In memoriam Antonio de Oliveira Salazar

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In memoriam Antonio de Oliveira Salazar
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In memoriam Antonio de Oliveira Salazar
Il y a trois ans, en mars 2007, les téléspectateurs de la Radiotélévision Portugaise
désignaient à 41% Antonio de Oliveira Salazar comme le « plus grand Portugais de tous les
temps », largement devant le navigateur Vasco de Gama qui n’arrivait qu’en 10e place. Quatre
décennies après sa disparition (27 juillet 1970), Salazar demeure donc bien présent dans le
cœur de ses compatriotes et ceci n’est que justice.
Arrivé aux affaires en 1928, après que le pays eut traversé une longue période de
troubles (15 coups d’État entre 1910 et 1926), le jeune professeur d’économie restaure
rapidement les finances et rétablit l’ordre. Son succès est tel qu’il se voit bientôt confier la
présidence du gouvernement (1932), un poste qu’il va conserver durant 36 ans, jusqu’à ce
qu’une hémorragie cérébrale le contraigne à se retirer. Dès 1933, il dote le Portugal d’une
nouvelle Constitution et y introduit un corporatisme d’inspiration catholique. Comme il s’en
expliquera plus tard (1), l’homme estime que la démocratie est une fiction ; il ne croit ni au
suffrage universel ni à l’égalité, pense que le libéralisme est un mensonge et croit plus aux
libertés qu’à la Liberté. Autoritaire mais non totalitaire, son « État Nouveau », précise-t-il,
« garantit le droit au travail, à la propriété, au capital. Il défend la liberté des croyances. Il
donne à tous un recours contre l’abus d’autorité et interdit la peine de mort ». Profondément
croyant et fidèle aux valeurs de la Tradition, Salazar n’entend pas céder aux sirènes du pseudo
progressisme. « Nous n’avons pas discuté Dieu et la Vertu », lance-t-il dès 1936. « Nous
n’avons pas discuté la Patrie et son Histoire ; nous n’avons pas discuté l’autorité et son
prestige ; nous n’avons pas discuté la famille et sa morale ; nous n’avons pas discuté la gloire
du travail et le devoir de travailler ». S’il entreprend de moderniser sa patrie (électrification,
ouverture de routes, construction d’écoles, pont sur le Tage), il n’en demeure pas moins très
hostile aux tendances dissolvantes des doctrines à la mode : « …Nous avons pour idéal »,
affirme-t-il (1937), « de refuser le matérialisme de notre temps. Nous voulons à tout prix
préserver, de la vague qui déferle sur le monde, la simplicité de vie, la pureté de mœurs, la
douceur des sentiments, l’équilibre des relations sociales, cet air familial, modeste mais digne,
qui est le propre de la vie portugaise ». Et quant à ses détracteurs, il ne manque pas, avec une
pointe d’ironie, de leur rappeler qu’ « il ne suffit pas de savoir piloter un avion à réaction ou
utiliser une bombe à hydrogène pour être un civilisé »…
Partisan du raisonnable et du bien pensé, le chef du gouvernement lusitanien veille au
développement de son pays mais prudemment et à petits pas. Il reste aussi farouchement
attaché à la défense de l’empire et à la poursuite, envers et contre tous, de la mission
civilisatrice du Portugal. « La vérité », commente-t-il au passage, « est que le progrès se
mesure partout, aujourd’hui encore, au degré d’occidentalisation atteint et que les régressions
se manifestent en sens contraire ». Personnage austère et discret, le président Salazar est
également un esprit indépendant qui ne se laisse pas facilement impressionner : durant la IIe
Guerre mondiale et en dépit de sa neutralité officielle, il laisse les Alliés installer une base aux
Açores car il estime que tel est l’intérêt du Portugal, mais en 1945, il n’en adresse pas moins
au Grand Amiral Dœnitz ses condoléances pour la mort du Chancelier Hitler car il pense que
cela est correct. Au plan intérieur, il lutte contre le communisme et se montre ferme, mais
sans excès : « Tout homme qui combat », dit-il, « doit toujours avoir bien présent à l’esprit,
pour ne pas s’égarer ni se diminuer, qu’on ne vainc pas bien si on ne vainc pas avec honneur,
c’est à dire avec vérité et avec justice ». En 40 ans de règne, il y aura, bien sûr, quelques
entorses à cette règle mais au total et n’en déplaise à ses contempteurs de tout poil, le bilan
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répressif du salazarisme n’a rien de honteux ni de scandaleux. Surtout, faut-il ajouter, si on le
compare à celui de la République Française – de la Libération à la Guerre d’Algérie – ou
encore à celui des « démocraties populaires »… Moins autocrate que pédagogue, Salazar est
un chef dont la mesure est la vertu cardinale : « Je n’ai jamais eu recours », rappelle-t-il, « à
l’insulte ni à l’agression qui eussent pu faire que des hommes libres se considérassent dans
l’impossibilité de collaborer avec moi ». Et de fait, même chez ses adversaires les plus
résolus, rares sont ceux qui le haïssent vraiment.
Honni par la gauche internationale et les libéraux pour sa défense énergique de la
Patrie, de la Religion, de l’Ordre, de la Famille et du Travail, Antonio de Oliveira Salazar
suscite en revanche la sympathie des contre-révolutionnaires – Charles Maurras, Henri
Massis, Pierre Gaxotte – ainsi que des traditionalistes catholiques – Gustave Thibon, Marcel
De Corte –, tandis que S.S. Pie XII ne cache pas tout le bien qu’il pense de lui. La modestie,
la pondération et la rigueur intellectuelle de celui que ses compatriotes surnomment parfois
« O Inteligente » (L’Intelligent) lui valent également les éloges de gens que l’on penserait a
priori plus réservés, comme Maurice Mæterlinck, Paul Valéry et André Maurois, ou encore
Jules Romains et Konrad Adenauer. Tous témoignent de la profonde humanité du Premier
ministre portugais comme de son impeccable probité (« Un homme qui a gouverné et n’a rien
volé » disait sobrement, il y a peu de temps encore, la petite plaque apposée sur sa maison
natale de Vimieiro), et tous conviennent du caractère bienveillant et somme toute débonnaire
de sa « dictature ».
Le salazarisme n’a, hélas, pas survécu longtemps à son fondateur et en avril 1974, la
révolution des œillets a brutalement mis fin à l’Estado Novo. Tente-six ans après ce grand
chambardement, on peut se demander ce que le Dr Salazar penserait du Portugal actuel. Un
Portugal qui pratique 20 000 avortements par an et qui livre les pupilles de la Nation aux
pédomanes (dont un ambassadeur, un présentateur-vedette de la télévision et un célèbre
dirigeant socialiste). Un Portugal dont le taux de chômage dépasse les 10%, où la plupart des
concierges sont moldaves, russes ou cap-verdiens et où, chaque année, des milliers d’invertis
emplumés défilent cul nu dans les rues de Lisbonne et de Porto ! Sic transit gloria mundi.
Christophe Dolbeau
---------------------------------------(1) Le Figaro du 3 septembre 1958.

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