mars 1987 - Association des familles KIROUAC

Transcription

mars 1987 - Association des familles KIROUAC
Quelle est ta route? C'est la route du saint, la route du fou, la route d'arr.-ell-ciel. la
route idiote
C'est Ulle route de n'importe où pour n'importe qui n'importe comment
yol. 1
Bulletin du Club Jack Kérouac
no 1
Club
-
JACK KEROUAC
MARS 1987
129, Côte de la Montagne, Québec, Qc, G1K 4E6. . Téléphone : (418) 692-5177
"Que l que chose de bon va ven i r de toutes choses.
heur éternel m'attend. Nul besoin de dire un mot de plus."
Et un bon-
Origine de toute écriture, à quoi elle puise et se renouvelle,
le silence en traduit aussi l'accomplissement, comme abandon, reconnaissance contemplative de la plénitude de ce qui est, de son impossible
représentation.
Mais Jack Kérouac écrivit encore après Big Sur.
Si sa lecture nous reconduit en nous-même, à la vanité de
cette vie, elle affirme aussi, et célèbre sans mesure, l'Autre comme
condition lyrique du salut, Dean Moriarty, Maggie Cassidy, et le Monde
comme fascination aimantée, sa beauté première retrouvée, dans la candeur et l'étonnement extatique de celui qui aime; la nécessité de le
dire, de tout dire et tout de suite, en prose de néon convulsif jazzé,
en fioretti franciscains séraphiques.
Après quelques années de lectures recluses, de voeux télépathiques, nous partageons.
Le texte, dans ses interstices, parle en
sous-entendus, propose des questionnements, suscite des réponses.
Il faut mettre au jour ce dialogue intime, divers et multiple.
Cette invitation, le premier numéro du Bulletin du Club Jack
Kérouac la formule pour de vrai, pour de bon.
Comme amorces, mais
plus encore car non négligeables, des comptes rendus, des informations,
des rêves et des réalités.
Rémi Ferland
3.
KÉROUAC À QUÉBEC
LES 1, 2, 3 ET 4 OCTOBRE PROCHAIN!
C'est confirmé! Il y aura une grande Rencontre internationale Jack Kérouac à Québec en octobre prochain.
Le projet
longuement mûri par les divers membres du Club, a été inspiré
à l'origine par la constatation que le côté franco-américain
(et donc québécois) de Jack avait été mal compris par ses biographes, même par ses compagnons de route, et par ses " aficionados" en général ... et qu'il fallait en discuter.
Toutefois,
la Rencontre, telle qu'elle est conçue aujourd'hui, déborde de
loin cette préoccupation pour s'adresser à toute la vie et l'oeuvre de l'écrivain et à son impact sur la culture occidentale
de l'Après-Guerre.
À vrai dire, c'est un remarquable concours de circonstances qui nous a amenés à entreprendre cette grande aventure:
visionnement de la fameuse entrevue avec Jack au Sel de la Semaine
(Radio-Canada) en 1967, la rencontre de deu x membres du Club
avec Allen Ginsberg au Naropa Institute l'été dernier, la création
très rapide d'un réseau d'au delà d'une centaine de membres du
Club, au Québec, au Canada anglais, aux États-Unis, en France,
en Angleterre, en Allemagne et même en Inde, sans oublier l'encouragement constant du Secrétariat permanent des peuples francophones.
En chantier depuis l'été dernier, les grandes lignes
de l a Rencontre sont déjà cl ai rement étab lies .
Il Y aura, d' abord, un colloque littéraire comprenant une brochette de grands
conférenciers (Victor Lévy-Beaul ieu, Roger Brunelle et le Père
Morissette, Allen Ginsberg, John Clellon Holmes, Gérald Nicosia,
François Ricard, Pierre Vallières, ... ) ainsi qu'une série de
tables rondes animées par des écrivains et des chercheurs d'ici
et d'ailleurs (Bernard Agostini, Pierre Bouillon et Gilles Farcet,
Luci en Francoeur, Louise Péloquin, Robert Perreault, Josée Yvon,
Denis Vanier, Joy Walsh ... ).
Ensuite, il Y aura des présentations de films et de
vidéos sur Kérouac et l es Beats.
Robert Fran k nous a assuré
de sa présence, et une partie de son oeuvre photographique sera
présentée en collaboration avec la Galerie Vu.
La Rencontre
servira, fort probablement, de tremplin pour lancer le nouveau
film de Herménégilde Chiasson.
Intitulé "Le grand Jack", ce
film est actuellement à l' étape de montage à l'Office national
du film (Montréal).
5.
Et tout cela sans oublier la fameuse entrevue Jack Kérouac/Fernand
Séguin, le diaporama de Robert Perreault intitulé "Au delà de
la route:
le côté franco-américain de Jack Kérouac" et un vidéo
de Denis Vanier.
Plusieurs autres expositions sont projetées: des photograph i es d'Allen Gi nsberg, des documents inédits de Joy Walsh
(Moody Street Irregulars), une présentation de livres et d'autres
documents organisée autour du thème des "Lowell books" de Rod
Anstee et de Dave Moore (The Kerouac Connection), des photographies de Georges Durette de Manchester (New Hampshire) et , peutêtre, une exposition d'art contemporain montée en collaboration
avec le Musée du Québec.
Finalement, il est question de plusieurs manifestations
artistiques dont une nouvelle pièce de théâtre de l'écrivain
québéco i s Marc Chabot - présentée en primeur, bi en sûr - et une
soirée de poésie et jazz avec la participation de Herménégilde
Chiasson, Patrice Desbiens, Lucien Francoeur, Allen Ginsberg,
Alan Lord, Denis Vanier, Joy Walsh, Josée Yvon et bien d' au tres.
De plus, certains auteurs-compos iteurs-i nterprètes , do nt Youenn
Gwernig, Sylvain Lelièvre et Richard Séguin, ont manifesté leur
intérêt à participer à un grand spectacle ... Un dossier à suivre!
Pour réaliser ce grand événement le Comité organisateur
compte déjà sur le concours d'un éventail d'organismes; le Secrétariat permanent des peuples francophones, bi en sûr, mais également le Conseil des Arts du Canada, le Ministère des Relations
internationales du Québec, l'Université Laval et la SIDAC du
Vi eux-Québec, sans mentionner un grand nombre de coll ab orateurs
enthousiastes - et bénévoles - d'ici et d'ailleurs.
Il reste que la Rencontre est née de l'imagination et de l'enthousiasme de l'ensemble des membres du Club et, à mesure que la
date fatidique approche le Comité organisateur aura besoin de
votre collaboration.
Évidemment, on compte sur votre présence
en octobre, les membres en règle du Club auront droit à un escompte de 10,00$ sur les frais d'inscription. Mais d'ici là on aimerait connaître vos idées et vos propositions sur le contenu de
On aura besoi n de bénévoles et on aimerait bien
l a Rencontre.
proposer l' hébergement chez l es membres québécoi s du Club aux
participants venant de . l'extérieur de la ville.
N'hésitez pas
à faire part de vos idées et de vos disponibilités en appelant
ou en écri vant au Comité organ i sateur au 129, Côte de l a Montagne, Québec (Québec)
G1K 4E6
- Téléphone:
(418) 692-5177.
Éri c Wadde 11
Comité organisateur
RENCONTRE
INTERNATIONALE
Québec, 1-2-3-4 octobre 1987
7.
Bertrand Marotte, journaliste au Globe and Mail, signait dans l'édition du 21
octobre dernier, un article intitulé «Pilgrims trek to the land of Kérouac». Il nous donne ici
un autre compte rendu de cette mémorable expédition du Club Jack Kérouac à Lowell.
Pour accompagner son propos, un extrait de l'allocution du Père Morissette au Club des
Citoyens américains, à paraître en entier dans un numéro prochain des Avant-dIre,et le
poème, fable historique aussi bien, que lut Roger Brunelle lors de notre hommage à
Kérouac au cimetière Edson.
R.F.
UNE EXCURSION A LDWELL
Le vendredi matin 17 octobre, bien installés dans leur mini-bus volant, les treize
pé1erins explorent l'univers kérouackien. Sur la grand-route, en passant par Saint-Georgesde-Beauce vers la frontière, des échanges d'anecdotes et de faits divers. Louis Dupont,
étudiant à l'Université d'Ottawa, parle du monde imaginaire, d'un Canada français
mythique qu'habitait la mère de Jack. Rémi Ferland, étudiant à l'Université Laval,
mentionne que le hors-d'oeuvre préféré de Jack était les asperges avec mayonnaise et olives
noires. Son dessert préféré: un morceau de tarte aux pommes avec une boule de crème
glacée.
Passage aux douanes à Jaclanan, au Maine. Un petit douanier avec le grand sens de
l'humour ironise quand on lui dit que nous sommes du Club Jack Kérouac: «Oh, ça
explique tout.» Gros sourire. On l'informe que Jack Kérouac fut un grand écrivain. «Au
Canada, cependant», dit-iL «Non, aux Etats-Unis.» Connaît pas. Il rentre au bureau
montrer une copie de On the Road à ses confrères. Haussement d'épaules collectif. Dans le
bus, c'est le rire fou. Au jeune universitaire de la Louisiane, John Landry, un concitoyen
américain qui étudie le français à Trois-Rivières, il demande: «Comment tu t'es mêlé de tout
ça?» Et hop, il lance un dernier essai de comprendre le but de notre pélerinage: «O.K. Vous
descendez (aux E.U.) voir quelqu'un qui est mort.»
Dans le Maine, juste en dehors du village de Sl1owhegan: une vieille maison de
ferme, grise et abandonnée. En plein milieu de la cour, une luisante roulotte trailmobile.
Bienvenue aux glorieux Etats-Unis, l'autre pays mythique de Jack.
On pointe du doigt les noms canadiens-français qui apparaissent sur les commerces:
Plourde, Benoît, Bowden, corruption de Beaudoin. M. Jacques Kirouac, administrateur à
l'Université Laval, se fait une joie de remarquer les traces du peuple québécois dans ce
monstrueux melting pot.
Enfin, c'est Lowell Mass., en banlieue de Boston. De l'autoroute, on aperçoit ses
anciennes usines de textile en briques rouges, quelques-unes mises à neuf, mais aussi un
panorama de vitres cassées et de panneaux-réclames sur les toits de ces «factories»
abandonnées où, il n'y a pas si longtemps que ça, des milliers de Canadiens français
gagnèrent leur petite croûte de pain quotidien ... La rivière Merrimack, et ce qui reste, pas
grand-chose, du «Petit Canada».
.
A l'hôtel, dans l'ombre de la manufacture d'ordinateurs Wang, deux hôtes
incomparables, Roger Brunelle et Réginald Ouellette, nous reçoivent comme des cousines
et cousins retrouvés après une longue, trop longue absence. «Je suis Franco-Américain de
deuxième génération» (ses grands-parents sont nés au Québec), nous raconte M. Brunelle
après nous avoir présenté un diaporama sur les coins canadiens-français de Lowell. «Je
suis Québécois de première génération» (il est arrivé ici en 1961), dit fièrement Eric
Waddell. «Mes grands-parents ont perdu la moitié de leurs enfants aux Etats-Unis»,
affIrme Yvan Fortin, fonctionnaire au gouvernement du Québec.
Après le dîner, une visite au Centralville Social Club, en plein dans le coeur de la
Kérouacité. Un bar qui n'a pas changé depuis la guerre. Table de pool, jeux de cartes.
Yeux de bière. Sur le t-shirt d'un des habitués: STOLEN FROM MABEL'S
WHOREHOUSE, LAS VEGAS. Des vétérans de la guerre du Vietnam qui trébuchent à
travers un français caricatural. Y a Francis Dalphond et Robert Mousseau. Y a de la
tristesse, y a du fun. Et on fête, l'esprit de Jack tout près.
Le lendemain, M. Brunelle et M. Ouellette nous mènent à travers les rues et les
quartiers qu'a connus le jeune Kérouac: Lily Street, «la matière première de ses rêves pour
son Book of Dreams». Le 9 Lupine Street, où il y a possibilité de transformer la maison en
Musée Kérouac, de dire M . Brunelle. La maison sur Burnaby Street, et le 320 Hildreth
A venue, quelques-unes parmi tant. Devant chaque habitation, nos deux guides nous lisent
des morceaux choisis des souvenirs lowellois dans l'oeuvre de Kérouac. Avec quelle joie
M. Brunelle nous transmet l'effet libérateur des mots intoxicants de Kérouac!
On se rend voir l'horloge devant le Lowell High School, où le jeune Jack attendait
Pauline Cole, dans Maggie Cassidy. Et on fait le tour des stations du chemin de croix, dans
la cour de l'ancien orphelinat franco-américain. Ce sont ces scènes lugubres, qu'il croyait
voir bouger, baignées dans leur lumière, qui ont tant marqué le jeune Jack.
Plus tard, nous nous retrouvons au Club des Citoyens américains dans un secteur
très pauvre de Lowell. Inscrit sur une plaque avec image de castor et d'aigle; «Fraternité,
Unité, Charité». Sur un mur extérieur, une peinture murale d'une ville de Québec féerique,
arc-en-ciel inclus. A l'intérieur, un repas-rencontre avec les gens du coin. Le Père Armand
Morissette, le fameux «Spike» qui encouragea un jeune Jack incertain à persévérer dans la
vocation difficile qu'est l'écriture. Il nous présente sa carte: «Absolution facile pour
seulement 1,98$», dit-il. «Funérailles gratuites.»
Une soirée littéraire consacrée à Kérouac, commanditée par la «Corporation for the
Celebration of Jack Kerouac». Claire Quintal, directrice de l'Institut français au Collège
Assumption à Worcester, raconte que «les Jack Kérouacs muets sont nombreux ici en
Nouvelle-Angleterre. Il faudrait étudier ces individus pour apprendre d'eux ce que vous
auriez pu être si vous aviez vécu entre l'usine et l'église, et vouliez vivre "on the road" .»
Un poète local, Normand Dubé, évoque un Québec «plus frère que père, plus soeur que
mère». Dans son allocution de remerciement, M . Waddell propose Kérouac comme
«l'archétype pan-américain».
Auparavant dans la journée, il y eut, bien sûr la visite à la sépulture de Kérouac.
Une petite cérémonie pas trop solennelle. Jack riait avec nous .
Bertrand Marotte
9.
EXTRAIT DE L'ALLOCUTION
DU PERE ARMAND «SPIKE » MORISSETIE
AU CLUB DES CITOYENS AMERICAINS
Je l'ai rencontré la première fois, il était au lycée, Lowell High School, et il était
découragé, vraiment désemparé. Alors je lui ai demandé qu'est-ce qu'il voulait, je
connaissais ses parents, puis son oncle, sa tante, mais lui, je le connaissais pas. «Tout le
monde risent de ~!», il parlait comme ça. «Pourquoi?» «Parce que j'écris des poèmes.
Pis parce que je veux être un écrivain. Pis je veux écrire des livres!» Bien je lui dis: «C'est
pas drôle, qu'est-ce qu'ils ont de rire? C'est une bonne affaire.» Il dit: «Vous riez pas?»
«Non, je vais t'encourager, c'est beau écrire, mais tu feras pas de l'argent du jour au
lendemain, tu feras pas fortune avec ça, faut que tu gagnes ta vie, et aussi que tu aies
une bonne éducation.» Je lui ai expliqué qu'il lui fallait aller à l'Université probablement,
à New York surtout. <<Le monde risent de moé! Pis ils disent que je suis un fifi! Parce que
je veux écrire. Je vais leur montrer que je suis pas un fifi. Je joue au football. Pis je vais
gagner au football!» De fait, il a gagné et il a obtenu une bourse scolaire à Columbia
University pour ça.
Son premier livre, The Town and the City, est un très beau livre, très bien écrit,
mais trop gentil. Je lui avais dit à ce moment-là: «Oh! félicitations!» «Je vous l'avais dit
que j'écrirais un livre!» «Tu feras pas fortune avec ce livre-là! Il faut que tu mettes un peu
plus d'épices dans tes livres, si tu veux écrire.» De fait, il a mis de l'épice!! /rires de
l'auditoire/ il me disait: «Faut que je commette le péché pour faire du bien!» /rires du Père
Morissette et de l'auditoire/
Il a toujours été très religieux. Il était absolument convaincu des choses
spirituelles, et il aimait beaucoup Jésus-Christ. Il était sincère. Il voulait imiter JésusChrist, dans le sens d'aimer tout le monde, de faire du bien à tout le monde, dans le sens
des Béatitudes. Il voulait la libération, et toute sa philosophie, c'était la libération de
l'individu. C'est ça qu'il voulait exprimer.
La Mémoire et l'Imprimeur
Que d'histoires détaillées et nombreuses,
Que d'anecdotes délicieuses et malicieuses,
Que de petites révélations que nul autre ne sait,
Que de renseignement innombrables,
Peut-on gratter, creuser et arracher
De la mémoire-esprit non-machine!
Et dans le cas de la Madame-Mémoire,
TI faudrait insister très fermement
Qu'elle veuille bien nous raconter des faits
Bien fondés sur la précision de la réalité
Et de résister fortement aux tantales
D'une imagination loyale et féroce.
TI s'agit d'un gros bonhomme farouche qui parle souvent mal et surtout fort:
TI s'appelle Léo et c'est un imprimeur
Qui a suivi les étoiles de ses ambitions
En quittant Lacoshua pour Galloway
Afm de faire tourner les machines à papier
Quel travail de muscles et de brute;
Pas besoin de penser, de réfléchir, de créer:
Alors, pourquoi Léo veut-il plus d'argent,
Même à l'occasion d'une fête anniversaire?
Le patron dit: «Je t'envoie une louange écrite,
Mais tu ne pourras pas la toucher comme chèque.»
Alors, après cinq ans comme pressier-vendeur
De réclames pour un journal franco-gallowais,
TI fonda son propre tabloïde luminaire
Pour imprimer ses propres annonces:
Pour plus de vingt ans où il fut son maître à lui,
TI ne fléchit le genou aux étoiles que deux ans.
Mais que d'histoires pourrait-on apprendre
Des années où Léo a bossé comme un fou
Lorsqu'il engueulait souvent les patrons!
Mais laissons tomber le désir des révélations
Qui ne seraient sûrement que des commérages
Issus de l'imagination, putain de la mémoire.
Un cinéaste a dit que bien des mots ont changé:
Oui, il ne reste que de légers souffles gaulois
Et de très faibles notes aux muses françaises
De la langue de mon père et ma mère!
Mais l'esprit y sera encore très longtemps
Car l'âme, les racines, le soi profond: ça ne meurt pas!
Si la mémoire refuse de parler en détails
Des temps où Léo a travaillé à la machine
TI faut lui faire comprendre une fois pour toutes
Que le garçon de Léo est notre étoile littéraire
Et qu'il est infanticide de le considérer bâtard,
Car les éclats français de son oeuvre sont très légitimes!
Roger Brunelle
NOTE:
Les photos (de Jacques Nadeau) en pages 11 et 14 sont encore disponibles sur
papier glacé, en impression beaucoup moins foncée et mieux contrastée. On
peut les obtenir au prix de dix (10,00$) l'unité en s'adressant à Madame
Nicole Paquin au Secrétariat permanent des peuples francophones.
KEROUAC SUR LES iCHANS MONTR~ALA1S
Octobre 1986. Pendant oue queloues chanceux étaient
sur les traces dE Ti-Jean dans son pays natal, il restait
un prix de consolation pour ceux Qui étaient encore au
Québec: les traces filmiques de Kérouac réunies dans trois
documents présentés dans le cadre du Festival du nouveau
cinéma et de la vidéo de Montréal. Dans le volet "hommage
spécial à Kérouac" du Festival, les films "What Happened
to Kerouac", "Pull my Daisy", et la copie vidéo de l'entrevue
du "Sel de la semaine" avec Fernand Séguin étaient ~ l'affiche.
J'y étais et, pas de doute, ça valait le voyage.
"What Happened to KeroUac" est un documentaire réalisé
en 1985 par Richard Lerner et Lewis MacAdams. Ce film touffu
d'au-delà de deux heurps nous propose une multitude de
témoignages qui reflètent de nombreuses facettes du puzzle
Kérouac. Gregory Corso, Allen Ginsberg, William Burroughs,
Gary Snyder, Ann Charters, Joyce Glassman, sa fille Jan
reviennent par intermittences et
~squissent
les grandeurs
et mis~res de l'écrivain selon divers angles d'attaque. C'est
Corso qui semble avoir la vision la plus personnelle de
l'homme, mais sa diction plut6t rel§chée nuit à la bonne
compréhension de son témoignage.
A cela s'ajoutent les rares apparitions de Kérouac
à la
télé américaine, soit l'émission "Steve Allen Show" où il
lit, accompagnement musical à l'appui, des extraits de "On
the Road": Kérouac à son meilleur. L'autre extrait vient du
"Firing Line" animé par l'exécrable William Buckley
o~
15.
Kérouac, bouffi et balbutiant, déverse son amertume sur
Ginsberg, les hippies, les communistes et tutti ouanti.
Quant
~
"Pull mY Daisy" (tourné en I959) de Robert Frank,
C'est un documentaire qualifié de "spontané", un film-entrecopains Qui saisit sur le vif les joyeuses insolences des
Ginsberg, Corso, Orlovsky et cie. Si Kérouac y est à peu
près invisible, on entend sa voix (la bande sonore ayant
été enregistrée séparément) par la "voie" d'un commentaire
lyrique, très près du "rap", dont ie propos ne colle que par
moments aux images. Peu importe, ça s'écoute aussi les yeux
fermés ..•
Si le contenu de l'émission du "Sel de la semaine" est
familier ~ la plupart des membres du Club, le plus grand
intérêt (lire: plaisir) de ce document d'archives a été,'
pour moi, auditif (encore une fois). Authentiouement bâtarde,
tendrement bourrue, la langue de Kérouac est à la fois toute
proche et ~ des années-lumière des questions de Séguin et des
gloussements du public. Cette langue erratique et vraie éclaire
Kérouac sous un jour nouveau, révèle de lui tout un pan oui
était occult~ par l'image de l'"écrivain américain à succès".
Les sons et images de Lowell intégrés aux vingt-trois minutes
nous le montrent là-bas tel ou'en studio, incapable de jouer
devant la caméra un autre rôle Que le sien •.•
Jean Poulin
VU Rt~CEl\'iJvIENT A MONTRÉAL: "Kerouac, the Hovif,tt de John
Antonelli. Ce do cu-drame de soixante-treize minutes recoupe
en partie le contenu de "What Happened to Kerouac". Les
témoignages sont toutefois plus clairsemés et le
r~alisateur
a cru bon d'y juxtaposer des reconstitutions historioues des
principaux moments de la vie de Kérouac jouées par des
acteurs simili-ressemblants. Ce ttjeu tt documentairejdocumenteur
a une pertinence discutable et m'est apparu comme un fade
ersatz cinématographique. La principale qualité du film
réside dans les nombreux passages de livres lus par Peter
Coyote dont le grain de voix est très près de celui de
Kérouac. Les extraits télévises déjà mentionnés sont intégrés
au montage et l'émi$sion du ttSteve Allen Show tt termine le film
en beauté.
Voilà, il ne reste ou'à espérer que tous ces films (et
les ouelques autres qui ne se sont pas encore rendus au
Québec) seront au rendez-vous en octobre 1987 •••
Jean Poulin
17.
Qn s'était arrêté à un restaurant routier de la Beauce, ce vendredi matin 17 octobre.
Lowell hypothétique et encore imaginaire nous aiguillonnait, point invisible dans l'azur, et
le soleil chaste et impérieux d'automne, trompettes de Jéricho après un sommeil trop court,
concourait à notre fébrilité quasi juvénile, bien kérouackienne en tout cas. Louis Dupont
devisait sur l'usage de l'apomorphine dans The Soft Machine de Burroughs et proposait
d'inviter Madonna à la Rencontre internationale Jack Kérouac, comme fille de Canadienne
française. Quoique plus pondéré, Yvan Fortin avait cependant retenu notre attention à tous
en affirmant avoir vu aux Archives nationales à Québec la description d'un legs littéraire
contenant des lettres d'écrivains plus ou moins connus, parmi qui Jean-Louis Kérouac.
L'énigme pourtant en resta là. En janvier, Francine Adam prit enfin connaissance de ce
fonds mystérieux, celui de l'écrivain Alice Lemieux-Lévesque, conjointe de Rosaire DionLévesque, et y trouva cette lettre inédite de Kérouac que nous reproduisons ici.
Rosaire Dion-Lévesque, peut-être le plus connu des poètes franco-américains (En
égrenant le chapelet des ;ours,Vita, Solitudes, Quête), signait à l'époque une chronique
hebdomadaire, «Silhouettesfranco-américaines», dans La Patrie. Edition dominicale, une
lithographie religieuse d'une pleine page, la Crucifuion ou l'Ascension, quelque scène du
calendrier liturgique. Des commerciaux conventionnés et normatifs, angoissants à
l'extrême pour qui se dit que le même code social agit encore, mais autre, imperceptible,
parce que, déterminés par lui, nous ne nous en différencions pas. A travers tout cela, des
figures franco-américaines tout àfait obscures défilent, huissiers, médecins, institutrices,
membres de la Société de tempérance ou de la ligue du Sacré-Coeur, un passé vraiment
défini, révolu, figé à jamais sur le microfilm comme une mouche dans l'ambre. Puis tout à
coup un jeune romancier, Jean-Louis Kérouac.
Kérouac venait de publier The Town and the City. Ce /ivre a souvent été mis à part
dans la légende des Duluoz. Certes, c'est véritablement le seul roman qu'ait écrit Kérouac;
les suivants ne seront rien de moins que des chroniques, au sens où Froissart et
Commynes, au Moyen Age, écrivaient des chroniques. Déjà pourtant, les thèmes
spécifique de la geste kérouackienne apparaissent: l'impossible identité (<<he does not know
who he is, where he camefrom, what he is doing here»l;«He was no one - hefelt his arms
and legs, looked at himseljïn the mirror, looked out the window in the dark Maine night,
and he was no one»2 J , l'enfance dorée (<<the who le broad world of daylight and skies and
trees and woods and fields and The River were just waiting to be had»3 J , la souffrance
inéluctable (<<Men suIfer because they are builtfor suIfering»4J, la mère omnisciente et
providentielle (<<She knew ail the things and yet there was no wonder in her heart, but
peace, blissful contemplative womanly peace, knowing plainly the purpose of
knowledge»5). Davantage, plusieurs passages semblent comme les croquis des romans
futurs, les points de départ de spirales narratives qui iront ensuite en s'amplifiant,
The Town and the City, éd. HarvestlHBJ (1983 J, p. 14.
2 Ibid., pp. 126-127.
3 Ibid., p. 27.
4 Ibid., p. 40.
5 lb.i.d.., p. 71.
1 Jack Kérouac,
19
isolément: on reconnaît ainsi Maggie Cassidy (<<One spring gloomy young Francis Martin
discovered that he was in love. ( ... ) Her name was Mary and she was an Irish beauty with
black tumbling hair.»6), Doctor Sax (<<a secret mysterious clubhouse somewhere along the
dump shacks by the river, with secret doors and hideouts, (. .. ) all the necessary lOols and
garb of dark and disguised espionage»7), les récits de footba1l8 , de marine9 et d'hôpitai
psychiatrique10 de Vanity ofDuluoz, même la liberté de la route (<<Drive through the desert,
through Texas, Arizona, stop off for a drink now and then, pick up the broads, go
swimming, drive on out to the coast!»111 et l'extase de vivre (<<He was amazed because of
life, because of sheer human presence on the earth»12 de On the Road, pourtant étranger à
ce qu'il est convenu d'appeler le cycle 10welloisLinéaments embryonnaires sans doute,
mais déjà irrécusables.
L'écriture reste sage, mais sensuelle, capiteuse, d'une volupté contenue. On sent
inévitable l'éclatement de ces patientes et puissantes volutes, leur dispersion en couleurs
de l'alphabet, en syllabes saxophoniques; laforce comme à regret canalisée va s'épandre en
méandres tortueux, éclabousser et dévaster, tout embrasser et tout ressasser dans son
débordement. Herbert Huncke, dans Kérouac de Antonelli, affirme voir cette orientation
future à la transition décisive qui sefait, dans une description de The Town and the City ,
d'un monde régulier et policé à un monde marginal et nouveau. Le point de vue du
personnage, Peter, à un moment en effet glisse de l'arrière-plan de son époque, le Times
Square des touristes et des amoureux, à un avant-plan jusqu'alors caché, baroque,
monstrueux, les bars décadents de «hipsters» et de «hoodlums». 13 D'un contexte
jusqu'alors plat et totalisant, peu à peu se sont détachés certains personnages, à l'exclusion
de tous les autres. Kérouac a isolé ce qui deviendra sa spécialité, les individus à la suite
desquels il se mettra désormais, ceux pour qui «la folie constitue la seule clef à un bonheur
sans limites et sans fin» (<<madness was the only key to uninterrupted, unobstructed
happiness»14); tendance ici encore implicite, mais qui s'affirmera dans On the Road
comme le célèbre principe que l'on sait: «the only people for me are the mad ones, the
ones who are mad ta live, mad to talk, mad to be saved»15 .
Pour écrire sa chronique de lA Patrie. Rosaire Dion-Lévesque avait, semble-t-il,
demandé à Kérouac quelques renseignements d'ordre biographique. Nous n'avons pas
trouvé copie de cette lettre, mais l'essentiel est bien sûr que nous possédions la réponse de
Kérouac. Nous publions aussi l'article de Rosaire-Dion Lévesque. Quelques incorrections,
biographiques, grammaticales, peut-être simplement typographiques, le parsèment çà et là,
mais nous n'avons pas cru bon les relever par de méprisants ~. Pour compléter ce dossier
The Town and the City. nous donnons une critique d'Yvonne Lemaître parue, peu après la
publication, dans Le Travailleur de Worcester, et une lettre de Kérouac à l'auteur.
6 Ibid., p. 45.
7 Ibid., p. 99; cf. p. 120, p. 178, p. 188.
8 Ibid., p. 55.
9 Ibid., p. 296.
10 Ibid., p. 313.
11 Ibid., p. 92.
12 Ibid., p. 251.
13 Ibid., pp. 354-364.
14 Ibid., p. 322.
15li1., On the Road, éd. Signet (1982), p. 9.
Rémi Ferland
94-31 l34th St.
Ri ohmond Hill, N. Y •
D6o.38,f50
R.Dion-LevoBEiue
Lund Road
Naahua, N.H.
Dear Mr. L·eveaque,
l'm vory glad and honorad that you wish to write an article
about me for La Patrle, eapepially as i twill be wri tton by a man
whose name ia the Bane 8.B my· motherfa maiden name and who.oomes from
the town of my alloeBtors. It' 6 somewhat sad and unfortunate that.l.
oan l t aay all this to you in Frenoh---but l roally oannot spell or
write oorrootly in Frenoh. Publio schoole in ~well and aoon l
forgot how to write Frenoh, although l etil.l. spoak the patoi.!l with
my t;lothor, Gabriolle.LeVesque (born in St.Pacombe.) ··8he sende you
her warmeat wiahea and also ta your little Jean who muet be a eweet
chl1d.
Ta fit thia ~loeey ph9to into an envelope l out it eom~hat
with the aoiasore; hope it will be satiafaotory. Haroourt,Braco
aent me a braoe of tuem; they too are pleaaed. For the sake of what
might be necoaaary for the record, the photographer waa ARNI, aa l
took oare to note in ink. (The pioture ie not.a realiatio one and
l've never liked lt, but we Uso lt beoauee lt'e on the jacket of the
booJc# ~lke ~ emblom.) The publiehlng date wae M&roh 2, ~950.
l don' t know wba t tind of short bi ography you need, but here
goea. My father waa :Leô ~rouao of Naahua (born in 8t.Hubert and of
the RivlereduLoup KeroWl08 way baok.) He was a '.printer and publieher in Lowell---the old~T LITE theatrl cal paper, ·and J.ater other
perio.d1oalQ and .ree;ular p~i'nti~. l wae bom March l.2, 1922; 1'1'ent
to St·.·Loù1.a parbohial achonl and la ter St. Joseph paroohial for boya.
Nos o&118e8 ••• 8t.LoUis, Ste.Jeanno d'Aic. Then l went to publio
Qchoola and Lowell Hi, where l be~an playing football; won a eoholarQhi"p to Oolumbia U., ,. first a year in prep school, Horaoe Mann School
for Boya in K. Y. Then l ser-ved in the Merohant Marine dur1ng the wa~;
was . on tho f8t!loua S.S.Dorcheeter the tr1p before 1 t sank wl th the
!amoua ohaplaina 1n the North Atlantio 1943. (Why dG l eay this1)
l doo' tlc:now OX8.otly what you oo~ use. l bogan "ri ting The Town &
tho City in 1946 and finished lt 1949. It's not my own family, but
a fam11y oreatsd out of tho compoeite of friends and poople (includin~
my owo parents)- l knelf and loved mOet. There ie no att~pt to cover
the Frenoh-Canadian etory in America; thie l am now doing in my 2nd
book. 10 my' ohildhood l took mo tripo to 1{ontr~al.,wi th the folks, aa
all tho New England French do, eaoh t1me on the Fourth of July; ln an
old '29 Ford, tho wholo fe.nily (one eiater,Carolino.) My lifo haa beon
~eneral1y a lot of wandering ••• not only st sea, ·but hitah-hiking eeyeral
timee around U.S.A. (47 statos.) l worked nt al1 kinds of jobs, and have
bean writ1ng ainoo l wae elovon, when l wroto my fir8t little book in
a nickel notobook on the epur of reading Huokl~berry Finn. At 19 1 was
writing aSaroyan n short etories in Hartford, Conn. and working in a •
~arae4j at 22 l wae in Manhattan reading Rimbaud & haunting the ço1~bia
campus; at 24 l was in 'Friseo writlng Carlyle-llke eesaya. Nothing l
di,duft do. My ahief inf1uono~l3 are LoUia Ferdinand. Celine, the great
oontemporary Frenoh noy;oliat now 1n eXilo in Derunarlej Dostoev.ak Y · James
Joyoe and of course Melvill~ and Thomae Wolfe. l ~ae marriod on i y 8.
month a~o, Nov. 17, to Joan HaYorty of Albany, N.Y
If you ean make
anything out of thia. .or if yeu oan't, please lot me know and 1'11 try
tQ sond you ~xactly what you nood.
<
•
21
l hopo l ha ven' t bden to verb08~ 3.nd u8dle 8S. } hope to m'jet you
soroeday. Do you h~PPen to kno~ a ~~e.Louiae Michaud in Naahua7---aho ls
my aunt l my father' ssieter, a droeslDaker of many yearsJ and my favori te
and ~ost lovod aunt. To my aurpri~e l learned 90v~ral years a~o, in a·
talk w1tn ner, that ahe had read everything---not only Rimbaud but
Stendhal, not only Villon but LaRochofoucauld l eto. She'a my laat contaot with the lifd l knew in Franco-Americana ••• l~ vie Franco-Americain?
It wae intdre8tin~ to me to learn that you tranalatod Leavoa of
Grass' Whitman waa my·firet real influence; it wae on the epur of reading
Whitm~n that l deoidad to oroas the oountry. There ia 80mething in Whitman that brings togetl}.dx al1 the oontendi ng old:!len'ta and na t1 ona11 t1 ea
in U.S.A.; something too that beapeaka the vaat·trded~m of Canada, the
St.Lawrenoe, the West IOf Canada, the Gaapo. The taot t-œt you made no
money doesn' t aurpri s~ mo.
1 made no money ei the!:' :on my nove~ and expoct
never to make anything writin~, oepeoially·if l write exaotly what 1
neod to ",rite, whioh ta the truth about what l kno~." Thie hae to be. ·
J
l hope yeu canmake a few bucka with your ploee. If you write
storios you ehould get youraelf an a{;ont in N.Y.
l.have a: ver;/" good
agent called Henry Volkannin~, 522 Fifth Avo. Thele ehould bc)· a tromondous amount,of matérial you have about French Cana~iana; why don't you
try a seriee of etories about Now England Canad1ane.
Hoping al1 gOde weIl, and that you Bond me the article boforé i t
pub li Bhed# if yeu evor do it, 1 remain youre ainoerely,
Un compatriote,
f
8
Rosaire Dion-Lévesque, «Jean-Louis Kérouac - romancier», dans
La Patrie, Il février 1951, p. 26.
A 28 ans, ce jeune homme, épris de wanderlust, s'est créé d'emblée une niche
enviable parmi les romanciers américains avec son premier livre, «The Town and the City».
- Né de parents originaires de St-Pac.ôme et de la Rivière-du-Loup, il habite maintenant
New York où il est à écrire un second roman dont le thème sera «Le fait franco-américain».
***
Très peu de nos compatriotes se sont imposés dans les lettres anglo-américaines.
Pour la majorité de nos écrivains férus presque exclusivement de langue française, la
langue américaine est un instrument peu flexible et trop étranger à leur mentalité latine.
D'autres qui possédaient l'anglais suffisarrirnent pour pouvoir se l'assujettir, ont hésité à
l'employer croyant sans doute être accusés de transfuges par leurs confrères.
Nos concitoyens américains nous demandent souvent pourquoi les francoaméricains n'écrivent pas davantage en anglais, la langue naturelle qui les entoure comme
un fleuve? Je répondrais par une autre question: Est-il possible de posséder le génie de
deuX' langues? Les polyglottes peuvent s'exprimer facilement en plusieurs langues, mais
seulement dans leur langue maternelle seront-ils à l'aise et donneront-ils leur pleine m~sure
et la sensation du naturel. TI est facile, par exemple, pour un écrivain français de traduire un
texte anglais dans sa langue maternelle. Mais qu'il tente le procédé contraire et sa
transposition aura perdu spontanéité et naturel. Il y manquera ce quelque chose
d'indéfinissable par lequel se ·révèle la création authentique.
Jadis M. Burton·· Ledoux se créa une enviable réputation de journaliste et de
polémiste, voir même d'historien, à New York. Il y a aussi eu quelques livres publiés en
anglais par M. Edouard Fecteau, M. le juge Eno,M. le professeur Alexandre Goulet, Mlle
Liane Tétreault, etc. Mais ces publications d'essence purement documentaire n'entrent pas
dalls le domaine de la création littéraire.
Nous avons bien le cas flamboyant de Will DURANT, cet extraordinaire
philosophe-historien de North Adams, Massachussetts, dont les livres «The Story of
. Philosophy», «The Story of Civilization», «Our oriental Heritage», «The Life of Greece»,
«Ceasar and Chris!», et le récent volume «The Age of Faith», passeront sûrement à
l'immortalité. Mais Will DURANT n'est pas généralement connu en qualité de francoaméricain bien qu'étant «une des plus grandes gloires de la race française en Amérique».
li y a quelques années un autre compatriote, M. Jacques Ducharme, d'Holyoke,
Massachusetts, fit passer un frisson esthétique dans les lettres américaines par la
publication de son roman «The Delusson Family» - histoire romancée de sa famille. Ce
livre fut suivi d'un documentaire trop hâtivement écrit, élémentaire et incomplet, intitulé
«The Shadow of the Trees» qu'il échafauda à la faveur d'une bourseGug~enheim~Mais à
part ces rares exemples, peu des nôtres ont fait des incursions dans les lettres américaines . .
L'an dernier cependant, se révélait un autre jeune talent de grande promesse, dans la
personne de Jean-Louis Kérouac, de Lowell, Massachusetts, dont le premier roman «The
Town aÏld the City» fut louangé par les grands critiques du New York Times et du New
23_
York Herald-Tribune, et signalé avec non moins d'enthousiasme par notre argus francoaméricaine, Mlle Yvonne Lemaître, critique littéraire du «Travailleur» de Worcester,
Mass.
Comme le fit.M. Jacques Ducharme,. M. Jean Louis Kérouaé s'est inspiré, en
partie, de l'histoire et des avatars de sa propre famille pour éc1iÏre son livre. Cependant, l,a
situation franco-américaine y fut maintenue à l'arrière-plan, pour des raisons personnelles
de l'auteur. M. Kérouac qui est à écrire un deuxième livre, me dit: «The Town and the
City» fut écrit de 1946 à 1949. Ce n'est pas exclusivement l'histoire de ma famille, mais un
composé des traits caractéristiques de nombreuses familles de mon entourage et de
personnes qui m'étaient chères». «Je n'ai pas tenté d'y élaborer «le fait francoaméricain» ... chos~<iue je ferai cependant dans mon roman en préparation».
Jean-Louis Kérouac est le fils de Léo Kérouac, de Nashua, New Hampshire et de
Gabrielle Lévesque, de St-Pacôme, Canada. Les ancêtres du père étaient originaires de la
Rivière-du-Loup. Le jeune Louis naquit à St-Hubert, au Canada, le 12 mars, 1922. Sa
famille étant venue se fixer à Nashua, il fit ses études primaires en l'école Saint-Louis-deGonzague de cette ville, pour passer ensuite en l'école St Joseph de Lowell, Massachusetts
où sa famille s'installa par la suite. Au Lowell High School il se distingua en qualité
d'athlète, étant membre de l'équipe de football. Il obtint alors une bourse qui lui permit de
poursuivre ses études au Horace Mann School for Boys, et en l'Université Columbia de
New York.
Durant la dernière guerre mondiale, il s'enrôla dans la Marine Marchande du pays et
fit partie 'de l'équipage du vaisseau S. S. Dorchester. Le d,estin voulut qu'il ne fut à bord de
ce vaisseau lorsque ce dernier sombra dans les eaux de lYl.tJantiqœ .du Nord engloutissant
avec lui les cinq chapelains catholiques; tragédie maintenant passée à l'histoire.
Son père était imprimeur, à Lowell, Mass. li était aussi éditeur de plusieurs
périodiques de l'endroit C'est sans doute dans l'atelier de son père que le jeune Jean-Louis
acquit le goût «des écritures», fasciné qu'il dut être par la magie de la page imprimée sortant
toute sanglante encore des presses.
Jean-Louis Kérouac a connu jusqu'ici une vie pleine d'aventures et de
vagabondages. Il raconte comment deux voyages au Canada, durant deux années,
consécutives, à l'occasion du congé du Quatre Juillet, lui sont restés bien vivants dans la
mémoire. Les voyages se lrrent dans un vieux Ford 1939, où toute la famille, comprenant
le père et la mère et une soeur, Caroline, et Jean-Louis, prenait place parmi les bagages.
Depuis il me semble avoir cessé de répondre aux appels du wanderlust. Il a visité
quarante-sept Etats du pays, souvent «sur le pouce». Il a travaillé à une multitude de
besognes pour gagner son pain tout en voyageant et en amassant des impressions sur le vif
pour ses romans futurs.
Il écrit depuis l'âge de onze ans, nous dit-il. A cet âge, sur un carnet de cinq sous,
acheté au «five-and-ten», il écrivait des aventures inspirées de Huckleberry Finn. A 19 ans,
nous le retrouvons à Hartford, Connecticut, où il écrit, pour lui seul, des nouvelles à la
«Saroyan», alors qu'il est garagiste en cette dernière ville .
. A 22 ans, il est à Manhattan, en l'Université Columbia, faisant la découverte pleine
d'illuminations du grand Rimbaud, cet enfant terrible de la poésie française et mauvais ange
du grand Verlaine. A 24 ans, il est à San. Francisco où, déjà mûri par de multiples
expériences il délaisse les «enfantillages littéraires» pour composer des essais inspirés par
l'Anglais Carlyle. Rentré à New-York depuis quatre ans, où habite encore sa famille, le
jeune écrivain consacra tout son temps au parachèvement de son premier roman «The Town
and the City». Il mit trois ans à l'écrire, soit de 1946 à 1949.
Dans ce roman qui fut publié par Harcourt Brace, le 2 mars 1950, le jeune
romancier trace 1'histoire de la famille imaginaire Martin - famille franco-américaine,
comptant cinq garçons et trois filles. La ville de Lowell devient la ville des «moulins à
coton» de Galloway qu'on ne trouve pas sur la carte géographique et où les enfants
grandissent avant que les garçons ne partent pour la guerre. A ce temps, les parents et les
fillettes déménagent à New-Yorle. La guerre terminée, la mort du père réunit la famille dans
son village natal du New Hampshire.
Il Y a dans ce livre des scènes de grand réalisme. L'intrigue tourne autour des
efforts constants du père Georges martin pÔur s'entendre avec son fils, Peter. Ces deux
personnages dominent le récit Mais le jeune romancier a su insuffler aussi beaucoup de vie
et de réalismê à d'autres personnages moins importants de son livre: Joe Martin, le
vagabond; Francis, 1'intellectuel; Alex Panos, le poète; Kenny Wood, «le maudit»; Liz
Martin, 1'épouse amère, et Léon Levinsky~ le «hipstef».
Voici ce que dit de ce livre un critique de New-York: «Un style puissant allié à une
grande précision de la langue, un dialogue vivant, un sens dramatique des détails sont
quelques-unes des qualités de ce livre. Il sera évident, à la lecture de «The Town and the
City» que Jean-Louis Kérouac a des idées bien personnelles».
Nous avons demandé à M. Kérouac quels étaient ses auteurs préférés. Il nous a
répondu qu'il avait fortement subi l'influence de Louis Ferdinand Céline, 1'auteur de ce
gigantesque cauchemar apocalyptique qu'èst «Un voyage au bout de la Nuit», de James
Joyce, de Melville et de Thomas Wolfe, et de Dostoièvsky. Il nous déclare aussi avoir une
grande admiration pour 1'auteur de «Brins d'Herbe», WaltWhitman. De fait, Whitman, ce
vagabond mystique, fut 1'être qui incita Jean-Lo'lis Kérouac au Wanderlust et le décida à
faire cette randonnée à travers tous les Etats-Unis. n dit de Whitman: «Il y a en lui quelque
.chose qui réunit, qui cimente, tous les éléments et les nationalités de notre pays ... quelque
chose qui fait penser·aux vastes étendues du C~ada, du gigantesque saint-Laurent, des
plaines de 1'ouest, de la Gaspésie».
En novembre dernier, soit le 1.7, Jean-Louis Kérouac épousait Mlle Joan Haverty,
d'Alb.any, N.Y. Ses connaissances du français ayant été succinctement acquises en
quelques années d'école paroissiale, à Nashua et à Lowell, il n'est pas surprenant que notre
jeune compatriote ne puisse s'exprimer aussi facilement qu'il désirerait le faire dans la
langue de ses ancêtres. Ayant presque toujours évolué dans une atmosphère exclusivement
anglo-saxonne, il dit déplorer ne pouvoir écrire parfaitement le français, mais il lit encore
tous les auteurs français dans le texte. Une de ses joies présentes est celle de causer en
français avec sa mère, Gabrielle Uvesque, avec laquelle il s'entretient encore de ses
«voyages au Canada».
Et quoique s'exprimant presqu'exclusivement dans la langue de Shakespeare, il a
gardé pour les beautés supérieures de la langue de Molière, une grande et sincère
admiration. Tel que, Jean-Louis Kérouac nous fait grandement honneur. Il était juste que
nous 1'honorions.
25
,
ë:.c pool.l~
19S, WOf'COItu 1. Mauach,-<u
------------------
--
Vt&. Xl. No 12
' The Town and the City"
lA IIINI6&tion Iit~rair~ da jour dan.... "la M~rrima~'k" , :', 1..(1\\ .. 1\ '
• ~ pour son portrait ~t ~ parle plus d'aulr~ ch~ , , ,
DQlat solide d'un ~~ romanck-r (ra.nco-amirkain dans It"s '
~ ~rica.iM8 ••• Et UM cu~use lacullt" anc~tral('
.
par Yt,IOMe LE MAITRE
'.TM Tou," and tIuJ City.
,al , . . t;.~"uac
- _ .~ _
.----
Un livre curieux, '. En ce sens.. Qu'il plante un arbre rnhll",t.,
t'f ~lIl1t de !lève. san..:; lui preter de radn<'S ni parll'r de !l'm.'
nourrid<-n.', John Kerouac est un ,animateur dt, pn'mi':'rP fom':
il Bail J!C'lIPI{'r un milieu d'une vie agissante, trépidante. f["{·mi!'· .
sanœ et drue, C'est là le Cort d'un talent comàciiorable. qlli attd_nl
déjà Ct1 re premier essai une couleur et un reli('f peu ordinail'(~.­
Le jrune auteur de The Tou'1l and tJu: City. dont ("~t il :27 an" 1('
premier roman, a réussi l'exploit de faire \;VIT' il l~ f"n"t am"ri·
caiœ un arbre vigoureux répandant autour de lui tlTlt' S;'\"· (''\1:1 ...·••
rante, bI!!lS nous parler une fois du· vielL~ sang où Cl'! ;l rh l'.' ;t ;'u i",', .
vie ct YÎgUe\lr, Réalisme fort acclL-;ë dans tout.' I""t'll\l'(,. !'i \'OII!'
\'oulC'Z, mais auquel s'accroche toutefois unt:> certaine m<,>,ul'l' d'i,·
rœ.lItl>. Au sol initial, l'hurilUs ethniqll.~ Jl1ultipll' ('t rii\'\'r,.; où
croit f,(ln arbre, qûi est Lowell. John Kerouac !l'a pa" pIanI:' rie
racint.'S .. . humaines, Pen..<;('Z à: un Hamkt où ma:l,pwr;lil 1.' ~: ••,',
.
tI'!'duJ.'('TC . ..
Cè!l!'rntion spontanée, donc, QUI' ('t' l.ù\\'t,]! , !~:a.";";.· tIl:!!, W:I:, '
dont nt.' surgit avec un \'L....,ge il ~i au, 'UI1 d"..; d.··nl,'nt:- q\!: <In:
cm', ('('{te masse. Et pourtant.
p?uJ:tant I.o\\·l'lI ('st tnllt ... \.!",/"
ù' l'tmiformité et la fusion. Lowell - G,llh!lnlll .'..:t 11' n"m 1)11.,
porte la \;lIe dans l'ouvrage - est le mdtill!l J,(lf où den r.'~t l'no
eon' parfaitement fondu: Lowell est je Canada français du Qu ...·t ..'l'.
le C..anada anglais des Pro\'Ïnœs Maritim<'S: J'Irlar.di'. r.'\m:l"'I'IT~'
t't 1'Eœ&se: le PortugaJ et les Açores: l'Itillie. la Sui>cie. la :--':OI"\'':'!:I',
la Grt>œ, l'Arménie, la Syrie et le Liban: la PologJlt' {'t la Lithll;j.
nie, Israël et quoi encore~ Je Il(? fais qu'('fncun'r les -17 \·,1r!,··!';"
et leurs ~7 sun;vances,
.
•
M. Kerouac ,voulut-il sciemment é\'it('r 1(' g('nn' 1 l'Op culti\·..· du
TOI'1la'H immigrant.? Ne pas donIl(?r dans le roman italo-om,;rieilin
où résonnent 0 Sole mio et Per Bacco.' à chaque clli1ll;r~c de mille!;·
tr'Ofle a\'alée à chaque ligne? Ou dans le roman [::l'Imano-améri·
cain où le Ke7men Sie e.in Eiscnbau7ll, Ei.~<'7Ibau1ll, Eisnll>a11ll11 de
l'éœle de chant tudesque rivalise ê.\' C 1('$ .4('11.' Sd,.X'n! q~1Ï ;;'1luent
'chaque tour gymnastique au '.J ((l"lIl'1'f11I1t De i'ao""'lICl' Illlaj~ dt'
œt1e ca.melote, de son évasion de la banalité {'nfant ine C't de la
pn'(ffidue couleur de nombreuses phra,;{'S ét ram:i'l'I'o' dans un te,,\('
angIai'i, à tout prendre félicitons· le, Et pourtant . et lXl\1l1ant
les gens de LoweJl~GalJo\\'ay savent que l'klip'''-' lo!;!lc du \'it'lI'
temps n'('St pas tout à fait cela: qUf' l'omul'(' tenace de J';tnc(ot l't'
enseveli hante toujours les \;{'ux logb-. Quand .lohn K,'rou:1C 1l1!·
même appel1e l'Enfant-Dieu the Lit tic .!o<l(s. ;(w(' d,';: mot,; angl~li"
il parle encore français,
• •
Dans tout l'ouvrage, une seule phrasi de fran,'ais, et pronon·
~ par un .. , Viennois! Cet oiseau de pa:;.sage à Lowell·Gal1o\\ay.
e\lde~erlt peu ferré sur la Nouwlle-Angleterre, voit un jt:>une
~.()wellOlS -
M, Kerouac même, n'en doutez point -
se choisir d('$
..comment:
On lit le français dans les petites pro\;nœs des Etats·L'nis?
. .
,Un seul livre français - Les faUJ: momuzyeurs d'André Gide
- figure dans The Town and the City. et cela non comme lecture
plausl,b1e ~hez un Franro-Antéricain, mais comme lecture propre '
a un etudiant d'Harvard soignant ses cJasses, D'où œtte irréalité .
toute particulière - l'absence d'affiliation ethnique - qui hante
le fond de l'ouvrage malgré sOn réalisme expert d'autre part. Car
The Town and the City est clairement autobiographique, basé sur
l'histoire de la nombreuse fanùlle de J'auteur même, et les Kerouac
de Lowell sOnt non œ génération spontanée américaine mais dé·
finitivement francos.
livre:> français à la bibliothèque publique et s'exclame:
.. ..
..
, John Kerouac habite maintenant New York, ainsi que sa
me~, Mme Gabrielle Kerouac, mais plusieurs membres du clan
habitent toujourn Lowell. D'origine purement française, bretonne
comme le nom l'indique, ce sont des SUTvit'antsprononcés, parlant
français comme des bons, et le jeune romancier lui·même parle
~ français châtié. TI fréquenta l'école paroissiale Sainte-J~anne­
d
avant ses cours au Lowell High School et à l'Université C0lumbIa. Une tante, Mme Léontine Kerouac, est l'un des piliers
de l'Association Educatrice Franco-Américaine, plus connue sous
l~ ~ œ Danles Educatrices, groupe féminin qui se dévouait par- .
ticuI.ierement autrefois à la naturalisation des Canadiens français
et s'occupe enéore-activernent de l'avancement politique des Franco-AmériCains., Des .cousins de l'auteur, Hervé et Armand Kehabitent Lowell et sont affiliés à ses groupements francos:
SoLon pere, ~ Kerouac, longtemps propriétaire d'une imprimerie à
weU. émigra à New York après des revers de fortune et la
~ de son atelier \ID peu avant la dernière guerre, et y mourut,
Son fils quitta l'université Colwnbia avant d'v finir ses cours et
·.1IeIVit durant la guerre dans la marinè marchande, Toute la trame
i:.~_Town aM the City est autobiographique, et la chaleur
~Yl1Ilte <liffuse en ces pages qui disent la vie affective d'une famiDe Pl'Ofuodément unie a pour source le vivace souvenir des siens
qui hante John Kerouac, et l'amour qu'il leur porte toujours,
An:
rouac..
• • •
Un seul intennède où l'auteur puise au pot pourri ethnique de
seule conœssion aux nombreuses survivances là.cJedans: c'est sa comPrehension, son amitié Pour un jeune poète grec.
~ PCl1t08, tué pluS tard à la guerre, et dont l'éthos, le
~_ beIIénlque particulier à lui et sa famille méditerranéenne
~~ l'écrivain. Mais aucune caractérisation' raciale de œ genre
~ effleure même . en passant \ID personnage franco-américain de
l~, TI ne faudra donc pour personne chercher dans The
~ aM the City un croman franco-américain. â cause de l'orien de l'auteur. L'QtlVI"8'ge n'a rien d'un roman franco-américain.
Lowen, une
g1
. .. .
C'est ~nc un portrait social et topographique et non ethnique
que nous dessine John Kerouac œ sa ville natale, bien·aimée même
s'ilIa ~.provindaIe et arlérée au point de v:ue intellectuek D'un
lWen! de main, 1.1 écarte le Lowell fumeux des filatures, pour retnluver intacte la poésie d'un site doué de grâce par la nature, les
envfroœ du Oreater Lowei:l dont les eaux et les arbres,les grandes
~~ les ~~ munnurent de doux chants à so? âme de ~te,
~'.~..ont . ~ œs pages trop idylliques, trop bien
œ~==~'\<N=e-=~~~
.
.
souffle puissant d'authenticité, c'est la vie sur la terre des homo
mes.
• • •
''The Town and the City"
(SUTT'E
os
LA
Un PAOE)
cherche simplement à exprimer en beauté ce qui est ressenti comme telle,
• • •
il n'y a pas d'intrigue proprement dite à Tlze Tou'?l and tlze
City,. C'est la saga d'une famille nombreuse, affectueuse et unie
aUtoUr d'une mère aimable, bienfaisante et gaie comme un beau
jour, toute amour, dévouement et droiture. Ma se tire l'hor'OScope et cvoit tout dans les cartes., mais sourit doucement sans se
fâcher quand on veut rire qe sa petite manie; elle est faite comme
ça. Sa nichée la contemple avec adoration, chacun pensaht à part
8Oi: lia, ]JQU are wondertul.· De ~ëme toonderful est Pa, aimable
et bon comme Ma, même si certains défauts, l'amour du jeu, des
courses, de l'akool, amène peu à peu la déchéance économique, la
perte de l'atelier de maitre-imprimeur, l'abandon forçé de la vieille
et vaste demeure si confortable, le déménagement au piètre apparteinent à Brooklyn, OÙ le père vieilli George Martin tombe au
rang d'ouvrier imprimeur, rongé d'ennui et de regrets, Décadence. dissolution, dispersion du vieux nid. .. La guerre est venue,
semant aux quatre vents cette fanùlle où battait autrefois un seul
coeur pour tous, à la fois grave et doux. Des sept enfants de
GeOrge et Marguerite Martin, cinq sont partis, trois fils aux ar· mées, deux filles dans les WACS. Et pour tous ces Martin jeunes
et vieux, autrefois si heureux, s'est levé un spectre dissolvant, aussi malfaisant, sous son traître aspect d'inertie, de néant et d'absen· ce, qu'\metnitranleuse en plein jeu: l'ennui,
.
The TOWK mcd tke City n'est pas à proprement dire un roman,
avec tntroduction. bain d'catmosphère>, intrigue, épisodes, péripé· lies, analyses et dénouement bien amenés et agencés, chacun bien
enclos en son petit tiroir, comme ça s'écrit suivant les règles, C'est
de la vie, de la vie enfiévrée, pressante et imprévisible telle que
John Kerouac la sentit en soi-même, chez ses parents, ses frères et
8OeW'S, ses amis, ses C3.Q18.1"8des d'école, de collège, de travail, de
service à la guerre, de pàrtout, de tout temps. La fécondité, l'aboodanœ, la richesse, l'étendue du tableau, que Kerouac par une
périétra.tloo aiguë et \me grande fidélité de dialogue anIme d'un
Et il y a l'ennui, l'ennui mortel à l'homme, et par soi si dur à
tuer. L'ennui du vieux père à Brooklyn . . . l'ennui de la jeunesse
masculine étouffant en une atmosphère de petite ....ille où ne bouillonne plus la promesse d'avenir . . . Mais plus : l'ennui sinistre de
la jeunes..<;.e de guerre, ennui qui renouvelle celui de la génération
perdue de The Sun Also Ri3cs du roman d'Hemingway après la
premiére grande gu€ITt' , eL pathétique ennui des jeUnes, qui ne
sont pas faits pour J'ennui: qui les saisit et les aœable partout, au
ser.;ce même loin de tout pour commencer, mais plus ironiquement
en .congé N les poches pleines d'argent mais seuls. seuls dans la
grand'\;ll(' inconnue. ou encore plus trist('ment, seuls à Lowell.
où, mornes et inquiets, ils parcourent les rues sans retrouver fi·
gure d'runis ou de camarades d'autrefois. partis ou morts sous Di~
sait quels Climats ignon's. l'ne solitude qu'eux ;;('ul;; auront çonnue . .
• • •
.. La période lowflloise <Th. TOlcn) dt' l'ouvrage e:-t plus attachante que 1(' ~jour à New York (The City) . La !ost ynu'mtùm
d'anciens soldat, et marins débauch(.'>s aux prises avec la métropole
monstmelLc;e d'apft?s-gueITt' inspire maints tableaux. rt>p;'titifs t't
('(lngén ('~, que le:- \'iellx de la vieil1e de ""ew York estiment out~ et d'lm démonisme naif.
l':lIn deS· fils ~tartin tombe là en une
équh'oque socit;t!; de ~'gre ou de demi-p(>gre. en une Casba de
morphinoman('S et de vendeurs de dope, homose;o.;uels, dévoyés,
dés..1.x~ et déséquilibrés de tout poil. voire de voyous avoués en
quête du -bon coup.. de la bonne job en ce qu'ils appellent travailler. Bu\"€urs à J'excès. ils \'ont, mâles et femelles. de bar en bar,
de soûlerie en soûlerie, comme si tout le secret. le mystère, la clef
de la \;e résidait dans le seul alcool. pour retrouver vaille que
vaille, ivres morts, leur couchette à l'aube. Et recommencer le
lendemain, en même triste bande, leurs mêmes mornes excursions
nocturnes. Ces scènes new-yorkaLc:es \'OliS semblent bien exagérées. Je le confie à tme jeune femme qui avait trois frères aux
armées dont deux seuls re\;nrelit. Elle secoue la tête a\'ec énergie, .Mais c'était comme ça~ •. me dit-elle. .C'était bien comme
ça. Cela prit des mois à mes frères à revenir à une \;e normale.
Les fil1('S, le jeu, la boisson, c'était tout~ Chaque nuit, c'était la
ronde des bu\~ettes. Pour oublier, toujours pour oublier. Et ils
revenaient chaque fois plus tristes et plus abrutis..
..
. Tous les Martin, déracinés à jamais de leur \ielLX Lowell. dispersés maintenant de New York à la Californie, se retrouvent encore une fois en d'éphémères contacts, alLX funérailles du père
dans le New Hampshire, d'où il était venu à Lowell. Là, Joe
Martin., le plus errant des fils, en face de la dignité, de la fidélité
des vieux fermiers qui avaient connu et estimé son père, se prend
d'amour pour la terre. Il y re\iendra , il en sera, il veut des ra~
cines. Il s'achètera une ferme au moyen d'un G-I Loan, système
de prêts aux vétérans. Mais le fils intellectuel reprend le train
pour New York, pour aller y terminer The Tou:n imd ,the City,
sa chronique des Martin sur lesquels sont passés le temps, la guerre, la \;e en les moulant, les poussant sans relâche à des fins imprévues.
Yoonne LE MAITRE
27.
le fAROG forum,
m~t<lin
1964 P.ge 15
l'l\PPORT fRANCO-AMERICAIN
Une lettre inédite de Jack KerQuac
Il
'A 11 my knowledge rests ln my 'French-Canadianness'
and nowhere else."
-Jack Kerouac ,
The Town and the City, le premier de ses livreS à ètre
publié.
C'est dans le fonds Wilfrid-8eaulieu conservé à la
Nul mieux que Jack Kerouac n'a su exprimer cette' Boston Public Library que (ai dé<ouvert le document
d'où est extraite cette phrase capitale. Il s'agit de la copie
profonde identité franco·américaine qui subsiste
d'une lettre que Kerouac a adressée à la journaliste
semble-t-il, en dépit de l'abandon de la langue française.
franco·américaine Yvonne le Maître (1876·1954) pour la
Bien qu'il é<rivi\ en anglais, il mettait dans ses livres son
coeur de Canadien au sens traditionnel du terme, éest-à- , remercier d'avoir fait, le 12 juin 1950 dans le Travailleur
<:le Worcester (Massachusetts), la critique de son roman
dire de des<endant des pionniers de la Nouvelle-France.
A la fin du texte, le jeune auteur de vingt-huit ans
"AIl my knowledge, dé<lare-il, reslS in my Frenchmentionne le R.P. ...,rmand Morrisette, OM.I., dont
û~dianness" .nd nowheie else."
l'amitié lui était chère. Ce religieux. né comme lui dans
le "petit Canada" de Lowell, a é<rit en 1977 des
souvenirs intitulés A Catholic's View of Kerouac Gerard
Nicosia s'en est inspiré en partie pour rédiger une '
pré<ieuse biographie qui fait ressortir les racine
canadiennes de l'écrivain (Memory Babe, New York,
Crove Press, 1983),
'
Voici donc la teneur de cette lettre qu'il me fait plaisir
de communiquer au FAROG Forum, voix émouvante de
la jeune génération franco-américaine:
time 1 will; in another medium, another level. In Lowell 1
never acted like a f rancis. 1 was always with the gang.
My solitudes were romantic -like the solitudes of Panos and not misanthropie. 1 defend m~lf strongly on this
point because 1 want you to like me. Francis was my
villain.
few personal dues 1 wanted ta establish. 6ecause 1
wanted a universal American story, 1couiC! not make the
who le family Catholie. It was an American story. As 1
say, the French-<:anadian story l've yet to attempL But
you were absolutely right in your few complaints on this
score. Isn't it true chat French-<:anadians everywhere
tend to hide their real sources. They can dQ it because
they look Anglo-Saxon, when the lews, the ltalians, the
othetl cannoL .. the other -minority" races. Be~eve me,
l'II never hide it again; as once 1 did, say in high school,
when 1 first begàn "Englishizing m~1f' to coin i. term
(Me (aire un Anglais), My mother laughed and enjoye<!
and loved your review tao, 1 think you were wonderful.
prkenution p,u Michel upierre
Sept. 8 '50
94-21 134th Street
Richmond Hill, NY
Dear Miss (Mrs.l) le Maitre ...
·Excuse me for writing in English, when it would be so
much better to address you in French; but 1 have no
proficiency at ail in my native language, and chat is the
lame truth,
What amazed me most about your review - which 1
read and reread in Mexico City ail sommer - is the
beautiful and elegant French tone chat made it ~m as
though a very aun! of mine had reviewed my book. 1felt
No review touched me more !han )'Qurs. 1 think it humble. Your mention of my mother and father
was the best review of them ail. There Wele some in warmed my heart. Because 1 cannot write my native
Newsweek a~ The Times and The Friseo (hronicle
language and have no native home any more, and am
chat appredated and understood the book. but .youtl amazed by chat horrible homelessness ail Frenchunderstood me too (except for one point 111 brins up)- Cânadians abroad in 1'.mefi6have - weil, well;1 was
and more !han chat, 1 liked the tone and the scope,
moved. Someday, Madame, 1 $hall write a FrenchCanadian nove l, with the setting in New England, in
1 am no! Francis Martin (1). 1 never was anything lil:.e French (3). It will have to be the simplest and most
Francis Martin. Francis Martin is a caricature of sorne of rudimentary French. If anybody ~ants to publish it, 1
the friends 1 have had who were typic:al intellectual m~an Harcourt, Brace or anybody, they11 have to
QytcasJ..:..!Y~, -çfeqde<J( [ypes, frgm whçIm J aQmit 1
translate, iL Ali my knowled~e {('SIS in my "frenchlearned a lot but not everything - andïlôtthe most Canadaanness" and nowhere e se. Thë1Ï1gl:sll1angüage
important things. Just to prove it: look doser, when you is a tool 'lately found ... so late Q oever spoke English
have lime, and you11 flfld chat "Will Dennison"(2) the before 1 was ~ix or seven). At 21 1 was still 5Omewha't
dope addict in the "City" part of the book is the exact awkward and illiterate-sounding in my speech and
prototype of Francis. In the original me, this wou Id have writings. What a mixup. The reason 1 handle English
been more manifest. but we eut it. Francis is, in lact, the words 50 easily is because it is not my own language. 1
prototype of the man Will Dennison was drawn from- a re-fashioo it to fit French images. Do )'Qu ~ chatl
wealthy Middlewestern Harvard esthete who became a
Incidentally, 1 called the family Martin because that
drug addict. Francis is the weakest character in the
book. because 1 never dared draining him out full. Next can also be a French name ... Norman. It was one of the
(1) En fait. c'est plutôt Peter Martin, le frère
de Francis, qui ressemblerait à Kerouac.· Comme
l'auteur, ce personnage de The Town ' ~nd the City $e
distingue dans le sport, entre à l'université grace à une
bourse, abandonne ses études, travaille dans la marine
marchande et choque ses parents en menant une vie de
bohème,
My book has not sold at ail. It is not even
discovered, What can 1 say, except chat the world is no
good anyway and we ail I:.now it. People are ail right,
though. 1 blame the stupid channels of 'advertising and
hooroosh chat mix bad things with good - for l'II tell yoo,
my book did not sell only becau$e it was drowned in a
flood of other books, most of which were dishwater
(rinsure du pot) and . nk. It is a decade starting off
lOausplClouS y III m IOCII
war. 0 n (> O'"mN",'
about il. l, persooally, {eel ail the reward 1 really need
when someone lil:.e vou answers a good wprd. Hoping
you11 write, and give my best to Father MorTÎsette,
Yours,
Jack Kerouac
(2) l'écrivain William Burroughs aurait servi de modèle à
Kerouac pour le personnage de Will Oennisoo.
tard (/kmory awe pp. 425 - 426). le biographe ne
pré<ise pas si le manuscrit a été conservé.
(3) ~Ion Nicosia, Kerouac a effectement écrit une
oeuvre en français en l'espace de cinq jours au mois de
dé<embre 1952, mais il s'agirait d'une nouvelle plutôt
que d'un roman. Il l'a traduite en anglais un peu plus
Michel Lapierre est candidat au doctorat en lettres. Il
a consacré sa thèse de maîtrise à Rosaire Oiorrlévesque',
29.
POUR QUOI JE SUIS ICI ET INSTAMlftENT AILLEURS
. Je suis un individualiste e nragé. C'est un e affirmation
vr a iment pas gratuite m@me s i elle ne signifie
qu~
ce Que
ch a cun veut bien en supposer. Je m'exerce assez dangereusement
à
provo~uer
l'ecart par refus visct::ral de tout ce oui est
convenu socialement, normatif et sclérosant
à même le confort
apparent. Je me cabre dans l'instant, je regArde presque
directement le soleil oui crible l'espace entier, et je ressens
l'impulsion urgente de partir, d'avancer comme un forcené
parce nue la vie ne s'accomplit que de brûler et ne se
renouvelle que par bouleversement.
Il n'y a rien d'abstrait. Les mots se ré pe rcutent en leurs
vibrations parfois distordues alors oue le sens semble confiner
à l'absurde. Tout se découvre dans l'instant,
~ force d ' être
evoqué plus ou moins impérativement. La littérature doit
prétendre atteindre l'absolu, sinon elle se dilue frileusement
dans le divertissement. C'est
à ce niveau
~ ue
je revendi~ue
l'influence de Jack Kérouac, l'invention de soi plus mythioue
encore oue légendaire, oui se vérifie par la tentative radicale
de parvenir
à une fusion de sa vie et de son oeuvre.
J'écris tout ceci qui ne remplace pas le silence, je
n'elabore 0;ue ce oui me concerne directement, j'ai seulement
fait allu~ion à Kérouac de biais, je connais son oeuvre de
façon incompl~te et à travers la distorsion pris~atioue de ma
pensee, je comprends tout, je ne comprends rien, à la limite
je s u is un idiot. Pourtant c'est toujours la vie intégrale dont
il est ouestion, alors oue Gu oi que ce soit répond de tout
puisque rien n'est indissociable dAns la ramification indéfinie
des choses élémentaires.
Alain Quimper
31.
RENCONTRE AVEC ALLEN GINSBERG
Allen Ginsberg. vous connaissez?
Un peu, pas du tout, vous en avez entendu parler! Pour ma part,
en juillet dernier, je le connaissais très peu, sinon que mon
ami
et compère. de voyage,
Louis Dupont, mien avait touché
quelques mots à l'occasion d'un voyage à Boulder, Colorado.
Il m'avait situé Ginsberg surtout en rapport avec ses prises de
posi ti on et son engagement contre l a guerre du Vi etnam.
De
plus, Louis me l'avait décrit comme étant, avec Burroughs, Corso
et Kerouac, l es poètes maudi ts de 11 Améri que des années 50-60
ainsi que les pères de la "beat generation".
Plus personnellement, je voudrais vous
parler de Ginsberg;
l'homme, et non pas de son oeuvre en tant que telle et essayer,
par ces lignes, de vous
communiq~er
les émotions, le "feeling"
que nous avons ressenti lors de nos rencontres avec Allen.
Allen Ginsberg est avant tout un homme de coeur, sensible et
ouvert aux autres.
Je me souviens de notre première rencontre
au Naropa Institute où, très gentiment il avait accepté de nous
rencontrer sans rendez-vous et de façon très informelle, mais
avec une certaine retenue et un tant soit peu de scepticisme.
Il avait commencé par nous laisser nous présenter, ensuite il
avait attentivement écouté Louis lui expliquer le but de notre
vi site.
Pui s, au moment préci s où Loui s 1 ui
parl a de Jack
Kerouac,
les yeux de Ginsberg slilluminèrent,
son visage
se
détendit et nous sentîmes comme un souffle paisible planer sur
nous; clétait gagné, la confiance était installée et Allen se
mi t à nous parl er de Kerouac avec beaucoup dl enthousi asme et
dlamitié.
Cette première rencontre eut 11 effet de nous plonger dans une
sorte de bonheur indescriptible.
Nous nous sentions très tthigh tt
et avions la certitude intérieure de vivre à Boulder des moments
dlune grande intensité.
Il
faut toutefois préciser que nous
nlavions formulé aucune attente précise face à Ginsberg et que
de ce fait, nous étions très ouverts à cette rencontre.
Notre
attitude était de laisser Allen nous donner ce qulil voulait,
sans compromis; clétait peut-être un gros risque, mais ce comportement nous servit.
Ginsberg fut très généreux, très acces-
sible, très près de nous.
33.
On dit souvent de Ginsberg qu'il est un mystique, un adepte des
civilisations et philosophies orientales.
Pourtant, il reste en
lui quelque chose de très américain comme une emprise culturelle
-- ou contre-culturelle dans son cas --- qui se traduit chez lui
sous la forme d'une très grande attention et sensibilisation aux
choses de l'humanité .
citoyen du monde.
Cela fait de lui un universaliste, un
C'est cette facette de sa personnalité qu'il
me fi t découvri r lors d'une autre rencontre .
Alors que Loui s
était en entretien avec William Burroughs, Allen Ginsberg m'invita à assister à une de ses méditations.
Très gentiment il
m'installa confortablement dans un des coins de la pièce ou
était installé son petit autel boudhiste et il se mit à psalmodier des mantras et à chanter un texte anglais et tibétain.
Sa voix était douce et pleine.
Je ne puis vous dire si d'avoir
pu assister à ce rituel était une faveur exceptionnelle, mais en
tous les cas, je puis vous assurer que j'avais pleinement apprécié le geste, d'autant plus qu'après la cérémonie, Ginsberg me
fit deux cadeaux.
Le premier était le texte intégral de la
cérémonie et le deuxième était un autre texte, sorte de recueil
de pensées et maximes, qu'il avait rédigé la nuit précédente à
l'intention d'amis intimes vivant outre le Rideau de fer.
Ce
manuscrit, Allen avait pris la peine de nous le dédicacer et
surtout de m'en faire une longue explication philosophique .
C'était, je crois, pouvoir le dire, sa façon à lui de nous
signi fier qu'il nOlis appréciait.
Suite à cela, je vous laisse imaginer mon excitation, car je
crois qu'il me serait difficile d'en exprimer la pleine mesure
par des mots.
Depui s ces brèves rencontres, pl usi eurs semai nes se sont écou1 ées et je sui s encore
sous
11 i nfl uence
du
magnéti sme
que
Gi nsberg nous prodi gua.
De ces moments privilégiés, jlen ai
surtout retenu la très grande disponibilité de l 1 homme, sa simplicité, sa constance dans ses idéaux.
retour
du Colorado, plusieurs
J'ai lu, depuis mon
biographies
qui
lui
sont
consacrées et je mesure dans plusieurs cas, meme après 20 ans, à
quel point l'homme est resté convaincu et conséquent dans ses
idéaux de fraterni té envers 1 es hommes .
Allen Ginsberg est
toujours un homme attachant, indulgent, respectueux des idées et
des tendances de chacun.
Merci monsieur Ginsberg.
Vous mlavez beaucoup appris.
Serge Wicht
Suggestions de lecture
GINSBERG, Jane Kramer, éd. 10-18.
BEAT, HIPPIE, YIPPIE, Fernanda Pivano, éd. Christian Bourgois o
OM ... ENTRETIENS ET TÉMOIGNAGES (1963-1978), Alain Jaubert et
Susan Sacks, éd . Du Seuil.
35.
UNE CONSTANTE PAR SOUPLESSE
A travers son oeuvre, Jack Kérouac fait preuve sans
ostentation d'une qualité humaine rare, la
générosit~,
une
capacité d'accepter autrui en ce qu'il a d'original, d'unique,
d'irréductible.
Kérouac ne préjuge pas de la valeur de quelqu'un selon une
bizarrerie d'apparence ou de comportement. Il cherche plut6t
~
déceler la dimension spirituelle de l'expérience de vie qu'il
poursuit, quelle que soit sa route, celle du "fou", celle du
"saint", celle de l'idiot m@me, l'idiot pouvant @tre quelou'un
accul~ ~ la stupeur parce que trop honn@te pour en remettre
dans les attitudes expectées par son entourage.
Kérouac revendique son individualité en toutes circonstances
(sauf pendant ses méditations intensives imprégnées de
bouddhisme), refuse de piétiner comme un pion engoncé dans le
carcan des normalités sociales et des technicalités légales.
"Les Clochards célestes" et "Les Anges vagabonds" foisonnent de
critiques . d'une société qui instaure l'uniformisation autant
dans les loisirs que dans le travail. Kérouac ne se tro·uve à
l'aise que seul ou dans les groupes les plus hétéroclites. Un
tel individualisme se confond parfois, pas si paradoxalement
qU'on pourrait croire, avec une conscience universaliste, une
vraie générosité justement, englobant les expériences les plus
variées, les sentiments religieux souvent synchrétiques àans le
cas de Kérouac.
Au-del~
des pseudo-impératifs politico-flico-économiques et
àes tendances fascisantes qU'ils autorisent, Kérouac appréhende
l'@tre humain. Ainsi, en pleine guerre, en pleine Mer du Nord,
il éprouve de la compassion pour le cuistot d'un névire allemand
qu'il imagine en train de sombrer. Je trouve très révélatrice
la narration de cet épisode dans llVanité de Duluozl! (écrit en
1968) parce que je retrouve un Jack Kérouac familier,
l'individu fondamentalement anti-fasciste. Les déclarations
réactionnaires qU'on lui reproche à cette âpoque relèvent,
selon moi, d'une propension à la boutade de ouelou'un abruti
par l!alcool et surtout de la volonté
èésesp~rée
démarquer radicalement d'un courant social (les
de se
épigon~s
de
la Beat Generation) oui l'a grugé inconsidérément. Le fait
qu'il se soit exprimé de façon brouillonne sur des Questions
politiques prouve simplement qu'il était trop honn@te et trop
spontané pour articuler sa pensée dans un système.
Je n'ai évidemment pas connu Jack Kérouac mais j'aime lire
et relire son oeuvre. Le meilleur de ce que je suis et que je
m'efforce sans cesse de développer m'incite à penser ~ue
j'aurais pu être un de ses véritables amis. En affirmant cela,
je suis à la fois réaliste et très exigeant envers moi.
Alain Quimper
37.
{)JAND ~ PENSE À TOI
J:
SAIS
QUE IW{S
CI RCULE LA
r-ôE
f'{)N
FRÈRE
NOS VEINES
PISSE
OOE NOUS PI SSOOS LE r-Êf.E SANG
J' Y SENS C<H1:: LE COURS D' EAU DE NOlRE Cll...1URE,
L'OŒUR DU VIN BLANC, LA COULEUR DES COINS DE RUES;
.E SAIS MON 'FRÈRE QUE POUR NOUS
C'EST CCH-E SI NOUS ÉJACULIONS DE LA VIE.
SERGE HICHT
tTÉ
1986
- -- - - - - - -
-----------
Québec, vendredi 1er février 1985.
UN VENDREDI SOIR CO~~E LES AUTRES •••
ou Deux instantanés d'une certaine realité québécoise.
8hpm- Rue du Sault-au-Matelot; une vieille maison
historique, avec l'avancée du Vieux Séminaire de Québec
sur la falaise à pic, en face (ça me rappelle Gilles
Vigneault). Ambiance mi-"décontract", mi-"culturelle" de
bon ton. L'hôte, Maurice, prof. d'espagnol (chez les
jésuites), spécialiste des Catalans, est une ancienne
connaissance du Chantauteuil-Biarritz il y a une douzaine
d'années, et connaît bien la Bretagne. Il y a là également
deux Americaines du Minnesota, un grand Américain "relax",
et une Québécoise. La soirée s'étire après le souper,
excellent par ailleurs, arrosé de "gwin-ruz". No more
houblon ... Malédiction! On splitte les oueloues bières
survivantes à deux ou trois. je reste un peu sur ma soif,
ce qui est rare! Rencontré en sortant sur la rue, près du
Saint-Malo fermé, Bertrand le "Bougnat". Je lui demande:
"as-tu soif?". Il me réplique qu'il se ramasse chez-eux,
mais il m'indique les coordonnées d'un bar à promiscuité
des lieux. Et c'est alors oue ma soirée bascule.
Une heure du matin, Café "L' Acropole tt , rue Saint-Paul:
pas de Grecs à l'horizon, tables de billard, serveuses
---~
affriolantes, ambiance typique mi-prolos, mi-chômeurs.
Ca "fume" en crime! Un copain de Jon"ui~re, Robin est l~.
On jase quelques minutes. Apr~s son départ, je m'assois ~
une table, o~ se tient un Amérindien assez jeune, grand et
bilingue, peut-être un Cri. L'Amérindien engage la
conversation moitié anglais-français, sympathise avec moi
et se met ~ me payer traite sur traite. A un moment donné,
j'ai devant moi un cognac, deux doubles scotches et une
grosse Miller. J'hallucine quasiment. Je ne sais par quel
bout
co~nencer.
Pour remercier le Grand Chef, je lui refile
ma vieille pipe "Triskell" en cadeau (mieux vaut un
autochtone emboucanné 0ue saoul, me dis-je in petto). Il
la met dans sa poche arrière sans piper mot. Finalempnt,
mon ami d'un soir s'écroule ivre-mort sur la banQuette,
vers les trois heures, dans l'indifférence générale. Je
finis mes verres, et sors avec la Miller (C'est l'heure d'y
aller!). Rentré ~ pied, vers mon vieux Limoilou, et failli
m'écarter sur la rivi~re Saint-Charles gelée.
Une belle soirée .•• Mais quelle "petite Vie"! Moralité(s):
"On est toujours l'Indien de quelqU'un". L'Indien est-il
notre mauvaise conscience ou notre double?
Louis Briand
tbmICITÉ
I-brft:.:
.x
00 tt>RD,
TE VOIS cOURBÉ
SUR LES MISÈRES 00 ~,
TU VouœAIS CHANGER LE NoRD
POUR LE
Sun,
TU VOUOOAI S
REFONffiE L'ESPACE ET LE "f81>S,
~TOOC~S~,~SPffiŒ
PAR CE FROID GLACIM.. QUI PÉNÈTRE
TES VEINES, LES FAISANT
CU\QUER
C<H1:
LE FOOET DES TRAÎNEAUX.
LEs
CHIENS HURLENT TA PEINE
QUE
TA VOIX EXTÉNlÉE DE FATIGUE NE PEUT
PLUS CRlffi, CRIER TON ESPOIR, CRIER
TA · FAIM DE JUSTICE, CRIER TON
BESOIN n'ÊTRE BIEN, AU
Sun,
Noon,
AU
À L'EsT ET L' CÀJEST •
SERGE HICHT
ËTÉ 1986
41.
(28-IO-86)
(une note de journal)
En fin de nuit, il y a les coulées chaudes du sax ténor
de David S. Ware doublées subtilement par la trompette de
Ted Daniel ("Fate" sur l'album "Celebration" de Andrew Cyrille)
et même une égratignure très perceptible n'altère pas la
fascination oue j'éprouve, encore que je maintipnne comme
toujours une distance critique par rapport ~ toute r~alité,
ce qui n'est pas incompatible, je sais ce oui se passe ~ tous
les niveaux en adoptant une telle démarche, et maintenant ç a
devient plus syncopé, plus criard, plus rébarbatif à toute
harmonie, c'est la lutte qui s'exalte en fracas télescopés
mais non adverses par antithèse destructrice, alors oue soudain
le calme survient dans la cascade lente des notes de piano de
Donald Smith, puis Ware et Daniel reprennent le thème initial
avec toujours autant de souplesse, et ça chuinte sans heurt
et ça palpite généreusement comme l'évidence la plus irradiante
quand vivre brûle vraiment-Alain Quimper
*****
Amateurs, fervents ou passionnés de jazz, Quelle que soit
l'activit~
à laquelle il vous incite, vous pouvez écouter
WNEW (am eleven-three-o). L'animation y est meilleure
qu'excellente. Ca provient de New York, ce qui occasionne
parfois une réception complètement brouill~e, ça ne peut que
galvaniser le sens de l'espace entier.
A.
~.
AVIS DIVERS
Le Club Jack Kérouac met à la disp osit ion de ses membres les livres dont l a nomenclature est établie à la page suivante.
Il
suffit de fair e prendre en note le prêt par Nicole Paquin ou par
toute autre personne responsable au Secrétariat permanent des
peuples francophones.
Parution récente:
Jack Kérouac, Maggie Cassidy (traduction de
Béatrice Gartenberg), coll. "Points-Roman", édition du Seuil.
Dave Christy,
temps prochain
dans l'esprit
Adresse: 5110,
de Montréal, nous informe de la parution au prind'une revue de création littéraire, Beat Soup,
de la beat eneration et des années soixantes .
rue Adam, Montréal Québec) H1V 1W8
43.
CLUB JACK KEROUAC
CENTRE DE DOCUMENTATION
BURROUGHS, William S. (1966) Naked Lunch.
CHASSE, Paul P. (1976) Anthologie de la poésie franco-américaine de la
Nouvelle-Angleterre.
FERLINGHETTI, Lawrence (1976) Who are we now?
GIFFORD, Barry (1977) Kerouac's town.
JARVIS, Charles E. (1974)Vlslons of Kerouac.
KEROUAC-HARVEY, Raymonde (1980) L'album: Pensées des descendants de Maurice-Louis-Alexandre le Brice de Kéroack depuls 1730.
KEROUAC, Jack (1966) Blq Sur.
KEROUAC, Jack (1966) Desolation Angels.
KEROUAC, Jack (1962) Docteur Sax.
KEROUAC, Jack (1977) Heaven &Other Poems.
KEROUAC, Jack (1968) Les arges vagabonds.
KEROUAC, Jack (1963) Les clochards célestes.
KEROUAC, Jack (1969) Lonesome Traveller.
KEROUAC, Jack (1978) Maggle Cassidy.
KEROUAC, Jack (1976) Mexico Clty blues/1.
KEROUAC, Jack (1984) Pull My Dalsy.
KEROUAC, Jack (1971) Satorl à Paris.
KEROUAC, Jack (1960) '$Lw la route.
KEROUAC, Jack (1978) The Town and the City.
KEROUAC, Jack (1983) Trlstessa.
KEROUAC, Jack (1979) Vanlté de Dùluoz.
KEROUAC, Jack (1976) Vlslons of Gerard.
KEROUAC, Jan (1981) Baby Drlver.
McNALLY, Dennis (1980) Desolate Angel. Jack Kerouac, the Beat Generation,
and America.
MONTGOMERY, John et al (1982) The Kerouac we knew.
MOODY STREET IRREGULARS, a Jack Kerouac Newletter: Numéros 6/7, 9, 10, Il,
12, 13, 15, 16 &17.
NICOSIA, Gerald (1983) Memory Babe: A critical biography of Jack Kerouac.
ODIER, Daniel (1969) Entretlens avec Wllllam Burroughs.
PELIEU, Claude (1972) Jukeboxes.
PELIEU, Claude (1973) Tatouages mentholés et Cartouches d'Aube.
PLANtTE PLUS (1971) "Bob Dylan et la Beat Generation, changer la vie.
SRrPARD, Sam (1978) Bob Dylan starring in Rolling Thunder Logbook.
STARER, Jacqueline (1977) Chronologie des écrivains Beats Jusqu'en 1969.
THE KEROUAC CONNECTION: numéros 7, 8, 9, 10, Il, 12.
WALSH, Joy (1984) Jack Kerouac: Statement in brown.
Franco-American litcralUre: writers and their lVritings
La littérature franco-américaine
écrivains et écritures
PROGRAMME
VEl'DREDI, 13 MARS
SAMEDI, 14 MARS
CAMPUS CE:-iTER
CAMPUS CO,TER
tns{'riplion / R~gistra(ion
1:30 p.rn .
I:JO p.m.
Présiden!: Eric Waddell.
UnÎversité Laval. Or~anis.ateur de
la Rencontre internationa.le
Jack Kerouac
Inscription/R~giJtra(ion
9:00 a.m .
1:00 p.m.
9:30 a.m.
Bicn\'C:nuC' : Lou is· F. Dion. a.a., VicC'-("h3.ncclicr.
Collc~(' de r A~somrli0n
C!Jirc QUin131. DifC\."tr;('C' . In st itut français
Bienyenue: Joseph H . Hagan.
President of Assumption Collc:ge
:":aming
9:45 a.m.
1:15 p.m.
Prcsidmt: rierre Anet il. In~litut Quebecois de
recherche sur la cuhurc
Louis Dont'"
('1 /(os hrh'ains frcnco·amhicoins.
Garon. a.a.,
ancien professeur à rUni\'c:rsitt La\"al
Ll.'s Fronco·Amhicains ('f l'institution fiuhoirt'
)'\'('$
David Plante. author of the Francoeur trilogy:
Th~ Famil)'. Th~ Woods. The Country.
Born in Providcnce, Rhode Island, he now lives
in London.
ft- ('n~ dc Htmf rr,·mhh.JY.
Ré:~is Normandc3u,
Un;\'crsité du QU(l;!cc à !\10ntréal
Pause caf<
3:45 p.m.
Gérard Robichaud. author of The App/l.' of his
Eye, rcading an c,;crrpt from his ncw novd. A
Pearl of G,{'Cf Pria.
3:00 p.rn.
~1ichad Truc,
Assumption College
JacQuie Gi~n FuUer, Dative of Lcwiston.
Main<:, readjng (rom a work in progress.
Franco-Amerù:an
Lill'rCful"(
Se"'" England - Holyoke.
Ernest-B. Guillet. Ph.D.
Id('as of Order in Little Canada.
Wil( Jaml.'s. nt Err:cst Du/ouft: romancù:r du Far-
Pau$< cdi
Présidmte: Charlone Bordes LeBlanc.
Boston Colkge
Cornille Lessard-Bisson.nettl' .. . à la rechl'rchl'
d'un jtminisml' franco·am/ricain..
J3n(1 Shideler.
Uni\"enity of ~1assachul.Ctts al Amherst
Bill Tremblay, editor of the Colorado Revic'W.
Born in Southbridge, MassachuSC"tts, he is Chair
of the Creative Writing Program at Colorado
Slalc UniverS"ity. He ....ill read from his rCC(ntly
published volume of poet!)' entitled: Duhamel;
in. a
Lütll'
Canada of
J.fa.ssach~{(J.
Discussion
Oiscussion
OU('Sf.
of
Discussion
10:30 a.m.
Moderator:
Ca~
J:JS p.rn.
Discu ss ion
Discussion
Translation of ~/f: The
a5 0
Jock };erouoc.
~1aurîce PotC"Ct.
Uni\ersité du Qud)ec 3 :-'1onlrta.!
Pr6idcnle: Oaire Quinlal.
Directrice de l' lmtitut français
qll(I"~cui...{':
3:30 p.m.
Slide -tape show. Bl'yond thl' Rocd: The FrancoAmerican Side of Jock A·aouoc.
Roben Pc:rreault.
Manch~ter. Ne .... Ha~pshire
Florence Tormey Dlouin.
CEGeP SI-Laurenl. ~1onlréal
Richard L. BelaÎr, author or Double
rcading rrom a worle in progress.
Tak~.
11:15 a.m.
Pause caf<
CHAPELLE DU SAI:-iT-ESPRlT
II:JO a.m.
Présiden;: Armand-B. Chartitr.
Uni\'enÎlé du Rhode Island
Rosoire Dion-Lb'('squ~
amtricaÎne.
~( l';d~n.lill
L 1"Slil ,1( !n'''(tlu /~C rr"l'f'r<J'~' lk /0"'('1 ln ('0""""""1111/011'.
On ('O(I#f"J ,....,0'" 4!cJ:'n~,,1>ks ~ l''u ,.,od.qt..f' qo..,,~, YI"#'! _fl~ k
P, ... "
d, ", ","",", /_,.., d·,",..,.".",...,", ",..d4"1 J.-J
('Q"/t","~rl
PAVILlO:-; TAYLOR
Du~, auteur de plusieurs fecuCÙS de
lisant ~ poèmes.
Il:30 p.m.
homëlislc : \\ïlfrid-J. Dufault. a.a.
C1
7:00 p.m.
Normand
~sic,
Mt"Sse
Cé!tbranl
Conctlëbrants: Richard · P. Brunellc. a .a.
Louis·F. Dion. a .a .
franco-
Michel Lapierre.
Université de Montrézl
~t>II"qlH' .
5:30 p . rn.
O<jeun<rILunch
Dina-gala en l'honneur de Claire Quintal. directrice
de l'Instilut français. sous la pr6idencc de ~1.
William-E. Aubuchon. flh. OI("\o·a.1icr de !v1alte. Vice:pre$idC'nt du Conscil de l'ln$I;IUI françaü.
.\:ous ror.(r(wns \'i\'cmcnl /('s gou\'rrn('men{s de la Frana n du Canada. la ~lIga{ion du QU(~ ~n .......ou\·~IIe-·Angln~rr(.
oirui quc le Conse;I dc la \·ù: fran(ais~ ~n AmhiQuC'. d~ kur glnlrositl d nOlr~ Ixard.
FORMULAIRE d'INSCRIPTION
Registratien Ferm
Tous remeignemena sur l'htt;.crgement e:t le tramport
seronl fournis sur demande.
I:lsctiption
COII/rrt:flu /~
'd~jnlna
Information "garding lodging and transportation
Gl'ailabl( upon rt'çuNt.
{TAY . PkO VtNC"t
VllLf
Mt1o.t
Th~ rfT~<h
.n <ht"("u
ply.bk 10:
InltllutclAutlftlptloft
Je suis membre de: rrnstitut. _ _ Oui _ _ Non-
CoII~,~
SOO Selhbuf")" StC"T(:t
WOf"t"nl~r.
T"~ph(J~
roOE P'OSTAl
Noms ct adresses suprltment&ircs:
MA 0160'9-1296
(617) 152·561:5. ut.
inclus/
Soll.lrdoy 11.lf1(h i"rll.ld~)
_SIS.OO
Otna-Gala/
Testimonial Dinncr
_tlS.OO
J(
UlU:fa. mats
~ d6iu: r.ire un don "
l'Institut (r&l)Ç1il.
1 cm uflDbk 10 IIff~d. bvt wUll
fI( p<"ulo p&$
IQ C"Of1I";bu/~ to IJ.~ Frrnd!
IfUtitlltr.
~I~
Toul
·Voir le formulaÎfc d·.dhésion d( membre .u
~ rrW"r~
Inr
/«rmbuJhip af>pli~alloll .
~$O.
_SIl.}()
r
UNIVERSITE DU MAINE
~ 1ais<.1f1
CENTRE I· RAN CO· A\ltRICAIN
FAROe ct Lt- F.A.R .O .G. FORUM
T':kphollc : (2<l7) 5S 1- FROG
Colloque KéroU6c
à Orol1o
FraIKtl-AI11ér ic J. i n<..~
12<13'·enucdll Co lkgc
rOllo. fi. 1 E O~4 <19
o
April 2-3 • 1987
"OesolBtion Angel":
JBck K érouB c Bnd the Fra nco-Am erican Iraditio n
Co-sponsored by the Oepartment of English and The Franco-American Center of
the Uniuersity of Maine
April 2, 1987
11 :00
Arriual of guests (Presenters,Panelists,Modemtors))
a t the Fmnco-American Center 126 College Auenue
lunch/tour of Performing Arts Center
12:00
Welcome by President licl< and Prof. Burton
2:00
Hatlen
1ntroduction of Presenter Roger Brunelle of
lowell, Ma. by Prof. Kail
"The Birth Place," North Bangor lounge, Memorial Union
1ntroduction of Or. Claire Quintal, Assumption College,
2:30
Worcester by Prof. Kail
"Kérouac: A Bibliographical History/His Place in Ethnic
literature"
North Bangor lounge, Memorial Union
Panel discussion introduced/moderated by Prof. Bishop
3:30
"Sources of Creatiuity: Kérouac and Franco-American
Au thors Today"
Oiscussants: ....... , ......... , ......... , ............ , , ...... .
North Bangor lounge, Memorial Union
7:30
April 3, 1 9 87
9:00
1:30
3:00
4:30
Readings-I ntroduced by Prof. Bishop
Uniuersity Club, Memorial Union
Video tapes/films/slide productions introduced by Prof.
Waddell of Uniuersity laual, Québec
North Bangor lounge, Memorial Union
Class uisits by authors arranged through English
Oepartment
Introduction of Presenter Prof. Eric Waddell by Prof. Claire
Quintal
"Kérouac: The Uniuersal Man"
North Bangor lounge, Memorial Union
Panel discussion introduced by Prof. Kai! and moderated by
M. Paul Paré ,EHecutiue Oirector of ActFANE (Action for
Franco-Americans in the North East)
"The Place of Franco-American Authors in American
litcraturc"
Oiscussants: Professors Waddell, Quintal , Bishop •..... .. . ,
Closurc-Profcssor Burton Hattcn, Chfiirpcrson of Uniuersity
of Mfiine Oepfirtmcnt of English
MERC 1 À TOUS
UNE PRECISION ET UN HAPPEL
Le titre du bulletin et le sous-titre qui l ' encadre
consistent en une citation de "Sur la route" (selon la
traduction de Jacques Houbard, Folio, Gallimard, p .
356)
qui résume symboliquement la vie de Kérouac en faisant
implicitement allusion à ses diverses évolutions (ou
régressions) ulterieures.
Cela
sugg~re
aussi la dimension ouverte du Club, en ce
sens que n'importe qui manifestant un intérêt pour Kérouac
peut s'intégrer au groupe assez hétéroclite oui le compose.
Ce premier numéro substantiel constitue un témoignage ,
probant par sa diversité même, de la vitalité du Club.
Considérant de plus l'effet concentré de tremplin du
collo0ue international et l'éventualité de collaborations
prestigieuses, on peut envisager, avec un enthousiasme de
bon aloi présentement, de conférer
à ce bulletin
l'envergure et la qualité matérielle d'une revue. C'est
pourquoi tous les membres du Club sont plus que jamais
sollicités à y participer, les prochains numéros
(paraissant sur une base ouadrimestrielle) n'excluant
surtout pas l'inaliénable voix au chapitre du lecteur.
Alain Quimper
47.
N(IMPORTE QUELLE ROUTE
BULLETIN DU CLUB JACK KÉROUAC
Comité de rédaction:
Louis Briand
Rém i Fer l and
Jea n Po ulin
Alain Quimper
Ont également collaboré:
Roger Brunelle
Bertrand Marotte
Jacques Nadeau, photographe
Ér i c I-Jadde 11
Serge Wicht

Documents pareils