Spécificités et enjeux de l`assurance emprunteur

Transcription

Spécificités et enjeux de l`assurance emprunteur
Spécificités et enjeux de l’assurance emprunteur
Camille CHAPUIS
2013
Résumé
Mots clés
Assurance emprunteur, Assurance de groupe, Paramètres techniques, Mutualisation, Solvabilité
2
L’assurance emprunteur intervient lors de la souscription d’un prêt, le plus souvent pour
un prêt immobilier. Il s’agit d’une assurance permettant à l’emprunteur de se protéger contre
les différents risques susceptibles d’empêcher le remboursement de ses mensualités. Parmi les
risques, sont principalement couverts le risque décès (risque couvert par tous les contrats),
l’incapacité de travail et plus rarement la perte d’emploi. Elle protège à la fois l’emprunteur et
le prêteur en se substituant à l’emprunteur pour le remboursement des mensualités ou du solde
du crédit.
Bien que non obligatoire, cette assurance est exigée par les établissements de crédit dans la
quasi totalité des prêts immobiliers.
Ce mémoire porte sur les spécificités et les enjeux actuels de l’assurance emprunteur.
Un premier enjeu concerne l’équilibre entre les deux modes de distribution : l’assurance de
groupe et l’assurance individuelle. La première partie de ce mémoire est consacrée à l’étude des
caractéristiques de ces deux types de produits tant au niveau du mode de distribution que du
mode de tarification.
Les méthodes de tarification étudiées dans la première partie nous amènent à nous interroger sur les paramètres techniques utilisés. Les portefeuilles d’assurance emprunteur ayant des
caractéristiques spécifiques, la deuxième partie détermine les paramètres et bases techniques
tels que les coefficients d’abattement des tables de mortalité ou encore la détermination du taux
de chute à utiliser lors de la tarification ou le provisionnement.
Enfin, les nouvelles normes prudentielles Solvabilité 2 conduisent les assureurs à revoir le
mode de calcul de leurs provisions techniques et du capital règlementaire à détenir. La troisième
partie consiste en la mise en place d’un outil de projection des comptes de résultat et de calcul
du BE et du SCR. Cet outil, utilisant les méthodes de tarifications et les paramètres techniques
développés dans les deux premières parties, permettra notamment de quantifier les différents
enjeux mis en avant dans ce mémoire à savoir les modes de distribution, la compétitivité des
prix en assurance individuelle et enfin la fin de la participation aux bénéfices en assurance de
groupe.
Abstract
Keywords
Creditor insurance, Individual insurance, Group insurance, Technical parameters, Risk pooling, Solvency 2
Creditor insurance intervenes when requiring a loan, mostly when it comes to home loans.
It aims to protect the subscriber from several risks that would make him unable to repay his
loan. The most frequently covered risks are death (covered by every contracts), accident and
sickness and more seldom involuntary unemployment. It protects both the borrower and the
lender, by paying the borrower’s debt for him in case one of the covered risks happens.
Although it is not compulsory, a creditor insurance is required by credit institutions for
most of home loans.
This dissertation deals with specificities and stakes of existing creditor insurance.
A first issue is related to the balance between the two types of products and distribution
channel : group insurance and individual insurance. The first part of this dissertation is devoted
to the study of these two product’s main characteristics.
As the first part deals with the pricing methods, we will be lead to question the technical
parameters that should be used. The credit insurance portfolios have specific characteristics, and
so in the second part we calculate these parameters, such as the gradient applied to mortality
rates or the lapse rates applied to pricing and reserving.
Finally, the new prudential standards, named Solvency 2, lead the insurance companies to
review their calculations for liabilities and available capital. The third part consists of developping a tool for predicting profit and loss accounts and calculating the BE and the SCR.
This tool uses the pricing methods and parameters previously explained in order to quantify
the stakes evoked in this dissertation, namely : distribution process, credit insurance prices
competitiveness and profit-sharing mechanism.
Remerciement
Je tiens à remercier les personnes sans qui ce mémoire n’aurait pas été possible ; tout d’abord
l’équipe pédagogique de l’ISFA pour l’ensemble de la formation dispensée. Je tiens particulièrement à remercier M. Bienvenüe mon tuteur ISFA, M. Ruillière et M. Planchet pour leur temps
et leurs conseils.
Je remercie également l’équipe d’Actélior pour leur soutien et notamment David Echevin et
Romain Gracz pour leur temps, leurs nombreux conseils avisés et leurs relectures.
Je remercie enfin toutes les personnes qui m’ont aidée de près ou de loin à réaliser ce
mémoire.
1
Table des matières
I
L’assurance emprunteur : un marché en pleine évolution
1 Le marché de l’assurance emprunteur
1.1 Contexte actuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.1.1 Evolution et répartition des primes . . . . . . . . . .
1.1.2 Un marché directement lié au marché de l’immobilier
1.2 Les modes de distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.1 Les acteurs du marché . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.2 Le produit groupe : le contrat historique . . . . . . .
1.2.3 L’assurance individuelle : un tarif segmenté . . . . .
1.2.4 Vers un équilibre groupe/individuel ? . . . . . . . . .
2 Tarification d’une assurance emprunteur
2.1 Les garanties couvertes . . . . . . . . . . .
2.1.1 Décès . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.2 Incapacité de travail . . . . . . . .
2.1.3 Perte d’emploi . . . . . . . . . . . .
2.2 Evolution de l’état de l’assuré . . . . . . .
2.2.1 Hypothèses et matrice de transition
2.2.2 Détermination des probabilités . . .
2.2.3 Tarification . . . . . . . . . . . . .
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3 Construction d’un crédit immobilier
3.1 Les paramètres d’un crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Engagement de l’assuré : prime en fonction du Capital Restant Dû ou du Capital
Initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4 Application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.1 Montant de la prime unique exprimée en euro . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2 Tarification en fonction du Capital Restant Dû . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.3 Tarification en fonction du Capital Initial . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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II
35
Paramètres de modélisation d’un portefeuille emprunteur
4 Les Paramètres du modèle
4.1 Les paramètres nécéssaires à la création
4.1.1 Les paramètres INDIVIDU . . .
4.1.2 Les paramètres PRODUIT . . .
4.1.3 Création du model point . . . .
4.2 Les paramètres TECHNIQUES . . . .
4.3 Les paramètres MODELISATION . . .
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model point
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5 Etude de la mortalité
5.1 Détermination du taux d’abattement . . .
5.1.1 En déterminant le nombre total de
feuille à un âge donné . . . . . . .
5.1.2 En utilisant les comptes de résultat
5.2 Impact de la sélection médicale . . . . . .
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personnes
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6 Etude des taux de remboursements anticipés
6.1 Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.2 Résultat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.2.1 Résultat Moyen . . . . . . . . . . . . .
6.2.2 Taux de chute par tranche d’âge . . . .
III
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L’assurance emprunteur dans le référentiel Solvabilité 2
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7 Solvabilité 2 : vers de nouvelles contraintes
7.1 De Solvabilité 1 à Solvabilité 2 : une réforme nécessaire . . . . . . . . . . . . . .
7.1.1 Pilier 1 : Aspects quantitatifs : détermination du montant de fonds propres
requis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.1.2 Pilier 2 : Aspects qualitatifs : surveillance prudentielle et contrôle interne
7.1.3 Pilier 3 : Communication et contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.1.4 Préparation des entreprises à Solvabilité 2 . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2 Des Provisions Techniques au Best Estimate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2.1 Rappel sous Solvabilité 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2.2 Calcul sous Solvabilité 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.3 Du capital réglementaire au SCR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.3.1 Besoin en capital sous solvabilité 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.3.2 SCR sous solvabilité 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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8 Mise en place de l’outil et calcul du SCR
8.1 Mise en place de l’outil . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.1.1 Projection des flux pour une génération . . . .
8.1.2 Projection des flux pour plusieurs générations
8.1.3 Implémentation des chocs . . . . . . . . . . .
8.2 Calcul du BE et du SCR de notre portefeuille . . . .
8.2.1 Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.2 Calcul du BE . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.3 Calcul du SCR . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.3 Impact des paramètres techniques . . . . . . . . . . .
8.3.1 Impact du taux d’abattement . . . . . . . . .
8.3.2 Impact du taux de rachat . . . . . . . . . . .
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9 Solvabilité 2 et les enjeux actuels de l’assurance emprunteur
9.1 Le mode de distribution des contrats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9.2 La competitivité des prix en assurance individuelle . . . . . . . . . . . . . . . .
9.3 Les bénéfices du marché emprunteur en assurance de groupe . . . . . . . . . . .
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Introduction
Le marché de l’assurance emprunteur est historiquement dominé par les contrats groupes
de banques dont le principe de tarification est fondé sur la mutualisation des risques. Depuis
la fin des années 90 et plus particulièrement depuis l’entrée en vigueur de loi Lagarde en 2010,
le marché de l’assurance individuelle est amené à accroitre sa part de marché. En effet, cette
loi interdit notamment aux établissements prêteurs d’imposer l’adhésion à leur contrat groupe
dès lors que le contrat d’assurance individuel souscrit par le candidat au prêt présente des
garanties équivalentes à celles du contrat groupe. Dans le cas d’adhésions individuelles, on
parle de délégation d’assurance. L’assurance individuelle, démutualisée, proposant des tarifs
très attractifs aux populations les moins risquées, les contrats groupes se trouvent alors soumis
au risque de fuite des bons risques et donc un déséquilibre de leur résultat.
L’équilibre entre assurance de groupe et assurance individuelle constitue un des enjeux majeurs actuels du marché de l’assurance emprunteur.
Le marché de l’assurance emprunteur est aussi marqué par la décision du Conseil d’Etat
selon laquelle l’arrêté sur lequel banques et assurances se fondaient pour exclure l’assurance
emprunteur de l’assiette de calcul de la participation aux bénéfices due aux assurés était illégal.
Nous verrons que cette décision a conduit la plupart des assureurs à ne plus verser de participation aux bénéfices à leur distributeur.
Ce mémoire porte sur l’analyse des différents enjeux actuels dans ce contexte d’évolution.
4
Première partie
L’assurance emprunteur : un marché en
pleine évolution
5
Chapitre 1
Le marché de l’assurance emprunteur
Dans cette partie, nous présenterons le contexte du marché emprunteur mais surtout l’histoire et les évolutions de ce marché. En effet, ce marché est marqué par des évolutions, notamment celle concernant le mode de distribution des contrats.
1.1
1.1.1
Contexte actuel
Evolution et répartition des primes
Selon la FFSA, le montant des cotisations des contrats d’assurance emprunteur est de 8.022
millions d’euros en 2011 soit une augmentation de 3.4% par rapport à 2010. Le montant de
l’encours des prêts accordés aux ménages en France étant autour de 1 038 milliards d’euros à
fin 2011, les primes d’assurance emprunteur représentaient plus de 0.7% de l’encours des crédits.
L’évolution des primes depuis 2001 est la suivante :
Figure 1.1 – Evolution des primes d’assurance depuis 2001 -FFSA
Il est intérressant de comparer l’évolution des primes à l’évolution des encours de crédit.
6
Le graphique 1.2 nous confirme que le marché de l’assurance emprunteur est directement
lié au marché des prêts :
Figure 1.2 – Evolution des encours de crédit depuis 2000 -FFSA
Comme pour le marché de l’assurance emprunteur, la croissance du marché des crédit est
soutenue jusqu’en 2008 puis ralentit ensuite.
En 2011, les primes se répartissent de la façon suivante [2] :
Figure 1.3 – Répartition selon le type de garanties - FFSA
De 2009 à 2011, les primes relatives aux garanties décès ont connu une progression de 5%,
celles au titre des garanties incapacité-invalidité de 3% et celles au titre des garanties perte
d’emploi de 1%.
1.1.2
Un marché directement lié au marché de l’immobilier
On trouve des contrats d’assurance emprunteur pour d’autres prêts que les prêts immobiliers,
en effet ces assurances peuvent être souscrites dans le cadre d’un prêt à la consommation, d’un
prêt personnel ou encore d’un prêt revolving permettant ainsi aux banquiers d’avoir une certaine
garantie quant au remboursement du prêt.
7
Cependant, les primes concernent essentiellement les prêts immobiliers comme le souligne
la répartition suivante :
Figure 1.4 – Répartition de la prime d’assurance par type de prêts -FFSA
Cette répartition est determinée en fonction du montant des primes liées à chacun des prêts
et non en fonction du nombre de prêts souscrits.
Plus de 67% des primes concernent les prêts immobiliers. En 2012, le marché de l’immobilier concernait 8.35 millions de ménage [12], soit 31.3% de la population détient un crédit
immobilier et donc presque autant un contrat d’assurance emprunteur.
Le lien étroit entre le marché immobilier et le marché de l’assurance emprunteur se confirme
également par les taux de pénétration suivants [7] :
– 92% à 98% en crédit immobiliers
– 70% en prêts personnels et affectés
– 40% en crédits renouvelables
Ainsi, la suite de ce mémoire expliquera notamment le mécanisme des crédits immmobiliers
et l’intégration de la prime d’assurance dans ce type de prêt.
1.2
1.2.1
Les modes de distribution
Les acteurs du marché
La distribution des produits emprunteurs immobiliers est essentiellement réalisée par le
biais de deux grands familles de réseaux : les agences bancaires et les courtiers (courtiers en
crédit ou en assurance). Les produits originellement distribués par chacun des réseaux étaient
initialement bien différents, les réseaux bancaires privilégiant la simplicité et la mutualisation,
et les courtiers recherchant le meilleur prix par le biais d’une segmentation tarifaire de plus en
plus poussée.
Depuis quelques années et de manière de plus en plus diffusée, les réseaux bancaires, en réponse à l’émergence et à la croissance des produits individuels, se sont dotés d’offres spécifiques
démutualisées, ce qui leur a permis de capter une partie significative des adhésions.
8
Les deux graphiques ci-dessous présentent les équilibres en 2011 des marchés emprunteur
immobilier français global d’une part et individuel d’autre part. [7]
Figure 1.5 – Deux modes de distribution
Les bancassureurs apparaissent donc aujourd’hui comme les acteurs principaux de la distribution des produits emprunteur immobilier.
Par ailleurs, la distribution de l’emprunteur individuel peut se faire par différents acteurs :
les banques, les courtiers crédit, principaux pourvoyeurs, les courtiers assurance et les agents.
Sur les réseaux bancaires, deux orientations principales ont été choisies : des contrats individuels
internes proposés en alternative des produits de groupe et des plateformes "multi-assureurs"
mises en place par CBP et Multi-impact.
Actuellement, l’équilibre entre les différents modes de distribution est un des enjeux majeurs
du marché de l’assurance emprunteur. Nous verrons qu’ils amènent à deux types d’approches
et donc à des prix différents. Dans un contexte où les taux de crédit sont relativement bas,
le poids de l’assurance emprunteur dans le coût du crédit est d’autant plus important, ce qui
explique la tendance croissante à comparer ces deux modes de distribution.
1.2.2
Le produit groupe : le contrat historique
Historiquement, les contrats d’assurance étaient distribués par les groupes bancaires, par le
biais de contrats construits par leurs partenaires assureurs ou leurs captives. La puissance du
réseau bancaire français avec plus de 39 000 agences et les contacts réguliers entre les clients et
leur conseiller, ainsi que l’imbrication de l’assurance avec le crédit, ont favorisé l’émergence de
la bancassurance et la souscription des produits emprunteurs groupe.
Le contrat groupe est caractérisé par une simplicité de souscription : le contrat est directement souscrit et géré par la tête du groupe auprès de laquelle a été contracté le crédit (la
banque). Le contractant remplit un bulletin d’adhésion, un processus de sélection médicale
simple, et il ne sera pas soumis à une sélection financière additionnelle. De plus, la gestion
de ces contrats est fortement simplifiée, la prime d’assurance étant directement intégrée au
remboursement du crédit et les différentes opérations d’après ventes (changement d’adresse,
modification du plan d’amortissement, ...) gérées en une seule fois.
En plus de ces avantages, la tarification caractérise également le produit groupe, avec une
offre faiblement segmentée et fondée sur le principe de mutualisation et de maîtrise du groupe.
9
La définition d’un contrat d’assurance de groupe est donnée à l’article L.140-1 du code des
assurances : "un contrat souscrit par une personne morale ou un chef d’entreprise en vue de
l’adhésion d’un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat pour la
couverture des risques dépendant de la vie humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité
physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité
ou du rique chômage. Les adhérents doivent avoir un lien de même nature avec le souscripteur."
L’assureur a, dans ce cadre, l’impératif de sélectionner des risques homogènes présentant des
caractéristiques globalement cohérentes, dont les grandes lignes sont historiquement similaires
à celles observées sur les populations de chaque établissement bancaire et étudiées par l’intermédiaire de statistiques. Ces portefeuilles des banques ont été jusqu’à récemment relativement
stables et homogènes dans le temps justifiant cette approche tarifaire mutualisée.
Cette condition de stabilité peut cependant, sur des caractéristiques d’âge, de montant emprunté ou d’état de santé, conduire les banques à apparaitre plus restrictives dans leur politique
d’acceptation, ou à mettre en place des clauses d’exclusion, en particulier en ce qui concerne
les sports à risque ou certaines professions. Les cas présentés peuvent alors être réorientés vers
des contrats spécifiques (senior, gros capitaux), refusés, ou acceptés moyennant surprimes ou
exclusions partielles.
Si cette mutualisation du risque permet en contrepartie de proposer des prix plus abordables
pour des personnes plus âgées. Elle a cependant favorisé l’émergence des contrats dits individuels
(souvent construits sous la forme de groupes ouverts), à tarification segmentée. C’est le courtier
April qui s’est positionné le premier sur ce marché en ciblant la population jeune pour laquelle
le différentiel de risque permet de proposer des tarifs nettement plus attractifs. Son large réseau
de courtiers a aidé à atteindre cette population plus jeune. Aujourd’hui, de nombreux acteurs
se sont positionnés sur le marché : Axa, BNP Paribas Cardif, MetLife, Allianz,...
1.2.3
L’assurance individuelle : un tarif segmenté
L’assurance individuelle se caractérise par une segmentation des risques permettant de proposer des tarifs très concurentiels pour les populations à faibles risques.
Son mode de distribution se confronte cependant à deux contraintes majeures : la difficulté
d’établir le contact avec le client au moment de la souscription du crédit, qui a poussé les
assureurs à se lancer dans une course effrénée à la segmentation et au prix le plus faible, et à
la complexité de la sélection sous-jacente, qui peut représenter un frein à l’accès à ce type de
contrat.
Une difficulté de communication compensée par un tarif plus concurentiel
Les réseaux de distribution des produits individuels se trouvent confrontés aux difficultés
de communication autour de leur produit, à la résistance de certains groupes bancaires, à des
pratiques de gestion sévère par certains acteurs ou à un déficit de réputation qui a pu conduire à
une réticence exprimée par certains contractants vis-à-vis des produits d’assurance individuelle.
D’après une enquête menée en 2009 [11] les raisons les plus fréquentes du choix d’une assurance
de groupe semblent être les suivantes :
– Plus pratique
– Suppression des frais de dossier par le conseiller
– Argumentation du conseiller
De plus, dans le cas de l’adhésion individuelle, la gestion peut se révéler relativement complexe : celle-ci est souvent plus longue et difficile, et décorrélée du crédit.
10
Afin de pallier ces difficultés, les assureurs proposent des tarifications adaptées au profil de
chacun et des options permettant d’adapter le contenu du contrat au cas par cas (franchise,
exclusions,...). Mais en premier lieu, la politique de prix très attractifs, en particulier vis-à-vis
du produit groupe, s’avère un atout majeur. Cet enjeu de tarification se traduit par la baisse
des prix comme on le voit sur le graphique suivant pour les deux dernières années : [4], [3]
Figure 1.6 – Evolution tarifaire du mieux offrant
Entre 2012 et 2013, les tarifs ont baissé de plus de 8 % pour les moins de 40 ans.
Cette guerre des prix conduit alors a des marges extrêmements faibles :
Figure 1.7 – S/P mieux offrant
Ces prix très concurrentiels, argument indispensable des produits individuels, conduisent
cependant à une autre contrainte : celle de la sélection et des écarts de prix entre les populations
les plus risquées et les plus favorisées. En effet, la recherche des prix les plus bas a pour
conséquence une sélection beaucoup plus avancée.
La sélection des contrats individuels
Le premier niveau a été la tarification en fonction de l’âge : la convexité de la loi de mortalité
conduit à des tarifs très différents selon l’âge. Mais ce critère, face à une concurrence exacerbée,
s’est vite avéré insuffisant, ce qui amène au deuxième niveau de segmentation : la santé du
candidat à l’assurance. Les critères suivants ont alors été mis en place : fumeur/non fumeur,
l’IMC 1 , questionnaire médical. On constate que l’intégration de ces critères peut amener à
1. Indice de Masse Corporelle
11
des variations significatives des tarifs. Ceci dans un cadre contraint par des règles éthiques et
juridiques.
Ces critères conduisent à des prix très différents notamment pour le risque décès où la
segmentation est un outil très efficace de différenciation entre les risques. On note par exemple
que le risque est quatre fois plus élevé pour un homme fumeur de 40 ans que pour un homme
non fumeur de 25 ans.
Nous avons étudié la prime d’un individu âgé de 40 ans souscrivant un prêt de
100 000 e. Dans un cas, nous avons considéré l’individu comme fumeur et dans l’autre non.
Nous obtenons les résultats suivants [4] :
Figure 1.8 – DC + Incap/Inval : Tarifs pour un emprunt de 100 000 e
Cette étude de marché permet se rendre compte que pour un même individu, le tarif proposé varie selon les distributeurs. De plus, suivant les caractéristiques de l’assuré, en particulier
fumeur ou non, les prix les plus bas ne sont pas proposés par les mêmes distributeurs.
Les formalités médicales, permettant de sélectionner le risque, dépendent de l’âge et du
capital à assurer, les assureurs utilisent des grilles de formalités se présentant sous la forme
suivante :
Figure 1.9 – Grilles de sélections médicales
12
QSS : Questionnaire de Santé Simplifié
QS : Questionnaire de Santé
1 : QS + Rapport de visite médicale
2 : 1 + Profil sanguin
3 : 2 + Electrocardiogramme
4 : 3 + Examen des urines
5 : 4 + Test dépistage hépatite B
6 : Consulter le siège
La grille 1.9 est donnée à titre d’exemple et les segmentations peuvent varier selon les assureurs.
La sélection médicale permet de sélectionner les risques. Quand le risque est trop élevé et
que le tarif de base ne peut pas être proposé, le risque peut être accepté mais assurable à un
coût supérieur à la tarification de base, on parle alors de surprime.
Cette notion de risque aggravé est directement liée à la Convention AERAS : S’Assurer et
Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé qui a subi des évolutions récentes.
Cette convention intervient lors de l’acceptation et de la sélection des risques par l’assureur.
Elle a pour but de faciliter l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes présentant un
risque de santé aggravé.
1.2.4
Vers un équilibre groupe/individuel ?
Ces deux types de contrats et leurs caractéristiques ayant été présentés, on cherche à savoir
si l’assurance individuelle,en proposant un prix plus flexible et sur mesure mais donc beaucoup
plus cher pour les profils à risques notamment pour les plus de 50 ans, a réussi à s’intégrer face
au marché de groupe qui lui propose un produit simple permettant d’offir un prix identique à
des profils de risques différents.
Dans le cas d’un contrat individuel, on parlera de délégation d’assurance. On s’intérresse ici
à l’évolution du taux de délégation.
Figure 1.10 – Evolution du taux de délégation d’assurance depuis 2001
13
La partie entourée correspond à l’évolution liée à la réforme de la loi Lagarde. Réfléchie
depuis 2008, cette réforme propose plusieurs mesures afin d’encadrer l’assurance emprunteur,
de mieux protéger les assurés et de faciliter le recours à la délégation.
Tout d’abord, depuis le 1er juillet 2009, elle conduit les assureurs à fournir une fiche d’information standardisée aux personnes souhaitant souscrire un crédit. Cette fiche permet aux
assurés de mieux comprendre l’assurance de prêt et de comparer les offres du marché. Cette
fiche présentera notamment les différentes garanties possibles.
D’autre part, la loi Lagarde a renforcé la possibilité pour les assurés de choisir leur assurance
et d’avoir recours à la délégation d’assurance ; ainsi depuis 2010, l’établissement prêteur ne peut
plus "refuser en garantie un autre contrat d’assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance de groupe qu’il propose " (Article L.312-9
du code de la consommation). De plus, il est interdit aux prêteurs de modifier les conditions de
taux du prêt en fonction de l’assurance choisie ; l’assuré ne doit pas être pénalisé dans le cas où
il ne souscrirait pas à l’assurance de groupe proposée par la banque. Enfin, l’offre de prêt doit
mentionner la possibilité pour l’emprunteur de souscrire une assurance emprunteur auprès de
l’assureur de son choix.
Cette réforme avait pour objectif de rendre le marché de l’assurance emprunteur plus concurrentiel et d’amener à de meilleures garanties. Elle a poussé les banquiers à revoir leur vision du
produit d’assurance. En effet, pour pallier cette possibilité de délégation, les réseaux bancaires
proposent des offres individuelles alternativement aux offres de groupe.
Si les taux de délégation ont évolué, l’évolution reste modérée.
Figure 1.11 – Evolution du taux de délégation depuis la loi Largarde
Cette augmentation limitée du taux de délégation s’explique en partie par le fait que la
délégation d’assurance est encore assez méconnue ; en mars 2012, suite à la diffusion de l’avis
du Comité Consultatif du Secteur Financier sur la réforme de l’assurance emprunteur [9], une
étude avait été menée par TNS Sofres [17], cette étude soulignait que 37 % des sondés ignoraient leur possibilité de contracter leur assurance emprunteur en dehors de leur banque. De
plus, l’étude souligne que si certains préfèrent contracter directement l’assurance proposée par
leur banque, cela s’explique dans 33 % des cas par peur d’un retard de dossier et dans 31 %
par peur d’un refus de leur prêt. On souligne néanmoins une avancée positive avec le fait que
88 % des banques informent leur clients sur la délégation d’assurance.
14
De plus, par souci de facilité et d’intégration de l’assurance au crédit, les consommateurs
optent pas pour la délégation d’assurance, En effet, il est plus simple d’accepter l’offre proposée
par son banquier avec lequel on est en relation depuis plus longtemps que d’étudier soi même
les différentes offres individuelles qui pourraient nous être proposées.
On note néanmoins que cette loi influence le marché de l’assurance emprunteur puisque
les réseaux bancaires, sensibles aux enjeux de cette loi, ont construit des offres "défensives"
et la souscription de l’assurance a été accélérée notamment par l’accélération du processus de
sélection médicale. On observe également une baisse des prix : le taux est passé en quelques
années de 0.42 % à 0.37 %-0.38 % du capital initial [13].
Actuellement [14], dans le cadre de séparation et de régulation des activités bancaire, le
Senat travaille sur un projet de loi qui interdirait "les frais de délégation" d’assurance appliqués par les banques. Actuellement, aucune règle n’est établie conduisant à des pratiques très
différentes selon les établissement. La loi Lagarde interdit déjà de modifier le taux prévu dans
l’offre en cas de délégation si les garanties sont équivalentes ; ce nouveau texte interdirait la
modification des conditions "d’octroi du crédit" et la facturation de "frais supplémentaires".
Aujourd’hui, nous pouvons dire que l’équilibre groupe/individuel n’est pas encore trouvé et
qu’il s’agit là d’un des enjeux de l’assurance emprunteur. Ce marché est à la recherche d’un point
d’équilibre stable dans lequel les marges dégagées sur les produits groupe compenseraient le léger
déséquilibre technique induit par la fuite des meilleurs risques vers les produits individuels, ceci
sans modifier ultérieurement la segmentation proposée.
Les modes de distribution seraient alors répartis selon le scénario suivant :
– Dans le cas de groupes ayant une offre individuelle interne
– 70 % de contrat groupe
– 20 % à 25 % de contrats individuels internes
– 5 % à 10 % de délégation hors groupe
– Dans le cas de groupes ayant opté pour une plateforme multi assureurs
– 70 % de contrat groupe
– 25 % à 30 % de contrats individuels internes
– 0 % à 5 % de délégation hors groupe
15
Chapitre 2
Tarification d’une assurance emprunteur
La prime commerciale est composée des éléments suivants :
– Frais assureur
– Frais de distribution
– Frais de gestion
– Prestations probables
– Marge de sécurité
Nous nous intéressons ici seulement aux prestations probables c’est-à-dire à la prime pure.
Les mécanismes de tarification développés dans cette partie seront les mêmes que ceux utilisés
pour le calcul des provisions et la projection du SCR développés dans la Partie 3.
La prime pure d’un contrat est déterminée par le principe d’équivalence suivant :
Engagement assureur = Engagement assuré
(2.1)
Au jour de la création du contrat, cette égalité doit être respectée.
L’engagement de l’assureur consiste à verser une prestation (définie en début de contrat) en
cas de survenance du risque ; l’assuré s’engage lui à payer ses primes dont les caractéristiques
sont aussi définies en début de contrat (périodicité, montant,..).
Pour tarifer un contrat d’assurance emprunteur, l’assureur doit calculer le montant de son
engagement au jour de la création du contrat, c’est-à-dire la valeur des prestations probables
actualisées.
Par la suite, nous noterons V APARi la valeur actuelle probable de l’engagement de l’assureur
pour la couverture i et V APAE l’engagement de l’assuré.
Nous développerons dans un premier temps les principaux risques couverts ainsi que les
prestations associées. Puis dans un second temps, le mécanisme de tarification sera détaillé.
2.1
Les garanties couvertes
Nous présentons ici les garanties les plus couramment souscrites, il s’agit du décès et de
l’incapacité de travail.
16
2.1.1
Décès
Prestations en cas de décès
Cette garantie est présente dans tous les contrats et assure le paiement du capital restant
dû en cas de décès toute cause sauf exclusions légales ou conventionnelles.
Notion de mortalité
a. Probabilités viagères
Il est important dans un premier temps de rappeler quelques notions actuarielles ainsi que
les notations qui seront utilisées par la suite.
Soit T une variable aléatoire représentant la durée de vie, T ∈ R+*.
Lorsque T > x , x ∈ R+*, on notera Tx = T − x la durée de vie résiduelle.
On note
t px = P [T > x + t|T > x] = Px [Tx > t]
représente la probabilité de vivre jusqu’à l’âge t + x sachant qu’on a déjà vécu jusqu’à l’âge x.
t qx
= P [T ≤ x + t|T > x] = Px [Tx ≤ t]
représente la probabilité de décéder avant l’âge x + t sachant qu’on a déjà vécu jusqu’à l’âge x.
x et t sont exprimés en années.
t px représente une probabilité de survie tandis que t qx représente une probabilité de décès,
par la suite t qx sera aussi appelé taux de mortalité.
1 px et 1 qx seront respectivement notés px et qx représentant respectivement la probabilité
d’être toujours en vie dans un an et la probabilité de décéder dans l’année.
Le lien avec les fonctions de probabilités classiques est le suivant
Fonction de répartition
F (x) = P [T ≤ x] =x q0
Fonction de survie
S(x) = P [T > x] =x p0
On a l’égalité suivante
t px
+t qx = 1
b. Relation avec les tables de mortalité
Pour tarifer le risque décès, l’assureur travaille généralement avec la table de mortalité
TH00-02 d’après l’article A335-1-a du Code des assurances. Ces tables sont homologuées par
arrêté du ministre de l’économie et des finances sur la base de données publiées par l’INSEE.
Un coefficient d’abattement pourra être appliqué suivant les caractéristiques du portefeuille
assuré.
Lorsqu’il possède un grand nombre de contrats et assez d’expérience, l’assureur peut aussi
travailler avec ses propres tables sous condition que celles-ci soient certifiées par un actuaire
indépendant habilité à cet effet (A335-1-b). Dans ce second cas, le tarif obtenu tient compte
17
de la spécificité de la population assurée.
Les tables de mortalités ont l’allure suivante :
x
0
1
...
w
lx
100 000
99 511
...
0
dx
489
...
...
X
x : âge de l’assuré lx : le nombre de survivants à l’âge x
dx = lx − lx+1 : le nombre de décès entre l’âge x et l’âge x + 1
l0 : la racine de la table de mortalité
On peut alors rédifinir qx et px :
lx+1
lx
lx+k
k px =
lx
dx
qx =
lx
lx − lx+k
k qx =
lx
Pour la suite de l’étude, nous faisons l’hypothèse de répartition uniforme des décès ; ainsi :
px =
P [x < T ≤ x + u|x < T ≤ x + 1] = u
D’autre part,
P [x < T ≤ x + u|x < T ≤ x + 1] =
P [x < T ≤ x + u]
x p0 ∗u qx
=u qx
=
P [x < T ≤ x + 1]
x p0 ∗ q x
d’où
u qx
2.1.2
= u ∗ qx pour x ∈ N et u ∈ [0, 1[
(2.2)
Incapacité de travail
En France, en assurance emprunteur immobilier, on ne modélise en général pas l’incapacité
et l’invalidité mais l’arrêt de travail car il y a une parfaite continuité des prestations. Par abus
de langage, l’incapacité ou l’état incapable correspondra à l’arrêt de travail. Ce risque sera aussi
noté AT .
En cas d’incapacité de travail, les prestations correspondent aux versements des mensualités
tant que l’assuré est en arrêt. Elles cessent dès la reprise du travail, le passage à la retraite ou
le décès.
18
Les tables utilisées
Lors de la tarification, nous utiliserons les tables d’entrée en incapacité et de maintien en
incapacité+invalidité. La table de maintien en incapacité + invalidité est construite à partir des
tables transmises par le Bureau Commun des Assurances Collectives (BCAC). Trois tables sont
transmises : une table de maitien en incapacité, une table de passage de l’incapacité à l’invalidité
et une table de maintien en invalidité. Ces tables ont été élaborées à partir d’une étude réalisée
en 1993 sur un portefeuille rassemblant les quatre plus importantes compagnies d’assurance
françaises de l’époque (AGF, AXA, GAN et UAP). Elles ont été homologuées par l’arrêté du
28 mars 1996. Depuis 2010, après un arrêt du 24 décembre, les lois règlementaires de maintien
en invalidité ont été prolongées de deux années suite à la réforme sur l’âge de départ à la retraite.
La table de maintien incapacité+invalidité se présente sous la forme d’un tableau à double
entrée, avec en ligne l’âge à l’entrée en incapacité de travail, et en colonne l’ancienneté en mois
dans cet état. L’âge limite est de 67 ans. Dans chaque cellule, figure le nombre de personnes
encore en arrêt sur les 10 000 de référence présentes au départ (i.e. à l’ancienneté 0), pour l’âge
à l’entrée et l’ancienneté considérée.
23 ans ou moins
...
k
...
67 ans
0
10 000
...
k
...
i
x lk
10 000
i
x lk
représente le nombre de personnes toujours en arrêt au bout de k mois sachant qu’elles
sont entrées en arrêt de travail à l’âge x.
Concernant la table d’entrée en arrêt de travail, aucune table règlementaire n’est fournie par
la législation. Aucune table n’est également fournie pour l’entrée en incapacité. Nous utilisons
alors une table construite à partir des données de l’INSEE. Cette table donne à chaque âge le
taux correspondant à la probabilité d’entrée en arrêt de travail. Ce taux sera noté qTi pour un
individu d’âge T .
2.1.3
Perte d’emploi
La garantie perte d’emploi permet à l’emprunteur de bénéficier d’une prise en charge de
ses échéances s’il se retrouve au chômage. Les prestations correspondent le plus souvent au
paiement des mensualités durant la durée du chômage. Des options, moyennant un coût, peuvent
permettre à l’assuré de choisir de percevoir le capital restant dû en cas de survenance du risque.
Même si cette garantie parait très avantageuse elle est souvent liée à un tarif élevé et soumise à des conditions. Parmi les conditions on note qu’elle ne s’adresse qu’aux emprunteurs
ayant un contrat à durée indéterminée au moment de la souscription. De plus, la perte d’emploi
relative à la mise à la retraite ou à un licenciement pour faute grave est exclue. Enfin, un délai
de franchise (de 3 à 9 mois) est généralement appliqué, un délai de carence, c’est-à-dire une
période pendant laquelle l’assurance ne joue pas, peut également être ajoutée.
Contrairement aux garanties décès et incapacité/invalidité, pour tarifer la garantie perte
d’emploi aucune table officielle n’est communiquée. Grâce à un fichier statistique sur le chômage
publié sur le site du ministère du travail donnant la population active depuis 1997,[5], [1],
nous pouvons reconstruire une table de maintien au chômage et un taux d’entrée. Ce dernier
19
s’exprime en fonction de l’ancienneté en période de chômage. Le taux d’entrée mensuel est
calculé en considérant le ratio :
T aux d0 entrée mensuel =
N bre d0 entrée au chômage
P opulation active
Aujourd’hui seuls April, AXA et Swiss Life proposent une garantie perte d’emploi pour les
assurances individuelles mais ce risque reste très volatile. Aussi, il n’interviendra pas dans la
suite de notre étude.
2.2
Evolution de l’état de l’assuré
Au cours de la durée du contrat, l’assuré occupe des états différents (actif, en arrêt, décédé,...). Pour déterminer l’engagement de l’assureur, c’est-à-dire la valeur actuelle probable
des prestations qu’il versera nous devons déterminer à chaque période k, l’état dans lequel se
trouve l’assuré.
Nous schématisons l’état de l’asuré :
Figure 2.1 – Etats de l’assuré
Les périodes seront mensuelles.
Il s’agit maintenant de définir les probabilités intervenant dans ce schéma. Pour cela, nous
utilisons la théorie markovienne. [8]
L’évolution des états de l’assuré d’âge T est décrite par le processus stochastique : Xt =
{(Xt , Dt ), t ≥ 0}, Xt représente l’état occupé à l’instant t et Dt la durée passée dans cet état.
On peut ainsi écrire :
Dt = sup{z ≤ t|Xt = Xt−h pour tout 0 ≤ h ≤ z}
Le processus (Xt ) est à valeurs dans l’espace E que nous définissons dans le modèle suivant :
– Espace d’état E
L’univers E est composé de trois états ( quatre apparaissent sur le schéma mais deux (le
décès et le rachat) correspondent à des états de sortie que nous regroupons.) :
– a : état actif
20
– i : état incapacité de travail. Cet état est divisé en plusieurs sous-états selon qu’on est
en arrêt de travail depuis 1,2,... périodes.
– s : sortie : par rachat ou décès
– Une loi de probabilité qui jouera le rôle de loi initiale µ0 , ici la loi initiale est triviale :
1 si x = a
µ0 (x) = P (X0 = x) =
0 sinon
En effet, à la souscription du contrat tous les individus sont actifs.
– Des probabilités de transition qui évaluent la probabilité qu’un assuré occupant un
état x à un instant k soit dans un état y à l’instant k + 1 sachant qu’on a passé d périodes
dans l’état x. Ainsi, les probabilités de transition dépendent du temps passé dans l’état.
On définit pT (x, y, d) comme la probabilité pour un individu d’âge T de passer de l’état
x vers l’état y après avoir passé d périodes dans l’état x.
On définit alors une famille (pT (x, y, d)(x,y,d)∈E 2 ∗Z ) de nombres réels positifs vérifiant
XX
pT (x, y, d) = 1
t∈R y∈E
La suite (Xn , Dn )n6=0 est une chaine de Markov de probabilités de transition pT (x, y, d) et
respecte la propriété suivante :
P [(Xn+1 = xn+1 , Dn+1 = dn+1 )|(Xn = xn , Dn = dn ); ....; (X0 = x0 , D0 = d0 )]
= P [(Xn+1 = xn+1 , Dn+1 = dn+1 )|(Xn = xn , Dn = dn )]
= pT (xn , xn+1 , dn )
Cette propriété signifie que la loi des trajectoires dans le futur d’une chaîne de Markov
inhomogène en temps, conditionnée par le passé et le présent de la chaîne est la même que la
loi du futur de cette chaîne, conditionnée uniquement par l’état présent. Le chemin parcouru
pour arriver à un état donné ne modifie par la loi du futur sachant l’état de la chaîne à l’instant
n.
Dans notre cas, on pourrait critiquer cette hypothèse en considérant que si un individu est
actif à la date n mais qu’il est passé par l’incapacité dans les périodes antérieures il aurait plus
de risque de "sortir" ou de passer à l’état incapacité de travail qu’un individu qui a toujours été
dans l’état actif. Cependant, on considère que les différences de probabilité sont négligeables.
2.2.1
Hypothèses et matrice de transition
On considère les hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 : Le passage de l’état a à un autre état ne dépend pas de la durée de
maintien en activité
On considère que les probabilités de changement d’état d’une personne active ne dépendent
pas de ses états de santé précédents ; on fait notamment abstraction des rechutes.
pT (a, x, t) = pT (a, x, k) pour tout k, t
pour simplifier, on notera
21
(2.3)
pT (a, x, t) = pT (a, x) pour tout t
(2.4)
Si l’on ne tient pas compte de la durée de maintien en activité, ces probabilités pourront
cependant être ajustées en tenant compte de la l’ancienneté dans le crédit. A ce titre, des
coefficients de sélection médicale ou de rachat pourront être appliqués, c’est ce que nous développerons dans la Partie 2. De plus, on souligne que lorsque l’individu passe de l’état a à l’état
i, l’individu est alors en incapacité depuis 1− période, en effet il n’est pas possible de passer
directement de l’état actif à l’état incapable depuis d périodes (d ≥ 2) sans être passé par le
stade incapable depuis une période.
Hypothèse 2 : L’état s est absorbant.
Si l’individu se trouve dans l’état s, il sort définitivement du portefeuille.
1 si x = s
T
p (s, x, t) =
0 sinon
Hypothèse 3 : Le passage de l’état i à l’état a ou i dépend de l’âge et du temps
passé en incapacité
pT (i, x, t) 6= pT (i, x, k) si k 6= t
(2.5)
De plus,
Si (Xt , Dt ) = (i, d) alors (Xt+1 , Dt+1 ) 6= (i, z) pour tout z 6= d + 1
Cela signifie que si un individu est en incapacité à la date t depuis d périodes, s’il est toujours
en incapacité à la date t + 1, il le sera depuis forcément d + 1 périodes.
Comme pour l’hypothèse 2, ces probabilités pourront être ajustées en tenant compte de
l’ancienneté dans le crédit et donc notamment de l’impact de la sélection médicale.
Hypothèse 4 : Le passage de l’état i à l’état s ne dépend pas de la durée de
maintien en incapacité
pT (i, s, t) = pT (i, s, k) = p(a, s) pour tout k, t
(2.6)
Cette dernière hypothèse signifie que quelque soit le temps passé en incapacité, la probabilité de sortie est la même et est égale à la probabilité de sortie d’un actif. On note qu’en
cas d’incapacité, la sortie se fera essentiellement par décès, considérant que les personnes en
incapacité ne racheteront que très rarement leur contrat.
Nous pouvons schématiser le modèle de Markov défini avec les hypothèses précédentes :
22
Les probabilités (pT (x, y, t)) peuvent s’écrire sous
transition.
 T
p (a, a) pT (a, i)
pT (i, a, t) pT (i, i, t)
pT (s, a) pT (s, i)
2.2.2
forme d’une matrice appelée matrice de

pT (a, s)
pT (i, s) 
pT (s, s)
Détermination des probabilités
Nous expliquons dans cette partie comment chacune des probabilités introduites précédemment est obtenue.
En partant de l’état actif
pT (a, a) = 1 − pT (a, i) − pT (a, s)
pT (a, i) : probabilité de passer de l’état actif à l’état incapable.
Cette probabilité est déterminée en fonction de la table des taux d’entrée en incapacité
définie précedemment. Ainsi,
pT (a, i) = qTi
pT (a, s) : probabilité de passer de l’état actif à l’état de sortie
pT (a, s) = pT (a, dc) + pT (a, r)
Comme le montre le schéma 2.1, deux causes de sorties sont possibles : le rachat et le décès.
Nous évaluons la probabilité de sortie pour ces deux cas.
pT (a, dc) : probabilité de passer de l’état actif à l’état décédé
Ces probabilités sont issues des tables de mortalité, on utilise la table TH00-02 abattue ou
non. La notion de coefficient d’abattement sera abordée dans la Partie 2.
Avec les notations définies précédemment, on a :
pT (a, dc) =
23
1
qT
12
pT (a, r) : probabilité de racheter son contrat en étant actif
Un taux de rachat est défini pour le portefeuille étudié et est commun à tous les assurés
quelque soit l’âge. Le choix du taux de rachat sera approfondi dans la partie 2. Soit tr le taux
de rachat mensuel :
pT (a, r) = tr
En partant de l’état incapable (en arrêt de travail)
Probabilité de passer de l’état incapable à l’état actif
pT (i, a, d) = 1 − pT (i, i, d) − pT (i, dc, d) − pT (i, r, d)
En effet, l’assuré sera à l’état actif, s’il n’est plus en arrêt, s’il n’est ni décédé et s’il n’a pas
racheté son contrat.
D’après l’hypothèse 4, on considère :
pT (i, r, d) = 0
pT (i, i, d) : Probabilité de rester incapable
N ombre d0 individus d0b
age T en incapacité au bout de d mois
p (i, i, d) =
0
0
N ombre d individus d b
age T en incapacité au bout de d − 1 mois
T
Avec les notations définies précédemment :
pT (i, i, d) =
i
T ld
i
T ld+1
pT (i, dc, d) : Probabilité de décéder
D’après l’hypothèse 4 :
1
qT
12
Nous pouvons ainsi redéfinir la matrice de transition introduite précédemment.
La matrice suivante :
 T

p (a, a) pT (a, i) pT (a, s)
pT (i, a, t) pT (i, i, t) pT (i, s) 
pT (s, a) pT (s, i) pT (s, s)
pT (i, dc, d) = pT (a, dc) =
devient
1
qT − tr
1 − qTi − 12
i

T ld
1
 1 − T li − 12 qT

d+1
0
qTi
i
T ld
i
T ld+1
0
1
q + tr )
12 T

1
q

12 T

1
Les probabilités définies à partir de l’état s sont obtenues à partir de l’hypothèse 2, selon
laquelle l’état s est un état absorbant.
Les sommes en ligne de cette matrice sont toutes égales à 1 : on a alors définit une matrice
stochastique.
24
2.2.3
Tarification
Décès
Dans le cas du risque décès, l’engagement de l’assureur est de payer le capital restant dû au
moment du décès de l’assureur.
L’engagement s’écrit alors :
V APARDeces =
d−1
X
v
k+1
12
∗ S(k) ∗ k px ∗
12
1
12
qx+ k ∗ CRD(k) =
d−1
X
12
k=0
v
k+1
12
k=0
∗ S(k) ∗
lx+ k +1 − lx+ k
12
12
lx+ k
∗ CRD(k)
12
(2.7)
où
– d est la durée du contrat, elle est le plus souvent égale à la durée du crédit exprimée en
mois mais elle peut être inférieure dans le cas où les clauses du contrat mentionnent un
âge maximum de fin de couverture
1
où t est le taux technique annuel
– v est le facteur d’actualisation tel que v = 1+t
– S(k) correspond au coefficient de sélection médicale que nous définirons dans la deuxième
partie
k
– k px est la probabilité d’être toujours en vie à l’âge x + 12
sachant qu’on est en vie à l’âge
12
x, âge entier correspondant à l’âge à la souscription.
Comme la table de mortalité est établie en fonction d’âge entier, l’obtention de la probabilité k px n’est pas immédiate :
12
On cherche à obtenir k px pour k ∈ [1; ...; d − 1]
12
D’après l’hypothèse de répartition uniforme des décès, on a :
u qx
= u ∗ qx pour x ∈ N et u ∈ [0, 1[
(2.8)
On note respectivement α et β le quotient et le reste de la division euclidienne de k par
12, ainsi β ∈ [0, 1[.
k px = α∗12+β px = α∗12 px ∗ β px+ 12∗α
12
12
12
12
12
=α px ∗ (1 − β qx+α )
12
β
∗ qx+α )
12
β
β
=α px ∗ (1 −
+
∗ px+α )
12 12
k
– 1 qx+k est la probabilité de décéder entre l’âge x + 12
et x + k+1
12
12
k
– lx+ k est le nombre d’assuré en vie à l’âge x + 12
, la table de mortalité de départ est
12
annuelle. En faisant une hypothèse de répartition uniforme des décès, on obtient des lx
mensuels.
=α px ∗ (1 −
25
– CRD(k) est le capital restant dû au k e mois
– S(k) correspond au coefficient médical appliqué au k e mois
Par la suite, nous devrons déterminer les cash-flows à chaque période ; pour ce faire nous
aurons besoin de connaître à chaque date k la prestation probable. Le schéma de Markov nous
permet de déterminer cette prestation.
Soit P ARdc (k) la prestation probable relative au risque décès à la date k :
P ARdc (k) = CRD(k) ∗
1
q k ∗ P EC(k)
12 x+ 12
où P EC(k) correspond à la probabilité d’être toujours présent à la date k.
P EC(k) = P EC(k − 1) − p(a, s) ∗ (1 − P (Xk−1 = s)) − p(s, s) ∗ P (Xk−1 = s)
P EC(0) = 1
D’après l’hypothèse 4, nous n’avons pas besoin de distinguer le cas où l’individu est incapable
à la date k − 1.
P (Xk−1 = s) = P EC(k − 2) ∗ (
1
q k−1 + tr )
12 x+ 12
Incapacité de travail
Pour définir cette garantie, il faut entre autre définir le type de franchise. Elle peut être
continue ou discontinue. Dans le cas d’une franchise continue, cas le plus fréquent, on recalcule
le nombre de jours à chaque arrêt de travail. Dans le cas d’une franchise discontinue, les jours
d’arrêt se cumulent.
En cas d’incapacité de travail, l’assureur verse généralement les mensualités pendant lesquelles l’assuré est en arrêt. En France, il est en effet très rare que l’assureur rembourse le
Capital Restant Dû.
Dans le cas où l’assureur rembourse seulement les mensualités Mk , la prestation ne correspond plus au versement d’un capital unique mais à une rente dont le versement est conditionné
par l’état en incapacité.
Nous pouvons schématiser l’engagement de l’assureur et celui de l’assuré par le dessin suivant :
Avec les notations définies précédemment et en notant c la franchise exprimée en mois, nous
obtenons :
26
V APARInc =
d−1
X
f =0
62−f
i
qx+f
∗
X
v
k+1
12
∗ S(k) ∗ pikf (x) ∗ M (k) =
k=f
d−1
X
62−f
qix+f ∗
f =0
pikf
où
est la probabilité que le salarié soit en incapacité au
incapacité au fe mois.
X
k=f +c
ke
v
k+1
12
∗ S(k) ∗
i
x lk
i
x lf
∗ M (k)
(2.9)
mois sachant qu’il était en
Comme pour le décès, des clauses contractuelles peuvent mentionner des âges maximums
de fin de couverture antérieure à la fin du crédit.
27
Chapitre 3
Construction d’un crédit immobilier
Nous commencerons par expliquer l’évolution du remboursement d’un crédit puis après
avoir déterminé successivement l’engagement de l’assureur et l’engagement de l’assuré nous
déterminerons le tarif d’un contrat d’assurance.
3.1
Les paramètres d’un crédit
En assurance emprunteur, c’est le prêt immobilier qui est le plus concerné. Un crédit se
caractérise par les éléments suivants :
– le capital initial CI
– le taux d’intérêt ik où k représente la période considérée : fixe, variable, variable dans
certaines limites,..
– la durée d : exprimée le plus souvent en mois
– la mensualité Mk : constante ou non. Elle comporte une part de remboursement du capital
et une part de charge d’intérêts et est telle que :
CRDk+1 = CRDk ∗ (1 + ik ) − Mk
(3.1)
où CRDk représente le capital restant dû à la date k
Nous pouvons montrer 1 que dans le cas d’un taux d’intérêt fixe annuel i et d’une mensualité
constante M , l’expression du capital restant dû à la période k est la suivante :
CRDk = CI ∗
(1 + 12i )d − (1 + 12i )k
(1 + 12i )d − 1
(3.2)
D’autre part,
CI =
d
X
k=1
Mk
(1 + ik )k
Dans le cas d’une mensualité constante M et d’un taux d’intérêt fixe i nous pouvons déduire
l’égalité suivante :
CI ∗ i
M=
(3.3)
1 − (1+1i )d
12
D’où l’égalité avec M et i constant. Nous travaillerons généralement dans le cas de mensualités constantes.
1. Annexe 1
28
Pour déterminer un taux d’assurance, nous pouvons choisir de l’exprimer en fonction du
capital initial ou en fonction du capital restant dû.
A la souscription il est bien sûr équivalent d’opter pour un contrat dont la prime s’exprime
en pourcentage du capital initial ou du capital restant dû. En effet, quelques soient les modalités
choisies, nous avons toujours l’égalité 2.1. Les taux définis se calculent à partir du montant de
la prime unique définie à la souscription du contrat.
Les modalités de calcul seront détaillées dans le paragraphe 3.3. On retiendra pour l’instant,
qu’il faut ajouter la prime d’assurance à la mensualité Mk définie plus haut pour obtenir le
montant de la prime payé chaque mois par le souscripteur.
3.2
Application
Nous construisons le tableau des échéances d’un prêt ayant les caractéristiques suivantes :
– CI = 184 500 e
– i = 3.54 % - Taux fixe annuel
– d = 207 mois soit 17.25 ans
– tCRD : le taux de prime appliqué au capital restant dû
– tCI : le taux appliqué au capital initial
– M : mensualités constantes
Il s’agit des caractéristiques d’un prêt moyen en France en juillet 2012. [11]
Avec les paramètres précédents, nous obtenons
M = 1 192 e
Nous simulons une population, pour cela nous appliquons un taux de chute symbolisant les
sorties (sorties dues aux rachats et aux décès). Suivant la population considérée, le taux de
chute varie de 0 à 8 %, pour cette étude nous considérons un taux de chute de 7.3 %. Nous
choisissons ce taux afin d’être cohérent avec l’étude des taux de rachat qui sera détaillée plus
loin.
Voici l’échéancier des flux correspondant :
Mois
0
1
2
..
k
..
207
CRD
184 500 e
183 852 e
183 428 e
...
CRDk
...
0
Mensualité
1 192 e
1 192 e
...
1 192.24 e
...
1 192 e
Population
100 %
99.3 %
98.7 %
...
100% ∗ (1 − 5%)(k/12)
...
41.3 %
29
Prime %CRD
Prime %CI
37.2 e
37.0 e
...
CRDk ∗ tCRD
...
0e
21.5 e
21.5 e
...
CI ∗ tCI
...
21.5 e
Le graphe suivant nous montre l’évolution du taux de prime d’assurance en fonction de
l’assiette d’assurance : CRD ou CI
Figure 3.1 – Evolution de la prime en fonction de l’assiette
Les deux courbes présentent des tarifs en fonction de l’âge à l’adhésion, les taux de prime
sont constants dans le temps.
3.3
Engagement de l’assuré : prime en fonction du Capital
Restant Dû ou du Capital Initial
Dans cette partie on considère des primes à terme échu, comme c’est le cas dans la majorité
des contrats groupe. Dans le cas de contrats individuels, les primes sont le plus souvent à terme
à échoir.
Le tarif est obtenu à partir de l’égalité 2.1. Avant de déterminer la prime payée à chaque
période, nous déterminons le montant de la prime dans le cas d’une prime unique. Cette dernière
est égale à la valeur des engagements de l’assuré au jour de la création du contrat. Notons Π
cette prime.
X
X
Π=
V APARi
i=1
où V APARi désigne les valeurs actuelles probables pour les différentes garanties souscrites.
V APAR1 désignera par exemple la valeur actuelle probables liée à la garantie décès. X est le
nombre de garanties couvertes.
Soit Πk la prime payée en période k.
V APAE = Π =
d
X
v
k+1
12
∗ Πk ∗ P EC(k)
(3.4)
k=1
On rappelle que P EC(k) est la probabilité que l’assuré soit toujours présent à la période k,
les causes de sortie étant le décès ou le rachat.
30
Comme nous l’avons vu précédemment, lors de l’établissement du contrat, la prime d’assurance peut être exprimée en fonction du Capital Restant Dû ou du Capital initial. Dans le
premier cas, la prime varie à chaque période k et les mensualités ne sont donc pas constantes.
Dans le second cas, la prime d’assurance reste constante au cours du temps, les mensualités
sont constantes.
Soit x le taux d’assurance appliqué au capital initial et y celui appliqué au capital restant
dû. Lors de la souscription on a l’égalité suivante :
d
X
k=1
v
k+1
12
∗ Πk ∗ P EC(k) = x%CI ∗
d
X
v
k+1
12
∗ P EC(k) =
k=1
d
X
v
k+1
12
∗ P EC(k) ∗ y%CRDk
k=1
L’assureur a alors un certain arbitrage dans le choix de la prime qu’il propose : dans le
cas où son portefeuille est volatile et qu’il considère que les assurés sont plus succeptibles de
racheter leur contrat, il leur proposera plutôt une prime d’assurance exprimée en pourcentage
du CRD.
Dans la majorité des cas, la tarification utilisée est celle en fonction du capital initial. Cela
permet entre autres de garder une mensualité constante, de plus même si les deux assiettes
de prime sont équivalentes, le taux exprimé en fonction du capital initial est plus faible que
celui exprimé en fonction du capital restant dû, ainsi le montant de la première prime payée
est inférieur dans le cas où elle est exprimée en pourcentage du CI, ce qui est préfèrable d’un
point de vue psychologique pour les emprunteurs.
31
3.4
Application
Les paramètres utilisés sont les suivants :
Table de
mortalité
Taux
technique
Taux d’intérêt
Durée du prêt
Capital
Emprunté
Taux de chute
40 %TH00-02
2.00 %
3.54 %
207 mois
184 500 e
7.3 %
Le taux appliqué à la table de mortalité, 40 %, est bas mais c’est ce qui est géréralement
appliqué en assurance emprunteur comme nous le verrons au chapitre 5. Trois raisons principales permettent d’expliquer briévement l’origine de ce taux : les taux de la table de mortalité
TH00-02 sont plus élevés que ceux observés dans la réalité. De plus les personnes dont le prêt
est accepté sont principalement des personnes appartenant à une catégorie socio-professionnelle
favorisant une mortalité plus faible. Enfin, l’acceptation du prêt suppose que les risques de santé
de l’assuré sont acceptés ce qui est aussi un facteur de diminution de la mortalité.
On utilise la table de mortalité TH00-02 car on travaille sur une population globale où la
proportion d’hommes est plus importante. On pourrait cependant utiliser une autre table et
ajuster le coefficient d’abattement appliqué.
Les méthodes de détermination du taux d’abattement des tables de mortalité seront développées dans une Partie 2.
Nous obtenons les résultats suivants segmentés par âge et par garantie.
32
3.4.1
Montant de la prime unique exprimée en euro
Ci-dessous, le montant de la prime unique :
Age
30
40
50
Décès
331 e
787 e
1 610 e
Décès + Arrêt de travail
1 334 e
2 962 e
3 968 e
Ces tarifs nous amènent à plusieurs conclusions :
– c’est le risque Arrêt de travail qui coûte le plus cher.
– le coût du risque décès augmente plus vite avec l’âge que le risque Arrêt de travail.
33
3.4.2
Tarification en fonction du Capital Restant Dû
Ci-dessous, les taux de prime mensuels exprimés en fonction du Capital Restant Dû.
Age
30
40
50
Décès
0.0035 %
0.0084 %
0.0173 %
Décès + Incapacité / Invalidité
0.0140 %
0.0317 %
0.0425 %
Le taux de prime est constant dans le temps et est fonction du Capital Restant Dû.
3.4.3
Tarification en fonction du Capital Initial
Ci-dessous, les taux de prime mensuels exprimés en fonction du Capital Initial.
Age
30
40
50
Décès
0.0023 %
0.0054 %
0.0110 %
Décès + Incapacité / Invalidité
0.0091 %
0.0203 %
0.0272 %
Le taux de prime est constant dans le temps car tarifé en fonction de l’âge à l’adhésion et
est fonction du Capital Initial.
En assurance individuelle, le taux de prime est le plus souvent exprimé en fonction du Capital Restant Dû et est fonction de l’âge atteint.
Les paramètres utilisés pour obtenir la prime sont des paramètres spécifiques aux assurés
composant les portefeuilles d’assurance emprunteur. Dans la seconde partie, nous allons nous
intérreser à la détermination de ces paramètres.
34
Deuxième partie
Paramètres de modélisation d’un
portefeuille emprunteur
35
Chapitre 4
Les Paramètres du modèle
Avant de travailler sur la tarification ou le calcul des provisions d’un portefeuille, il est
important de bien comprendre les paramètres du portefeuille, ceux qui nous sont donnés et
ceux que nous devons déterminer. Cettte deuxième partie va notamment nous permettre de
quantifier les spécificités liées à la sinistralité d’un portefeuille d’assurance emprunteur.
Dans le cas de portefeuille volumineux, une première étape est basée sur la constitution d’un
model point. Cela consiste à regrouper entre elles certaines données relatives aux individus et aux
contrats afin d’obtenir une table moins volumineuse et donc plus maniable. Les regroupements
s’effectuent sur les données INDIVIDU et CONTRATS que nous définirons. Ils doivent être
pertinents au vue de l’étude à mener ; ainsi un regroupement constistant à faire la moyenne de
chacun des paramètres définis ci-dessous serait un model point constitué d’un seul point ; s’il
s’agit bien d’un model point, il ne semble pas très pertinent pour autant mais pourra tout de
même s’avérer utile lorsque l’objectif est d’obtenir une idée de l’ordre de grandeur du résultat.
4.1
4.1.1
Les paramètres nécéssaires à la création d’un model
point
Les paramètres INDIVIDU
Ces paramètres sont donnés par l’assureur et non modifiés par la suite, il s’agit des différentes données concernant le portefeuille.
Parmi les paramètres INDIVIDU, on distingue :
– les données du crédit : capital initial, taux de crédit, durée initiale du crédit.
– les données du contrat : le taux de prime exprimé en % du capital initial ou du capital
restant dû
– les paramètres de l’individu : les paramètres peuvent varier selon le niveau de sélection
de l’assurance. On trouve l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, la sélection
médicale, l’IMC, fumeur ou non. Ces paramètres permettront par la suite d’ajuster les
paramètres techniques.
– la quotité assurée : il s’agit de la part du capital assuré par l’individu. Par exemple, lorsqu’un couple souscrit une assurance en commun, la somme des quotités assurées doit être
supérieure ou égale à 100 % ; lorsque le contrat est contracté par une seule tête, la quotité
est toujours égale à 100 %.
36
4.1.2
Les paramètres PRODUIT
Comme pour les paramètres INDIVIDU, ces paramètres sont donnés et ne sont pas modifiés
par la suite.
Les paramètres produits se compose de deux grandes familles.
Les paramètres liés au contrat
Il s’agit des paramètres permettant de qualifier les flux de prime et de sinistres envisagés.
– Durée maximum de couverture : durée, évaluée à la souscription, au terme de laquelle
la couverture d’assurance s’arrête (primes et prestations). La durée de couverture correspond alors au minimum entre la durée du crédit et cette durée maximum de couverture.
– Flux de primes
– Type de prime : périodicité de versement de la prime
– Assiette de prime : base sur laquelle le taux est apppliqué : CI ou CRD
– Flux de sinistres
– Prestations versées selon le sinistre
– Carence : période suivant l’adhésion durant laquelle l’assuré n’est pas couvert
– Franchise : période suivant la survenance du sinistre durant laquelle l’assuré n’est pas
indemnisé
Les paramètres liés à la convention d’assurance
Il s’agit des paramètres liant l’assureur et le ditributeur
– Base commission : base de calcul de la commission qui peut être payée au moment de la
collecte de la prime ou étalée dans le temps.
– PB : taux contractuel de participation aux bénéfices reversée au partenaire. Ce taux est
appliqué au résultat technique.
– Frais de gestion réels : taux permettant d’évaluer les charges totales d’exploitation de
l’assureur pour cette activité. Celui-ci est par conséquent scindé en 3 parties :
– % des primes émises, pour les frais d’acquisition
– % des primes acquises, pour les frais d’administration
– % sinistres réglés, pour les frais de gestion des sinistres
4.1.3
Création du model point
A partir des paramètres INDIVIDU et PRODUIT, nous pouvons créer un model point.
Nous travaillons avec une base de données significatives. Aussi les paramètres TECHNIQUES qui seront calculés ultérieurement avec ce portefeuille pourront être définis comme
les paramètres standard d’un portefeuille emprunteur. Ils seront réutilisés dans la modélisation
d’autres portefeuilles d’assurance emprunteur pour lesquels les données transmises sont insuffisantes pour recalculer les paramètres techniques.
Initialement, notre base de données est composée de plusieurs millions de lignes, recensant
les assurés ayant souscrit à un contrat immobilier.
37
Nous avons les données de 2008 à 2011 et nous avons les éléments suivants :
– Numéro de contrat
– Capital Initial
– CRD Théorique
– Durée du prêt
– Annuité
– Date d’effet
– Date de naissance
– Quotité assuré
Le nombre de sinistres est renseigné mais le détail concernant ces sinistres n’est pas précisé.
Avant de regrouper les données, il faut d’abord procéder à des retraitements afin d’obtenir
une table cohérente avec l’étude souhaitée. A partir de requêtes, nous procédons aux retraitements suivants :
– On élimine les personnes nées avant 1910 et celles après 1990, considérant qu’il s’agit de
données erronées
– A partir de la durée du contrat, on détermine la durée restante en 2008
– On élimine toutes les lignes correspondant à des assurés dont le contrat est arrivé à terme
en 2008 soit celles pour qui
2008 - [Année d’effet] + [Durée] < 0
Après ces retraitements, le nombre de ligne de la base diminue d’environ 15 %. Nous
affichons seulement les informations concernant l’âge, le capital initial et le CRD.
Nous procédons maintentant à la création du model point c’est-à-dire aux regroupements
des données. Le choix du regroupement des données dépend de l’utilisation que nous voulons faire de nos données. Ici, le model point sera utilisé pour l’étude de la sinsitralité.
On considère les variables de regroupement suivantes :
– Durée du crédit
– Taux de crédit
– Date d’effet : pour déterminer l’ancienneté du crédit
– Année de naissance
– Quotité DC
On considère les variables de somme suivantes :
– CRD Théorique : CRD proratisé par la quotité assurée
– Capital Initial
– Annuité
4.2
Les paramètres TECHNIQUES
Les paramètres techniques permettent de qualifier et d’évaluer le risque. Il s’agit de :
– La table de mortalité : on utilise la table de mortalité TH00-02 introduite dans la partie
tarification. Les données du portefeuille permettent ensuite d’ajuster la table en intégrant
un coefficient d’abattement.
38
– Les taux d’entrée en arrêt de travail : on utilise une table construite à partir des données
de l’INSEE comme précisé dans la partie Tarification.
– La loi de maintien en incapacité de travail : on utilise la table construite à partir des
tables de maintien en invalidité et en incapacité introduites dans la partie tarification.
– Le taux de rachat : le taux de rachat aussi appelé taux de chute permet d’intégrer le fait
que les assurés peuvent racheter leur crédit et donc leur contrat avant l’échéance.
– L’impact de la sélection médicale : effet de la sélection médicale sur la survenance des
sinsitres. Nous verrons que la sélection médicale permet d’obtenir des coefficients d’abattement qui seront appliqués à la table de mortalité utilisée.
4.3
Les paramètres MODELISATION
Il s’agit des paramètres indépendants au portefeuille.
Le taux technique
Le taux technique est le rendement financier minimum sur lequel s’engage un assureur
pour un contrat d’assurance et qui est anticipé dans le calcul des primes ou des provisions
mathématiques par actualisation des flux financiers futurs.
En vie, on retient 1.25 % correspondant au taux 31/12/2012.
En non-vie, on retient 2 % correpondant au taux au 31/12/2012.
Pour cette étude, on retient à un taux de 1.5 %.
39
Chapitre 5
Etude de la mortalité
L’objet de la présente étude est de comparer la mortalité du portefeuille avec celle observée
sur la table actuellement en vigueur soit la TH00-02. dans les faits, on constate souvent que le
niveau de mortalité observé est inférieur à celui de la TH00-02.
L’ojectif de cette étude est de déterminer un taux d’abattement à appliquer à la table règlementaire afin de prévoir au mieux la mortalité future.
Nous travaillons sur le portefeuille défini plus haut et le model point associé.
5.1
Détermination du taux d’abattement
Le taux utilisé est issu de l’expérience de l’organisme assureur. Une première hypothèse
consiste alors à supposer que les portefeuilles des assureurs sont plutôt stables dans le temps.
On entend par là, que le profil des assurés est plutôt stable : âge moyen similaire et surtout
même relation vis-à-vis du risque.
L’étude parfaite consisterait à créer une table de mortalité âge par âge construite uniquement
à partir des données du portefeuille. Cela suppose que nous disposons d’une base de données
volumineuse pour laquelle nous pouvons déterminer un taux de décès par âge. Cependant, il
est très rare d’être dans ces conditions puisque les tables sont rarement assez volumineuse pour
obtenir des taux de mortalité fiable à chaque âge. Nous présentons ici deux méthodes alternatives qui sont appliquées en pratique pour déterminer les taux d’abattement.
La première méthode est plus précise mais nécessite que nous disposions de l’intégralité des
informations concernant la sinistralité du portefeuille ce qui n’est pas toujours le cas. La seconde
permet d’obtenir un taux d’abattement même lorsque nous ne disposons pas de beaucoup
d’information.
5.1.1
En déterminant le nombre total de personnes présentes dans le
portefeuille à un âge donné
Il s’agit de déterminer par âge et par année le nombre de personnes présentes et le nombre de
personnes décédées. En ce qui concerne notre portefeuille, nous n’avons pas le détail des sinistres
têtes par têtes et il nous est impossible d’obtenir le taux d’abattement par la méthode décrite
ci-dessous. Cependant, afin d’illustrer la méthode, nous travaillons avec un autre portefeuille
pour lequel nous disposons des sinistres détaillés. Il s’agit d’un portefeuille d’assurés ayant
souscrit à une garantie obsèques. Les conditions d’adhésion sont beaucoup plus souples que
40
lors de la souscription d’une assurance emprunteur, on note notamment l’absence de sélection
médicale.
Le portefeuille est constitué de 13 000 têtes ayant souscrit en 2008. L’avantage de ce portefeuille est qu’il nous renseigne sur l’état de la personne en 2012 : décédée ou vivante.
Ne bénéficiant pas d’un assez grand nombre de tête à chaque âge nous préférons calculer un
taux par tranche d’âges afin d’obtenir un taux plus fiable.
Le ratio est obtenu par la formule suivante :
N ombre de décès théoriques − N ombre de décès réels
N ombre de décès théoriques
En faisant la moyenne de ces taux de mortalité pour chaque année étudiée, on obtient un taux
de mortalité moyen historique. On compare ce taux historique avec le taux théorique de la table
TH00-002.
On détermine ainsi
lx+1
) ∗ (1 − t))
lx
l0 = l0a = 100 000
a
= lxa ∗ (1 − (1 −
lx+1
où t est le taux d’abattement obtenu et lxa le nombre d’individus à l’âge x après application du
taux d’abattement.
Les taux de mortalité abattus s’obtiennent pas la formule suivante :
qxa = qx ∗ (1 − t)
Un des avantages de cette méthode est que la table obtenue décrit au mieux le risque :
en effet dans le cas où le volume des portefeuilles est assez important, on obtient des taux
par âge. Dans le cas où les portefeuilles ne sont pas assez importants, on peut considérer une
segmentation par tranche d’âge.
On observe par tranche d’âge les écarts entre les décès déterminés conformément à la table
de mortalité TH00-02 et les décès réellement survenus en 2012.
Age
0 - 18 ans
19 - 30 ans
31 - 40 ans
41- 50 ans
51 - 60 ans
61 - 70 ans
71 - 80 ans
81 - 90 ans
91 - 100 ans
101 - 120 ans
Total
Survivants en 2012
202
940
999
1164
1846
1564
1730
1240
149
15
9849
Deces en 2012
0
2
1
0
21
24
62
116
28
1
255
Deces theoriques
0
1
2
5
16
28
78
141
37
9
317
Ecarts
0
1
-1
-5
5
-4
-16
-25
-9
-8
-62
En utilisant les données non regroupées par tranches d’âge nous obtenons le graphique
suivant.
41
On compare pour chaque âge la mortalité théorique avec la mortalité observée. Les données
sont réparties en deux graphiques d’échelle différente afin de distinguer la mortalité avant et
après 60 ans.
Sur le premier graphique, on observe qu’entre 0 et 15 ans la mortalité théorique et la
mortalité observée sont très proches, tandis qu’à partir de 15 ans et jusqu’à 60 ans la mortalité
observée est plus faible que la mortalité théorique.
Sur le second graphique, les deux mortalités sont plus proches même si la mortalité théorique reste toujours supérieure.
Ne bénéficiant pas d’assez de données, nous ne pouvons définir des taux fiables ni par âges,
ni par tranches d’âge, nous retenons un taux global de 19.5 %.
Nous verrons par la suite que le taux d’abattement obtenu dans cette étude est très inférieur
à ceux appliqués pour les portefeuilles emprunteurs.
5.1.2
En utilisant les comptes de résultat
Une deuxième méthode permet également d’obtenir le taux d’abattement. Il s’agit d’une
méthode alternative utilisée principalement dans les cas d’absence de données des sinistres détaillées.
L’approche consiste en la détermination du taux d’abattement permettant un rapprochement entre une estimation de la sinistralité, fondée sur les données de protefeuille tête par tête
et des bases techniques théoriques, et les données comptables.
Nous appliquons cette méthode au model point décrit précédemment, les assurés ont cette
fois souscrit à un contrat d’assurance emprunteur immobilier.
Il s’agit de comparer les prestations prévisionnelles du portefeuille et les prestations effectivement versées.
Les prestations prévisionnelles que nous noterons P P sont calculées de la manière suivante :
PP =
n
X
P Pi
i=1
Où P Pi représente les prestations probables du modèle point, ainsi P Pi est définie de la façon
42
suivante
P Pi =
d
X
CRDk ∗k px ∗ qx+k
k=1
Ces prestations théoriques sont calculées à partir du tableau d’amortissement et de la table
TH00-02.
Les prestations effectivement payées, notées P E, sont directement issues du compte de résultat.
En réalisant cette étude sur les années antérieures pour lesquelles nous disposons de données
suffisantes, nous obtenons une série de coefficients qui nous permet, soit par une moyenne, soit
par des hypothèses, de déterminer le coefficient à appliquer sur la table de mortalité pour notre
portefeuille actuel.
Prestations théoriques
Prestations issues des comptes
Proportion
2008
164 439 679
69 064 665
42 %
2009
179 763 806
73 703 160
41 %
2010
206 930 576
78 633 619
38 %
2011
222 221 066
86 666 126
39 %
Total
773 355 127
308 067 660
40 %
Moyenne retenue
40 %
La proportion est obtenue par le rapport suivant :
P roportion =
P restations issues des comptes
P restations théoriques
L’évolution du nombre de survivants est la suivante :
Figure 5.1 – Evolution du nombre de survivants à chaque âge
On constate que dans la 2e étude, le taux d’abattement (1- 40 %) est beaucoup plus important que celui obtenu avec le premier portefeuille. Cette différence s’explique par une plus forte
43
sélection dans le cas d’un contrat emprunteur immobilier. D’une part on observe que les portefeuilles d’assurance emprunteur sont de meilleure qualité (âge, catégorie socioprofessionnelles)
et d’autre part, la sélection médicale réduit la sinistralité de ce portefeuille.
On note que dans notre étude, les coefficients sont compris en 38 % et 42 % donc relativement
stables, ce qui rend le coefficient d’abattement plutôt fiable. Dans le cas où les coefficients obtenus sur les différentes années seraient vraiment très éloignés les uns des autres, il conviendrait
de s’interroger sur la validation de notre première hypothèse à savoir la stabilité du portefeuille
au cours du temps. On aurait alors dû s’interroger sur les différentes évolutions de garanties ou
de tarifs qui auraient amené la population à changer.
Cette deuxième étude étant réalisée pour une population d’assurés dans le cas de contrat
d’assurance emprunteur, pour la suite de ce mémoire, nous utiliserons le taux obtenu dans cette
deuxième étude et retiendrons ainsi 40% de la table de mortalité TH00-02.
5.2
Impact de la sélection médicale
La sélection médicale permet à l’assureur d’apprécier et de mesurer la nature du risque à
garantir. Nous cherchons à quantifier l’impact de cette sélection sur la sinsitralité. En particulier,
nous voulons quantifier l’impact de l’ancienneté dans le crédit sur la probabilité de survenance
des sinistes et notamment des sinistres décès.
Méthodologie
La première étape consiste à scinder la base de données en différentes générations ce qui
nous permet de diviser le portefeuille selon l’ancienneté dans le crédit. Ainsi par exemple, la
génération N contient tous les contrats dont la date d’effet est l’année N. Nous obtenons une
dizaine de générations différentes.
Pour chaque génération et pour chaque année d’ancienneté dans le portefeuille, nous calculons un taux brut de mortalité :
qx réel =
nbre de sinistres survenus la ne année d0 ancienneté dans le portef euille
nbre de personnes exposées au risque la ne année d0 ancienneté dans le portef euille
Pour le calcul de l’exposition au risque la ne année, pour les personnes n’ayant pas souscrit au 1er
janvier nous calculons la quote-part d’année pendant laquelle la personne a été présente. En faisant la
la somme, nous obtenons le nombre de personnes exposées au risque la ne année.
En parallèle, nous calculons un qx théorique calculé à partir de la table de mortalité TH00-02 non
abattue :
qx théorique =
nbre de sinistres théoriques la ne année d0 ancienneté dans le portef euille
nbre de personnes exposées au risque la ne année d0 ancienneté dans le portef euille
44
Avec
nbre de sinistres théoriques la ie année d0 anciennetée dans le portef euille =
X
I xj ∗ q xj
j=0
où
– x représente l’âge
– Ixj représente le je indidivu d’âge xj exposés au risque la ie année d’ancienneté dans le portefeuille
Le résultat qui nous intérresse est l’évolution du ratio
qx réel
qx théorique
en fonction de l’ancienneté.
Résultat
Ancienneté Ancienneté Ancienneté Ancienneté
0
1
2
3
Nombre de sinistres
942
1 587
2 193
2 607
Nombre de personnes exposées au risque
1 064 776
1 003 532
998 756
983 758
qx du portefeuille
0.09 %
0.16 %
0.22 %
0.27 %
Nombre de sinistres théorique
5 956
6 059
6 371
6 552
qx théorique
0.56 %
0.60 %
0.64 %
0.67 %
Impact de la sélection médicale
15.82 %
26.19 %
34.42 %
39.79 %
Impact réel de la sélection médicale
39.54 %
65.48 %
86.06 %
99.48 %
Coefficients retenus
40 %
65 %
85 %
100 %
L’impact réel correspond à l’impact de la sélection en tenant compte de l’abattement de la table
de mortalité. Pour obtenir le coefficient réel, on divise le coefficient obtenu par le taux de mortalité
calculé précédemment, soit 40 %.
On constate que la sélection médicale a un impact seulement les trois premières années. Dès la
quatrième année, la survenance des sinsitres est la même qu’il y ait eu sélection médicale ou non.
Pour la suite, nous retiendrons les coefficients suivants : 40 % / 65 % / 85 % ; ce qui signifie que nous
retiendrons 40 % de la sinistralité la première année, 65 % la 2e année et 85 % la 3e année. A partir
de la 4e année, la sélection médicale n’a plus d’impact et nous retenons intégralement la sinistralité.
45
Chapitre 6
Etude des taux de remboursements
anticipés
Le remboursement de crédit est l’action par laquelle un assureur décide de rembourser intégralement son prêt avant la date de terme. Il rembourse le Capital Restant Dû au jour du rachat et met
donc fin à son contrat d’assurance. Nous parlerons de rachats anticipés ou de taux de chute. L’assureur
a besoin de connaître la proportion de rachat de son portefeuille pour pouvoir déterminer l’évolution
de la population et donc les tarifs et évaluer au mieux son business plan.
6.1
Méthodologie
Pour cette étude, nous disposons des mêmes fichiers que pour l’étude du taux d’abattement de
la mortalité à savoir de l’ensemble des prêts du portefeuille au 30 juin des années de 2008 à 2011.
La méthode consiste à identifier au 30 juin de chaque année n, le nombre de personnes présentes au
30/06/n-1 ayant quitté le portefeuille pour une raison autre que le terme du prêt au 30/06/n. Les seules
causes de sorties autre que le terme étant le rachat ou le décès. Pour cette étude, ne sont considérées
que les personnes ayant un prêt en cours avec une ancienneté supérieure ou égale à 3 ans afin de retirer
l’effet des prêts relais. En effet, les prêts relais ont une durée très courte et le nombre de rachats pour
ce type de prêts est très élevé.
Une fois cette identification effectuée, il suffit de diviser le nombre de personnes sorties identifiées
entre le 30/06/n-1 et le 30/06/n-1 par le nombre de personnes présentes au 30/06/n et nous obtenons
ainsi le taux de sortie (pour une autre cause que le terme).
T aux de chute =
6.2
6.2.1
N ombre de décès ou d0 invalides ou de rachatsentre le 30/06/n−1 et le 30/06/n
N b présents au 30/06/n − 1 − N b présents au 30/06/n − 1 dont terme < 30/06/n
Résultat
Résultat Moyen
A titre de comparaison, nous calculons aussi le taux de rachat des crédits à la consommation.
2009
2010
2011
Crédits immobiliers
6.6 %
6.9 %
9.8 %
Crédits à la consommation
14 %
14.7 %
16.9 %
46
Nous observons que le taux de rachat des crédits à la consommations est plus de deux fois plus
élevé que celui des taux des crédits immobiliers. Cela s’explique par le fait que les prêts à la consommation sont souscrits par manque de liquidités et sur des crédits nettement moins chers. Ils sont par
conséquent remboursés dès que les finances de l’emprunteur sont meilleures donc sur des périodes plus
courtes.
Notons que ces taux de chute regroupent les rachats anticipés mais aussi les sorties de portefeuille
suite à décès ou invalidité.
On observe une augmentation des taux de chute en 2011 s’expliquant par une baisse des taux
moyen d’emprunt. On observe en effet que l’évolution des taux de chute est très liée à l’évolution des
taux d’emprunt.
Sur les quatre dernières années, on observe en immobilier les taux moyen suivant [13] :
Année
Taux moyen immobilier
2008
4.71 %
2009
4.50 %
2010
3.50 %
2011
4.00 %
2012
3.40 %
Les taux d’emprunt diminuent en 2010 et 2011 conduisant à une augmentation des taux de rachat
en 2011.
6.2.2
Taux de chute par tranche d’âge
Résultats
On estime les taux de chute par tranches d’âges.
Crédits Immobiliers
Tranche d’âge
2009
2010
2011
Moyenne
0 - 30 ans
6.4 %
7.3 %
12.9 %
8.9 %
31 - 40 ans
5.8 %
6.5 %
9.7 %
7.3 %
41 - 50 ans
5.7 %
5.8 %
7.8 %
6.4 %
51 ans et +
8.4 %
7.8 %
8.8 %
8.3 %
Moyenne
6.6 %
6.9 %
9.8 %
7.8 %
Pour les prêts immobiliers, les taux de chute des moins de 30 ans sont les plus élevés. Ce résultat
est attendu, s’agissant de la population la plus mobile d’une part, et sollicitée pour des rachats de
crédits d’autres parts. Ensuite, nous obervons une baisse du taux de chute pour les 31-40 ans et 41-50
ans, puis une hausse pour les 51 et plus, effet qui devra être validé par un rapprochement avec les taux
de mortalité.
Impact du décès
L’étude du risque décès réalisé antérieurement nous permet de déterminer les taux de mortalité
par tranche d’âge.
47
Taux de mortalité
Crédits Immobiliers
Tranche d’âge
2009
2010
2011
Moyenne
0 - 30 ans
0.04 %
0.03 %
0.03 %
0.03 %
31 - 40 ans
0.06 %
0.05 %
0.06 %
0.06 %
41 - 50 ans
0.13 %
0.13 %
0.13 %
0.13 %
51 ans et +
0.31 %
0.3 %
0.31 %
0.30 %
Moyenne
0.16 %
0.16 %
0.16 %
0.16 %
On peut alors déterminer les taux de rachats purs (c’est-à-dire sans les décès) par différence :
Taux de rachats purs
Tranche d’âge
2009
2010
2011
Moyenne
0 - 30 ans
6.3 %
7.2 %
12.9 %
8.8 %
31 - 40 ans
5.8 %
6.4 %
9.6 %
7.3 %
41 - 50 ans
5.5 %
5.7 %
7.7 %
6.3 %
51 ans et +
8.1 %
7.5 %
8.5 %
8.02 %
Moyenne
6.4 %
6.7 %
9.7 %
7.6 %
Les mêmes tendances que les taux de rachats avec les décès sont observées. Il convient néanmoins
de noter que l’augmentation des taux de rachats pure des 51 ans et plus par rapport à la tranche
d’âge 41-50 ans est moins élevée que l’augmentation des taux avec les décès du fait d’une plus grande
mortalité sur cette tranche d’âge.
Dans la suite de notre étude nous retiendrons des taux de rachat par tranche d’âge.
Il est préférable de retenir un taux par tranche d’âge plutôt qu’un taux moyen. En effet, mêmes si
les taux sont sensiblement proches (écart inférieur à 2 points), une étude sur l’impact des taux montre
qu’un écart de 1 point du taux de rachat conduit à une augmentation de 20% du BE et une diminution
de 5% du SCR. Cette étude est réalisée au point 8.2 de ce mémoire.
Nous allons à présent utiliser l’ensemble des paramètres déterminés dans cette partie pour construire
un outil de projection des comptes d’un portefeuille emprunteur et afin notamment d’évaluer les capitaux réglementaires sous Solvabilité 2 pour un portefeuille d’assurance emprunteur.
48
Troisième partie
L’assurance emprunteur dans le référentiel
Solvabilité 2
49
Chapitre 7
Solvabilité 2 : vers de nouvelles
contraintes
7.1
De Solvabilité 1 à Solvabilité 2 : une réforme nécessaire
Solvabilité 2 est une réforme règlementaire européenne majeure pour le secteur de l’assurance. [10]
Elle concerne les sociétés d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance. Sa pleine application est prévue pour le moment pour le 1er janvier 2015 ou 2016.
Cette réforme modifie la notion de solvabilité. La solvabilité correspond à la capacité pour une entreprise à faire face à ses engagements. Pour assurer sa solvabilité, un organisme doit à tout moment
détenir un montant de capital règlementaire défini.
Solvabilité 1 est un régime prudentiel bâti dans les années 1970 et révisé en 2002, mais plusieurs
évolutions majeures de l’environnement économique, financier et technique n’ont pas été prises en
compte. Sous solvabilité 1, le capital règlementaire n’est calculé qu’en fonction des volumes (primes et
prestations) et ne tient pas compte de l’expérience et des risques souscrits par l’entité. Plusieurs types de
risque parmi les risques fondamentaux pour les assureurs sont jugés comme n’étant pas correctement
pris en compte dans le cadre de Solvabilité 1, notamment pour le risque de marché. Les règles de
solvabilité 1 prennent en considération uniquement des éléments liés au passif (aucune contrainte liée
aux investissements ou aux contreparties).
De plus, il n’y a pas dans toutes les législations nationales d’obligation pour les autorités de contrôle
de vérifier régulièrement que les quelques exigences qualitatives sont bien respectées.
Ces limites sous Solvabilité 1 expliquent la réforme Solvabilité 2 ; cette réforme a notamment pour
but la détermination d’un niveau de capital réglementaire en adéquation avec le niveau de risque auquel
est soumise l’entité. Elle vise également à harmoniser et à renforcer la réglementation prudentielle du
secteur de l’assurance en Europe.
Cette réforme repose sur trois piliers :
– Pilier 1 : aspects quantitatifs
– Pilier 2 : aspects qualitatifs
– Pilier 3 : communication et contrôle
7.1.1
Pilier 1 : Aspects quantitatifs : détermination du montant de
fonds propres requis
Un des objectifs principaux de ce pilier est de déterminer les règles de calcul des éléments suivants :
– les provisions techniques : on distingue au sein des provisions techniques, le Best Estimate (BE)
et la marge pour risque (RM ). La définition du Best Estimate est donnée à l’article 77 de la
50
directive [15], il "correspond à la moyenne pondérée par leur probabilité des flux de trésorerie
futurs, compte tenu de la valeur temporelle de l’argent (valeur actuelle attendue des flux de
trésorerie futurs), estimée sur la base de la courbe des taux sans risque pertinent. Le calcul de
la meilleure estimation est fondé sur des informations actualisées et crédibles et des hypothèses
réalistes et il fait appel à des méthodes actuarielles et statistiques adéquates, applicables et
pertinentes."
La marge pour risque est calculée de manière à garantir l’équivalence entre la valeur des provisions techniques et le montant dont les entreprises d’assurance et de réassurance auraient besoin
pour céder leurs engagements d’assurance et de réassurance.
– le SCR (Solvency Capital Requirement) : il correspond au montant du Capital de Solvabilité
requis. Il représente le capital économique nécessaire dans une optique de continuité d’activité.
Il prend en compte les risques importants quantifiables.
– le MCR (Minimum Capital Requirement) : il s’agit du montant de fonds propres de base éligible
en-deça duquel les preneurs et les bénéficiaires seraient exposés à un niveau de risque inacceptable
si l’entreprise d’assurance ou de réassurance concernée était autorisée à poursuivre l’activité. Son
calcul est simple et robuste afin qu’il puisse être facilement audité. Ainsi, dans le QIS5 son approche est très proche de celle du capital réglementaire actuel (fonction notamment des primes
et des provisions).
Les deux premiers deux éléments seront détaillés dans les deux prochains chapitres.
7.1.2
Pilier 2 : Aspects qualitatifs : surveillance prudentielle et contrôle
interne
Un des objectifs principaux du pilier 2 est de s’assurer que la compagnie est bien gérée et en mesure
de calculer et maitriser ses risques. Il vise à renforcer la gouvernance des entreprises et à renforcer le
rôle du superviseur. En pratique, cela se traduit par la mise en place d’un système de gestion des
risques et de l’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment).
Le pilier 2 est articulé autour de deux principaux axes : la gourvernance et l’ORSA.
La gourvernance
La notion de gouvernance est traitée par la directive Solvabilité 2, au sein des articles 41 à 49. Le
système de gouverance doit être proportionné à " la nature, à l’ampleur et à la complexité des opérations de l’entreprise " comme le stipule l’article 41. L’article 44 indique que " les entreprises d’assurance
et de réassurance doivent mettre en place un système de gestion des risques efficace, qui comprent les
stratégies, processus et procédures d’informations nécessaires pour déceler, mesurer, contrôler, gérer et
déclarer, en permanence, les risques au niveau individuel et agrégé auxquels elles sont ou pourraient
être exposées ainsi que les interdépendances entre ces risques". Cette notion était déjà évoquée sous
Solvabilité 1 mais elle occupe une place centrale dans la réforme actuelle.
Le cadre de la gouvernance Solvabilité 2 s’articule autour d’une organisation complète et structurée,
avec,
– A sa base, le dispositif de contrôle interne, qui vise à la mise en place d’une surveillance des risques
au quotidien par l’intermédiaire d’une cartographie complète des risques afférents à chaque activité de la mutuelle, la mise en place de certaines procédures et d’éléments de suivi et de reporting.
– L’identification de quatre fonctions clé :
51
– Fonction risques, dont les missions sont
– La coordination de la " démarche risque " de la mutuelle : définition, coordination et suivi
du risque, pilotage et structuration des réflexions relatives à l’appétence au risque (risques
acceptés par la mutuelle, niveau et diversification)
– Le suivi de l’ORSA
– L’organisation des exercices de quantification (calculs de SCR, M CR).
– Fonction actuarielle
– La coordination et le suivi de l’évaluation des provisions techniques : méthodes, modèles, hypothèses, qualité des données utilisées. Cette analyse donne lieu à la rédaction d’un rapport
annuel au conseil d’administration.
– Le suivi des tarifications réalisées et de leur adéquation avec la politique de souscription
définie par le conseil d’administration. Cette analyse donne également lieu à la rédaction
d’un avis sur la politique globale de souscription et les dispositions prises en matière de
réassurance.
– Une contribution à la mise en oeuvre effective du système de gestion des risques, pour les
risques assurantiels
– L’organisation des exercices de quantification (calculs de SCR, M CR)
– Fonction conformité
– La validation de la conformité des produits et du fonctionnement global de la mutuelle avec
les lois et règlements.
– La validation de la cohérence des développements réalisés et des grandes décisions prises
avec l’image de la mutuelle.
– Le pilotage de la lutte anti blanchiment et du respect de la clientèle, en particulier des
réclamations.
– Fonction audit interne
– Activité de contrôle périodique mise en oeuvre sous instruction et responsabilité fonctionnelle envers le comité d’audit, cette fonction doit être pilotée par une ressource interne à la
mutuelle (ou au comité d’audit).
– Elle doit par ailleurs être réalisée par une personne indépendante de toute fonction opérationnelle,
– Elle donne lieu à la construction d’un plan d’audit pluriannuel, visant à une validation de
chaque processus de la mutuelle tous les cinq ans, à raison de trois processus par an, à
la mise en place un processus de suivi des recommandations émises précédemment et à la
rédaction de rapports d’audit présentés au comité d’audit.
L’entreprise sera tenue de mettre en place un système de gouvernance efficace, assurant la gestion
prudente de l’activité.
L’ORSA
L’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment) est un processus d’évaluation interne à l’entreprise
portant notamment sur le besoin global de solvabilité, le respect des exigences de fonds propres et
la mesure dans laquelle le profil de risque de l’entreprise s’écarte des hypothèses qui sous-tendent le
Capital de Solvabilité Requis. Il est un élément central du système de gouvernance.
Il permet d’identifier, d’évaluer, de suivre, de contrôler et communiquer sur les risques internes et
externes, à long terme et court terme auxquels un assureur fait ou pourrait faire face et qui permettent
de déterminer le niveau de capital dont l’entreprise a besoin pour assurer sa solvabilité en permanence.
Ce processus repose sur une évaluation régulière des besoins en termes de solvabilité.
L’ORSA se matérialise par un rapport à la direction de l’entreprise qui reflète l’organisation et la
gestion des risques.
A ce jour, les contraintes de l’ORSA ne sont pas encore définitivements posées et cette partie est tou-
52
jours source de travaux.
7.1.3
Pilier 3 : Communication et contrôle
Le pilier 3 a pour but la communication entre l’organisme et les autorités de contrôles. Il définit
les différents éléments qui devront être transmis à l’autorité de contrôle. Les organismes assureurs
devront ainsi rendre public les informations clés qui conduisent à la détermination du besoin en capital
notamment par la diffusion de différents rapports. La liste des documents à fournir n’est pas encore
définie précisément, nous pouvons cependant citer :
– Le SFCR : Solvency and Financial Condition Report
– Le RSR : Report to Supervisor, ce rappport contient les informations nécessaires au contrôle de
l’entreprise.
– Le rapport ORSA
7.1.4
Préparation des entreprises à Solvabilité 2
Etudes quantitatives d’impact
Pour aider les organismes assureurs à intégrer les normes Solvabilité 2, l’ACPR a proposé différentes
études appelées Etudes Quantitatives d’Impact (QIS), pour l’instant six études ont été menées, leur
but étant d’aider les organismes a être opérationnels lors de la mise en place effective de solvabilité
2. Ces études sont basées sur le volontariat. Elles portent notamment sur l’évaluation des provisions
techniques, ou encore sur l’évaluation du besoin en capital. Une des études, la troisième, a permis le
calibrage de la méthode standard tandis que la cinquième a permis de définir l’impact de Solvabilité 2
sur le bilan des entreprises.
Cette 5e étude a démarré sur l’exercice 2009, elle vise principalement les exigences quantitatives, c’està-dire le pilier 1. Ses principaux objectifs sont de permettre aux organismes assureurs de comparer
leur solvabilité selon la directive Solvabilité 2 avec leur solvabilité actuelle (comparaison de ratios de
couvertures) et de préparer un système de surveillance issu de discussions entre organismes assureurs
et autorités de contrôle. Elle a aussi permis de collecter les avis qualitatifs et politiques des organismes
assureurs sur la mise en place de Solvabilité 2.
68 % des organismes qui seront soumis à Solvabilité 2 ont participé à cette étude, ce qui souligne la
préparation des organismes assureurs à cette réforme.
Préparation des états prudentiels
Afin de préparer et sensibiliser les organismes aux exigences du pilier 3 et notamment celles concernant la remise des états de reporting aux autoriés de contrôle, l’ACPR a récemment lancé un exercice
de préparation aux états prudentiels de Solvabilité 2 [6]. Il est demandé aux organismes d’assurance
de remettre quelques états prudentiels. Les documents ont été envoyés pour le 6 septembre 2013 et
comprennent : les états Solvabilité 2 remplis au 31 décembre 2012 ainsi qu’une note méthodologique
et la réponse à un questionnaire qualitatif. Les états sont fondés sur les comptes de la clôture 2012 et
regroupent entre autres l’évaluation du SCR avec une décomposition très fine des calculs, l’évalution
du M CR et celle du BE. La notice méthodologique permet de justifier les hypothèses utilisées, les
simplifications retenues ou les difficultés rencontrées et de faciliter la compréhension des données qu’ils
contiennent. A mi-septembre, l’ACPR a reçu plus de 370 réponses individuelles complètes, "‘témoignant
de la forte mobilisation du march"’.
53
7.2
Des Provisions Techniques au Best Estimate
Les provisions techniques sont inscrites au passif de l’entreprise, elles correspondent aux réserves
nécessaires pour que l’assureur puisse honorer ses engagements. Selon l’article 76 de la directive, la
valeur de ces provisions est égal au "montant actuel que les entreprises d’assurance et de réassurance
devraient payer si elles transféraient sur le champ leurs engagements d’assurance et de réassurance à
une autre entreprise d’assurance ou de réassurance". C’est une dette de l’assureur vis-à-vis de l’assuré.
Le mode de calcul de ces provisions, que nous détaillerons dans cette partie, est un des changements
majeurs de la réforme. [16]
7.2.1
Rappel sous Solvabilité 1
Sous Solvabilité 1, les provisions techniques sont calculées de manière prudente et le bilan se présente
de la façon suivante :
Concernant les fonds propres, ils doivent être supérieur à l’Exigence Minimum de Marge (EM S)
dont le calcul sera explicité ultérieurement.
En assurance emprunteur individuelle, la provision mathématique se calcule tête par tête ; dans le
cas où la provision obtenue est négative, elle est ramenée à zéro pour qu’il n’y ait pas compensation
entre les contrats : on adopte une attitude prudente.
La provision mathématique est calculée de la façon suivante :
P M = M ax(EngagementAssureur − EngagementAssuré; 0)
Les différents engagements ont été définis dans la partie tarification.
7.2.2
Calcul sous Solvabilité 2
Alors que sous Solvabilité 1, les provisions techniques étaient calculées de manière prudente (taux
minoré, majoration des lois de survenance d’entité,..), la prudence était implicite ; avec Solvabilité 2
on adopte une méthode réaliste où le montant correspond au reflet exact des engagements, montant
auquel on ajoute de la prudence, explicite cette fois, en calculant une marge pour risque.
54
Sous Solvabilité 2, le bilan se présente sous la forme suivante :
On voit que sous Solvabilité 2, la notion de SCR est introduite, sous Solvabilité 1 on parlait d’Exigence Minimum de Marge.
On rappelle qu’à la date 0, nous avons A0 = P T0 + F P0 où A0 , P T0 et F P0 correspondent respectivement à la valeur de l’actif, des provisions techniques et des fonds propres à la date 0.
A la date 1, nous avons le bilan suivant :
A1 correspond à la valeur de marché des actifs à la date 1.
Les fonds propres sont calculés de manière à avoir
P (A1 < F P1 ) = 0.05%
(7.1)
L’égalité 7.1 est une première idée pour aboutir au calcul du SCR.
Nous nous intérressons ici au calcul des provisions techniques.
Pour calculer ces provisions, il faut dans un premier temps distinguer les risques qui sont mutualisables et ceux qui ne le sont pas.
Les risques mutualisables sont ceux dont la prise en charge fonde l’activité d’assurance, pour ces
types de risques. C’est le cas de notre étude.
Les risques non mutualisables regroupent tous les risques qui remettent en cause l’indépendance
des assurés.
55
Parmi ces risques, on distingue les risques couvrables et les risques non couvrables.
Par risques couvrables, nous entendons tous les risques qui peuvent être répliqués par des instruments financiers. Il s’agit souvent de risques financiers. Ce sont les risques qui peuvent être totalement
neutralisés au moyen de l’achat ou de la vente d’instruments financiers. Leur valeur de marché est
directement observable sur un marché parfait et liquide.
Pour les risques couvrables, le calcul est effectué dans le cadre de l’absence d’opportunité d’arbitrage
et ces risques sont alors provisionnés à leur valeur de marché, c’est-à-dire à la valeur de leur couverture.
Les risques non couvrables concernent tous les autres risques. Pour ce type de risque, les provisions
techniques sont égales à la somme du Best Estimate et de la marge pour risque.
On rappelle que le BE correspond à la somme des flux futurs actualisés. Pour l’actualisation, on
utilise la courbe des taux sans risque. Comme on somme l’ensemble des flux futurs (à la fois positifs
et négatifs), il est possible d’obtenir un Best Estimate négatif, en cohérence avec un des objectifs de
Solvabilité 2 à savoir la valorisation à la juste valeur.
On peut généraliser le Best Estimate par la formule suivante :
X
BE = E P ∗Q (
δk ∗ Fk )
(7.2)
k=1
avec
–
–
–
–
P : probabilité réelle pour les risques mutualisables et non mutualisables, non couvrables
Q : probabilité risque neutre pour les risques non mutualisables, couvrables
δt : facteur d’acualisation qui s’exprime à partir du taux sans risque instantané r
Ft : les différents flux (primes, prestations,..) intervenant à l’instant t, on parlera de cash-flow
La marge pour risque est déterminée par la méthode Coût du Capital, il s’agit d’une marge de
prudence. Elle correspond au coût d’immobilisation d’un montant de fonds propres égal au Capital de
Solvabilité Requis nécessaire pour faire face aux engagements d’assurance et de réassurance sur toute
leur durée de vie.
Avec les mêmes notations que pour les provisions techniques, on définit la marge pour risque par
la formule 7.3 :
RM = CoC ∗
∞
X
(δt+1 ∗ SCRt )
(7.3)
k=0
où CoC désigne le taux du coût du capital fixé à 6 %.
Une approximation tolérée dans le cadre du QIS5 est l’évaluation des SCR de souscription futurs
par l’intermédiaire d’une évaluation des BE futurs :
RM = 6% ∗
∞
X
SCRsouscription
k
k=0
(1 + ik )k
≈ 6% ∗
∞
SCRsouscription0 X BEk
BE0
(1 + ik )k
(7.4)
k=0
Ainsi, sous Solvabilité 2, en assurance emprunteur, nous avons la formule générale suivante :
P T = BE + RM ≈ E
P ∗Q
∞
X
SCRsouscription0 X BEk
(
δk ) ∗ Fk + 6% ∗
BE0
(1 + ik )k
k=0
k=0
56
(7.5)
7.3
7.3.1
Du capital réglementaire au SCR
Besoin en capital sous solvabilité 1
Sous Solvabilité 1, le besoin en capital est défini à partir de l’état règlementaire C6 qui permet de
contrôler le respect de la marge de solvabilité. Il est calculé différemment selon les branches d’activités.
L’EM S que nous appellerons également Marge de solvabilité est définie par la formule suivante :
EM S = EM SV ie + EM SN on
V ie
où
EM SV ie = 4%P M + 0.1% ∗ CR≤3ans + 0.15% ∗ CR≤5ans + 0.3% ∗ CR>5ans
avec
– CR<3ans = Montant des capitaux sous
– CR≤5ans = Montant des capitaux sous
– CR>5ans = Montant des capitaux sous
Dans le cas d’un portefeuille emprunteur, les
pitaux restant dûs à la date de calcul.
EM SN on
V ie
risques pour des engagements inférieurs à 3 ans
risques pour des engagements entre 3 et 5 ans
risques pour des engagements supérieurs à 5 ans
capitaux sous risques correspondent à la somme des ca-
correspond au maximum entre les deux calculs suivants :
Calcul en f onction des primes = 18%P rimes≤61.3M + 16%P rimes>61.3M ∗ T aux de rétention
Calcul en f onction des sinistres = 26%Sinistres≤42.9M + 23%Sinistres>42.9M ∗ T aux de rétention
7.3.2
SCR sous solvabilité 2
Un des aspects important du pilier 1 est la détermination du SCR. Ce dernier correspond à une
mesure de risque, c’est le montant minimum du capital économique à détenir pour ne pas être ruiné à
horizon un an avec une probabilité de 99.5 %.
Figure 7.1 – SCR
A tout moment, les fonds propres doivent être supérieurs à ce montant cible.
Calculé au moins une fois par an, le SCR prend en considération tous les risques auxquels est
soumis l’organisme. Les risques considérés sont exhaustifs et sont regroupés par modules.
57
Figure 7.2 – Décomposition du SCR par module de risques
Pour calculer le SCR, les organismes peuvent décider d’utiliser la formule standard ou alors de
mettre en place un modèle interne. Ce dernier, très complexe et chronophage, est conseillé pour les
organismes très spécialisés dans leur risque. Aujourd’hui, peu d’organismes ont opté pour cette solution.
Cette méthode s’impose à tout le monde et se décompose en plusieurs étapes, le but étant d’associer
un SCR pour chacun des risques.
Le SCR se décompose en 3 éléments : Adj / OP / BSCR. Il est égal à :
SCR = BSCR + Adj + SCRop
Avec Adj l’ajustement permettant la prise en compte de la provision pour participation aux excédents et SCRop le SCR lié au risque opérationnel, correspondant aux pertes potentielles qui pourraient
résulter d’une défaillance au sein de l’organisme. Ce risque est appréhendé de manière forfaitaire dans
les dernières spécifications techniques comme un pourcentage des primes et des provisions techniques,
ce montant ne doit pas dépasser 30 % du SCR (net des risques opérationnels et incorporels).
Le BSCR est obtenu par la formule suivante :
sX
BSCR =
Corr(i,j) ∗ SCRi ∗ SCRj + SCRintangibles
i,j
Le SCRi représente le sous-module i et le SCRj le sous-module j où i, j indique que la somme des
différents termes doit couvrir toutes les combinaisons possibles de i, j.
Corr(i,j) est la matrice de corrélation suivante :
Risques
SCRM arché
SCRContrepartie
SCRM arché
1
SCRContrepartie
0.25
1
SCRvie
0.25
0.25
1
SCRsanté
0.25
0.25
0.25
1
SCRN onvie
0.25
0.5
0
0
58
SCRvie
SCRsanté
SCRN onvie
1
Nous nous intéressons à la décomposition du BSCR, il correspond à l’aggrégation de charge de
capital associé à des modules de risques.
On calcule les capitaux règlementaires pour chaque branche de risque. Pour ce faire on utilise une
approche par stress-test, c’est-à-dire que l’on regarde l’impact d’un choc sur la richesse.
Les chocs ne sont appliqués qu’aux contrats soumis au risque : ainsi par exemple pour le risque de
longévité, les chocs ne sont appliqués qu’aux contrats vie.
Lors de l’application des chocs, les risques sont supposés indépendants or ce n’est pas le cas dans
la réalité, c’est pourquoi nous utilisons une matrice de corrélation des risques au sein d’une même
branche. Nous obtenons ainsi le SCR par branche.
Les risques se déclinent selon les branches suivantes :
Le risque de marché
Il s’agit du risque lié à l’incertitude associée au rendement et à la valeur des actifs financiers.
Parmi les risques de marché on trouve :
– Risque de taux : il reflète la possibilité de variation de la valeur d’un produit de taux (type obligation) du fait d’une variation des taux d’intérêt sur le marché. Il est évalué par l’intermédiaire
de chocs à la hausse et à la baisse sur les taux utilisés pour le calcul de la valeur de marché du
titre. L’intensité de ces chocs varie en fonction de la duration du support.
– Risque action : il reflète la chute de la valeur d’un actif du fait de la dégradation des marchés
financiers. Il est évalué par l’intermédiaire d’un choc à la baisse sur les marchés action, dont l’intensité varie en fonction du type d’actif étudié. Les taux retenus depuis les dernières spécifications
techniques en octobre 2012 évolueront certainement d’ici la mise en place définitive de la réforme.
– Risque immobilier : il réflète la chute de la valeur d’un actif du fait de la dégradation du marché
immobilier. Il est évalué par l’intermédiaire d’un choc à la baisse de 25 % sur les marché.
– Risque de spread : il correspond à une potentielle dégradation de la qualité d’une contrepartie
obligataire ou d’un débiteur de crédit, dégradation impactant la qualité du portefeuille de crédit
de l’organisme et la probabilité de remboursement au terme de l’opération. Il est évalué par
l’intermédiaire de chocs à la baisse sur la valeur de marché du titre, dont l’intensité varie en
fonction de la notation financière de la contrepartie.
– Risque de devise : ce risque concerne les placements investis dans des devises étrangères et est
calculé par l’intermédiaire d’un choc à la baisse de 25 % de la devise concernée.
– Risque de concentration : il capture le fait qu’une part substantielle des actifs d’un organisme,
sous quelque forme qu’ils soient, peut être souscrite ou placée auprès d’une seule et même structure, conduisant ainsi à un risque supérieur à un autre organisme dont les placements seraient
très diversifiés. Il est calculé sur l’ensemble des actifs soumis au risque action, de spread et immobilier, les autres risques étant suivis au sein du risque de contrepartie.
– Risque lié aux primes contra-cycliques : les primes contra-cycliques s’adressent aux produits de
long terme pour lesquels il sera possible de considérer une augmentation des taux d’actualisation de manière à baisser en parallèle la valeur des passifs et le poids des chocs. Ce sujet fait
actuellement l’objet de nombreuses discussions et négociation entre la commission européenne
d’un part et les représentants des organismes d’assuraance des pays de l’UE. Ceci génère une
forte incertitude sur ces règles et leurs évolutions, qui seront vraisemblablement précisées en 2013.
Le SCR de marché est ensuite calculé par le biais d’une matrice de corrélation entre les différents
catégories de risques, la matrice est définie dans le cadre du QIS5.
59
Risque de contrepartie
Il correspond au défaut potentiel de l’ensemble des tiers auprès desquels l’organisme présente une
créance ou dispose d’une garantie, de quelque sorte qu’elle soit. On distingue deux type de créances :
celles liées à l’activité de l’organisme et à ses placemenents et celles liées à des créances vis-à-vis
d’intermédiaires d’adhérents, de fournisseurs ou du personnel scindées entre les créance ayant moins
de 3 mois de retard et les autres.
Risque intangible
Il s’agit du risque lié aux actifs incorporels. Selon les normes IFRS et Solvabilité 2, les actifs
incorporels sont admis s’ils vérifient la condition de séparabilité, c’est-à-dire qu’ils peuvent être valorisés
et cédés. C’est la cas par exemple des logiciels, lorsqu’ils sont définitivement acquis à l’organisme ou
que la licence pourrait être cédée à un tiers. Le risque lié aux actifs incorporels correspond à une
potentielle dépréciaiton de ces actifs.
Risque de souscription
On distingue le risque de souscription vie, non-vie et santé.
Risque de souscription santé
Il se décompose en plusieurs risques :
– Le risque de souscription similaire à la vie : ce risque est lié à l’incapacité et l’invalidité. Il se
divise en plusieurs sous-risque :
– Le risque de mortalité
– Le risque de longévité
– Le risque d’invalidité
– le risque de rachat
– le risque de révision
– le risque de dépense
– le risque catastrophe
– Le risque de souscription non similaire à la vie : pour ce risque on considère les sous-modules
suivantes :
– Risque de tarification : le SCR requis est fonction des volumes d’activité de l’organisme mais
aussi de la prévision de l’exercice suivant , et de la volatilité des prestations et l’évolution des
primes au cours des dernières années.
– Risque de rachat : ce SCR est calculé lorsque les contrats peuvent être résiliés. Il est évolué
en regardant l’impact d’une hausse des sorties anticipées.
– Risque catastrophe : au sens de Solvabilité 2, le risque catastrophe est adressé selon 3 aspects :
– Stade : risque d’avoir un nombre très important d’assurés regoupés en un seul et même
endroit et victimes d’une catastrophe survenant en ce lieu.
– Concentration : risque lié au fait d’avoir un nombre important d’adhérents situés de manière habituelle au même endroit et par conséquent potentiellement victimes d’une même
catastrophe.
– Pandémie : risque conséquence d’une pandémie affectant le population.
Risque de souscription non-vie
Il reflète le risque correspondant aux engagements d’assurance non-vie. Il est séparé entre le risque
de primes et de réserves, c’est-à-dire le risque de perté lié à la fréquence et à la gravité des événements
assurés, ainsi que la date et le montant des règlements sinistres et le risque de catastrophe en non-vie,
60
reflétant le risque de perte lié aux événements extrêmes ou exceptionnels qui pèse sur les hypothèses
retenues en matière de prix et de provisionnement.
Risque de souscription vie
Il s’agit du risque de perte ou de changement défavorable de la valeur des engagements d’assurances
en raison d’hypothèses inadéquates en matière de tarification ou de provisionnement. Il est divisé
plusieurs sous-risques :
– Le risque de mortalité
– Le risque de longévité
– Le risque d’invalidité
– le risque de rachat
– le risque de révision
– le risque de dépense
– le risque catastrophe
Les garanties étudiées dans cette étude sont le décès et l’incapacité de travail, ainsi seul le risque
de souscription vie et le risque de souscription similaire à la vie, interviennent dans le calcul du SCR.
Une partie sera consacrée au détail de ces risques lors de la description de la mise en place de l’outil.
61
Chapitre 8
Mise en place de l’outil et calcul du SCR
8.1
Mise en place de l’outil
L’objectif de l’outil est de calculer le Best Estimate et le SCR pour un portefeuille d’assurés ayant
souscrit un contrat d’assurance emprunteur. Cet outil permettra dans un second temps d’analyser les
impacts de solvabilité 2 sur les différents enjeux actuels de l’assurance emprunteur.
L’outil consiste en la mise en oeuvre de 2 éléments principaux :
– le calcul du Best Estimate
– le calcul du SCR de souscription
– Vie pour le risque décès
– Non vie similaire à la vie pour le risque incapacité/invalidité
Comme nous l’avons vu précédemment, le calcul du Best Estimate requiert la projection des flux
futurs, on parlera de cash flows.
8.1.1
Projection des flux pour une génération
On définit une génération comme un groupe d’individus ayant la même date de souscription. Les
dates de souscription étant supposées au 01/01/N.
Nous travaillons avec un groupe fermé. Pour chacun des assurés nous avons les caractéristiques
suivantes :
– Age à la souscription
– Date de souscription : identique pour tous les assurés comme nous travaillons pour l’instant sur
une seule génération
– Durée de l’emprunt
– Capital emprunté
– Taux d’emprunt
– Taux d’assurance
Le calcul du Best Estimate est réalisé par l’intermédiaire d’une projection du run-off des comptes
par exercice futur : le Business Plan. L’objectif étant alors de créer un seul Business Plan pour l’ensemble du portefeuille.
62
Le Business Plan se présente de la façon suivante :
(1)
Primes émises
Projetées en fonction des assiettes de primes (ici en % du CI), des
taux (fixe/segmenté) et des taux de chutes
(2)
PPNA début
PPNA fin N-1
(3)
PPNA fin
(4)
Primes acquises
Projeté en fonction des primes
Obtenues à partir des primes émises et des commissions distributeurs
(5)
Commission distributeur
% des primes émises
(6)
Chargement assureur
% des primes émises
(I)
Prime de risque acquise
= (1)+(2)-(3)-(5)-(6)
(7)
Sinistres réglés
Provision sinistres d’ouvertures
Projection des paiements de sinistres propres au risque modélisé
(9)
Provision sinistres de clôture
Projection des provisions de sinistres propres au risque modélisé
(II)
Charge sinistres
= (7)-(8)+(9)
(III)
Résultat technique
= (I)-(II)
(10)
Participation aux bénéfices
Max((III)*tx PB ;0)
(11)
Coûts de gestion
% des primes émises + % des primes acquises + % des sinistres
IV
Résultat brut
(6)+(III)-(10)-(11)
(12)
Impôts sur les sociétés
33 % du résultat brut si résultat brut >0 ; 0 sinon
V
Résultat net
= (IV)-(12)
(8)
Provision sinistres de clôture N-1
On définit :
– Primes émises : correspond au montant de la prime reçue chaque année par l’assureur. Elle s’exprime en pourcentage du capital initial. Notre étude démarre en 2012, donc la population sous
risque diminue chaque année ( conséquence des sorties), ce montant décroit avec les années.
– Primes acquises : P rimes mises +
P P N Adébut−P P N Af in
1−Commission distributeur
– Sinistres réglés : correspond au montant des prestations probables pour le risque décès et le
risque incapacité de travail
– PPNA : la date de paiement de la prime coïncidant pas avec la date d’inventaire, les PPNA sont
nulles.
– Provisions sinistres : ces provisions correspondent à la différence entre la somme des prestations
probables jusqu’à la fin du crédit et la somme des primes probables versées jusqu’à la fin du crédit.
Nous projetons également la marge de solvabilité.
Ces éléments sont définis pour chaque mois k jusqu’au mois du dernier contrat, les éléments relatifs
à un même exercice sont ensuite sommés pour obtenir les comptes annuels. Ces éléments sont dans un
premier temps déterminés pour chacun des assurés séparément, puis sommés afin d’obtenir le Business
Plan correspondant à l’ensemble de la génération.
Les cash-flows sont ensuite déterminés par la formule suivante :
Cash−f lowst = Ft = - Primes émises + Commissions distributeur + Sinistres réglés + PB + Coût de gestion
(8.1)
63
Nous obtenons alors le montant du BE :
BE =
X
δ k ∗ Fk
(8.2)
k≥0
où δ correspond au coefficient d’actualisation.
8.1.2
Projection des flux pour plusieurs générations
Nous cherchons à déterminer le Business Plan pour l’ ensemble d’un portefeuille. Un portefeuille
est composé généralement de plusieurs générations, nous avons besoin d’adapter l’outil afin de créer
un seul Business Plan pour des générations différentes.
Notre Business Plan commence en 2012 mais la première génération date de 1996. Nous projetons
les flux tant qu’il reste un emprunt en cours. La dernière date sera égale à la date de fin du dernier
emprunt.
Pour compléter le Business Plan, que l’on peut voir comme une matrice, nous projetons les flux
assuré par assuré, puis nous incrémentons la matrice assuré par assuré en tenant bien compte de la
date de souscription et de la date de terme pour incrémenter les bons montants aux bons endroits.
8.1.3
Implémentation des chocs
On évalue le SCR au 31/12/12 en appliquant les chocs suivants.
Risque de mortalité
Augmentation du taux de mortalité observé sur le portefeuille pour toutes les années postérieures
à la date d’évaluation soit à partir de 2013.
choqué
= qx+k ∗ (1 + α)
qx+k
D’après les dernières spécifications techniques, α = 15 %.
Risque incapacité/invalidité
Plusieurs chocs liés à ce risque sont appliqués :
Choc sur les taux d’entrée
Choc 1 : Augmentation du taux d’entrée en incapacité/invalidité observé sur le portefeuille pour
l’exercice suivant la date d’évaluation.
choqué
h2013
= h2013 ∗ (1 + γ1 )
Avec hk le taux d’entrée en incapacité l’année k et γ1 , le taux d’augmentation du taux d’entrée pour
l’année du choc égale à 35 %.
Choc 2 : Augmentation du taux d’entrée en incapacité/invalidité observé sur le portefeuille pour
toutes les années strictement postérieures à la date d’évaluation.
hchoqué
= hk ∗ (1 + γ2 )
k
Avec γ2 , le taux d’augmentation du taux d’entrée pour les années strictement postérieures à celle du
choc égale à 25 % soit à partir de 2014.
64
Choc sur le maintien en incapacité / invalidité
Réduction du taux de sortie de l’état d’incapacité/invalidité observé sur le portefeuille, pour toutes
les années postérieures à la date d’évaluation.
i
choqué
= lki,choqué ∗ [1 − (1 − γ3 ) ∗ (1 −
x lk+1
i
lk+1
)]
lki
Risque de catastrophe
Augmentation brutale du taux de mortalité observé sur le portefeuille pour l’exercice suivant la
date d’évaluation.
qxcatastrophe = qx + ζ
Avec ζ le taux de mortalité additionnelle égale à 0.15 % dans les dernières spécifications techniques.
Risque de rachat
Augmentation ou réduction du taux de chutes observé sur le portefeuille pour toutes les années
postérieures à la date d’évaluation.
rkchoqué = rk ∗ (1 + β)
Avec rk le taux de chute paramétré, dans notre cas le taux de chute r sera considéré constant pour
toute la durée du contrat et β le taux d’augmentation des chutes égale à 50 %.
On considère seulement le risque de hausse du taux de rachat car en cas de baisse du taux, le BE
diminue. En effet, compte tenu des profils de risques, les contrats deviennent bénéficiaires sur la fin du
contrat et donc une baisse du taux de rachat entraine une augmentation du résultat et une baisse du
BE.
Risque de frais
Deux chocs sont liés au risque de frais :
Le choc de dépense : augmentation des coûts de gestion des contrats observés sur le portefeuille
pour toutes les années postérieures à la date d’évaluation.
Le choc de dépense inflation : augmentation de l’inflation applicable sur les coûts de gestion des
contrats observée sur le portefeuille pour toutes les années postérieures à la date d’évaluation.
txchoqué
= txk ∗ (1 + ρ) ∗ (1 + i)k
k
Avex tx le taux de frais de gestion paramétré selon 3 composantes :
– % des primes émises
– % des primes acquises
– % des sinistres
ρ le taux d’augmentation des frais égales à 10 % et i le taux d’inflation additionnelle égale à 1 %.
Pour tous ces risques, le SCR lié à chacun des risques est défini par la différence entre la valeur du
BE obtenu après choc et celle du BE non choquée.
Le SCRsouscription
est obtenu par la formule suivante :
sX
SCRsouscription vie =
CorrV(i,j) ∗ SCRi ∗ SCRj
vie
i,j
Le SCRi représente le sous-module i et le SCRj le sous-module j, où i, j indique que la somme des
différents termes doit couvrir toutes les combinaisons possibles de i, j. (i, j) correspondent à l’ensemble
des chocs composant le risque de souscription.
65
CorrV(i,j) est la matrice de corrélation suivante :
Risque vie
Mortalité
Longévité
Invalidité
Dépenses
Révision
Rachat
Catastrophe
Mortalité
Longévité
Invalidité
Dépenses
Révisions
Rachat
Catastrophe
1
-0.25
0.25
0.25
0
0
0.25
1
0
0.25
0.25
0.25
0
1
0.5
0
0
0.25
1
0.5
0.5
0.25
1
0
0
1
0.25
1
Avec SCRDC,j = M ax(0, BEDC,j − BEDC,sanschoc ) pour j correspondant successivement au risque
de mortalité, d’incapacité/invalidité, de rachat, de dépense et de catasprophe.
On ne retient pas les risques de longévité et de révisions car ce sont des risques relatifs à la survie
alors que les risques en assurance emprunteur sont liés au décès.
Parallèlement, on calcule le SCRsouscription
SCRsouscription
N on V ie SLT
N on V ie SLT
=
sX
lié au risque incapacité.
CorrV(i,j) ∗ SCRi ∗ SCRj
i,j
CorrV(i,j) est la matrice de corrélation suivante :
Risque vie
Mortalité
Longévité
Invalidité
Dépenses
Révision
Rachat
Catastrophe
Mortalité
Longévité
Invalidité
Dépenses
Révisions
Rachat
Catastrophe
1
-0.25
0.25
0.25
0
0
0.25
1
0
0.25
0.25
0.25
0
1
0.5
0
0
0.25
1
0.5
0.5
0.25
1
0
0
1
0.25
1
Avec SCRAT,j = M ax(0, BEAT,j − BEAT,sanschoc ) pour j correspondant successivement au risque
de mortalité, d’incapacité/invalidité, de rachat, de dépense et de catasprophe. Comme pour le SCR
Vie, on ne retient pas les risques de longévité et de révision.
66
8.2
8.2.1
Calcul du BE et du SCR de notre portefeuille
Contexte
Paramètres du portefeuille
La population est regroupée par tranche d’ âge et par année de souscription du contrat. Les contrats
ont été souscrits entre 1996 et 2012 correspondant ainsi à 17 générations. On considère que les caractéristiques des INDIVIDUS sont les mêmes quelque soit l’année de soucription du contrat.
Les paramètres des contrats sont les suivants :
Tranche d’âge
20 - 25 ans
26 - 30 ans
31 - 35 ans
36 - 40 ans
41 - 45 ans
46 - 50 ans
51 - 55 ans
56 - 59 ans
60 - 64 ans
64 - 69 ans
Capital initial
105 000 e
115 000 e
120 000 e
105 000 e
90 000 e
70 000 e
60 000 e
55 000 e
55 000 e
55 000 e
Durée moyenne
211
204
193
168
147
123
103
91
92
84
Taux
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
crédit
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
Les paramètres de la population sont les suivants :
Tranche d’âge
20 - 25 ans
26 - 30 ans
31 - 35 ans
36 - 40 ans
41 - 45 ans
46 - 50 ans
51 - 55 ans
56 - 59 ans
60 - 64 ans
64 - 65 ans
Age moyen
23
28
33
38
43
48
53
57
62
65
Répartition population
1.74 %
4.85 %
10.83 %
17.90 %
21.90 %
19.83 %
13.29 %
6.59 %
2.42 %
0.66 %
L’âge moyen est de 43.6 ans.
Paramètres PRODUIT
Les paramètres de la garantie
L’ensemble du portefeuille est couvert pour les risques décès et incapacité de travail. En cas de
décès, le capital restant dû est versé. En cas d’incapacité de travail, les mensualités seront versées à
l’assuré jusqu’au retour à l’emploi, le passage à la retraite ou le décès de celui-ci.
La durée maximum de couverture est égale à la durée du crédit.
Les primes sont mensuelles et l’assiette de la prime est le Capital Initial.
67
L’âge maximum à l’adhésion est de 65 ans.
Le montant maximum des capitaux assurables pour l’ensemble des prêts contractés sur une tête
est fixé à 900 000 e.
Une franchise de 6 mois est appliquée pour la garantie incapacité de travail.
Les paramètres financiers
– Taux de commission distributeur : 8 %
– Taux de chargement assureur : 8 %
– Participation aux bénéfices : 90 %
Paramètres techniques
Comme nous ne disposons pas du détail des sinistres, nous ne pouvons pas recalculer les paramètres
techniques propres à ce portefeuille.
Afin de déterminer les prestations probables, nous utilisons les paramètres techniques déterminés
précédemment à savoir :
– Table de mortalité : 40 % TH00-02
– Taux de rachat : 7.5 %
– Coefficients de sélection médicale : 40/65/85
8.2.2
Calcul du BE
Le calcul du Best Estimate est réalisé par l’intermédiaire d’une projection en run-off des comptes
par exercice futur. Dans notre étude, nous étudions le SCR à fin 2012.
Pour 2013, nous obtenons le compte de résultat suivant
Comptes 2013
(+)
(-)
(-)
Primes émise
Commission distributeur
Chargement assureur
297 815 e
23 825 e
23 825 e
(I)
Prime de risque acquise
250 165 e
(+)
(-)
(+)
Sinistres réglés
Provision sinistres d’ouvertures
Provision sinsitres de clôture
126 362 e
188 095 e
188 113 e
(II)
Charge sinistres
126 381 e
(III)
Résultat technique
123 783 e
Participation aux bénéfices
Coûts de gestion
111 405e
14 440 e
Résultat brut
21 764 e
Impôts sur les sociétés
7 182 e
Résultat net
14 582 e
(IV)
(V)
Afin d’obtenir les cash-flows futurs, nous projetons le compte de résultat sur les exercices suivants.
Cette projection est fondée sur :
68
– Une projection des primes, avec prise en compte des taux de chute et des échéances du portefeuille.
– Une projection de la sinistralité attendue, sur la base du modèle de de tarification en utilisant
les hypothèses de sinistralité définies précédemment.
Nous obtenons ainsi les cash-flows que nous actualisons avec la courbe des taux au 31/12/12 1
fournie par l’ACPR, nous obtenons le BE suivant :
Best Estimate = 109 366 e
8.2.3
Calcul du SCR
Nous appliquons les différents chocs spécifiques à l’assurance emprunteur mentionnés précédemment.
Nous obtenons les résultats suivants :
Souscription VIE
Souscription Santé SLT
BE
82 268 e
120 355 e
BEmortalité
88 294 e
120 365e
BEinvalidité
82 268 e
167 265e
BEcatastrophe
86 776 e
118 348e
BErachat
84 874 e
118 248e
BEf rais
88 710 e
126 728e
SCR
12 238 e
48 896 e
En appliquant la matrice de corrélation définie plus haut, on obtient le SCR suivant :
SCRsouscription = 51 867 e
8.3
Impact des paramètres techniques
On cherche à évaluer l’impact de la précision du calcul des paramètres techniques.
8.3.1
Impact du taux d’abattement
Avec le model point on arrive à un abattement de 60 % de la table de mortalité TH00-02, l’étude du
portefeuille tête par tête aurait peut être amener à un coefficient légèrement différent de celui obtenu
avec le model point, cependant on constate que cela n’altère pas la qualité des résultats.
En considérant par exemple un écart de 2 points sur le taux d’abattement, on obtient les résultats
suivants :
40 % TH00-02
42 % TH00-002
Best Estimate
109 366 e
111 364 e
EM S
153 884 e
153 846 e
SCR
74 893 e
74 955 e
1. Annexe 2
69
Une augmentation de 2 points du taux d’abattement entraine une augmentation de 2 % du
Best Estimate et une augmentation inférieure à 0.1 % du SCR. Un écart de 2 points du taux d’abattement conduit à des résultats presque identiques en terme de solvabilité.
8.3.2
Impact du taux de rachat
Nous regardons l’impact d’une hausse de 1 point du taux de rachat, ainsi nous considérons un taux
de rachat de 8.5 % au lieu de 7.5 % initialement.
7.5 %
8.5 %
Best Estimate
109 366 e
95 187 e
EM S
153 884 e
125 161 e
SCR
74 893 e
71 148 e
Une augmentation de 1 point du taux de rachat entraine une augmentation de plus de 20 % du
Best Estimate et une diminution de 5 % du SCR.
Une augmentation de 1 point du taux de rachat entraine des résultats assez éloignés en terme de
provisionnement mais plus modéré en terme de solvabilité. Ainsi, le degré de précision du taux utilisé
dépendra des résultats recherchés. Pour notre étude, nous avons choisi un taux de rachat par tranches
d’âges afin d’obtenir des résultats plus précis.
70
Chapitre 9
Solvabilité 2 et les enjeux actuels de
l’assurance emprunteur
Les enjeux actuels de l’assurance emprunteur se trouvent à plusieurs niveaux : comme nous l’avons
développé dans le premier chapitre, deux des principaux enjeux sont l’équilibre de distribution des
contrats : contrats individuels ou contrats groupes et la compétitivité des tarifs en assurance individuelle. Un troisième enjeu est lié au mode de rémunération des distributeur dans le cas des contrats
groupe. Nous étudierons ces enjeux et notamment l’impact de Solvabilité 2.
Afin de modéliser l’impact de Solvabilité 2 sur les enjeux actuels de l’assurance emprunteur nous
considérons plusieurs scénarios. A la suite de la modélisation de ces scénarios, nous construisons le
bilan en normes Solvabilité 2 et analysons les impacts.
Pour la suite de l’étude, les bilans sont présentés de la façon suivante :
L’exigence de marge de solvabilité correspond à la somme des marges de solvabilité relative au
risque vie et relative au risque non-vie à la date T=0. Les formules de ces deux marges de solvabilité
ont été explicitées au chapitre précédent.
A la date T=1, le bilan est présenté dans les normes Solvabilité 2. La valeur de l’actif correspond
alors à la valeur de marché et non plus à la valeur nette comme c’est le cas dans Solvabilité 1. Considérant que la valeur de marché est supérieure à la valeur nette, on décide arbitrairement que l’actif à
la date 1 est égal à 110 % du montant initial de l’actif.
Le BE est obtenu par la formule 8.2 et la RM par l’approximation 7.4.
71
Enfin, les fonds propres sont obtenus par différence. On vérifiera que dans chacun des scénarios,
ces fonds propres sont bien supérieurs au SCR.
9.1
Le mode de distribution des contrats
Le premier angle d’analyse consiste à regarder les impacts de solvabilité 2 sur les deux modes de
produits en assurance emprunteur : le produit groupe et le produit individuel.
Les principales différences entre ces deux types de contrats sont la population et les marges obtenues.
Le scénario 1 correspondra à la modélisation de contrats individuels, tandis que le scénario 2
correspondra à la modélisation de contrats groupe.
Scénario 1
Population On consière la répartition suivante :
Paramètres On considère les frais suivants :
Frais assureur : 20 %
Frais commission distributeur : 10 %. (Dans le cas de contrat individuel, il n’y a pas nécessairement
de distributeur, s’il y en a un c’est le plus souvent le courtier.)
Frais de gestion : les frais de gestion se décomposent en trois composantes :
– 2 % des primes émises
– 2 % des primes acquises
– 2 % des sinistres
Prime commerciale La Prime est déterminée de façon à obtenir un S/P soit de 95 % correspondant au S/P moyen en assurance emprunteur. Avec la population décrite, on obtient une prime
commerciale égale 0.182 % du Capital Initial.
72
Scénario 2
Population On considère la répartition suivante :
En cohérence avec les caractéristiques des contrats individuels, la population des contrats individuels est plus jeune que dans le cas de contrat groupe.
Paramètres et prime commerciale On considère la structure de prime suivante :
Frais assureur
8%
Frais commission distributeur
8%
Sinistres
47 %
Marge technique
37 %
Le pourcentage de Marge Technique est obtenu à partir des trois autres composantes de la prime
qui elles sont fixées. La Marge Technique correspond au résultat de la sinistralité.
Afin d’obtenir une telle prime, on détermine la prime commerciale telle que le S/P soit de 56 %.
Ce S/P cible est obtenu par le calcul suivant :
S/P cible =
47
= 56
47 + 37
On obtient une prime égale à 0.361 % du Capital Initial.
Le distributeur, dans le cas d’un contrat groupe il s’agit généralement du banquier, perçoit 8 %
des primes auxquelles on ajoute 90 % de participation aux bénéfices, c’est-à-dire 90 % de la marge
technique
Résultat
On obtient les résultats suivants :
Scénario 1
Scénario 2
- 187 043 e
109 366 e
EM S
198 495 e
153 884 e
SCR
161 569 e
51 867 e
P rovisions sinistres
196 058 e
188 095 e
Best Estimate
73
Les résultats nous conduisent aux bilans suivants :
Notons que le SCR évalué ici correspond aux seuls risques de souscription, ceci afin de fournir une
vision plus adaptée et précise des enjeux "type de produit".
Le BE est beaucoup plus élevé dans le cas des contrats groupe ce qui s’explique par l’intégration
de la participation aux bénéfices qui vient augmenter les Cash Flows. En revanche, le montant du
SCR est beaucoup plus faible ce qui s’explique aussi par l’intégration de la participation aux bénéfices qui absorbe les chocs. L’impact de la participation aux bénéfices sera détaillé dans le paragraphe 3.
Les ratios de rentabilité, obtenus par le rapport entre le résultat net et le SCR, et les ratios économique, obtenus par le rapport entre les fonds propres et le SCR, sont à peu près équivalents pour les
deux scénarios. Le ratio de rentabilité est autour de 25 % tandis que le ratio économique est autour de
425 %. Le ratio de rentabilité permet à l’assureur de savoir si son activité lui sera rentable ou non. Le
ratio économique permet de valider que les fonds propres sont bien supérieurs au SCR.
On observe cependant des écarts entre le ratio SCR/Prime et EM S/Prime des deux scénarios.
Ceux des contrats groupe sont sensiblement plus élevés.
Dans les deux cas, on observe une diminution du ration SCR/ Prime, la baisse est plus significative
pour les contrats groupes que pour les contrats individuels. Ceci s’explique essentiellement par deux
éléments : le premier est que la dépendance de l’EM S avec les primes, pour les branches non vie,
disparait dans l’évaluation du SCR. Le second est la forte baisse du SCR dans le cas des contrats
groupe.
74
9.2
La competitivité des prix en assurance individuelle
Un des points les plus importants de l’assurance individuelle est l’étape de souscription. Comme
nous l’avons vu précédemment, l’assurance individuelle se caractérise par un tarif très segmenté qui
amène à l’enjeu principal de l’assurance individuel : la baisse des prix constante des contrats individuels
ces dernières années pour les populations à faibles risques.
Nous allons étudier ici l’impact de la baisse des prix sur la Solvabilité de l’assureur.
Pour cela, nous considérons les deux scénarios suivants :
Scénario 1
Nous considérons le même scénario que le scénario 1 définit précédemment.
Scénario 3
Population La population est la même que pour le scénario 1.
Paramètres Les frais assureurs et de commission sont les mêmes que pour le scénario 1, soit respectivement 20 % et 10 %. De même, on considère que les coûts de gestion sont identiques.
Prime commerciale La baisse des prix se caractérise par une hausse du S/P, ainsi on détermine
la prime commerciale telle que le S/P soit de 100 %. On obtient une prime commerciale de 0.173 % du
Capital Initial soit une baisse de 5 % par rapport à la prime commerciale considérée dans le scénario
1.
75
Résultat
On obtient les résultats suivants :
Scénario 1
Scénario 3
- 187 043 e
-135 310 e
EM S
198 495 e
197 718 e
SCR
161 569 e
206 028 e
P rovisions sinistres
196 058 e
196 058 e
Best Estimate
Le bilan du scénario 1 est le même que celui présenté précédemment.
Le bilan obtenu pour le scénario 3 est le suivant :
A la date T=0 : la population simulée est identique pour les deux scénarios donc la sinistralité et
les primes pures sont identiques, ainsi les provisions sont égales.
L’exigence de marge se compose de la marge de solvabilité vie et de la marge de solvabilité non
vie, concernant la marge de solvabilité vie elle est uniquement liée à la sinistralité du portefeuille donc
elle est identique pour les deux scénarios. Concernant la marge de solvabilité non vie, elle est proportionnelle à la prime commerciale ce qui explique que l’exigence de marge de solvabilité soit légèrement
plus faible dans le second scénario.
A la date T=1 : le BE est beaucoup plus élevé dans le deuxième scénario (+52k e), s’expliquant par
la baisse des primes émises (-5 %). Cependant, pour les deux scénarios le BE est négatif ce qui signifie
que l’assureur n’a pas à mettre de provisions de côté. Dans le scénario de baisse des prix, l’augmentation
du BE, entraine une augmentation de la RM et donc une diminution des fonds propres. De plus, on
observe une augmentation du SCR. Ces deux éléments conduisent à une diminution de plus de 100
points du ratio économique. Il passe de 422 % dans le scénario 1 à 300 % dans le scénario 3.
Si nous comparons le ratio économique sous Solvabilité 1 égal au rapport entre les fonds propres
et l’EM S au ratio économique sous Solvabilité 2,on constate que dans le scénario 3, il est plus élevé
que dans les normes solvabilité 2, alors que nous observons le résultat inverse dans le scénario 1.
76
Ainsi, la recherche de compétitivité des prix entraine une diminution significative du ratio économique et la différence entre les ratios des deux scénarios est encore plus significative dans les normes
Solvabilité 2. Le ratio de couverture reste néanmoins très satisfaisant.
D’autre part, le ratio de rentabilité diminue aussi dans le scénario 3. La rentabilité est le revenu
généré pour 1 e de capital immobilisé. Pour exercer son activité, l’organisme doit immobiliser le SCR
/ l’EM S. La rentabilité mesure ce que rapporte l’activité (résultat net) par rapport au montant immobilisé. C’est ce qui déterminera l’activité sur laquelle un opérateur gagne le plus.
Dans la recherche de compétitivité des prix, l’assureur risque de perdre à la fois au niveau économique, c’est-à-dire au niveau de la couverture de ses fonds propres mais aussi au niveau de sa
rentabilité. Concernant ces deux ratios, on note que les mutuelles et institutions de prévoyance, dans
un souci d’équilibre de l’entreprise et non de profits regarderont plutôt le ratio économique tandis que
les sociétés d’assurance regarderont plutôt la rentabilité afin de savoir si leur activité est viable.
Concernant le ratio EM S/Prime et SCR/Prime, il augmente dans le scénario de baisse des prix.
La hausse est moins significative pour le ratio EM S/Prime qui augmentate de 5 % contre 34 % pour
le second ratio.
77
9.3
Les bénéfices du marché emprunteur en assurance de
groupe
La question de la participation aux bénéfices en assurance emprunteur est revenue au coeur des
débats suite à la décision du Conseil d’Etat le 23/07/2012. Il est important de rappeler le contexte de
cette participation aux bénéfices : avant 2007, les contrats emprunteurs, en tant que contrats collectifs
décès, étaient d’après l’arrêté A331 − 3 du Code des Assurances exclus de l’assiette de calcul de la
participation aux bénéfices redistribuée ensuite aux assurés. La dites participation aux bénéfices versée
au distributeur étaient alors discrétionnaire, tant du point de vue du montant (défini contractuellement)
que du bénéficiaire (la banque).
Or, en 2007, cet arrêté a été tout d’abord modifié, supprimant l’exclusion des contrats groupes
sur le décès de l’assiette de calcul de la participation aux bénéfices et, de fait, réintégrant les contrats
emprunteurs et les participations aux bénéfices versées dans cette contrainte. Depuis cet arrêté, l’ensemble du marché a modifié les conditions de rémunération des distributeurs, via en particulier un
renforcement des commissions, ceci en particulier afin d’éviter une double contrainte, voire un double
paiement de cette participation aux bénéfices (une aux assurés et une aux distributeurs).
Le 23/07/2012, le Conseil d’Etat a par ailleurs prononcé la nullité de l’arrêté et de fait imposé
cette intégration des contrats groupe décès dans la contrainte de participation aux bénéfices depuis
l’origine de l’arrêté, c’est-à-dire sur la période 1997 - 2007. Notons cependant que cette contrainte de
participation aux bénéfices est globale au niveau de l’assureur, et non cantonnée aux contrats emprunteurs, si bien que, via les contrats d’épargne en euros en particulier, les assureurs remplissaient bien
cette contrainte. Nous pouvons par conséquent considérer que cette mesure a été sans effet, malgré les
réclamations d’UFC-Que-Choisir quant au remboursement de ces montants aux assurés.
L’objectif de ce paragraphe est de modéliser la suppression de la rémunération des banquiers via la
participation aux bénéfices et l’augmentation des commissions qui en a découlée. Pour ce faire, nous
schématisons les deux scénarios suivants :
Scénario 2
Il correspond au scénario 2 défini précédemment où la participation aux bénéfices était égale à 90
% du résultat technique.
Scénario 4
Population La population soumise au risque est la même que dans le scénario 2.
Paramètres et prime commerciale L’intégralité de la rémunération du banquier est transformée en commission fixe, ceci afin que le banquier ne soit pas lésé.
Ainsi on détermine la commission distributeur par le calcul suivant :
Commission distributeur = 8%primes émises+90%M arge T echnique = 8%primes émises+90%∗37% = 41.3%
La composante sinistre et frais assureur restant identiques, on a :
M arge T echnique = 1 − 47% − 8% − 41.3% = 3.7%
Le scénario 4 peut alors se schématiser par la strucutre de prime suivante :
78
Frais assureur
8%
Frais commission distributeur
41.3 %
Sinistres
47 %
Marge technique
3.7 %
On conserve la même prime commerciale afin de n’observer que l’impact de la suppression de la
participation aux bénéfices remplacée par une augmentation de la commission distributeur.
Scénario 2
Scénario 4
Best Estimate
109 366 e
- 83 584 e
EM S
153 884 e
153 884 e
SCR
51 867 e
187 633 e
P rovisions sinistres
188 095 e
188 095 e
La prime commerciale et la population étant identiques dans les deux scénarios, les provisions sinistres et l’exigence minimum de marge sont identiques : le bilan à la date T=0 est le même dans les
deux situations.
A T=1 en revanche les bilans sont différents :
On observe une diminution importante du BE de - 192 950k e soit 155 %. Dans un premier
temps, il apparait surprenant que les BE soient si éloignés. En effet le calcul du BE fait intervenir les
composantes suivantes :
– Primes émises (1)
– Commission distributeur (2)
– Charge sinistre (3)
– PB (4)
– Coût de gestion (5)
Or les éléments (1) et (3) sont identiques puisque la population simulée est identique pour les deux
scénarios.
Nous observons ici une certaine incongruité : nous avons défini la nouvelle commission distributeur
de façon à avoir une équivalence entre la commission distributeur du scénario 4 et la somme de la
79
commission distributeur et de la participation aux bénéfices du scénario 2. Ces différents éléments
laissent ainsi penser que les BE devraient être très proches.
Cependant, il faut se rappeler que nous travaillons avec un portefeuille en run-off que nous étudions
seulement à partir de 2012 alors que les générations commencent en 1996. Ainsi, l’équivalence de ce
que reçoit le distributeur est bien respectée mais elle est respectée sur l’ensemble des générations
et pas forcément sur un run-off. Comme nous n’observons pas les générations précédentes dans leur
intégralité nous n’avons pas l’équivalence. Cependant, si l’on simule une seule population que l’on
étudie du premier contrat jusqu’au terme du dernier contrat, les BE obtenus sont effectivement très
proches.
Ainsi les écarts s’expliquent par le fait que le BE n’est calculé qu’à partir de 2012, période à partir
de laquelle le portefeuille est en déclin.
Le SCR augmente de 112 ke soit 151 % dans le cas où il n’y a plus de participation aux bénéfices, cela
s’explique par le fait que la participation aux bénéfices a pour effet d’absorber les chocs. Lorsqu’une
partie de la rémunération se fait via le versement d’une participation aux bénéfices, une partie du
risque est portée par le bénéficiaire de la participation ; ainsi, en cas de hausse de la sinistralité, le
distributeur prend en charge une partie des sinistres, ici 90 % des sinistres.
Si l’on étudie les évolutions du résultat net en cas de hausse des sinistres, on observe effectivement
que la diminution du résultat est plus modérée dans le scénario avec participation aux bénéfices.
Avec PB
Sans PB
Résultat net avec Sinistres réels
19 658 e
97 133 e
Résultat net avec Sinistres + 10 %
18 811 e
85 665 e
-4 %
-9 %
Evolution du résultat
Finalement, l’augmentation du SCR dans le scénario 4 est plus importante que l’augmentation des
Fonds Propres ce qui entraient une diminution significative du ratio économique (-175 points).
Le ratio de rentabilité diminue et le ratio SCR/Prime augmente dans le cas où il n’y a plus de
participation aux bénéfices. La rentabilité diminue malgré que le résultat net soit plus élevé.
Ces trois études nous montrent qu’en partant de bilans initiaux assez proches les résultats autant
sur le SCR que sur les ratios économiques et de rentabilité peuvent être très éloignés. On retiendra que
la recherche de compétitivité des prix conduit à une baisse à la fois du ratio économique et du ratio de
rentabilité tandis que la suppression de la participation aux bénéfices conduit à une augmentation du
SCR et donc du ratio SCR/Prime.
80
Conclusion
Le marché de l’assurance emprunteur est spécifique tant au niveau du mode de distribution des
contrats que du portefeuille assuré. La spécificité du portefeuille conduit aux calculs de paramètres
techniques utilisés pour la tarification et le provisionnement. De ces calculs, on conclut qu’un taux
d’abattement doit être appliqué à la table de mortalité ; ce taux est relativement élevé du fait que les
populations d’un portfeuille d’assurance emprunteur ont une meilleure sinistralité que la moyenne. De
plus, l’ancienneté dans le crédit, et donc implicitement la sélection médicale, influent sur la sinistralité ; d’où l’application de coefficients de sélection médicale sur la table de mortalité. L’impact de la
sélection médicale est limitée au trois premières années. Enfin, afin de modéliser au mieux l’évolution
de la population, le calcul du taux de rachat propre au portefeuille est nécessaire.
Ces paramètres nous ont permis de mieux comprendre les spécificités de l’assurance emprunteur
mais aussi de quantifier les enjeux du marché par la construction d’un outil de projection et de calcul
du SCR. Ainsi, concernant les deux enjeux majeurs du marché à savoir la compétitivité des prix en
assurance individuelle et l’équilibre du marché entre les contrats groupes et les contrats individuels,
on retient que la compétitivité des prix en assurance individuelle conduit à une diminution des ratios
de couverture et de rentabilité. De plus, dans les normes solvabilité, la baisse des tarifs peut conduire
à des ratios de couverture bien inférieurs à ceux des normes actuelles. Concernant, le second enjeu, les
ratios de couverture et de rentabilité sont similaires même si le SCR des contrats groupes est presque
trois fois plus faible que celui des contrats individuels.
Concernant ce dernier enjeu, l’équilibre du marché entre les contrats groupe et les contrats individuels n’est pas encore trouvé, tant au niveau du mode de distribution qu’au niveau du portefeuille
assuré.
A la demande du ministre de l’Economie, le CCSF devait remettre pour fin mai 2013 un rapport
sur l’assurance emprunteur. Ce rapport doit notamment étudier la possibilité du rachat sur encours
pour le consommateur. Cette mesure, visant à apporter plus de concurrence et donc des tarifs plus
attractifs, risque toutefois de mettre à mal le principe de mutualisation sur lequel repose le contrat
groupe. A jour aucune réponse n’a été apportée dans le domaine de l’assurance emprunteur et l’analyse
est reportée à janvier 2014.
L’enjeu actuel des banques est donc plus que jamais de défendre leur part de marché et de conserver
un portefeuille diversifié afin d’être en capacité d’offrir à tous les emprunteurs la possibilité de souscrire
une assurance à un coût acceptable. Sans celà, les populations à risques élevés pourraient être confrontés
à une hausse importante des tarifs. Sans mesure de régulation, ces populations pourraient même être
exclues du marché de l’assurance et donc se retrouver dans l’impossibilité de contracter un prêt.
81
Annexe 1 : Notations utilisées
Notations relatives à l’assurance emprunteur et à la tarification
CI : Capital Initial
CRD(k) : Capital Restant Dû à la k epériode
M (k) : Mensualité de la k epériode
V APARi : Engagement de l’assureur relatif au risque i
V APAEi : Engagement de l’assuré relatif au risque i
P EC(k) : Probabilité d’être toujours présent à la ke période
pT (x, y, d) : Probabilité pour un individu d’âge T de passer de l’état x vers l’état y après avoir
passé d périodes dans l’état x.
Notations relatives à la solvabilité
EM S : Exigences minimume de marge
RM : Risk Margin
BE : Best Estimate
SCR : Solvency Requirement Capital
82
Annexe 2 : Courbe des taux au 31/12/12 fournie par l’EIOPA
83
Annexe 3 : Expression du Capital Restant Dû à toute date
k
CI =
d
X
1
Mk
(1 + i)k
Dans le cas d’une mensualité constante, l’égalité devient
CI = M ∗
d
X
1
1 d
1 − ( 1+i
)
1
=
M
∗
k
i
(1 + i)
D’autre part, si on note ak l’amortissement à la date k.
Mk = ak + CRDk ∗ i
Et
ak = CRDk − CRDk+1
Ainsi, comme les mensualités sont constantes :
Mk = Mk−1 ⇔ ak + CRDk = ak−1 + CRDk−1 ∗ i
D’où ak = ak−1 + i ∗ CRDk−1 − CRDk
{z
}
|
ak−1
On obtient ak = a1 ∗ (1 + i)k − 1
Comme
CRDk = CI −
k
X
at
t=1
,
CRDk = CI −
k
X
a1 ∗ (1 + i)i − 1
t=1
D’après 9.1, on obtient : a1 = CI ∗ i ∗
1
(1+i)d −1
D’où
CRDk = CI ∗ [
(1 + i)d − (1 + i)k
]
(1 + i)n − 1
84
(9.1)
Bibliographie
[1] www.eurostat.com.
[2] Fédération française des sociétés d’assurance, www.ffsa.fr. Rapport 2010.
[3] www.empruntis.com.
[4] www.meilleurtaux.com.
[5] www.travail-emploi.gouv.fr. Rapport 2012.
[6] L’ACP lance un exercice de préparation aux états prudentiels solvabilité 2. La revue de l’ACP,
avril-mai 2013.
[7] Formation Actelior. Comment tirer profit de la loi Lagarde ?
[8] Alexis BIENVENUE. Cours Modèle de Markov.
[9] CCSF. www.banque-france.fr/ccsf/fr. Avis du Comité consultatif du secteur financier sur le bilan
de la réforme de l’assurance emprunteur par la loi Lagarde du 1er juillet 2010.
[10] Marie-Laure Dreyfuss. Les grands principes de Solvabilité 2. l’Argus de l’Assurance, 2012.
[11] Observatoire du credit logement. www.credilogement.fr/Observatoire.asp.
[12] Site du Senat : Projet de loi portant reforme du credit à la consommation. www.senat.fr.
[13] David ECHEVIN. Assurance emprunteur, loi Lagarde, ce qui a changé. Courtage News, septembre
2011.
[14] Edouard Lederer. Assurance-emprunteur : le projet d’un nouveau durcissement fait débat. Les
Echos.
[15] Journal officiel de l’Union Européenne.
[16] Frederic PLANCHET. Cours Modeles financiers en assurance.
[17] TNS Sofres. Sondage sur l’assurance emprunteur, mars 2012.
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