoire dans cette fuite incessante vers 1e "nowhere" de la liberté tronquée et de l'intolérance démo c ratique . Robert-Raymond Dubois et Vanise Dors i nvi 11 e sont deux étres traqués qui veulent si désespérément éChapper au système qu'il s en meurent, l'un sombrant dans l'assassinat, l'autre dans la folie. Sans avoir jamais réussi à ne rencontrer autre chose que leur regard muet à travers leur course folle l'un vers l'autre. Car si l'Amérique ethnique arrivait à se rencontrer un jour, c'est toute l'Amérique waspe qui volerait en éclats. Robert-Raymond Dubois est le coureur des bois de l'Amérique contemporaine, sauf qu'il n'y aplus de bois et que le canot d'écorce sur la rivière pure et cri sta 11 i ne est devenu une vielle bagnole chromée godill ant sur un "turnpike" menant invariablement à une plage asphaltée, une mer poll uée ou vers la traite des réfugiés pol itiques. Big deal! Vanise Dorsinville est la négresse marronne de l' Améri que contemporaine, sauf qu'il n'y a pl us de savane où se réfugier pour échapper au maitre et à ses macoutes, il n' y a que le capitaine du "boat people", ce trafiquant d'esclaves des temps modernes exigeant de son ballast les frais de sa propre déportation. Les Nègres se négocient toujours à la téte comme à 1 a belle époque, sauf qu'ils se trafiquent maintenant entre eux et qu'ils valent moins chers que la coke sur le marché des valeurs interlopes. Quant à Bob Dubois, il fait dans le trafic d'Haïtiens plutôt dans la grosse drogue. Ti-cul un jour, ti-cul toujours. Il y a en effet des petits comme des grands dans toute manutention. Il y a des durs comme des mous. RobertRaymond Dubois est justement un petit et un mou, pour la bonne raison qu'il ne peut s'empêcher d'éprouver de l a sympathie et de l'admiration pour sa cargaison vivante . Il a beau être devenu unilingue yanqui, une espèce de waspe cathol ique, il a conservé en 1 u i un reste de French-Canadian, c'est-à-dire une incapacité intégrale et une impuissance atavique devant l'intransigeance des affaires. Bref, il est gentil avec son "freight". "Bienvenu au Belinda Blue. Comprendez Eng1 i sh", dit- il, un large sourire aux lèvres. Les Haïtiens le regardent. Bob regarde sa cargaison. Il s ne comprennent pas cette lueur de sympathi e chez cet homme. Il ne comprend pas cette résistance au-delà de la mort chez les Haïtiens. sion. Qui est-il (1 ui RobertRaymond Duboi s) et pourquoi est-il ici de toute façon, faisant entrer illégalement seize Haïtiens en Floride, alors qu'il devrait être quelqu'un d'autre que lque part aillelJrs, disons cet ex-Bob Dubois de Catamount, tJew - Hampshire, un gars bien beau et bien gentil [ ... ] retournant chez lui en fin d'après-midi, après une journée de travail, en prenant deux ou trois bières en regardant 1 a tél é pendant que les enfants dorment ... " [p. 356]. Robert-Raymond Duboi s ne comprend pas Vanise Dorsinvi11e et Vanise Dorsinville ne comprend- - pas Robert-Raymond Dubois. Robert-Raymond Dubois est gentil, friend1y et frenché. "A ni ce guy". Et il ne comprend pas. "Ce sont leurs visages qui le troublent [ .•. ] Ils semblent si fragiles à Bob, si dé1 icats et si sensibles. [p. 347] Pauvres hostie d'bâtards, murmure-t-i1 [ .•• ] Les Haïtiens l'impressionnent. Il y a chez eux un mélange de pas sivité et de volonté qu'il n'arrive pas à comprendre. Il s sont prêts à tout ri squer, à tout abandonner pour échapper à leur île... Pourquoi font-il s ça? Il les envie presque. Il est leur opposé... C'est trop facile d'expliquer le fatalisme des Haïtiens en montrant leur désespoi r et en di sant que 1 a vie à Haïti est si terrible que n'importe quoi, même la mort, est une amé1 ioration... Les Haïtiens possèdent une sagesse, une connaissance qu'il n'a pas. Ils savent quelque chose, sur eux-mêmes, sur l' histoire, sur la vie humaine que lui, Bob, ne sait pas .•. " [p . 350351). Voilà le problème. Bob a laissé sa job, là-bas, en Nouvelle-Angleterre. Réparer les fournaises pleines de suie et puncher sa carte dans le froid de 1 'hiver. Il n'y avait aucun espoir de s'en sortir de ce côté. Tout comme ses pêres avaient quitté le Canada et leur vie d'habitant parce qu'il n'y avait aucun espoir de s'en sortir de ce côté non plus. 80b a tout vendu, sa ma i son hypothéquée, son yacht de pèche à moitié payé, ses fins de mois ennuyantes dans les Adi rondacks. Bob a crissé 1 'camp avec sa fen~e Élaine Gagnon, et ses filles pour aller rejoindre en Floride son bandit de frêre qui l'a précédé. Les Dubois Brothers, big dea1 en effet! Bob a tout laissé et voilà qu' il se retrouve dans une si tuati on encore pl us désespérée. Il est devenu un "trai1er people" faisant la contrebande de "boat people". Qui a débusqué la meilleure vie, se demande-t-il dans un élan d'admiration et d'écoeurement, eux ou moi? Désormais condamné "Qui suis-je pour ces gens, ne cesse-t-i1 de se demander. Que savent-ils de moi que je ne sais pas moi-méme? Tous savent quelque chose à mon sujet, et il s'agit d'un quelque chose que je ne sais pas moi-méme. Quelque chose de crucial, quelque chose qui fondamentalement me définit" .[p. 355] Il ne peut s'empêcher de penser que ces gens silencieux noirs de peau, immensément étrangers, savent quel que chose qui rendrait sa survivance possible si jamais il arrivait à comprendre. Ils ne peuvent lui dire ce que c'est, évidemment, mais même s'ils parlaient anglais et que lui, Bob, parlait créole, ~a ne pourrait pas ètre dit" [p. 353]. "Pourtant, Bob est incapable d'attribuer à la pauvreté des Haïtiens ce qu'il perçoit comme leur sagesse" [p. 352]. Il al' impress i on que l es Haïtiens pourraient éventuellement rég1 er son problème à 1 ui si jamais il arrivait à les comprendre. Mai s il sent tout autant confusément que s'il arrivait vraiment un jour à les comprendre, ces Haïtiens ne pourraient plus alors régler son [lroblème. "Il leur attribue un mystérieux et puissant pouvoir. C'est leur silence et leur passivité qui lui font peur et créent cet espèce de vide qu'il se croit obl igé d' empl ir avec sa propre con fu- Robert-Raymond Dubois regarde les Haïtiens. "Yep, juste de l'autre côté de la colline. La terre de l' homme 1 i bre et le pays du brave. Vous pensez probab l ement que l es rues sont pavêes d'or, eh? [ ... ] Searching for America. Comme moi, pense 30b. Comme mon père et comme mon frère. Et comme mes enfants. Comme nous tous. Tous dans nos nids de corneil1 es, 1 es yeux tournés vers 1 a Statue de l a Liberté ... America! Terre, terre! Le prob1ême c'est que, comme Colomb et comme tous ces types cherchant la fontaine de jouvence, quand tu arrives finalement en America, c'est autre chose que tu trouves . Tu trouves Disney Wor1d, des terrains sous spéculation et des emprunts bancaires aux taux d'intérêts de plus en plus élevés. Et si tu ne t'enlèves pas du chemin, on va te crisser par terre, te herser en morceaux pour co nstruire un condo, un terrain de stationnement ou te planter une talle d'orangers sur le corps." [p. 358] "Dans cette terre de liberté, rien n'est libre ... Alors me voilà, here 1 am. r-lais le problème, c'est que j'ai cessé d'être moi." [p. 359] C'est pourquoi quand sonnera l'heure de la grande rencontre avec la Loi et l'Ordre et la Garde côtière, Bob Dubois n'osera rien faire. Le Frenché sympathique dont l'âme vibrait d'émotion devant le spectacle de l'haïtianité en quête de sa libération, le Frenché sympathique laissera son homme à tout faire b1ack-eng1ishspeaking-jamaïcain vider un à un par-dessus bord toute sa cargaison de passagers. Ainsi 1 ai ssera- t- il gl i sser i nnocemment vers la mort ceux-1â même dont la science secrète aurait pu le sauver de sa propre mort. Robert-Raymond Duboi s a 1 ai ssé couler au fond de l'eau sa rédemption. Il est désormais condamné. Alors qu'une vague agitée par quel que "hougan" invisible pousse sur la plage une Vanise Dorsinville épuisée mais vivante, seule survivante de cette hécatombe, 1 es dieux du hockey ne peuvent rien faire pour Robert-Raymond Dubois. Les dieux du hockey sont en effet tout à fait impuissants en regard de l' i ntercess i on vaudouïque. Dans ce western de 1 a fin du 20 e siècle, où l'Amérique est retournée à l'origine atlantique des pèlerins fondateurs, le trafic triangulaire a resserré ses maillons pour passer de l'Europe / Afrique / Caraïbes à Catamount / Miami / Port-dePaix. Et c'est précisément Robert-Raymond Dubois alias Bob DouBoyze qui se retrouve l'instrument inconscient de toutes l es forces occu1 tes mi ses en action par la spiritual ité capitaliste et le vaudou intuab1e. C' es t ai ns i que 1 e Frenché apparaît encore fois cO!alle 1 e grand entremetteur de 1 'histoire nord-améri ca i ne. Comme son cousin Métis-French-Canadien du siècle dernier, dont l'état doublement minoritaire le forçait à poursuivre l'Indien pour le compte de l'Oncle Sam à travers l'Ouest en expansion, Robert-Raymond Dubois est un être condamné dans son propre éclatement. Et la grande quête du Franché n'aura abouti qu'à en faire le mercenaire de l'Amérique waspe, en dépit de tous ses efforts pour s'y assimi 1 er. i~eurtri er avec compassion sinon avec innocence aussi indémontrable qu'insurmontable, le minotaire frenché se retrouve à corps défendant l' exécuteur sans rémission des bastravaux de l'empire. Voilà peut-être au-delà de toute autre dimension, 1 e sujet fondamental de ce roman. Cette espèc e de "b1asté" à l'âme sensible qu'est Robert-Raymond Jubois est coupable, depuis le début, d'un crime dont il n'est jamais arrivé à identifier la nature: le crime d'être historiquement minoritaire. Co ntrairement à Vanise Dorsinville, dont le péché d'haïtianité pouvait éveiller la pitié des dieux et nourrir l'esprit jusqu'à la salvation physique, Post-Scri ptum Robert-Raymond Dubois est devenu un être sans dieu, comdamnê dès sa naissance dans le petit Canada, quelque part entre le Nouveau-Monde et 1 eNew-Hampshire. Tout ce qui 1 ui reste, c'est la défaite et la cu1pabi1 ité. Il n'est plus French Canadian, il n' aura jamais été Québécois, eC le hockey qui était sans doute le seul "médium" susceptible de pouvoir le sauver est devenu une religion sans 10as, entièrement récupérée par 1 e pouvoi r waspe. À l' inverse du vaudou, 1 es "Granite Skaters" du bon Bishop Gren i er n'ont plus aucun pouvoir dans la patinoire subtropicale de Miami. Ainsi, Robert-Raymond Dubo i sn' a plus rien, n'est plus rien. Il n'a jamais rien eu, de toute fa çon. Toujours perdant, toujours coupable, il ne peut pas ne pas mouri r. Et à défaut de sa vie et de son triomphe, il nous laisse donc sa mort. On serait donc tout à fait mal venu de ne pas pousser l'analyse encore plus pour tenter de savoi r cOl1l11ent il aura créé sa mort. Contrairement à son frère qui s'enverra une balle dans la tête en 1ai ssant à l'univers entier, cOl1l11e seul témoignage de son existence, les trois petits mots ''l'm a fai1ure" (je suis un raté, p. 306), RobertRaymond Dubois ne se suicidera pas. Pas du tout. Il négociera sa mort bien autrement. Il parti ra obsti nément à 1 a recherche de sa faute, la rédemption de sa vie, la neutralisation finale de sa culpabilité ethnique de French-Canadien. Robert-Raymond Dubois ne cessera alors de hanter 1 es quartiers interlopes de la nuit mi ami en ne jusqu'à ce qu' il puisse trouver quel que Haïtien susceptible de recueillir la liasse de dollars qu'il a obtenue sur le corps assassiné d'Halti et qui ne cesse de lui brûler les mains, le coeur et la conscience. C'est alors qu'il meurt assassiné sous les coups de jeunes rôdeurs haïtiens venus s'emparer de l'argent qu'il cherchait à remettre à des Haltiens légitimes de toute façon. Et voi là, 1 a bouc1 e est bouclée . Ainsi, dira-t-on, Robert-Raymond Duboi saura o ffert sa mort en expiation et sa longue quête i dent i ta ire à travers l' Améri que maganée aura-t-elle été pour le moins rachetée par sa propre mort. Que non, que non! Car blème, c'est qu'il n'y sonne pour recevoir la Robert-Raymond Dubois. ne . le proa permort de Person- Robert-Raymond Duboi s a été assass i né par des i ndi vi dus anonymes qUl ne savaient ni qui il était ni où il allait. Tout comme les "boat people" qu'il avait laissé mourir ne savaient pas, eux non plus, ni d'où il venait ni qui il était . Il était "Bienvenu au Belinda Bl ue" . Il était bienvenu au Une paire de New-Hampshire. patins catho1 iques au service du hockey sans dieux d'un Bishop Grenier dépourvu de tout pouvoir mystique. Fille bien-aimée du Baron Samedi, protégée des "hougans" tout-pui ssants, Vani se Dors i nvill e a traversé le mur de la mort et a survécu. Et sa folie même est la preuve de son tri omphe et du pouvo i r de ses dieux. ~1ais au New-Hampshire, les 10as volent bien bas et les loups-garous de la vieille rel i gi on sauvage du Canada ne peuvent plus rien. Il y a trop longtemps qu'ils se sont défendus d'aiguiser les lisses de 1 eur traîneau et d'évoquer leurs légendes parce qu'ils ont trop honte de leur culture et de leurs dieux . L'esprit de Vanise s'est à jamais envolé dans le carrosse du vaudou, au mil ieu même du rêve de Miami. L'esprit de Dubois et à jamais disparu dans une mort sans lumière, au milieu même de l'enfer de Miami . Il s ne se seront j ama i s connus. À peine auront-ils eu le temps d'apercevoir leurs existences respectives. HaïtiQuébec in Mi ami v i a Ca tamount et Port-de-Pa i x, c' éta i t sans doute beaucoup trop demander à l'histoire. Continental Drift/Dérive continentale. J'al depose ce llvre ~a bib1iothêque, quelque part entre La Piste de l'Orégon (de Francis Parkman) et Colorado Saga (de James E. MHchener . Je ne saurai jamais si Henri Chatillon et Pasquine1 reconnaîtront en Robert-Raymond Dubois leur frère de sang mais qu'importe, eux-mêmes 1 e sauront . Tout ce que je sais, pour ma part, c'et que ce roman porte indubitablement sur la dérive séculaire des Francos tentant de se trouver un 1 i eu du corps et un lieu de l'esprit -- une place au soleil, à l'ombre, sur la neige ou sur le sable -- dans cette Amérique waspe qui 1 es submerge de toutes parts. Cette Améri que de la Terre promise qui n'est ri en d'autre que 1 a Terre proscrite pour tous ces minorisés de la première heure et pour tous ces réfugiés de la dernière heure. J'ai affirmé pérel11ptoirement qu'il n ' y avait personne pour recueill i r 1 a mort de RobertRaymond Dubois et, dans le même mouvement, la folie de Vanise Dorsinville. Cela est faux . Il y a l e lecteur et aussi l'auteur, Russell Banks, qui termi ne son 1 ivre par ces lignes: "Le monde conti nue d'être ce qu'il est. Des livres sont écrits, des romans, des histoires et des poèmes rempli s de détails qui essaient de nous dire ce qu'est le monde, comme s i l e fa it de conna ître Bob Dubois ou Vanise Dorsinvi11e allait 1 ibérer ceux qui leur ressemblent. Pas du tout. La connaissance factuelle de la vie et de la mort de Bob ne vont rien changer au monde. C'est le fait que nous célébri ons 1 a vi e de Bob et nous pleurions sa mort qui changera le monde . Cependant, les cris d'encouragement ou les plaintes d'affliction que nous témoignons pour des vies autres que les nôtres, même si elles sont complètement inventées -- non, surtout s'il s'agit de vies inventées -- enl èvent au monde tel qu'il est un peu de la cupidité qu'il lui faut pour demeurer ce qu'il est. La subversion et le sabotage constituent alors l'objectif de ce livre. Va, mon livre, et aide à détruire le monde tel qu'il est". H Ceu x et celle s qui eurent l 'occ as i on de voi r l' expoposition "J ack Kérouac, Canuck et clochard cél este" au Musée du Québec se r appelleront Rod Anstee. Les livres exposés étaient de sa collection . Mais en plus de concevoir cette exposition, il faut souligner, parce qu'il y a eu peu d'occasion de le faire, que Rod fut un des arti sans effacés de la préparation de l a Rencontre Kérouac . Ses conseil s et ses contacts avec le mil ieu "beat" furent en tout temps pré cieux, notar.ment pour rassurer plusieurs invités sur la validité du projet . Charles Lewis du Ottawa Magaz i ne nous en dit un peu plu s sur ce s péciallste et collectionneur des oeuvre s de Kérouac . Avec la permi ss i on du Ottawa Magazine , nou s r epr oduisons ici l'article de Lewls paru CfâiiS l e numé r o de mars 1988 . DING ON Ta KEROUAC by "HEY JACK KEROUAC, think of your mother and the tears she cried, she cried for none other than her l ittle boy · lost in our little world that hated and dared to drag him down." (From Hey Jack Kerouac by Natal i e Merchant and Robert Buck of 10,000 MAN1ACS) What is this Hey Jack Kerouac? All of a sudden Jack is back. Jack Kerouac, born in Lowell, Mass. to French-Canadian immigrants in 1922, who became one of the most prol ific writers of his generation ("the hip flask slinging madman . •• ") i s all over the place: in music , discussed on radio talk shows, in magazine articles, at conferences, and, of course, on the bookshelves. 1t ' s a Kerouac revival, sort of Stand outside the Towne Cinema sorne night when the movie Kerouac is playing, and watch the lineup: the old ones, who might have been beatniks; the younger ones , who might have been hippies; and the 18-year-olds, who ' ve just read On the Road for the first time shaking their heads and going , "Oh yeah . " Anstee is 34 years old, born and raised in Ottawa. He has a secure middle-class life with a slight '80s bent - while his wife pursues her professional career, he has chosen to stay at home and raise their two young children. Their hou se is splitlevel and comfortable , revealing no apparent deviations from a normal home life. Except for one. It's on the far wall of the mas ter bedroom - hi dden from the light of day by curtains that are always drawn. But more of that in a moment. First, we have to go back to the summer of 1970 . Thousands of kids across North Amer i ca were acting out the drifter fantasy on highways and back roads. Their thumbs out and heads held hi gh, it ' s a good bet that many of them had a battered copy of Kerouac's On the Road, Dharma Burns, or Lonesome Traveler stuffed i n their packs . Charles Lewis Rod Anstee was out there too that summer, moving along the Trans Canada Hi ghway, but without the benefit of Kerouac' s gu i dance and inspiration. "1 had never read Kerouac up to that point," says Anstee. "But after that summer l wrote something about the experience (of going across Canada), and one of my high school teachers said l shou l d try reaqing On the Road . " "What l found attracti ve i s that he lead me into other things : Kerouac's whole spiritual side . The impossible blending of Catholicism and Buddhism the way he tri ed to force them together." Jack Kerouac's life was a rapid succession of writing (over 20 published novels), meandering across America, wandering spiritually, drinking, and ·finally drinking too much. He died in his mother's house at the age of 47, having killed himself with al coho 1. Rod Anstee's life has been a steady , reasonable journey of finishing high school, completing a uni versi ty degree, marrying, having children, and living in a sp l it- l eve l, with that bedroom wall where, in a way, the divergent lives of Kerouac and Anstee gently collide . On the shelves and glass-enclosed book-cases are over 250 books, by or about Jack Kerouac. There are first editions, . hardcovers, paperbacks and magazines. There are the nove1s, biographies, literary criticisms, anthologies, and references that just mention Kerouac in passing. And Anstee didn 't stop at the printed word. He' s co 11 ected v'i deos, records and audio tapes. towards a sports car. Zoom. 1 sang in a night c1ub~ pounded a piano, had a rea1 Mafia bodyguard assigned to me - went to the Vatican with him ... Missed my plane, forgot my bag, got taken in by a B-gir1. Gave the 1ittle ragamuffin a dollar, a harmonica and a pack of camels ... " You could sit in Aristee's bedroom and 1 i sten to Jack Kerouac read from On the Road to the accompa- So impressive is Anstee's collecniment of Steve Allen on piano; tion, organizers of the recent you cou 1d lis ten to Jack and Jack Kerouac International Gathe1egendary companion Nea1 Cassady - ring in Québec City (held in reading from Dr. Sax; you cou1d part to celebrate Kerouac's hear actor David Carradine's French-Canadian roots), f1ew "ta1king book" of On the Road; him and his collection to the or for a rea1 challenge read conference. the 1atest Danish edition of the same work, entitled VEJENE. For Anstee, it was a chance to fina1ly meet . some of the many Then, there are what Anstee peop 1e he' s been corresponding calls the "gems" of his collec- with for years. tion. An autographed first edition of Kerouac's first nove1. The "One of the nice things about Town and the City; a copy of co11ecting in the "beat scene" Dharma Burns with the autographs is that many of the characters of five rea1-1ife characters are sti 11 around and sti 11 (including Allen Ginsberg) on wi11ing to write to you and ta1k whom the book's fictiona1 charac- to you", says Anstee. ters were based; and a 1etter writeen by Kerouac to an old There i s no doubt of the thr i 11 fri end, dated December 18, 1966, that the conference he1d for that shows his definitive style: Anstee. It was, he says, such (ta1king about a trip to Ita1y) a high point that he wonders ... "It seems my pub1isher thinks what there's left to do . He's it was a great success . 1 lectured read a 11 the books, heard the at the University of Naples, tapes, and now has even met sorne almost started a riot between of Kerouac's oldest and dearest pro-me and anti-me students. friends. He's been to the 1 was rea lly swept off my feet. mountain, now there's no place 1 mean my feet 1eft the ground 1eft but to wa1k down. in the mob outside. 1 stuck out like a football p1ayer and ran There i s a photo of Jack Kerouac taken in the late 1950s. He's about the same age that Rod Anstee is now. He is standing in front of a vertical neon sign that says BAR the kind of place "working men" go to drink. His shirt sleeves are rolled up . One hand is crammed into his front pants pocket; and the other, squeezing a cigarette, is resting on his hip. But it ' s the face that pulls you. The dark hair is fall ing over a forehead that sits above two black deep1y set eyes . It is the face of a man who is about to get old quick1y. Though Jack Kerouac has been dead for near 1y 20 years, there are still plenty of places in North America with vertical and horizontal neon signs sizz1ing out the word BAR. They're in mil 1 towns, in the seedier side of inner-cities, outside of factories, a10ng the docks and near rai 1road yards. The kind of pl aces that Jack Kerouac hung around in rea1· 1ife and in fiction - soakingup booze and atmosphere, p1aying pool, 1istening to the juke box, and picking up the rhythm of his vision of America. The kind 'of place Rod Anstee wou1d probab1y be uncomfortable wa1king into; the kind of place a lot of people wou1d wa1k right by. ;-----~ 1 _!EROUAC ~ '" "'<.,616 SUR.·..~ "-' "'r.. .. 1;-,.. 0 "':> ',,1 Ottawa Magazine - Mars 1988 LA SYMBOLIQUE DU PENDU CHEZ WILLIAM S. BURROUGHS Claude Gratton "Il m'a semblé être obsédé par la pendaison ... les aspects sexuels vous comprenez." (sic) Wi_ll i am S. Burroughs (1) Dès le départ, .il ne faudrait pas se méprendre, le symbole n'est pas le sens caché d'un signe. Au contraire, le symbole est la synthèse d'une signification ouverte et éclatée. Qu'il s'agisse d'un objet, d'un animal ou d'un comportement le signe symbol ique porte en lui la richesse concentrique d'une idée qui déborde la simple compréhension littérale et immédiate. Dans l'oeuvre de Burroughs l'image de la pendaison est omniprésente. (2) La récurrence de l'image revient régulièrement. Dans la majorité de ces manifestations la pendaison ne concerne pas . les personnages centraux, mais bien les secondaires, et même les figurants. Souvent ce sont des inconnus qu i se balancent au bout de la corde, et pour l'entière majorité des victimes, il s'agit de mâl es. L' image-fl ash est archétypale, brève et crue.· À titre d'exemple, je cite Burroughs: "Nous les avons vu pendre un garçon qui arrivait de la campagne -- Quand j'ai vu son cou se briser et qu'il avait déchargé ... " (3) Je ne censure pas la suite, l'image est laissée en suspens et la suite ne la concerne plus (ceux qui sont familiers avec l'écriture de Burroughs conn ai ssent ses méthodes du Cut-Up et de Fold-In. (4)) Il est intéressant de voir que la pendaison est présentée par Burroughs comme étant l'incarnation de la "mort-orgasme". (5) Il s'agit d'une première unification de deux polarités. Dans sa structure même le symbole de la pend a i son comporte plus i eurs couples opposés. A priori, il faut voir dans la pendaison l'expression de la coincidentia oppositurum . D'abord l a mort-orgasme est ni plus ni moins que la réunion d'Eros et Thanathos (voire: la naissance et la mort; la reproduction et la destruction). ·C'est donc la fusion de deux forces antagonistes dans un même corps (célui du pendu). La pendaison propose aussi l'image d'une victime qui est reliée au ciel (vers le haut) par une corde, alors que l'attraction, la pesanteur attire le pendu vers le bas, le sol. Il s'agit d'un déchirement physique qui révèle ·la dichotomie entre pôles rivaux. Le ciel pouvant le salut; exprimer l'espérance, tandi s que 1a terre dans l'oeuvre de Burroughs représente l'enfer démoniaque. L'enjeu dans la pendaison est évidemment celle de la vie. Celle de la vie que l'on supprime. La pendaison est un acte des tructeur. Il v i se à reti rer la vie du corps. Et dans ce combat entre le pendu qui jouit au moment de sa strangulation, de cette mort-orgasme, c'est la mort qui remporte la victoire. Il n'est pas difficile de voir dans la pendaison le 1ieu de la jouissance stérile, celle du plaisir sexuel infertile, celle de l'orgasme nonreproducteur. Au fond, Burroughs à travers cette image véhicule un message, celui de la sexualité caduque. Le pendu incarne l'être qui jouit et périt, l'être qui éjacule sans féconder, l'être qui meurt sans se reproduire. La sexual ité à vide. Trois choses m'obl igent à penser cela. Tout d'abord, l'expression explicite de Burroughs dans ses écrits et entretiens au sujet de sa crainte de la surpopulation. (6) La jouissance stérile est conforme à cette peur. La stabilisation ou la diminution de la population mondiale est selon lui une condition sine qua non à la survie de l'humain. Si l'on revient à l'image du pendu relié au ciel par une corde, il est alse de voir que c'est par 1a jou i ssance -mort que l' homme assurera sa survie. Le contraire signifie la famine et la misère d'une population incapable de combler ses besoins élémentaires. La corde qui relie le pendu au ciel, voire son salut, pourrait être cette idée de voir le salut humain grâce à. la diminution de la population mondiale. C'est d'ailleurs ce qui adviendrait avec une sexualité à vide. Le second point qui renforce mon interprétation est son mépris ouvert de la femme.(?) La femme est synonyme de terre-mère, de matrice, de germination, de reproduction. La femme est celle qui donne vie. Dans cette optique, elle est celle qui répand la vie et multiplie. Il est à noter que dans 1e déchirement physique du pendu entre le haut et le bas, le ciel et la terre, c'est le ciel qui gagne le corps, au détriment de la terre-mère. La négation de la femme, c'est le refus de l'accouplement, de la complétude, de l'engrossement et de la multiplication. Le troisième point, et non le moindre, est l'orientation homosexuelle de l'auteur et de son un i vers romanesque. On aura compri s que (1) (2) Williams S. Burroughs, Le ticket qui explosa, Paris,Union générale d'éditions (col.l0/18:700), 1969: p.30. Cf. Wi 11 i am S. Burroughs, (3) La machine molle, Paris, (4) U.G.E. (col.10/18:545),1968: p.20,21,27,28,30,56,62,63,72 75,82,92,107,112,125,126,128, 136,200,203,205: voir aussi: Le ticket qui explosa:p.13, 15,25,27, 30,31,40,67,70,141, 157,180,210,217; WSB, Havre des saints, Paris, Flammarion, 1977:p.61,224,255,256; WSB, Les cités de la nuit écarlate, Paris, U.G.E. (col . les deux formes de l'homosexualité conduisent à la non-reproduction. L'homosexualité est une forme d'accouplement qui se limite aux plaisirs. L'unique but de cette orientation est confiné à la jouissance stérile, et ne pourra jamais signifier la reproduction. Pour conclure, il semble donc que le pendu dans l'oeuvre de Burroughs symbolise la sexualité à vide, celle qui privilégie le plaisir à la reproduct ion, et man ifeste de façon latente la crainte de l'accroissement exponentielle de la population mondiale. Crainte, qui de nos jours, est grandement partagée, étant donné l'épuisement de nos richesses naturelles et les ravages écologiques qui nous menacent. Voilà une symbolique qui déborde 10/18:1622),1981: p.116,128, 197,332; WSB, Le job, Paris, Belfond, 1979:"P.154, 156. WSB, La machine molle:p.28. Au sujet de la technologie de l' écri ture de Burroughs, on peut consulter: N.Batt, et déplacement "Rupture dans l'oeuvre de William Burroughs", Revue française d'études américaines,I,1976: p.l1, 21; du même auteur,"Bitextualité dans l'oeuvre de William Burroughs", Trema, II, 1977: p. 59,70 ;A.M. Boyer, "Les ciseaux save nt sans contredit d'une imagerie puissante qui touche à l'humain dans son essence, c'est-à-dire sa survie en tant qu'espèce. Ce combat sans fin que nous livrons depuis des milliers d'années. Et je crois que lorsqu'un auteur réussit à mettre en oeuvre le grand jeu de la tragédie humaine, son oeuvre au lieu d'être un cumule de romans devient une mythologie. Parce que sa création ne fait rien de moi ns que nous rep lacer au centre du monde, dans l'enjeu de notre situation historique et critique, et pour cela, Burroughs est aujourd'hui plus pertinent à lire qu Homère, parce qu' ilést le narrateur-aveugle de la mythologie que nous vivons et à laquelle nous participons passivement. 1 lire", Revue des sciences humaines (196},1984: p.l07, 117; J . F.Chevrier,P.Roussin, "W.S.Burroughs. L'invention d'une machine d'écriture (5) dans la machine capitaliste", Cahiers critiques de (6) la littérature,2,1976: p.33, 34; R.Fowler, "Anti-language in fiction", Style, XIII, 3, 1979: p. 259,278; L.Jenny, "Sémiotique du collage inter- (7) textuel, ou la littérature • coups de ciseaux", Revue d'esthétique, 3/4,1978:p.165, 182; R. Lydenberg, "Cut-up: Negative Poetics in William Burroughs and Ra 1and Barthes", Comparative Literarature Studies, XV, 4, 1978: p.414,430. WSB, La machine molle: p.27, 85. Cf. WSB, Havre des saints : p.47; WSB, Le job: p.l07; Victor Bockris, Avec William Paris, Denoël, Burroughs, 1985: p. 234. Cf.WSB, Les ar ons sauva es, Parus UGE co1.10/18: 1142 , 1973: p. 145; WSB, Le job : p. 160 sq. --- , ~ ~ -'" ~L----_le_tt_e_rs_fi_ro_m_J_a_ck----,r ~ \ , .-'; .c -. NOYE . __\ \ -Rad Anstee l obtained these two Jack Kerouac letters in the early Fall of 1987 through the ass i stance of the superb "Beat" bookseller, Jeffrey H. Weinberg. At the time l was assembling ~aterial for the Musée du Québec Jack Kerouac display, "Canuck et clochard céleste: l'univers de Jack Kérouac". The material in these letters was so clearly relevent to the themes & aims of this display -- illustrating Kerouac's interest in and understanding of his roots in Québec -- that there was no question that l would have to make the necessary sacrifices to obtain them. In October of 1987 l made contact with the original recipient of these two l etters, Mr. Howard T. Valyear of Buffalo N.Y., who very kindly wrote me a couple of letters explaining the background as to how he came to correspond with Jack Kerouac. In late 1967 Mr . Valyear read Kerouac' s SATORI IN PARIS. As and active, amateur genealogist, Mr. Valyear was interested in Kerouac's quest, but was also sufficiently knowledgeable to realise from reading that book that there were routine genealogical sources of which Kerouac seemed to be unaware. And it was in a spirit of wanting to helri out that the first wrote to Kerouac, via his agent's office in New York. As can be seen from th'e initial letter, Kerouac's interest was sparked immediately. In his replies, Mr Valyear steered Kerouac to other sources, i nc l uding the Institut Généalogique However, Drouin in Montréal. apparently -- perhaps for financial reasons Kerouac chose not to investigate further via ihg Lord Agency cio ster1 7S East ss st eet ~ 10022 NeW York. N• • this root and chose instead to query his distant Québec relative, Rev. G. Levesque of Mon tréa l, ih a letter of July 1968 that is reproduced in Raymonde KérouacHarvey's history of the Kerouac family, L'ALBUM. Also, in his replies Mr. Valyear made sorne gentle attempts to refute sorne of the wilder claims which Kerouac lays out in these two letters --legends of family history in which he was probably more interested, finally, than in the determination of fact from fiction. Kerouac may have been more interested in the dre~m of hi s ancestry than in the verification or rejection of theories or family stories, but at the same time those things which he chose to bel ieve about his fami~ Québécois roots are highly revealing in and of themselves. This is why the letters are of some interest. One final thing. Kerouac's continuing interest in his roots, even after the period in the mid-1960's which produced SATORI IN PARIS, is further indicated by his abortive trip to the area of Rivière du Loup in the summer of 1967. Lowell friend, Joe Chaput, chauffered Kerouac on this journey. in MOODY STREET IRREGULARS #18 et #19, Gerry Ni cos i a wrote "He chose Joe to drive him back to Canada in 1967 when he intended to research his French-Canadian roots for a novel he never lived to write". Th i s unwritten nove l was perhaps the "MEMORY BABE" which appears on the last page of Kerouac's handwritten personal directory of the names and rea l i dent it i es of the characters in his novels. The list of names is also, sadly, unfinished . ~'" ~. ~J Un Noël, au motel «Diplomate» Pour moi Noël fut toujours Dickens ainsi que la «petite fille aux allumettes» et je me demandais si en réalité elle ne serait pas mieux de geler au coin du Boulevard Décarie que de souiller son corps d'enfant dans l'eau pourrite du bain tourbillon, tout cela pendant que la dinde que mon ami et moi avions quêtée à l'Armée du Salut pourrissait dans le four, chez nous. Vous rappelez-vous en fait que nous n'existons pas, que nous ne sommes pas plus une ville qu'un pays. Nous faisons partie du Tiers-monde et ne pouvons vivre que par la matière sainte de nos bordels, de notre écriture et par la rigueur terrestre de notre foi. Montréal était aussi l'une des villes préférées de Jack Kérouac. Malgré le requiem de la Rivière des Prairies, qui se souvient des batailles de la gang du Ranch contre fort évidemment eux-mêmes et de ce qui se passait entre les chapitres «Iberville» et «Frontenac», mais surtout celui de la rue Fullum surnommé «Sous le pont», comme l'a si bien décrit André Major, aujourd'hui mis à la retraite par les plus hautes instances de l'esprit, celles du «Chapter South» (Laval). Mick Jagger s'étonne de pouvoir s'y promener sans lunettes fumées, il devrait demander à Francœur de lui donner des cours. De toute façon les plotes des «Devils Disciples» (Rosemont) ne furent qu'aussi minimes que la peine du Christ, le simple fantasme scatologique du Boulevard Gouin. Ed Sanders, chanteur des «Fugs», m'obstine que Montréal est une ville strictement anglophone. Rien d'étonnant, il lisait «The Gazette», écoutait le «canal 12» et «C.H.O.M.» et demeurait au «Ritz Carlton». Ayant détesté l'impuissance et la douleur d'un fantasme, de même que le pléonasme d'une telle affIrmation, il ne me demeurait Dans tout cela, il faut réintégrer Montréalsud, car ce sont ces autres motels, celui de Jenny Rock, le «Luna Rosa» ainsi que le «Chalet Normand», qui furent l'objet parfait de cette sexualité de droite qu'aucun poète notarifié ne pourrait subir. Quand Frank Zappa est venu il n'a jamais su où il était. que d'autres alternatives: être ce que je suis: un macrobiotique urbain épris de folklore ninja mais le seul poète à avoir soudé un texte sur le stérilet de Phyllis Diller. Par contre ma honte fut à son comble quand, rue Sherbrooke, Janou Saint-Denis déclara en public que j'étais son «grand amour platonique». Pendant les abus et surtout les renoncements, Gerry Boulet, mon voisin de la rue Beaudry, m'hurlait comme en silence «Tu me fais mal à mon cœur d'animal». Et j'ai pleuré en pensant à cette jeune juive des «Hell's Angels», pourtant si loin de Montréal, pendant que «Et c'est ainsi depuis» n'est plus un poème mais un constat de police. De toute façon, il n'aurait fallu qu'un peu plus de peine pour que ce fût Longueuil. Et pouvons-nous à peine taire le risque, au retour du camp de nudisme, d'avoir eu à «couper» une trentaine de voitures sur le trottoir de la rue Langelier parce que la «Société de Conservation du présent» était en retard de quelques minutes pour un eXercice théâtral, dont malheureusement pour lui Dieu seul connaît le titre. Pourtant tout en «coupant» nous prîmes sur le pouce une jeune danseuse de la rue Davidson. C'était Mylène, la fille du UNION J...,. c..:ri\ ... in~ 4Utl...~·ui , ! i o...h V.ni~ r I l '6t.fon t.11'le Mo~tni.l {QIoibt'<1 H2L III '" le C_Hi dt 'eçtu,.. du Ibllrf'.1 des icrh';'Il" blp l_'", cgnn.in",, ~ ~ \'Otre tute lllllh,li «Motl. l u ..,ttl prh De ...ef4!rence~ l l'uls du COIItti. votre tute cOft t! e .. t trop dt: 6u hdhtdu $ et ftH peu (jf: pl.ce l If. ~tlle Qui clo t 1 Urelet~pdftCllHll$el·ouv r·te · le , . . lti lI'0II1 I nvite tOllle'oh). I .. t , _ nre "" tecte IItt i r. tre qui u4rer.1t .. t", •• "ee le projet. S, .. 01lS <1,;,1 .... : pn~" t .. ............. u .. Iule ft,,,, profiter de (elU posslbll1t4 . "Nil 1er ,,'Ici le lf r . c.ût .u"""Secf'lfurIU dt' """EO. Yeuflle-z -e \ ~ll1e .. n saxophoniste Gaby Johnston, mort écrasé par un taxi dans le Vieux-Montréal lors de l'élection du Parti Québécois et que plusieurs critiques musicaux ne pouvaient et ne voulaient connaître, comme Chet Baker mort d'héroïne et de pauvreté ainsi que Patrick Straram assassiné par la misère et l'indifférence. \ Noblesse oblige, dans ce cas-ci la mort ne pourra venir que de la part d'«un commis voyageur» de l'escouade anti-poétique. demandez à Hubert Aquin ou peut-être à Edgar Morin, premier Montréalais à avoir joui devant un Matisse empoisonné. Mais au simple niveau du fait acquis, Cioran, n'arrêtez plus d'écrire des lettres d'amour à Mylène qui te suce pour son plaisir à Elle et Marguerite Yourcenar, le tout emboîté et qui pour te faire vraiment plaisir à toi te finalement destiné au «contact» de Yolande Villemaire. alors domiciliée sur la rue donne 1/4 d'once de hash. Brébeuf, mangeant du yogourt au radis, «TI n'est rien de plus effrayant que de servir agenouillée silencieusement devant les de cobaye pour une expérience biologique figurines suintantes des rockers. dont vous ne connaissez ni le sens ni la Même si à peine il ne m'embrasse que comme nature.» un vague rapport d'estomac, il ne faut pas se Un survivant d'Hiroshima soustraire à l'évidence, au contraire d'un (cité dans Truman Capote) Jacques Ferron, l'un des assassins de Claude Gauvreau, mort de faim rue Saint-Denis, Montréal est une ville sale, imbue de qu'il n'y avait pas qu'à Montréal qu'un spéculateurs, de médecins non-traitants et rapport de connaissances eût dû s'établir, que d'agents doubles, dont aucun terroriste ne le F.L.Q. n'a fait que sourire le monde entier, daigne même s'occuper. et que mon amitié pour Jovette Bernier, une autre ex-voisine, ne peut qu'établir sur le Politiquement aucun effectif policier n'est bord de ce maudit fleuve puant qu'est le plus harassant, dangereux et incompétent Saint-Laurent «Que je vous ai tant aimé», qu'en cette ville. Mais ce que j'aime le plus de Montréal, mis à L'Est de Montréal demeure notre seul refuge part Ginette Letondal, c'est Francine Déry, culturel et nous avons strictement l'intention car même si elle habite «ailleurs», pour moi c'est elle Montréal. d'y établir un ghetto. .~~ ... elle r Denis Vllller, ",.pren ion on ~ftti _nts. D'autre part, on ne doit et ne peut «vivre» cette ville que «sans espoirs mais avec convictions» (Orson Welles 1Patrick Straram le Bison Ravi). L'Est, là où au moins un texte est un sublime menu, comme Francine qui a lu mes premiers textes au «Select» rue Saint-Denis, en m'écrivant de « ... porter bien haut mes couleurs». Denis Vanier Montréal, 26 mai 1988 éphémérides, détail. Marie De Claw, la femme-guépard, vit pour l' instant ~ t·1 ontréal . GREAT RIVERS AND LITTLE CREEKS Gail Grenier Sweet A trip to Québec City cold grey and stoney rèminded me of something 1 almost forgot... that my great-grandparents came from Canada and 1 spent five years studying French and 1 used to be proud of my beautiful maiden name, (even searched for it in France, and found it unexpectedly on a little granary next to Chateau Chillon beside Lake Geneva) and as a teenager and young adu lt 1 questtoned aunts and great-uncles and my Mémère about the roots leading back . 1n Quebec City for a Jack Kerouac conférence, all nationalistic arguments and linguistic nitpicking seemed silly. My tongue unfroze , my lips loosened, and my French came back (the French that · lurks and speaks out in nightdreams). The Québécois were infinitely patient with my crippled French. My "Bonjour!" opened their smiles . Two college girls at the Battlefield museum explained about "joual", till 1 finally understood. (One of the girls laughed about her father, who speaks not a word of English, yet will slap "Dat's owl" at the end of his French statements.) And 1 found that every Quebecer loves to say 1I0k ay li . When 1 was growing up, only knew 1 was Franco-American because had a Mémère and Pépère and no one else did, had a name no one could pronounce, and could sing a lullabye, say a prayer, or swear in French. 1 was proud then, and 1 st i 11 am. ln Québec, 1 sought the Geneological Society at Laval . Tt was closed . But a Québec friend named Luc (whose mother's name was Grenier) said something and 1 think is true: "Geneology is like a river," he said, "And it ignores all the little creeks that lead away from the river". Now Mémère and Pépère are dead , and 1 probably never will find ans wers to my questions about where 1 come from. Maybe all that matters is that 1 know l'm a little creek from a great river and 1 know where l'm going. THE END ,1 . lettre à Jean-louis f' Nuit pleine de lune, nuit Je l'imagine cette femme, des d'amour, de folie, lune de miel, seins superbes, gros comme des miel de la vie, douce douce nui t. melons, et moi Je n'ai qu'une envie, celle de me faire étoufFol ie plein la tête, tête pleine fer entre eux, pour ne p·lus de rêves; vivre le reve afin entendre les cris de la misère que rêver soit utile et nécessai- du monde. re. Ah! frère, si tu étais là, près J'écoute du J.-Michel Jarre, de moi, nous pourrions boire les oiseaux me rappellent qu'il et boire encore à cette source est tôt ou tard; qu'en sais-je? de vie; la vigne, ta vigne; celle Moi! dan s mon ivresse, et puis qui est, comme tu le dis si bien je ne veux pas vraiment savoir ... "chaude et fringante comme une pucelle" à qui, pour la première Comme à chaque printemps, quand fois , nous irions baiser les la sève monte dans les arbres, lèvres de son sexe pour se cette fièvre me saisit aussi; laisser, enfin, s'extasier dans j'ai chaud, je suis chaud, je l'émerveillement de notre cosmos. perds la tête, je laisse ma blonde et j'en retrouve trois 1vresse, to i qu i commandes 1a autres et je ne sais plus ou plume et agites l'esprit; oui, je m'en "va"! Tant pis, une autre je voudrais obéir et écrire "shot" de ton eau de vie, eau toutes ces pages de ma vie, mai s d'esprit, qui m' alimente, m'irrigue et me permet cette jouissance du tintement de ma pisse dans le bol de toilette! - la main ne veut ou ne peut plus suivre mes idées; mon esprit s'embrume et je me laisse choir dans ce halo de lune qui m' i llumine. Un ce je une jour je te dirai tout, tout que je su i s et tout ce que ne sais pas, mais ce autre fois. Ave frater et prends soin de toi! Serge BLONDINET Guy Marchamps, "le plus grand poète de Trois-Rivières", se rend fréquémment bouquiner à Montréal où, du haut de ses plus que six pieds, il voit tout. Profitant de cet avantage, il mit récemment la main sur un exemplaire, assez unique, des Solitudes de Bob Kaufman. Unique parce qu'il a appartenu à Louis Geoffroy, et doublement unique parce que ce dernier y a griffonné un petit texte. Confinnation faite, il s'agit bien de son écriture. Nous en reproduisons la teneur. à Bob Kaufman prime une négritude électronique dans des constantes de pierre et de lumière artificielle en cet âge où la main va droit au coeur résonne comme la peau d'un tam-tam catatonique à la coda désamorcée au centre de girations intrépides et mécaniques Louis Geoffroy (1966?) for Gerald Nicosia The St.Lawrence is quiet young girls·are giggling coming home from school remember me when the candle lights are gleaming A black squirrel does a pirouette A crooked Saint lighting his cup membling his prayers high with spirit A sacrament for the lost and damned Raphale Perpinyan Wandering like a ghost in the streets of New York Lost child hidden in the dark of cities from the dark of your mother without home, or flag or country 47 years 47 millions a deluge a dynamic dynamo of energy a machine gun for a typewriter a promise never kept To take the eyes of children and leave us with dreams and fantasies To be lost in American To be lost in Siberia without coyer or sanction of keys with no flag or country knoweth without toilet paper embracing the pain of the multitudes embracing the sky over cities Persistant Tenacious across a white line on a football field in Lowell in 1939 The followers scream for the team One blast in the line One drum roll One Dutchman One Duluoz One dervish . One banshee One Le Trec One Avinyon One Yankee One Saint Kerouac One last ship returning home One dark freighter in the night One crooked eye underneath One Pin-ball machine laughing One French no se One gaping mouth One tired cock pissing on a fire-plug One tortured soul singing in the deluge One pool player without a cueball One Greek woman loyal as anchovies One hobo One poet One Priest without cloth One Dominon One bird One pigeon one lost solitary soul One wanderer One gypsy exploring the multitudes One tortured genius embracing the sky over cities Agonized crying Alvarado Street 1947 skidrow Los Angeles amid the dungheaps and shells and ghosts of man amid the winos and the lost and down looking for a sign looking for a star looking for Christ in the gleam of a derelect The Sireens and flashing lights across the brows of the multitudes in breadlines in drunktanks in dungeons in darkness in doom in Montana in Missula in Mineapolis in Denver in Cheyenne in Bakersfield in Boomtown in Britany and Boston and Manhattan Looking for Walt Whitman in the Lower East Side Morning Amid old and Priests Across the fires of childhood Across the plains of Abraham The tent of Jacob to be one with word and wind to be one with wonder to be one with bird to be a pen a composer a monkey on a stick getting drunk with Charles Mills and Franz Kline stumbling up Waverly Place and Hudson St. and Bleecker St. with Zoot Sims and Charlie and Danny and booze and darkness searching for the last of the bohemians Stanley the ropemaker with Dutch At the Cedar Harold Goldfinger the alabaster nightingale The lost sailor of the mist The horseplayers in the stretch of Eternity Stumbling laughing in the night crying embracing the shivering city Muscatel and night jazz wine and streets and flophouses and cobblestones and tar and bridges and time A genius without cover like a bare twig in winter sticking out of the Moors of Iceland The skin to Rot The bones to decay The eye red and bleeding The Wits silent The tinsel fading The firefly without fire or fantasy The wonder crucified The brain closed in Agony The last solo of a wino slumping to the ground Kerouac puking his guts and balls in the gutters of Lowell and Long Island and Florida stretching his arms across the Zodiac The vast void and mountain kissing the angels kissing the stars clutching the dream that died hugging his mother in the night of winterland embracing a daughter never known out stretched his arms his wide brow rising touching the vastness of mountains no more stinking Socialists no more politicians no more miserable mediocrities no more football stadiums no more intellectuals and scholars digesting James Joyce Proust Baudelaire Jack Kerouac you had no more to give and you gave everything you had and that was all everything and nothing and you gave it all Jack Micheline Québec, October l, 1987 PRELUDES La passion du jeudi soir prend un bain dans une simple tasse de café, et l a petite s' envo le jusqu'à la -derni ère gorgée. Son visage enfle, on se berce dans la vague de ses yeux . •• Puis le calme après la tempête, on y voit maintenant du bleu. Marie épluche les oignons. Les pelures sèches et brunies de la vie s'ecossent avec le temps. Julien brasse les cartes, s'assomme au sens de l a vi e qu'il retourne en pi que, coeur ou carreau. Des câbles électriques se tendent dans ses veines bleutées. Un corps rond ou carré. Derrière la vitre biseautée, la silhouette des longs visages se perpétue. Une réplique exacte du souvenir s'insinue au passage et, le dos courbé, le jeune s'avance les mains tremblantes, rougies par le câble trop longtemps givré . Tout ce que l'innocent entend, malgré lui. La vie fait maintenant la sourde oreille, s'étend sur le pavé et attend. Hier, le goéland riait, j'ai ai profité pour boire le fleuve. Le vent se sauvait su"r l a pointe des pieds, j'ai suivi ses traces. Puis les cailloux souriaient et venaient s'éteindre au fond de ma poche. "Cannina Burana" sur papier, et le bonheur existe. Une nuit s'achève, change de place avec la vie. Prendre par la main, par les cheveux ou par les yeux, quelqu'un prend l'air. Dehors le renard cherche la poulette brune, ou le gri s foncé. Ell es couvent dans le poul a ill er, souffrent d' i nsomnie. La nuit est longue, durera toute l'année. Des gens s'agitent ou restent immobiles, j'oublie l'heure; le temps passe toutes les journées. Des personnes circulent, cherchent la sortie , sondent les pensées. Un filet d'homme s'installe et creuse l'horizon, fouille ses poumons. Je suis la poulette blanche qui pond dans les branches, plusieurs petits cocos tombent par terre et se cassent en dix mille morceaux . Ma crête est rose et mon oeil est vif. J'attends les oies pour enfin m'envoler, picore le rivage, surveille d'un air discret le signal. Les poupées d'eau douce ou d'eaux glacées, les vestiges de tant d'années. La rivière suit le cours de la vie sans broncher, au même rythme que le courant. L'emprunt verbal de nos idées troue le papier vert d'un grand cri. L'arme de la folie persiste et franchit le lac que l'on garde précieux, au creux de nos émotions. Une écriture calme et posée s'inscrit en veilleuse. Rien ne bouge, seules les pensées se succèdent. Déhancher 1es mots et porter 1a tête haute. Un tei nt blafard recouvre l a pei ne, et l' oub lise man i feste d'un son rauque; j'entends les cris symphoniques de leurs matinées quotidiennes. Toutes les guerres sont meurtrières, certaines font des prisonniers et laissent derrière de grands blessés. J'en ai vu plusieurs. .6... Un diapason se fait entendre; des enfants, tous vêtus de blanc, se font prendre par la mélodie, et ce sont les canons, ceux des fusils qui trouent le choeur des petits. Le chocolat de mes nuits dépose un velours sur mes envies. Ma main dessine un cercle, un oeil, deux yeux. Un océan sombre sous les mots, lourds de compassion. . Le portrait usé des femmes démaquillées par le temps et les années. Le bonheur résiste à l'ennui et se couche tard. Un emblème fuit le drapeau. Un tissu s'arrache de sur le mur, la parole est dévoilée, le risque s'aventure et le poète doit tout nier. Le bleu et le vert se côtoient. Le calme fuit et ne veut plus revenir, on l'a retenu. Les devoirs et les leçons s'apitoient sur leur sort. La pièce est trop petite, la maison trop grande et les poissons se noient à l'air ambiant. Chercher dans le bois un petit chemin, rencontrer Tarzan avec plaisir. La senteur du chlore me monte au cerveau, le temps d'un souvenir, et puis s'enfuit sous l'ombre des chapiteaux. Les terrains de jeux de ma mémoire sont bien achalandés. Des casques de bain roses, des serviettes de plage trop courtes et des maillots usés. J'avais un jour un navire, certes un petit, mais la mer et les naufrages ne l'ont jamais capturé. Katherine Gravel, 1988 Pa~l'"'ice Desbien8 est l'auteur de : Les Cons4quertC8S de la. vi" .. L'Espace qui reste" L'Hotmllli nviaible/The I"vieibL. Mœc .. Sudbury.. Dans L •apr~s~i co.rdiaquS.l Les Cascadeurs de l.'amour. So" demi.r Livre Poènes angl.ais vi.nt d. parattre au;c Iditions Prisi!. de Parol.. 0", peut t rouver SO" po1i!:me-affiche "Hier Vendredi.-Sai."t 6ft Tout" au bureau du CLub Jack KéroUlU:. CAMBRIAN COUNTRY LE BRUIT DE L1AMÉRIQUE à Li se Tardif à Claude Pé1ieu Devant une classe d' étudiants du Collège Cambrian onze heures du matin et leurs yeux vides comme les fenêtres d'une usine abondonnée j'ai la tête comme un trottoir plein de craques et on marche sur chaque craque ça sent 1e Bryl cream et 1e Bi g Hac ça sent le café et le trou d'cul le silence de leurs regards me cloue à la lumière des néons ils sont tranquilles comme une photo c'est un interrogatoire où on ne se pose pas de questions je regarde ma montre avec la nervosité d'un terroriste les gars veulent tous êtres des polices et les filles veulent toutes êtres des assistantes dentaires je me sens soudainement comme un terroriste avec un affreux mal de dents je ne suis pas paranoïaque je suis un paratonnerre qui reçoit leurs éclairs et il y a de l'électricité dans l'air dans cette classe du Collège Cambrian sous un ciel de la couleur d'un.chèque de chômage Tout le bruit de l'Amérique sort de ma télévision Mon salon devient une annonce de bière Des femmes et des restants de poulet partout Des hommes qui n'arrêtent pas de se toucher en regardant un match de football Les joueurs se pilent un par dessus l'autre avec un bruit de ferraille Pour eux il n'y a que la bien et le mal les bons et les méchants la vérité et le mensonge Tout est si simple pour eux comme une annonce de bière comme des femmes et des restants de poulet écartillés partout Par tous les moyens à sa disposition l'Amérique dispose de ceux qui osent pas croire à l'annonce de bière E11 e avance bandée comme un missile Cruise Elle mange tout sur son chemin tous les restants de femmes et de poulet et toutes les dents de l'Amérique sont noires et blanches comme un piano un piano mécanique qui vous mord les doigts un piano qui joue un blues et un enfant qui joue avec un douze sur la pelouse de la Maison Blanche et dans les verres fumés miroir du metteur en scène fou je vois des hélicoptères dans l'annonce de bière et des hommes qui se lancent des cannettes de bière comme des grenades et je vois l'annonce de bière qui continue dans toutes les chambres à coucher de toutes les nuits de l'Amérique Patrice Desbiens Sudbury, 1986-1987 Patrice Desbiens Sudbury, 1986- 1987 • • • • • • • • • • • ·If 1 d 't s on this 1'11 meet you on the next one and don't be 1ate •.. don't be late .•. • (Jimi Hendrix dans Voodoo Chi1d - Slight Reprise) Juste comme on pense être éternel on nous sort du bar par le chignon du coeur. Dehors c'est la mort qui nous attend souriante et bandée comme un bouncer qui flaire une proie facile 'e ort s at juste être éternel on se réveille assassiné dans une ruelle au fond d'une ville sans nom et sans âme où seulement dieu et sa gang sont éternels. Les lumières de l'ambulance fouettent le corps comme des spots à un spectacle d'adieu et dans les loges les miroirs sont vides Il n'y aura pas de rappel Patrice Desbiens Québec, 14 mai 1988 . .~ ~r~ ·. ·· . ' ." " .~: . Parle nègre parle noir dans la nuit hulule tes blues parmi les toiles de la nuit offre tes oraisons paiennes aux enfants bleus de la nuit parle bouge dans la bouche des crotales parle moche tout rond aux matous métaphoriques car la nuit embrasse car minuit est la berline chromée du vagabond parle nègre aux vitrines scandaleuses égraine tes colliers de syllabes pour échapper au langage du trottoir frais parle de langue en langue pour que les détectives de la grammaire soient semés dans le paysage sombre de la nuit parle en notes atonales avec un chat dans la gorge hurle tes histoires de vent dans la spirale du jeu qui ne finit plus parle noir dans la nuit oublie que tu cherches à oublier nocturne est le silence qui s'immisce dans les fibres du cri parle fièvre parmi le jaune des lumières qui pissent sur l'asphalte imbibée de crachats bois la bruine mange ton rêve de pain jusqu'au matin broute les ruines de ton inlassable mouvement l'artère grise où tu marches est celle-là même ou coule ton sang parle et vocalise nègrement même si le bourgeois cristallin n'éclate pas dans ses bulles va au bout de la nuit et reviens sur tes pas et repars l'alphabet des ruelles te dira l'odeur de la mort et de la vie tu auras appris à ne dire que l'essentiel personne' ne sait à quel moment la terre entre dans la bouche parle noir dans la nuit et le jour se tiendra peinard dans les chiottes du soleil Guy Marchamps 11 juin 1987 LES LAIDES OTAGES Toute la «wing» se rassemble, donne des électro-chocs à l'infirmier qui avait violé la petite Rosine inconsciente. Les deux autres matrones, Gertrude et celle qu'on appelait Guidoune, sont alors facilement capturées. de l'âge du bonze frelatées au point de boire le formol qui garde le fœtus cette beauté qui ne s'écrit pas cherche encore la veine-maîtresse boit la strega sur la gerbe des communiantes étire la peau du silence. Rosine n'était malgré elle qu'une incantatrice sorcière ne portait que des brassières jaunies de corsets agrafés de graisse sous sa muqueuse sèche pensait qu'elle se massait encore avec de l'huile de rose de l'hyacinthe, du musc mouvoir son corps comme la Chienne! peut-être des fruits, des fleurs, des balles ou des masques tombés le déisme à la mode comtesses, ménagères, courtisanes, boulangères, froissant toute leur robe de satin noir et ces photos médiocres seront fusillées tous ces ridotti pendant que le restant de bois économise l'énergie. VENIMEUSES, ATTEINTES. Josée Yvon Marlène Maltais Oh de là des appats rances, parent des sous, parent déçus, et en corps à coté, où par là, eh là bat, aux trépassages ....••. Vois là où les édit heurts veules noue me nez. <.lu' est-ce à dire? Come si par la formounliée et pour tant tout temps formezsfor_ mulations, nous pour rions art rivé à l • plu près cieux que ce que le thé atre de la biche joue trot sous vent dent no sales longs daim fortunés . Faux til croire que la tante hative peu se croire et croitre de dés ires rejoins, de ments que come un. Peu ton croire, si n'isme et barre bas ri noue car acter ri s'en plu sous vent qu'autre ment, qu 'ex siste come une fois, si non la vague croix-yance, que lex paie rie en ce temps et y si au ras dès frui, plu j'ut'eux, plu d'où, plu d'Eli cieux que ceux chie- mique ment cons posés de nos halures d'in d'ivides du . alistes cents pies tié? Eh qu'elle sein implorer de nous- guider sur la voix dès coups vertes, ne se raie t'il pas mie eux d'in voquer le dix ables, come si la tante h~ive navet de pré tension que la tente tation du voie heurt isme ? No appats rances, no formes, se reines ou déca dante cas chant comme en corps autre chose , no edit heurts pré textes raient-ils un come un f-fort de vérité sain pIe ment pour dés guster paires versements ce que de nous ils nient aux raies en cor ps trouvées , nous voie y en en fin sous un jour plu nu mais me ancré ma is me misé le jour, de ces maux ·qui en corps l'an porte rond dit cloitre une y dent tité, et peu t'etre les notres sons t'elles dès j'a en terrées, nous n'a lignons que l'épi t'aphe d'l. fent tome qui luit pour tant ose sa vent turer, sent l'avent ture bien sur, dent les part · et de ses dix 0 matic vit sion dune pert dit s'yon, part tee s'y on bien art rangé or, questrée dès ~a±sons n'anses de notre dé cade, à long jusqu'à décadanse. Eh, allée croire que le lit et raire va nous faire voir l'autre lit eux ..... ....... . ~h, allée écrire de notre partie si passion Hill faux ré fléchir àce que d'in comme u nie cable illia, et y reste ras, mal gré toux lait maux à lits gnés, et mais me d'l. seul à su poser. Hill faux y ré fléchir, et pas trot, sang doux te où blier que toux te tente hative reste veine anse à mies . Fent dos mène, nous somme cons sots mateurs, poing. Oùblier ces pro-pots toux juste et cris à faim de retrcuver le plaisir dudit re, juste pour dire, juste pour par 1er. Par 1er de quoi? De toux et de rien, et ne crin dre l'atta que la rérpi mande, +a le son suit vente, par 1er, par ce que le véi cul le sot si aIle nous y oh! bli je, no mais moires nous étangs ex t'ai rie heure nous laits chèrs chons à tas ton au tra ver nos maux, ceux dès autres, épars le bi haie du pli art rivé. Ainsi nous voie si et cri vent et la qu'ose sang pert t'y n'a.nse ne nous art ras che ras allah plus me te nace, que ,' pour d'autres faims, en corps celles du thé atre de la biche, ma.l gré que long peu ce lait sait allez à croire que ré side au sain de la tante hative, une no . si on y next primée ail y heure, nous ce rond tous jours près pour allée faire sous lignée que long a pu blier, la fort me re prend drap c'est droit, sang lait à voir j'a mais pert dus, sain pIe ment nous y ma ginons trot sein ple ment Et pour ma par oh s'et poser le maux delà pre mi aire per sonne, come on dés voilent un visage? pas de par, à par c'elle de la nez gassion qui en fait n'es pas toute fête au nom. Le sain ple fait dé cri re et de plu ne pas résister allah tente tassion devoir sept et cris sur qu'elle que pas pis est jour n'alle, peu cré et le para dox et en corps ~e et ne crin dre l'atta que la rérpi mande, la le son suit vente, par 1er, par ce que le véi cul le sot si aIle nous y oh! bli jef no mais moires nous étangs ex t'ai rie heure nous laits chèrs chons à tas ton au tra ver nos maux, ceux dès autres, épars le bi haie du pli art rivé. Ainsi nous voie si et cri vent et la qu'ose sang pert t'y n'anse ne nous art ras che ras allah plus me te nace, que :,' pour d'autres faims, en corps celles du thé atre de la biche, mal gré que long peu ce lait sait allez à croire que ré side au sain de la tante hative, une no . si on y next primée ail y heure, nous ce rond tous jours près pour allée faire sous lignée que long a pu blier, la fort me re prend drap c'est droit, sang lait à voir j'a mais pert dus, sain pIe ment nous y ma ginons trot sein pIe ment Et pour ma par oh s'et poser le maux delà pre mi aire per sonne, come on dés voilent un visage? pas de par, à par c'elle de la nez gassion qui en fait n'es pas toute fête au nom. Le sain ple fait dé cri re et de plu ne pas résister allah tente tassion devoir sept et cris sur qu'elle que pas pis est jour n'alle, peu cré et le para dox et en corps que nom. Allée ça voir? Sang doute l'et cri ture aide venue pour mo i un autre je(u), plu et tran je serte que bien d'autre, en n'ivrant et oh si dé ce vent capte y vent. Ce prSt et oh je(u) mais me dune fasse mi si n'hic mi cale ho~~e nie heuse est dé j'a faire preuve de vol honté de sain serrer dent le je(u) dès autres, c'est ,- édit heurt · y si en corps en qu'est-ce t'yon. Sang doux te trot de c'est ri eux, tes cuisses sont dans tes jeans elles sont en même temps dans mes poèmes tes jeans accouplent et tu marches vite tes talon s rou ges déglacent le trottoir ton sac à main gifle les boites aux lettres un flacon de Bentylol tinte au fond du sac tes main s sont des cliniques et tu reti ens tes larmes toutes t es l armes amères ma t ête de cochon d' Irlandais imagine tes hanches ail leurs que sur une affiche aill eurs que dans l e texte de loi aill eur s que dans ma tête de cochon d'Irlanda i s Yves Boivert Yves Boit1ert est l de L ' avis de Patrice po~te8 €r!co re en "crisse" au Québec. Gardez tOLIt aw: tcrits des Forges. ' - - -_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _--1 (:) Vou are always welcome in arly gatheri ng. C) (Proverbe ch; no; s) ~~esae jtf!~:e i~:t~frtnst;· Oe8bierrs~ lm des def"tli?l"s IL a r 4cerrmcnt l'ubl.ii! Le t~::t te qui prJc'èdo? eat 8of::es ::i8;:;:i/t~~t ;:~~~: Memoria L b: LalJeLl en j uin de rnier. CHANSON OUESIERNE Une fin de semaine à la campagne C'est pour l'anniversaire de Lise Florence, qui a les cheveux roux, Jean et moi sommes arrivés avec la lune et quelques bouteilles Sur la boite aux lettres au bord du chemin c'est écrit Lise en gros, Roland en moyen et Matthiole en petit Ils sont tous là et Marie et Raynald aussi Matthiole parle; elle dit: "Ma-hi-, Aynal" Tout le monde s'est embrassé Ici chacun est Monsieur Séguin et sa chèvre à la fois Roland a allumé un feu dans le foyer Lise a mis des fleurs dans le vase qu'elle a eu en cadeau Dans les berceuses ou sur le tapis face au feu Nous avons chanté des chansons d'amour toute la soirée En versant du vin dans les verres et des baisers dans les chants Tout le monde est allé dormir Et le feu, crépitant une dernière fois, s'est endormi Toutes moeurs adoucies Je suis allée dans la Galaxie noire de Lise Chanter une vi ei 11 e chanson country Qui parle de gouttes de voie lactée perdues à cause de l'amour C'est dimanche à la campagne Je quitte la Galaxie chauffée par le soleil Le coq et ses poules marchent comme des boulettes d'ouate La chatte Octobre court les oiseaux Florence a les yeux tristes ou fatigués Elle se berce près de la fenêtre dans le petit matin Tandis que Johnny Bunga~ow traîne sur la table Tous levés nous avons déjeuné et mangé plein de bonnes choses De la salade aux fruits frais, des cretons, du pain à Marie Aussi du café et de l'eau Pendant trois jours Marie et Lise ont fait la bouffe Pour ce jour C'est comme Pâques et la Passion Raynald est parti par les chemins de terre Jean l'a rejoint et reconduit à la grand'route Lise m'a emmené sur une montagne Il y aune plantation de poteaux téléphànîques au loin on voit les États-Unis couchés sur le dos Nous les avons imités La montagne nous chevauchait Les cuisses pleines de terre Au retour Lise m'a présenté sa république des animaux C'est très Perrette et petit pot de lait Tous ces animaux sont bien organisés Comme ~ dans le roman d'Orwell - à chacun son 1984 Il Y a la chatte Octobre Qui surveille les poules qui sont un paquet de nerfs Et leurs cris comme les sons électroniques des jeux-vidéo Le cochon Noiraud mange des légumes Les lapins n'ont pas de nom - c'est meilleur pour la viande Lise a de beaux yeux et de beaux canards blancs Et une poule grise qui n'a pas d'église C'est une mystique qui se prend pour François d'Assise Et caquette et glousse pour tout et pour rien et pour Dieu Nous prenons des oeufs sous les poules et nous les mangeons Plein de jaune sur le ventre La chèvre Isis ne cesse de nous lécher Pendant que nous tombons dans le foin Nos mains glissant contre tous les reins Dehors le bou~ veut me sentir Il y a des cornes de bois qui feront de jolies anses La vache Rosie veut me manger Il y a, gros comme un éléphant, le cheval Choper Lise le fait bander avec une branche pleine de feuilles Son pénis violet gros comme mon bras Il fait des grimaces en souriant Les vaches sont les filles de Bouddha Béates en leur nirvana, ruminant leur mantra Et le boeuf est seul et unique; c'est Mir-le-boeuf Et je suis pour lui la princesse de Babylone J'embrasse Lise et vais rejoindre Marie dans les champs C'est pastoral comme une partie de baseball Je me sens comme un berger, comme un voltigeur de centre Je vois galopant au loin Roland sur son cheval Il est beau· dans le vent Il est comme le vent quand on voit le vent Dans le ciel c'est le soleil qui s'en vient Ou les nuages qui s'en vont Marie est jolie Elle a les yeux bleus et les doigts rouges Les framboises saignent dès qu'on les touche Marie les met dans un gros pot de verre Nous les regardons s'écraser les unes contre les autres Il y a des fleurs mauves qui forment un nuage bleu fébrile Les étamines excitées par les rires des pistils Les framboises nous tombent désormais dans la bouche Les abeilles ne discutent jamais longtemps avec les fleurs Matthiole parle davantage; elle dit : "Lohence, Han, Mayo" Le soleil s'est caché et les verts ont foncé La fin de semaine à la campagne se termine Lise m'offre un cerisier de Jérusalem Mais j? ne connais rien aux arbres sacrés Et qui ttant cette terre fertile La pleine lune orange nous reconduit Mario Rancourt E CINÉMA AFFIRME QU·UN TRAIN SE DÉPlAC - .. De la fenêtre de mon train une cuisse me colle d' un oeil bon marché. Einstein dans sa chaloupe attend . Le conducteur ralentit la cuisse se déplace et le savant digère l'arête d'un menhir aérien. Ma voisine se parfume les pendus pendent aux arbres et les poteaux répondent aux appels anonymes. La carcasse d'un saxophone s'allonge entre la queue d'un cheval et le sel d'une vache . Un poisson nage entre Montréal et Baie- Jolie et l ' électricité se cultive. Serge Mongrai n est photogrophe . Son premier recueil. L'oeil. de t ' idée vien t de para:tt roe aux Éc rits des Fo r ges. Le texte qui pr éc ède es t tiré de ce r ecuei l. . n étai t un des poètes québécoi s invité è'l La s oir é e de poés ie du Kerouac Memorial li Lowell. en j uin. derni e r . 'owell, Li eux, vi sages, paysages, con- versations, personnages, écrits et fictions alimentent les découvertes. La ville industrielle et victon enne Massachusetts Josette Bourque Ferlinghetti, Ginsberg et McClure lisent ou disent leurs textes. Avec sa voi x et son corps, Gi nsberg attei nt un auditoire qui l'écoute religieusement. McClure récite et, accompagné d'un ex-pianiste des Doors, obtient le même résultat; son "show" nous semble dépassé et aligné sur1e pilote automatique "Il pleut de la pluie acide". Le vendredi 24 juin à 18 h, nous reconnaissons une ville industrielle qui rappelle Sherbrooke : des usines de briques rouges à troi s ou quatre étages situées non _ loin des Durant l'entracte, ceux qui ont à 1a rencontre rivières et des canaux, de participé petites maisons modestes en . Kérouac à Québec, en octobre bois avec les tourelles et des 1987, se saluent. Robert, un baies vitrées, une rue princi- franco, nous présente Jane, la pale qui présente des bâtiments fille de Kerouac : cheveux pl us sol enne1 s avec 1es orne- noirs, regard bleu et tâches de mentations d'inspiration grec- rousseur. que ou romaine, en pierre ou en À 23 h après un second entracbrique. te, la lecture de poésie est L'affichage révèle peu à peu terminée. Les "others" francos les origines "francos" d'une et québécois n'ont pas pu lire partie de ses habitants : "Côté 1eurs textes : . programme trop autoparts", "Oue11ette market", chargé, aléas de la planification, renommée qui n'atteint Levesque grocery store". pas l'échelle de l'empire. Les événements ••. La SOl ree de poesie au Smi th Conversations entre 1es événements Baker Center Le soir, nous nous rendons à la poes1e. Au de soi rée Allen Ginsberg, programme Lawrence Ferlinghetti and "others". Les rencontres d~ns les restaurants et les bars révèlent une partie de ce milieu . Cette ville industrielle avec ses moulins de textile connaît des mutati ons économi ques. Depui s quel que temps, 1es gens vi sîtent Lowell à 1 a recherche des descriptions et de l'atmosphère des romans de Kérouac. Les développeurs et les planifi cateurs associ ent une vocati on touri sti que à ce "Veni se" industriel. Les industries à haute technologie s'implantent dans cette ville non loin de l'a ire d' i nf1 uence de 1a route 128 de Boston. Les moulins de textil e sont recycl és en condos, en centres commerciaux, en lofts culturels avec boutiques d'artistes, en coopératives pour personnes âgées, en entrepôts ou sont abondonnés. Comme plusieurs héritages, Kérouac demeure un personnage controversé. "A ni ce park for the wrong guy". "Il était bon avec sa plume, pas avec sa vie" dit un homme dans la soixantaine qui l'aurait croi sé durant son adolescence. Les célébrations Kérouac ne sont pas celles du rêve américain. Pour ce fils d'immigrants minoritaires, le rêve n'a pas tenu ses promesses. Des résultats scolaires médiocres et une jambe cassée empê- chent cet ancien joueur de football de faire son entrée dans le monde académique et de gravir les échelons de la réussite sociale. Tout nia pas été facile pour son père, puisque 1a fami 11 e a déménagé souvent dans les différents quarti ers de Lowell. En Améri que, l es chances sont là et le lignage ne compte pas. Si l es gens ne -profitent pas des opportunités qui offre le libéralisme, alors quelque choi x ne tourne pas rond dans leur tête. Beaucoup sont appel és et peu sont él us dans ce monde darwiniste qui sélectionne les plus forts. L'autre Amérique, celle des minorités, des laissés-pour-compte, des deux-de-pique (Boisvert, Yves, Ga rdez tout, 1987, Éc rits des Forges), vit 1a doul eur dl entrer dans le moule. Cérémonie dl inauguration du Eastern Canal Park et du monument Jack Kerouac Le samedi 25 juin, nous nous rendons à la cérémonie d'ouverture du Eastern Canal Park et du monument Jack Kérouac. Sur 11 estrade, notab 1es locaux, représentants de 1 IËtat du Massachussets, délégués de la francophonie, porte-parole de la Corporation de la célébrati on Jack Kérouac, scul pteur, amis et veuve de l'écrivain. Les discours référaient au développement de la ville, au nouvel espace créé à la francophonie et, partiellement, aux ori gi nes et à 1a vie non-conformistede l'écrivain. Le Club Jack Kérouac offre une plaque en hommage à 1 lauteur et à la francophonie d'Amérique. Les gens ci rcul ent entre 1es piliers triangulaires de granit rose où sont gravés des extraits des romans de Jack Kérouac. Pas de statue, des écrits . Le tour littéraire de la ville En compagnie de Roger Brunelle et de Réginald, nous découvrons les différents quartiers racontés dans 1 loeuvre de Kérouac et par les témoignages de nos sympathiques guides. paysage industriel, une maison imposante avec une immense tour où logeait le docteur Sax. L'école dispensait un enseignement bilingue: en français le matin, et en angla:is l'aprèsmidi . Le tout est illustré par des chansons et anecdotes tirées de 1 enfance de nos deux guides. Nous terminons cette randonnée culturelle au cimetière. "He honoured life" gravé sur la pierre tombale, quelques présents, bouteilles de vi n, poèmes et fl eurs évoquent la présence de Kérouac. 1 Les clubs sociaux de Pawtucketville et de Centralville Le soir, nous allons dans les clubs sociaux. À celui de Pawtucketvi11 e, nous avons des conversations amicales avec des Nous ci rcul ons dans 1es quar- francos. Un des pl us âgés dit ti ers St-Jean-Bapti ste, 1e que sa femme exigeait que lion Petit Canada, Central ville et parle français à la maison. La Pawtucketville qui localisent 1angue parl ée vari e selon 1es les différents domiciles de la lieux et le temps: on "switfamille Kérouac. Le Petit che" du français à 1 'anglais si Canada a disparu à la suite on est à la maison ou à l'usiLa langue maternelle, d'une opération de rénovation ne. urbaine pour faire place à transmi se par 1es femmes, cor11 Université de Lowell. Une respond pl us à 1a vi e privée pierre rappelle la présence des qu'à la vie publique. immigrants d'origine francophone dans 1e paysage. Chaque Nous termi nons notre voyage année des francos reviennent se "semi-organisé" en roulant sur recueill i r à cet endroit. Sur "nimporte quell es routes" qui 1es hauteurs qui dominent 1e nous conduisent de Lowell à Québec. Quelle est tu ruuie? C'est la route du saint. la route du fou, la ruut ... d'arc -en-c iel. lit .·oute idiote n'importe quelle route Qedk_t.o_'C~I • _ .... oou ...-.tc".'''.o:.1a'-c ... r.... I._''·....,_-<>id.l. Quelle est t a route? C'e~l . la l'Oute du saint, la route du fou, la '·Oute d'arc -en - cÎel, Iii route Hilote quelle C'est une !"Oute de n'importe où pour n'importe qui n'iRlporte cOlmlent -::::::~~:~:~::". :-:-:-:/~t:-:.: r:::::·:······~ ............. ::::::::~::::: . ........ .... ... ............... . .............. ............. .... .... . . .. . ... .. .... .. . ...... . , .. . ... . . :::: :::: .:-"'~'S&2l~": ...... .... .. -.. .... ... ... :::.::::: .. .. .. ... :::::::: .. . . . . . .... .......... . . .. . . . . .......... ................ . . -..... . ". "." "." """ ••.••..•••• "•• ~";XXXXY. -: ..... .... ..... ...... JACK KÉROUAC 12Q. COle de Io~. Q..ébec. Qc. G1K <l€6 Tê4êph:::ne /418) tm·S171 CIl ........ .. .. .. c "" .......... . Juin 1987 Vol . 1 no. 2 On s'abonne à n'importe quelle route en devenant membre du Club Jack Kérouac. La cotisation est de 10,00$ par année et donne droit, outre un abonnement, aux diverses activités du Club et à une réduction sur les autres publications . Faites parvenir vos coordonnées au Club Jack Kérouac 129, Côte de la Montagne, Québec (Québec), G1K-4E6 (418)692-5177 HIP, BEAT, COOL & ANTIC Poems by John Montgomery ~OQtgomcry's t<>Ull y unique poetr)'. tu.""nÎng synt..U.. =,~oiogy. t::n.iru., lc.ft·h.andcd potiue!., rlght·ba..oded";l.. ln Lod out througb tharucl~ .• b.a.s l..lwa~ bec.o a spcciaJ ddighL &pands the r:niod.· Guy So:--dc: "Ko owc'~ c.umpad;c .i. .. .! url ùme fr i::r.~ J;.!..;. : .:.c: .:.:.;.!. :...:..: Famil) wnlC!:. him'.df ~ 8a9( Eagii~ fur !>U! ~W4; Thc.."C;ut pocm!:. for the hc;.:-1 ~nJ hu.d aad ....tu:cv::: cJo,: "ih ~(I\: • Rotw::1 0c.dcy ALPHA BEAT PRESS D~ve ChriS{)' 5110 Adun St. Mootrul Qu.e.bec HIV lWS PRi eE . New: S7. 00 (p('s t <~ '.: '. i fll i ul.led ) KEROUACS U\ST WOrlO TOM CLARI< witli a suppellleilt by jl\. $10 paper· $50 signed cloth WILLIAM BUr-iHOUGHS AN ESSAY ALAN ANSEN $12.98 paper $50cloth signedby bath AA& WB t Il e KEROUAC CONNECTION WATER ROW REVIEW [ln anthologyof new writings by BUKOWSKI (poems) BURROUGHS(weslern lands excp) BEATSTUFF& MORE 6.00 A magazine devoted to the lite and vorks ot JACK KEROUAC and other contemporary IJri ters and personal i t les, including NEAL CASSADY r ALLEN GINSBERG, VILLIAH BlIRROUGOS, JOHN CLELLON I10LHES, BRION GYSIN ••.......•• reading for ftd.!: .:":·,..: ;'.~'.':" '. ~ssential ln the modern vriting eve["yone inte~ested scene, vith ln ter vie\ls, ar-ticles, book & film revieys, ra re l.:t-::':~:.'::::!·:::!/1.1, archive material, poetry, ne\ls and vie\ls and a free small-ad service. Founded 1984 - next issue 115 :.~::.}. :·.:/r.1fj/0~ ~i:::-:·: :.·.:·. . ::~::::tZ . Subs cription rate (t. issues): (2.00 UK; (J .OO Europe ;, . , . ':::::~: (4.00 (=$6. 00) USfI./Ca llada. From ed i lo r: Dave Moore, "'ïêj"Vorlhillg Rd., Patch\lay. Bristol 8512 511Y. t~:~:~tü~t~:: .::::::::::::::~;:." UK (fitit' >,~e' j( "'.~ ~ PUJ S $1 POSTAGE PEn OROER MA TAlC FIVE PERCENT WATER ROW PRESS 1 PO BOX438 SUDBURY MA -01776 FRO M \\ $ "..... ~ .'" 1 4 & .. '" / -t"r importe