Est Républicain du 14 juin 2014 : "L`oeuvre ignorée"

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Est Républicain du 14 juin 2014 : "L`oeuvre ignorée"
L’ E S T R É P U B L I C
UN JOUR, UNE HISTOIRE
Verdun
L’exposition « Que reste-t-il de la Grande Guerre ? » qui s’ouvre aujourd’hui au Centre mondial
de la Paix, présente un tableau inédit de Fernand Léger, créé en 1915 dans les tranchées d’Argonne
L’œuvre ignorée
C’EST UN INCROYABLE concours de circonstances qui est à l’origine du retour de
cette œuvre en Meuse. Car en réalité, elle
n’aurait jamais dû être là.
« Popote de la vache enragée », c’est ainsi
qu’elle s’intitule, a été créée en 1915, dans
les tranchées d’Argonne. Fernand Léger,
mobilisé depuis la première année du conflit, est alors brancardier. Il fabrique un
support de tableau avec du bois de caisses
de munitions, et une toile, avec des sacs de
sable cousus ensemble. Il utilise aussi des
morceaux de tuniques d’officiers militaires,
et dessine son supérieur, le capitaine Blanc,
courant après une vache dans un décor de
guerre. Après 1918, le tableau est resté de
nombreuses années dans la famille du capitaine Blanc, puis il a été vendu, de gré à
gré, à différents collectionneurs, entre
autres, de Fernand Léger. Pendant 99 ans, il
n’a jamais été exposé ni présenté au public,
il est resté entre les mains de collectionneurs privés. Jusqu’à ce que Valérie
Grosjean-Cossetti croise sa route, par hasard.
Cette Verdunoise d’origine, qui réside
aujourd’hui à Reims, est conseillère en gestion d’affaires. « Dans le cadre de mes relations professionnelles, j’étais invitée à l’Intercontinental, à Paris, place de l’Opéra »,
raconte-t-elle. « Au cours de la discussion
avec mon interlocuteur, je lui dis que je suis
originaire de Verdun. Il m’a alors parlé
d’une histoire magnifique. L’un de ses amis
collectionneurs qui vit aujourd’hui aux
États-Unis, possède un tableau de Fernand
Léger, fait pendant la Grande Guerre et qui
n’a jamais été exposé. Et ce collectionneur
aimerait beaucoup que le tableau revienne
à Verdun, pour le Centenaire de 14-18 ». En
écoutant ce récit, les yeux de Valérie
Grosjean-Cossetti étincellent. « Je n’ai
même pas réfléchi ». Elle prend alors contact avec la Mission Histoire du conseil
général de la Meuse, et notamment Véronique Harel, la directrice des sites de mémoire de la Meuse.
« Quand je l’ai vu, j’ai été scotchée »
Celle qui a coordonné l’exposition « Que
reste-il de la Grande Guerre ? » a tout
K Le propriétaire du tableau souhaitait « qu’il revienne à Verdun pour le Centenaire », confie Valérie
Grosjean-Cossetti (à droite),
d’abord été « interloquée. Je ne savais pas
que ce tableau existait ». Et pourtant, la
première exposition de la carrière professionnelle de Véronique Harel, c’était justement Fernand Léger. « Je me suis donc renseignée, j’ai fait des recherches et ai
retrouvé la vente du tableau ». Signée et
datée en bas à droite, l’œuvre est également
authentifiée au dos par un expert. Elle figure par ailleurs, dans le catalogue raisonné.
« Quand je l’ai vu en vrai, il m’a scotchée »,
confie Véronique Harel. « Cela aurait été
vraiment dommage de ne pas présenter
une telle œuvre dans un contexte pareil ».
« Popote de la vache enragée » sera l’une
des pièces maîtresses de l’exposition du
conseil général au Centre mondial de la
Paix, à Verdun. La seconde se trouvera
juste en face. Il s’agit d’un petit carnet avec
des dessins d’Apollinaire, des aquarelles,
qui appartiennent à la collection Dior, pro-
Photo Franck LALLEMAND
priété du département. Le tableau de
Fernand Léger a été prêté par son propriétaire. Mais son souhait, rapporte Valérie
Grosjean-Cossetti, que le collectionneur a
mandatée pour représenter ses intérêts,
« c’est que ce tableau reste dans un musée à
Verdun ». Fernand Léger a été très marqué
par son expérience sur le front, comme en
témoigne sa nombreuse correspondance de
l’époque. Plusieurs fois blessé, il va pourtant dessiner sans cesse durant la guerre. Il
écrira même à propos de cette ville où est
désormais exposé ce tableau : « Moi, j’ai
passé mes six jours de repos à produire des
dessins de Verdun. J’adore Verdun […] Il y
a dans ce Verdun des sujets tout à fait
inattendus et bien faits pour réjouir mon
âme de cubiste… »
Léa BOSCHIERO
L’exposition « Que reste-t-il de la Grande
Guerre ? » est visible tous les jours de 10 h à
12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h, jusqu’en juin 2018
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