Lech Kowalski use de sa caméra comme le poète
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Lech Kowalski use de sa caméra comme le poète
« Nous exploitons les ressources de la terre à un rythme plus effréné que jamais... » CRITIQUE DE NEIL YOUNG (THE HOLLYWOOD REPORTER) - PAGE 2 ENTRETIEN AVEC LECH KOWALSKI - PAGE 4 HOLY FIELD HOLY WAR JANVIER 2014 PHOTO CORALY JAZZ « On retrouve là, la veine traditionnelle, passionnée, des essayistes et documentaristes polémiques. » Partout dans le monde, les petits agriculteurs sont menacés. Leur lutte pour survivre se fait loin des caméras et des médias. En Pologne, un pays où plus de 60% de la surface est occupée par l’agriculture, de nouveaux acteurs sont en compétition pour s’accaparer les terres. Ce qui se passe en Pologne est un avertissement à prendre au sérieux. PHOTO ANDREJ BAC Holy Field Holy War dénonce l’usage de l’agriculture « Lech Kowalski use de sa caméra comme le poète de sa plume. » intensive ainsi qu’une forme d’invasion industrielle PAR JOSÉ BOVÉ - PAGE 2 connue sous le nom de « fracturation hydraulique ». Le film permet au spectateur d’être témoin et de ressentir les problèmes auxquels font face les fermiers polonais. Il faut bien comprendre que les compagnies multinationales en Pologne sont des envahisseurs, pour la plupart invitées par le gouvernement... Elles sont venues pour tirer profit. Que laisseront-elles ? ERIC LORET LIBÉRATION (…) « Inratable également : le voyage en Pologne de Lech Kowalski, increvable documentariste de l’underground punk new-yorkais, qui part ici vers ses terres d’origines menacées par les forages de gaz de schiste. » (…) THÉO RIBETON LES INROCKS (...) « Toujours sur la crête, toujours en guerre, le Polonais, muni de sa « camera-war » nous avait habitués ces dernières années à des combats bien éloignés de sa terre polonaise (notamment avec The End of the World Begins With One Lie, 2011, consacré à la catastrophe pétrolière au Mexique). Avec Holy Field Holy War (Prix Georges de Beauregard International, Prix Marseille Espérance et Prix du GNCR), il revient cette fois au plus près d’une terre qu’il connaît par coeur et qui subit de plein fouet une crise à la fois écologique et économique assez peu documentée : celle liée à la mainmise sur le gaz de schiste, qui attire la convoitise de puissants consortium américains. Kowalski mène l’enquête, d’une manière en apparence plus calme que d’habitude. Au début du film, on s’étonne presque de la méthode : des entretiens au long cours, le réalisateur accordant de l’espace à la parole des paysans en lutte, en contrepoint de séquences qui nous montrent la campagne polonaise. C’est nouveau, Kowalski prend son temps. Il filme les paysages comme pour la dernière fois, des paysages qui, contrairement à ceux magnifiés dans Lacrau, sont nimbés de mélancolie. Kowalski porte un regard rempli d’affection sur son pays, qui semble voué à la dislocation. Il ressort des paroles de ces paysans une résignation devant l’inéluctable. Mais le réalisateur propose un contrepoint à la fin de son film, en insistant longuement sur une scène de réunion publique. Les habitants, les paysans, sont confrontés pour la première fois au représentant du consortium américain. Kowalski filme la scène au plus près, et lorsque la tension monte entre les participants, on comprend mieux son projet : démontrer que sous la terre polonaise en apparence paisible et résignée, se tapissent les ferments d’une colère profonde, qui remise la nostalgie au placard. Grand film de révolte, Holy Field Holy War fait la synthèse des questionnements et en quelque sorte de l’esthé- tique kowalskienne. » (…) ARTHUR LOGIBAR GAITE-LYRIQUE.COM (…) « Holy Field Holy War, est signé Lech Kowalski. C’est une chronique relativement classique mais brûlante des mutations subies par l’agriculture du pays. Depuis le désastre écologique de l’industrialisation à outrance jusqu’à la tentative d’implantation, soutenue par le gouvernement polonais, de grands groupes américains qui voient dans ces terres le futur eldorado européen du gaz de schiste. Filmé du côté et au plus près des paysans, le film enregistre notamment une confrontation sidérante entre cette population démunie et l’art du sophisme des industriels américains, qui rappelle de manière troublante le récent Promised Land de Gus van Sant. Beaucoup de films ont été réalisés récemment dans cette inquiétude écologique. Celui ci se caractérise par sa manière presque douce de mettre en scène une sorte d’apocalypse silencieuse, redoublée par le souvenir presque nostalgique des personnages du temps de la ferme d’Etat communiste. Mais à défaut de la puanteur permanente dégagée par le lisier des porcs, l’époque était alors aux incessantes manoeuvres des chars soviétiques. « On n’a jamais la paix », conclut philosophiquement, par une litote qui l’honore, un paysan. » (…) JACQUES MANDELBAUM LE MONDE imprimé en France - janvier 2014 - ©revoltcinema PHOTOS MAREK KRYDA (…) « Pour ceux qui regrettent l’obsolète D de FID (pour « documentaire »), ils se rattraperont par exemple avec Holy Field Holy War, de Lech Kowalski, portrait ralenti de la ruralité polonaise. Un étrange docu écolo en position de gisant, la catastrophe n’y étant pas attendue, mais déjà là, sous la forme d’un camion Nutrena qui sillonne le film avec sa bouffe animalière aux OGM. » (…) En 1947, Stanolind Oil a réalisé la première fracturation expérimentale à Hugoton dans le sud-ouest du Kansas. Le traitement utilisait du napalm et le sable de la rivière Arkansas. Feuilletonnée dans La Revue Dessinée, Energies extrêmes (enquête de SYLVAIN LAPOIX dessinée par DANIEL BLANCOU), narre l’émergence technique, politique et économique des hydrocarbures non conventionnels depuis l’après-guerre. À paraître en album à la rentrée 2014 aux éditions Futuropolis. Être paysan. PAR JOSÉ BOVÉ Être paysan, comme je l’ai toujours dit, est un mode de vie plus qu’un métier. Les saisons passent, les choses à faire varient au fil des saisons. Les années se succèdent toutes différentes les unes des autres, hier trop pluvieux, demain trop sec. Une inquiétude toujours un peu présente. Va-t-il pleuvoir alors qu’il faut rentrer le foin ? L’agnelage va-t-il bien se passer ? Est-ce que le prix du lait ne va pas chuter ? Mais également cette sérénité de pouvoir s’arrêter, quand on le souhaite, au milieu d’un champ et de s’engloutir dans les souvenirs et s’émerveiller de la beauté des paysages, et rêver son avenir. Dans Holy Field Holy War Lech Kowalski use de sa caméra comme le poète de sa plume. Il donne sa place au temps et laisse monter peu à peu l’inquiétude de ces femmes et de ces hommes polonais qui voient leurs villages et leurs communautés mises en danger par l’arrivée d’une agriculture industrielle productiviste massive qui dépasse leur entendement. « Des fermes avec plus de 1 000 vaches, des porcheries avec 20 000 cochons ». Tout cela paraît impossible, et pourtant cette réalité s’est installée avec son cortège de pollution et de dégâts de toutes sortes. Les gens de ces campagnes sont désemparés par cette vague qui les submerge, qui les emporte, qui les inquiète. « De quoi sera fait le monde de demain ? », se demande le paysan qui ramasse les abeilles mortes après avoir bu l’eau d’une flaque contaminée par des pesticides. Les préoccupations de ces hommes et de ces femmes sont celles de l’écologie et du respect de l’environnement. L’arrivée des camions de vibreurs de Chevron, à la recherche de gaz de schiste, au milieu de ces villages détruit littéralement les fondations de ces gens. Leurs maisons sont fendues. Leur rêves sont lézardés, leur désarroi est total. Loin de se laisser abattre, ils décident de combattre Chevron, cette firme américaine dont ils ne connaissaient pas l’existence. J’ai rencontré une délégation de ces paysans en juin 2011 qui sont venus me voir à Varsovie parce qu’ils savaient que je devais rencontrer Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Ils m’ont demandé de lui remettre une lettre de doléance. La lutte ne faisait que commencer. Les années des dirigeants de Chevron sont rythmées par la publication des rapports financiers trimestriels. Celles des paysans embrassent toute une vie. De la caméra de Lech Kowalski jaillit cette contradiction frontale entre deux mondes, celui où le temps c’est de l’argent et celui où le temps c’est la vie. La tension monte constamment jusqu’à un point culminant, dans Holy Fied Holy War. Les premières séquences du film nous font progressivement découvrir une région agricole très localisée – située non loin de la frontière ukrainienne, dans l’Est de la Pologne –, où les vieilles méthodes persistent obstinément (on voit un homme âgé faucher son champ), où la vie se déroule selon un rythme méditatif constant. Aucune évocation de la fracture hydraulique : la principale cause de mécontentement parmi les personnes interviewées par Kowalski, c’est l’intrusion alarmante des techniques industrielles agricoles modernes. Tout ceci est présenté comme le rush vers la « modernisation » d’un pays membre de l’Union européenne particulièrement accueillant pour les multinationales « Les lois ne s’appliquent pas pour eux ! », dit l’une des personnes interviewées en faisant la moue. « Ils ont même acheté le prêtre ! » Avec audace, Kowalski attend jusqu’à plus de la moitié du film pour introduire ce qui en sera le principal sujet. On observe d’inoffensifs petits drapeaux rouge plantés par Chevron, multinationale et géant pétrolier, sur toutes les terres agricoles alentours pour indiquer l’emplacement des forages-tests préliminaires. Le degré de notification et de consultation est assez peu clair (« Ils m’ont dit de signer, alors j’ai signé », soupire une femme âgée), mais l’arrivée bruyante de gros camions dans cette zone bourdonnante et bucolique déclenche des mécontentements qui révèlent une franche colère. Quand les premiers tests ont pour corollaire des craquements, pas seulement dans la terre mais aussi sur les murs des maisons des fermiers, la litanie des complaintes enregistrées par la camera de Kowalski – lequel est clairement perçu comme un interviewer sympathique, qui inspire confiance – se transforme en torrent. La partie finale, la meilleure, montre l’arrivée d’un représentant de Chevron en Pologne à un meeting communal précisément organisé pour expliquer les plans de la multinationale et dissiper les plaintes des résidents. La surprenante incapacité de cet homme corpulent, et tout sourire, à parler un tant soit peu le polonais, tout comme sa confiance aveugle dans une forme de discours prémâché, et insipide, vouent sa présentation à l’échec dès le début... et ses contorsions de malaise offrent un spectacle à la fois délicieux et embarrassant. Après une mise en place délibérément lente d’une heure, dont les apparentes longueurs sont naturellement voulues, la trame inquisitrice du film trouve un filon en or avec cette rencontre explosive. Kowalski montre comment cette communauté divisée peut se rassembler contre un ennemi commun et poser des questions d’une rare pertinence en matière de démocratie locale, surtout à une époque où le pouvoir transfrontalier des multinationales s’amplifie (« Pourquoi personne ne nous a rien demandé ? », dit un fermier avec insistance). Nul doute que Kowalski est Le mirage du gaz de schiste PAR THOMAS PORCHER Le gaz de schiste, c’est quoi ? Le gaz de schiste est un gaz piégé dans des roches compactes à très grande profondeur (2 000 à 3 000 mètres sous terre). Pour pouvoir le sortir, il est donc nécessaire d’avoir recours à la technique de la « fracturation hydraulique » qui consiste à fracturer la roche à l’aide de grandes quantités d’eau - 12 à 30 millions de litres d’eau par fracturation - injectées à forte pression et mélangées à plusieurs produits chimiques. Or, bien qu’utilisée massivement aux Etats-Unis, cette technique reste très controversée, notamment à cause des risques de pollution. À cela s’ajoute tous les problèmes liés à l’exploitation du gaz de schiste pour les populations avoisinantes. Plusieurs articles scientifiques ont montré les effets négatifs : nappes phréatiques polluées en Pennsylvanie, baisse du prix de l’immobilier, augmentation du nombre de séismes, risques pour la santé… Le miracle économique promit par les lobbies. Malgré tout, les lobbies des compagnies pétro-gazières ont décidé de travailler l’opinion pour imposer l’exploitation des gaz de schiste en Europe. Pour atténuer les risques de la fracturation hydraulique, il fallait mettre dans la balance les gains économiques de l’exploitation comme les créations d’emplois, le retour de la compétitivité ou l’indépendance énergétique. Des arguments d’autant plus audibles par les gouvernements que l’Europe traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Pourtant, ce que les lobbies qualifient de « révolution énergétique américaine » est en réalité une dangereuse « ruée vers l’or » avec comme seul impératif le forage intensif, pour assouvir les profits de quelques-uns au détriment de l’intérêt général. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, un nouveau puits est foré toutes les douze minutes et c’est ce modèle que certains cherchent à imposer en Europe. plutôt pro David que Goliath, depuis ses débuts, quand il chroniquait la scène punk newyorkaise. Le réalisateur a toujours été attiré par les outsiders, les laissés pour compte, les marginaux et les exploités. Il explique d’ailleurs que, dans ce nouveau film, il considère les paysans comme la composante du « nouvel underground ». Pratiquement aucune tentative de comprendre la perspective de Goliath, ici, ni d’analyser ce débat épineux du point de vue adverse, pas plus que d’écouter ceux qui voient les bénéfices potentiels pour l’économie de la Pologne et de l’Europe. On retrouve là, évidemment, la veine traditionnelle, passionnée, des essayistes et des documentaristes polémiques. C’est le genre même de ce cinéma qui l’impose. NEIL YOUNG THE HOLLYWOOD REPORTER Pour suivre l’actualité de la lutte en Pologne à Zurawlow live camera, videos, photos, presse. En polonais /anglais (plus à jour) occupychevron.tumblr.com En français occupychevronfr.tumblr.com email [email protected] facebook.com/occupychevronPL @Occupy_Chevron one Hastag: #occupychevron Follow us ! [email protected] PHOTO ZBIGNIEW PEDOWSKI Holy Field Holy War : critique du FID MARSEILLE La révolte des citoyens Alors partout en Europe, des citoyens, fermiers, chasseurs, chanteurs, cinéastes, enseignants, retraités, de gauche comme de droite, vivant à Zurawlow (Pologne), Balcombe (RoyaumeUni), Alès (France) ou Pungesti (Roumanie) ont décidé de dire « non » au gaz de schiste. Dans leur combat, ils se sont retrouvés face à des compagnies au chiffre d’affaire libellé en milliards d’euros, pouvant s’acheter les faveurs des politiques, au niveau local comme à Bruxelles. Mais certains mouvements ont réussi et aujourd’hui, la fracturation hydraulique est interdite en France et en Bulgarie. D’autres continuent le combat. En tant qu’économiste, je me suis attaché dans mon livre à montrer que le gaz de schiste était un mirage d’un point de vue économique surtout si l’on prend en compte les spécificités de l’Europe. Une partie de mon ouvrage porte sur les effets pour les populations avoisinantes. Dans le film de Lech Kowalski, les images remplacent les mots et valent mieux que n’importe quelle théorie économique. En faisant un parallèle avec l’agriculture industrielle, il montre la clairvoyance de fermiers polonais qui, confrontés à la violence et au mépris de grands groupes pétro-gazier ou agroalimentaire, décident de se révolter. Dans ce film, on comprend bien comment la mondialisation, que certains de nos experts ont tant chéri malgré les ravages qu’elle faisait dans des contrées plus lointaines, est en train de se retourner contre nous. Thomas Porcher est docteur en économie, professeur en «Marché des matières premières» à l’ESG Management School et enseignant en «Economie et géopolitique de l’énergie» à l’université ParisDauphine. Il est l’auteur du livre Le mirage du gaz de schiste (éd. Max Milo). « Il se peut que la réalité n’ait jamais surgi aux yeux de personne », formulait le plasticien Michel Semeniako dans La Chinoise en 1967. Ne pas présupposer ce qu’est le réel, se désintoxiquer de toute scénarisation, analyser les rapports de force, filmer pour dissoudre le donné, monter pour élaborer du possible, montrer pour en débattre, bref, pratiquer tout l’inverse de l’audiovisuel qui enkyste l’histoire sur elle-même : le travail de Lech Kowalski se porte au secours du devenir. » FILMOGRAPHIE DE LECH KOWALSKI 2013 Holy Field Holy War (1h 45 min) Compétition internationale FID, France Compétition Officielle Abu d’Abhi, Emirats Arabes Unis Compétition Officielle festival de film européen à Séville, Espagne [Prix Georges de Beauregard international - FID] [Prix du groupement national des cinémas de recherches - FID] [Prix Marseille espérance - FID] 2013 Drill Baby Drill / La Malédiction du gaz de schiste (84 min) Première au Sénat français/ multiples projections au Parlement Européen/ Projection au COP19 de Varsovie. Compétition Green Doc Sheffield, UK, International documentaries competition / CinemAmbiente – Environmental Film Festival, Turin, Italie Cinema Planeta, Mexique / Krakow International Film Festival, Pologne CrossRoads Graz, Austriche / Incredible festival, Bad-Saarow en Allemagne/ Riviera Maya Film Festival, Mexique,/ Glimmerglass Film Days à Coopertown USA / DOCSDF, Mexico, Mexique/ Bath Film Festival, Bath, Angleterre / Tournée de salles cinéma et alternatives en Angleterre/etc. Les Sex Pistols dans D.O.A (1981) 2012 Cuts on http://cuts.creative.arte.tv/ 30 heures de performances d’artistes filmées pour la (pré)ouverture du Palais de Tokyo pour ARTE Créative. 2011 www.besider.fr Site élaboré avec les élèves de la FEMIS, Paris NICOLE BRENEZ CHERCHEUSE, PROGRAMMATRICE DES SÉANCES D’AVANT-GARDE DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE. 2010 The End Of The World Begins With One Lie (62 min) 2009 Police Force Ouvrière (12 min) Contribution au film collectif ‘Outrage et Rébellion’. Diffusion sur le site informatif médiapart.fr 2008-2009 http://www.camerawar.tV 79 courts-métrages documentaires de 1 à 30 minutes PHOTO JUSTYNA MIELNIKIEWICZ Lech Kowalski sur le tournage de Gringo (1984) PHOTO ZBIGNIEW PEDOWSKI Sur le tournage de The Boot Factory (2000) “Polska B” Des forêts, des champs, des lacs, des marais. Peu d’infrastructure routière et ferroviaire. Un PIB moyen égal à 66% du PIB national. Un exode rural massif vers les grandes villes de l’ouest du pays et du continent. Bienvenue dans la Pologne de 2e catégorie, la « Polska B », à l’est, par contraste avec l’autre Pologne, à l’ouest, plus riche et plus moderne : la « Polska A ». L’horizon de la Pologne orientale a pourtant changé depuis l’intégration du pays à l’Union européenne, en 2004. L’afflux de fonds communautaires (plus de 2 milliards d’euros en 7 ans) a boosté l’économie des régions concernées. Mais à quel prix… du point de vue identitaire et culturel, notamment : l’espace Schengen rend difficiles les relations avec les « frères » russes, ukrainiens, lituaniens... du point écologique et financier, aussi : les paysages changent et la dette publique s’accroit. Et, finalement, à qui cela profite-t-il vraiment ? Aux Polonais de l’Est ? Ou aux entreprises étrangères privées qui savent opportunément profiter des aides publiques ? C’est notamment sur ces terres que Lech Kowalski a planté sa caméra pour réaliser Holy Field Holy War. Parce qu’il a voulu voir de plus près ce qu’il y avait vraiment de nouveau, à l’Est : pour le meilleur ? ou pour le pire… ? HANNA THIRTEC JOURNALISTE FREE-LANCE ROGOW : Un des villages où Chevron a un permis pour construire un puits de gaz de schiste. LITUANIE Lech Kowalski sur le tournage de Holy Field Holy War (2013) La peste ou le choléra ? La malédiction du gaz de schiste (diffusé sur Arte en janvier 2013) est un film dénonçant les méthodes de cowboys de Chevron, en Pennsylvanie comme en Pologne. Il offre la parole à ceux que la multinationale essaye de faire taire, à coup de dollars ou de poursuites judiciaires. Kowalski s’y fait le portevoix des citoyens, sa caméra donne une dimension internationale à ce qui aurait pu rester une affaire locale. Le réalisateur saisit un moment qu’on espère historique : partout à travers le monde, les activistes sont rejoints, ou dépassés, par de simples paysans, par des voisins, qui occupent les terrains où les multinationales pensaient imposer leurs lois impunément. D’aucuns luttent contre des barrages, contre des projets miniers, d’autres encore contre l’exploitation du gaz de schiste. Dans ce petit village de Polonais adopté par Kowalski s’inventent, comme ailleurs (à Balcombe, chez les Mapuche ou à Notre-Dame-des-Landes), de nouvelles formes d’activisme, qui permettront peut-être une gestion de l’environnement plus humaine. Holy Field Holy War (en salles en 2014) met en scène certains de ces mêmes paysans polonais pour un film d’auteur qui donne à voir la banalité du mal. L’exploitation du gaz de schiste n’est plus le centre, mais la goutte d’eau qui fait déborder le vase trop plein de l’industrialisation agricole. L’agriculture intensive, productiviste, est encore considérée par les citadins comme un progrès, la condition de la croissance, le symbole du développement. Avec ce mode de production, les paysans seraient sortis du Moyen-âge, les tracteurs et les chaînes de production auraient rendu la tâche moins pénible et généré des bas prix bénéfiques à tous. Pourtant, en filmant ces champs, Kowalski montre l’absurdité vécue au quotidien, la lente destruction des espèces et des paysages. La pollution détruit à petit feu ce qui a fait vivre des générations d’hommes et de femmes. Ils s’inquiètent et cherchent à comprendre. Ce cauchemar se passe de commentaires : ici, pas besoin de spécialistes, d’experts, de voix off ou encore de diagrammes pour comprendre ce qui se trame mais que nous n’avions pas, jusqu’àlors, pris le temps de regarder en face. Mais Kowalski reste optimiste, croit à la lutte et au débat d’idées, même lorsque de simples paysans polonais se retrouvent en face d’un directeur du géant pétrolier américain. C’est ce qui donne toute sa force à Holy Field Holy War... CECILE RENAULT BLOGUEUSE beyonddevelopmentality.com 2008 History On My Arms (27 min) 2008 Vom In Paris (22 min) 2008 One Two (11 min) 2008 Unfinished 82 (64 min) 2008 What happened in New Orleans (31 min) 2007 Winners and Losers (75 min) 2005 A l’Est du Paradis /East of Paradise (110 min) 2005 Journal d’un homme marié /Diary of a Married Man (22 min) 2003 Charlie Chaplin à Kaboul (Charlie Chaplin in Kabul) (60 min) 2003 Salle Comble à Malalai (Full House In Malalai) (90 min) 2003 Camera Gun (29 min) 2003 Hey Is Dee Dee Home (63 min) 2002 On Hitler’s Highway (81 min) 2002 Maverik Award du Gimme Shelter Festival à Athenes 2001 Born To Lose (the last rock and roll movie) (104 min) 2000 The Boot Factory (88 min) 1997 Punk, Rap, Grunge : a series of short for the Rock and Roll Hall of Fame The Robert Johnson Story, Fan , Alan Freed 1997 Under Underground (3 X 60min) 1991 Chico and the People (20 min) 1991 Rock Soup (81 min) 1984 Gringo (87 min) 1984 Breakdance Test (6 min) 1981 D.O.A. (A right of passage) (90 min) 1979 The Smugglers (90 min) 1978 Walter and Cutie (25 min) 1977 Sex Stars (85 min) ENFIN EN V.O.D ! POUR CEUX QUI L’ONT RATÉ SUR ARTE un film de Lech KowaLsKi mOnTAGe Lech KowaLsKi & Marcin LataniK / miXAGe SOn eMManueL soLand TOurnAGe en pOlOGne fp mulTimediA Marcin KrasnowoLsKi COnSulTAnTe en prOduCTiOn MathiLde trichet / AdminiSTrATeur GiLLes Baudouin prOduCTriCe reVOlT CinemA odiLe aLLard / pOST prOduCTiOn miKrOS imAGe Marie-anGe rousseau ArTe Geie uniTe dOCumenTAireS annie BataiLLard & PhiLLiPPe MuLLer rTS uniTe dOCumenTAireS irene chaLLand & GasPard LaLuMiere Observateur «Éclairant.» le nouvel kuptibles nt, irréfutable.» les inroc viva ire nta ume doc «un nt.» libération «un film fort, importa lacable.» Télérama «un réquisitoire imp > www.lechkowalski.com/fr/shop/vod HOLY FIELD HOLY WAR Le réalisateur Lech Kowalski est une figure culte du cinéma underground. Connu pour ses documentaires polémiques, il a été qualifié par un journaliste, de « guerrier combattant avec sa caméra pour redéfinir l’art du documentaire». Né à Londres de parents polonais ayant fui les goulags de Sibérie, Lech Kowalski a grandi aux Etats-Unis sur un mode nomade. Il a commencé sa carrière dans les années 1970 à New York. Son film culte D.O.A. (1980) qui suit la tournée aux États-Unis du légendaire groupe punk The Sex Pistols, a remporté le premier prix du festival de musique de Paris en 1982. Lech Kowalski s’est fait connaître au fil des ans pour ses documentaires controversés, toujours récompensés et très appréciés des festivals du monde entier. Après D.O.A., il réalise un des tout premiers docu-fictions, sur les junkies du Lower East Side : Gringo : Story of a junky (festival de Berlin), puis il s’intéresse aux sans-abri du parc de Tompkins de Manhattan pour Rock Soup, (primé à Sundance et San Francisco) et aux musiciens des années 1970 ( Johnny Thunders dans Born To Lose (the last rock and roll movie) et Dee Dee Ramone dans Hey is Dee Dee Home). De retour vers ses racines polonaises, il conçoit une trilogie intitulée The Fabulous Art of Surviving en association avec la Lucarne d’Arte : The Boot Factory en 2000 (meilleur documentaire de création l’année de la SCAM), On Hitler’s Highway en 2002 (prix spécialdu jury à IDFA) et East of Paradise en 2005, primé entre autres à la Mostra de Venise. En 2007 Winners and Losers projeté devant 6000 personnes sur la Piazza Grande, clôtura le Festival international de Locarno. Depuis 2008, Kowalski expérimente de nouvelles techniques de « guérilla » visuelle en usant de l’esthétique et du dispositif de l’Internet pour atteindre un public mondial : www.camerawar.tv. La chercheuse Nicole Brenez classera CameraWar dans sa liste des 10 films les plus marquant du 21e siècle. En 2012, avec http://cuts.creative.arte.tv/ Kowalski capture la réouverture du Palais de Tokyo à Paris (le plus grand musée européen). En 2013 La Malédiction du gaz de schiste fait une des meilleures d’audience d’Arte en prime time. Il sera programmé dans les plus grands festivals mondiaux après avoir été diffusé en avant-première au Sénat et projeté plusieurs fois au Parlement européen. Actuellement Lech Kowalski travaille sur l’écriture d’un scénario de fiction pour le cinéma et développe d’autres projets de films documentaires. Ceci est dû au fait que j’ai beaucoup appris en travaillant sur Holy Field Holy War et que ces connaissances suscitent une plus grande curiosité. J’ai également réalisé un autre film par la suite qui s’appelle la Malédiction du gaz de schiste. Vous avez tourné un autre film en même temps, la Malédiction du gaz de schiste, pouvez-vous nous dire comment les deux films se croisent ? Vers la fin du tournage de Holy Field Holy War, on m’a demandé de faire un film pour la télévision, pour Arte, sur la fracturation hydraulique et le gaz de schiste. J’ai donc interrompu mon travail sur Holy Field Holy War et je suis allé en Pologne et en Pennsylvanie pour tourner le film suivant. J’ai finalement terminé le second film en premier. Les deux histoires se déroulent dans l’est de la Pologne, dans un endroit que l’on appelle « les poumons » de la Pologne. Les empoisonneurs, dehors ! ENTRETIEN AVEC LECH KOWALSKI, ZURAWLOW, JUILLET 2013 Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux changements de l’agriculture en Pologne dans Holy Field Holy War ? Nous avançons à grands pas vers un point de non-retour. Nous exploitons les ressources de la terre à un rythme plus effréné que jamais. Mon rôle en tant que réalisateur est de raconter des histoires qui évoquent ce moment de l’Histoire, alors que nous nous rapprochons de ce point de non-retour. Les auteurs doivent faire réagir les gens, les réveiller au lieu d’être égocentriques. Mais d’un autre côté, le journalisme vieillit et se fatigue, les journalistes ne font plus leur travail. Les médias grand public sont contrôlés par ces mêmes multinationales qui exploitent la planète. Je me suis toujours intéressé aux marginaux, à ceux que l’on met de côté. Les agriculteurs sont menacés : j’entends par là les vrais agriculteurs, les petits exploitants qui cultivent les produits les plus sains. J’ai parcouru la Pologne en voiture pendant presque un an et j’ai fini par trouver un champ qui correspondait parfaitement à ce que j’avais imaginé. J’ai alors commencé à tourner Holy Field Holy War. Le film aborde différents problèmes liés aux multinationales de l’agro-business, comment avez-vous réfléchi à la structure d’ensemble et au montage ? J’ai appris à filmer la nature, les agriculteurs et les animaux. Je filmais donc tout cela quand j’ai compris que les champs qui ont attiré mon attention sont le reflet d’une génération d’agriculteurs qui les ont travaillés. Ces terres, magnifiques, ont été créées par le peuple. Chaque étendue de terre a sa propre personnalité, tout comme les personnes qui les ont cultivées. Le rythme du film ne correspond pas au rythme de la nature car ces lieux ont été remodelés par l’homme. Nous n’avons pas affaire à une nature sauvage. Un champ peut paraître ennuyeux mais beaucoup de choses s’y passent : c’est en apprenant à l’observer que j’ai compris comment construire mon histoire. Dans chaque partie du film, on trouve des indices qui conduisent à un paroxysme. Je ne voulais pas d’un mélodrame monté de façon artificielle. Je souhaitais que les images et les sons fassent avancer l’histoire et que le film soit construit de manière à permettre aux spectateurs d’observer librement, plutôt que de leur dicter la façon de le faire ou sur quoi focaliser leur attention. Chaque partie du film contient des détails minimes qui font avancer l’histoire. Dans Holy Field Holy War, nous entendons la parole d’agriculteurs mais sans commentaires de votre part sur le contexte. Pouvez-vous me parler de ce choix ? Je souhaitais qu’il y ait aussi peu de paroles que possible dans le film, jusqu’à la dernière séquence qui repose sur ce qui est dit. Les agriculteurs sont silencieux quand ils travaillent dans les champs. Je voulais rendre ce silence théâtral. Je ne voulais pas d’une voix off qui guide les spectateurs. Ce sont les images, les panoramiques et les inclinaisons de la caméra qui font progresser l’histoire dans le film. Qu’apporterait un commentaire ? C’est pour ça qu’il n’y en a pas. Je ne voulais pas d’un commentaire qui détruise le film. Je voulais créer une tension, une impression de découverte, un désir de savoir ce qui va se passer. C’est tout. La trame du film est simple : que se passe-t-il ensuite ? Comment s’est passé le tournage en équipe réduite ? Avezvous eu des difficultés pour filmer certains sites comme dans la séquence avec Exxon ? J’aime filmer des choses qui se déroulent dans la réalité. Les événements suivent une chorégraphie naturelle et j’aime participer à cela plutôt que de manipuler la réalité. Je ne peux pas échapper à la manipulation mais je peux la réduire au minimum et c’est en travaillant seul qu’on a le plus de chances d’être libre de filmer ainsi. L’aventure du tournage fait partie de ma vie. Je vis pour ces instants. Ce n’est pas uniquement un moyen de gagner ma vie. Je me plonge entièrement dans l’histoire. Dans une large mesure, mes films parlent aussi de moi. La société Chevron ne voulait pas que je filme ses activités. Elle souhaite opérer à huis clos. J’ai donc dû m’immiscer dans ses activités et je lui ai fait jouer un rôle symbolique. Chevron représente les vieilles méthodes utilisées sur cette planète. Nous ne pouvons pas continuer avec ces techniques et ces philosophies. J’ai eu des rapports conflictuels avec les employés de Chevron mais pas au point de me sentir en danger. Pouvez-vous nous parler de votre approche politique du cinéma ? Je progresse à l’intérieur de mon cinéma. Vous pouvez le qualifier de cinéma d’investigation mais pas dans le sens premier du mot. Il s’agit plutôt d’un cinéma curieux. Je veux en savoir plus sur le monde des agriculteurs et de l’énergie et sur l’état de la planète. Je ne suis pas militant. Mon travail consiste à raconter ma propre histoire en m’impliquant dans quelque chose qui était au départ éloigné de ma réalité et qui en fait maintenant partie. Je suis de plus en plus engagé et je réalise plus de films sur ces questions. www.lechkowalski.com @Kowalski_Lech ww.facebook.com/lech.kowalski Avez-vous vu le film de Gus Van Sant, Promised Land (2012), sur le même problème ? Dans ce cas, quelle est votre impression sur la version hollywoodienne de ce sujet ? J’aime les débuts de Gus Van Sant mais Promised Land est un film inachevé. Les réalisateurs ont fait de leur mieux mais ils ne connaissaient vraiment pasassez le sujet. Et il a fallu qu’ils ajoutent une histoire d’amour. Hollywood fait partie du système des grosses multinationales, c’est suffisant pour vous donner une idée de ce que je pense de tout ce qui vient d’Hollywood. La séquence de la réunion avec les agriculteurs avec un représentant de Chevron par rapport au gaz de schiste est importante dans Holy Field Holy War. La réunion entre les agriculteurs et Chevron est extrêmement emblématique. Elle ne pourrait absolument pas être filmée aujourd’hui car Chevron ne le permettrait jamais. La société Chevron pensait qu’elle pourrait s’installer en Pologne et faire comme bon lui semblait, mais elle se heurte à une résistance de plus en plus forte, bien que le gouvernement soutienne entièrement l’exploitation du gaz de schiste en Pologne. La confrontation entre Chevron et les agriculteurs traduit notre conscience collective. En voyant cette scène, les spectateurs suivent un cheminement qui leur permettra de comprendre qu’une chose effrayante est en train de se produire sur notre planète. Quelle est la situation aujourd’hui concernant la lutte des agriculteurs avec “Occupy Chevron” ? La société Chevron est revenue à l’endroit même où j’ai tourné Holy Field Holy War et la Malédiction du gaz de schiste pour y créer un site de forage. Cette fois-ci, elle est mieux préparée et plus déterminée à y arriver. Mais les agriculteurs sont encore plus déterminés à lutter. Et, à présent, le monde observe ce que Chevron fait subir à ces agriculteurs : une guerre des médias a éclaté. Il est difficile de prédire ce qui va se passer, mais je pense que ce qui se déroule en ce moment sur ce champ est l’une des plus importantes batailles entre les vieilles méthodes d’exploitation de la planète et une nouvelle volonté collective de stopper ces activités industrielles terroristes. Les agriculteurs élèvent la voix. Quant à la société Chevron, elle poursuit ce qu’elle ne peut cesser de faire. Une guerre que l’on appelle “Occupy Chevron” s’intensifie. J’aimerais poursuivre cet entretien mais je dois aller retrouver des personnes venues de Lettonie pour soutenir et aider les agriculteurs dans leur combat contre les attaques des grosses multinationales sur la planète. Propos recueillis par Olivier Pierre Photo Andrej Bac