La party - Lycée E.Galois - Beaumont-sur-Oise

Transcription

La party - Lycée E.Galois - Beaumont-sur-Oise
La Party
The Party
Blake Edwards
3
raisons
de voir le film
1.
La comédie
la plus déjantée
du cinéma américain.
2.
L’art burlesque de
Peter Sellers, l’homme
qui a inspiré Jim Carrey.
3.
Un florilège
de répliques cultes
dont le célèbre
« Birdie Num Num! ».
Pitch
Tous deux connus aujourd’hui pour avoir lancé, entre autres, la saga cinématographique
The Pink Panther (La Panthère rose), le réalisateur américain Blake Edwards et le comédien
britannique Peter Sellers acceptent de retravailler ensemble sur La Party, malgré leurs brouilles
successives lors de précédents tournages. L’occasion est trop belle de renouer avec un récit
rocambolesque à leur mesure : un figurant d’origine indienne, Hrundi V. Bakshi, se croit invité
à une soirée mondaine du showbiz et sème peu à peu, malgré lui, la zizanie.
Ce récit comique permet au réalisateur de rendre hommage à un cinéaste qu’il admire,
Jacques Tati – dont il vient de découvrir le dernier opus, Playtime (1967) –, en élaborant une
mise en scène très visuelle basée sur la chorégraphie des acteurs et la sophistication des
décors. Pour l’acteur principal, si souvent caméléon au cinéma (en particulier pour Stanley
Kubrick), ce récit loufoque est l’occasion d’explorer plus que jamais son travail de composition
et un sens de l’absurde proche de l’humour juif qu’il cultive depuis des années.
La première de La Party a lieu le même jour que l’assassinat de Martin Luther King,
le 4 avril 1968, et passe inaperçue. Pas toujours bien perçu par la presse de l’époque, le film
ne sera reconnu qu’au fil des années, jusqu’à devenir l’objet d’un culte auprès des cinéphiles,
des acteurs et des cinéastes.
Zoom
Invité surprise à la soirée du producteur, Hrundi V. Bakshi est installé tant bien que mal
en bout de table devant la porte de service menant aux cuisines. C’est moins la multiplication
de gags sévissant à l’intérieur du cadre qui en détermine l’identité comique qu’un véritable
palimpseste ou ballet décalé d’éléments insolites.
Au premier plan, l’invité inconnu a la tête juste au-dessus de la table, à la même hauteur
que les verres soigneusement alignés, le décolleté d’une beauté platine à la mode et la caméra
elle-même. Ce regard d’enfant, qui nous invite à table, rappelle la naïveté du personnage,
serviette autour du cou, en même temps qu’il intensifie encore sa nature de pièce rapportée,
d’entité déplacée et décalée par rapport aux « grands » de ce monde. Un monde dans lequel
a priori tout est bien rangé, organisé et « à sa place ».
Or, en arrière-plan, la bagarre fait rage entre le chef cuisinier bourru et le sommelier
ivre – une situation causée indirectement par notre invité incongru en début de film. La porte
battante de la cuisine crée une dynamique chère au cinéma muet (comme dans Les Temps
modernes de Chaplin) et nous permet de suivre l’évolution de la bagarre à chaque nouveau
battement. Sorte de montage à l’intérieur du plan, ce dispositif calme et distant (la caméra fixe
laisse l’action se dérouler au fond) fait appel à l’esprit d’observation du spectateur, voire le
flatte, et le rend, à nouveau, complice du désordre.
Ni le montage ni l’échelle de plan ne dramatisent la situation de crise. De même, la musique
joliment « lounge », signée Henri Mancini, participe à ce décalage dramatique permanent.
Se superposent ainsi plusieurs scènes insolites en une seule. Cette technique est l’une des
marques de fabrique du réalisateur qui sait la valeur de la profondeur de champ comme
possibilité d’interaction entre acteurs, mais aussi entre acteurs et spectateurs. Ce jeu donne
aussi aux figurants et aux rôles « subalternes » un espace d’expression dans un cinéma trop
souvent écrasé par les seules têtes d’affiche. Car La Party est aussi, résolument, l’irrésistible
revanche des « petits ».
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La Party
The Party
Blake Edwards
Carnet de création
Quand l’improvisation règne sur un plateau-décor millimétré
Tourné en cinémascope et principalement en studio, La Party bénéficie d’un grand décor
complexe, ultramoderne et accessoirisé jusqu’au détail (conçu par l’équipe Reginald Allen,
Jack Stevens et Fernando Carrere), qui permet toutes les improvisations loufoques.
Basées sur un script de seulement soixante pages, les scènes sont fabriquées l’une après
l’autre, selon les inventions de l’équipe et surtout selon les délires permanents de Peter Sellers,
littéralement « en roue libre » – en dépit d’un Blake Edwards ultra-précis et exigeant, qui ne
peut que laisser faire.
Cette méthode de travail est peu fréquente à l’époque à Hollywood et nécessite un dispositif
de filmage particulier : une caméra vidéo est ainsi attachée à la caméra 35 mm principale,
puis connectée à un lecteur qui permet à l’équipe sur le plateau, de visionner ce qui vient d’être
tourné. Une technique aujourd’hui largement répandue sur les tournages.
Parti pris
Bertrand Tavernier se régale à La Party
« Chef-d’œuvre de la collaboration Edwards-Sellers. Entre l’arrivée de Sellers (en avance)
à la party, et son départ quelques heures plus tard, Edwards orchestre un crescendo
visuel et sonore qui, commencé dans une atmosphère feutrée, paisible, ponctuée de minigags discrets, se termine dans le pandémonium, une cascade de désastres [...]. Cette qualité,
qui atténue le côté légèrement raciste du comique (on rit de l’exotisme du personnage,
en particulier de son absence totale, très indienne, de sens de l’humour, de l’imperturbable
sérieux qui semble être, pour la plupart des personnages, la condition de leur dignité
individuelle et sociale) sert aussi de révélateur par rapport au milieu artificiel et sans âme
des riches Hollywoodiens qui peuplent la party. »
B. Tavernier, J.-P. Coursodon, 50 Ans de cinéma américain, Nathan, 1991, p. 442-443.
Matière à débat
Des dialogues de non-sens
Blake Edwards cherche à limiter les dialogues au maximum (dans l’esprit du cinéma burlesque
muet de Laurel et Hardy par exemple) et privilégie clairement une chorégraphie visuelle.
Pourtant, quelques-unes des répliques de La Party, dont il est parfois le coauteur, restent
probablement tout autant en mémoire que le décor ou les gesticulations et intonations
parodiques de Peter Sellers. Parmi les dialogues absurdes du film, citons la courte scène de
« discussion » entre notre figurant indien et le personnage interprété par la chanteuse française
Claudine Longet (alors très appréciée aux États-Unis) :
Hrundi V. Bakshi : “We have a saying in India…” / « Nous avons un dicton en Inde… »
Michelle Monet : “Yes?” / « Oui ? »
Hrundi V. Bakshi : “Yes.” / « Oui. »
Michelle Monet : “Well?” / « Et bien ?”
Hrundi V. Bakshi : “Well what?” / « Et bien quoi ? »
Au début de La Party, sur le tournage d’un film épique en extérieur, Hrundi V. Bakshi
fait exploser malencontreusement le décor géant. Le réalisateur l’interpelle, à la limite
de l’étouffement.
Le réalisateur : “You!” / “Vous !”
Hrundi V. Bakshi : “Me?” / “Moi ?”
Le réalisateur : “Yes, you. Get off of my set, and out of my picture. Off, off! You’re washed up,
you’re finished! I’ll see to it that you never make another movie again!” / « Oui, vous. Dégagez
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La Party
The Party
Blake Edwards
de mon plateau et de mon film. Dehors, dehors ! Vous êtes viré, vous êtes fini ! Et je veillerai
personnellement à ce que vous ne fassiez plus jamais aucun film ! »
Hrundi V. Bakshi : “Does that include television, sir?” / « Cela inclut aussi les téléfilms monsieur ? »
Naïf, idiot ou évoluant dans un monde parallèle bien à lui, à l’instar de Monsieur Hulot
(le personnage lunaire créé par Jacques Tati), Hrundi V. Bakshi ne comprend pas la situation.
Ainsi, en dépit du jeu d’acteur et de la mise en scène, c’est, au final, le décalage verbal – art
du « non-sens » propre au xxe siècle (théâtre, littérature, cinéma) – qui fait aussi la force du film.
L’inconnu versus la jet-set, ou le plaisir du désordre
Pour la sortie de La Party, le slogan promotionnel du film a le mérite d’être clair :
“If you’ve ever been to a wilder party… you’re under arrest”/ « Si vous avez déjà participé
à une fête plus sauvage, vous êtes en état d’arrestation »)
Dans La Party, la fête mondaine est vite malmenée par un inconnu, un nobody – concept
développé récemment par Sacha Baron Cohen dans son film Borat, lui-même admirateur et
digne descendant de Peter Sellers. Blake Edwards et Peter Sellers y explorent le concept
même de carnaval, c’est-à-dire d’un monde tourné à l’envers, où les hiérarchies et la logique
habituelles, conventionnelles, de la société sont travesties, perverties (on est en 1968, période
de vives contestations sociales et politiques). Habitué aux fêtes luxueuses virant au cauchemar
(dont Boire et déboires en 1987 avec Bruce Willis et Kim Bassinger), Blake Edwards n’aime
rien tant que de démonter et subvertir l’ordre établi, en épuisant les limites, ce qui est le propre
de la vraie comédie populaire. Une profondeur inattendue, teintée d’une pointe d’amertume,
émerge alors souvent à la fin de ses films.
« The Party est terminé et la fin est presque romantique. Blake Edwards ne s’est pas contenté
de nous donner envie d’aller à une grande soirée sur les hauteurs d’Hollywood pour y semer la
pagaille. Faire le grand huit dans cette maison Disneyland ne lui a pas suffi. De notre côté, nous
sommes songeurs après avoir vibré, nous sourions après avoir ri. »
Envoi
Oscar Duboy, Critikat, 2008.
Passerelles
À voir
•Peter Sellers Interview 1974 (en 4 parties, en anglais)
Un entretien avec Peter Sellers en 1974.
•Jim Carrey Presenting an Honorary Oscar to Blake Edwards (6 min, en anglais)
Jim Carrey remet un Oscar honoraire à Blake Edwards.
•The Peter Sellers Appreciation Society (en anglais)
Le site de la société de valorisation de l’œuvre de Peter Sellers.
•‘The Party’ to Remember: Blake Edwards’ Cult Classic Turns 40! (2005)
La Party mémorable : le grand film culte de Blake Edwards souffle ses 40 bougies !
À lire…
• Walker (Alexander), Peter Sellers, the Authorized Biography, New York, Macmillan, 1981
Alex andre T ylski
3 © SCÉRÉN-CNDP
Mon oncle (1958)
de Jacques Tati :
la grande scène de
la tea party – fondée
sur le burlesque et
la destruction partielle
du décor – inspire Blake
Edwards, notamment
pour la perturbation
d’une fête par un invité
lunaire et « déplacé ».